1. Introduction
1. En 2009, l’entrée en vigueur
du Traité de Lisbonne a annoncé le début d’une nouvelle ère pour l’Union européenne
(UE), qui a placé le respect des droits humains, de la démocratie
et de l’État de droit au tout premier plan des politiques de l’UE
et a fait de l’adhésion de cette dernière à la Convention européenne des
droits de l’homme (STE n° 5) une obligation juridique. Le nouvel
accent mis sur les valeurs fondamentales et l’architecture européenne
ainsi redessinée – avec des pouvoirs accrus pour le Parlement européen
et une personnalité juridique à part entière pour l’Union européenne
– a ouvert de nouvelles perspectives de partenariat renforcé entre
le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, et entre l’Assemblée
parlementaire et le Parlement européen.
2. Plus de 10 ans après, sur la base d’une proposition de résolution
déposée par l’ancienne présidente de
la commission des questions politiques et de la démocratie, Mme Ria Oomen‑Ruijten,
le présent rapport fait le point sur les réalisations majeures du
partenariat stratégique entre les deux organisations tout en recensant les
priorités, les défis et les perspectives futurs. Il indique aussi
comment approfondir le partenariat stratégique entre le Conseil
de l’Europe et l’Union européenne et étudie les moyens de renforcer
les relations interparlementaires.
3. Lors de l’élaboration du présent rapport, j’ai pu m’appuyer
sur des échanges de vues avec de hauts responsables du Conseil de
l’Europe et de l’Union européenne, que ce soit dans le cadre de
réunions bilatérales ou d’auditions de la commission. J’ai aussi
effectué une visite d’information, les 23 et 24 février 2022, auprès
des institutions de l’Union européenne.
4. Le 24 février, alors que j’avais des réunions à Bruxelles,
la Fédération de Russie a lancé une agression contre l’Ukraine.
Ceci est une violation grave du droit international et constitue
une menace majeure pour la paix et la sécurité, ce qui aura d’immenses
conséquences pour l’architecture européenne, y compris les relations
entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne. L’impact des
événements en cours n’a pas pu être pleinement pris en compte dans
le présent rapport. Une réflexion plus approfondie s’impose, au
plus haut niveau politique, pour définir les relations entre le
Conseil de l’Europe et l’Union européenne dans le nouveau contexte
géopolitique, en vue de mieux défendre et promouvoir nos valeurs
communes.
2. Les clés d’un partenariat réussi: synergie,
complémentarité et absence de doublons
5. Depuis l’entrée en vigueur
du Traité de Lisbonne, l’Assemblée suit de près la mise en œuvre
de cet instrument dont elle évalue les répercussions sur les relations
entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, en n’ayant de
cesse de préconiser des synergies et une complémentarité et de mettre
en garde contre les doubles emplois, conformément au Mémorandum
d’accord de 2007 entre les deux organisations qui précise que «l’Union
européenne considère le Conseil de l’Europe comme la source paneuropéenne
de référence en matière de droits de l’homme» et que «le Conseil
de l’Europe restera la référence en matière de droits de l’homme,
de primauté du droit et de démocratie en Europe».
6. De façon similaire, le Comité des Ministres du Conseil de
l’Europe a maintes fois souligné sa détermination à renforcer la
coopération entre les deux organisations, sur la base d’un engagement
commun en faveur d’un multilatéralisme efficace. Il a de nouveau
encouragé l’Union européenne à adhérer aux instruments du Conseil
de l’Europe, en particulier la Convention européenne des droits
de l’homme
, comme indiqué dans le Traité de
Lisbonne.
7. Dans le cadre stratégique du Conseil de l’Europe pour la période
2022-2025, présenté par la Secrétaire Générale, le premier résultat
attendu est précisément l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne
des droits de l’homme, définie comme une priorité essentielle tant
pour le Conseil de l’Europe que pour l’UE.
3. Évolution
de la nature des compétences de l’Union européenne
8. Je pense que l’expansion post-Lisbonne
des activités de l’UE dans des domaines couverts par le mandat statutaire
du Conseil de l’Europe et qui touchent à la démocratie, aux droits
humains et à l’État de droit est en soi positive. Non seulement
elle met fortement l’accent sur la démocratie, les droits humains
et l’État de droit au niveau interne dans tous les pays de l’UE,
mais elle fait aussi de l’Union un acteur clé et un ardent défenseur
de ces valeurs sur la scène internationale, notamment par son action
extérieure. En raison de ce chevauchement de compétences, il est
toutefois capital d’éviter les doubles emplois et le risque de divergence des
normes, raison supplémentaire de renforcer le dialogue et la coopération
entre les deux organisations.
9. Conformément à l’approche choisie par les précédents rapporteurs
de l’Assemblée sur le Traité de Lisbonne, j’ai décidé de ne pas
aborder le domaine des migrations et de l’asile, qui est traité
en détail par la commission des migrations, des réfugiés et des
personnes déplacées à travers un large éventail de rapports et d’activités.
En outre, le présent rapport n’a pas pour objet d’évoquer la vaste
gamme des activités de coopération entre le Conseil de l’Europe
et l’Union européenne; certains aspects ont été omis, car ils ont récemment
été couverts par d’autres initiatives de l’Assemblée.
3.1. Démocratie
10. Le Traité de Lisbonne formule
les trois principes fondamentaux suivants: l’égalité démocratique,
en vertu de laquelle l’Union européenne doit respecter le principe
de l’égalité de ses citoyens, qui doivent bénéficier d’une attention
égale de la part de ses institutions, organes et organismes; la
démocratie représentative, qui signifie que les citoyens de l’Union
européenne sont directement représentés par le Parlement européen;
et la démocratie participative, en vertu de laquelle les citoyens
de l’Union européenne ont le droit de participer aux décisions de
l’Union européenne et d’interagir avec ses institutions, par exemple par
le biais du dialogue avec les organisations de la société civile
dont ils sont membres.
12. Le traité confère également au Parlement européen un rôle
plus important dans la définition de l’orientation politique de
l’UE, puisqu’il acquiert le pouvoir d’élire le président ou la présidente
de la Commission européenne, une décision qui doit refléter les
résultats des élections européennes et, par conséquent, le choix des
électeurs.
