1. Introduction
1. Les questions relatives à la
défense nationale ne sont pas de la compétence du Conseil de l’Europe, comme
indiqué explicitement dans son Statut (STE no 1).
Les questions militaires ne sont incluses dans le mandat d’aucun
organe subsidiaire ou comité du Conseil de l’Europe. Mais la sécurité
ne se limite pas à la défense; c’est un concept plus vaste, qui
repose dans une large mesure sur le respect des processus démocratiques,
des droits humains et de l’État de droit – de domaines qui, eux,
relèvent tous directement du mandat du Conseil de l’Europe. De fait,
le Statut indique que le but même du Conseil de l'Europe est de «réaliser
une union plus étroite entre ses membres» et fait mention de «la
consolidation de la paix fondée sur la justice et la coopération
internationale».
2. Alors que l'agression à grande échelle, non provoquée et injustifiée
de la Fédération de Russie contre l'Ukraine a mis au premier plan
les préoccupations militaires, il est nécessaire également d’adopter
une vision globale et à long terme et d’œuvrer au renforcement de
la sécurité démocratique en Europe, afin de rendre les États membres
du Conseil de l'Europe plus résilients face aux crises actuelles
et futures. Même avant la guerre d'agression actuelle au cœur de
l'Europe, les États membres du Conseil de l'Europe avaient reconnu
qu'à mesure que les menaces à la sécurité évoluent, la contribution
de l'Organisation à la stabilité et à la sécurité communes doit
évoluer en conséquence et des réponses concertées doivent être développées
. Dans cet esprit, il est
important que le Conseil de l'Europe examine l’ensemble des différents
aspects de la sécurité qui sont liés à son mandat.
3. Au sein de l’Assemblée parlementaire, les mandats des commissions
couvrent des aspects variés de la sécurité. Ainsi, les questions
relatives à la stabilité démocratique, à la sécurité dite «douce»
et à la prévention et au règlement des crises et des conflits relèvent
de la compétence de la commission des questions politiques et de
la démocratie. Le respect des obligations contractées par tous les
États membres aux termes du Statut de l’Organisation, de la Convention
européenne des droits de l’homme (STE no 5)
et de toutes les autres conventions, relève du mandat de la commission
pour le respect des obligations et engagements des Etats membres,
qui dispose également d’une sous-commission sur les conflits entre
les Etats membres du Conseil de l’Europe. Confirmant l'intérêt transversal
pour ces questions, une sous-commission sur la prévention des conflits
par le dialogue et la réconciliation et une sous-commission ad hoc sur les systèmes d’alerte
précoce et la prévention des conflits en Europe existaient dans
le passé au sein de la commission des questions politiques et de
la démocratie. La commission a actuellement créé une sous-commission
sur la démocratie.
4. La commission des questions juridiques et des droits de l'homme
s’occupe quant à elle des allégations de violations graves des droits
humains, de l'État de droit, ainsi que des questions relatives à
la lutte contre le terrorisme. Et, tandis que la commission des
migrations, des réfugiés et des personnes déplacées est chargée d’examiner
toutes les questions relatives à ces groupes, la commission de la
culture, de la science, de l’éducation et des médias traite des
questions liées à la liberté des médias, la désinformation, et la gouvernance
et la sécurité d’internet.
5. L’Assemblée a déjà consacré certains rapports et résolutions
à des thèmes tels que les sociétés privées à vocation sécuritaire
et l’érosion du monopole étatique du recours à la force, l’escalade
des tensions et des conflits dans certaines régions d’Europe et
des régions voisines, la coopération dans la lutte contre le terrorisme
et la menace à la sécurité européenne causée par le trafic de drogues.
Elle a aussi traité de menaces spécifiques à la sécurité en Europe
telles que les guerres de Tchétchénie, le conflit du Haut-Karabakh,
l’annexion illégale de la Crimée par la Fédération de Russie ou
la guerre entre la Fédération de Russie et la Géorgie en 2008.
2. Sécurité démocratique
6. La notion de sécurité démocratique,
placée au cœur de la mission de l’Organisation pour la première fois
dans la Déclaration de Vienne de 1993, est essentielle pour comprendre
le rôle du Conseil de l’Europe dans ce domaine et la manière de
le renforcer davantage. En conclusion de leur premier Sommet, les
Chefs d’État et de Gouvernement ont affirmé leur volonté de mettre
le Conseil de l’Europe «pleinement en mesure de contribuer à la
sécurité démocratique» et d’affermir la paix et la stabilité sur
le continent européen, tout en luttant «contre les ambitions territoriales,
la renaissance de nationalismes agressifs, la perpétuation des zones d'influence,
l'intolérance ou les idéologies totalitaires». Ils se sont engagés
à promouvoir la sécurité commune en ouvrant leurs portes aux nouvelles
démocraties et en œuvrant à une construction européenne fondée sur les
valeurs de l’Organisation.
