1. Introduction
1. L’attaque du Hamas contre Israël
lancée le 7 octobre 2023 a été perpétrée sur plusieurs fronts contre des
villes israéliennes, résultant en d’horribles scènes de violence.
La brutalité et le caractère impitoyable des actions des terroristes
du Hamas ont provoqué le plus grand nombre de morts en une seule
journée dans l'histoire d'Israël. Cette attaque a été motivée par
l’objectif injustifiable de détruire l’État d’Israël.
2. Le monde entier a été secoué par ces images glaçantes. Des
enfants tués dans leur sommeil, des centaines de jeunes massacrés
alors qu'ils assistaient à un concert, des familles assassinées
dans leurs maisons, des femmes brutalement violées, des maisons
rasées et des centaines de citoyen·ne·s kidnappés – pris en otages.
3. Rien ne peut justifier la violence brutale et aveugle du Hamas
qui, à travers ses actes, a confirmé être une organisation terroriste.
Sur ce point, il ne peut y avoir aucune ambiguïté.
4. Lors du débat d'actualité de l'Assemblée parlementaire intitulé
«Escalade de la violence au Proche-Orient suite à l’attaque récente
du Hamas contre Israël», tenu le 11 octobre 2023, j'ai été clair
sur ce point : tout doit être fait pour mettre fin à l'agression
du Hamas et obtenir la libération des otages. Dans le même temps,
reconnaissant le droit d'Israël à se défendre, j'ai appelé les autorités
israéliennes à ne pas faire payer au peuple palestinien les actes
de ces terroristes et à veiller à ce que l'aide humanitaire et les
biens essentiels parviennent à celles et ceux qui en ont besoin.
5. La campagne militaire lancée par Israël en réponse aux attaques
du 7 octobre vise explicitement à démanteler le Hamas et à assurer
la libération des otages. L'ampleur de cette opération a rendu une
grande partie du nord de Gaza inhabitable, déplacé la grande majorité
de la population et entraîné, directement et indirectement, des
pertes humaines parmi le peuple palestinien. Le blocus des ressources
essentielles telles que la nourriture, l'eau, le carburant, l'électricité
et les médicaments a créé une catastrophe humanitaire sans précédent,
comme l'a déclaré l'Organisation des Nations Unies (ONU).
6. L’immense tragédie du 7 octobre et les conséquences de la
guerre qui a suivi creusent encore plus profondément le fossé de
l’incommunicabilité, du ressentiment et de la haine, il convient
toutefois de garder à l’esprit une perspective à long terme. Malgré
et pendant une guerre, il est nécessaire de tisser les liens d’une solution
qui permettra aux Israéliens et aux Palestiniens de vivre en paix
les uns avec les autres. Vaincre la méfiance et la haine exige une
détermination extraordinaire, et les efforts devraient commencer
dès maintenant.
2. Contexte et portée
7. Force est de constater avec
inquiétude que l’ensemble de la Méditerranée élargie – du détroit
d’Ormuz au détroit de Gibraltar – est en proie à une succession
de crises : la situation critique de l’Iran, la fragilité de l’Irak,
les guerres civiles en Syrie et au Yémen, l'effondrement économique
au Liban, la question chypriote non résolue, l'instabilité de la
Corne de l'Afrique et la crise libyenne. Sans oublier la situation
critique au Sahel, région en proie à des coups d’État et une présence
djihadiste.
8. Depuis que l’Assemblée a tenu le 30 janvier 2020 un débat
d’actualité sur «Les développements récents en Libye et au Moyen-Orient
: quelles conséquences pour l’Europe?», le processus de paix entre
Israël et la Palestine est resté au point mort, avec une augmentation
considérable de la violence et des discours négatifs au cours des
deux dernières années. Les attaques lancées par le Hamas le 7 octobre
2023 sont une escalade sans précédent de cette situation, causant
massivement des morts, des destructions et une instabilité entraînant
un changement de paradigme dans la région.
9. L'Assemblée n'a cessé de réitérer son soutien à une solution
à deux États fondée sur les frontières de 1967 et aux aspirations
légitimes des deux parties: le droit d'Israël à être reconnu et
à vivre en sécurité, et le droit des Palestiniens à disposer d'un
État indépendant, viable et contigu
.
Dans sa dernière résolution sur la question, adoptée en 2018, l'Assemblée
a souligné la nécessité pour toutes les parties concernées de respecter
leurs obligations et responsabilités juridiques en vertu du droit
international et de s'abstenir de toute mesure unilatérale qui compromette
les perspectives de paix. Elle a décidé de continuer à promouvoir
le dialogue et l'instauration de la confiance entre les représentants
de la Knesset et le Conseil national palestinien
.
10. Ces efforts ont été menés notamment dans le cadre de sa sous-commission
sur le Proche-Orient et le monde arabe. L'Assemblée a également
établi des relations avec d'autres parlements de la région, à la
lumière des perspectives de coopération offertes par le statut de
partenaire pour la démocratie.
11. En juin 2023, la sous-commission sur le Proche-Orient et le
monde arabe a repris ses échanges avec la délégation israélienne
d'observateurs et la délégation palestinienne partenaire pour la
démocratie après une pause de quatre ans. Le 11 octobre 2023, les
délégations respectives se sont adressées à l’Assemblée lors du
débat d’actualité sur l’«Escalade de la violence au Proche-Orient
suite à l’attaque récente du Hamas contre Israël».
