1. Introduction
1. Les mesures restrictives ou
«sanctions» ont montré à maintes reprises qu’elles constituaient
un outil diplomatique efficace pour faire pression sur les gouvernements
et les personnes responsables de violations du droit international
et humanitaire, d’atteintes aux droits humains et de menaces pour
la paix internationale. Elles sont également utilisées par les pays
désireux de prendre leurs distances à l’égard des actes illégaux commis
par les parties visées pour afficher une position morale et transmettre
un message politique.
2. Les sanctions vont de l’interdiction de voyage, d’activités
sportives ou culturelles à la rupture des liens diplomatiques, au
gel des avoirs et à l’imposition de restrictions commerciales sectorielles
ou d’embargos généralisés. Elles peuvent être appliquées de façon
unilatérale ou dans un cadre multilatéral; elles peuvent aussi être
formulées de manière à ne cibler que des personnes ou des entités
spécifiques.
3. Depuis le lancement de son agression contre l’Ukraine en 2014,
la Fédération de Russie est impliquée dans de graves violations
du droit international des droits humains et du droit international
humanitaire dans les parties temporairement occupées des régions
ukrainiennes de Donetsk, Louhansk, Zaporijjia et Kherson, ainsi
que dans la République autonome de Crimée et la ville de Sébastopol.
L’invasion militaire à grande échelle et non provoquée commencée
par la Fédération de Russie le 24 février 2022 contre l’Ukraine
est un exemple frappant de l’effet dévastateur des guerres et des
conflits sur les vies humaines, sur la stabilité régionale et sur
la confiance dans les institutions mondiales.
4. En réaction à ces crimes, un groupe d’États de plus en plus
vaste a déployé un nombre sans précédent de sanctions contre la
Fédération de Russie, contribuant ainsi à l’isolement de ce pays
sur la scène internationale et faisant de lui le plus sanctionné
au monde. Le régime actuel de sanctions visant la Fédération de
Russie constitue donc un cas unique.
5. Les sanctions prises à l’encontre de la Fédération de Russie
s’avèrent efficaces pour réduire les capacités économiques, commerciales
et militaires du pays et pour faire en sorte que le Gouvernement
et les élites russes aient à rendre des comptes pour leurs actes
illégaux au regard du droit international. En l’absence de sanctions,
la Fédération de Russie disposerait de ressources financières, technologiques
et matérielles bien plus conséquentes pour mener ses actes criminels
de guerre d’agression contre l’Ukraine et sa population, les infrastructures
et l’environnement ukrainiens. Cependant, les autorités russes et
leurs partenaires trouvent constamment de nouveaux moyens de contourner
les sanctions.
6. Afin de consolider les résultats obtenus jusqu’à présent et
de resserrer l’étau des sanctions autour des secteurs clés de l’économie
russe, le présent rapport propose l’introduction de nouvelles mesures
susceptibles de combler les lacunes et les failles existantes et
d’exercer une pression supplémentaire sur l’État agresseur russe.
2. Le rôle des sanctions
2.1. Catégories de sanctions
7. La première moitié du 20ème siècle
a été marquée par les deux guerres mondiales, qui furent de loin
les conflits les plus importants et les plus meurtriers de l’histoire
de l’humanité. En 1945, au lendemain de la seconde guerre mondiale,
ont été créées les Nations Unies grâce à la ratification de la Charte
des Nations Unies, dans le but principal de maintenir la paix et
la sécurité internationales en prenant «des mesures collectives
efficaces en vue de prévenir et d’écarter les menaces à la paix».
La Charte des Nations Unies codifie les grands principes des relations
internationales, depuis l’égalité souveraine des États jusqu’à l’interdiction
d’employer la force dans ces relations

.
8. Le continent européen a été l’épicentre des deux guerres mondiales.
En 1949, faisant écho aux principes fondateurs des Nations Unies,
le Conseil de l’Europe a été créé dans l’idée que «la consolidation
de la paix fondée sur la justice et la coopération internationale
est d’un intérêt vital pour la préservation de la société humaine
et de la civilisation» et dans le but de réaliser «une union plus
étroite entre ses Membres afin de sauvegarder et de promouvoir les
idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur
progrès économique et social»

.
9. Après la fin de la guerre froide, les premières décennies
du XXIe siècle ont vite constitué une
occasion manquée pour la paix et la stabilité internationales. Nous
vivons désormais dans un monde de plus en plus multipolaire, confronté
à de graves problèmes de sécurité. De nombreux cas de violations
systématiques des droits humains et des libertés persistent dans
différentes régions, exacerbant les tensions sociales et alimentant
les conflits. On recense à l’heure actuelle plus de 100 conflits
armés dans le monde

, qui portent atteinte aux libertés
fondamentales des personnes et entravent le développement économique
national ainsi que la sécurité et la paix internationales.
10. Pour atteindre les objectifs poursuivis par les Nations Unies
et le Conseil de l’Europe et garantir la sécurité mondiale et le
respect du droit international, il faut disposer de mécanismes et
d’instruments efficaces, surtout lorsqu’un État menace la souveraineté
d’un autre État ou viole les droits humains, les libertés et les principes
démocratiques à grande échelle au niveau national.
11. À cet égard, les sanctions peuvent être un moyen d’amener
les gouvernements à rendre compte de leurs actes. Lorsqu’un gouvernement
se livre à des activités contraires aux valeurs démocratiques ou
mène des actions agressives contre sa propre population ou contre
des États voisins, les sanctions constituent à la fois un moyen
de dissuasion et une mesure coercitive. Au moyen de sanctions, les
«émetteurs» (les États ou organisations internationales qui imposent
des sanctions) tentent de modifier le comportement des «cibles» (les
autorités gouvernementales et, dans certains cas, des personnes
ou des acteurs non étatiques sanctionnés).
12. Les sanctions peuvent s’appliquer aux relations culturelles,
diplomatiques, économiques et militaires. Elles peuvent en particulier
être classées en plusieurs catégories en fonction de leur cible
et de leur portée:
- des sanctions
globales visant à restreindre la totalité ou la plupart des relations
avec le pays ciblé. Il peut s’agir d’embargos commerciaux, de restrictions
financières ainsi que de mesures restrictives concernant les relations
culturelles et diplomatiques et les voyages;
- des sanctions sectorielles visant des secteurs spécifiques
de l’économie d’un pays, tels que la finance, l’énergie ou la défense.
Elles visent à restreindre ou à interdire certains types d’échanges
commerciaux ou de transactions au sein de ces secteurs;
- des sanctions individuelles dirigées contre des personnes
ou des entités considérées comme responsables d’actions ou de comportements
spécifiques. Elles peuvent inclure des interdictions de voyager,
des gels d’avoirs, ou des restrictions sur les transactions financières;
- des sanctions secondaires visant des tiers, tels que des
personnes physiques, des sociétés ou des pays qui exercent certaines
activités avec l’entité ou le pays sanctionné. Ces sanctions visent
à dissuader d’autres entités d’entrer en affaires avec le pays ciblé
en leur imposant des sanctions ou des restrictions.
13. En vertu de la Charte des Nations Unies, le Conseil de sécurité
de l’ONU peut décider la nécessité d’adopter des mesures n’impliquant
pas l’emploi de la force armée pour le maintien ou le rétablissement
de la paix et de la sécurité internationales. L’article 41 de la
Charte éclaire sur le type de mesures que les États membres des
Nations Unies peuvent être amenés à adopter, par exemple «l’interruption
complète ou partielle des relations économiques et des communications
ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques, radioélectriques
et des autres moyens de communication, ainsi que la rupture des
relations diplomatiques»

