1. Introduction
1. L’élection présidentielle frauduleuse
du 9 août 2020 au Bélarus a marqué un point de rupture entre le passé
et le futur du pays. La voix du peuple qui s’est exprimée lors de
protestations et de manifestations pacifiques sans précédent après
l’élection a été étouffée par Aliaksandr Loukachenka avec une force
brutale. L’intensification de la répression dans le pays, soutenue
par la Fédération de Russie, a renforcé le caractère autoritaire
et impitoyable de ce régime.
2. Le rejet total du droit international et des normes démocratiques
par le régime de Loukachenka s’est illustré par l’implication de
ce dernier dans la guerre illégale d’agression menée par la Fédération
de Russie contre l’Ukraine. En tant que complice, non seulement
M. Loukashenka a violé de manière flagrante de nombreuses normes
internationales et transformé le Bélarus en menace pour la paix
et la sécurité internationales, mais il a aussi mis en péril l’existence
même du pays, le réduisant au rôle d’État vassal renonçant à sa
souveraineté en faveur des prérogatives politiques, militaires et
économiques du régime de Poutine.
3. Dans le même temps, les espoirs d’une vision démocratique
pour le Bélarus, portés par le courage de Sviatlana Tsikhanouskaya,
Veronika Tsepkalo, et Maria Kalesnikava, lors de l’élection de 2020,
n’ont pas été anéantis par cette répression. Trois ans plus tard,
les forces démocratiques du Bélarus poursuivent leur travail courageux,
notamment par l’intermédiaire du Cabinet de transition uni et du
Conseil de coordination, dans la perspective d’un avenir démocratique
garantissant la réalisation des droits humains et l’État de droit
au Bélarus.
4. Le 21 avril 2022, le Bureau de l’Assemblée parlementaire a
décidé de suspendre toutes les relations entre l’Assemblée et les
autorités du Bélarus en raison de la participation de ces dernières
à l’agression par la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Bien
que nous ne collaborions plus avec le régime de Loukachenka, la nécessité
de réformes radicales visant à mettre la législation, les institutions
et les pratiques du Bélarus en conformité avec les normes internationales
en matière de démocratie et de droits humains est plus pressante que
jamais.
5. Dans le même temps, la décision de l’Assemblée d’intensifier
ses relations avec la société civile, les défenseurs des droits
humains, les journalistes indépendants, les milieux universitaires
et les forces démocratiques du Bélarus témoigne clairement de l’importance
qu’elle attache à un avenir démocratique pour le Bélarus
.
J’ai poursuivi mes travaux uniquement en dialoguant avec ces différentes
parties prenantes et, dans le cadre de mon mandat, j’ai cherché
à établir et à approfondir le dialogue politique de l’Assemblée
avec les forces démocratiques du Bélarus.
2. Origine, objectif et approche
6. Au lendemain de l’élection
présidentielle de 2020 au Bélarus, les membres de l’Assemblée ont
présenté trois propositions portant respectivement sur la situation
des droits humains, la réforme électorale et le processus politique.
Les deux premières propositions, qui portaient sur les questions
urgentes à traiter, ont été accélérées et ont conduit à l’adoption
de textes de l’Assemblée en avril 2021. La troisième concernait
le projet à long terme de soutien du développement d’un processus
politique qui devrait finalement conduire le Bélarus à respecter
les normes démocratiques et à adhérer au Conseil de l’Europe
.
Elle a été renvoyée à la Commission des questions politiques et
de la démocratie (la commission) pour rapport et j’ai été nommé rapporteur
.
7. La proposition initiale reposait sur l’idée qu’un tel processus
politique devrait être national, c’est‑à‑dire initié par et appartenant
au peuple du Bélarus, et inclusif, ce qui signifie qu’il devrait
s’appuyer sur la participation de toutes les parties prenantes du
Bélarus. Jusqu’en avril 2022, j’ai travaillé sur la base de ce postulat.
Dans ce contexte, j’ai tenu des réunions avec des représentant·e·s
de l’opposition et de la société civile du Bélarus vivant à l’étranger,
notamment lors d’une visite d’information à Vilnius et à Varsovie
en septembre 2021. J’ai également rencontré des responsables de
haut niveau du Conseil de l’Europe.
8. Un processus inclusif exige également la participation des
autorités. Malgré l’aggravation de la répression politique et de
la situation des droits humains au Bélarus, et celle de la crise
dans les relations internationales, je suis resté convaincu que
nous devrions continuer à étudier les moyens de collaborer avec les
autorités, ce que la commission a soutenu. Ainsi, j’ai également
eu des contacts réguliers avec des représentant·e·s des autorités.
9. En janvier 2022, un résultat politique significatif a été
obtenu au cours d’une audition en commission, lorsque, pour la première
fois depuis le début de la crise politique, les autorités et l’opposition
se sont assises autour de la même table pour discuter de la réforme
constitutionnelle. Il s’agissait d’un effort pour promouvoir un
processus politique inclusif au Bélarus et faire jouer un rôle politique
constructif à l’Assemblée.
10. La rupture des relations entre l’Assemblée et le régime bélarussien
qui a suivi, confirmée en avril 2022
, s’explique par
les actions méprisables du régime de Loukachenka. L’approche que
j’ai adoptée depuis tient compte de la réalité, à savoir que les
conditions de base de la coopération et du dialogue avec l’appareil
d’État actuel du Bélarus ne sont plus réunies.
11. Les actions du régime ne correspondent pas aux aspirations
démocratiques des Bélarussien·ne·s. La suspension des relations
avec le Bélarus n’est pas une suspension des relations avec les
Bélarussien·ne·s qui aspirent à cet avenir démocratique. Conformément
à la décision de l’Assemblée d’intensifier son engagement auprès
de la société civile, des défenseurs des droits humains, des journalistes
indépendants, des milieux universitaires et des forces démocratiques
du Bélarus, j’ai envisagé ce rapport comme un processus, en profitant
de mon mandat pour faire progresser cet engagement.
12. À la suite de consultations étroites avec les forces démocratiques
du Bélarus, la commission est convenue, en janvier 2023, d’établir
un dialogue régulier avec les forces démocratiques du Bélarus. Je remercie
tous ceux qui ont participé à ce dialogue au cours de l’année écoulée
pour leurs réflexions sur la situation dans le pays et sur les mesures
qui pourraient être prises en vue d’un processus national de réforme politique.
13. Le rapport fait le point sur la dégradation de la situation
politique et des droits humains au Bélarus depuis 2020, sur la réaction
de l’Assemblée face à cette évolution, et propose quatre axes complémentaires
pour orienter l’action future en faveur d’un avenir démocratique
dans le pays.
3. Les
conséquences de l’élection présidentielle de 2020
14. Les manifestations de masse
qui ont éclaté au Bélarus à la suite de l’annonce des résultats
officiels déclarant M. Loukachenka vainqueur, ont été sans précédent
tant par leur ampleur que par leur durée. Des dizaines de milliers
de manifestant·e·s se sont massés dans les rues. Pendant des mois,
les défilés et les rassemblements, qui ont parfois réuni des centaines
de milliers de personnes, sont devenus une tradition hebdomadaire,
malgré la répression brutale de la police. Des centaines de personnes
ont été blessées, plusieurs ont été tuées et des milliers ont été
arrêtées. Les allégations de mauvais traitements et de torture ont été
largement documentées
.