3. Attaque
terroriste du Hamas du 7 octobre 2023
12. Le matin du 7 octobre 2023,
le Hamas a lancé une attaque depuis Gaza contre Israël. L'infiltration
sur plusieurs fronts depuis Gaza a donné lieu à des attaques contre
des soldats sur 22 sites à l'extérieur de Gaza, ainsi qu'à des attaques
aveugles contre des civils.
13. La dévastation et la violence ont été stupéfiantes par leur
cruauté et leur ampleur. Les autorités israéliennes estiment que
1 200 Israélien·ne·s et citoyen·ne·s étrangers ont été tués. Des
personnes originaires de 36 pays en provenance de tous les continents
ont été tuées ou sont portées disparues. Le ministère israélien
de la Santé a indiqué que le nombre de blessés hospitalisés s'élevait
à plus de 5 500 personnes. Des actes généralisés de torture et de
mutilation, de personnes brûlées vives, de décapitations, de viols,
de violences sexuelles et de mutilations de cadavres ont été commis
et, dans certains cas, filmés par les auteurs.
14. Au cours de l'attaque, plus de 200 personnes ont été prises
en otage, dont des personnes âgées et des enfants.
15. Les attaques ont anéanti des communautés, comme au kibboutz
Beeri, où 10% de la ville, soit 108 personnes, ont été assassinées
par le Hamas.
16. Les tirs aveugles de roquettes depuis Gaza le 7 octobre ont
entraîné le lancement de plus de 5 000 missiles et se sont poursuivis
dans la matinée du 8 octobre. Un hôpital a même été endommagé dans la
ville israélienne d'Ashkelon. Toujours le 8 octobre, les forces
du Hezbollah ont annoncé avoir tiré des roquettes et des pièces
d’artillerie depuis le sud du Liban sur trois positions israéliennes
dans les fermes de Chebaa «en solidarité» avec le peuple palestinien
.
17. Les tirs continus de roquettes vers Israël ont entraîné, le
14 novembre 2023, l'évacuation de 250 000 Israélien·ne·s des communautés
proches de Gaza et le long de la frontière nord
.
18. En réponse à l'attaque du Hamas, les autorités israéliennes
ont déclaré l'état de guerre et rappelé les réservistes militaires.
Dans l'après-midi du 7 octobre, les Forces de défense d’Israël (FDI)
ont lancé l'opération «Épées de fer» avec des frappes aériennes,
terrestres et maritimes sur la bande de Gaza.
3.1. Réactions
à l'attaque du Hamas
19. Le Premier ministre israélien,
Benjamin Netanyahou, a déclaré que le Hamas avait déclenché une «guerre
brutale et perverse», que les FDI utiliseraient toutes leurs forces
pour détruire les capacités du Hamas et que la guerre à venir prendrait
du temps
.
20. Le Président palestinien Mahmoud Abbas a affirmé que le peuple
palestinien avait le droit de se défendre contre «la terreur des
colons et des troupes d'occupation»
. Les autorités palestiniennes
ont publié le 7 octobre une déclaration rappelant avoir mis en garde
contre «les conséquences du blocage de l'horizon politique et de
l'incapacité du peuple palestinien à exercer son droit légitime
à l'autodétermination», ajoutant que la «poursuite de l'injustice
et de l'oppression auxquelles le peuple palestinien est exposé est
la raison de cette situation explosive»
. Le président Abbas, s'exprimant
de la Jordanie le 12 octobre 2023, a regretté les pertes civiles
des deux côtés, sans toutefois condamner explicitement l’attaque
du Hamas
.
3.2. La
communauté internationale
21. La déclaration de l'Union européenne
du 7 octobre a condamné dans les termes les plus fermes les attaques
multiples et aveugles du Hamas à travers Israël. Elle a appelé à
la cessation immédiate des attaques et des violences, qui, selon
elle, ne feraient qu'accroître les tensions sur le terrain et porter
gravement atteinte aux aspirations palestiniennes à la paix. L'Union
européenne a rappelé l'importance d'œuvrer en faveur d'une paix
durable grâce à des efforts redynamisés dans le cadre du processus
au Proche-Orient
.
22. Le Secrétaire général des Nations Unies a condamné dans les
termes les plus fermes cette attaque. Consterné par les informations
selon lesquelles des civils auraient été attaqués et enlevés dans
leurs propres maisons, il a exprimé sa profonde préoccupation pour
la population civile et a instamment appelé à la plus grande retenue,
appelant au respect et à la protection des civils, conformément
au droit international humanitaire, à tout moment. Il a appelé à
tous les efforts diplomatiques pour éviter une conflagration plus
large.
23. Le Brésil, qui assurait la présidence du Conseil de sécurité
de l'ONU, a annoncé qu'il convoquerait une réunion d'urgence du
Conseil de sécurité le 8 octobre pour faire face à l'escalade de
la violence, et a exhorté les parties à éviter une escalade de la
situation.
24. Le chef de la Ligue arabe, Ahmed Aboul Gheit, a appelé à l'arrêt
immédiat des opérations militaires à Gaza et du cycle d'affrontements
armés entre les deux parties, affirmant que les actions d'Israël
avaient privé la région de toute opportunité sérieuse de stabilité.
Le roi Mohammed VI du Maroc, pays qui assure actuellement la présidence
du Conseil de la Ligue arabe, a convoqué une réunion urgente de
l'organisme le 8 octobre pour coordonner et trouver des moyens de
freiner cette grave escalade.