13. Dans cette optique, le Traité de Lisbonne cherche à créer
une relation directe plus forte avec les citoyens. À cette fin,
il introduit les mesures suivantes:
- il demande aux institutions de l’UE de maintenir un dialogue
ouvert, transparent et régulier avec les associations représentatives
et la société civile et, plus particulièrement à la Commission de
procéder à de larges consultations avec les parties concernées afin
de garantir la cohérence et la transparence des actions de l’Union;
- il donne aux citoyens européens la possibilité de déclencher
le processus législatif de l’UE par le biais de l’initiative
citoyenne, par laquelle au moins un million de citoyens peuvent,
sous certaines conditions, inviter la Commission à soumettre une
proposition;
- il rend la Charte des droits fondamentaux juridiquement
contraignante, en lui conférant la même valeur juridique que les
traités de l’UE.
14. À ce jour, six initiatives citoyennes sont parvenues à réunir
un nombre suffisant de signatures et à remplir les conditions d’enregistrement
pour être présentées. Toutes ont été examinées par la Commission, qui
a décidé de donner des suites non législatives à deux d’entre elles
– concernant la vivisection et l’initiative intitulée «Minority
Safepack» –, tandis que deux autres – concernant des questions liées
à l’eau et à l’environnement – ont amené l’UE à introduire une nouvelle
législation.
15. Ces dernières années, outre son propre fonctionnement démocratique,
l’UE a commencé à s’intéresser davantage à la question de la démocratie
dans ses États membres. Cette nouvelle priorité apparaît dans le nouvel
élan pour la démocratie choisi parmi les six priorités politiques
de la Commission dirigée par Ursula van der Leyen
. De plus, pour la première fois,
un membre de la Commission est spécifiquement chargé des questions
de démocratie et de démographie. La lettre de mission de la commissaire
Dubravka Šuica, également vice-présidente de la Commission, mentionne
spécifiquement parmi les sujets relevant de sa compétence la participation
des jeunes, la non-discrimination et les droits de l’enfant, ainsi
que l’organisation de la Conférence sur l’avenir de l’Europe
.
16. La Conférence sur l’avenir de l’Europe est le premier exercice
de démocratie participative réalisé à grande échelle au niveau européen
. Par le biais de panels de citoyens,
de conférences et d’autres événements en ligne et en présentiel,
elle aborde des sujets tels que le changement climatique et l’environnement,
les valeurs et les droits, l’État de droit et la sécurité, la transformation
numérique, la démocratie, les migrations et l’UE dans le monde.
Elle devrait aboutir à des conclusions au printemps 2022. Le Parlement
européen, le Conseil européen et la Commission européenne se sont
engagés à donner suite aux recommandations de la Conférence dans
leurs domaines de compétence respectifs.
17. Si la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe a assisté
à l’ouverture de la Conférence à Strasbourg, le Conseil de l’Europe
en tant qu’organisation n’y a pas été associé. Comme on me l’a fait
remarquer lors de ma visite à Bruxelles, cela n’est pas surprenant,
car l’exercice n’était pas supposé avoir un caractère institutionnel,
mais un caractère participatif avec la participation active des
citoyens et des gens ordinaires.
18. L’avenir de l’Europe concerne tous les Européens, qu’ils soient
citoyens d’États membres de l’Union ou non. Cet avenir englobera
plusieurs sujets qui constituent les valeurs centrales de notre
Organisation. Bien que le Conseil de l’Europe ne soit pas associé
à l’organisation de la Conférence d’un point de vue officiel et institutionnel,
je pense qu’il conviendra qu’il reste vigilant et attentif aux recommandations
qui émergeront des différents panels de citoyens et qu’il les prenne
en compte dans ses propres travaux.
19. En décembre 2020, la Commission européenne a présenté son
Plan d’action pour la démocratie européenne
, qui vise à donner aux citoyens les
moyens d’agir et à construire des démocraties plus résilientes dans
l’ensemble de l’UE, moyennant trois grands axes d’intervention,
à savoir la promotion d’élections libres et équitables, le renforcement
de la liberté des médias et la lutte contre la désinformation. En 2023,
soit un an avant les prochaines élections européennes, la Commission
examinera la mise en œuvre du Plan d’action. Il est évident que
la coopération régulière déjà établie en ce qui concerne la mise
en œuvre du Plan d’action était essentielle pour assurer la cohérence
et renforcer l’influence de chacun sur le terrain, dans un domaine
qui est devenu stratégique pour assurer la sécurité démocratique
de nos États membres.
20. Le 25 novembre 2021, la Commission a adopté un ensemble de
mesures pour renforcer la démocratie et protéger l’intégrité des
élections. Cet ensemble comprend une communication
, une proposition de règlement relatif
à la transparence et au ciblage de la publicité à caractère politique
, deux propositions législatives fixant
les modalités de l’exercice du droit de vote et d’éligibilité aux
élections municipales et aux élections au Parlement européen pour
les citoyens de l’Union résidant dans un État membre dont ils n’ont
pas la nationalité
et une proposition législative visant
à refondre les règles de l’UE sur le financement des partis et des
fondations politiques européens
.
21. Dans le domaine de la liberté des médias, la Commission présentera
une initiative pour lutter contre l’utilisation abusive des poursuites
stratégiques contre la mobilisation publique (SLAPP), question sur
laquelle l’Assemblée travaille aussi avec un rapport en préparation
de la commission de la culture, de la science et des médias
. La Commission coopérera aussi étroitement
avec les États membres de l’UE moyennant un dialogue structuré et
un financement durable de projets d’assistance juridique et pratique
aux journalistes et proposera d’autres mesures pour soutenir le
pluralisme des médias et renforcer la transparence de la propriété des
médias et de la publicité d’État, entre autres, par l’intermédiaire
du nouveau Media Ownership Monitor
. Sur cette question, il faut également
mentionner le dialogue et les consultations régulières entre les Secrétariats
de la Commission européenne et du Conseil de l'Europe.
22. L’attention que l’Union européenne porte au renforcement de
la gouvernance démocratique dans les États membres de l’UE est également
intéressante et le Conseil de l’Europe devrait réfléchir aux moyens
de renforcer la coopération existante dans ce domaine avec la DG-REFORM. La
bonne administration, droit consacré par l’article 41 de la Charte
des droits fondamentaux de l’UE, influe considérablement sur la confiance
que le public accorde aux autorités et aux institutions démocratiques.