15. Plusieurs représentant·e·s du Conseil de l’Europe, dont le
Président de l’Assemblée et la Présidente de la commission des questions
politiques et de la démocratie, ont condamné la violence et appelé
à un processus national inclusif associant pleinement la société
civile afin de trouver une issue pacifique à la crise
. À la
suite d’un débat d’actualité tenu le 15 septembre 2020, la Commission
permanente a adopté une déclaration dans le même sens
. Parallèlement, les membres de l’Assemblée
ont présenté trois propositions, comme indiqué précédemment.
16. L’Union européenne a condamné la violence disproportionnée
et inacceptable contre les manifestant·e·s pacifiques, n’a pas reconnu
les résultats de l’élection et a imposé des sanctions aux personnes considérées
comme responsables d’actes de répression et d’intimidation contre
des manifestants pacifiques, des membres de l’opposition et des
journalistes, ainsi que de fautes commises au cours du processus électoral
.
17. Au niveau de l’Organisation pour la sécurité et la coopération
en Europe (OSCE), 17 États participants ont invoqué le «Mécanisme
de Moscou» en septembre 2020 pour mettre en place une mission d’expert·e·s chargée
d’examiner les informations crédibles faisant état de violations
des droits humains, y compris de fraudes électorales. Dans son rapport
présenté en novembre 2020, le rapporteur, M. Wolfgang Benedek, conclut
à l’existence de preuves accablantes montrant que l’élection présidentielle
de 2020 était frauduleuse et que les forces de sécurité du Bélarus
avaient perpétré des violations massives et systématiques des droits humains
et des libertés fondamentales
.
18. Le 21 avril 2021, l’Assemblée a adopté la
Résolution 2371 (2021) «Nécessité urgente d’une réforme électorale au Bélarus»
dans laquelle elle déclarait que l’élection présidentielle de 2020
n’avait été ni libre ni équitable, et appelait à mener une réforme
globale du système électoral. Dans ce contexte, elle identifiait
les principaux domaines de préoccupation qui devaient être traités
en priorité afin que le système électoral puisse devenir transparent,
responsable et, en fin de compte, «crédible», et que les citoyen·ne·s
du Bélarus puissent reprendre confiance dans le processus électoral.
19. Dans sa
Résolution
2372 (2021) «Les violations des droits de l’homme au Bélarus nécessitent
une enquête internationale» adoptée le même jour, l’Assemblée appelait
les autorités du Bélarus à libérer tous les prisonnières et prisonniers
politiques, à engager le dialogue avec l’opposition et à organiser
de nouvelles élections démocratiques. Soulignant l’importance capitale
de la lutte contre l’impunité des auteurs de graves violations des
droits humains, l’Assemblée appelait les États membres à faire usage
de la «compétence universelle» pour certains crimes particulièrement
graves, y compris les actes de torture, et à se servir de leurs «lois
Magnitski» pour imposer des sanctions ciblées contre des auteurs
de violations graves des droits humains au Bélarus.
20. Les appels de l’Assemblée et de la communauté internationale
n’ont pas été entendus. À l’inverse, Aliaksandr Loukachenka a systématiquement
appliqué un arsenal de mesures qui, dans leur conception et leur mise
en œuvre, ont supprimé tous les vestiges restants des principaux
piliers de la société démocratique dans le pays.
4. Situation
des droits humains et libertés politiques
21. Pour tenir le mouvement d’opposition
à distance, les autorités du Bélarus se sont appuyées sur une répression
constante. Les poursuites pénales à caractère politique engagées
contre les opposants et les détracteurs des autorités, les journalistes,
les militants des droits humains et les simples citoyen·ne·s participant
aux manifestations pacifiques sont restées la forme essentielle
de répression, et ont conduit des centaines de milliers de Bélarussien·ne·s
à fuir le pays pour échapper à ce régime.
22. Les droits à la liberté d’expression, d’association et de
réunion ont été considérablement restreints, la torture et les autres
mauvais traitements ont été endémiques et commis en toute impunité.
23. L’ampleur de la répression est stupéfiante. Les exemples ci-dessous
mettent en évidence l’accélération de la dégradation complète des
droits humains et des libertés politiques. Cette répression s’appuie
sur l’impact transversal des mesures qui suppriment le recours à
la justice. Le système judiciaire est détourné pour réprimer la
dissidence, emprisonner les opposant·e·s politiques et les défenseurs
des droits humains, intimider et réduire au silence leurs avocat·e·s,
qui ont par la suite été nombreux à fuir le pays
.
24. La suppression de la justice a été illustrée par la notification
par le Bélarus, le 8 novembre 2022, de sa dénonciation du Protocole
facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits
civils et politiques. Le Bélarus a cessé d’être partie au Protocole
le 8 février 2023, privant ainsi les personnes de la possibilité
de porter plainte devant le Comité des droits de l’homme des Nations
Unies. Cette situation a privé les citoyen·ne·s de la protection
des droits humains et constitue une dégradation emblématique de
la situation des droits humains sur le territoire.
25. Comme il est désormais impossible d’avoir accès aux voies
de recours effectives au niveau tant national qu’international,
le régime a décrété l’impunité pour que les responsables de violations
flagrantes des droits humains n’aient pas à répondre de leurs actes.
Les révisions constitutionnelles effectuées en contradiction flagrante
avec les principes démocratiques, qui représentent un effort éhonté
du régime de Loukachenka pour conserver son emprise sur le pouvoir,
font également partie de ce schéma.
26. Les amendements à la Constitution adoptés par référendum le
27 février 2022 permettent à M. Loukachenka de rester en fonction
jusqu’en 2035, lui accordent l’immunité contre les poursuites judiciaires, cherchent
à empêcher les forces démocratiques en exil de se porter candidates
à l’élection présidentielle et donnent à l’Assemblée du peuple du
Bélarus (organe non élu composé de représentants nommés par le gouvernement
au pouvoir) le pouvoir de destituer un futur président, de nommer
les juges et de désigner les membres de la Commission électorale
centrale.
27. L’avis de la Commission européenne pour la démocratie par
le droit (Commission de Venise), demandé par le Président de l’Assemblée,
concernant les aspects procéduraux et de fond de la réforme constitutionnelle,
est clair: les amendements n’ont pas corrigé le profond déséquilibre
des pouvoirs qui existait déjà dans la Constitution de 1996, et
l’ont même aggravé, facilitant le fonctionnement d’un régime autoritaire
. Ces amendements constitutionnels
ont été adoptés au mépris des principes démocratiques fondamentaux.
4.1. Prisonnières
et prisonniers politiques
28. La pratique des arrestations
et des poursuites arbitraires est solidement ancrée depuis l’élection de 2020
et n’a cessé de se renforcer. Elle a visé divers segments de la
société, notamment les détracteurs du gouvernement, les défenseurs
des droits humains, les journalistes, les universitaires, les syndicalistes,
les personnalités religieuses, les personnes appartenant à des minorités
nationales, les avocat·e·s et d’autres personnes cherchant à exercer
leurs droits fondamentaux. Plus de 40 000 arrestations pour des
motifs politiques ont été effectuées et quelque 12 000 affaires
pénales motivées par des considérations politiques ont été instruites.