25. À l’échelle mondiale, les représentant·e·s d’une centaine
de pays ont réagi. Le suivi des réponses internationales par le
Washington Institute for Near East Policy indique qu’au 11 octobre
2023, au moins 44 pays avaient condamné sans équivoque le Hamas
et noté explicitement que ses actes constituaient du terrorisme.
Des déclarations explicites sur le droit d'Israël à se défendre
ont été faites par une vingtaine de pays. D'autres pays, dont le
Qatar, l'Arabie Saoudite, le Koweït, la Syrie et l'Irak, ont évoqué
la responsabilité d'Israël dans ces attaques sans condamner l’attaque
du Hamas
. Le ministère iranien
des Affaires étrangères a déclaré que l'attaque était une initiative
spontanée des groupes de résistance et du peuple palestinien pour défendre
ses droits inaliénables, et a réaffirmé le droit des Palestinien·ne·s
à se défendre
.
4. La
réponse militaire d'Israël
26. La déclaration du Premier ministre
Netanyahou dans la soirée du 7 octobre 2023 selon laquelle le pays était
en guerre a été suivie de l’approbation de la situation de guerre
par le Cabinet de sécurité israélien, y compris l’approbation de
«mesures militaires significatives»
.
27. Les objectifs de l'action militaire, comme l'a déclaré le
Premier ministre Netanyahou, sont l'élimination du Hamas en détruisant
ses capacités militaires et gouvernementales, et de faire tout le
possible pour ramener les captifs chez eux
.
28. Israël a lancé les recherches pour retrouver les otages, a
lancé des centaines de frappes aériennes contre des sites du Hamas
à Gaza décrites par les FDI comme son «infrastructure opérationnelle»,
a mobilisé environ 360 000 réservistes, soit entre 3 et 4% de la
population totale d'Israël, et a repositionné les forces terrestres
près de Gaza. Le gouvernement israélien a presque complètement interrompu
l'approvisionnement en électricité, en nourriture, en eau et en
carburant vers Gaza, qui, avant le conflit, était déjà confrontée
à des conditions de crise économiques et humanitaires
.
29. Le 13 octobre 2023, les FDI ont annoncé qu’elles «appelaient»
à l’évacuation de tous les civils de la ville de Gaza au nord de
Gaza, «de leurs maisons vers le sud pour leur propre sécurité et
protection».
30. Israël n'a accepté la réouverture du passage de Rafah entre
l'Égypte et Gaza pour une aide humanitaire limitée qu'à la suite
de négociations le 18 octobre 2023 entre l'Égypte, Israël et les
États-Unis. Néanmoins cela n’autorisait pas la circulation des personnes
à travers la frontière. Quelque 1 096 camions sont entrés à Gaza entre
le 21 octobre et le 13 novembre 2023. Le 1er novembre 2023, le poste
frontière a été également ouvert «pour des périodes limitées» afin
de permettre à près de 500 ressortissants étrangers et Palestiniens
blessés d’entrer quotidiennement en Égypte
.
31. Israël a initié les opérations terrestres le 28 octobre 2023.
32. Suite aux efforts de médiation entrepris par l'Égypte, les
États-Unis et le Qatar, un accord de pause humanitaire a été annoncé
le 22 novembre 2023, prévoyant la libération de 50 femmes et enfants
civils otages détenus dans la bande de Gaza en échange de la libération
d'un certain nombre de femmes et d’enfants palestiniens détenus
dans les prisons israéliennes
. Cette pause devait
durer quatre jours, et le Bureau du Premier ministre israélien a
noté que la libération de dix otages supplémentaires entraînerait
une journée supplémentaire de pause. Elle était également prévue
pour permettre à un plus grand nombre de convois humanitaires et
d'aide d'urgence d'entrer à Gaza.
4.1. Situation
humanitaire
33. Au 10 novembre 2023, 11 078
morts avaient été dénombrés à Gaza. Les données disponibles laissent à
penser que près de la moitié de ces décès (4 506) sont des enfants
tués suite aux actions militaires israéliennes
.
34. Le Bureau des Nations Unies pour la coordination des affaires
humanitaires (UNOCHA) a indiqué que l'ONU n'avait jusqu'à présent
pas été en mesure de produire des chiffres indépendants, complets
et vérifiés concernant les victimes; les chiffres actuels ont été
fournis par le ministère palestinien de la Santé à Gaza et par les
autorités israéliennes et doivent être vérifiés de manière plus
approfondie. Les chiffres cumulés des victimes fournis par le ministère
palestinien de la Santé à Gaza ont été arrêtés au 11 novembre 2023
suite à l'effondrement des services et des communications dans les
hôpitaux du nord.
35. Au 20 novembre 2023, on estime que 1,7 million de personnes
à Gaza (près de 75% des 2,3 millions habitants du territoire) étaient
déplacées à l'intérieur de leur propre pays, et que 900 000 d'entre
elles résidaient dans quelque 154 abris de l’Office de secours et
de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans
le Proche-Orient (UNRWA). Des problèmes aigus de surpeuplement existeraient
dans les abris, notamment en termes d'accès aux installations sanitaires
et de propagation de maladies
. Le manque de
capacité dans les abris a également contraint des milliers de personnes
déplacées à dormir dehors, la situation étant aggravée par l'exposition
aux fortes pluies.