Par l’intermédiaire de sa DG-REFORM, l’Union européenne soutient
de nombreux projets visant à améliorer la capacité opérationnelle
et l’efficacité des administrations publiques ainsi que l’élaboration
et la mise en œuvre des politiques dans l’intérêt des citoyens et
du grand public
.
3.2. État
de droit
23. L’État de droit est inscrit
à l’article 2 du Traité de Lisbonne comme l’une des valeurs fondatrices
de l’Union. Il est également une condition préalable au bon fonctionnement
de la démocratie et au respect des droits humains, comme l’indique
la définition qu’en donnent systématiquement les documents de l’UE:
«Il [L’État de droit] garantit que toutes les autorités publiques
agissent toujours dans les limites fixées par la loi, conformément
aux valeurs de la démocratie et aux droits fondamentaux, et sous
le contrôle de juridictions indépendantes et impartiales. L’État
de droit est une notion qui recouvre des principes tels que la légalité,
qui suppose l’existence d’une procédure d’adoption des textes de
loi transparente, responsable, démocratique et pluraliste; la sécurité
juridique; l’interdiction de l’arbitraire du pouvoir exécutif; une
protection juridictionnelle effective assurée par des juridictions
indépendantes et impartiales, un contrôle juridictionnel effectif
y compris le respect des droits fondamentaux; la séparation des
pouvoirs et l’égalité devant la loi. Ces principes ont été confirmés
par la Cour de Justice de l’Union européenne et par la Cour européenne
des droits de l’homme. Par ailleurs, le Conseil de l’Europe a élaboré
des normes et formulé des avis et des recommandations qui fournissent
des orientations bien établies destinées à promouvoir et à faire
respecter l’État de droit.»
24. En avril 2019, la Commission a réalisé dans tous les États
membres de l’UE une enquête Eurobaromètre sur l’État de droit
et
publié une première communication intitulée «Poursuivre le renforcement
de l’État de droit au sein de l’Union: état des lieux et prochaines
étapes envisageables»
. Cette enquête a montré un soutien
massif à l’État de droit, avec des différences limitées entre les
États membres de l’UE. L’importance des principes clés de l’État
de droit a été reconnue par plus de 80 % des citoyens. L’Eurobaromètre
a également souligné que les Européens considéraient qu’il était
important que l’État de droit s’applique dans toute l’UE. Il a également
révélé que plus de la moitié des Européens ne se sentaient pas suffisamment informés
sur les valeurs fondamentales de l’UE.
25. Reconnaissant qu’un problème lié à l’État de droit dans un
État membre peut avoir des répercussions sur l’Union dans son ensemble
et que l’UE doit avoir la capacité de relever ces défis lorsqu’ils
se présentent, la communication identifie trois piliers pour l’application
de l’État de droit: «premièrement, la promotion de l’État de droit,
qui passe par l’approfondissement du travail réalisé en commun pour
sensibiliser davantage à l’État de droit en Europe; deuxièmement,
la prévention des problèmes liés à l’État de droit, permettant d’intervenir
à un stade précoce pour ainsi éviter l’escalade; et troisièmement,
la capacité de prendre conjointement des mesures efficaces lorsqu’un
problème suffisamment significatif est constaté». La communication
passe également en revue la panoplie d’outils dont dispose l’UE
pour traiter les problèmes liés à l’État de droit dans ses États
membres et reconnaît le rôle crucial, l’expertise et les instruments
juridiques du Conseil de l’Europe dans ce domaine, faisant explicitement
référence aux travaux de la Commission européenne pour la démocratie
par le droit (Commission de Venise) et du Groupe d’États contre
la corruption (GRECO).
26. En réponse à sa communication, la Commission a reçu plus de
60 contributions d’un large éventail de parties prenantes, dont
les États membres, les institutions et organes de l’UE, des organisations internationales
et des acteurs politiques, des réseaux judiciaires et de magistrats,
des organisations de la société civile, des universités et des associations
d’entreprises. Dans leur grande majorité, ces contributions reconnaissent
l’importance de renforcer l’État de droit pour l’avenir de la démocratie
en Europe et la nécessité d’intensifier l’action à tous les stades
– promotion, prévention et réponse aux problèmes. Le Conseil de l’Europe
a contribué à la consultation par le biais d’un document du Secrétariat
.
27. À la suite de la consultation des parties prenantes, la Commission
a publié, le 17 juillet 2019, la communication «Poursuivre le renforcement
de l’État de droit au sein de l’Union»
. Cette communication fait largement
référence au Conseil de l’Europe et affirme l’intention de la Commission
de «renforcer la coopération» et «d’étudier la possibilité de soutenir
davantage [le Conseil de l’Europe] en ce qui concerne les priorités
de l’UE en matière d’État de droit». Elle affirme également la volonté
«d’accroître la participation de l’UE aux organes du Conseil de
l’Europe, en rendant la coopération au niveau des services plus
forte et plus systématique». Elle reconnaît que «les responsabilités
institutionnelles et politiques des deux institutions» doivent être
«pleinement respectées».
28. À la suite de ces communications et des contributions de diverses
sources, l’UE a fixé un cadre afin de renforcer sa capacité à traiter
les questions liées à l’État de droit dans ses États membres et
à donner effet aux trois étapes de prévention, de protection et
de réponse aux problèmes liés à l’État de droit et aux atteintes
à ce dernier. Ce cadre est fondé sur le mécanisme de protection
de l’État de droit, lequel repose sur un processus de dialogue sur
l’État de droit entre la Commission, le Conseil et le Parlement
européen, les États membres, les parlements nationaux, la société
civile et d’autres parties prenantes. Le Rapport sur l’État de droit
constitue le fondement de ce processus annuel.
29. La première édition du Rapport annuel sur l’État de droit
a été publiée le 30 septembre 2020
et suivie d’une
deuxième en juillet 2021
, tandis qu’une
troisième édition est actuellement en préparation. Ces rapports suivent
la même structure, des chapitres par pays faisant suite à une communication
générale de la Commission portant sur des sujets de préoccupation
particuliers.
30. Les principaux chapitres du Rapport 2020 sur l’État de droit
portent sur les systèmes judiciaires nationaux, les cadres de lutte
contre la corruption, le pluralisme et la liberté des médias et
d’autres questions institutionnelles liées à l’équilibre des pouvoirs
essentiel à un système efficace de gouvernance démocratique, tandis
que l’édition 2021 analyse des sujets tels que les réformes en cours
pour renforcer l’indépendance des régulateurs des médias, les améliorations
et les obstacles à la transparence de la propriété des médias, la pression
et l’influence politiques sur les médias, et l’impact de la pandémie
sur la liberté et le pluralisme des médias.
