1. Origine et objet du rapport
1. Le Code de bonne conduite en
matière électorale et le Code de bonne conduite en matière référendaire sont
des documents de référence du Conseil de l’Europe, rédigés et adoptés
par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission
de Venise), approuvés par l’Assemblée parlementaire et le Congrès
des pouvoirs locaux et régionaux et soutenus par le Comité des Ministres.
Ils sont largement mentionnés dans les avis de la Commission de
Venise et dans les rapports d’autres organisations internationales,
ainsi que dans les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.
Ils ont un impact significatif sur les législations nationales et
leur mise en œuvre, en Europe et au-delà. En effet, le fait que plusieurs
pays non européens soient devenus membres à part entière de la Commission
de Venise et que des programmes de coopération aient été développés
avec d’autres pays, en particulier en Asie centrale, dans le sud
de la Méditerranée et en Amérique latine, a contribué à diffuser
les normes et l’expertise de la Commission de Venise dans le monde
entier.
2. En juin 2022, la Commission de Venise a adopté le Code de
bonne conduite en matière référendaire révisé
(«Code révisé»). Ce texte faisait
suite à la
Résolution
2251 (2019) «Mise à jour des lignes directrices pour garantir des
référendums équitables dans les États membres du Conseil de l’Europe»
dans laquelle l’Assemblée parlementaire, prenant note que le processus
de révision des lignes directrices avait déjà commencé, demandait
à la Commission de Venise de tenir compte du recours croissant aux
référendums, de l’essor des médias numériques et de la nature modifiée
des campagnes politiques.
3. Le Code révisé répond aux préoccupations de l’Assemblée et
prend en compte les développements relatifs à un certain nombre
de référendums qui ont été organisés par des États membres du Conseil
de l’Europe au cours des dernières années.
4. La proposition de résolution
qui est à l’origine du présent rapport
recommande que l’Assemblée se félicite de l’adoption du Code révisé
et le partage avec les parlements des États membres du Conseil de l’Europe.
L’Assemblée devrait également s’efforcer de promouvoir le Code révisé
au-delà de ses délégations nationales, en s’adressant aux autres
parlements, en Europe et au-delà, qui partagent son engagement en faveur
du renforcement de la démocratie, du bon fonctionnement des processus
démocratiques et du respect de l’État de droit. Je souscris pleinement
aux propositions formulées dans la proposition de résolution.
5. De plus, l’Assemblée devrait également formellement entériner
le Code révisé. Cela est conforme à la pratique existante concernant
un certain nombre de documents émanant de la Commission de Venise, notamment
les Codes de bonne conduite en matière électorale et référendaire
et, plus récemment, la Liste des critères de l’État de droit.
6. Enfin, l’Assemblée devrait continuer à examiner, en coopération
avec la Commission de Venise, les questions soulevées dans le Code
révisé, en vue de le développer si nécessaire.
7. Dans le présent document, je vais m’attacher à décrire le
processus qui a conduit à l’adoption du Code révisé et son contenu.
2. Contexte
8. Les lignes directrices sur
la tenue des référendums (
CDL-AD(2006)027rev)
ont été adoptées par le Conseil des élections démocratiques lors
de sa 18e réunion (Venise, 12 octobre 2006) et par la Commission de
Venise lors de sa 68e session plénière (Venise, 13-14 octobre 2006).
Ces lignes directrices sont accompagnées d’une note explicative
qui a été adoptée par le Conseil des élections démocratiques lors
de sa 19e réunion (Venise, 16 décembre 2006) et par la Commission
de Venise lors de sa 70e session plénière (Venise, 16-17 mars 2007).
Le Code de bonne conduite en matière référendaire révisé (
CDL-AD(2007)008rev-cor) adopté lors de la même réunion de la Commission de
Venise comprend ces lignes directrices et l'exposé des motifs.
9. Le 23 novembre 2007, par la
Recommandation 1821 (2007), la Commission permanente, agissant au nom de l’Assemblée,
a demandé au Comité des Ministres d’adopter une recommandation aux
États membres approuvant le Code de bonne conduite en matière référendaire.