7. Lors des deux Sommets suivants, tenus en 1997 (à Strasbourg)
et en 2005 (à Varsovie), ils ont réaffirmé la nécessité, pour le
Conseil de l’Europe, d’intensifier sa contribution à la stabilité
et à la sécurité sur le continent, en attirant l’attention sur les
nouvelles menaces qui appelaient des réponses communes dans de nombreux
domaines.
8. Dans son rapport annuel 2015, l’ancien Secrétaire Général,
Thorbjørn Jagland, définissait la sécurité démocratique comme le
principal cadre analytique à l’aune duquel la situation des droits
humains, de la démocratie et de l’État de droit devait être évaluée
. Ce rapport fait suite à
deux menaces majeures pour la sécurité en Europe: l'occupation illégale
et l'annexion de la Crimée par la Fédération de Russie, en violation des
principes de souveraineté et d'intégrité territoriale consacrés
par le droit international, notamment par l'Acte final d'Helsinki,
et deux attentats terroristes à Paris et à Copenhague commis par
des individus radicalisés affiliés à Daech.
9. Soulignant que les démocraties ne s’engagent que rarement,
sinon jamais, dans des guerres les unes contre les autres, et que
les pratiques démocratiques protègent les États contre les querelles
internes, il a précisé que les États membres du Conseil de l'Europe
ont une responsabilité partagée pour assurer la sécurité démocratique.
Tandis que la sécurité «dure» demeurait essentielle, la dissuasion
et la capacité militaire ne pouvaient pas garantir la stabilité
à elles seules, et que les normes et les pratiques démocratiques
étaient les fondements d’une paix durable.
10. À cet égard, le récent recul de la démocratie, tel qu’évoqué
par l’actuelle Secrétaire Générale, Marija Pejčinović Burić, dans
son rapport annuel de 2021
, est particulièrement inquiétant.
Outre des répercussions sur le plan intérieur, ce phénomène, si
rien n’est fait pour l’enrayer, aura forcément des répercussions
sur la sécurité collective de l’Europe, car les deux domaines sont
interdépendants. Nous ne pouvons pas raisonnablement nous attendre
à ce qu'un pays qui viole les principes démocratiques sur le plan
intérieur soit un partenaire fiable dans ses relations avec ses
voisins. Une démocratie forte dans toutes nos sociétés conduit à
plus de sécurité collective au sein de la maison commune européenne
démocratique.
11. La sécurité démocratique comporte de nombreuses dimensions.
L'une d'entre elles est l'engagement des citoyens et de la société
civile, comme le souligne l'Assemblée dans ses Résolutions
2437 (2022) «Sauvegarder et promouvoir la démocratie véritable en
Europe», et
2186 (2017) «Appel pour un sommet du Conseil de l’Europe afin de
réaffirmer l’unité européenne, et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique
en Europe».
12. Pour renforcer les démocraties et contrer le recul, il est
essentiel de trouver de nouvelles façons d'impliquer les citoyens
dans les processus de prise de décision, en plus de garantir le
bon fonctionnement de la démocratie représentative. La société civile
joue un rôle clé dans la responsabilisation des autorités – mais l'engagement
de la société civile est souvent la cible de manipulations, et pour
cette raison, le Conseil de l'Europe doit donner aux citoyens des
outils pour rester résilients contre la désinformation et pour faire
face aux tentatives de manipulation. La liberté des médias, la protection
des journalistes et l'accès à des informations fiables sont également
essentiels pour assurer un environnement pluraliste sain et exercer
un contrepoids au pouvoir.
13. Dans un contexte de recul démocratique, la liberté d'association
est souvent restreinte, notamment pour limiter le contrôle par des
organisations de la société civile, et doit donc être mieux protégée.
La démocratie locale joue un rôle essentiel dans l’élaboration de
la confiance du public envers les institutions publiques, car c'est
le niveau de gouvernance le plus proche des gens. Les initiatives
transfrontalières peuvent contribuer à renforcer la confiance, à
prévenir les conflits et à établir des relations de bon voisinage.
14. Travailler sur tous ces fronts servira à accroître la confiance
du public dans les institutions démocratiques et contribuera à renforcer
la sécurité démocratique.
3. Un
concept global de sécurité
15. L'Organisation pour la sécurité
et la coopération en Europe (OSCE) est la première organisation intergouvernementale
à avoir adopté un concept de sécurité globale et coopérative, que
ses États participants ont réaffirmé dans les principaux documents
et décisions adoptés depuis l'Acte final d'Helsinki
.
Selon cette approche, la sécurité globale comprend:
- une dimension politico-militaire,
- une dimension économique et environnementale,
- une dimension humaine.
16. Ces trois dimensions sont complémentaires, interconnectées,
interdépendantes et d'égale importance. L'idée sous-jacente est
que la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales
et la gouvernance économique et environnementale sont aussi importantes
pour une paix et une sécurité durables que la coopération politico-militaire.
17. Une autre façon de décrire cette interaction complexe consiste
à utiliser des concepts tels que:
- la
sécurité dure, qui repose sur l'usage de la force militaire pour
répondre aux menaces extérieures, interétatiques,
- et la sécurité douce/profonde, qui se concentre sur les
moyens non militaires de renforcer la résilience face aux menaces
et de prévenir les conflits.