.
14. Pendant la guerre froide, le Conseil de sécurité de l'ONU
n’a adopté des sanctions qu’à très peu d’occasions, les membres
permanents étant rarement d’accord d’y recourir: des sanctions obligatoires
n’ont été imposées qu’à deux reprises, à la Rhodésie du Sud en 1968
et à l’Afrique du Sud en 1977. Le taux d’adoption a progressivement
augmenté après l’effondrement de l’Union soviétique, et le recours
aux sanctions a été plus fréquent dans les années quatre-vingt-dix.
À titre d’exemple, des sanctions ont été prises à l’encontre de
l’Irak (1990-2003), lors de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie (1991-1996),
à l’encontre d’Haïti (1993-1994), ainsi que dans le cadre de conflits
intra-étatiques, en particulier envers certains pays d’Afrique

.
15. Il existe actuellement 14 régimes de sanctions du Conseil
de sécurité de l’ONU, qui ont pour objectif de soutenir le règlement
politique des conflits, de faire face à la prolifération des armes
nucléaires et de lutter contre le terrorisme

. Compte tenu de la polarisation
actuelle entre les membres permanents du Conseil de sécurité de
l’ONU, il est extrêmement difficile de parvenir à un accord sur
l’imposition de nouvelles sanctions et même de gérer les régimes
de sanctions en vigueur. Le dernier exemple en date est le veto
opposé le 28 mars 2024 par la Fédération de Russie à un projet de
résolution du Conseil de sécurité de l’ONU qui prévoyait de proroger
jusqu’au 30 avril 2025 le mandat du Groupe d’experts chargé d’assister
le Comité des sanctions créé par la Résolution 1718 (2006) sur la
Corée du Nord

.
16. En raison également de l’impasse au sein du Conseil de sécurité
de l’ONU, les États adoptent de plus en plus de sanctions de manière
unilatérale, que ce soit individuellement ou en coordination avec
d’autres pays partageant les mêmes valeurs, afin d’atteindre des
objectifs de politique étrangère, et en particulier pour protéger
les droits humains, la démocratie et le droit international contre
un gouvernement bafouant ou menaçant de bafouer ces principes. Toutefois,
dans d’autres cas, des sanctions unilatérales sont appliquées en
plus de celles prescrites par le Conseil de sécurité de l’ONU, le
plus souvent afin de les renforcer. Il s’agit d’une pratique courante
de l’Union européenne ou des États-Unis, comme l’illustre les multiples
trains de sanctions imposés à l’Iran dans le cadre de son programme
de prolifération nucléaire.
17. Dans un certain nombre de cas, des sanctions unilatérales
sont actuellement adoptées en dehors du cadre du Conseil de sécurité
de l’ONU. Ainsi, les États-Unis appliquent un embargo économique
total sur Cuba depuis 1962. Citons également le régime de sanctions
adopté à l’encontre du Myanmar par l’Union européenne, les États-Unis,
le Royaume-Uni et l’Australie, à la suite du coup d’État militaire
mené en 2021 et des graves violations des droits humains commises
dans le pays. Plus récemment, la Türkiye a décidé d’interrompre
ses échanges commerciaux avec Israël en raison du conflit dans la
bande de Gaza; les États-Unis, quant à eux, ont menacé de suspendre
la fourniture d’armes à Israël s’il décidait de procéder à l’invasion de
la ville de Rafah.
18. Selon les différents scénarios possibles décrits ci-dessus,
les sanctions peuvent donc remplir les fonctions suivantes:
- servir de moyen de dissuasion
contre les actions indésirables, en faisant passer le message aux
États, personnes ou acteurs non étatiques ciblés selon lequel certains
comportements, tels que les agressions, le terrorisme ou les violations
des droits humains, auront des conséquences diplomatiques, financières
ou économiques;
- être un outil coercitif pour faire pression sur les États,
personnes ou acteurs non étatiques qui se livrent déjà à de tels
comportements, et faire en sorte qu’ils aient du mal à continuer
d’agir ainsi;
- constituer un levier diplomatique pour encourager la négociation,
la médiation ou le respect des exigences internationales;
- servir de moyen de pression pour amener les régimes autoritaires
à initier des réformes démocratiques.
2.2. Efficacité des sanctions
19. Des études empiriques ont montré
que les sanctions peuvent causer des dommages importants aux pays
cibles, en particulier lorsqu’elles visent à asphyxier les échanges
commerciaux et les opérations financières et affectent ainsi fortement
leur produit intérieur brut. En revanche, l’efficacité globale des
sanctions pour améliorer la protection des droits humains et encourager
les changements démocratiques dans les pays ciblés reste contestée
par la recherche universitaire

.
20. Se fondant sur la base de données «Global Sanctions Database»

, qui couvre quelque 1 325 exemples de
sanctions recensés depuis 1950, une étude publiée en 2020 est parvenue
aux principales conclusions suivantes: «(i) le recours aux sanctions
a augmenté au fil du temps; (ii) les pays européens sont les principaux utilisateurs
et les pays africains les principales cibles, les sanctions étant
le plus souvent non réciproques; (iii) les sanctions sont de plus
en plus diversifiées, sachant que la proportion de sanctions commerciales
diminue tandis que celle des sanctions financières et des restrictions
de voyage augmente; (iv) les sanctions répondent de plus en plus
à des objectifs liés à la démocratie et/ou aux droits humains et
moins à des questions classiques de diplomatie internationale; (v)
le taux d’efficacité des sanctions a augmenté jusqu’en 1995 et a chuté
depuis lors, s’établissant en moyenne à près de 30 %»

.
21. Il convient également de prendre en considération le fait
que les sanctions peuvent avoir des conséquences négatives, tant
pour les pays émetteurs que pour la population du pays cible