29. Le rapport de l’OSCE publié en mai 2023 dans le cadre du Mécanisme
de Moscou montre de manière convaincante que le nombre élevé de
prisonnières et prisonniers politiques au Bélarus s’inscrit dans
un ensemble de politiques publiques visant à accroître la répression
pour des motifs politiques. Il s’agit notamment d’une série de mesures
législatives qui prévoient des infractions aux contours imprécis
qui élargissent les possibilités de répression politique
.
30. Selon Viasna, au 11 novembre 2023, le nombre total de prisonnières
et prisonniers politiques au Bélarus était de 1 456
. Lors de plusieurs auditions avec
les forces démocratiques du Bélarus en 2023, il a été rappelé à
la commission des questions politiques et de la démocratie que la
réalité de la détention politique dans le pays est encore plus vaste.
De nombreuses personnes, prisonnières et prisonniers politiques,
souhaitent éviter d’être qualifiées comme tels en raison des risques
de traitement différent en détention et d’éventuelle prolongation
de leur peine d’emprisonnement.
31. Il n’en reste pas moins qu’aucune information précise quant
au sort et au bien-être d’un certain nombre d’opposants politiques
ayant participé à l’élection présidentielle de 2020 n’est disponible.
Il s’agit notamment:
- de M. Victor
Babaryka, un ancien banquier qui avait été empêché de se présenter
à l’élection présidentielle de 2020, et qui a été condamné à 14
ans d’emprisonnement à la suite de fausses accusations de corruption
et de blanchiment d’argent (juillet 2021);
- de Mme Maria Kalesnikava qui,
quelques jours seulement après avoir été présélectionnée par l’Assemblée
pour le prix des droits de l’homme Václav Havel 2021, qui lui a
ensuite été décerné, a été condamnée à 11 ans d’emprisonnement sur
la base de fausses accusations de conspiration, d’«extrémisme» et
d’infractions liées à la sécurité nationale;
- de M. Siarhei Tsikhanouski, qui avait été empêché de se
présenter à l’élection présidentielle de 2020, et qui a été condamné
à 18 ans d’emprisonnement à la suite de fausses accusations de «préparation de
troubles à l’ordre public» et d’«incitation à la haine» (décembre
2021).
32. Ces personnes sont privées du droit de communiquer par téléphone
et de recevoir des visites, dont le droit de voir leurs avocat·e·s.
Les prisonnières et prisonniers politiques sont presque tous très
limités dans leur correspondance et leurs rencontres avec leurs
proches et leurs avocat·e·s. La torture et les traitements inhumains
ou dégradants sont pratiqués de manière régulière et organisée,
et les prisonnières et prisonniers politiques ont beaucoup de mal
à obtenir des soins médicaux de base
.
33. Ces mauvais traitements, cette brutalité et cette privation
de soins médicaux ont entraîné la mort de personnes aux mains du
régime. Au moins 24 personnes sont décédées en détention, dont Ales
Pushkin, Vitold Ashurak, Dzmitry Dudoits, Aliaksandr Vikhor, Mikalai
Klimovicz et Dzmitry Sarokin.
34. Des procès par contumace ont été organisés pour les Bélarussien·ne·s
en exil, avec des violations des normes internationales relatives
au droit à un procès équitable. À l’issue de tels procès contre
des personnes ayant participé à l’élection présidentielle de 2020,
Sviatlana Tsikhanouskaya, Pavel Latushka et Valery Tsepkalo ont
été condamnés à 15, 18 et 17 ans d’emprisonnement respectivement,
notamment pour conspiration visant à prendre le pouvoir, haute trahison
et extrémisme
.
4.2. Liberté
d’expression
35. Le climat juridique et politique
a empêché les journalistes et les médias indépendants d’informer,
sans crainte de représailles, la quasi-totalité des médias indépendants
Bélarussiens opérant en dehors du pays.
36. Les médias présents sur différentes plateformes ont été fortement
touchés depuis l’élection présidentielle de 2020. La quasi-totalité
des médias indépendants et des sites web de la société civile sont bloqués,
avec plus de 9 000 sites bloqués en juin 2023
.
37. Les professionnels des médias sont confrontés à des détentions
arbitraires massives, souvent accompagnées de violences physiques
et psychologiques, ainsi qu’à des dommages aux équipements professionnels
ou leur saisie, et de poursuites sous forme de placements en détention
administrative et d’amendes. À la fin du mois d’octobre 2023, 32
professionnels des médias étaient emprisonnés au Bélarus
.
38. La Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur la situation
des droits de l’homme au Bélarus a noté que l’utilisation abusive
de la législation antiterroriste et anti-extrémiste avait été un
instrument essentiel de la suppression de la liberté d’expression
. S’exprimant en octobre 2023,
elle a souligné que le ministère de l’Information tenait une liste
de «matériels extrémistes» exposés à la censure. La liste s’est
allongée de façon exponentielle pour inclure les sites web, les
comptes de réseaux sociaux et les chaînes YouTube ou Telegram des
organisations de défense des droits humains, des syndicats indépendants
et des médias, ainsi que les textes ou les œuvres d’art jugés «extrémistes».
4.3. Liberté
d’association
39. Dans le cadre de la répression
systématique menée par le régime de Loukachenka, les autorités ont supprimé
les organisations indépendantes de la société civile, y compris
les ONG et les associations d’avocats, les syndicats, les groupes
politiques et les communautés ethniques et religieuses auto-organisées.
40. En février 2021, le bureau de l’éminent groupe de défense
des droits humains Viasna à Minsk a fait l’objet d’une perquisition
et en mars, des poursuites pénales infondées ont été engagées contre
Viasna. Cinq membres du personnel, dont son fondateur, M. Ales Bialiatski,
ont été arrêtés. En novembre, M. Leanid Sudalenka et Mme Tatsyana
Lasitsa ont été condamnés respectivement à trois ans et deux ans
et demi d’emprisonnement pour leur rôle présumé dans une «violation
de l’ordre public». D’autres membres de Viasna, dont Mme Marfa
Rabkova et M. Andrei Chapyuk, ont été détenus arbitrairement puis
condamnés lors de procès qui se sont déroulés en violation des normes
relatives à un procès équitable
.
En octobre 2021, le Comité Helsinki du Bélarus, la plus ancienne
organisation de défense des droits humains du Bélarus, a été dissout.
41. Dans l’ensemble, entre septembre 2020 et la fin du mois d’octobre
2023, au moins 931 organisations à but non lucratif ont été contraintes
de fermer, soit par une procédure judiciaire de liquidation forcée,
soit par une radiation forcée du registre national unifié des personnes
morales et des entrepreneurs individuels. En outre, le nombre d’associations
ayant décidé de s’autodissoudre s’élèverait à au moins 526. Le nombre
total ne serait donc pas inférieur à 1 457, dont des associations
publiques, des syndicats, des fondations, des institutions non gouvernementales
et des associations
. Le nombre d’organisations à but
non lucratif de la société civile qui ont été liquidées représenterait
au moins un quart des groupes organisés de la société civile.