31. Il est clair que les principales questions traitées par les
Rapports sur l’État de droit correspondent aux sujets qui constituent
le cœur de l’expertise du Conseil de l’Europe. La mise en place,
par la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe et les dirigeants
de l’UE, d’un processus de consultations préliminaires et d’échanges
d’informations réguliers pour la préparation de ces rapports est
donc une évolution positive. Un correspondant a été désigné par
le Conseil de l’Europe pour veiller à ce que les travaux dans ce
domaine se renforcent mutuellement et pour coordonner la contribution
du Conseil de l’Europe au rapport, comme l’a rappelé M. Sannino
lors de l’audition de la commission du 10 décembre 2020. Les autres
moyens par lesquels le Conseil de l’Europe contribue au mécanisme
de l’UE sont notamment:
- la
consultation de la Commission de Venise par la Commission européenne
dans le cadre de défis spécifiques en matière d'État de droit;
- la contribution régulière de la Commission européenne
pour l’efficacité de la justice (CEPEJ) du Conseil de l’Europe au
Tableau de bord de la justice de la Commission européenne, qui est
l’une des boîtes à outils du mécanisme de protection de l’État de
droit de l’UE .
33. En janvier 2021, Didier Reynders, Commissaire européen à la
justice, a consacré une grande partie de son discours devant l’Assemblée
parlementaire à la question de l’État de droit, réaffirmant le caractère
central de cette question pour la Commission et soulignant le rôle
du Conseil de l’Europe et l’approche inclusive adoptée dans la préparation
du rapport annuel. Il a également défini ce travail comme essentiel
pour la crédibilité de l’UE dans son action extérieure, affirmant
que «lorsque nous promouvons l’État de droit dans notre voisinage
et auprès d’autres partenaires internationaux, nous devons être
crédibles à l’intérieur»
. Il doit effectivement y avoir une
cohérence entre la place faite par l’UE à la démocratie et à l’État
de droit dans son propre fonctionnement, dans ses États membres
et dans son action extérieure.
34. L’agression de l’Ukraine par la Fédération de Russie ne peut
que confirmer l’importance du renforcement de la démocratie et de
l’État de droit en Europe, condition préalable à la stabilité et
à la sécurité globales de l’ensemble du continent. Je suis profondément
convaincu que le Conseil de l’Europe et l’Union européenne doivent
renforcer leur coopération pour relever ce défi commun.
3.3. Action
extérieure
35. Dans sa
Résolution 1836 (2011) «L’impact du Traité de Lisbonne sur le Conseil de l’Europe», l’Assemblée
a noté l’importance accrue accordée aux questions relatives aux
droits humains, à l’État de droit et à la démocratie dans la coopération
de l’Union européenne avec les pays voisins et a souligné les nouvelles possibilités
de synergie avec le Conseil de l’Europe dans son ensemble, dans
le cadre de sa politique de voisinage, et avec l’Assemblée, dans
le cadre de ses relations extérieures. Compte tenu de ces considérations, l’Assemblée
a appelé l’Union européenne
:
- à
«tirer un meilleur parti de l’expertise et du rôle de conseil et
de référence du Conseil de l’Europe dans le contexte de ses politiques
d’élargissement et de voisinage, en particulier dans la mesure où
ces politiques s’appliquent à des pays qui soit sont membres à part
entière du Conseil de l’Europe et bénéficient des procédures de
suivi de ce dernier, soit font partie de son voisinage et ont donc
adhéré – ou sont susceptibles d’adhérer – à des conventions ou accords
partiels ouverts de l’Organisation, comme la Commission de Venise
et le Centre européen pour l’interdépendance et la solidarité mondiales
(Centre Nord-Sud), et dont les parlements ont obtenu – ou sont susceptibles
d’obtenir – le statut de partenaire pour la démocratie auprès de
l’Assemblée;
- à développer davantage les actions et programmes conjoints
avec le Conseil de l’Europe dans les États membres ou les pays des
régions voisines de ce dernier, afin de soutenir le programme de
réformes de ces pays, grâce notamment à un partenariat financier
plus stable avec le Conseil de l’Europe, qui devrait permettre d’intensifier
la coopération stratégique et la planification conjointe à long
terme».
36. Plus de 10 ans après, un examen de la situation montre clairement
que le domaine des relations extérieures est l’un de ceux dans lesquels
la coopération entre les deux organisations a été le plus intense, tout
particulièrement en vue de l’élargissement futur de l’UE. Le Conseil
de l’Europe a joué un rôle historique dans le processus d’intégration
de l’UE en encourageant et en consolidant le développement de la
démocratie, des droits humains et de l’État de droit dans les pays
d’Europe centrale et orientale, leur permettant ainsi de satisfaire
aux critères d’adhésion à l’Union européenne. Dans le même ordre
d’idées, le Conseil de l’Europe reste un atout et un moteur pour
entraîner des réformes et générer des progrès dans le cadre du processus d’élargissement
de l’UE.
37. Alors que les pays des Balkans occidentaux et du Partenariat
oriental sont des voisins pour l’Union européenne, ce sont des États
membres du Conseil de l’Europe. L’utilité de ce dernier est particulièrement importante
pour l’évaluation comparative de l’avancée des réformes réalisées
par ses États membres qui aspirent à adhérer à l’UE. L’évaluation
comparative de l’UE s’appuie dans une large mesure sur les conclusions
des mécanismes de suivi et autres organes du Conseil de l’Europe.
38. Depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, le contexte
géopolitique a évolué, avec des déplacements de pouvoir considérables
et l’émergence de nouveaux acteurs mondiaux. Les relations entre
les grandes puissances sont de plus en plus conflictuelles et unilatérales.
Les règles et organisations multilatérales sont remises en question.
Dans de nombreux pays, les normes démocratiques reculent et les droits
humains sont bafoués. Les évolutions sociétales et technologiques
créent de nouvelles opportunités mais aussi de nouveaux défis. Ces
tendances se dessinaient déjà depuis un certain temps, mais la pandémie de
covid-19 en a amplifié certaines, exacerbant en outre les tensions
socio-économiques et accroissant les inégalités mondiales.