.
Pour cette raison, les sanctions «intelligentes» ciblées sont souvent
privilégiées, car elles mettent essentiellement la pression sur
des individus, des entités et des acteurs non étatiques spécifiques,
responsables de violations du droit international ou des droits
humains. Quoi qu’il en soit, les sanctions de toutes sortes constituent généralement
une solution alternative bien moins onéreuse qu’une confrontation
militaire directe et rencontrent, en ce sens, moins de réticences
aussi bien au plan national qu’international.
22. Par ailleurs, l'application de sanctions traduit parfaitement
une prise de position morale et un message politique de la part
des pays émetteurs. Un pays émetteur peut décider de limiter et
de restreindre ses relations avec un pays ou des personnes cibles
en imposant des sanctions afin de se distancier clairement d’un comportement
déplorable et signaler ainsi qu’il refuse de fournir des moyens
à celles et ceux qui agissent en violation des normes reconnues
du droit international ou de protection des droits humains. C’est
le cas, notamment, des sanctions prises récemment par l’Union européenne,
le Royaume-Uni, le Canada et les États-Unis contre des colons israéliens
établis en Cisjordanie pour leurs actes de violence et d’incitation
à de tels actes envers des Palestiniens. Elles consistent en un
gel de leurs avoirs et une restriction de leur capacité à se rendre
à l’étranger.
23. Dans certains cas, l’efficacité des sanctions n’est pas immédiatement
perceptible, car il peut falloir du temps (éventuellement plusieurs
années) avant qu’un changement n’intervienne réellement. La pression économique
exercée sur les pays cibles entraîne alors une érosion progressive
au compte-goutte de leurs ressources financières et une instabilité
accrue de leurs fondamentaux macro-économiques. L’impact se faisant
sentir à long terme, les pays émetteurs doivent faire preuve d’une
grande détermination dans leur engagement en vue de parvenir à leurs
objectifs.
24. Pour autant, les sanctions se sont déjà avérées efficaces
dans plusieurs dossiers internationaux, notamment pour prévenir
des conflits, réduire les tensions géopolitiques et encourager des
changements de régime. Par exemple, en 1921, la menace de sanctions
économiques brandie par la Société des Nations a empêché la Yougoslavie
d’envahir l’Albanie; en 1925, un conflit entre la Bulgarie et la
Grèce a été évité de la même manière

. Les sanctions ont également contribué
aux réformes démocratiques et au renversement du régime de l’apartheid
en Afrique du Sud, à l’introduction d’une démocratie multipartite
au Malawi et à l’abandon des plans taïwanais de développement d’armes
nucléaires

.
25. Dans les années 1980, les sanctions imposées à l’URSS ont
eu un impact profond sur son économie, exacerbant la crise au sein
du système étatique, isolant l’Union soviétique des pays technologiquement avancés
et contribuant en fin de compte à son effondrement. Les sanctions
qui ont permis de conclure l’accord nucléaire avec l’Iran constituent
un autre exemple de réussite: bien que celui-ci ne soit plus en
vigueur, c’est grâce au régime de sanctions que l’Iran a officiellement
accepté de ne pas utiliser son programme nucléaire pour produire
des armes nucléaires

.
26. Les sanctions ne sont pas une panacée et il serait illusoire
de croire qu’elles peuvent à elles seules changer la donne. Elles
peuvent cependant jouer un rôle majeur lorsqu’elles sont associées
à d’autres outils comme les mécanismes d’alerte précoce, les négociations
diplomatiques et, dans les cas de figure les plus graves et les
plus regrettables, l’intervention militaire. Elles revêtent une
importance morale, symbolique et politique considérable, qui est
indépendante de leur efficacité immédiate. Elles constituent également
une alternative plus viable et plus économique qu’une opération
militaire. Les responsables politiques doivent prendre en compte
ces différents aspects chaque fois qu’ils envisagent d’adopter des
sanctions en conjonction avec d’autres instruments de politique
étrangère ou en remplacement de ceux-ci.
3. Les conséquences de la guerre d’agression
à grande échelle et non provoquée menée par la Fédération de Russie
contre l’Ukraine
27. Depuis le lancement de son
agression contre l’Ukraine en 2014, la Fédération de Russie est responsable
de graves violations du droit international des droits humains et
du droit international humanitaire dans les parties temporairement
occupées des régions ukrainiennes de Donetsk, Louhansk, Zaporijjia
et Kherson, ainsi que dans la République autonome de Crimée et la
ville de Sébastopol. Elle a induit par la force des changements
démographiques, réprimé des communautés religieuses, militarisé
la péninsule de Crimée et imposé des restrictions à l’éducation
et à la liberté d’expression et de réunion, qui ont conduit à des arrestations
et à des persécutions politiques visant en particulier les Ukrainien·nes
et les Tatars de Crimée.
28. L’invasion militaire à grande échelle, illégale, non provoquée
et injustifiée commencée par la Fédération de Russie le 24 février 2022
contre l’Ukraine dans la continuité de la guerre d’agression de
la Fédération de Russie contre l’Ukraine qui se poursuit depuis
le 19 février 2014, est un exemple frappant de l’effet dévastateur des
guerres et des conflits sur les vies humaines, sur la stabilité
régionale et sur la confiance dans les institutions mondiales. Des
milliers de personnes ont péri sous des bombardements intensifs
qui ont détruit des maisons, des écoles et des hôpitaux, provoquant
des inondations et perturbant l’alimentation en eau des systèmes
d’irrigation. Ces actes constituent une violation directe des articles 3,
18, 25 et 26 de la Déclaration universelle des droits de l’homme,
ainsi que de l’article 2 de la Convention européenne des droits
de l’homme (STE no 5).
29. La mission de surveillance des droits de l’homme en Ukraine
(HRMMU), sous l’égide des Nations Unies, a recensé au moins 31 366
victimes civiles en Ukraine, dont 10 810 morts et 20 556 blessés,
depuis le 24 février 2022. La grande majorité de ces victimes (91 %)
résulte de l’utilisation d’armes explosives à large rayon d’impact,
notamment de tirs d’artillerie, de chars et de systèmes de roquettes
à lancement multiple, de missiles de croisière et balistiques (air,
mer et sol) et de frappes aériennes, dont des munitions rôdeuses
et d’autres véhicules aériens sans pilote. Les statistiques officielles
ne tiennent pas compte des victimes civiles dans les territoires
temporairement occupés. En particulier, les données préliminaires
indiquent que plus de 22 000 civils ont été tués à Marioupol. De
plus, la HRMMU a également constaté que 1 109 établissements scolaires
et 482 établissements médicaux avaient été détruits ou endommagés,
de même que des infrastructures essentielles

. Le montant total des
dommages causés aux infrastructures en Ukraine pouvait atteindre
155 milliards $US selon l’estimation établie par l’Institut de l’école
d’économie de Kiev en janvier 2024

. En particulier, le montant des
destructions subies par la seule ville de Marioupol entre le 24 février
et le 20 mai 2024, est estimé à environ 14,5 milliards $US (selon
le conseil municipal de Marioupol), y compris les dommages résultant
de la destruction de deux usines métallurgiques, estimés par la
Banque mondiale à 4,2 milliards $US.
30. D’après le rapport spécial du Commissaire aux droits humains
du Parlement ukrainien sur le respect des droits des personnes touchées
par la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine,
au moins 19 500 enfants ukrainiens ont été illégalement enlevés
et déportés vers la Fédération de Russie. Le nombre réel d’enfants
ukrainiens emmenés par les autorités russes depuis le début de l’invasion
militaire à grande échelle et non provoquée de la Fédération de
Russie contre l’Ukraine pourrait toutefois dépasser plusieurs centaines
de milliers