4. Sécurité
humaine et égalité
18. La mission principale du Conseil
de l’Europe, qui consiste à promouvoir les droits humains, la démocratie
et l’État de droit, contribue directement aux notions de sécurité
douce, profonde et globale.
19. La conception westphalienne de la sécurité repose sur des
contrats entre des pays souverains, sur l’activité militaire et
sur la stabilité nationale et régionale. Elle reste pertinente aujourd’hui,
mais, depuis la chute du mur de Berlin, un changement majeur s’est
opéré en faveur d’une reconnaissance de la sécurité «douce» (c’est-à-dire
la stabilité sociétale et le bien-être des individus), tant au plan
intérieur qu’international
. Ainsi, le discours politique,
y compris au sein du Conseil de l’Europe, repose de plus en plus
sur une approche humaine de la sécurité, axée sur les êtres humains
et sur leurs droits, leurs moyens de subsistance et leur dignité.
20. La Déclaration finale du deuxième Sommet des Chefs d’État
et de Gouvernement reconnaît les préoccupations des citoyens concernant
les nouvelles menaces qui pèsent sur leur sécurité et s’accompagne d’un
Plan d’action prévoyant des mesures centrées sur la population.
En tant que gardien des droits humains sur le continent et principal
organe normatif en matière de démocratie et d’État de droit, le
Conseil de l’Europe a joué un rôle central dans la promotion de
la sécurité des êtres humains, que ce soit de façon explicite ou
non.
21. En passant de l’échelon individuel à l’échelon sociétal, le
Conseil de l'Europe a toujours accordé une attention particulière
à l'égalité en tant que facteur cardinal d'une société démocratique.
Au-delà des aspects de l'égalité liés à la lutte contre la discrimination
et aux droits de l'homme, il est important de souligner que les inégalités
socio-économiques menacent la stabilité démocratique de nos pays
et entament la confiance des citoyens dans la politique. L'Assemblée
a récemment abordé ce sujet dans sa
Résolution 2437 (2022), notant que les inégalités croissantes sont parmi les
facteurs ayant contribué à un sentiment général de désenchantement
vis-à-vis de la démocratie en Europe.
5. De
nouvelles menaces à la sécurité
22. Ces dix dernières années, de
nouvelles menaces à la sécurité sont apparues, obligeant les gouvernements
et les organisations internationales à réorienter leurs ressources
et leur attention. Ces nouvelles menaces mettent également en lumière
l’importance des organisations comme le Conseil de l’Europe, qui
doivent se concentrer sur la manière dont elles peuvent contribuer
à la sécurité commune en dehors du domaine militaire. Bon nombre
de ces nouvelles menaces sont transnationales et voient l'implication d'acteurs
non étatiques.
23. De nouvelles formes de «guerres hybrides» cherchent à déstabiliser
l’adversaire en s’appuyant sur les cyberattaques, la désinformation,
les flux migratoires et l’approvisionnement énergétique, et ce,
même en l’absence de conflit ouvert. Les contours de la traditionnelle
frontière entre la guerre et la paix deviennent ainsi plus flous,
ce qui signifie que les États membres du Conseil de l’Europe sont
soumis à de nouvelles menaces d’ordre non militaire.
5.1. La
cybersécurité
24. Les cyberattaques sont devenues
un élément essentiel des opérations de renseignement, tant en temps de
paix que dans le cadre de conflits plus ouverts, constituant un
moyen parallèle de nuire à l’ennemi. Elles sont particulièrement
dangereuses, car elles peuvent frapper les infrastructures stratégiques
d'un pays comme l'approvisionnement énergétique, les réseaux financiers,
le système de contrôle du trafic aérien ou les centrales nucléaires.
L’Assemblée s’est déjà penchée sur les ramifications de ce type
de guerre et a soulevé des points de préoccupation spécifiques à
cet égard dans sa Résolution 2217 (2018) et sa Recommandation 2130
(2018) «Problèmes juridiques posés par la guerre hybride et obligations
en matière de droits de l’homme».
25. La récente agression ne fait pas exception. Dans les deux
mois qui ont précédé l’agression russe, l’Ukraine a été la cible
d’au moins trois vagues de cyberattaques visant des sites des organes
du gouvernement, les réseaux du ministère de la Défense, des banques
et d’autres institutions publiques.
26. Outre les cyberattaques les plus évidentes, qui perturbent
le fonctionnement des ordinateurs et des serveurs, les États sont
aussi de plus en plus confrontés à des campagnes de désinformation
massive, qui passent notamment par des fausses informations, ainsi
qu’à des ingérences dans les processus électoraux ou à une perturbation
des communications – autant d’attaques directes à l’encontre du
fonctionnement de nos démocraties, et, par conséquent, de notre
sécurité démocratique commune. A cet égard, la Convention de Budapest
sur la cybercriminalité (
STE
n° 185), dont le Deuxième Protocole additionnel a été ouvert
à la signature le 12 mai 2022, reste un cadre important.