39. C’est dans ce contexte général que l’UE a réaffirmé son soutien
au respect de la démocratie, des droits humains et de l’État de
droit en tant que valeurs universelles et a pris une position ferme
en faveur du multilatéralisme fondé sur des règles. Deux documents
résument cette approche.
40. Le premier est le Plan d’action de l’UE en faveur des droits
de l’homme et de la démocratie pour la période 2020-2024
.
Ce document définit les priorités de l’UE dans ce domaine dans ses
relations avec tous les pays tiers et vise à renforcer la cohérence
et la constance de la promotion des droits humains et de la démocratie
dans toutes les politiques extérieures de l’UE. Il souligne que
«[l]a pandémie de covid‑19 illustre l’importance du multilatéralisme,
de la coopération mondiale et de la solidarité. Le respect des droits
de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit ainsi qu’une
approche tenant compte des besoins spécifiques des hommes et des
femmes doivent rester au cœur de la réponse à la pandémie et du
soutien à la reprise mondiale».
41. Les cinq grandes priorités du plan d’action sont les suivantes:
- protéger et responsabiliser
les personnes;
- bâtir des sociétés résilientes, inclusives et démocratiques;
- promouvoir un système mondial pour les droits de l’homme
et la démocratie;
- tirer parti des possibilités offertes par les nouvelles
technologies et relever les défis y afférents;
- atteindre les objectifs fixés en travaillant de concert.
42. Le deuxième document est la communication relative au renforcement
de la contribution de l’UE à un multilatéralisme fondé sur des règles
. Ce texte repose sur la conviction
que le multilatéralisme fondé sur des règles communes est le meilleur
moyen de préserver la paix et la stabilité dans le système géopolitique multipolaire
actuel. Il invite l’UE à s’affirmer davantage et à établir des partenariats
avec des États et des organisations partageant les mêmes idées.
Parmi celles-ci figure le Conseil de l’Europe, qui y est défini
comme un allié naturel pour soutenir la démocratie et promouvoir
et protéger les droits humains, les libertés fondamentales et le
respect de la dignité humaine, y compris l’égalité entre hommes
et femmes, les droits de l’enfant et les droits des personnes LGBTI.
43. À mon avis, la coopération dans le domaine de l’action extérieure
est cruciale pour les deux organisations. Une synergie dans ce domaine
peut renforcer leur influence et leur capacité de relever de manière
efficace et cohérente les nouveaux défis. Elle peut aussi donner
un poids supplémentaire au soutien apporté au multilatéralisme,
ce qui est encore plus important face à l’agression de l’Ukraine
par la Fédération de Russie, qui marque une nouvelle étape dans
l’histoire européenne et exige des deux organisations une plus grande
fermeté quant à leurs valeurs et principes communs.
4. Les
trois piliers du partenariat stratégique entre le Conseil de l’Europe
et l’Union européenne: principales réalisations et principaux défis
44. Depuis le Mémorandum d’accord
de 2007, le partenariat entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne
repose sur trois piliers qui ont contribué à la cohérence et à la
complémentarité entre les deux organisations:
- un dialogue politique accru,
- une coopération juridique renforcée,
- des programmes de coopération.
45. À mon avis, ces piliers restent des plus pertinents pour guider
notre partenariat stratégique.
4.1. Un
dialogue politique accru
46. Selon le Mémorandum d’accord,
le Conseil de l’Europe et l’Union européenne doivent se consulter régulièrement
et étroitement, tant au niveau politique qu’au niveau technique,
sur les questions relevant de domaines prioritaires communs. Je
ne peux que confirmer la conclusion des précédents rapporteurs sur
le Traité de Lisbonne, selon laquelle le dialogue politique de haut
niveau entre les deux organisations s’est constamment amélioré depuis
l’entrée en vigueur du Traité.
47. La volonté de poursuivre dans cette voie a été confirmée après
l’élection de Marija Pejčinović Burić aux fonctions de Secrétaire
Générale du Conseil de l’Europe et la constitution de la Commission
dirigée par Ursula van der Leyen. C’est à l’Union européenne que
la nouvelle Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe a fait une
première visite de travail, en février 2020
.
48. Depuis lors, le dialogue politique a été particulièrement
intense et s’est caractérisé par un nombre élevé de réunions bilatérales
entre la Secrétaire Générale, le Secrétaire Général adjoint, les
représentants spéciaux de la Secrétaire Générale et les dirigeants
de l’UE, mettant en évidence le large éventail de la coopération thématique.
Ce dialogue est complété par des contacts réguliers entre les secrétariats
des deux organisations, facilités par le Bureau du Conseil de l'Europe
à Bruxelles et la Délégation de l'UE à Strasbourg.
4.2. Une
coopération juridique renforcée
4.2.1. L’adhésion
de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme
49. La reprise en octobre 2019
des négociations d’adhésion de l’UE à la Convention européenne est
une confirmation supplémentaire du nouvel élan donné aux relations
entre l’UE et le Conseil de l’Europe. Le Traité de Lisbonne a créé
une obligation pour l’Union européenne d’adhérer à la Convention.
Ce processus avait toutefois été interrompu par un arrêt de la Cour
de justice de l’Union européenne (CJUE) du 18 décembre 2014, cette
dernière ayant estimé que le projet d’accord d’adhésion, établi
à l’issue de négociations laborieuses entre les institutions de
l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, était incompatible
avec les traités de l’Union et posait des questions juridiques et
politiques complexes
.
50. En juin 2018, le Président Juncker a assuré avoir pris l’initiative
de redynamiser les travaux en vue de l’adhésion de l’UE à la Convention.
À la suite de cette initiative, la Commission européenne a présenté
au Conseil un «document de synthèse» contenant des propositions
pour surmonter les problèmes soulevés par la CJUE. La présidence
finlandaise de l’UE (juillet-décembre 2019) a indiqué être déterminée
à parvenir à un accord avant la fin de 2019.
51. Dans un courrier du 31 octobre 2019 faisant suite à la décision
du Conseil de l’UE du 7 octobre, le président et le vice-président
de la Commission européenne de l’époque ont informé la Secrétaire
Générale du Conseil de l’Europe que l’UE se tenait prête à reprendre
les négociations relatives à l’adhésion de l’UE à la Convention.