. En outre, plus de 2 090 enfants
sont portés disparus, 535 ont été tués, 1 257 ont subi des blessures
et 13 ont été victimes de violences sexuelles. Le 17 mars 2023,
la Cour pénale internationale (CPI) a délivré des mandats d’arrêt
contre le Président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine,
et la Commissaire aux droits de l’enfant, Maria Alekseïevna Lvova-Belova;
l’un comme l’autre «serait responsable du crime de guerre de déportation
illégale de population (enfants) et du crime de guerre de transfert
illégal de population (enfants), et ce, des zones occupées de l’Ukraine
vers la Fédération de Russie». Le Bureau des institutions démocratiques
et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la
coopération en Europe (BIDDH/OSCE) a enjoint à la Fédération de
Russie de cesser immédiatement les pratiques de transfert forcé
ou de déportation d’enfants ukrainiens vers les territoires temporairement
occupés et en Fédération de Russie

.
31. De plus, des habitants des territoires temporairement occupés
de l’Ukraine sont enrôlés contre leur gré dans les forces armées
russes. Depuis avril 2015, environ 35 000 personnes originaires
des territoires temporairement occupés de Crimée et de la ville
de Sébastopol ont été enrôlées illégalement et, depuis février 2022,
jusqu’à 90 000 personnes résidant dans les parties temporairement
occupées des régions ukrainiennes de Donetsk, Louhansk, Zaporijjia
et Kherson ont été engagées malgré elles dans des unités des 1er et
2e corps d’armée du district militaire
sud des forces armées russes.
32. Les forces armées russes n’ont cessé de se livrer à un pillage
organisé et à grande échelle de biens privés et publics et d’autres
biens dans toute l’Ukraine, ciblant en particulier les produits
agricoles et les produits métalliques. Des usines sont pillées et
du matériel est démantelé pour la ferraille. Ces biens pillés sont ensuite
transportés en Fédération de Russie par des routes passant par la
Crimée temporairement occupée et le Bélarus. Or, le pillage est
expressément interdit dans le droit international humanitaire coutumier, conformément
aux articles 28 et 47 du Règlement concernant les lois et coutumes
de la guerre sur terre (Règlement de La Haye), qui figure en annexe
à la Convention (IV) de 1907 concernant les lois et coutumes de
la guerre sur terre

. La Fédération de Russie est liée
par cette convention, qui est toujours en vigueur. Reconnu comme
un crime de guerre depuis la première guerre mondiale, le pillage
est expressément interdit également dans des documents juridiques
tels que le Statut du tribunal de Nuremberg et actuellement défini comme
un crime de guerre en vertu de l’article 8(2)(b)(xvi) du Statut
de Rome de la CPI

.
33. En 2022 et 2023, les forces de l’ordre ukrainiennes ont constaté
que des navires battant pavillon russe transportaient des céréales
volées provenant des territoires temporairement occupés, en particulier
des régions de Kherson et de Zaporijjia vers des pays tiers via
des ports de Crimée fermés depuis 2014. L’administration d’occupation
russe a falsifié des documents d’expédition afin de «blanchir» et
de légitimer le transport de céréales volées. En outre, selon la
HRMMU, depuis le 11 juillet 2023, des dizaines d’attaques ont endommagé
ou détruit des installations liées à la production et à l’exportation
de céréales sur le territoire contrôlé par l’Ukraine, notamment
des installations portuaires, des silos à céréales et des véhicules
de transport de céréales. De plus, des produits métalliques et du
matériel épargné ont été volés aux entreprises métallurgiques de
la ville de Marioupol, ainsi que du territoire de son port maritime,
et ont été transportés via le port de commerce maritime de Marioupol.
34. L’armée russe vole systématiquement les objets du patrimoine
culturel ukrainien. Depuis le 24 février 2022, au moins 245 cas
de ce type ont été officiellement enregistrés

. Les biens culturels volés sont transportés
à travers le territoire de la Fédération de Russie et rejoignent
des expositions et des collections privées de particuliers russes,
font l’objet de recherches de diverses institutions et sont utilisés
à des fins de propagande russe, en particulier pour alimenter le
concept de «monde russe» en démontrant la soi-disant «riche culture
russe». De plus, depuis les premiers jours de la guerre d’agression
de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, les troupes russes
ont endommagé ou détruit sans scrupules au moins 1 062 sites du patrimoine
culturel ukrainien. Parmi ces sites, on dénombre 307 monuments d’architecture,
316 monuments d’architecture et d’urbanisme, 226 monuments historiques,
21 œuvres d’art monumentales, 19 œuvres d’art monumentales et d’urbanisme
et 56 monuments archéologiques. Ces actes constituent une violation
directe de l’article 56 du Règlement de La Haye.
35. L’ampleur des frappes russes ne diminue pas. Comme l’a indiqué
l’Institute for the Study of War, dans la nuit du 21 au 22 mars 2024,
les forces russes ont mené la plus grande attaque combinée de drones
et de missiles contre les infrastructures énergétiques ukrainiennes
depuis le début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, lançant
151 drones et missiles qui ont ciblé 136 installations énergétiques
dans les oblasts de Zaporijjia, de Khmelnytskyï, d’Odessa, de Dnipropetrovsk,
de Poltava, de Mykolaïv, de Vinnytsia, de Lviv et d’Ivano–Frankivsk.
Le 22 mars, des tirs de missiles russes ont détruit toutes les unités
de production d’électricité et les équipements auxiliaires de la
centrale thermique de Zmiivska dans la région de Kharkiv et ont
gravement endommagé les unités HPP-1 et HPP-2 de la centrale hydroélectrique
de Dnipro (HPP) à Zaporijjia. Le ciblage des infrastructures énergétiques
a un effet significatif sur la population ukrainienne et vise à
dégrader les capacités industrielles de défense de l'Ukraine

.
4. Le régime actuel de sanctions contre
la Fédération de Russie
36. En réponse à l’invasion militaire
à grande échelle et non provoquée menée par la Fédération de Russie contre
l’Ukraine, des États à titre individuel et l’Union européenne ont
imposé un nombre et un éventail sans précédent de sanctions contre
l’État agresseur russe, contribuant ainsi à son isolement sur la
scène internationale: environ 14 000 sanctions distinctes ciblent
désormais des personnes physiques et des personnes morales russes,
ce qui fait de la Fédération de Russie le pays le plus sanctionné
au monde et limite considérablement son champ d’action sur les plans
militaire et économique.
37. Le vaste régime de sanctions actuellement appliqué à la Fédération
de Russie vise principalement à obliger le gouvernement et les élites
responsables à rendre des comptes pour la guerre d’agression à grande échelle
menée contre l’Ukraine et les innombrables violations des droits
humains qui en découlent. Les sanctions contribuent à contrer l’effort
militaire de la Fédération de Russie sur le champ de bataille. Elles empêchent
notamment l’utilisation de ses actifs financiers détenus à l’étranger,
limitent les entrées financières liées aux exportations de pétrole
et d’autres produits et réduisent l’accès de l’industrie aux technologies
et aux biens à double usage qui sont essentiels pour la production
d’armes et de matériel militaire.
38. Le 23 février 2024, l’Union européenne a adopté son 13e train
de sanctions: ces trains de mesures visent les personnes et entités
qui permettent l’effort de la guerre d’agression de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine, y compris celles d’autres pays tels
que le Bélarus, l’Iran et la Corée du Nord