42. L’interdiction effective des syndicats indépendants ou des
organisations patronales a presque entièrement supprimé l’espace
nécessaire à l’existence d’un mouvement syndical indépendant. Les
appels lancés par l’Organisation internationale du Travail (OIT)
pour abroger les mesures législatives et autres pertinentes ont
été ignorés. Le non-respect des recommandations de l’OIT a conduit
la Conférence internationale du Travail à adopter une résolution
au titre de l’article 33 de la Constitution de l’OIT, qui met en cause
le mépris permanent des droits des travailleurs et l’arrestation
d’innombrables syndicalistes. Il s’agit de la mesure la plus ferme
possible en vertu de la Constitution de l’OIT contre un État qui
viole les droits des travailleurs, et ce n’est que la deuxième fois
que cette procédure est invoquée dans l’histoire de l’OIT
.
43. La politique générale de répression politique mise en œuvre
à grande échelle depuis août 2020 a eu de graves répercussions sur
toutes les formes d’opposition politique. Pour les partis politiques,
les conditions de création d’un nouveau parti ont été encore renforcées
en février 2023
,
notamment en augmentant le nombre minimum de membres requis qui
est passé de 1 000 à 5 000, et en introduisant l’obligation d’avoir
des structures dans toutes les régions et à Minsk. Les partis préexistants
ont dû soumettre les documents nécessaires à leur réenregistrement
au ministère de la Justice dans les trois mois suivant l’entrée
en vigueur de la loi, et la décision de procéder à un nouvel enregistrement
ou à une dissolution appartient au ministère de la Justice.
44. Lorsque la loi a été promulguée, le Bélarus comptait 15 partis.
En novembre 2023, seuls quatre partis étaient enregistrés par le
ministère de la Justice, ce qui comprend l’enregistrement pour la
première fois en tant que parti politique de la formation pro-Loukachenka
Belaya Rus, et le réenregistrement ultérieur de trois partis pro-Loukachenka.
45. Compte tenu des restrictions susmentionnées, les partis démocratiques
qui auraient pu espérer participer aux élections législatives et
locales prévues en février 2024 ont été liquidés ou empêchés de
se présenter. La transparence, la liberté et l’équité de ces élections
sont profondément compromises, d’autant qu’aucune commission électorale
n’a été établie dans les ambassades du Bélarus à l’étranger.
4.4. Liberté
de réunion
46. Les autorités maintiennent
une interdiction effective des manifestations pacifiques, menaçant
les participants de détention ou de lourdes amendes. Des participants
à des manifestations pacifiques ont été détenus par vagues. Les
milliers d’arrestations effectuées à la suite de l’élection présidentielle
de 2020 ont été suivies en 2021 par l’arrestation de plus de 900
personnes qui ont fait l’objet de poursuites dans le cadre de procédures
à caractère politique, selon Viasna, tandis que, conjuguées, les
manifestations contre la guerre et la réforme constitutionnelle
de février 2022 ont donné lieu à près de 1 000 arrestations
.
47. Les modifications législatives apportées à la loi du 24 mai
2021 sur les manifestations de masse et au Code des infractions
administratives ont constitué la toile de fond législative des restrictions
imposées aux rassemblements, permettant parallèlement d’élargir
le champ des infractions administratives passibles de sanctions,
avec une procédure renforcée nécessitant l’approbation préalable
des autorités locales avant toute manifestation de masse.
4.5. Peine
de mort
48. Le Bélarus continue d’appliquer
la peine de mort et, en violation des normes internationales
,
a prorogé les dispositions relatives à la peine de mort en mai 2022
et en mars 2023.
49. Le 18 mai 2022, M. Loukachenka a signé la loi «portant modification
du Code pénal de la République du Bélarus», qui établit que la peine
de mort peut être prononcée non seulement pour le fait de commettre
un acte de terrorisme, mais aussi pour sa préparation ou pour la
tentative de le commettre. L’amendement ouvre la voie à de graves
abus, sachant que de nombreux prisonnières et prisonniers politiques
ont été inculpés ou sont déjà condamnés à de longues peines de prison
en vertu des dispositions relatives au «terrorisme». De même, de
nombreux représentants de l’opposition et militants politiques sont
recherchés pour «terrorisme». Ils risquent maintenant la peine de
mort
.
50. Le 9 mars 2023, M. Loukachenka a présenté des amendements
à l’article 356 du Code pénal qui autoriseraient la peine de mort
en cas de trahison si le crime est commis par un agent public ou
un membre des forces armées. Le crime de «trahison envers l’État»
est défini dans la loi bélarussienne comme la divulgation de secrets
d’État du Bélarus et de secrets d’État d’autres pays confiés au
Bélarus, à des États étrangers et à des organisations internationales;
l’espionnage; le changement de camp dans un conflit militaire; ou
l’apport de toute autre assistance à un État étranger ou à une organisation
internationale ou étrangère pour mener des activités portant atteinte
à la sécurité nationale du Bélarus. Ce crime était auparavant passible
d’une peine d’emprisonnement de 10 à 20 ans.
51. Une personne a été condamnée à mort en 2021 et deux condamnés
à mort auraient été exécutés. Deux frères condamnés à mort en 2020,
MM. Stanislau et Ilya Kostseu, ont été graciés
. Le 19 octobre 2023, le tribunal
régional de Minsk a condamné Alexander Taratura à la peine de mort
pour meurtre.
4.6. Citoyenneté
52. Des méthodes
de facto et
de
jure ont été appliquées pour restreindre la citoyenneté
bélarussienne ou l’accès aux documents de citoyenneté. Le 5 janvier
2023, des amendements aux lois sur la citoyenneté ont étendu la
possibilité de révoquer la citoyenneté bélarussienne même si elle
a été acquise par la naissance
. Les amendements autorisent la
déchéance de citoyenneté si une personne a été reconnue par un tribunal comme
ayant participé à une «activité extrémiste» ou comme ayant causé
«un préjudice grave aux intérêts de la République du Bélarus».
53. Parallèlement, un décret entré en vigueur le 7 septembre 2023
interdit la délivrance ou le renouvellement des passeports à l’étranger.
Cette mesure exerce une pression sur les Bélarussien·ne·s qui ont
fui le pays, en restreignant davantage leur liberté de circulation
et en laissant beaucoup d’entre eux dans une situation de vide juridique.
Des milliers de Bélarussien·ne·s en exil n’ont donc pas accès à
des documents d’identité valables à l’étranger ou risquent d’être
poursuivis pour des raisons politiques s’ils retournent au Bélarus
pour faire établir leurs documents. Cette action a pour seul but
de rendre la vie des Bélarussien·ne·s ordinaires vivant à l’étranger
plus difficile et représente une nouvelle forme d’oppression et
de représailles contre les milliers de Bélarussien·ne·s qui ont
été contraints de fuir leur domicile. Dès juin 2023, l’Assemblée a
appelé à la recherche de solutions pour remédier à cette instrumentalisation
des documents
.
5. Isolement
croissant du Bélarus au niveau international
54. La crise politique provoquée
par l’élection présidentielle de 2020, avec la litanie des violations
des droits humains susmentionnées, ont été condamnées à maintes
reprises et à juste titre par la communauté internationale. Cependant,
la transformation de cette crise politique en une question de portée
européenne, voire mondiale, a été accélérée par trois faits majeurs:
l’atterrissage forcé d’un avion de ligne civil de Ryanair, l’instrumentalisation
des migrants et le rôle du Bélarus dans la guerre d’agression illégale
menée par la Russie contre l’Ukraine.
