Rapport | Doc. 15741 | 11 avril 2023
Convention européenne des droits de l’homme et Constitutions nationales
Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
Résumé
Ce rapport est né au vu des liens de plus en plus étroits entre les rôles joués par la Cour européenne des droits de l'homme, les juridictions constitutionnelles nationales et la Cour de justice de l'Union européenne. En l'absence d'une hiérarchie constitutionnelle claire entre ces juridictions, nous sommes en présence d'une sorte de «constitutionnalisme à plusieurs niveaux».
Bien que des situations de conflit et de tension puissent survenir entre les différents ordres juridiques, il est essentiel que toute solution à ces conflits respecte les obligations juridiques internationales des États, ainsi que la crédibilité et la légitimité de la Cour européenne des droits de l'homme, qui est la juridiction internationale compétente pour l'interprétation et l'application de la Convention.
Il convient de trouver des moyens constructifs d'éviter au mieux les conflits entre les juridictions de ces différents ordres juridiques, et de veiller à ce qu'un dialogue réfléchi puisse être engagé en cas de conflit. Cette démarche devrait comporter des mécanismes plus efficaces qui favorisent la compréhension et le respect mutuels, ainsi que le dialogue judiciaire entre les juridictions nationales et européennes. Des améliorations doivent également être apportées pour garantir que les juridictions nationales tiennent compte de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme lorsqu'elles appliquent les droits de l'homme au niveau national, notamment en mettant à disposition, dans toutes les langues du Conseil de l'Europe, les guides thématiques de la Cour.
A.	Projet de
résolution 
(open)B. Exposé des motifs par M. George Katrougalos, rapporteur
(open)1. Introduction
 déposée le 25 juin 2021, la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme m’a désigné rapporteur
sur cette question lors de sa réunion du 5 novembre 2021.
 déposée le 25 juin 2021, la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme m’a désigné rapporteur
sur cette question lors de sa réunion du 5 novembre 2021.2. La place de la Convention dans les ordres juridiques nationaux
 .
Dans cette section, je commencerai par examiner la relation entre
le droit international et le droit interne – en particulier à la
lumière des différentes approches monistes et dualistes et de l’obligation
de mettre en œuvre les traités internationaux relatifs aux droits
de l’homme – avant de m’intéresser à la relation entre les Constitutions
nationales et les traités relatifs aux droits de l’homme, puis à
l’émergence du constitutionnalisme à plusieurs niveaux en Europe.
.
Dans cette section, je commencerai par examiner la relation entre
le droit international et le droit interne – en particulier à la
lumière des différentes approches monistes et dualistes et de l’obligation
de mettre en œuvre les traités internationaux relatifs aux droits
de l’homme – avant de m’intéresser à la relation entre les Constitutions
nationales et les traités relatifs aux droits de l’homme, puis à
l’émergence du constitutionnalisme à plusieurs niveaux en Europe.2.1. Analyse sous l’angle du droit international: les théories moniste et dualiste traditionnelles
 .
. .
Selon la théorie moniste traditionnelle, il n’est pas nécessaire
de transposer les traités dans les instruments juridiques nationaux
pour les intégrer dans l’ordre juridique interne: ils peuvent être
invoqués devant les juridictions nationales sans transposition préalable,
à condition que la nature et le contenu de la disposition concernée
soient suffisamment clairs (c’est-à-dire s’ils sont auto-applicables)
.
Selon la théorie moniste traditionnelle, il n’est pas nécessaire
de transposer les traités dans les instruments juridiques nationaux
pour les intégrer dans l’ordre juridique interne: ils peuvent être
invoqués devant les juridictions nationales sans transposition préalable,
à condition que la nature et le contenu de la disposition concernée
soient suffisamment clairs (c’est-à-dire s’ils sont auto-applicables)  . Ces pays ont généralement inscrit
dans leur Constitution ou un autre instrument juridique (loi ou
autre texte organique ou constitutionnel)
. Ces pays ont généralement inscrit
dans leur Constitution ou un autre instrument juridique (loi ou
autre texte organique ou constitutionnel)  une
«clause d’intégration» qui précise que le droit international, des
traités internationaux précis ou des types particuliers de droit
international font partie de l’ordre juridique interne. Par exemple,
les Constitutions des pays suivantes comportent une clause d’intégration:
Albanie, Arménie, Bulgarie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, Portugal
et République tchèque. Les traités relatifs aux droits de l’homme
ont en général un statut relativement important dans la hiérarchie
des normes des États monistes
 une
«clause d’intégration» qui précise que le droit international, des
traités internationaux précis ou des types particuliers de droit
international font partie de l’ordre juridique interne. Par exemple,
les Constitutions des pays suivantes comportent une clause d’intégration:
Albanie, Arménie, Bulgarie, Lituanie, Pays-Bas, Pologne, Portugal
et République tchèque. Les traités relatifs aux droits de l’homme
ont en général un statut relativement important dans la hiérarchie
des normes des États monistes  .
. .
Il existe trois grands procédés juridiques d’intégration du droit
international dans le droit national: la transposition, l’adaptation
et l’adoption
.
Il existe trois grands procédés juridiques d’intégration du droit
international dans le droit national: la transposition, l’adaptation
et l’adoption  .
. .
Ni le monisme ni le dualisme ne rendent compte à eux seuls des facteurs
qui influent sur l’intégration des traités relatifs aux droits de
l’homme dans le droit interne, et les États des deux catégories
peuvent parfaitement mettre en œuvre les obligations qui découlent de
ces traités
.
Ni le monisme ni le dualisme ne rendent compte à eux seuls des facteurs
qui influent sur l’intégration des traités relatifs aux droits de
l’homme dans le droit interne, et les États des deux catégories
peuvent parfaitement mettre en œuvre les obligations qui découlent de
ces traités  .
.2.2. L’obligation faite aux États par le droit international d’exécuter les traités relatifs aux droits de l’homme
 . Cependant,
quel que soit le modèle choisi, l’État est lié par ses obligations
en vertu du droit international et par les principes du droit international,
dont la règle pacta sunt servanda est applicable
aux traités auxquels l’État est partie
. Cependant,
quel que soit le modèle choisi, l’État est lié par ses obligations
en vertu du droit international et par les principes du droit international,
dont la règle pacta sunt servanda est applicable
aux traités auxquels l’État est partie  . Le
droit interne d’un État, y compris le droit constitutionnel, ne
peut être invoqué pour justifier un acte ou une omission qui constituerait
d’une violation du droit international (voir l’article 27 de la
Convention de Vienne sur le droit des traités)
. Le
droit interne d’un État, y compris le droit constitutionnel, ne
peut être invoqué pour justifier un acte ou une omission qui constituerait
d’une violation du droit international (voir l’article 27 de la
Convention de Vienne sur le droit des traités) ![(15) 
			Ibid.,
article 27: «Une partie ne peut invoquer les dispositions de son
droit interne comme justifiant la non-exécution d’un traité […]».](/nw/images/icon_footnoteCall.png) .
Un État qui ne s’acquitte pas de ses obligations nées d’un traité
international engage sa responsabilité internationale
.
Un État qui ne s’acquitte pas de ses obligations nées d’un traité
international engage sa responsabilité internationale  .
. . Un État peut se plier à ses
obligations juridiques internationales par les moyens de son choix
dès lors que le résultat de son action en assure le respect («obligation
de résultat» plutôt qu’«obligation de comportement» ou «obligation
de moyens»)
. Un État peut se plier à ses
obligations juridiques internationales par les moyens de son choix
dès lors que le résultat de son action en assure le respect («obligation
de résultat» plutôt qu’«obligation de comportement» ou «obligation
de moyens»)  .
.2.3. La place des traités relatifs aux droits de l’homme dans les Constitutions nationales
 .
. :
:
- la Constitution précise que les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme priment sur le droit national (comme en Bosnie-Herzégovine)
;
- la Constitution précise que les traités relatifs aux droits de l’homme ont rang constitutionnel (comme dans certains pays d’Amérique latine)
;
- la Constitution précise que les traités (notamment les traités relatifs aux droits de l’homme) ont un rang supérieur au droit interne, mais ne priment pas sur la Constitution (c’est le cas pour l’Albanie, l’Allemagne, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Bulgarie, la Croatie, l’Estonie, la France, la Géorgie, la Grèce, la Macédoine du Nord, la Pologne, la République de Moldova et la République tchèque, ainsi que pour la Fédération de Russie)
;
- enfin, la tendance la plus récente, avec
ou sans disposition constitutionnelle spécifique, voit les tribunaux interpréter le droit national, y compris les dispositions constitutionnelles, en conformité avec la Convention, afin d’assurer une protection maximale des droits de l’homme
. De cette manière, les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme sont introduits dans le «bloc de constitutionnalité» et, en cas de conflit de normes, la priorité est donnée à la norme la plus favorable à la protection de l’individu.