. Le même jour, les États-Unis ont
annoncé plus de 500 nouvelles sanctions contre des personnes et
entités basées en Fédération de Russie et dans d’autres pays, en
lien avec la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre
l’Ukraine et des violations des droits humains, en particulier la
mort en détention de l’opposant politique russe Alexeï Navalny

.
39. Le 22 mars 2024, l’Union européenne a adopté des mesures restrictives
supplémentaires contre 33 personnes et deux entités liées à la mort
soudaine de ce dernier

. Le 1er mai 2024,
les États-Unis ont pris de nouvelles sanctions à l’encontre de 280 personnes
et entités qui participent au développement des futures capacités
de production et d’exportation de la Fédération de Russie dans les
domaines de l’énergie, des métaux et de l’exploitation minière;
à l’évitement et au contournement des sanctions; et au renforcement
de la capacité de la Fédération de Russie à mener sa guerre contre
l’Ukraine. En particulier, le département d’État américain accuse
la Fédération de Russie d’avoir eu recours à des armes chimiques
(notamment à de la chloropicrine et des agents anti-émeutes) contre
les forces ukrainiennes, en violation de la Convention sur les armes
chimiques, à laquelle la Fédération de Russie est partie

.
40. Le Canada, l’Australie, le Japon et d’autres pays ont également
rejoint la «coalition des sanctions», adoptant des mesures similaires
depuis le début de l’agression militaire à grande échelle et non
provoquée menée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine.
5. Impact du régime de sanctions contre
la Fédération de Russie
41. Les sanctions ont porté un
sérieux coup à l’économie russe et à la capacité de Moscou de financer
sa guerre d’agression contre l’Ukraine, comme l’ont décrit plusieurs
spécialistes lors des auditions au sein de la commission des questions
politiques et de la démocratie qui se sont tenues le 12 décembre 2023
et le 18 avril 2024, ainsi que lors de l’événement parallèle co-organisé
le 23 janvier 2024 par la délégation ukrainienne auprès de l’Assemblée
et par l’Institut de l’école d’économie de Kiev. Cela a également
été souligné par l’envoyé spécial international pour la mise en
œuvre des sanctions de l’Union européenne, David O’Sullivan, lors
de la réunion en ligne tenue avec lui le 24 mai 2024.
42. En l’absence de sanctions, la Fédération de Russie aurait
bénéficié de ressources financières bien plus importantes et aurait
eu accès à un arsenal plus vaste de technologies militaires cruciales.
Elle aurait ainsi été en mesure d’augmenter ses dépenses militaires
et,
in fine, de causer encore
plus de dommages à la population, aux infrastructures et à l’environnement
ukrainiens. En ce sens, l’efficacité des sanctions adoptées contre
la Fédération de Russie ne peut être remise en question. Elles jouent
un rôle déterminant pour parvenir à une paix globale, juste et durable
en Ukraine

.
43. Une considération évoquée par les expert·es consulté·es lors
des échanges susmentionnés a trait à la mésinformation diffusée
par la propagande russe au sujet des coûts que représentent les
sanctions pour les pays émetteurs. Il est important de souligner
que ces coûts sont massivement exagérés, ou même imputés aux sanctions
de manière fallacieuse. L’augmentation des prix de l’énergie en
Europe en 2022 en est un exemple: il n’y avait pas de sanctions
importantes contre les exportations d’énergie russe à l’époque et
cette augmentation résultait plutôt de la tentative de la Fédération
de Russie d’utiliser les flux de gaz comme une arme. Les sanctions
ont en réalité un fort impact sur la Fédération de Russie et il
faudrait les renforcer par des mesures supplémentaires afin de resserrer
l’étau autour de l’économie et de la stabilité financière de ce
pays.
44. La balance extérieure russe s’est ainsi fortement dégradée
en 2023, avec une baisse de 63 % de l’excédent commercial et une
baisse de 79 % de l’excédent du compte courant par rapport à 2022.
La diminution des entrées de devises a entraîné une dévaluation
importante du rouble, qui a perdu environ 40 % de sa valeur par
rapport à l’euro et au dollar américain depuis l’automne 2022. Cela
a accentué les pressions inflationnistes et contraint la Banque
centrale de la Fédération de Russie à relever les taux d’intérêt
et à rétablir le contrôle des capitaux

. Ces mesures auront
une incidence sur l’économie russe également à plus long terme.
45. La Fédération de Russie dépend fortement de son Fonds de la
richesse nationale pour répondre à ses impératifs budgétaires. Depuis
le début de sa guerre d’agression contre l’Ukraine, la Fédération
de Russie a dépensé au moins 4 700 milliards de roubles (environ
55 milliards $US) des actifs liquides de ce Fonds pour étayer son
budget et aider les entreprises en difficulté. Les actifs du Fonds
s’élevaient au total à 12 300 milliards de roubles (133,4 milliards $US,
soit 6,8 % du PIB) en février 2024. Seuls 41 % des actifs sont aujourd’hui
liquides, ce qui pose des difficultés pour assurer une réaffectation
immédiate des fonds à des fins de soutien budgétaire. Alors que
les actifs en euros ont atteint le niveau zéro en décembre 2023,
la partie liquide n’est maintenant plus constituée que d’actifs
libellés en yuan et d’or: le financement budgétaire par le biais
du Fonds de la richesse nationale deviendra plus difficile, car
ces actifs sont plus compliqués à utiliser à grande échelle.
46. Avant l’invasion militaire à grande échelle et non provoquée
de l’Ukraine, les réserves de change de la Fédération de Russie,
qui représentent une partie de ce qu’on qualifie de «forteresse
russe», se chiffraient à 634 milliards $US. Grâce aux sanctions
imposées à la Banque centrale russe et au Fonds de la richesse nationale,
environ 313 milliards $US de ces réserves sont actuellement immobilisés.
Le pays a ainsi accès à environ 153 milliards $US d’or monétaire
et à environ 118 milliards $US de devises (yuan principalement). Parallèlement,
les banques et les entreprises russes ont pu acquérir 187 milliards
$US d’actifs à l’étranger – un élément qui devrait être surveillé
et pris en compte dans l’élaboration de futures mesures

.
47. Dans le même temps, la situation budgétaire semble s’être
stabilisée ces derniers mois sous l’effet de la croissance des recettes
pétrolières et gazières (+71 % en janvier-février 2024 par rapport
à la même période en 2023) et de l’affaiblissement du rouble. Cela
étant, si le déficit budgétaire en janvier-février 2024 a été moins important
que l’année précédente, les dépenses ont fortement augmenté en raison
de la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine.
Le budget 2024 de la Fédération de Russie alloue 10 775 milliards de
roubles en matière de «défense nationale», ce qui représente une
augmentation de 70 % par rapport au budget 2023 de 6 800 milliards
de roubles et triple les dépenses d’avant la guerre de 2021 contre
l’Ukraine. Un tiers de ces fonds sont destinés à l’entretien de
l’armée et de l’industrie de la défense. Au total, près de 40 %
du budget sera consacré aux dépenses militaires. En outre, le financement
de la politique d’information et de la propagande de l’État se poursuivra
à un niveau record de 121,3 milliards de roubles.
48. Afin de contenir le déficit, les autorités russes ont imposé
en août 2023 un impôt sur les bénéfices exceptionnels des entreprises