5.2. La
désinformation
27. Dans sa Résolution 2326 (2020),
l’Assemblée se déclarait préoccupée par l’ampleur de la «pollution
de l’information», par la multiplication des campagnes de désinformation
visant à façonner l’opinion publique et par les tendances aux ingérences
étrangères dans le processus électoral et à la manipulation. Elle
soulignait la nécessité d’améliorer le contenu et l’architecture
d’internet, de renforcer la résilience des sociétés et des systèmes
démocratiques européens, de lutter contre la désinformation, d’investir
dans un journalisme de qualité et de préserver la liberté d’expression
ainsi que le pluralisme politique et médiatique, en particulier
dans le contexte des élections. De même, deux recommandations récentes
du Comité des Ministres ont identifié la désinformation comme une
menace croissante pour la démocratie et ont fourni des lignes directrices spécifiques
aux États pour y faire face
.
28. De la même manière, le Parlement européen a fait part de sa
préoccupation concernant l’incidence croissante et la nature de
plus en plus sophistiquée des tentatives étrangères d’ingérence
et de manipulation de l’information, émanant essentiellement de
la Fédération de Russie et de la Chine et visant le fonctionnement démocratique
de l’Union européenne et de ses États membres. Dans une résolution
datant de mars 2022, il a appelé la Commission à proposer une stratégie
intersectorielle visant à doter l’Union Européenne de politiques de
résilience et de prospection et d’outils de dissuasion appropriés,
et à envisager de créer un centre européen de lutte contre les menaces
d’ingérence et de l’intégrité de l’information indépendant
.
5.3. La
migration comme arme
29. Tandis que le fait d’assurer
la sécurité des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile
reste une préoccupation humanitaire pour les gouvernements européens,
l’effroyable vérité est que les migrants sont de plus en plus utilisés
comme des armes: les gouvernements non démocratiques instrumentalisent
les aspirations et le désespoir de certains êtres humains pour exploiter
les divisions politiques et la peur publique liée à des flux migratoires
incontrôlés dans les pays d’Europe. Cette attitude durcit les comportements
envers les migrants et les demandeurs d’asile au sein de certains
pays et affaiblit la stabilité et la cohésion sociale.
5.4. La
sécurité énergétique
30. Si la notion de sécurité énergétique
n’a rien de nouveau, la récente agression à grande échelle de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine a montré de la façon la plus brutale
qui soit les effets potentiels en matière de sécurité des chaînes
d’approvisionnement en énergie. La dépendance de nombreux pays d’Europe au
gaz russe a limité la puissance des réactions internationales face
à l’invasion. Inversement, les flux d’hydrocarbures constituent
un levier politique pratique pour Moscou – et pour d’autres fournisseurs
d’énergie – depuis des dizaines d’années, qui leur permet de désamorcer
les critiques concernant leur bilan en matière de droits humains
ou de démocratie, ce qui, à son tour, empêche toute perspective
de sécurité démocratique commune.
31. Dans une démonstration éclatante des risques encourus par
les pays européens, la Fédération de Russie a brusquement suspendu
les livraisons de gaz naturel à la Pologne et à la Bulgarie le 27
avril 2022 en raison de leur refus de payer en roubles, bien que
cela ne constitue pas une violation de leurs obligations contractuelles
envers Gazprom. Cette décision faisait suite à l'annonce faite par
les dirigeants russes quelques semaines auparavant, selon laquelle
les acheteurs étrangers «inamicaux» devraient payer le gaz en monnaie russe.
5.5. L’extrémisme
violent et le terrorisme
32. Alors qu'au cours des dernières
années, ces questions ont moins retenu l'attention du public, la radicalisation
conduisant à l'extrémisme violent et au terrorisme continue d'être
une menace majeure pour la sécurité démocratique en Europe. Le Conseil
de l'Europe devrait continuer à soutenir ses États membres dans la
prévention et la lutte contre ce fléau tout en assurant la coopération
internationale et l'assistance aux victimes.
5.6. La
sécurité alimentaire
33. L'agression de la Fédération
de Russie contre l'Ukraine a tragiquement mis en lumière l'impact
des conflits sur la sécurité alimentaire. L'Ukraine est un exportateur
net de produits agricoles, et près de 50 pays dépendent de la Fédération
de Russie et de l'Ukraine pour au moins 30% de leurs importations
de blé et, en général, pour satisfaire leurs besoins de consommation
. L'agression
russe a entraîné un énorme défi en matière de sécurité alimentaire,
perturbant les moyens de subsistance pendant la saison de croissance
des cultures agricoles en Ukraine et affectant considérablement
les approvisionnements alimentaires mondiaux. La pénurie de produits
alimentaires et agricoles essentiels peut conduire à l'instabilité
et aux troubles dans de nombreux pays, et peut potentiellement affecter
la sécurité européenne.
6. Conflits
en Europe
34. Depuis la fin de la seconde
guerre mondiale, les forums multilatéraux ont joué un rôle important
en offrant un espace où les questions bilatérales peuvent être abordées
de manière constructive. Des différends sont apparus au fil des
ans, allant de l'interprétation d'événements historiques à des désaccords
commerciaux et économiques, mais le dialogue, comme option pour
traiter les questions en suspens, a prévalu.