52. En conséquence, en janvier 2020, le Comité des Ministres a
adopté un mandat ad hoc pour
le Comité directeur pour les droits de l’homme (CDDH), qu’il a chargé
de «finaliser en priorité, en coopération avec les représentants
de l’Union européenne dans le cadre d’un Groupe ad hoc 47+1 et sur
la base des travaux déjà menés, les instruments juridiques établissant
les modalités d’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne
des droits de l’homme, y compris la participation de celle-ci au
système de la Convention, et, dans ce contexte, [d’]examiner toute
question connexe.»
53. La crise sanitaire globale a ralenti la progression mais les
négociations ont désormais repris et, le 29 septembre 2020, la Secrétaire
Générale du Conseil de l’Europe et Věra Jourová, vice-présidente
de la Commission européenne chargée des valeurs et de la transparence,
ont publié une déclaration insistant sur le fait que «l’accession
aidera à garantir la cohérence et la conformité entre le droit de
l’Union européenne et le système de la Convention. Cela assurera
aussi que l’UE soit soumise au même contrôle international sur les
droits humains que ses 27 États membres et que les 20 autres pays
appartenant au Conseil de l’Europe et qui ne sont pas membres de
l’UE. Cela signifie que les citoyens seront dans la possibilité
de contester les actions de l’Union européenne devant la Cour européenne
des droits de l’homme. L’UE sera aussi en mesure de s’associer à
ses États membres lors des procédures à la Cour européenne des droits
de l’homme concernant des violations supposées résultant du droit
de l’UE.» Elles ont toutes deux espéré que les négociations puissent
aboutir à une conclusion rapide et positive
.
54. Il convient de souligner que l’adaptation aux spécificités
de l’ordre juridique de l’UE, si elle est nécessaire dans une certaine
mesure, ne doit pas aboutir à une distorsion du système de la Convention,
ni donner aux organes de l’Union des privilèges exceptionnels, ni
créer un système de protection à deux niveaux ou à deux vitesses.
55. L’adhésion nécessitera des modifications techniques du mécanisme
de contrôle de la Convention et aura également des implications
directes pour l’Assemblée, s’agissant notamment de son rôle d’élection
des juges de la Cour. À cet égard, les accords de 2011 conclus par
le biais de «l’organe informel joint» constitué entre l’Assemblée
et le Parlement européen pour améliorer le partage d’informations
dans le contexte de l’adhésion de l’UE à la Convention devront être
actualisés et finalisés.
56. Le 31 janvier 2020, le Bureau de l’Assemblée a pris acte d’une
note rédigée par le Secrétaire général de l’Assemblée parlementaire
et a invité son Président à prendre contact avec le Président du Parlement européen
dans le but de reprendre les travaux communs sur ce sujet
. La commission des questions
juridiques et des droits de l’homme prépare actuellement un rapport
sur les «Aspects juridiques de l’adhésion de l’Union européenne
à la Convention européenne des droits de l’homme», dont j’ai l’honneur d’être
le rapporteur
.
4.2.2. La
participation de l’Union européenne à d’autres conventions et mécanismes
du Conseil de l’Europe
57. Le Traité de Lisbonne confère
à l’UE la pleine personnalité juridique. En conséquence, l’Union
acquiert la capacité de signer des traités internationaux dans les
domaines des pouvoirs qui lui sont attribués ou d’adhérer à une
organisation internationale.
58. L’Union européenne participe à un certain nombre d’instruments
et de mécanismes du Conseil de l’Europe. La coopération dans le
domaine de l’État de droit est particulièrement importante: les
avis de la Commission de Venise, les rapports du GRECO, les arrêts
de la Cour et les décisions du Comité des Ministres sont régulièrement
utilisés par les organes de l’UE, notamment le Parlement européen
et la Commission européenne.
59. Une coopération poussée a également été menée dans le cadre
du processus d’élargissement de l’UE, de la contribution régulière
à l’élaboration des instruments de l’UE en matière de droits humains,
de la définition du Pilier européen des droits sociaux et de la
participation de l’UE à plusieurs activités normatives du Conseil de
l’Europe. Dans plusieurs autres domaines, la coopération est également
forte, notamment dans la lutte contre la torture, l’abolition de
la peine de mort, la violence envers les femmes, les droits de l’enfant,
la protection des données et la cybercriminalité.
60. Au cours de l’examen du présent rapport, plusieurs membres
de la commission ont exprimé le souhait que l’Union européenne envisage
d’adhérer également à d’autres instruments du Conseil de l’Europe, notamment
la Charte sociale européenne (révisée) (STE n° 163) et la Convention
du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence
à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210, Convention
d’Istanbul). Je m’associe pleinement à ces propositions, qui sont
conformes aux positions déjà exprimées par les commissions compétentes
de l’Assemblée.
61. Les tableaux ci-dessous donnent un aperçu de l’état actuel
de la participation de l’UE aux instruments et mécanismes du Conseil
de l’Europe. Il convient également de rappeler que l’UE participe,
sans droit de vote, aux travaux de tous les comités directeurs du
Conseil de l’Europe. Sa contribution au Comité ad hoc sur l’intelligence
artificielle (CAHAI) a été particulièrement importante étant donné
les travaux approfondis qu’elle mène dans ce domaine.
Traités du Conseil de l’Europe
auxquels l’Union européenne a adhéré après l’adoption du Traité
de Lisbonne
Traités du Conseil de l’Europe
signés et non ratifiés par l’Union européenne après l’adoption du
Traité de Lisbonne
Liste
des accords partiels auxquels l’UE participe
|
Statut
|
Pharmacopée européenne
|
Membre
|
Groupe de coopération
en matière de lutte contre l’abus et le trafic illicite de stupéfiants
(Groupe Pompidou)
|
Participant
|
Groupe de coopération
en matière de prévention, de protection et d’organisation des secours
contre les risques naturels et technologiques majeurs
|
Participant
|
Observatoire européen
de l’audiovisuel
|
Membre
|
Groupe d’États contre
la corruption (GRECO)
|
Observateur
|
62. Depuis l'entrée en vigueur
du traité de Lisbonne, l'UE est invitée à participer, en tant qu'observateur,
aux travaux des commissions intergouvernementales du Conseil de
l'Europe. Lorsqu'une telle commission est mandatée pour élaborer
un nouvel instrument juridique, par exemple une nouvelle convention,
l'UE représente ses États membres dans la mesure où et pour autant
qu’elle ait une compétence en la matière. Je pense qu'il serait
important d'encourager les États membres de l'UE à continuer néanmoins
à participer activement à ces activités intergouvernementales en
partageant leur propre expérience et expertise nationale, même si
leur position a été préalablement coordonnée au niveau de l'UE.