5.1. Atterrissage
forcé d’un avion de ligne civil Ryanair
55. Le 23 mai 2021, les autorités
du Bélarus ont forcé un avion de ligne civil de Ryanair à atterrir
d’urgence à Minsk, alléguant une alerte à la bombe. À l’atterrissage
de l’avion, elles ont arrêté deux de ses passagers, à savoir M. Roman
Protasevich, cofondateur du média Nexta et rédacteur en chef de
deux chaînes Telegram qui avaient couvert les manifestations postélectorales,
et Mme Sofia Sapega, sa compagne.
56. Le 28 mai 2021, ouvrant le débat d’actualité à ce sujet tenu
lors de la réunion de la Commission permanente, M. John Howell (Royaume-Uni,
CE/AD) a souligné que détourner un avion international et le forcer
à atterrir, dans le seul but d’arrêter un journaliste, constituaient
«une attaque choquante contre l’aviation civile et le droit international»
et représentaient «un danger pour les vols commerciaux partout dans
le monde». Au cours du débat qui a suivi, les membres de l’Assemblée
ont condamné ce détournement, notant que l’action des autorités
du Bélarus avait mis en danger la vie de centaines de passagers.
Ils ont également appelé à la libération immédiate de M. Protasevich
et de tous les autres prisonnières et prisonniers politiques au Bélarus
.
57. Le 4 juin 2021, l’Union européenne a interdit le survol de
son espace aérien et l’accès à ses aéroports à tous les types de
transporteurs bélarussiens. Plus tard dans le mois, elle a adopté
une quatrième série de sanctions, y compris contre sept personnes
et une entité impliquées dans l’atterrissage forcé de l’avion de Ryanair.
58. Le 18 juillet 2022, sur la base d’un rapport d’enquête détaillé
et approfondi, le Conseil de l’Organisation de l’aviation civile
internationale (OACI) a conclu que le Gouvernement du Bélarus avait
commis un acte d’ingérence illégale en violation du droit international
de l’aviation concernant l’atterrissage forcé du vol FR4978 de Ryanair.
Cette conclusion a confirmé que l’alerte à la bombe contre le vol
était délibérément fausse, que de hauts fonctionnaires du Bélarus
étaient impliqués et avaient donné des instructions pour forcer l’atterrissage
à Minsk et que l’incident avait mis en danger la sécurité du vol
et de ses passagers
.
5.2. Crise
migratoire
59. Depuis la mi-2021, la Lettonie,
la Lituanie et la Pologne font face à une pression migratoire sans précédent
provoquée et artificiellement entretenue par le régime bélarussien.
Les autorités du Bélarus ont organisé des vols et des voyages internes
pour faciliter le transit des migrants vers l’Union européenne.
La Lettonie, la Lituanie et la Pologne ont fait face à un afflux
soudain de migrants, dont des réfugiés et des demandeurs d’asile,
franchissant la frontière de manière illégale depuis le Bélarus.
En réponse, les trois pays ont déclaré l’état d’urgence et adopté
des lois qui ont permis aux autorités de refouler des personnes
au Bélarus.
60. À la suite d’un débat d’urgence tenu le 30 septembre 2021,
l’Assemblée a adopté la
Résolution 2404 (2021) «L’instrumentalisation de la pression migratoire aux
frontières de la Lettonie, de la Lituanie et de la Pologne avec
le Bélarus». Cette résolution appelle les autorités du Bélarus à
arrêter l’instrumentalisation des migrants, des réfugiés et des
demandeurs d’asile à des fins politiques. Elle appelle également
les trois gouvernements concernés à s’abstenir de tout refoulement
vers le Bélarus et à fournir les garanties nécessaires en matière
de droits humains aux personnes cherchant à entrer sur leur territoire.
61. En novembre 2021, la situation humanitaire et des droits humains
a atteint des niveaux alarmants, avec des milliers de migrants bloqués
à la frontière entre la Pologne et le Bélarus, certains mourant
d’hypothermie. Cela a conduit l’Assemblée à tenir, le 26 novembre
2021, un débat d’actualité sur cette question spécifique. Ouvrant
le débat, M. Pierre-Alain Fridez (Suisse, SOC) a qualifié la situation
de «guerre hybride» orchestrée par les autorités du Bélarus qui
utilisent les migrants comme des pions dans un jeu politique, soulignant
que la principale préoccupation devait être «le sort dramatique
de ces hommes, femmes et enfants, qui sont de véritables otages,
victimes innocentes de considérations politiques qui se jouent sur
leur dos». Il a appelé à l’action et a encouragé les pays membres
à faire preuve de solidarité avec les États baltes
.
62. L’instrumentalisation des migrations par l’État s’est poursuivie
jusqu’en 2023, avec un nombre de tentatives de passage en Lettonie,
en Lituanie et en Pologne en hausse de 62 % par rapport à 2022 à
la fin du mois d’août 2023
. Le Parlement
européen a estimé qu’il s’agissait de représailles délibérément
orchestrées par le régime de Loukachenka pour le soutien apporté
aux forces démocratiques du Bélarus, dans le but de déstabiliser
les États concernés
.
5.3. Participation
du Bélarus à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine
63. Le Bélarus a joué un rôle important
et actif dans l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine qui
a débuté le 24 février 2022. La Russie a utilisé le territoire et
l’infrastructure du Bélarus comme plateforme militaire pour son
agression, en lançant notamment une offensive majeure contre Kyiv
depuis le sud‑est du Bélarus ainsi que des frappes d’artillerie.
Bien que Minsk n’ait pas déployé de troupes de combat en Ukraine, les
forces armées du Bélarus fournissent à l’armée russe un soutien
logistique et médical militaire complet
. Selon
la Résolution 3314 (XXIX) de l’Assemblée générale des Nations Unies,
«le fait pour un État de permettre que son territoire, qu’il a mis
à la disposition d’un autre État, serve à la commission par cet
autre État d’un acte d’agression contre un État» est constitutif
d’un acte d’agression.
64. À la lumière de ces actions, l’Assemblée générale des Nations
Unies déplore, dans sa résolution ES-11/1 du 2 mars 2022, que le
Bélarus se soit associé à ce recours illégal à la force contre l’Ukraine
.
65. Cette complicité dans la guerre d’agression russe a permis
la déportation illégale d’enfants ukrainiens par la Russie vers
le territoire bélarussien; plus de 2 150 enfants des zones ukrainiennes
occupées par la Russie ont ainsi été transférés illégalement
.
Le 23 mai 2023, le ministère public ukrainien annonçait avoir engagé
des poursuites pénales en raison du rôle du Bélarus dans les transports
forcés d’enfants
.
66. La réforme constitutionnelle du 27 février 2022 au Bélarus
a donné un signe supplémentaire de l’alignement croissant du Bélarus
sur la guerre d’agression de la Russie, en supprimant de la Constitution
le fait que le Bélarus serait neutre et exempt d’armes nucléaires.
Cette suppression a préparé le pays au déploiement futur d’armes
nucléaires tactiques sur son territoire, une mesure qui a encore
accru le risque d’escalade et a de graves répercussions sur la sécurité
régionale et mondiale. Dans sa
Résolution 2506 (2023) «Les conséquences politiques de la guerre d’agression
de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», adoptée le 20 juin
2023, l’Assemblée a exprimé sa profonde préoccupation face à cette
évolution.