2.4. La place de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme dans les ordres juridiques internes
2.5. L’émergence du constitutionnalisme à plusieurs niveaux en Europe: Constitutions nationales, droit de l’Union européenne et Convention européenne des droits de l’homme
 .
. . La Cour européenne des droits
de l’homme a déclaré, à de nombreuses reprises, qu’elle était disposée
à s’engager dans un tel «dialogue judiciaire». Cette intention se manifeste
notamment lorsque la Cour se met en quête d’un éventuel «consensus
européen», ou d’une «approche commune de la majorité des Hautes
Parties contractantes pour traiter d’une question particulière»
. La Cour européenne des droits
de l’homme a déclaré, à de nombreuses reprises, qu’elle était disposée
à s’engager dans un tel «dialogue judiciaire». Cette intention se manifeste
notamment lorsque la Cour se met en quête d’un éventuel «consensus
européen», ou d’une «approche commune de la majorité des Hautes
Parties contractantes pour traiter d’une question particulière»  . La
Cour s’est également engagée dans un dialogue avec d’autres instruments
internationaux et des arrêts ou décisions d’organes internationaux
et régionaux de défense des droits de l’homme
. La
Cour s’est également engagée dans un dialogue avec d’autres instruments
internationaux et des arrêts ou décisions d’organes internationaux
et régionaux de défense des droits de l’homme ![(29) 
			«La Convention [...]
ne peut être interprétée dans le vide et doit, dans la mesure du
possible, être interprétée en harmonie avec les autres règles du
droit international concernant la protection internationale des
droits de l’homme [...]. En effet, comme il ressort de l’article 31,
paragraphe 3 (c), de la Convention de Vienne de 1969 sur le droit
des traités, la Convention doit, dans la mesure du possible, être
interprétée en harmonie avec les autres règles de droit international dont
elle fait partie, y compris celles relatives à la protection internationale
des droits de l’homme»; voir Correia
de Matos c. Portugal, requête no 56402/12,
arrêt du 4 avril 2018 (GC) et Hämäläinen
c. Finlande, requête no 37359/09,
arrêt du 16 juillet 2014 (GC).](/nw/images/icon_footnoteCall.png) .
.3. Constitutions nationales et exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
3.1. Obligation juridique d’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
 . Cette
jurisprudence a rappelé que l’article 1 de la Convention n’exclut
de l’empire de la Convention aucune partie de la «juridiction» d’un
État membre, y compris la Constitution – par laquelle s’exerce souvent
en premier lieu cette juridiction
. Cette
jurisprudence a rappelé que l’article 1 de la Convention n’exclut
de l’empire de la Convention aucune partie de la «juridiction» d’un
État membre, y compris la Constitution – par laquelle s’exerce souvent
en premier lieu cette juridiction ![(31) 
			Voir par exemple la
Cour européenne des droits de l’homme, Anchugov
et Gladkov c. Fédération de Russie, requêtes nos 11157/04
et 15162/05, arrêt du 4 juillet 2013, paragraphe 50. Voir aussi Grzęda c. Pologne (cité plus haut), paragraphe 340,
«Le principe selon lequel les États doivent honorer leurs obligations
internationales est ancré depuis longtemps dans le droit international.
En particulier, ‘un État ne saurait invoquer vis-à-vis d’un autre
État sa propre Constitution pour se soustraire aux obligations que
lui imposent le droit international ou les traités en vigueur’ (voir
l’avis consultatif de la Cour permanente de justice internationale
sur le traitement des nationaux polonais et des autres personnes
d’origine ou de langue polonaise dans le territoire de Dantzig […]).
La Cour observe qu’en vertu de la Convention de Vienne sur le droit
des traités, un État ne peut invoquer son droit interne, y compris
sa Constitution, pour justifier le non-respect des engagements qu’il
a pris au regard du droit international (voir l’article 27 de la
Convention de Vienne […])».](/nw/images/icon_footnoteCall.png) .
.![(32) 
			Voir
par exemple, Maestri c. Italie,
requête no 39748/98, arrêt du 17 février
2004, paragraphe 47. La Cour a notamment rappelé que «[…] en ratifiant
la Convention, les États contractants s’engagent à faire en sorte
que leur droit interne soit compatible avec celle-ci». Voir aussi Advance Pharma sp.z o.o. c. Pologne,
requête no 1469/20, arrêt du 3 février
2022, paragraphes 363 à 366.](/nw/images/icon_footnoteCall.png) . Le caractère contraignant
de l’obligation née de l’article 46, paragraphe 1, de la Convention
a été réitéré par le Comité des Ministres dans ses nombreuses décisions
sur l’exécution d’arrêts spécifiques de la Cour européenne des droits
de l’homme et par l’Assemblée dans ses résolutions sur la mise en
œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
. Le caractère contraignant
de l’obligation née de l’article 46, paragraphe 1, de la Convention
a été réitéré par le Comité des Ministres dans ses nombreuses décisions
sur l’exécution d’arrêts spécifiques de la Cour européenne des droits
de l’homme et par l’Assemblée dans ses résolutions sur la mise en
œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme  .
La Cour a même indiqué que cette obligation au titre de l’article 46,
paragraphe 1, pouvait, selon le contexte, lier les juridictions
nationales de l’État concerné
.
La Cour a même indiqué que cette obligation au titre de l’article 46,
paragraphe 1, pouvait, selon le contexte, lier les juridictions
nationales de l’État concerné  .
.3.2. Conflits possibles entre la primauté de la Constitution dans l’ordre juridique interne et l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
 . On peut également «réduire la
possibilité de conflit à partir de l’ordre constitutionnel national,
en mettant en œuvre une volonté d’interpréter les dispositions de
la Constitution nationale dans le sens des obligations découlant
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme»
. On peut également «réduire la
possibilité de conflit à partir de l’ordre constitutionnel national,
en mettant en œuvre une volonté d’interpréter les dispositions de
la Constitution nationale dans le sens des obligations découlant
des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme»  et
«dans des cas extrêmes, même une modification de la Constitution
pourrait être envisagée»
 et
«dans des cas extrêmes, même une modification de la Constitution
pourrait être envisagée»  .
. .
.![(39) 
			Ibid. Il
s’agit de la privation générale et automatique du droit de vote
imposée à tous les condamnés privés de liberté en application de
dispositions de la Constitution (violation de l’article 3 du Protocole
no 1). Au paragraphe 111 de l’arrêt,
la Cour dit qu’il «[…] est loisible au Gouvernement d’étudier toutes
les voies possibles […] et de décider si pour assurer le respect
de l’article 3 du Protocole no 1 il convient
que soit mise en œuvre une forme de processus politique ou que les autorités
compétentes – la Cour constitutionnelle russe en premier lieu –
donnent une interprétation de la Constitution russe qui soit conforme
à la Convention, de manière à coordonner leurs effets et à éviter
tout conflit entre elles».](/nw/images/icon_footnoteCall.png) en est un exemple
intéressant: la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie
a fait preuve à cette occasion «d’une certaine ouverture au dialogue
avec la Cour européenne des droits de l’homme»
 en est un exemple
intéressant: la Cour constitutionnelle de la Fédération de Russie
a fait preuve à cette occasion «d’une certaine ouverture au dialogue
avec la Cour européenne des droits de l’homme»  .
Dans sa décision du 19 avril 2016, rendue après l’arrêt de la Cour,
la Cour constitutionnelle a réaffirmé le caractère impératif de
la disposition constitutionnelle à l’origine de la violation des
droits des requérants, tout en indiquant au législateur fédéral
un moyen de sortir de l’impasse. La législation nationale a été
modifiée en conséquence et le Comité des Ministres a considéré que
l’arrêt de la Cour avait été pleinement exécuté
.