Dans sa
Résolution 1592
(2007), l’Assemblée a décidé de transmettre le Code de bonne
conduite aux délégations et parlements nationaux afin qu’il puisse être
appliqué sans délai dans les États membres du Conseil de l’Europe.
10. Lors de sa 14e session plénière
(Strasbourg, 30 mai - 1er juin 2007),
le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe
a approuvé le Code de bonne conduite en matière référendaire.
11. Le 27 novembre 2008, lors de la réunion 1042bis des
Délégués des Ministres, le Comité des Ministres a adopté une Déclaration
sur le Code de bonne conduite en matière référendaire visant à inviter
les pouvoirs publics des États membres à s’en inspirer.
12. En octobre 2016, la Commission de Venise a répondu aux préoccupations
récurrentes concernant un certain nombre de référendums dans les
États membres, concernant à la fois la procédure de lancement des référendums
et le contenu des modifications proposées.
13. En ce qui concerne la procédure, la Commission de Venise a
souligné la nécessité, pour les référendums, de respecter l’État
de droit et, en particulier, d’être conformes à l’ensemble de l’ordre
juridique, notamment les règles de procédure relatives à la révision
constitutionnelle. Elle a également mis en garde contre le recours
aux référendums pour contourner d’importantes garanties constitutionnelles,
telles que l’exigence d’une majorité qualifiée au parlement. En
ce qui concerne le fond des modifications proposées, la Commission
de Venise s’est inquiétée du fait que la plupart de ces référendums
visaient à concentrer les pouvoirs et à réduire le contrôle démocratique
assuré par le parlement. La Commission de Venise a engagé, sur cette
base, le processus de révision du Code de bonne conduite en matière
référendaire.
14. En 2017, le Conseil des élections démocratiques et la Commission
de Venise ont adopté un questionnaire (
CDL(2017)022rev2)
demandant des informations sur l’évolution récente de la situation
dans les États membres dans le domaine des référendums. Les réponses
au questionnaire figurent dans l’«Étude sur les référendums – Réponses
au questionnaire» (
CDL(2018)042).
15. La version finale du Code de bonne conduite en matière référendaire
révisé, y compris le rapport explicatif, a été approuvée par le
Conseil des élections démocratiques lors de sa 73e réunion
(Venise, 16 juin 2022) et adoptée par la Commission de Venise lors
de sa 131e session plénière (Venise,
17-18 juin 2022). Il a été entériné par le Comité des Ministres
(7 septembre 2022) et par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux
(25 octobre 2022).
3. Travaux
antérieurs de l’Assemblée
16. Alors que le Conseil des élections
démocratiques et la Commission de Venise travaillaient à la révision du
Code, l’Assemblée a travaillé sur un rapport intitulé «Mise à jour
des lignes directrices pour garantir des référendums équitables
dans les États membres du Conseil de l’Europe» (
Doc. 14791) qui a conduit à la
Résolution 2251
(2019), adoptée le 22 janvier 2019.
17. À travers ce texte, l’Assemblée a souhaité apporter une contribution
aux travaux de la Commission de Venise, ayant pris note que, ces
dernières années, le processus et/ou l’équité du résultat dans un
certain nombre de référendums nationaux ont été remis en question
et que, dans d’autres cas, des innovations importantes ont été introduites,
dont la connaissance pourrait bénéficier aux législatrices et législateurs
de tous les États membres.
18. Dans la
Résolution
2251 (2019), l’Assemblée «se félicit[ait] du fait qu’un
processus de mise à jour du code de 2007 ait été engagé par la Commission
de Venise et invit[ait] cette dernière à prendre en compte, dans le
code révisé, les principes généraux suivants:
- les référendums devraient s’inscrire dans le processus
de démocratie représentative et ne pas être utilisés par l’exécutif
pour passer outre la volonté du parlement, ni être organisés dans
le but d’éviter les freins et contrepoids habituels;
- les propositions soumises à référendum devraient être
aussi claires que possible et avoir fait l’objet d’un examen préalable
minutieux, y compris par le parlement, afin de garantir qu’elles
reflètent les préoccupations des électeurs et qu’elles expriment
leur volonté;
- la campagne devrait garantir l’équilibre entre les parties
et permettre aux électeurs d’accéder à des informations équilibrées
et de qualité afin de faire un choix éclairé.»