67. Le stationnement du groupe mercenaire illégal Wagner soutenu
par l’État sur le territoire du Bélarus en juillet 2023 illustre
aussi le risque accru que le Bélarus représente pour la sécurité
régionale; les pays voisins ont pris des mesures pour renforcer
la sécurité à leurs frontières.
6. Relations
entre le Conseil de l’Europe et le Bélarus
68. Dans son
Avis 300 (2022) «Conséquences de l’agression de la Fédération de Russie
contre l’Ukraine» adopté le 15 mars 2022, l’Assemblée a recommandé
à son Bureau, au vu de la participation du Bélarus à l’agression,
de suspendre les relations entre l’Assemblée et les autorités du
Bélarus dans toutes ses activités, recommandation que le Bureau
a suivie par une décision le 21 avril 2022.
69. Le 17 mars 2022, le Comité des Ministres décidait de suspendre
toutes les relations avec le Bélarus, mais de renforcer les relations
de l’Organisation avec la société civile et l’opposition en exil
du Bélarus
.
70. Dans sa
Résolution
2433 (2022) «Conséquences de l’agression persistante de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine: rôle et réponse du Conseil de l’Europe»
adoptée en avril 2022, l’Assemblée a réitéré sa condamnation de
la participation du Bélarus à l’agression et pris note des mesures
actives prises par la société civile et l’opposition en exil du
Bélarus pour empêcher l’agression et apporter une assistance à l’Ukraine.
Elle a décidé d’intensifier son engagement avec la société civile,
les défenseurs des droits humains, les journalistes indépendants,
les milieux universitaires et les forces démocratiques du Bélarus
et d’explorer les moyens d’associer régulièrement des représentants
de l’opposition du Bélarus à ses activités. Elle a également invité le
Comité des Ministres à veiller à ce que les représentants des forces
démocratiques et de la société civile du Bélarus participent aux
travaux des organes du Conseil de l’Europe.
71. Il ressort clairement des décisions respectives de l’Assemblée
et du Comité des Ministres que les violations généralisées des droits
humains et le mépris du droit international ne sauraient être tolérés,
et que ces violations suppriment toute base de coopération avec
le régime de Loukachenka.
72. Dans le même temps, ces décisions (et les résolutions ultérieures
de l’Assemblée) ont montré que le peuple bélarussien ne peut être
assimilé au régime de Loukachenka. La volonté de travailler avec
les Bélarussien·ne·s qui continuent à se battre pour que la démocratie
l’emporte dans leur pays est claire et sans ambiguïté.
7. Forces
démocratiques du Bélarus
73. Quelques jours après l’élection
présidentielle de 2020, Mme Sviatlana
Tsikhanouskaya, principale candidate de l’opposition à la présidence,
s’est réfugiée en Lituanie, après avoir été peu de temps en détention. En
exil, elle a mis en place un «Conseil de coordination» pour résoudre
pacifiquement la crise politique, exigeant que les autorités mettent
fin à la violence et à la répression, libèrent les prisonnières
et prisonniers politiques et organisent de nouvelles élections libres
et équitables. Le Conseil de coordination est composé d’éminents
Bélarussien·ne·s représentant différents secteurs de la société,
y compris différentes personnalités politiques, dont la plupart
vivaient au Bélarus
.
Dès le début, le Conseil de coordination a été confronté à une sévère
répression de la part des autorités. Tous ses membres ont en fin
de compte été arrêtés ou contraints à l’exil.
74. Le Conseil de coordination représentait la continuité de la
stratégie d’unité que l’opposition du Bélarus avait adoptée avant
les élections, sous la direction de Mme Tsikhanouskaya
.
Cette stratégie a grandement contribué à exercer des pressions sur
les autorités et à catalyser l’appui de la communauté internationale.
75. L’accélération de la répression au Bélarus et les mesures
prises depuis l’élection présidentielle de 2020 pour consolider
le régime de Loukachenka visent à supprimer toute dissidence démocratique.
Compte tenu de la situation actuelle du pays, les forces démocratiques
ont cherché à réformer et à renforcer les structures de coordination
de leur coopération en créant un appareil stable pour l’action future.
76. En août 2022, les forces démocratiques du Bélarus sont parvenues
à un accord sur la création du Cabinet de transition uni, organe
exécutif collectif des forces démocratiques dirigé par Mme Tsikhanouskaya
.
77. La création de ce cabinet a permis de formaliser le champ
d’action du bureau dirigé par Mme Tsikhanouskaya
et de conjuguer les efforts de l’opposition selon une approche structurée.
Dans le cadre de la réforme des structures des forces démocratiques,
le Conseil de coordination a été désigné comme l’organe représentatif
des forces démocratiques, Mme Tsikhanouskaya
le qualifiant de «proto-parlement»
.
78. Des mesures ont été définies pour poursuivre la transformation
du Conseil de coordination. Pour que le Conseil continue à se développer
en tant qu’organe représentatif des organisations de la société
civile et des partis politiques bélarussiens, ses membres seront
élus en 2024
. La tenue
de ces élections est l’occasion de faire pendant aux «élections
législatives et locales» prévues en février 2024 au Bélarus. L’intégration
des normes internationales, l’attachement aux processus et aux principes
démocratiques sont autant de signaux forts de l’engagement et des
espoirs des forces démocratiques.
79. Ces mesures sont d’autant plus remarquables que les forces
démocratiques sont géographiquement dispersées en Europe du fait
de la répression qui a suivi l’élection présidentielle de 2020,
et que le mouvement démocratique dans son ensemble n’est pas homogène
dans ses opinions et ses approches. Les mesures prévues témoigneraient
de la volonté de mettre en place une structure unifiée pour une
large coalition de vues et d’opinions, et renforceraient la capacité
du Conseil de coordination de trouver de nouvelles solutions aux problèmes
sociaux et politiques urgents.
80. Les structures des forces démocratiques ont été très importantes
pour la coordination des actions visant à aider les Bélarussien·ne·s
et les entreprises du Bélarus en exil à relever les multiples défis
auxquels ils sont
confrontés, ainsi que pour le développement d’un soutien international
aux activités en cours des forces démocratiques. Des groupes parlementaires
d’amitié avec les forces démocratiques de nombreux États membres
ont notamment été créés pour faciliter un soutien aux Bélarussien·ne·s
et celles et ceux en exil.
81. De même, un certain nombre d’États membres ont désigné des
représentants spéciaux chargés des relations avec les forces démocratiques
du Bélarus. Il s’agit de l’Estonie, de la France, de la Lituanie,
de la Pologne et de la Suède. Cette pratique prometteuse permet
d’approfondir les relations avec les Bélarussien·ne·s en exil et
la coopération avec les forces démocratiques et de renforcer les
liens internationaux.
82. Dans sa résolution du 13 septembre 2023, le Parlement européen
se félicite de la création du Cabinet de transition uni en tant
qu’organe exécutif central du mouvement démocratique. La résolution
appelle la communauté internationale à le considérer, ainsi que
le Conseil de coordination, comme représentants démocratiques du
peuple du Bélarus
.
83. J’ai une grande admiration pour les forces démocratiques du
Bélarus, qui continuent à mener leur combat politique avec beaucoup
de courage et d’engagement dans des conditions très difficiles
.
Ces forces cherchent à tirer parti de toutes les possibilités pour
parvenir pacifiquement à un changement démocratique.