36. Les attaques contre des bâtiments résidentiels et des infrastructures
sont nombreuses. Au 13 novembre 2023, l'UNOCHA a signalé que 45
% des logements de Gaza étaient détruits ou endommagés, que 22 hôpitaux étaient
hors service, que la situation en matière de nourriture, d'eau et
d'assainissement était catastrophique et que le manque de carburant
exacerbait encore davantage la fourniture de soins de santé et des
services de base
. Dans le même
temps, la bande de Gaza est confrontée à une pénurie d'électricité
depuis le 11 octobre 2023 après que les autorités israéliennes ont
coupé l'approvisionnement en électricité et que les réserves de carburant
pour l'unique centrale électrique de Gaza se sont épuisées.
37. Le 20 novembre 2023, l'Organisation mondiale de la santé (OMS)
a réagi après que l'hôpital indonésien de Beit Lahiya (au nord de
Gaza) a été attaqué pour la cinquième fois depuis le début des hostilités.
Il a indiqué que de multiples attaques contre des établissements
de santé avaient entraîné des évacuations massives forcées des hôpitaux,
et causé de multiples morts et blessés parmi les patients et les
personnes cherchant refuge dans les hôpitaux. L'OMS a recensé 335
attaques contre les établissements de soins de santé dans la bande
de Gaza et en Cisjordanie depuis le 7 octobre. Ces attaques, combinées
aux pénuries de carburant, de médicaments, d'eau et d'autres ressources
essentielles, auraient réduit la capacité en lits d'hôpitaux à Gaza de
3 500 à 1 400 lits. L’OMS a rappelé aux parties au conflit l'obligation,
en vertu du droit international humanitaire, de respecter le caractère
sacré des établissements de santé et de les protéger activement
. Des hôpitaux
comme celui d’Al-Shifa n'étant plus en mesure de fonctionner faute
de produits de première nécessité et de carburant, une trentaine
de prématurés ont été évacués vers l'Égypte le 20 novembre 2023.
38. Les bureaux de l'ONU dans le monde entier ont mis les drapeaux
en berne le 13 novembre 2023, déplorant la perte de 101 membres
du personnel de l'UNRWA tués depuis le début de l'escalade des hostilités à
Gaza. Le Secrétaire général de l'ONU a déclaré que, dans toute l'histoire
de l'Organisation, c’est là que le plus grand nombre de travailleurs
humanitaires des Nations Unies ont été tués.
39. Le 21 novembre 2023, le Comité pour la protection des journalistes
a documenté de manière préliminaire que, depuis le 7 octobre, 53
journalistes et professionnels des médias avaient été tués pendant
le conflit, dont 46 Palestiniens, 4 Israéliens et 3 Libanais, ce
qui en fait la période la plus meurtrière pour les journalistes
depuis que le Comité a commencé à collecter des données en 1992
.
40. Le Hamas et Israël se rejettent mutuellement la responsabilité
du terrible coût humain et des terribles conditions humanitaires
à Gaza. Les actions d'Israël ont fait des victimes et limité les
ressources vitales, tandis que le Hamas à Gaza et d'autres milices
contribuent à mettre en danger les zones et les installations civiles, notamment
les hôpitaux, en opérant à l'intérieur ou à proximité d'elles, en
les utilisant comme boucliers, au mépris total du droit international
ainsi que de la sécurité des civils palestiniens
.
4.2. Réactions
41. Les perceptions radicalement
différentes du conflit, de ses causes et de ses implications ont
défini les réactions internationales.
42. Le Secrétaire général de l’ONU, s’adressant au Conseil de
sécurité de l’ONU, a appelé à un cessez-le-feu humanitaire immédiat
le 24 octobre 2023 pour «atténuer la grande souffrance, rendre l’acheminement
de l’aide plus facile et plus sûr et faciliter la libération des
otages»
. Les efforts de
recherche de positions communes pour gérer la crise en vue d’adopter
en octobre une résolution au Conseil de sécurité des Nations Unies
ont échoué. Les désaccords portaient sur l’appel à un cessez-le-feu
humanitaire inconditionnel, sur des pauses humanitaires ou sur un
langage lié au droit de légitime défense
.
43. La première réponse formelle des Nations Unies à l'escalade
de la violence en Israël et en Palestine depuis les attaques terroristes
du Hamas s’est traduite par l'adoption, à une large majorité, d'une
résolution le 26 octobre 2023 par l'Assemblée générale des Nations
Unies. Cette résolution appelait à une «trêve humanitaire immédiate,
durable et soutenue conduisant à la cessation des hostilités»
.
44. Face au nombre croissant de vies perdues depuis le 7 octobre,
les dirigeant·e·s du Comité permanent inter-organisations ont publié
le 5 novembre 2023 une déclaration appelant à la nécessité d'un
cessez-le-feu humanitaire immédiat
.
45. Le Conseil de sécurité de l'ONU a pu adopter le 15 novembre
2023 une résolution par laquelle il appelait à des pauses humanitaires
urgentes et prolongées et à des couloirs à travers la bande de Gaza
pour faciliter la fourniture de biens et services essentiels. Le
Conseil de sécurité a également appelé à la libération immédiate
et inconditionnelle de tous les otages détenus par le Hamas et d'autres
groupes, et a exhorté les parties à s'abstenir de priver les civils
de Gaza de services vitaux et d'assistance humanitaire. Les États-Unis et
le Royaume-Uni se sont abstenus lors du vote, affirmant qu'ils ne
pouvaient pas voter en faveur d’un texte ne condamnant pas le Hamas,
et les États-Unis ont en outre regretté que le texte ne réaffirmait
pas le droit des États membres à protéger leurs citoyen·ne·s contre
des attaques terroristes. La Fédération de Russie s’est également
abstenue, invoquant l’absence d’appel à un cessez-le-feu immédiat
.