Dans sa décision du 19 avril 2016, rendue après l’arrêt de la Cour,
la Cour constitutionnelle a réaffirmé le caractère impératif de
la disposition constitutionnelle à l’origine de la violation des
droits des requérants, tout en indiquant au législateur fédéral
un moyen de sortir de l’impasse. La législation nationale a été
modifiée en conséquence et le Comité des Ministres a considéré que
l’arrêt de la Cour avait été pleinement exécuté  .
.3.3. Dialogue juridictionnel entre la Cour européenne des droits de l’homme et les plus hautes juridictions nationales
 .
Ce dialogue reflète l’obligation faite aux États d’interpréter un traité
«de bonne foi»
.
Ce dialogue reflète l’obligation faite aux États d’interpréter un traité
«de bonne foi»  .
Il peut également permettre aux États parties à la Convention d’éliminer
toutes les tensions et contradictions susceptibles d’exister entre
les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et les ordres
juridiques internes; ce moyen a fait la preuve de son efficacité
dans de multiples cas, dans plusieurs États membres du Conseil de
l’Europe
.
Il peut également permettre aux États parties à la Convention d’éliminer
toutes les tensions et contradictions susceptibles d’exister entre
les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme et les ordres
juridiques internes; ce moyen a fait la preuve de son efficacité
dans de multiples cas, dans plusieurs États membres du Conseil de
l’Europe  .
. . La Cour européenne des droits
de l’homme a fait de ce dialogue l’une de ses priorités ; en octobre
2015 a été créé le Réseau
des cours supérieures (RCS), dans le sillage de l’encourageante Déclaration de Bruxelles
adoptée à la Conférence de haut niveau de mars 2015
. La Cour européenne des droits
de l’homme a fait de ce dialogue l’une de ses priorités ; en octobre
2015 a été créé le Réseau
des cours supérieures (RCS), dans le sillage de l’encourageante Déclaration de Bruxelles
adoptée à la Conférence de haut niveau de mars 2015  .
Le RCS rassemble actuellement 103 juridictions de 44 États parties
à la Convention. Le RCS est un espace unique de partage régulier
d’information sur les questions juridiques liées à la Convention
par le biais d’échanges bilatéraux et multilatéraux (forums annuels,
webinaires, diffusion hebdomadaire de la jurisprudence de la Cour sur
un site internet sécurisé). Les juridictions nationales fournissent
également à la Cour européenne des droits de l’homme des informations
sur leurs systèmes nationaux respectifs, ce qui aide la Cour dans
son travail comparatif lorsqu’elle recherche un consensus européen
potentiel sur un sujet juridique particulier. Le RCS a récemment
été ouvert à la CJUE et à la Cour interaméricaine des droits de
l’homme en tant que cours observatrices, facilitant d’autant les
échanges sur les normes internationales en matière de droits de
l’homme.
.
Le RCS rassemble actuellement 103 juridictions de 44 États parties
à la Convention. Le RCS est un espace unique de partage régulier
d’information sur les questions juridiques liées à la Convention
par le biais d’échanges bilatéraux et multilatéraux (forums annuels,
webinaires, diffusion hebdomadaire de la jurisprudence de la Cour sur
un site internet sécurisé). Les juridictions nationales fournissent
également à la Cour européenne des droits de l’homme des informations
sur leurs systèmes nationaux respectifs, ce qui aide la Cour dans
son travail comparatif lorsqu’elle recherche un consensus européen
potentiel sur un sujet juridique particulier. Le RCS a récemment
été ouvert à la CJUE et à la Cour interaméricaine des droits de
l’homme en tant que cours observatrices, facilitant d’autant les
échanges sur les normes internationales en matière de droits de
l’homme. , et que cette possibilité n’ait
été exploitée jusqu’à présent que dans un petit nombre d’affaires
(sept requêtes soumises).
, et que cette possibilité n’ait
été exploitée jusqu’à présent que dans un petit nombre d’affaires
(sept requêtes soumises).4. Exécution et examen des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme: quelques exemples récents
 .
Le 19 janvier 2017, la Cour constitutionnelle russe a rendu un arrêt
déclarant que l’exécution de l’arrêt de la Cour européenne des droits
de l’homme sur la satisfaction équitable dans cette affaire était inconstitutionnelle
.
Le 19 janvier 2017, la Cour constitutionnelle russe a rendu un arrêt
déclarant que l’exécution de l’arrêt de la Cour européenne des droits
de l’homme sur la satisfaction équitable dans cette affaire était inconstitutionnelle  . En
2020, la Constitution russe a été modifiée de sorte que les décisions
des organes interétatiques qui sont contraires à la Constitution
ne soient pas exécutoires dans la Fédération de Russie, et que la
Cour constitutionnelle russe soit seule compétente pour régler les
questions relatives à la possibilité d’exécuter les décisions adoptées
par les organes interétatiques, dans le cas où celles-ci seraient
contraires à la Constitution russe. Dans son avis du 18 juin 2020,
la Commission de Venise a estimé que la compétence octroyée à la
Cour constitutionnelle de déclarer un arrêt de la Cour européenne
des droits de l’homme non exécutoire était contraire à la Convention
et elle s’est dite «inquiète» de l’inscription de cette compétence
dans la Constitution
. En
2020, la Constitution russe a été modifiée de sorte que les décisions
des organes interétatiques qui sont contraires à la Constitution
ne soient pas exécutoires dans la Fédération de Russie, et que la
Cour constitutionnelle russe soit seule compétente pour régler les
questions relatives à la possibilité d’exécuter les décisions adoptées
par les organes interétatiques, dans le cas où celles-ci seraient
contraires à la Constitution russe. Dans son avis du 18 juin 2020,
la Commission de Venise a estimé que la compétence octroyée à la
Cour constitutionnelle de déclarer un arrêt de la Cour européenne
des droits de l’homme non exécutoire était contraire à la Convention
et elle s’est dite «inquiète» de l’inscription de cette compétence
dans la Constitution  .
Dans sa Résolution 2358 (2021), et à la lumière de l’avis de la Commission de Venise, l’Assemblée
a appelé la Fédération de Russie à modifier les amendements apportés
aux articles 79 et 125.5.b de
la Constitution, mais ses recommandations sont restées sans effet.
.
Dans sa Résolution 2358 (2021), et à la lumière de l’avis de la Commission de Venise, l’Assemblée
a appelé la Fédération de Russie à modifier les amendements apportés
aux articles 79 et 125.5.b de
la Constitution, mais ses recommandations sont restées sans effet.4.1. Pologne
 , la
Cour a conclu à la violation de l’article 6 de la Convention en
raison de la composition du Tribunal constitutionnel polonais et
a contesté la validité de l’élection de plusieurs juges
, la
Cour a conclu à la violation de l’article 6 de la Convention en
raison de la composition du Tribunal constitutionnel polonais et
a contesté la validité de l’élection de plusieurs juges  .
De même, dans le groupe d’affaires Reczkowicz,
la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à une violation
du droit à un tribunal établi par la loi, en violation de l’article 6 de
la Convention, en raison de la participation aux procédures nationales
de juges de la Cour suprême polonaise qui ont été nommés dans le
cadre d’une procédure intrinsèquement défaillante sur proposition
du Conseil national de la magistrature, sans véritable indépendance
par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif et dans un contexte
plus large de réformes visant à affaiblir l’indépendance judiciaire
.
De même, dans le groupe d’affaires Reczkowicz,
la Cour européenne des droits de l’homme a conclu à une violation
du droit à un tribunal établi par la loi, en violation de l’article 6 de
la Convention, en raison de la participation aux procédures nationales
de juges de la Cour suprême polonaise qui ont été nommés dans le
cadre d’une procédure intrinsèquement défaillante sur proposition
du Conseil national de la magistrature, sans véritable indépendance
par rapport aux pouvoirs législatif et exécutif et dans un contexte
plus large de réformes visant à affaiblir l’indépendance judiciaire  . Dans son arrêt du 29 septembre
2021 rendu dans l’affaire Broda et Bojara
c. Pologne
. Dans son arrêt du 29 septembre
2021 rendu dans l’affaire Broda et Bojara
c. Pologne  , la Cour
européenne des droits de l’homme a conclu à une violation de l’article 6
de la Convention (accès à un tribunal) du fait de la fin prématurée du
mandat de vice-présidents d’un tribunal régional des requérants.