19. Ces principes ont été pleinement intégrés dans le Code révisé.
4. L’approche
du Code de bonne conduite en matière référendaire révisé
20. Le Code révisé déclare ne pas
avoir «pour objet de définir si le recours au référendum est souhaitable en
tant que tel, et dans quelles circonstances. La réponse à cette
question varie en fonction de la nature du système constitutionnel
et de la tradition en la matière. Il appartient au droit constitutionnel
national d’établir s’il prévoit le recours aux référendums et de
définir leur portée ainsi que la procédure à suivre pour leur organisation.
Cependant, un certain nombre de garanties sont nécessaires pour
s’assurer qu’ils expriment réellement la volonté du corps électoral
et qu’ils ne sont pas contraires aux normes internationales applicables dans
le domaine des droits de l’homme, de la démocratie et de l’État
de droit».
21. Dans les systèmes constitutionnels des États membres du Conseil
de l’Europe, la prise de décision s’effectue traditionnellement
par l’intermédiaire de mécanismes de démocratie représentative,
alors que le référendum tend à être utilisé en complément de ces
processus décisionnels. C’est le cas même dans les pays où la législation
est, de façon générale, ouverte au référendum. Compte tenu de ce
qui précède, les référendums et la démocratie représentative devraient
être associés harmonieusement. En particulier, le recours à la démocratie
directe ne devrait pas exclure la participation des organes représentatifs
dans le processus. En outre, le recours au référendum ne devrait
pas être utilisé pour renverser l’équilibre des pouvoirs, c’est-à-dire
être invoqué par le président ou par le gouvernement en vue de contourner
les procédures d’amendement parlementaire.
22. La démocratie participative et, en particulier, les assemblées
de citoyens sont également des éléments complémentaires de la démocratie
représentative; elles ne sont pas abordées dans le Code révisé.
La mise en place de ces assemblées n’exclut ni n’implique le recours
au référendum et vice versa: elles peuvent constituer une étape
dans un processus qui aboutit ensuite à un référendum.
23. Le Code révisé s’applique aux référendums organisés aux différents
niveaux de la structure de l’État (national, régional et local).
Cependant, il porte principalement sur les référendums nationaux.
Les règles générales qui y sont énoncées doivent être adaptées à
la réalité des référendums locaux et régionaux, dans le respect
des traditions constitutionnelles nationales.
24. Le droit national peut prévoir la tenue de référendums:
- sur des projets d’amendements
spécifiquement rédigés d’un texte juridique ou sur une proposition spécifique
visant à abroger des dispositions applicables de ce texte;
- sur une question de principe;
- sur une proposition concrète qui n’est pas présentée sous
la forme d’un amendement spécifiquement rédigé, dite «proposition
non formulée».
25. Les questions soumises à référendum peuvent être de nature
constitutionnelle, législative ou même administrative (en particulier
au niveau local). Elles peuvent porter sur (la ratification d’)un
traité. Elles peuvent également avoir trait à des problèmes territoriaux,
comme la création ou la fusion d’entités infranationales ainsi que
leur sécession, dans les rares cas où la Constitution nationale
le permet.
26. Il convient aussi d’établir une distinction entre le référendum
obligatoire (imposé par la Constitution ou la législation) et le
référendum facultatif (organisé à la demande d’une autorité, d’une
minorité parlementaire ou d’une partie du corps électoral) ainsi
que, en fonction des effets du référendum, entre le référendum décisionnel
et le référendum consultatif. Les référendums consultatifs qui sont
contraignants pour l’exécutif – en ce sens qu’il doit présenter
un projet au parlement – constituent une catégorie intermédiaire.
5. Le
Code de bonne conduite en matière référendaire révisé: lignes directrices
et rapport explicatif
27. Le Code révisé comprend les
Lignes directrices sur la tenue des référendums ainsi qu’un rapport explicatif,
qui renvoie, le cas échéant, aux divers points examinés dans les
lignes directrices pour apporter des précisions sur leur contenu
et leur contexte.