. Elles pourraient être
amenées à augmenter encore les impôts

. À cet égard, il convient
de rappeler que les sanctions ont fait perdre à la Fédération de
Russie 113 milliards $US liés aux exportations de pétrole, un montant
qui aurait certainement été utilisé par l’agresseur russe pour financer
ses coûts militaires croissants.
49. Les sanctions ont fortement limité la capacité de la Fédération
de Russie à fabriquer des véhicules aériens sans pilote, des chars
et des missiles de croisière et à réparer l’équipement militaire,
en raison d’une pénurie de machines (telles que les machines-outils
à commande numérique), de composants et de semi-conducteurs étrangers.
Elles ont aussi provoqué le retrait de sociétés internationales
du marché russe.
50. Uralvagonzavod, premier constructeur de chars russes, a arrêté
sa production, faute de composants. L’usine de tracteurs de Tcheliabinsk,
spécialisée dans la réparation de machines, a dû elle aussi cesser
ses activités. JSC Kalashnikov Concern a également interrompu la
production de produits civils spécifiques dans certaines de ses
usines. Autre exemple parlant à cet égard, le dépôt de bilan de
JSC Vostochnaya Verf, le 18 octobre 2022, est dû à l’incapacité
de fabriquer des pétroliers et des navires lance-missiles, conjuguée
à la difficulté de les réparer par manque de composants étrangers
indisponibles sur les marchés russe et asiatique. Par ailleurs,
face à la pénurie d’armes semi-automatiques, la Fédération de Russie
est contrainte d’utiliser des munitions plus économiques, mais obsolètes
et moins fiables.
51. Toutefois, entre le 11 septembre 2022 et le 21 mars 2024,
la Russie a mené 1 309 attaques de missiles, d’artillerie et de
drones kamikaze sur des infrastructures et des cibles civiles en
Ukraine. Cela inclut le déploiement de drones iraniens, à savoir
le Shahed-136/131. L’Assemblée parlementaire devrait exhorter la communauté
internationale à redoubler d’efforts pour surveiller et contrôler
le transfert de technologies de pointe vers la Fédération de Russie.
Il est important d’empêcher la diffusion de technologies de pointe
vers la Fédération de Russie et vers d’autres régimes autoritaires
qui menacent les nations démocratiques. Tous les schémas possibles
utilisés par la Fédération de Russie pour contourner les sanctions
et accéder aux dernières technologies doivent être identifiés et
contrés.
6. Comment la Fédération de Russie contourne
les sanctions
52. L’une des plus grandes difficultés
pour s’assurer de l’application effective des sanctions contre l’État agresseur
russe consiste à limiter les possibilités de contournement de ces
sanctions. Un volume considérable de marchandises et de composants
a été acheminé vers la Fédération de Russie par l’intermédiaire
de pays tiers. La Fédération de Russie s’efforce d’échapper aux
sanctions en empruntant des itinéraires qui traversent la Chine,
l’Inde, Taïwan et les Émirats arabes unis, ainsi que le Kazakhstan,
le Kirghizstan et certains États membres du Conseil de l’Europe,
tels que l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, la Serbie et la Türkiye.
53. Ces pays constituent en particulier une route commerciale
indirecte pour les technologies et les biens à double usage occidentaux
à destination de la Fédération de Russie, aidant en fin de compte
à contourner les sanctions, probablement avec l’approbation implicite
des producteurs occidentaux. Certains de ces pays facilitent également
la réexportation de produits russes vers des pays tiers

.
54. Par ailleurs, les autorités russes ont autorisé en 2022 une
pratique connue sous le nom «d’importations parallèles» de marchandises,
qui permet d’importer des articles sans le consentement du fabricant
d’origine. Cette pratique était considérée auparavant comme de la
contrebande au regard du droit russe. Le Gouvernement russe a cependant
établi une liste de marchandises pour lesquelles les importations
parallèles sont désormais permises, comprenant à la fois des équipements
et des composants militaires essentiels, ainsi que des biens de
consommation.
55. L’une des principales mesures adoptées pour cibler les revenus
pétroliers de la Fédération de Russie a été de fixer, fin 2022,
un prix plafond de 60 $US le baril. L’idée était d’obliger la Fédération
de Russie à accepter une baisse de revenus en échange de l’accès
aux services de transport maritime proposés par les pays émetteurs,
sachant que 80 % du pétrole russe transporté par voie maritime doit
passer par les eaux territoriales européennes. L’objectif était
ainsi de réduire les revenus pétroliers de la Fédération de Russie
tout en évitant une pénurie de pétrole sur les marchés mondiaux.
56. Au fil des mois, les autorités russes ont réussi de façon
croissante à trouver différents moyens de contourner la sanction
du plafonnement des prix. En particulier, les exportateurs russes
utilisent de fausses «attestations de prix» qui permettent de déclarer
à un prix inférieur à sa valeur réelle la marchandise aux services
de transport maritime des pays émetteurs; ils ont aussi constitué
une «flotte fantôme» de 300 à 600 pétroliers qui ne fait pas appel
aux services fournis par les pays émetteurs.
57. Selon l’Institut de l’école d’économie de Kiev, il apparaît
qu’en octobre 2023, plus de 99 % des exportations maritimes de pétrole
brut russe ont été vendues à un prix supérieur au plafond

. La flotte fantôme représente
également une grave menace pour l’environnement, car elle est composée
en grande partie de pétroliers très anciens, mal entretenus, et
dépourvus de polices d’assurance appropriées.
58. Les pays émetteurs des sanctions commencent à adopter des
mesures visant à réduire l’utilisation de la flotte fantôme: ces
derniers mois, le département du Trésor des États-Unis a inscrit
41 navires sur la liste des actifs d’entités sous sanctions; sur
ce nombre, seuls cinq pétroliers poursuivent les trajets qui précédaient les
sanctions. Ce signe encourageant montre qu’on peut et qu’on devrait
cibler la flotte fantôme

. En réaction, Sovcomflot,
l’entreprise publique russe de transport d’hydrocarbures, a récemment
rebaptisé quatre de ses pétroliers et les a fait passer sous pavillon
gabonais, dans le but de les soustraire à la liste des navires sous sanctions

.
7. Autres mesures visant à prévenir et
à contrer le contournement des sanctions
59. La
Résolution 2506 (2023) de l’Assemblée contenait déjà toute une série de recommandations adressées
aux États membres, aux États observateurs et à l’Union européenne
pour lutter contre l’évitement des sanctions, et encourageait à
poursuivre la réflexion sur la question des sanctions contre la
Fédération de Russie