46. Le Procureur de la Cour pénale internationale (CPI) s'est
exprimé depuis le terminal de Rafah, en Égypte, le 30 octobre 2023,
pour exhorter les États parties à la CPI et les États non parties
«à contribuer collectivement à faire respecter les Conventions de
Genève, au respect collectif des principes du droit international
coutumier et des principes du Statut de Rome, à partager les éléments
de preuve concernant toute allégation de crime afin que [la CPI
puisse] enquêter comme il se doit sur ces crimes présumés et en poursuivre
les auteurs le cas échéant». Il a ajouté que toute attaque touchant
des civils innocents ou des biens protégés doit être menée conformément
aux lois et coutumes de la guerre
.
47. Le Procureur de la CPI a confirmé le 17 novembre 2023 la réception
d'une saisine sur la situation dans l'État de Palestine émanant
du Bangladesh, de la Bolivie, des Comores, de Djibouti et de l'Afrique
du Sud. En réponse, le Bureau du Procureur a confirmé qu'il enquêtait
depuis le 3 mars 2021 sur des comportements susceptibles de constituer
des crimes visés par le Statut de Rome commis depuis le 13 juin
2014 à Gaza et en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est, et que cette
enquête était continue et s’étendait à l’escalade des hostilités
et de la violence depuis le 7 octobre
.
48. À l'initiative du président Macron, la France a organisé le
9 novembre 2023 une conférence internationale pour l'aide humanitaire
à la population civile de Gaza. Cela visait à promouvoir le respect
du droit international et le renforcement de l’accès humanitaire,
avec des appels à travailler pour la protection des civils.
49. Le Sommet extraordinaire conjoint arabo-islamique, organisé
en Arabie Saoudite le 12 novembre 2023, a exigé la fin immédiate
de « l’agression », rejetant que l’action militaire d’Israël soit
justifiée par le principe de légitime défense, sans toutefois condamner
l’attaque du Hamas. Il a condamné les deux poids, deux mesures dans
l'application du droit international, et a déclaré que cela portait
atteinte à la crédibilité de l'action multilatérale et faisait preuve
de sélectivité dans l'application du système de valeurs humanitaires
.
50. L'Union européenne a adopté une déclaration le 12 novembre
2023 exprimant sa grave préoccupation face à l'aggravation de la
crise humanitaire à Gaza. Soulignant à nouveau le droit d'Israël
à se défendre conformément au droit international et au droit humanitaire
international, l'Union européenne a appelé à une pause immédiate
dans les hostilités et à l'établissement de couloirs humanitaires
afin que l'aide humanitaire puisse atteindre la population de Gaza.
Elle a en outre condamné l'utilisation d'hôpitaux, et l’utilisation
de civils comme boucliers humains par le Hamas et a rappelé les
principes selon lesquels les hôpitaux doivent être protégés.
5. Répercussions
5.1. Processus
de paix au Moyen-Orient
51. L'Assemblée n'a cessé d'affirmer
son soutien à deux aspirations tout aussi légitimes: le droit d’Israël d’être
reconnu et d’exister en toute sécurité, et le droit des Palestiniens
d’avoir un État indépendant et viable
. L’escalade de la violence
suite aux atrocités du 7 octobre 2023 marque un nouvel achoppement
des efforts visant à résoudre une histoire de conflit entre Israël
et la Palestine.
52. C’est en septembre 1993 que Yitzhak Rabin et Yasser Arafat
signaient à Washington un accord qui aurait dû conduire en cinq
ans à une solution de paix basée sur le principe d’Israël et d’un
État palestinien viable vivant côte à côte dans la paix, la sécurité
et la reconnaissance mutuelle. Trente ans se sont écoulés et les
espoirs suscités par cet accord ont peu à peu cédé la place à la
déception, au désenchantement, à la frustration et à la colère,
ouvrant un espace à ceux – le Hamas et le Jihad islamique – qui
n'ont jamais accepté cet accord, qui contestent l'idée même de coexistence
entre deux États, et n'ont pas hésité à déclencher une agression
atroce contre Israël pour tenter d'empêcher toute forme de coexistence
entre Israéliens et Palestiniens, qui semble aujourd'hui encore
plus lointaine. L'engagement continu du Hamas pour le recours à la
force contre Israël, la non-reconnaissance d'Israël et son objectif
visant à la création d'un État palestinien islamique à la place
d'Israël a conduit le Hamas à être longtemps désigné comme organisation
terroriste par les États-Unis, l'Union européenne, le Royaume-Uni
et bien d’autres.
53. Un certain nombre de facteurs ont grandement entravé les efforts
visant à résoudre le conflit israélo-palestinien. Premièrement,
la politique continue d'Israël consistant à construire et à étendre
ses colonies en Cisjordanie va à l'encontre de la solution à deux
États fondée sur les frontières de 1967 et est illégale au regard du
droit international. Deuxièmement, les profonds schismes politiques
au sein des dirigeants palestiniens ont affaibli les aspirations
à un État et ont empêché la tenue d'élections présidentielles et
législatives depuis 2006. Les efforts du Fatah et du Hamas pour
parvenir à un accord en vue d'élections futures et de réconciliation
ont été intermittents au cours de la dernière décennie, avec un
accord en Algérie en octobre 2022 suggérant que des élections législatives
seraient organisées d'ici un an et que l'Organisation de libération
de la Palestine serait le seul représentant légitime du peuple palestinien.