Ce dialogue participatif et cet échange d'informations faciliteraient
le bon déroulement des travaux normatifs, en évitant de donner la
fausse impression que l'UE remplace l'engagement actif des États
membres de l'UE dans les travaux du Conseil de l’Europe.
4.3. Programmes
de coopération
63. Avec un volume de 207,4 millions
d’euros en 2021, l’UE est le plus grand contributeur aux ressources extrabudgétaires
du Conseil de l’Europe, représentant 57 % des recettes annuelles
provenant de l’ensemble des ressources extrabudgétaires.
64. Ce financement permet la mise en œuvre de trois programmes
plurinationaux et pluriannuels complets et de grande envergure,
appelés «dispositifs programmatiques régionaux»
:
- dans
les Balkans occidentaux et en Turquie, avec la Facilité horizontale,
financement de l’UE à hauteur de 85 %;
- dans les pays du Partenariat oriental, avec le Partenariat
pour une bonne gouvernance (PGG), financement de l’UE à hauteur
de 80 %;
- dans les pays du Voisinage méridional, avec le Programme
Sud.
Ces programmes sont complétés, si nécessaire,
par des interventions thématiques nationales et régionales. En outre,
la coopération en Asie centrale est mise en œuvre par le biais d'un
programme régional à grande échelle, le Programme pour l'État de
droit en Asie centrale.
65. Les projets visent à renforcer la démocratie, l’État de droit
et les droits humains dans les pays bénéficiaires et à aider ces
derniers à se rapprocher des normes de l'UE et à se conformer aux recommandations
des organes politiques et de suivi du Conseil de l’Europe. La mise
en œuvre de ces projets est facilitée par les bureaux du Conseil
de l’Europe sur le terrain.
66. Il convient de noter que ces dernières années, les accords-cadres
avec la DG REFORM ont permis d'atteindre de plus en plus les États
membres de l'UE. Cette coopération avec les États membres de l'UE
est fortement axée sur la demande et apporte des contributions reconnues
aux processus de réforme structurelle dans les États membres de
l'UE, par exemple dans le domaine de la justice, de la bonne gouvernance
et de la démocratie locale. Il s'agit d'un changement important,
qui confirme le potentiel du Conseil de l'Europe à jouer un rôle
plus important dans le renforcement de l'État de droit et de la
démocratie également dans les États membres de l'UE. Au cours de
ma visite à Bruxelles, je me suis renseigné sur la possibilité technique d'étendre
le champ de la coopération avec la DG REFORM également à de nouveaux
domaines, tels que la migration. J'ai également soulevé la question
de savoir s'il serait possible de soutenir les réformes structurelles dans
les États non membres de l'UE, à savoir les pays candidats. Bien
que cela ne soit pas envisageable pour le moment, il serait important
que ces pays soient au moins associés aux activités de la DG REFORM,
par exemple celles visant à partager les bonnes pratiques.
67. Enfin, comme l’a suggéré Mme Verena
Taylor, Directrice du Bureau de la Direction générale des programmes
du Conseil de l’Europe, les parlementaires pourraient être associés
plus étroitement à la mise en œuvre de ces projets, car l’intégration
de la dimension parlementaire dans nos projets pourrait être un
atout indéniable.
5. Le
rôle des parlements nationaux et la coopération interparlementaire
68. Le Traité de Lisbonne souligne
l’importance de la dimension parlementaire de deux manières: en renforçant
les pouvoirs du Parlement européen et en reconnaissant le rôle que
jouent les parlements nationaux pour améliorer le fonctionnement
de l’Union européenne et accroître, en fin de compte, sa légitimité démocratique.
69. En vertu du Traité et de ses protocoles, les parlements nationaux
ont le droit de recevoir des institutions de l’UE toute une série
d’informations, qui sont obligatoires dans le cas de la transmission
de tous les projets d’actes législatifs et de la notification aux
parlements nationaux des demandes d’adhésion à l’UE. Les parlements
nationaux sont aussi associés aux procédures de révision des traités
et aux mécanismes d’évaluation des politiques de l’UE dans les domaines
de la liberté, de la sécurité et de la justice.
70. La principale innovation est le droit reconnu aux parlements
nationaux d’examiner la législation de l’UE. En vertu du Protocole
no 1 au Traité de Lisbonne sur le rôle
des parlements nationaux dans l’Union européenne, les parlements
nationaux peuvent, dans les huit semaines suivant la transmission
des projets d’actes législatifs, examiner ceux qui ne relèvent pas
du domaine de compétence exclusive de l’UE. S’ils considèrent qu’un
projet n’est pas conforme au principe de subsidiarité, ils peuvent
émettre un «avis motivé» ou même une «contribution», laquelle peut
porter sur des questions autres que la subsidiarité et soulever
des questions de fond. En application du «mécanisme d’alerte précoce»,
les parlements nationaux peuvent même, à la condition qu’une majorité
d’entre eux soient d’accord, bloquer des propositions législatives en
demandant à l’autorité législative de l’UE de revoir le texte ou
de prendre la décision officielle de le maintenir.
71. En date de décembre 2021, un total de 1 050 projets d’actes
législatifs a été envoyé pour examen aux parlements nationaux. En
réponse, 3 680 communications ont été reçues des parlements nationaux,
dont 511 avis motivés et 3 170 contributions
. Le mécanisme d’alerte précoce a
été enclenché trois fois depuis l’entrée en vigueur du Traité de
Lisbonne.
72. Le Protocole sur le rôle des parlements nationaux dans l’UE
officialise aussi la Conférence des organes parlementaires spécialisés
dans les affaires de la Union des parlements de l’Union européenne
(COSAC), plateforme des parlements nationaux pour l’échange d’informations
relatives au contrôle de subsidiarité
.