, la Cour
européenne des droits de l’homme a conclu à une violation de l’article 6
de la Convention (accès à un tribunal) du fait de la fin prématurée du
mandat de vice-présidents d’un tribunal régional des requérants. ,
rendu à la demande du ministre de la Justice et procureur général
à la suite de l’arrêt Xero Flor de
la Cour, le Tribunal constitutionnel a déclaré inconstitutionnel
l’article 6, paragraphe 1, de la Convention dans la mesure où le
terme «tribunal» qui y figure le désigne. Il l’a également jugé
inconstitutionnel au motif qu’il confère à la Cour européenne des
droits de l’homme compétence pour apprécier la légalité de l’élection
des juges au Tribunal constitutionnel. Le 10 mars 2022
,
rendu à la demande du ministre de la Justice et procureur général
à la suite de l’arrêt Xero Flor de
la Cour, le Tribunal constitutionnel a déclaré inconstitutionnel
l’article 6, paragraphe 1, de la Convention dans la mesure où le
terme «tribunal» qui y figure le désigne. Il l’a également jugé
inconstitutionnel au motif qu’il confère à la Cour européenne des
droits de l’homme compétence pour apprécier la légalité de l’élection
des juges au Tribunal constitutionnel. Le 10 mars 2022  ,
toujours à la demande du ministre de la Justice et procureur général
et en réaction aux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
concernant la réforme de la Cour suprême et du Conseil national
de la magistrature, le Tribunal constitutionnel a estimé que l’article 6,
paragraphe 1, de la Convention était contraire à la Constitution polonaise
au motif que l’organisation et la compétence des juridictions nationales
et la nomination des juges devaient relever de la compétence de
l’État partie.
,
toujours à la demande du ministre de la Justice et procureur général
et en réaction aux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme
concernant la réforme de la Cour suprême et du Conseil national
de la magistrature, le Tribunal constitutionnel a estimé que l’article 6,
paragraphe 1, de la Convention était contraire à la Constitution polonaise
au motif que l’organisation et la compétence des juridictions nationales
et la nomination des juges devaient relever de la compétence de
l’État partie. , et il a déploré
la position des autorités qui considèrent que la Cour a outrepassé
les limites de sa compétence en adoptant l’arrêt Xero Flor. Il a également rappelé
que pour éviter des violations similaires du droit à un tribunal
établi par la loi, «les autorités devaient prendre rapidement des
mesures correctives pour: (i) s’assurer que la Cour constitutionnelle
est composée de juges légalement élus, et donc permettre aux trois
juges élus en octobre 2015 d’être admis à siéger et de servir jusqu’à
la fin de leur mandat de neuf ans, en excluant les juges qui ont été
élus irrégulièrement; (ii) examiner le statut des décisions déjà
rendues dans des affaires de recours constitutionnels avec la participation
de juge(s) irrégulièrement nommé(s); et (iii) proposer des mesures
pour empêcher toute influence extérieure indue sur la nomination
des juges à l’avenir». En outre, dans le groupe d’affaires Reczkowicz, le Comité des Ministres
a rappelé que le principal problème sous-jacent à l’origine des violations
de l’article 6 était la nomination de juges sur proposition du Conseil
national de la magistrature recomposé. Il a donc exhorté les autorités
à garantir le droit du pouvoir judiciaire polonais à élire les magistrats membres
du Conseil et à examiner le statut de tous les juges nommés sur
proposition du Conseil national de la magistrature recomposé, ainsi
que les décisions rendues avec leur participation. Le Comité des
Ministres a également évoqué la nécessité de mettre en place un
cadre adéquat pour examiner la légitimité des nominations des juges
et supprimer les risques de responsabilité disciplinaire pour les
juges qui mettent en œuvre les exigences de l’article 6 dans ce
contexte.
, et il a déploré
la position des autorités qui considèrent que la Cour a outrepassé
les limites de sa compétence en adoptant l’arrêt Xero Flor. Il a également rappelé
que pour éviter des violations similaires du droit à un tribunal
établi par la loi, «les autorités devaient prendre rapidement des
mesures correctives pour: (i) s’assurer que la Cour constitutionnelle
est composée de juges légalement élus, et donc permettre aux trois
juges élus en octobre 2015 d’être admis à siéger et de servir jusqu’à
la fin de leur mandat de neuf ans, en excluant les juges qui ont été
élus irrégulièrement; (ii) examiner le statut des décisions déjà
rendues dans des affaires de recours constitutionnels avec la participation
de juge(s) irrégulièrement nommé(s); et (iii) proposer des mesures
pour empêcher toute influence extérieure indue sur la nomination
des juges à l’avenir». En outre, dans le groupe d’affaires Reczkowicz, le Comité des Ministres
a rappelé que le principal problème sous-jacent à l’origine des violations
de l’article 6 était la nomination de juges sur proposition du Conseil
national de la magistrature recomposé. Il a donc exhorté les autorités
à garantir le droit du pouvoir judiciaire polonais à élire les magistrats membres
du Conseil et à examiner le statut de tous les juges nommés sur
proposition du Conseil national de la magistrature recomposé, ainsi
que les décisions rendues avec leur participation. Le Comité des
Ministres a également évoqué la nécessité de mettre en place un
cadre adéquat pour examiner la légitimité des nominations des juges
et supprimer les risques de responsabilité disciplinaire pour les
juges qui mettent en œuvre les exigences de l’article 6 dans ce
contexte. .
. ont
été présentées au Comité des ministres comme des mesures d’exécution
des arrêts du groupe Reczkowicz, et
d’autres amendements législatifs sont en cours d’adoption à cet
égard. On ne peut qu’espérer que ces mesures seront également utiles
pour l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de
l’homme – et il importe d’œuvrer dans ce sens – mais il convient
aussi de rappeler la position du Comité des Ministres sur le rôle fondamental
de la réforme du Conseil national de la magistrature pour garantir
que ses membres soient à nouveau élus par leurs pairs.
 ont
été présentées au Comité des ministres comme des mesures d’exécution
des arrêts du groupe Reczkowicz, et
d’autres amendements législatifs sont en cours d’adoption à cet
égard. On ne peut qu’espérer que ces mesures seront également utiles
pour l’exécution des arrêts de la Cour européenne des droits de
l’homme – et il importe d’œuvrer dans ce sens – mais il convient
aussi de rappeler la position du Comité des Ministres sur le rôle fondamental
de la réforme du Conseil national de la magistrature pour garantir
que ses membres soient à nouveau élus par leurs pairs. .
Ces mesures provisoires concernaient des décisions de mutation de
juges de la chambre pénale à la chambre du travail et de la sécurité
sociale de la cour d’appel de Varsovie – décisions apparemment prises
pour sanctionner les déclarations de ces juges sur la légalité de
la nomination d’autres juges. Les autorités polonaises ont justifié
ce refus de se conformer aux mesures provisoires de la Cour européenne
des droits de l’homme en se référant à une déclaration du président
de la cour d’appel de Varsovie et à l’arrêt du Tribunal constitutionnel
du 10 mars 2022, qui remettaient en question l’autorité de la Cour
pour intervenir dans des affaires concernant le système judiciaire.
.
Ces mesures provisoires concernaient des décisions de mutation de
juges de la chambre pénale à la chambre du travail et de la sécurité
sociale de la cour d’appel de Varsovie – décisions apparemment prises
pour sanctionner les déclarations de ces juges sur la légalité de
la nomination d’autres juges. Les autorités polonaises ont justifié
ce refus de se conformer aux mesures provisoires de la Cour européenne
des droits de l’homme en se référant à une déclaration du président
de la cour d’appel de Varsovie et à l’arrêt du Tribunal constitutionnel
du 10 mars 2022, qui remettaient en question l’autorité de la Cour
pour intervenir dans des affaires concernant le système judiciaire.4.2. Royaume-Uni
 . Plus précisément, la Cour suprême
du Royaume-Uni aura «le dernier mot sur les droits britanniques,
qui ne devront plus se plier aveuglément aux décisions de la Cour
de Strasbourg», mais seront interprétés «dans un contexte britannique,
dans le respect de la jurisprudence du pays, de ses traditions et
des intentions de son législateur élu»
. Plus précisément, la Cour suprême
du Royaume-Uni aura «le dernier mot sur les droits britanniques,
qui ne devront plus se plier aveuglément aux décisions de la Cour
de Strasbourg», mais seront interprétés «dans un contexte britannique,
dans le respect de la jurisprudence du pays, de ses traditions et
des intentions de son législateur élu»  .