8. Relations
entre le Conseil de l’Europe et les forces démocratiques du Bélarus
84. Le Conseil de l’Europe a activement
soutenu les forces démocratiques du Bélarus. L’accélération de ce soutien
a fait suite à la suspension des relations du Comité des Ministres
avec le Bélarus en mars 2022.
85. Le 21 juin 2022, lors du panel de haut niveau «Défendre la
sécurité démocratique en Europe», Mme Tsikhanouskaya
a plaidé en faveur d’une coopération renforcée et institutionnalisée
entre le Conseil de l’Europe et les forces démocratiques du Bélarus.
Faisant valoir que «le Conseil de l’Europe devrait être plus présent
dans la vie des citoyen·ne·s du Bélarus, et que le Bélarus devrait
être plus présent au sein du Conseil de l’Europe», elle a demandé
la création d’un «comité directeur sur les relations avec le Bélarus»
composé des différents organes du Conseil de l’Europe et de représentants
des forces démocratiques et de la société civile du Bélarus. Ce
groupe déterminerait conjointement les domaines prioritaires de
coopération. Il concevrait, préparerait et lancerait des programmes
et des projets d’assistance et en superviserait la mise en œuvre.
86. Le Comité des Ministres a ensuite décidé de procéder à des
échanges de vues réguliers avec Mme Tsikhanouskaya
et d’autres représentants des forces démocratiques du Bélarus, et
a invité la Secrétaire Générale à créer un «groupe de contact» avec
des représentant·e·s des forces démocratiques et la société civile
du Bélarus
.
87. La création du groupe de contact a été un signe important
de l’engagement du Conseil de l’Europe en faveur d’un Bélarus libre
et démocratique. Il s’agit d’une décision sans précédent, car c’est
la première relation institutionnelle de ce type mise en place par
une organisation internationale.
88. Le groupe de contact a ensuite élaboré un plan d’action en
15 points pour soutenir la société civile et les représentants démocratiques
qui s’efforcent de faire respecter les normes du Conseil de l’Europe
en matière de droits humains au Bélarus
. Le plan d’action a facilité des activités,
faisant appel à un large éventail de compétences au sein de l’Organisation:
formation aux droits humains, ateliers pour les journalistes en
exil, sensibilisation à des questions clés telles que l’abolition
de la peine de mort, la non-discrimination, l’égalité de genre et
la lutte contre la violence à l’égard des femmes. Le plan a été
révisé et mis à jour pour la période 2024-2025 sur la base des consultations
menées au sein du groupe de contact.
89. L’Assemblée a aussi donné suite à sa
Résolution 2433 (2022) «Conséquences de l’agression persistante de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine: rôle et réponse du Conseil de l’Europe»,
dans laquelle elle décidait d’«intensifier son engagement avec la
société civile, les défenseurs des droits humains, les journalistes
indépendants, les milieux universitaires et les forces démocratiques
du Bélarus et de la Fédération de Russie qui respectent les valeurs
et les principes de l’Organisation, y compris l’intégrité territoriale
des États membres souverains».
90. En tant qu’organe parlementaire, l’Assemblée a jugé important
de renforcer les relations avec les forces démocratiques du Bélarus
au niveau politique pour compléter les activités techniques du Groupe
de contact.
91. À ce titre, la commission des questions politiques et de la
démocratie est convenue d’inviter, à chaque partie de session, jusqu’à
trois représentants des forces politiques démocratiques du Bélarus
à ses réunions, sur la base d’une rotation équitable, afin de garantir
la prise en compte d’un large éventail de points de vue politiques.
92. La présence de ces représentant·e·s aux réunions de la commission
des questions politiques et de la démocratie a été, je crois, une
activité mutuellement bénéfique. Elle permet aux représentant·e·s
des forces démocratiques du Bélarus de développer leurs réseaux
politiques, de s’intégrer davantage au niveau des groupes politiques,
d’améliorer leur visibilité et leur action de communication, d’accroître
leur connaissance des mécanismes et des procédures du Conseil de
l’Europe et offre une plateforme d’échange d’informations sur les
problèmes actuels. Les parlementaires peuvent quant à eux se tenir
au courant de la situation au Bélarus. Ces travaux ont montré que
la nécessité d’une réforme politique nationale au Bélarus demeure
une priorité pour l’Assemblée, et les informations obtenues lors
des discussions ont été fondamentales pour l’élaboration du présent
rapport.
9. Conclusions:
la voie à suivre
93. Un tournant dans les relations
avec le Bélarus s’est produit en août 2020. La violence et la répression soutenues
par l’État qui ont caractérisé la réaction du régime de Loukachenka
aux processus démocratiques et le soutien ultérieur à l’agression
militaire de la Russie contre l’Ukraine en février 2022 ont entièrement modifié
le mode opératoire. Un retour aux relations antérieures avec le
régime bélarussien n’est pas viable à l’heure actuelle.
94. Le présent rapport précise que la communauté internationale
a exercé des pressions moyennant des sanctions et la suspension
de la coopération avec le régime. Parallèlement, la base de la coopération
avec les forces démocratiques a évolué et les mécanismes de soutien
mis en place permettent de préparer un avenir démocratique sur une
plateforme de coopération institutionnalisée.
95. Quatre axes complémentaires peuvent être envisagés pour orienter
les actions futures de l’Assemblée, du Conseil de l’Europe et de
la communauté internationale dans son ensemble, sur la base du soutien,
des pressions, de l’obligation de rendre des comptes et de l’engagement.
9.1. Soutien
96. Les forces démocratiques du
Bélarus ont défini une vision claire d’un Bélarus libre et démocratique
au sein de la famille européenne des nations, et il incombe au Conseil
de l’Europe et à la communauté internationale de soutenir ceux qui
ont le courage, la force et la ténacité de lutter pour la concrétiser.
97. Les États membres et les organisations internationales se
sont activement employés à renforcer la résistance et la capacité
du peuple bélarussien de promouvoir les principes démocratiques,
les droits humains et l’État de droit. Le Groupe de contact du Conseil
de l’Europe a fait œuvre de pionnier en la matière, en annonçant
une coopération structurée avec les forces démocratiques. D’autres
initiatives telles que la constitution du groupe consultatif Bélarus-UE
montrent que les États européens soutiennent le peuple bélarussien
dans ses aspirations démocratiques.
98. L’assistance technique et la coopération ont porté sur un
large éventail de questions. Il faudrait continuer à renforcer cet
appui par une assistance matérielle durable et par le dialogue politique.
Le dialogue politique de l’Assemblée avec les partis politiques
issus des forces démocratiques du Bélarus a été inestimable en servant
de plateforme régulière pour discuter de la stratégie d’action future
et pour attirer l’attention d’un large éventail de parties prenantes
sur les difficultés auxquelles le Bélarus et les Bélarussien·ne·s
en exil sont confrontés.
99. Le dialogue politique établi par l’Assemblée pourrait être
revu en fonction de l’évolution continue du Conseil de coordination.
Une transformation en un organe pleinement représentatif et élu
permettrait de transformer le dialogue, tout en continuant à garantir
une grande variété d’opinions politiques. Le soutien à la participation
de l’ensemble du mouvement démocratique et l’apport d’une expertise
électorale pour le vote seraient des mesures qui donneraient plus
de sens à ces élections. L’organisation de telles élections est
une prouesse technique, logistique et politique. Le soutien international
à ces initiatives peut favoriser la création d’un appareil stable
pour l’action future et la consolidation des forces démocratiques
autour des principes et des valeurs fondamentales.