73. Le dialogue politique entre les institutions de l’UE et les
parlements nationaux est très intense et n’a pas diminué avec la
pandémie de covid-19. Depuis mars 2020, la plupart des réunions
se sont cependant tenues par visioconférence. Du reste, plus d’un
quart des avis envoyés par les parlements nationaux à la Commission en
2020 concernaient la réponse à la crise de la covid-19, ce qui montre
bien à quel point les parlements s’investissent et exercent leur
fonction de contrôle en temps de crise
.
74. Outre le dialogue politique bilatéral entre les institutions
de l’UE et les parlements nationaux, plusieurs autres forums interparlementaires
réunissent les parlements nationaux des États membres de l’UE, dont:
- la Conférence interparlementaire
sur la stabilité, la coordination économique et la gouvernance dans l’Union
européenne;
- les conférences interparlementaires sur la politique étrangère
et de sécurité commune et sur la politique de sécurité et de défense
commune;
- le groupe de contrôle parlementaire conjoint d’Europol;
- la commission interparlementaire sur l’évaluation des
activités d’Eurojust;
- la Conférence interparlementaire de haut niveau sur la
migration et l’asile;
- les conférences interparlementaires «Pacte vert et politique
agricole commune» et «Pour une Europe sociale et juste».
75. Il ne faut pas oublier que l’UE a également établi une solide
coopération avec les parlements nationaux d’États non-membres de
l’UE dans le cadre de ses relations extérieures, comme l’Assemblée
parlementaire Euronest, qui réunit une délégation du Parlement européen
et des délégations des pays membres du Partenariat oriental de l’UE,
ou le sommet entre le Parlement européen et les présidents des parlements
des Balkans occidentaux, dont la deuxième édition s’est tenue en
2021.
76. Vu l’intensité de ce dialogue politique auquel participent
des parlements nationaux qui sont également représentés à l’Assemblée
parlementaire du Conseil de l’Europe, je pense qu’il est non seulement
possible mais aussi nécessaire de renforcer encore le partenariat
stratégique entre l’Assemblée et le Parlement européen.
77. Comme indiqué plus haut, la
Résolution 2277 (2019) et la
Recommandation 2153
(2019) «Rôle et mission de l’Assemblée parlementaire: principaux
défis pour l’avenir» soulignaient déjà la nécessité d’intensifier
le dialogue politique entre notre Assemblée et l’Union européenne.
Le rapport s’appuyait sur les conclusions de la commission ad hoc
du Bureau, créée en 2017 sur proposition de M. Michele Nicoletti,
ancien Président de l’Assemblée, dans le but d’améliorer l’efficacité
et l’impact de l’Assemblée et de renforcer sa pertinence politique.
78. En ce qui concerne les relations avec l’UE, de nombreux contributeurs
ont souligné la nécessité de créer des synergies et des partenariats
communs avec l’UE, en particulier avec la Commission européenne
et le Parlement européen, car cela permettrait d’éviter la duplication
inutile des travaux et des ressources.
79. Parmi les propositions concrètes, citons la création d’un
Réseau de parlementaires européens, comprenant l’Assemblée, des
députés nationaux et des membres du Parlement européen. Ce réseau
serait chargé de coordonner l’action politique et de mettre en place
des voies de communication permanentes ou d’établir des contacts
directs avec la COSAC.
80. Des propositions analogues figurent dans de précédentes résolutions
de l’Assemblée
, fondées sur des rapports de la
commission des questions politiques et de la démocratie, notamment:
- la poursuite des travaux de
l’organe informel conjoint entre l’Assemblée et le Parlement européen
afin de débattre de questions d’actualité présentant un intérêt
commun, la composition de cet organe variant selon les besoins;
- l’organisation de réunions régulières entre les présidents
des commissions concernées des deux institutions;
- l’organisation d’événements conjoints avec les conférences
interparlementaires du Parlement européen;
- la mise à jour de l’accord de 2007 relatif au renforcement
de la coopération entre l’Assemblée et le Parlement européen, pour
prendre en compte les événements nouveaux survenus depuis l’entrée
en vigueur du Traité de Lisbonne.
81. Je pense qu’une coopération peut être envisagée sur les questions
spécifiques suivantes:
- les
modalités de renforcement de la démocratie parlementaire,
- la protection de l’intégrité du processus électoral contre
les menaces émergentes,
- la lutte contre la désinformation et la protection de
la liberté d’expression,
- la garantie du bon fonctionnement des institutions démocratiques
et la prévention des menaces à l’État de droit,
- les modalités de développement des mécanismes de démocratie
participative et délibérative pour compléter la démocratie représentative
et renforcer la légitimité du processus de décision politique,
- la coopération interparlementaire,
- les modalités de renforcement de la coopération pour l’observation
des élections,
- le renforcement de la gouvernance démocratique et de la
bonne gouvernance comme moyen de consolider l’État de droit et d’améliorer
la confiance des citoyens dans les institutions publiques,
- la numérisation: un défi et une opportunité pour les parlements,
- la contribution de la diplomatie parlementaire au soutien
d’un multilatéralisme fondé sur des règles,
- le droit à un environnement sain,
- la nécessité de faire face aux conséquences socio-économiques
de la covid-19.
82. Face à l’agression de l’Ukraine par la Russie, je pense que
les membres de l’Assemblée et ceux du Parlement européen devraient
se réunir pour débattre des incidences de cet événement majeur sur l’architecture
multilatérale européenne et sur la sécurité démocratique en Europe.
6. Conclusions
83. Plus de 10 ans après l’entrée
en vigueur du Traité de Lisbonne, le présent rapport reconnaît la
valeur de la coopération entre le Conseil de l’Europe et l’Union
européenne. Malgré l’énorme disparité en termes de ressources, de
compétences et de pouvoirs, les deux organisations ont pu éviter
les principaux doublons, travailler en synergie et de façon complémentaire,
et elles ont même renforcé leur dialogue politique et technique,
réalisant ce qui peut être défini comme un partenariat stratégique.
L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des
droits de l’homme représentera un pas historique qui scellera cette
relation.
84. Le Conseil de l’Europe et l’Union européenne reposent sur
les mêmes valeurs, principes et aspirations. Face aux événements
dramatiques qui se déroulent en Ukraine, il est plus que jamais
nécessaire de continuer à renforcer notre partenariat en vue de
réaffirmer la pertinence du Conseil de l’Europe en tant qu’organisation de
référence pour la promotion de la démocratie, des droits humains
et de l’État de droit et d’œuvrer ainsi aux fondements mêmes de
la sécurité démocratique en Europe.