Plus récemment, le Gouvernement britannique a présenté le «projet
de loi sur l’immigration illégale», qui semble également anticiper
une augmentation des conflits avec la Convention et la Cour européenne
des droits de l’homme, et qui comprend en effet une disposition
spécifique relative à l’application des mesures provisoires indiquées
par la Cour européenne des droits de l’homme, tout comme le projet
de charte des droits humains. Ces réformes législatives feront l’objet
d’un rapport de l’Assemblée intitulé «Réforme de la législation du
Royaume-Uni sur les droits de l’homme: conséquences pour la protection
des droits de l’homme au niveau national et européen»
.
Plus récemment, le Gouvernement britannique a présenté le «projet
de loi sur l’immigration illégale», qui semble également anticiper
une augmentation des conflits avec la Convention et la Cour européenne
des droits de l’homme, et qui comprend en effet une disposition
spécifique relative à l’application des mesures provisoires indiquées
par la Cour européenne des droits de l’homme, tout comme le projet
de charte des droits humains. Ces réformes législatives feront l’objet
d’un rapport de l’Assemblée intitulé «Réforme de la législation du
Royaume-Uni sur les droits de l’homme: conséquences pour la protection
des droits de l’homme au niveau national et européen»  . Bien que la majorité de ces réformes
ne soient pas tant un cas de conflit entre juridictions qu’un ajustement
par un État de ses modèles de mise en œuvre de la Convention au
niveau national, les dispositions semblent susceptibles d’entraîner
un accroissement des conflits entre les juridictions nationales
et la Cour européenne des droits de l’homme, et les dispositions
relatives au respect des mesures provisoires pourraient être préoccupantes.
. Bien que la majorité de ces réformes
ne soient pas tant un cas de conflit entre juridictions qu’un ajustement
par un État de ses modèles de mise en œuvre de la Convention au
niveau national, les dispositions semblent susceptibles d’entraîner
un accroissement des conflits entre les juridictions nationales
et la Cour européenne des droits de l’homme, et les dispositions
relatives au respect des mesures provisoires pourraient être préoccupantes.5. Informations reçues au cours de notre travail sur le présent rapport
5.1. Résultats du questionnaire envoyé aux parlements nationaux
5.2. Auditions
6. Conclusions
 .
La Convention, selon l’interprétation retenue par la Cour européenne
des droits de l’homme, exige souvent des États parties qu’ils modifient
leur législation, voire leur Constitution ou leurs lois constitutionnelles,
pour respecter leurs obligations conventionnelles. Ces exigences
peuvent sembler toucher au cœur de la souveraineté des États et
ces derniers peuvent donc parfois trouver ces changements difficiles
à mettre en œuvre. Cependant, il est indispensable de dépasser ces
réticences afin de préserver la mise en œuvre de la Convention,
conçue comme un instrument vivant et contraignant. Compte tenu de
l’impératif juridique et politique de surmonter cette résistance
et ces défis, d’autres dispositifs pourraient être envisagés afin
d’atténuer les tensions entre la jurisprudence de la Cour et les
législations nationales. Le dialogue judiciaire illustre bien la
manière dont certaines améliorations peuvent aider à surmonter les
difficultés.
.
La Convention, selon l’interprétation retenue par la Cour européenne
des droits de l’homme, exige souvent des États parties qu’ils modifient
leur législation, voire leur Constitution ou leurs lois constitutionnelles,
pour respecter leurs obligations conventionnelles. Ces exigences
peuvent sembler toucher au cœur de la souveraineté des États et
ces derniers peuvent donc parfois trouver ces changements difficiles
à mettre en œuvre. Cependant, il est indispensable de dépasser ces
réticences afin de préserver la mise en œuvre de la Convention,
conçue comme un instrument vivant et contraignant. Compte tenu de
l’impératif juridique et politique de surmonter cette résistance
et ces défis, d’autres dispositifs pourraient être envisagés afin
d’atténuer les tensions entre la jurisprudence de la Cour et les
législations nationales. Le dialogue judiciaire illustre bien la
manière dont certaines améliorations peuvent aider à surmonter les
difficultés. , lorsqu’il s’agit de déterminer
si la législation de l’Union européenne est intra
vires et dans les cas de conflit apparent entre les Constitutions
nationales et le droit de l’Union européenne
, lorsqu’il s’agit de déterminer
si la législation de l’Union européenne est intra
vires et dans les cas de conflit apparent entre les Constitutions
nationales et le droit de l’Union européenne ![(66) 
			Voir, par exemple,
la décision du Conseil Constitutionnel français no 2006-540
DC du 27 juillet 2006. Voir les remarques de son président au Président
de la République à l’occasion du Nouvel An 2005 (Cahiers du Conseil constitutionnel
no 18 juillet 2005): «[…] le droit de
l’union européenne, si loin qu’aillent sa primauté et son immédiateté,
ne peut remettre en cause ce qui est expressément inscrit dans nos
textes constitutionnels et […] tout ce qui est inhérent à notre
identité constitutionnelle, au double sens du mot ‘inhérent’: crucial
et distinctif. Autrement dit: l’essentiel de la République».](/nw/images/icon_footnoteCall.png) .
Dans cette proposition, la Grande Chambre mixte ne statuerait que
sur la répartition des compétences entre l’Union européenne et ses
États membres, et elle serait compétente pour déclarer nul et non
avenu tout acte de l’Union européenne – en annulant une décision
antérieure de la CJUE qui le valide – qui comporterait une violation
grave du principe d’attribution. De telles idées créatives peuvent permettre
d’apporter des solutions à des problèmes complexes dans un espace
juridique de plus en plus interconnecté.
.
Dans cette proposition, la Grande Chambre mixte ne statuerait que
sur la répartition des compétences entre l’Union européenne et ses
États membres, et elle serait compétente pour déclarer nul et non
avenu tout acte de l’Union européenne – en annulant une décision
antérieure de la CJUE qui le valide – qui comporterait une violation
grave du principe d’attribution. De telles idées créatives peuvent permettre
d’apporter des solutions à des problèmes complexes dans un espace
juridique de plus en plus interconnecté.![(67) 
			Selon la Commission
de Venise, «[si] la Constitution comporte des dispositions contraires
au traité […], il appartient à tous les organes de l’État de trouver
les solutions appropriées permettant de concilier ces dispositions
du traité et celles de la Constitution (par exemple par l’interprétation,
voire la modification de la Constitution). Dans le cas contraire,
la responsabilité internationale de l’État serait engagée et il
pourrait en résulter une série de conséquences, notamment des contre-mesures
et/ou des sanctions». CDL-AD(2016)16, op. cit.,
paragraphe 87.](/nw/images/icon_footnoteCall.png) .
.Annexe
(open)A. Introduction
Les parlements de 34 États membres du Conseil de l’Europe ont répondu au questionnaire envoyé par l’intermédiaire du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP) et ont fourni des informations relatives à leur droit interne et à leur pratique judiciaire. Les pays suivants ont répondu au questionnaire: Albanie, Allemagne, Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Chypre, Croatie, Espagne, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Hongrie, Irlande, Islande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Macédoine du Nord, Monténégro, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Saint-Marin, République slovaque, Slovénie, Suède, Suisse et Türkiye.
Les références aux États membres qui figurent ci-après concernent ceux qui ont répondu au questionnaire.
B. Résumé des réponses au questionnaire
1. Quel rang attribue dans la hiérarchie des normes votre Constitution nationale à la Convention européenne des droits de l’homme par rapport à la Constitution?
La réponse des États membres à cette question varie en fonction de leur tradition juridique. On se rend compte à travers leurs réponses que la question est beaucoup plus complexe qu’une simple différence entre pays monistes et dualistes (c’est-à-dire entre les pays qui considèrent les traités internationaux comme faisant partie de l’ordre juridique interne et ceux qui exigent que des mesures particulières soient prises pour qu’un traité international soit incorporé dans le droit national).
Convention > Constitution
La Türkiye semble être
le rare exemple où les obligations internationales dûment mises
en vigueur priment sur la Constitution et où la Cour constitutionnelle
n’a pas la possibilité de contrôler les accords internationaux au
motif qu’ils sont inconstitutionnels  .
.