. Ces recommandations sont toujours
d’actualité et devraient être prises en compte lors de l’adoption de
futures politiques et législations relatives au contournement des
sanctions.
60. La Résolution du Parlement européen du 9 novembre 2023 sur
l’efficacité des sanctions de l’Union européenne à l’encontre de
la Russie (2023/2905(RSP)) appelait également l’Union européenne
et ses États membres à prendre un certain nombre de mesures visant
à lutter contre le contournement des sanctions et à renforcer l’application
de ces dernières; elle leur demandait notamment «de renforcer et
de centraliser, au niveau de l’Union, le contrôle de la mise en
œuvre des sanctions et d’élaborer un mécanisme de prévention et de
contrôle du contournement des sanctions». Il importe de souligner
que la Commission européenne veille à ce que tous les États membres
de l’Union européenne mettent en œuvre et appliquent les sanctions européennes,
mais le contrôle effectif repose sur plus de 160 autorités nationales
compétentes désignées dans les États membres et ces derniers s’appuient
sur des systèmes nationaux de mise en œuvre des sanctions très différents

.
61. Par ailleurs, les expert·es consulté·es ces derniers mois
dans le cadre de l’élaboration du présent rapport ont suggéré une
série d’actions que les pays devraient entreprendre pour renforcer
le régime de sanctions et empêcher le plus possible la Fédération
de Russie de le contourner. Les principales propositions sont résumées
ci-dessous.
62. Le respect du plafonnement des prix du pétrole doit être renforcé.
La flotte fantôme russe peut être ciblée en augmentant le nombre
de pétroliers fantômes figurant sur la liste de sanctions et en
faisant respecter les dispositions en vigueur en matière d'assurance
obligatoire contre les marées noires: les pays côtiers de l’Union
européenne devraient tirer parti des «goulots d'étranglement» situés
dans leur zone géographique pour intervenir sur les pétroliers qui
traversent leurs eaux territoriales, notamment en limitant ou en
empêchant l'accès à leurs ports, et en interdisant aux navires fantômes
de bénéficier de services ou d'une assistance financière. Il est
notamment recommandé d'interdire le passage (entrée/sortie) des
pétroliers transportant du pétrole russe dans les détroits maritimes
contrôlés par le Danemark et la Türkiye. L'établissement d'une liste blanche
de courtiers autorisés à donner des informations sur les transactions
dans le cadre du plafonnement des prix (par exemple, des attestations)

ainsi que l’intensification
des enquêtes et des sanctions pourraient également modifier les
calculs de risque effectués par les sociétés de négoce. Il faudrait
en outre baisser davantage le prix plafond, de manière à priver
la Fédération de Russie d’entrées essentielles de devises

.
63. D’autres secteurs clés de la Fédération de Russie doivent
être ciblés. Le plafonnement du prix concerne uniquement le pétrole,
alors que le gaz naturel liquéfié (GNL) russe continue d’arriver
sur le marché européen, où il représente environ 15 % de l’offre
totale

. Diversifier les approvisionnements
énergétiques européens et atteindre l’indépendance énergétique vis-à-vis
du pétrole et du gaz russes constituent des impératifs stratégiques.
À cet effet, à moyen terme, les achats de GNL et de gaz par gazoducs
russes devraient être progressivement supprimés. En outre, les services
liés au pétrole et au gaz pour la production et les exportations
offerts par des sociétés étrangères devraient également être interdits,
afin d'augmenter les coûts russes de production de pétrole

.
Par ailleurs, les importations en provenance de la Fédération de
Russie devraient être interdites, pour cibler en particulier les
produits des secteurs agricoles (céréales), métallurgiques et nucléaires,
afin de réduire davantage les entrées de devises étrangères. Les
établissements financiers devraient être inclus dans les trains
de sanctions, notamment par l’interdiction à toutes les banques
russes d’utiliser le système de messagerie de paiement international
SWIFT (
Society for Worldwide Interbank Financial
Telecommunications). Enfin, les banques devraient être
exhortées à cesser leurs activités en Rédération de Russie, afin
de réduire les profits excessifs, qui entraînent des contributions
fiscales substantielles au budget russe.
64. Les contrôles sur les exportations vers la Fédération de Russie
doivent être étendus, simplifiés et harmonisés entre les pays. Sur
la période allant de janvier à octobre 2023, les producteurs des
pays émetteurs ont été à l’origine de 44 % des importations russes
de biens utilisés sur le champ de bataille. Pour remédier à cette
situation, il convient de rétablir un mécanisme similaire au Comité
de coordination des contrôles multilatéraux à l'exportation (CoCom
– créé par les pays occidentaux pendant la guerre froide afin de coordonner
leurs contrôles nationaux sur les exportations de technologies vers
l’Union soviétique et d’autres régimes communistes)

. De plus, les exemptions
et les dérogations aux mesures restrictives devraient être limitées
et rendues publiques, une responsabilité pénale pour les violations
des sanctions devrait être introduite en particulier en ce qui concerne
l’exportation de biens utilisés sur le champ de bataille, de biens
à double usage, de puces électroniques et de technologies de pointe.
Des systèmes de suivi et de vérification plus solides devraient
être mis en place afin d’empêcher les biens et matériaux sanctionnés
d’entrer sur les marchés mondiaux par des voies indirectes.
65. Le secteur privé devrait être associé et la responsabilité
des entreprises renforcée. D’une part, des orientations plus claires
devraient être diffusées au secteur privé pour expliquer le fonctionnement
du régime des sanctions; d’autre part, le respect des règles tout
au long de la chaîne d’approvisionnement devrait être garanti, en
procédant à des audits réguliers, en renforçant les enquêtes externes
et en encourageant les contrôles internes de «diligence raisonnable».
Le durcissement des amendes peut avoir un effet dissuasif si, pour
une entreprise, le risque et au final le coût de se faire prendre
en train de contourner le régime des sanctions sont supérieurs aux
bénéfices qu’elle pourrait tirer de tels agissements. De plus, un
registre des entreprises et entités impliquées dans le contournement
des sanctions pourrait être créé et rendu public.
66. Les sanctions secondaires doivent être étendues. Les pays
tiers qui facilitent ou réalisent des échanges avec la Fédération
de Russie doivent être sanctionnés: les exportations vers ces pays
devraient être restreintes et visées par des sanctions secondaires
supplémentaires. Les pays émetteurs s’efforcent déjà d’adopter de
telles mesures et ces initiatives donnent quelques résultats: par
exemple, les banques en Türkiye et en Chine refusent désormais les
paiements russes, ce qui entraîne un gel massif ou l’annulation
des transactions. Cela a déjà été reflété dans les statistiques
des transactions avec la livre turque. Le volume des transactions
dans cette monnaie sur la Bourse de Moscou en janvier 2024 était
de 13,9 milliards de RUB, soit près de quatre fois moins qu’en décembre 2023.
Le montant du RMB (Yuan en monnaie chinoise) détenu par les banques
russes à l’étranger est tombé à son plus bas niveau depuis an et
demi. Au 1er janvier 2024, les banques
détenaient des soldes RMB de 6,8 milliards $US en comptes correspondants
à l’étranger. En décembre, les soldes du RMB sur les comptes correspondants
détenus par des banques hors de la Fédération de Russie ont diminué
d’un quart (de 25,7 %, soit 2,3 milliards $US). De même, le 2 avril,
le système de paiement national du Kirghizistan, Elkart, a annoncé
qu’il cesserait de traiter les transactions utilisant le système
de paiement russe «Mir» afin d’éviter les sanctions secondaires