35. Néanmoins, certains conflits de longue date et non résolus
en Europe, souvent alimentés par des discours politiques dangereux,
continuent à créer de l'instabilité et peuvent potentiellement s'intensifier.
36. L'île de Chypre reste divisée par un conflit non résolu qui
a vu de multiples interventions militaires dans les années 1970.
Malgré plusieurs tentatives au cours des 47 dernières années pour
parvenir à un accord politique, l'issue reste incertaine, et la
présence des casques bleus à ce jour est maintenue. Des désaccords subsistent
entre les États membres du Conseil de l'Europe sur le statut du
Kosovo*
. Vingt-cinq ans
après la fin d'une guerre brutale en Bosnie-Herzégovine, les tensions
sont à nouveau en hausse et menacent de rompre un équilibre délicatement
établi. La mise en œuvre de l'accord du Vendredi saint en Irlande
du Nord a apporté un grand répit aux violences passées, mais elle
reste fragile et nécessite une gestion politique responsable. Les
désaccords sur les frontières maritimes et les ressources naturelles
en Méditerranée orientale ont conduit à un renforcement militaire
et à une rhétorique dangereuse entre les États membres au cours
des dernières années.
37. Il existe également un certain nombre de conflits prolongés
avec une activité militaire importante qui affectent la vie de milliers
de personnes. Les situations en Transnistrie, en Ossétie du Sud
et en Abkhazie, où la Fédération de Russie a soutenu des mouvements
sécessionnistes en violation de la souveraineté et de l'intégrité
territoriale des États membres, posent de graves problèmes sécuritaires
et humanitaires. Les hostilités de longue date entre l'Azerbaïdjan
et l'Arménie au sujet du Haut-Karabakh ont éclaté en un conflit armé
à grande échelle en 2020 et, malgré un accord de paix plus tard
dans l'année, une nouvelle crise en 2021 a conduit à de nouveaux
affrontements.
38. Malgré ces différents types de conflits affectant l'Europe,
il est clair que l'agression russe en cours contre l'Ukraine est
d'une tout autre ampleur. Rien n'est comparable à ce à quoi nous
assistons en Ukraine, avec l'invasion totale d'un pays souverain
de tous côtés, par des attaques terrestres, aériennes et maritimes
et avec la destruction complète de villes entières et d'infrastructures
civiles. Les Conventions de Genève sur le droit international humanitaire
sont ouvertement bafouées, les civils sont pris pour cible et de
nombreux cas de crimes de guerre ont été enregistrés.
39. Le Conseil de l'Europe doit tirer les leçons de cette guerre
d'agression. Dans ce nouvel environnement hostile, où l'ampleur
des conflits est sans commune mesure avec ce que notre continent
a connu depuis la seconde guerre mondiale, l'Organisation doit redoubler
d'efforts pour contribuer à la sécurité profonde et douce dans toutes
ses activités, et être un forum où les États membres peuvent défendre
la sécurité démocratique avec une vigueur renouvelée. Son rôle de
plateforme de dialogue, de diplomatie, de restauration de la confiance
et de prévention des conflits devrait également être renforcé.
7. La
nécessité de protéger et de réformer le multilatéralisme fondé sur
des règles
40. L'agression russe contre l'Ukraine
ne peut être considérée comme une question bilatérale entre deux États.
C'est un affrontement entre deux conceptions et approches des relations
internationales: l'une repose sur un ordre international fondé sur
des règles tandis que l'autre est fondée sur des sphères d'intérêt.
L'une est basée sur les règles, le dialogue, la coopération et la
recherche de solutions politiques aux différends; l'autre est basée
sur la confrontation et consiste à imposer des choix par l'usage
de la force.
41. Le multilatéralisme fondé sur des règles doit faire partie
de la solution aux problèmes de sécurité nouveaux et plus anciens
auxquels l’Europe est confrontée. Toutefois, l’agression de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine a notamment eu pour conséquence directe
d’affaiblir de nombreuses institutions multilatérales.
42. Le vote ayant eu lieu le 2 mars 2022 au sein de l’Assemblée
générale des Nations Unies, qui a condamné l’agression de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine par 145 voix contre 5, et la décision
prise par l’Assemblée générale en avril de suspendre la Fédération
de Russie du Conseil des droits de l’homme, ont montré la pertinence
de la diplomatie internationale. Mais le principal organe chargé
de la paix et de la sécurité internationale – le Conseil de sécurité
– est paralysé. En effet, le droit de veto de la Fédération de Russie
l’a empêché de s’exprimer sur l’une des questions de sécurité les
plus importantes de notre époque, et il entravera probablement son
action à l’avenir. Le manque de coopération au sein du Conseil de
sécurité affectera également les réponses internationales aux crises
existantes dans le monde entier.