La Suisse est un cas
unique, car sa Constitution dispose que les organes judiciaires
sont tenus d’appliquer les lois fédérales et le droit international  . Sa réponse confirme que le
droit international doit être appliqué même s’il est inconstitutionnel.
En outre, étant donné que la Constitution prévoit que son éventuelle
révision partielle ne doit pas violer le droit international
. Sa réponse confirme que le
droit international doit être appliqué même s’il est inconstitutionnel.
En outre, étant donné que la Constitution prévoit que son éventuelle
révision partielle ne doit pas violer le droit international  et que les lois
fédérales et le droit international font autorité pour les organes
judiciaires, la hiérarchie des normes en droit suisse pourrait même
être décrite comme plaçant la Convention et le droit national sur
un pied d’égalité et au-dessus de la Constitution. Toutefois, il n’existe
pas de pratique établie quant à la manière dont les tribunaux résoudraient
un tel conflit de normes.
 et que les lois
fédérales et le droit international font autorité pour les organes
judiciaires, la hiérarchie des normes en droit suisse pourrait même
être décrite comme plaçant la Convention et le droit national sur
un pied d’égalité et au-dessus de la Constitution. Toutefois, il n’existe
pas de pratique établie quant à la manière dont les tribunaux résoudraient
un tel conflit de normes.
Convention = Constitution
Dans certains pays ayant répondu à l’enquête, la Convention
a un statut constitutionnel, comme l’Autriche, en
vertu de l’article 2 de l’amendement à la loi constitutionnelle
fédérale, et la Slovénie,
en vertu de l’article 15, paragraphe 5, de la Constitution  .
.
La Constitution de la Lettonie n’établit
pas expressément une hiérarchie des normes par rapport à des obligations
internationales spécifiques. Toutefois, dans l’interprétation son
l’article 89, la Cour constitutionnelle a précisé que les normes
internationales en matière de droits de l’homme et la Constitution
devaient être considérées comme étant en accord, ce qui suggère
une éventuelle égalité de statut entre ces deux textes. Une situation
analogue peut être observée en République
tchèque, où une jurisprudence constante a établi que
la Convention, en tant que traité international relatif aux droits
de l’homme et aux libertés fondamentales, faisait partie de l’ordre
constitutionnel et bénéficiait d’un statut spécial  .
.
Au Monténégro, la seule
hiérarchie des normes expressément évoquée dans la Constitution
précise que le droit international est supérieur au droit national.
Néanmoins, l’article 17 dispose que «les droits et libertés sont exercés
sur la base de la Constitution et des accords internationaux confirmés»,
ce qui permet d’affirmer que la Constitution est supérieure à la
Convention, mais qu’elle peut aussi lui être égale. Cet argument
peut être étayé par l’emploi de termes similaires dans plusieurs
autres dispositions de la Constitution  .
.
Constitution > Convention
La grande majorité des pays ayant répondu à l’enquête considèrent leur Constitution comme leur source suprême de droit. Dans cette catégorie, la Convention peut avoir un statut supérieur ou égal à celui du droit national.
À Chypre, le droit
ordinaire doit respecter les accords internationaux (sous réserve
du principe de réciprocité, qui ne s’applique pas aux obligations
découlant de la Convention). Par ailleurs, certains avancent que
la Convention acquiert une importance supra-constitutionnelle, puisque,
conformément à son article 1.A, la Constitution chypriote ne peut
pas contredire les lois promulguées sur la base des obligations
de l’Union européenne. Selon cette logique, comme les droits fondamentaux
garantis par la Convention constituent des principes généraux de
l’Union européenne  ,
la Convention acquiert un statut renforcé.
,
la Convention acquiert un statut renforcé.
Dans sa réponse, la Roumanie a affirmé que la «suprématie de la Constitution roumaine par rapport au droit international» est un principe qui découle des normes constitutionnelles. Toutefois, elle a rappelé que l’interprétation et l’application des dispositions constitutionnelles relatives aux droits et aux libertés devaient se faire conformément aux traités internationaux relatifs aux droits de l’homme qui lient la Roumanie. En outre, conformément à l’article 20 de la Constitution, en cas d’incohérence entre les pactes et traités relatifs aux droits de l’homme fondamentaux auxquels la Roumanie est partie (y compris la Convention) et le droit national, la législation internationale prime, à moins que la Constitution ou le droit national ne contiennent des dispositions plus favorables.
L’Albanie, la Bosnie-Herzégovine, la Bulgarie, la Croatie, l’Estonie,
la France, la Géorgie, le Portugal, Saint-Marin et la République slovaque prévoient expressément
dans leur Constitution que le droit international ou le droit international
des droits de l’homme (dont la Convention fait partie) sont supérieurs
au droit national. Toutefois, ce statut n’implique pas nécessairement
que le droit ordinaire puisse être annulé en cas d’incompatibilité
avec la Convention (par exemple, en France,
le Conseil constitutionnel refuse d’examiner la conformité d’une
loi française aux obligations internationales telles que celles
énoncées par la Convention)  . En Finlande et
en Norvège, le statut du
droit international par rapport au droit interne n’est pas explicitement
précisé dans la Constitution. Pour autant, la jurisprudence et/ou
d’autres instruments juridiques permettent d’affirmer que la Convention,
en sa qualité d’instrument des droits de l’homme, prime sur le droit national.
En Suède, la Constitution
prévoit expressément qu’aucune loi ordinaire contraire à la Convention
ne peut être adoptée
. En Finlande et
en Norvège, le statut du
droit international par rapport au droit interne n’est pas explicitement
précisé dans la Constitution. Pour autant, la jurisprudence et/ou
d’autres instruments juridiques permettent d’affirmer que la Convention,
en sa qualité d’instrument des droits de l’homme, prime sur le droit national.
En Suède, la Constitution
prévoit expressément qu’aucune loi ordinaire contraire à la Convention
ne peut être adoptée  , ce qui conduit
certains à affirmer que la Convention occupe une position intermédiaire entre
la Constitution et le droit ordinaire.
, ce qui conduit
certains à affirmer que la Convention occupe une position intermédiaire entre
la Constitution et le droit ordinaire.
Plusieurs autres États, tels que l’Espagne, l’Irlande, l’Islande, la Lituanie et le Monténégro, prévoient expressément dans leur Constitution que les obligations internationales ont le même statut que le droit interne, généralement après leur transposition en droit national par l’adoption d’une loi.
En Allemagne, la Convention
a le même statut qu’une loi fédérale ordinaire, mais la Loi fondamentale allemande
dispose aussi que les principes généraux du droit international
sont supérieurs aux lois fédérales ordinaires  .
Or, de nombreux droits inscrits dans la Convention sont des principes
généraux du droit international et, à ce titre, ils priment sur
les lois fédérales ordinaires. Ce statut dépend toutefois des droits
en question.
.
Or, de nombreux droits inscrits dans la Convention sont des principes
généraux du droit international et, à ce titre, ils priment sur
les lois fédérales ordinaires. Ce statut dépend toutefois des droits
en question.
En Pologne, «la Constitution
est le droit suprême de la République de Pologne»  , sous réserve que «la République
de Pologne respecte le droit international par lequel elle est liée»
, sous réserve que «la République
de Pologne respecte le droit international par lequel elle est liée»  . En outre, la Convention a une autorité
supérieure sur le droit national en cas d’incompatibilité entre
les deux
. En outre, la Convention a une autorité
supérieure sur le droit national en cas d’incompatibilité entre
les deux  . Dans sa
réponse, la Pologne a indiqué que «la Constitution polonaise a un
système de protection des droits fondamentaux similaire à celui de
la Convention et […] les dispositions constitutionnelles doivent
être interprétées en harmonie avec les traités internationaux».
. Dans sa
réponse, la Pologne a indiqué que «la Constitution polonaise a un
système de protection des droits fondamentaux similaire à celui de
la Convention et […] les dispositions constitutionnelles doivent
être interprétées en harmonie avec les traités internationaux».
De son côté, le Royaume-Uni n’ayant pas de Constitution écrite, il ne propose pas de hiérarchie formelle des normes. Néanmoins, comme les droits de la Convention ont été incorporés dans le droit national par le biais de la loi sur les droits de l’homme (Human Rights Act), ils sont égaux au droit primaire national. Une approche similaire est adoptée en Hongrie, qui exige que les traités internationaux relatifs aux droits de l’homme soient promulgués dans une loi du parlement pour avoir force de loi au niveau national; mais la Cour constitutionnelle considère qu’en cas de conflit avec les lois ordinaires, les lois donnant effet à un traité international doivent prévaloir.