54. Le conflit actuel a exacerbé toutes les tensions, toutes les
lignes de fracture qui traversent le processus de paix. Dans le
dernier rapport du Secrétaire général des Nations Unies sur la mise
en œuvre de la
Résolution 2334 du Conseil de sécurité de l'ONU, le coordinateur spécial
pour le processus de paix au Moyen-Orient, Tor Wennesland, a regretté
la violence quotidienne dans la région. Les incidents mortels survenus entre
juin et septembre 2023 se sont inscrits dans une tendance à l’augmentation
des tensions, de la violence et du nombre de morts observée au cours
des années précédentes.
55. Le rapport du 15 mars 2023 du Haut-Commissaire des Nations
Unies aux droits de l'homme sur les colonies de peuplement israéliennes
dans le Territoire palestinien occupé, y compris Jérusalem-Est et
le Golan syrien occupé, relève que les actes de violence perpétrés
par les colons atteignent les niveaux les plus élevés enregistrés
par les Nations Unies, et déclare que les échecs répétés à protéger
les Palestiniens et leurs biens ont contribué à aggraver l'environnement
coercitif et la discrimination à l'égard des Palestiniens. Les attaques terroristes
du Hamas du 7 octobre ont été suivies par une exacerbation de la
violence de la part des colons en Cisjordanie, avec des incidents
qui, en six semaines après les attaques du Hamas, ont dépassé les
niveaux de violence observés sur toute l’année. L’augmentation des
actes de violence perpétrés par les colons et des restrictions d'accès
(notamment les exigences de laissez-passer et la désignation de
zones comme restreintes ou fermées) a forcé le déplacement d'au
moins 1 014 Palestinien·ne·s en Cisjordanie occupée au cours des six
semaines précédant le 20 novembre 2023
. Les actes de
violence perpétrés par les colons d’un taux déjà élevé de trois
incidents par jour sont passés cette année à sept par jour
. Le 16 novembre
2023, le secrétaire d’État américain a appelé les autorités israéliennes
à prendre d’urgence des mesures pour désamorcer les tensions en
Cisjordanie et la montée des «violences extrémistes des colons»
. Après
une visite au Moyen-Orient, le Haut-Commissaire des Nations Unies
aux droits de l'homme a exprimé sa profonde préoccupation face à
l'intensification de la violence et a déclaré qu'il «tirait la sonnette
d'alarme la plus forte possible concernant la Cisjordanie occupée»
.
56. Les dirigeants palestiniens, en rejetant progressivement les
propositions avancées par la partie israélienne depuis de nombreuses
années, ont miné la crédibilité de l'Autorité nationale palestinienne
au profit du Hamas. La responsabilité est également partagée en
raison de l'approche des autorités israéliennes consistant à accélérer
l'expansion des colonies en Cisjordanie, de leur refus d'entamer
des négociations et de la montée des discours incendiaires de la
part des représentants du gouvernement
.
57. La communauté internationale et ses principaux protagonistes
n’ont pas moins de responsabilité. Le Quatuor pour le Moyen-Orient,
composé des Nations Unies, de l’Union européenne, des États-Unis
et de la Fédération de Russie, n’a jamais réussi à donner une réelle
impulsion aux solutions de paix et ne s’est pas réuni depuis novembre
2021
. La
forte influence de l'Iran sur le Hamas réduit davantage l'espace
réservé aux initiatives de médiation.
58. La recherche d’alternatives pour la paix dans la région –
comme par le biais des Accords d'Abraham établissant des relations
diplomatiques et normalisées sur la base de la reconnaissance mutuelle
entre Israël, les Émirats arabes unis, le Bahreïn, le Maroc et le
Soudan – est désormais confrontée à d'énormes obstacles et la perspective
d'établir de nouvelles relations est réduite au minimum.
5.2. Répercussions
internationales et inquiétudes concernant l’élargissement régional
du conflit
59. L'incapacité à trouver un consensus
et une position commune sur le conflit au Conseil de sécurité de l'ONU
jusqu'à l'adoption de la cinquième résolution proposée le 15 novembre
2023 a davantage mis en lumière les tensions qui bloquent une action
efficace pour maintenir la paix et la sécurité internationales,
soulignées également dans la
Résolution
2515 (2023) «Le rôle du Conseil de l'Europe dans la prévention des
conflits, le rétablissement de la crédibilité des institutions internationales
et la promotion de la paix dans le monde» de l’Assemblée.
60. Les propositions avancées par Emmanuel Macron et Charles Michel
visant à introduire des mécanismes suspendant le droit de veto dans
certaines situations restent aussi pertinentes aujourd'hui qu'elles
l'étaient lorsqu'elles ont été formulées lors du débat de haut niveau
à l'Assemblée générale de l'ONU du 20 au 26 septembre 2022.
61. Les appels du ministre israélien des Affaires étrangères à
la démission du Secrétaire Général de l'ONU, M. Guterres, après
ses commentaires du 25 octobre 2023 selon lesquels «les attaques
du Hamas ne se sont pas produites en vase clos» ont montré les tensions
particulières qui existent au niveau international, s’agissant d’appeler
à un cessez-le-feu dans le contexte de la crise humanitaire à Gaza.