28. Les lignes directrices contiennent les principes du patrimoine
électoral européen, les conditions de la mise en œuvre de ces principes
et des règles spécifiques. L’exposé des motifs vise à préciser les
aspects des lignes directrices propres aux référendums. En conséquence,
il ne commente pas les principes et les règles générales applicables
tant aux élections qu’aux référendums.
29. Les Principes du patrimoine électoral européen sont un suffrage
universel, égal, libre et secret. Les questions suivantes peuvent
être soulignées:
30. Les conditions du droit de vote sont normalement les mêmes
pour les référendums et les élections. Le droit de vote aux référendums
ne devrait pas être plus onéreux que celui applicable aux élections,
y compris pour les citoyennes et les citoyens résidant à l’étranger.
31. Il convient de souligner que, comme dans le cas des élections,
il peut parfois être justifié de tenir compte de la situation spécifique
des minorités nationales et de faire une exception aux règles normales
de décompte des voix. En particulier, cela s’appliquerait à un référendum
sur l’autonomie gouvernementale pour un territoire à concentration
relativement élevée d’une population minoritaire: une double majorité
des électeurs votant sur ce territoire et dans l’ensemble du pays
peut être exigée. Le principe de proportionnalité doit être respecté.
32. En cas d’élections, l’intervention des autorités en faveur
d’une liste ou d’un candidat est inacceptable: leur devoir de neutralité
est absolu. Une autorité ne saurait utiliser sa position, voire
des fonds publics, pour se maintenir en place; elle ne doit pas
non plus le faire en faveur de ses partisans dans un autre organe.
La situation est cependant différente dans le cas de référendums,
car il est légitime que les différents organes du gouvernement expriment
leur point de vue dans le débat pour ou contre le texte soumis au
vote.
33. Les lignes directrices révisées établissent clairement que,
le suffrage secret est non seulement un droit mais aussi un devoir
et que ce devoir ne s’étend pas au-delà du bureau de vote, car il
ne limite pas le droit des électeurs d’exprimer leur opinion en
dehors du bureau de vote.
34. Les conditions de mise en œuvre de ces principes, comme indiqué
ci-dessus, sont les suivantes: l’État de droit, le respect des droits
fondamentaux, la stabilité du droit référendaire ainsi que les garanties procédurales.
Le principe de l’État de droit, qui est l’un des trois piliers du
Conseil de l’Europe, ainsi que la démocratie et les droits humains,
s’applique aux référendums comme à tous les autres domaines du droit.
En ce qui concerne la stabilité du droit, il est préférable que
le droit référendaire relève des Constitutions nationales et de
lois adoptées bien à l’avance. Les garanties procédurales prévoient
l’organisation et le contrôle du scrutin par un organe impartial,
un système de recours efficace et des règles de financement. Les règles
générales sur le financement public et privé des partis politiques
et des campagnes électorales doivent également s’appliquer aux campagnes
référendaires, notamment les règles en matière de transparence et
de limitation des dépenses et des dons individuels
35. Parmi les règles spécifiques aux référendums, il y a des exigences
concernant les effets du référendum. Lorsqu’un référendum porte
sur une question de principe ou sur une proposition non formulée,
il peut être difficile pour les électeurs de connaître les conséquences
de leur vote. Les électeurs devraient donc être informés de la suite
proposée avant le vote. Lorsqu’un référendum décisionnel porte sur
une question de principe ou une proposition non formulée, il appartient
au parlement de mettre en œuvre la décision du peuple. Or, le parlement
peut faire de l’obstruction, notamment lorsque ses intérêts directs
sont en jeu (la réduction des membres du parlement ou de leurs indemnités,
par exemple). Afin d'éviter une telle obstruction, la procédure
de suivi des référendums contraignants portant sur des questions
de principe ou des propositions non formulées devrait faire l'objet
de règles spécifiques. Un recours juridictionnel devrait être possible
en cas d’inaction du parlement.