100. Une coopération parlementaire systématique a été mise en place
dans de nombreux États membres par l’intermédiaire de groupes d’amitié
parlementaires. L’Assemblée a vivement encouragé les parlements
des États membres qui n’en ont pas encore à créer un groupe d’amitié
parlementaire et à mettre en place un réseau afin d’échanger sur
les meilleures mesures à prendre pour aider les Bélarussien·ne·s
en exil. Elle est convaincue qu’un tel réseau faciliterait également
le dialogue avec les forces démocratiques du Bélarus en exil, y
compris le bureau de Sviatlana Tsikhanouskaya, le Cabinet de transition
uni du Bélarus et le Conseil de coordination
.
101. La nomination de représentants spéciaux auprès des forces
démocratiques du Bélarus est également considérée dans le présent
rapport comme une pratique prometteuse. Ces représentants intensifient
le dialogue avec les forces démocratiques et peuvent améliorer la
compréhension et la coordination pour orienter au mieux le soutien
et mettre les voix du Bélarus au centre des actions des États membres
à l’égard du Bélarus. Cette pratique peut inspirer les organisations
internationales, y compris l’Assemblée, le Conseil de l’Europe et
l’Union européenne, pour renforcer les contacts au niveau institutionnel.
102. Les efforts visant à aider les défenseurs des droits humains,
les avocats et les organisations de la société civile à fournir
des services aux prisonnières et prisonniers politiques et à leurs
familles présentent aussi une importance cruciale. Nous devons continuer
à réitérer notre demande de libération immédiate et inconditionnelle
de tous les prisonnières et prisonniers politiques au Bélarus, et
revoir et développer l’éventail des stratégies permettant d’obtenir
leur libération. Les services de réadaptation des personnes libérées
sont d’une grande importance, notamment en ce qui concerne l’apport
d’une assistance médicale et psychologique spécialisée, et les États
membres devraient étudier les moyens de les soutenir.
103. La
Résolution 2499
(2023) «Relever les défis spécifiques auxquels sont confrontés
les Bélarussiens en exil» prévoit de nouveaux moyens essentiels
pour venir en aide aux centaines de milliers de personnes qui ont fui
le régime répressif du Bélarus, et je saisis l’occasion pour réaffirmer
mon soutien sans réserve à ces propositions.
9.2. Pressions
104. L’adoption et l’application
de nouvelles sanctions face à la répression interne et au soutien
du régime à l’agression de la Russie contre l’Ukraine devraient
être envisagées, et des critères précis devraient être définis pour
la levée des sanctions en cas de concessions, comme la libération
de prisonnières et prisonniers politiques.
105. Comme on l’a vu avec le régime de sanctions contre la Fédération
de Russie, il faut continuer de renforcer les mécanismes pour combler
les lacunes et remédier au contournement des sanctions afin d’exercer une
pression maximale sur le régime
.
106. Le recours aux sanctions n’est pas le seul moyen de faire
pression sur le régime de Loukachenka, il est aussi possible d’influer
sur des domaines importants pour la réputation. L’Assemblée a instamment
invité les représentants nationaux du Comité international olympique
et les fédérations sportives nationales et internationales à faire
part de leur opposition à la participation des athlètes russes et
bélarussiens aux Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024
.
9.3. Obligation
de rendre des comptes
107. C’est sur la garantie de l’impunité
donnée par le régime de Loukachenka, qui permet aux responsables de
violations flagrantes des droits humains de ne pas avoir à répondre
de leurs actes, que se sont appuyés tous les actes de répression
commis dans le pays depuis août 2020, ainsi que la complicité dans
l’agression militaire illégale de la Russie contre l’Ukraine. Comme
le précise la Déclaration de Reykjavík, il ne saurait y avoir de
paix en Europe sans obligation de rendre des comptes.
108. L’Assemblée a souligné que la lutte contre l’impunité des
auteurs de graves violations des droits humains était d’une importance
capitale dans le contexte des suites de l’élection présidentielle
de 2020 au Bélarus
. Elle a également
appelé les États membres du Conseil de l’Europe à soutenir et à
contribuer à la création d’un tribunal international spécial sur
les crimes contre l’humanité commis à l’encontre du peuple du Bélarus
.
109. Il convient également de demander des comptes pour les violations
des droits humains découlant du fait que la Russie n’a pas restitué
les enfants ukrainiens qui ont été transférés vers la Fédération
de Russie et le Bélarus. Les chefs d’État et de gouvernement du
Conseil de l’Europe ont affirmé leur engagement à lutter contre
l’impunité des auteurs de ces crimes contre les enfants
.
110. L’équipe nationale bélarussienne de gestion des crises, dirigée
par Pavel Latushka, a pris des mesures pour que M. Loukachenka et
ses associés rendent des comptes, notamment en soumettant un rapport
sur la déportation illégale d’enfants ukrainiens au procureur général
d’Ukraine et en adressant une communication au procureur de la Cour
pénale internationale le 27 juin 2023
.
111. La coopération entre les partenaires internationaux et le
soutien des défenseurs des droits humains et de la société civile
devraient être maintenus pour surveiller, documenter et signaler
les violations graves des droits humains et les crimes contre l’humanité.
Il convient de saluer le large soutien apporté par les États membres
à la Plateforme internationale de responsabilisation pour le Bélarus
et à son travail de collecte, de consolidation, de vérification
et de préservation des preuves de violations flagrantes des droits
humains.
112. L’Assemblée a également noté que la législation pénale de
plusieurs États membres du Conseil de l’Europe prévoit la «compétence
universelle» de leurs tribunaux pour certains crimes particulièrement
graves, y compris les actes de torture, même commis à l’étranger,
par des étrangers et ayant des étrangers comme victimes
.
113. Cela s’est traduit dans les faits: le procès de M. Yuri Harauski
concernant son implication présumée dans le crime de disparition
forcée de trois opposants politiques en 1999 au Bélarus s’est tenu
en septembre 2023 en Suisse. Un tribunal se prononçait pour la première
fois sur des crimes commis au Bélarus en application du principe
de la compétence universelle
.
9.4. Engagement
114. Il n’existe pas de calendrier
pour le processus national de réforme au Bélarus, pas plus que de
promesse de transition vers un avenir démocratique, que ce soit
demain, la semaine prochaine ou dans les années à venir. Il est
essentiel de garantir un soutien institutionnel à long terme aux
forces démocratiques du Bélarus pour leur permettre de conserver
leur influence face à la répression et aux défis multiples.
115. La bravoure des forces démocratiques du Bélarus qui défendent
leur avenir, malgré la répression brutale et systémique qui s’abat
sur tous les secteurs de la société bélarussienne, a été saluée,
comme en témoignent l’appui de la communauté internationale et les
promesses de soutien des aspirations démocratiques ancrées dans
les valeurs du Conseil de l’Europe.
116. L’engagement envers la société civile et les forces démocratiques
du Bélarus est essentiel, et la coopération continue du Conseil
de l’Europe est une dynamique positive qui contribuera à préserver
les aspirations démocratiques de la société bélarussienne.
117. J’espère qu’en suivant les grands axes que j’ai évoqués ci-dessus,
nous pourrons honorer notre engagement en faveur d’un avenir démocratique
pour le Bélarus.