Cette même tension dans l’appel à un cessez-le-feu s’est reproduite
au niveau de l’Union européenne, où les appels à inclure une formulation
ayant pour effet un «cessez-le-feu humanitaire» n’ont pas pu faire
l’objet d’un accord lors de la réunion du Conseil européen du 26
octobre 2023
.
62. Les liens militaires, économiques et politiques entre le Hamas,
le Hezbollah et l’Iran font craindre une aggravation du conflit
actuel. Le coordonnateur spécial des Nations Unies pour le processus
de paix au Moyen-Orient, dans son exposé d'urgence au Conseil de
sécurité de l'ONU le 18 octobre 2023, a souligné «la crainte que
nous soyons au bord d'un abîme profond et dangereux qui pourrait
changer la trajectoire du conflit israélo-palestinien, voire du
Moyen-Orient dans son ensemble», qualifiant le risque d'une expansion
de ce conflit de «très réel et extrêmement dangereux»
.
63. Le 8 octobre 2023, le Hezbollah au Liban a lancé des missiles
et mené des attaques d’artillerie sur certains sites militaires
du nord d’Israël «en solidarité» avec le Hamas. Israël a riposté
par des tirs d'artillerie. Bien qu’il n’y ait pas eu de mouvements
à grande échelle, de petits affrontements ont été signalés à la
frontière et Israël a ordonné l’évacuation de plus de 40 communautés
dans le nord d’Israël.
64. De hauts responsables iraniens ont exprimé leur soutien à
l'offensive du Hamas. Alors que le secrétaire d’État américain Antony
Blinken, s’exprimant en octobre 2023, a déclaré que «rien» ne suggérait
que l’Iran était «directement impliqué dans cette attaque [du Hamas
contre Israël], dans sa planification ou dans sa mise en œuvre»
, le soutien financier
et la formation de longue date fournis par l’Iran au Hamas ont été
largement documentés
.
65. Depuis le 7 octobre, des attaques contre les forces américaines
dans la région ont été perpétrées par des groupes alignés sur l'Iran
en Irak, en Syrie et au Yémen. Israël a intercepté un certain nombre
de missiles balistiques lancés depuis le Yémen par le mouvement
Houthi, qui a également abattu un drone américain le 8 novembre
2023 et détourné un cargo en mer Rouge
.
66. Outre le risque d’escalade régionale, les divergences évidentes
dans les positions des acteurs régionaux et internationaux en réponse
au conflit pourraient avoir des conséquences à long terme sur la coopération
et la cohésion internationales. En cas d'escalade du conflit, l’insécurité
mondiale pourrait encore s’accroître face aux risques sur les marchés
de l'énergie et aux chocs sur les prix des matières premières, et s'ajouterait
aux effets perturbateurs sur l'économie mondiale causés par la guerre
d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine
.
5.3. Racisme,
intolérance et haine
67. L’impact global de la situation
au Proche-Orient est incontestable. Le débat féroce qu’elle engendre
est une source de grande sensibilité, et les citoyen·ne·s de toute
l’Europe ont réagi à la crise de multiples façons, y compris par
des manifestations publiques de solidarité et de protestation. Dans
le même temps, ces réponses posent un risque pour le tissu social
de nos communautés, notre cohésion et la paix civile. La pression
exercée sur les communautés juive et musulmane est profondément
préoccupante et est d’autant plus intolérable qu’aucun membre de
ces communautés ne porte la responsabilité des événements au Moyen-Orient.
5.3.1. Antisémitisme
68. L’Assemblée notait en 2022
à quel point l’antisémitisme est construit sur des stéréotypes néfastes
qui font de la communauté juive un bouc émissaire pour les crises
émergentes
. Cela a été le cas lors de la pandémie
de covid-19
,
au début de la guerre d'agression de la Fédération de Russie contre
l'Ukraine
,
et c'est encore le cas ici. Il convient de rappeler que les Juifs
du monde entier ne devraient pas être tenus responsables des paroles
et des actions du Gouvernement israélien ou de tout autre gouvernement.
69. Les répercussions alarmantes des attaques terroristes du Hamas
du 7 octobre et du conflit qui a suivi ont été observées dans les
rues d’Europe avec une forte augmentation des incidents antisémites
enregistrés à travers le continent, sur fond d’avertissements répétés
de montée de l’antisémitisme depuis des années.
70. L'ampleur de ces incidents est très vaste: des manifestations
ont eu lieu lors desquelles actions odieuses du Hamas ont été saluées,
des synagogues et des sites juifs ont été attaqués, des affiches
des otages pris par le Hamas ont été dégradées ou déchirées, des
contenus antisémites ont été diffusés et prolifèrent en ligne et
des menaces ont été proférées contre l’intégrité physique des citoyen·ne·s
juifs. Des gardes armés accompagnent par mesure de protection les
rassemblements en période de Shabbat, et la protection des écoles
juives, des centres communautaires et des synagogues n’est plus
une mesure sécuritaire, mais une réponse à cette montée en flèche
des incidents antisémites.