43. L’agression de la Fédération de Russie envers l’Ukraine constitue
la plus rude épreuve à laquelle l’OSCE a été soumise depuis sa création,
en 1975. En tant qu’organe multilatéral le plus impliqué dans le système
de sécurité européen depuis la guerre froide, elle joue un rôle
important en Ukraine depuis déjà 2014, dirigeant une mission d’observation
d’envergure et faisant partie du Groupe de contact trilatéral, aux
côtés de la Fédération de Russie et de l’Ukraine, afin d’essayer
de trouver une solution diplomatique à la guerre dans la région
du Donbass. Étant donné le nombre élevé de ses membres et le fait
que sa mission soit axée sur la sécurité, l’OSCE reste l’une des
rares organisations en mesure de jouer un rôle dans la mise en œuvre
de tout accord de cessez-le-feu entre la Fédération de Russie et
l’Ukraine.
44. Toutefois, étant donné que toutes les décisions de l’Organisation
sont prises par consensus, les fortes divergences de points de vue
sur la situation parmi ses États participants représenteront un
obstacle sérieux pour l'efficacité de son travail. Le fait que le
mandat de la Mission spéciale d’observation, arrivé à expiration
le 31 mars 2022, n’ait pas pu être prorogé est un exemple concret
des difficultés auxquelles se heurte l’OSCE dans la conduite de
ses activités essentielles.
45. Le Conseil de l’Arctique, qui a vu le jour en 1996, est un
forum au sein duquel les huit États de la région et ses peuples
autochtones s’efforcent de relever les défis liés au développement
durable et à la protection de l’environnement. En mars 2022, tous
ses membres, à l’exception de la Fédération de Russie, ont annoncé qu’ils
suspendaient leur participation aux travaux du Conseil et qu’ils
se retiraient de toutes les réunions devant être organisées par
le pays présidant actuellement le Conseil, à savoir la Fédération
de Russie
.
46. L’agression de la Russie contre l’Ukraine est un événement
d'une telle ampleur qu'il conduit certains États membres du Conseil
de l'Europe à se repositionner par rapport à leurs alliances militaires.
La Suède et la Finlande sont en voie de demander officiellement
leur adhésion à l'OTAN, mettant ainsi fin à des décennies de politique
de neutralité. Le sentiment populaire dans les deux pays semble
également changer, avec 62 % des répondants finlandais se déclarant
favorables à l'adhésion à l'OTAN, contre 21 % il y a cinq ans, et
une majorité croissante en Suède soutenant cette décision
. L’adhésion de la Finlande, notamment,
serait particulièrement importante car il s’agirait du sixième État
frontalier de la Fédération de Russie à rejoindre l’Alliance, sachant
que la frontière entre ces deux pays est d’environ 1 340 km.
47. L’année 2022 sera une année déterminante pour l’OTAN, pour
plusieurs raisons. En effet, outre d’éventuelles décisions concernant
son élargissement, les alliés adopteront en juin un nouveau concept stratégique
– le premier en 12 ans. Dans le cadre de ses recommandations en
vue de ce nouveau document, l’Assemblée parlementaire de l’OTAN
a proposé la création d’un Centre de résilience démocratique au
siège de l’Organisation afin de protéger la démocratie et de renforcer
la capacité des alliés non seulement à résister aux attaques à cette
dernière, mais aussi à les contrer
. Elle a également suggéré que le
concept stratégique favorise une «OTAN plus politique» afin de faciliter
la convergence de vues entre les Alliés
.
48. Ce type d'initiatives pour renforcer la résilience démocratique
et le dialogue politique sont à soutenir. Face au défi actuel du
multilatéralisme fondé sur des règles, il est nécessaire non seulement
de protéger les institutions multilatérales mais aussi de les réformer
et de les doter de nouveaux outils susceptibles de les rendre plus
efficaces et capables de faire face aux menaces actuelles et futures.
Cela inclut les questions relatives à l'élargissement, alors que
de plus en plus de pays européens cherchent à rejoindre les institutions multilatérales
sur la base de valeurs communes.
49. Dans ce nouveau contexte de sécurité plein de risques, les
États membres du Conseil de l'Europe devraient renouveler leur engagement
envers les valeurs de la démocratie, des droits de l'homme et de
l'État de droit et réitérer leur soutien au Conseil de l'Europe
en tant qu'organisation européenne essentielle visant à développer
un espace commun pour que ces valeurs puissent s'épanouir, dans
la poursuite d'une paix fondée sur la justice et la coopération
internationale. Alors que l'Europe traverse une période d'incertitude,
elle doit réaffirmer son unité autour des valeurs qui sont et doivent
rester le fondement de l'architecture multilatérale et soutenir
les prochaines phases de l'élargissement européen en tant que moyen
stratégique de renforcer la sécurité démocratique.