Enfin, il convient de mentionner que de nombreux États ont utilisé les obligations en matière de droits de l’homme, y compris celles qui découlent de la Convention, comme outil d’interprétation pour garantir que les exigences de la Constitution elle-même soient, dans la mesure du possible, interprétées d’une manière compatible avec les obligations en matière de droits de l’homme auxquelles ils sont liés (c’est notamment le cas de l’Espagne, de l’Estonie, de la Norvège, de la République slovaque et de la Suède) – pour plus d’information, voir la question 3.
2. Votre Constitution mentionne-t-elle spécifiquement la Convention et les normes de droit international relatives à la protection des droits de l’homme?
La majorité des pays ont répondu que, si leur Constitution ne fait pas spécifiquement référence à la Convention, elle mentionne le droit international et les droits de l’homme. Certains pays (comme l’Autriche, la Bosnie-Herzégovine, Chypre, Saint-Marin, la Suède et la Türkiye) mentionnent expressément la Convention dans leur Constitution. D’autres (comme la Croatie, la Finlande, la Norvège, le Portugal et la Slovaquie) évoquent le droit international des droits de l’homme ou les libertés fondamentales.
De nombreux pays ayant répondu (Albanie, Allemagne, France, Géorgie, Hongrie, Lettonie, Macédoine du Nord, République tchèque, Roumanie et Suisse) font simplement référence au droit international, aux traités ou aux accords dans leur Constitution, en considérant que la Convention fait partie de leurs obligations internationales.
Certaines Constitutions qui ne mentionnent pas la Convention s’en inspirent néanmoins et présentent un texte quasi identique aux droits énoncés dans la Convention (Bulgarie, Croatie, Estonie, Roumanie et Slovénie) ou en reprennent au moins un certain nombre (Belgique, Hongrie, Norvège, Suède, par exemple). En Irlande, bien que la majorité des droits soient protégés par la Constitution, la Convention est également incorporée dans le droit national par le biais d’une loi distincte, qui est une loi ordinaire dont les droits doivent être examinés après examen des recours constitutionnels éventuels.
La Constitution de la Pologne se distingue des autres par l’emploi dans son préambule du terme «valeurs humaines universelles».
3. Existe-t-il une jurisprudence sur les rapports entre la Constitution et la Convention en cas de conflit de normes?
Dans leurs réponses, de nombreux pays ont fait état de décisions sur la relation entre la Constitution et la Convention qui, dans la majorité des cas, précisent les dispositions constitutionnelles établissant la hiérarchie des normes. De même, de nombreux pays (l’Irlande, par exemple) ont souligné que la relation entre les dispositions constitutionnelles et la Convention était souvent prise en compte lors de l’interprétation des dispositions garantissant les droits de l’homme dans la Constitution, plus que les questions relatives à un conflit en tant que telles.
En Bosnie-Herzégovine et
en France  , les tribunaux appliquent et défendent
la suprématie de la Constitution. En Pologne,
dans une affaire concernant la question de savoir si la juridiction
constitutionnelle est ou non un «tribunal» aux fins du droit à un
procès équitable protégé par l’article 6 de la Convention, le Tribunal
constitutionnel a récemment confirmé la suprématie de la Constitution
polonaise sur la Convention et déclaré que l’article 6 de la Convention
était inconstitutionnel en ce qu’il permet aux juridictions internationales ou
nationales d’évaluer la conformité des actes juridiques relatifs
au système judiciaire, à la compétence des tribunaux ou à la procédure
d’élection des membres du Conseil national de la magistrature
, les tribunaux appliquent et défendent
la suprématie de la Constitution. En Pologne,
dans une affaire concernant la question de savoir si la juridiction
constitutionnelle est ou non un «tribunal» aux fins du droit à un
procès équitable protégé par l’article 6 de la Convention, le Tribunal
constitutionnel a récemment confirmé la suprématie de la Constitution
polonaise sur la Convention et déclaré que l’article 6 de la Convention
était inconstitutionnel en ce qu’il permet aux juridictions internationales ou
nationales d’évaluer la conformité des actes juridiques relatifs
au système judiciaire, à la compétence des tribunaux ou à la procédure
d’élection des membres du Conseil national de la magistrature  .
.
En Espagne, la jurisprudence  précise que les droits proclamés
au niveau international constituent des «règles déterminantes»
 précise que les droits proclamés
au niveau international constituent des «règles déterminantes»  pour l’interprétation de la Constitution
et que la Convention constitue donc un «critère obligatoire»
 pour l’interprétation de la Constitution
et que la Convention constitue donc un «critère obligatoire»  pour l’interprétation de certains
droits contenus dans la Constitution. Ainsi, contrairement à ce
que prévoient les dispositions constitutionnelles, la Convention
peut éclairer la Constitution. De même, les tribunaux du Portugal et de Chypre soutiennent l’interprétation
de la Constitution à la lumière de la Convention, et la Cour constitutionnelle
de Chypre déclare que la protection des droits de l’homme implique
des obligations constitutionnelles et internationales
 pour l’interprétation de certains
droits contenus dans la Constitution. Ainsi, contrairement à ce
que prévoient les dispositions constitutionnelles, la Convention
peut éclairer la Constitution. De même, les tribunaux du Portugal et de Chypre soutiennent l’interprétation
de la Constitution à la lumière de la Convention, et la Cour constitutionnelle
de Chypre déclare que la protection des droits de l’homme implique
des obligations constitutionnelles et internationales  .
En Croatie, la Cour constitutionnelle
a adopté la position selon laquelle toute incompatibilité avec la
Convention est une incompatibilité avec l’État de droit, les droits
garantis par la Convention et les principes de constitutionnalité
et de légalité protégés par la Convention – les normes en tant que
telles ne sont pas considérées comme étant en conflit
.
En Croatie, la Cour constitutionnelle
a adopté la position selon laquelle toute incompatibilité avec la
Convention est une incompatibilité avec l’État de droit, les droits
garantis par la Convention et les principes de constitutionnalité
et de légalité protégés par la Convention – les normes en tant que
telles ne sont pas considérées comme étant en conflit  .
En outre, en Lituanie et
en Estonie, les tribunaux
ont considéré respectivement que la Constitution ou le droit national
ne pouvaient être invoqués pour interdire l’évolution des droits
de l’homme, notamment comme le prévoit la Convention
.
En outre, en Lituanie et
en Estonie, les tribunaux
ont considéré respectivement que la Constitution ou le droit national
ne pouvaient être invoqués pour interdire l’évolution des droits
de l’homme, notamment comme le prévoit la Convention  , et que de nouveaux droits pouvaient
découler du droit international, y compris de la Convention
, et que de nouveaux droits pouvaient
découler du droit international, y compris de la Convention  .
.
À l’inverse, en Allemagne,
la Cour constitutionnelle fédérale a fixé des limites à son interprétation
de la Constitution en accord avec la Convention en déclarant que
ses lois nationales ne devaient être interprétées conformément à
la Convention que dans les limites des méthodes d’interprétation
reconnues par la Constitution et que «lorsque la Loi fondamentale
est interprétée d’une manière conforme à la Convention, la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme doit être intégrée avec
le plus grand soin»  .
En Belgique, la Cour de cassation
et la Cour constitutionnelle n’ont pas la même position vis-à-vis
de la hiérarchie des normes. La jurisprudence de la Cour de cassation
indique clairement que les dispositions des traités internationaux
qui ont des effets directs sur l’ordre juridique interne priment
sur le droit national, et même sur la Constitution
.
En Belgique, la Cour de cassation
et la Cour constitutionnelle n’ont pas la même position vis-à-vis
de la hiérarchie des normes. La jurisprudence de la Cour de cassation
indique clairement que les dispositions des traités internationaux
qui ont des effets directs sur l’ordre juridique interne priment
sur le droit national, et même sur la Constitution  .
En revanche, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle semble
davantage fondée sur la supériorité de la Constitution sur le droit
international, et a établi que le législateur ou les institutions
n’avaient pas nécessairement «carte blanche» pour adhérer à des
traités internationaux qui seraient contraires à la Constitution.