71. Selon le ministre de l'Intérieur de la France, 1 518 incidents
ont été enregistrés dans le pays concernant des actes et propos
antisémites entre le 7 octobre et le 14 novembre 2023. Il s’agit
d’une multiplication par trois par rapport à l’ensemble de l’année
2022 ayant conduit à 571 arrestations. Au Royaume-Uni, le Community Service
Trust, une organisation qui enregistre les incidents antisémites
depuis 1984, a enregistré un total de 1 324 incidents sur 40 jours
dans tout le Royaume-Uni, ce qui représente le nombre le plus élevé
sur la même période dans toute l'histoire de l'organisation. Les
organismes de surveillance ont constaté cette tendance en Europe
et en Amérique du Nord
,
mais l’effet a été mondial, avec des incidents tels que la traque
de passagers arrivant d’Israël à destination du Daghestan, en Russie,
et la prolifération massive de contenus antisémites sur les plateformes
en ligne chinoises
.
5.3.2. Islamophobie
72. L’Assemblée est profondément
préoccupée par l’augmentation constante des signes d’islamophobie
en Europe, avec une augmentation spectaculaire ces dernières années,
comme l’ont dénoncé de nombreux organismes de défense des droits
humains et de l’égalité aux niveaux européen et mondial
.
73. Les conséquences des attentats terroristes meurtriers ont
créé un environnement profondément hostile, en ligne et hors ligne,
pour les communautés musulmanes de nombreux pays européens. De nombreux
pays ont été témoins d’incidents racistes croissants, d’attaques
verbales, d’attaques de mosquées et d’un volume considérable de
propos déshumanisants, radicalisés et violents à l’égard des musulman·e·s.
5.4. Liberté
d'expression et de réunion
74. Le conflit a eu de graves conséquences
sur la sécurité des journalistes dans la région. Le Comité pour la
protection des journalistes a signalé qu'au moins 53 journalistes
et professionnels des médias avaient été tués, 8 blessés et 3 avaient
disparu au 21 novembre 2023 alors qu'ils couvraient le conflit
. Les journalistes qui opèrent
dans les zones de conflit effectuent un travail vital et sont protégés
par le droit international humanitaire.
75. Les Conventions de Genève de 1949 et leurs Protocoles additionnels
établissent des règles visant à protéger les personnes qui ne participent
pas aux combats et celles qui ne peuvent plus combattre. Le Protocole
additionnel I précise que les journalistes engagés dans des missions
professionnelles dans des zones de conflit armé doivent être considérés
comme des civils et doivent être protégés en tant que tels tant qu'ils
ne prennent aucune mesure portant atteinte à leur statut de civils.
Cela signifie que toutes les parties à un conflit doivent protéger
les journalistes, éviter les attaques délibérées contre eux et faire
respecter leurs droits au cas où ils seraient capturés.
76. En Europe, depuis le 7 octobre, des centaines de milliers
de personnes ont exercé leurs droits lors de manifestations liées
au conflit. Un certain nombre d’incidents liés à la liberté de réunion
survenus en octobre 2023 ont mis en évidence la nécessité d’une
proportionnalité et d’une évaluation minutieuse pour guider les réponses
aux manifestations, aux reportages et aux déclarations publiques.
Les États doivent continuer à équilibrer soigneusement les impératifs
de sécurité publique et de lutte contre les discours de haine antisémites
et antimusulmans, avec la protection de la liberté d’expression
et de réunion.
77. Les interdictions de manifester par crainte de risques de
troubles à l’ordre public doivent être soigneusement équilibrées
pour respecter les normes en matière de liberté de réunion. La décision
du Conseil d'État français, la plus haute juridiction administrative
du pays, du 18 octobre 2023 a réaffirmé que les interdictions de
manifester doivent être prises au cas par cas, et que les autorités
locales devraient continuer à fournir des justifications détaillées
pour toute décision d'interdiction de manifestations sur leur territoire
.
6. Conclusions
78. Nous sommes confrontés à l’un
des moments les plus difficiles de l’histoire israélienne et palestinienne. C’est
un défi pour la région, c’est un défi pour la communauté internationale
et c’est un défi pour l’Europe et nos sociétés.
79. L’horreur de la violence inhumaine et brutale des attaques
terroristes du Hamas du 7 octobre 2023 est inexcusable, injustifiable
et a choqué le monde. Les États membres du Conseil de l’Europe et
l’Assemblée doivent être clairs dans leur condamnation de ces actes
de terreur ignobles et dans leur demande de libération de tous les
otages dès que possible.
80. Israël, en menant une guerre en réponse à ces attaques doit
agir dans les limites du droit international humanitaire. Les vies
des Palestinien·ne·s qui n’ont rien à voir avec les actions terroristes
du Hamas ne devraient en aucun cas être des dommages collatéraux
dans ce conflit.
81. Les risques de conflagration régionale restent élevés. Il
est nécessaire de continuer à collaborer avec les partenaires régionaux
et internationaux pour empêcher une nouvelle escalade.
82. La crise dramatique que traverse le Proche-Orient est une
confirmation que la quête de la paix nécessite plutôt des initiatives
opportunes, des médiations courageuses et une recherche inlassable
de solutions. En fin de compte, la seule façon de garantir que cette
crise ne se reproduise plus est de commencer à créer les conditions
d’une paix et d’une sécurité durables. La diplomatie parlementaire
pour la région devrait œuvrer dans ce sens. En Europe, et au sein
de l’Assemblée, nous devons également continuer à promouvoir ce dialogue,
guidés par le soutien aux aspirations tout aussi légitimes d’Israël
à être reconnu et à vivre en sécurité, et de celles des Palestinien·ne·s
à avoir un État indépendant et viable.