8. La
réponse de l’Union européenne
50. L’agression de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine s'est révélé être un catalyseur de l'unité
et d'un leadership accru de l'Union européenne en tant qu'acteur
mondial. De fait, en un peu plus de deux mois, avec une rapidité
sans précédent, l’Union européenne a adopté plusieurs séries de
sanctions de plus en plus sévères à l’égard de la Fédération de
Russie. Au début du mois d’avril 2022, la visite de la Présidente
de la Commission européenne, Mme von der Leyen,
à Kiev et à Boutcha – lieu d’un massacre présumé de civils par les
forces russes – a été le signe le plus visible de la solidarité
de l’Union européenne envers un pays tiers attaqué. Le discours
en matière de sécurité et de défense émanant à la fois de Bruxelles
et des capitales des pays de l’Union européenne indiquent un changement
fondamental dans l’approche de l’Union européenne concernant la
sécurité sur le continent.
51. Selon la France, qui défend de longue date l’idée d’un renforcement
de l’intégration militaire européenne et assure actuellement la
présidence tournante de l’Union européenne, l’invasion russe prouve
que l’Europe doit devenir plus autonome pour pouvoir assurer elle-même
sa défense
. Lors de la réunion informelle du Conseil
européen ayant eu lieu à Versailles les 10 et 11 mars 2022, les
dirigeants de l’Union européenne ont réaffirmé leur engagement à
renforcer la sécurité et la défense européennes, ainsi que la capacité
de l’Union à agir de façon autonome. Mme von
der Leyen a annoncé que la Commission européenne préparerait une analyse
des déficits d'investissement dans la défense d’ici au mois de mai
2022, et la Présidente du Parlement européen a indiqué que l’Union
européenne devrait aller plus loin en matière de défense commune.
52. Comme l’a affirmé Mme von der Leyen
dans un discours devant le Parlement européen au début du mois de
mars 2022, «[l]a sécurité et la défense européennes ont évolué davantage
au cours des six derniers jours qu'au cours des vingt dernières
années
.»
53. Plusieurs États membres de l’Union européenne, dont l’Allemagne,
la Roumanie et la Suède, ont annoncé une augmentation de leurs dépenses
en matière de défense
. De plus, nombre d’entre eux, notamment
des pays traditionnellement neutres comme la Finlande et la Suède,
envoient des armes à l’Ukraine depuis le début de l’agression, Josep
Borrell, Haut représentant de l'Union européenne pour les affaires
étrangères et la politique de sécurité, et la ministre allemande
des Affaires étrangères, Annalena Baerbock, ayant tous deux appelé
les États membres de l’Union européenne à fournir davantage d’armes lourdes
et d’équipements militaires lors de la préparation d’un récent Conseil
des Affaires étrangères
.
54. Depuis février 2022, le Conseil européen a approuvé un montant
total de 1,5 milliard d'euros de financement pour soutenir les forces
armées ukrainiennes au titre de la facilité européenne pour la paix,
un instrument mis en place il y a seulement un an, en 2021, dans
le but de renforcer la capacité de l’Union européenne à prévenir
les conflits et à renforcer la sécurité internationale
.
55. Même la nouvelle boussole stratégique, approuvée par le Conseil
européen le 21 mars 2022, met fortement l’accent sur la défense.
Elle prévoit en effet la mise en place d’une capacité de déploiement
rapide pouvant compter jusqu'à 5 000 militaires, la conduite régulière
d’exercices réels sur terre et en mer, le renforcement de la mobilité
militaire et l’augmentation des dépenses individuelles de défense
des États membres. La nouvelle stratégie vise également à lutter
contre les nombreuses menaces hybrides grâce à l’élaboration d’une
boîte à outils hybride et à la mise en place d’équipes d'intervention,
ainsi qu’à la conception d’une politique de l'Union européenne en
matière de cyberdéfense et d’une boîte à outils relative aux activités de
manipulation de l'information et d'ingérence menées depuis l'étranger.
9. Le rôle
du Conseil de l’Europe: conclusions et propositions
56. À différents moments de leur
histoire, les États membres du Conseil de l’Europe ont décidé d’entrer
dans cette maison commune européenne car ils croyaient à une Europe
sans clivages. Ils défendaient les mêmes valeurs et acceptaient
d’être soumis aux mêmes obligations. Et pourtant, nous sommes aujourd’hui
confrontés à la réalité tragique d’une violente agression au cœur
de l’Europe. Cet événement a ébranlé l’ordre international et régional.
57. Réagissant à ce défi, le Comité des Ministres a pour la première
fois appliqué l’article 8 du Statut en vue de retirer le statut
de membre du Conseil de l’Europe à un État. S'il y a une première
leçon à tirer, c'est la confirmation que les États membres du Conseil
de l'Europe sont interdépendants pour leur sécurité et leur stabilité.
Ils sont interdépendants pour assurer la poursuite d'une paix fondée
sur la justice et la coopération internationale qui, comme le stipule
le Statut, est vitale pour la préservation de la société et de la
civilisation européenne.
58. Dans ce contexte géopolitique nouveau, instable et tendu,
il est nécessaire de revigorer le Conseil de l’Europe, de le soutenir
politiquement et de le doter de solides outils pour qu’il puisse
mener sa mission à bien. L’Organisation doit occuper la place qu’elle
mérite sur la scène politique et institutionnelle européenne, pour soutenir
la sécurité démocratique de ses États membres ainsi qu'un multilatéralisme
fondé sur des règles.