La Cour constitutionnelle a néanmoins développé une jurisprudence
sur la concordance entre les droits et les libertés garantis par
la Constitution et ceux consacrés par la Convention, de sorte qu’il
n’y a en réalité pas de conflits dans ce domaine.
.
En revanche, la jurisprudence de la Cour constitutionnelle semble
davantage fondée sur la supériorité de la Constitution sur le droit
international, et a établi que le législateur ou les institutions
n’avaient pas nécessairement «carte blanche» pour adhérer à des
traités internationaux qui seraient contraires à la Constitution.
La Cour constitutionnelle a néanmoins développé une jurisprudence
sur la concordance entre les droits et les libertés garantis par
la Constitution et ceux consacrés par la Convention, de sorte qu’il
n’y a en réalité pas de conflits dans ce domaine.
En cas de conflit de normes, les tribunaux autrichiens appliquent le droit
le plus favorable au requérant. Si cela entraîne une perte des droits
du défendeur, les tribunaux tentent de trouver une interprétation
qui favorise l’harmonisation ou de fusionner différents aspects
des droits fondamentaux  .
.
4. Si votre pays est membre de l’Union européenne, existe-t-il une jurisprudence sur les rapports entre le droit de l’Union européenne et la Convention?
Vingt-deux des pays ayant répondu sont des États membres de l’Union européenne. Parmi eux, onze ont été en mesure de fournir des informations sur la relation entre le droit de l’union européenne et la Convention, mais beaucoup d’autres ne semblent pas disposer d’une jurisprudence clarifiant cette relation (par exemple, la Pologne).
Dans certains pays, comme Chypre  et la Finlande, le droit de l’Union européenne
et la Convention sont considérés comme complémentaires en matière
de droits de l’homme. En effet, de nombreuses réponses soulignent
la mesure dans laquelle la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne s’inspire des droits de la Convention et de la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme, et doit être interprétée
à la lumière de ces droits et de cette jurisprudence.
 et la Finlande, le droit de l’Union européenne
et la Convention sont considérés comme complémentaires en matière
de droits de l’homme. En effet, de nombreuses réponses soulignent
la mesure dans laquelle la Charte des droits fondamentaux de l’Union
européenne s’inspire des droits de la Convention et de la jurisprudence
de la Cour européenne des droits de l’homme, et doit être interprétée
à la lumière de ces droits et de cette jurisprudence.
En Hongrie, la Constitution
mentionne le droit de l’Union européenne, mais sans mentionner expressément
la Convention. Les tribunaux hongrois ont néanmoins estimé que «la
protection des droits fondamentaux [était] la première obligation
de l’État» et que, par conséquent, le respect du droit de l’union
européenne ne pouvait justifier la violation des droits consacrés
par la Convention, ce qui laisse entendre qu’en cas de conflit entre
le droit de l’Union européenne et la Convention, le respect des
droits de l’homme protégés par la Convention l’emporterait  .
.
En Roumanie, dans les
domaines qui relèvent de la compétence exclusive de l’Union européenne,
et indépendamment des traités internationaux qu’elle a conclus,
la mise en œuvre des obligations internationales doit être soumise
aux seules dispositions de l’Union européenne  .
.
En Suède, la Constitution
précise que l’adhésion à l’Union européenne ne peut avoir pour effet
de porter atteinte à la protection des droits et des libertés prévue
par la Convention, bien que cette disposition n’ait, à ce jour,
pas été appliquée par les tribunaux suédois  . Les tribunaux
suédois ont néanmoins considéré que la primauté du droit de l’Union
européenne et des interprétations du droit par la CJUE pouvait être
limitée «uniquement si leur application en l’espèce constituait
par ailleurs une violation grave et sans ambiguïté de la Convention»
. Les tribunaux
suédois ont néanmoins considéré que la primauté du droit de l’Union
européenne et des interprétations du droit par la CJUE pouvait être
limitée «uniquement si leur application en l’espèce constituait
par ailleurs une violation grave et sans ambiguïté de la Convention»  . En Irlande,
la Cour suprême s’est appliquée à interpréter la loi de 2003 sur
le mandat d’arrêt européen de façon à exiger qu’une remise soit
compatible avec les obligations énoncées par la Convention pour
être exécutée
. En Irlande,
la Cour suprême s’est appliquée à interpréter la loi de 2003 sur
le mandat d’arrêt européen de façon à exiger qu’une remise soit
compatible avec les obligations énoncées par la Convention pour
être exécutée  .
.
En Norvège, la Cour
suprême puis la Cour européenne des droits de l’homme se sont efforcées
de trouver le juste équilibre entre la liberté d’association énoncée
à l’article 11 de la Convention et la liberté d’établissement au
titre du droit de l’Union européenne. La Cour suprême norvégienne
a jugé que le boycott (protégé par l’article 11 de la Convention)
devait, entre autres, être concilié avec les droits découlant de
la convention EEE (Espace économique européen)  .
Dans son arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme a précisé
que, du point de vue de l’article 11 de la Convention, la liberté
d’établissement dans l’EEE ne constituait pas un contrepoids aux
droits fondamentaux, tels que la liberté d’association, mais plutôt
un élément […] à prendre en considération dans l’évaluation de la
proportionnalité au titre de l’article 11
.
Dans son arrêt, la Cour européenne des droits de l’homme a précisé
que, du point de vue de l’article 11 de la Convention, la liberté
d’établissement dans l’EEE ne constituait pas un contrepoids aux
droits fondamentaux, tels que la liberté d’association, mais plutôt
un élément […] à prendre en considération dans l’évaluation de la
proportionnalité au titre de l’article 11  .
.
Le Royaume-Uni a noté que (du moins avant le Brexit) les recours en cas d’incompatibilité du droit primaire avec le droit de l’Union européenne étaient plus efficaces (la législation nationale pouvait être annulée) que dans le cas d’une incompatibilité avec la Convention, où les tribunaux ne peuvent faire qu’une déclaration d’incompatibilité.
En Allemagne, lorsqu’il
s’agit de traiter des questions relatives aux droits de l’homme
découlant de l’interprétation de la Charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne, la Convention et les décisions de la Cour
européenne des droits de l’homme doivent être prises en compte.
En effet, l’ordonnance de la Cour constitutionnelle fédérale définit
clairement l’interaction et les rôles complémentaires des différentes
instances chargées de la protection des droits: «Dans le cadre de
la coopération à plusieurs niveaux, […] la Cour constitutionnelle
fédérale assure la protection des droits fondamentaux en coopération
avec la Cour de justice de l’Union européenne, la Cour européenne
des droits de l’homme et les juridictions constitutionnelles et suprêmes
des autres États membres»  .
.
5. Vos juridictions, en particulier la Cour suprême ou la Cour constitutionnelle, mentionnent-elles la Convention lorsqu’elles statuent sur les questions relatives aux droits de l’homme?
Presque tous les pays ont répondu que leurs juridictions mentionnent la Convention lorsqu’ils statuent sur des questions relatives aux droits de l’homme (Albanie, Allemagne, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Croatie, Chypre, Espagne, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Irlande, Islande, Lettonie, Lituanie, Norvège, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Royaume-Uni, Saint-Marin, République slovaque, Slovénie, Suède, Suisse, Türkiye). Néanmoins, le degré d’autorité persuasive de la Convention et/ou de la Cour européenne des droits de l’homme diffère d’un pays à l’autre.
Au Luxembourg et en République slovaque, les tribunaux ont tendance à mentionner la Convention et les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme uniquement lorsque des arguments juridiques sur l’application des droits de la Convention européenne ont été avancés par les parties.
En Géorgie, les tribunaux sont tenus de se référer à la Convention et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en vertu des Codes de procédure civile et pénale.
Au Royaume-Uni, l’article 2
de la loi de 1998 sur les droits de l’homme énonce que les tribunaux
doivent prendre en compte les décisions de la Cour européenne lorsqu’ils
interprètent les droits de la Convention, et l’article 3 exige des
tribunaux qu’ils interprètent la législation d’une manière compatible
avec les droits consacrés par la Convention  .
.
En Islande, plusieurs
affaires mentionnent la Convention, mais conformément à l’article 2
de la loi sur la Convention européenne des droits de l’homme, l’Islande
n’est pas liée par les décisions des institutions du Conseil de
l’Europe, y compris les arrêts de la Cour européenne des droits
de l’homme  .
.