59. Pour pouvoir avoir un impact sur la sécurité démocratique,
il faudrait que cette Organisation et ses organes concentrent davantage
leurs activités sur l’inversion de la tendance actuelle au recul
de la démocratie, et qu’ils proposent des moyens de renforcer et
rajeunir les institutions démocratiques et de lutter contre les causes
profondes d’une telle régression. A cette fin, il est impératif
que le Conseil de l'Europe mette davantage l'accent sur ses activités
visant à renforcer le respect de l'État de droit dans ses États
membres, y compris par le biais du Groupe d'États contre la corruption
(GRECO), dont les travaux sont cruciaux non seulement pour renforcer
la résilience institutionnelle contre la corruption mais aussi pour
renforcer la confiance du public dans le fonctionnement des institutions
démocratiques. La réflexion en cours sur les procédures de suivi
du Conseil de l'Europe doit être poursuivie, et l'Assemblée doit
également jouer son rôle.
60. Parmi les propositions que je voudrais mettre sur la table
figure la création d'une nouvelle structure du Conseil de l'Europe
pour renforcer la résilience démocratique des États membres. Cette
Initiative de résilience démocratique devrait suivre les évolutions
démocratiques dans les États membres, en s'appuyant sur les travaux
des organes et mécanismes existants du Conseil de l'Europe, afin
de prévenir les violations des normes du Conseil de l'Europe et
de proposer des mesures pour renforcer la démocratie et l'État de
droit.
61. L'intensification de l’action du Conseil de l’Europe visant
à renforcer la société civile dans ses États membres devrait également
être une priorité. En tant qu'élément cardinal de la vie démocratique,
la vitalité de la société civile contribuera à déterminer la résilience
de notre sécurité démocratique commune et à prévenir tout nouveau
recul. À cet égard, je pense que le Conseil de l'Europe devrait
mettre en place un mécanisme permettant de suivre l'évolution de
la société civile, de la liberté d'association et de la participation
civile dans les États membres et de fournir des alertes rapides
et des recommandations au Secrétaire Général ou à la Secrétaire
Générale. Un renforcement du Conseil d'experts sur le droit des
ONG, déjà existant, pourrait par exemple être une voie à explorer.
62. Le renforcement de la capacité de résilience de nos institutions
nationales est l’un des meilleurs investissements que nous puissions
faire pour garantir la stabilité et la sécurité à long terme en
Europe.
63. Le Conseil de l’Europe devrait aussi faire preuve de plus
de souplesse et renforcer sa capacité de réaction rapide, notamment
en cas de problèmes susceptibles de se propager au-delà des frontières nationales,
comme la protection des droits des minorités nationales. Les problèmes
non résolus peuvent en effet aggraver les tensions au sein de l’espace
commun du Conseil de l’Europe et ainsi mettre à mal la sécurité et
la stabilité démocratiques.
64. Le Conseil de l’Europe devrait également jouer un rôle plus
important dans le domaine de la prévention des conflits, notamment
grâce à sa dimension parlementaire, et dans la promotion des relations
de bon voisinage. Lorsque des différends apparaissent entre des
États membres, la diplomatie parlementaire peut jouer un rôle important
pour désamorcer les tensions et promouvoir la compréhension mutuelle
avant que les choses ne s'aggravent. L'Assemblée devrait accroître
ses activités sur ce front: grâce à ses visites sur le terrain,
ses procédures d'urgence, ses auditions et sa capacité à réunir
les parlementaires pour un dialogue, elle peut être encore plus
utile dans le cadre des efforts de notre Organisation en matière
d'alerte précoce et de résolution des conflits.
65. Les mesures de confiance constituent un autre domaine dans
lequel le Conseil de l'Europe peut concentrer davantage d'attention
et de ressources. L’Organisation mène déjà quelques activités limitées
à cet égard, en réunissant la société civile des deux parties dans
une situation de conflit pour qu'elle suive des formations conjointes,
contribuant ainsi non seulement à forger la compréhension, mais
aussi à faire connaître les droits de l'homme, l'État de droit et
les normes démocratiques européens. La valeur ajoutée du Conseil
de l'Europe en matière de renforcement de la confiance réside précisément
dans le vaste éventail de normes qu'il peut offrir comme moyen de
rassembler les gens. Pour ce faire, l'Assemblée pourrait encourager
les États membres à allouer des ressources financières spécifiques
à cet effet, et la Secrétaire Générale pourrait envisager d’affecter
du personnel dédié aux mesures de confiance dans les bureaux extérieurs.
66. Enfin, le Conseil de l’Europe devrait mettre davantage l'accent
sur l’identification et le traitement des nouveaux défis en matière
de sécurité, y compris les «guerres hybrides», et mettre en place
des processus permettant de prendre du recul et d’examiner comment
tous les nouveaux défis spécifiques, de l'approvisionnement en énergie
aux cyberattaques, sont liés les uns aux autres et affectent la
sécurité européenne.