.
67. Les possibilités juridiques de confisquer les avoirs russes
gelés et de les utiliser pour reconstruire l’Ukraine devraient être
examinées. La
Résolution 2539
(2024) adoptée le 16 avril 2024 par l’Assemblée a déjà fourni
une analyse approfondie de la question

. Les États membres devraient veiller
à donner dûment suite aux recommandations qui y figurent, notamment
en ce qui concerne l’établissement, sous les auspices du Conseil
de l’Europe, d’un mécanisme international d’indemnisation qui permette
de traiter de manière complète la question des dommages subis par
les personnes physiques et morales touchées, dont l’État ukrainien,
en raison des actions illégales menées par la Fédération de Russie
dans le cadre de son invasion militaire à grande échelle et non
provoquée de l’Ukraine. Ils devraient également veiller au transfert
des avoirs russes gelés qu’ils détiennent à ce mécanisme et à leur
mise à disposition pour la relance et la reconstruction de l’Ukraine.
Le mécanisme international d'indemnisation devrait viser avant tout
à compenser les dommages causés aux citoyennes et citoyens, y compris
celles et ceux qui ont été contraints de quitter les territoires temporairement
occupés.
68. Les sanctions personnelles devraient être étendues, afin qu’elles
couvrent toutes les personnes qui apportent un soutien actif à la
guerre de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et au régime
russe, ainsi que les entités qui leur sont affiliées, de manière
à ce qu’elles aient à rendre des comptes pour leurs actes. Par ailleurs,
il faudrait approfondir la réflexion sur les mécanismes qui permettraient
d’élargir la liste des personnes visées aux membres de leurs familles,
sans enfreindre les dispositions du droit international et celles
relatives aux droits humains.
69. La violation et le contournement des sanctions devraient être
érigés en infractions pénales. L’Union européenne a déjà fait un
pas important dans cette voie en publiant, le 29 avril 2024, dans
son Journal officiel une directive relative à la définition des
infractions pénales et des sanctions en cas de violation des mesures restrictives
de l’Union

. Ce texte vise à établir des règles
minimales communes à tous les États membres, qui disposeront d’un
délai de 12 mois pour intégrer ses dispositions dans leur législation
nationale. La directive définit les comportements que les États
membres seront tenus de considérer comme des infractions pénales lorsqu’ils
sont intentionnels ou adoptés par négligence grave et en violation
d’une interdiction qui constitue une mesure restrictive de l’Union.
Elle donne également des indications sur le type de sanctions applicables
aux personnes physiques et morales au titre des différentes infractions.
Les États membres de l’Union européenne devraient faire en sorte
d’accélérer la transposition de ces dispositions dans leur législation
nationale, et les États non membres de l’Union européenne devraient
s’efforcer de s’aligner autant que possible sur ces dispositions.
70. La coopération multilatérale entre les pays doit être améliorée.
Cela concerne notamment l’harmonisation des différentes législations,
des listes de biens contrôlés, ainsi que des listes des personnes et
entités ciblées; l’échange d’informations essentielles; la mise
en place de dispositifs communs de surveillance et de suivi; et
la conduite d’inspections et d’enquêtes communes. En outre, il sera
crucial d’élargir le nombre de pays émetteurs. La
Résolution 2506 (2023) de l’Assemblée appelait déjà «les pays qui aspirent à
adhérer à l’Union européenne, notamment les États membres du Conseil
de l’Europe, à se mettre pleinement en conformité avec les décisions
prises dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune
de l’Union européenne». L’Union européenne pourrait établir un organe
centralisé chargé d’harmoniser l’application des sanctions dans
ses États membres et de coordonner leur action avec les États non
membres de l’Union européenne.
71. Les capacités et les ressources des autorités nationales compétentes
doivent être renforcées. Au niveau national, les autorités nationales
compétentes chargées de l’application et du suivi des sanctions devraient
être renforcées sur le plan des ressources humaines, financières
et techniques, et leur travail devrait être rationalisé, en créant
des structures de mise en œuvre unifiées. À cet effet, il convient
d’encourager et de soutenir, en y consacrant les moyens financiers
nécessaires, d’autres initiatives telles que celle actuellement mise
en œuvre par la Division de la criminalité économique et de la coopération
du Conseil de l’Europe (mentionnée plus bas).
8. Les travaux du Conseil de l’Europe
dans le domaine des sanctions
72. Le Conseil de l’Europe étudie
la question des sanctions sous différents angles et par l’intermédiaire
de différents mécanismes. En particulier, le Comité d’experts sur
l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux
et le financement du terrorisme (MONEYVAL) évalue ses membres à
l’aune des normes d’application internationale élaborées par le
Groupe d’action financière (GAFI). Les normes du GAFI font obligation
aux pays de mettre en œuvre plusieurs résolutions du Conseil de
sécurité de l’ONU concernant l’établissement de mécanismes permettant
l’application de mesures de gel d’actifs à l’encontre de personnes associées
au terrorisme, à sa prolifération ou à son financement. Par conséquent,
MONEYVAL contrôle la mise en œuvre des recommandations du GAFI et
suit les mesures législatives pertinentes adoptées par l’Union européenne
ainsi que la jurisprudence correspondante de la Cour de justice
de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme

.
73. De la même manière, le Comité des Conseillers juridiques sur
le droit international public (CAHDI) inscrit systématiquement à
l’ordre du jour de ses réunions un point spécifique sous l’intitulé
«Mesures nationales d’application des sanctions des Nations Unies
et respect des droits de l’homme». Chaque réunion est l’occasion
pour les membres du Comité de discuter des récentes évolutions liées
à la mise en œuvre des sanctions, en particulier en ce qui concerne
la jurisprudence et la législation nationales pertinentes dans leurs systèmes
nationaux ou régionaux respectifs. Le Comité tient également et
met régulièrement à jour une base de données publique sur la «Mise
en œuvre des sanctions des Nations Unies et le respect des droits humains»,
qui contient des informations détaillées sur les pratiques nationales
en matière d’application des sanctions

.
74. La Division de la criminalité économique et de la coopération
aborde la question de l’application des sanctions dans le cadre
de projets d’assistance technique, cofinancés par l’Union européenne.
La première initiative a pris fin en 2023 et a produit quatre études
dont les conclusions aident les autorités nationales compétentes
d’États membres de l’Union européenne à perfectionner leur travail
afin de garantir une meilleure mise en œuvre du régime des sanctions
de l’Union européenne à l’encontre de la Fédération de Russie

. La seconde initiative, actuellement
en cours, vise à renforcer les capacités des autorités nationales
compétentes à identifier, directement ou indirectement, les personnes
morales ou les entités désignées, et à obtenir et échanger des informations
aux niveaux national et international ainsi qu’avec les opérateurs
économiques

.
9. Conclusions
75. L’impact positif des sanctions
pour protéger les droits humains, prévenir les conflits internationaux
ou encourager la démocratisation et un changement de régime s’est
confirmé dans plusieurs cas. Le nombre et l’éventail sans précédent
de sanctions prises contre la Fédération de Russie, en réaction
à la guerre d’agression à grande échelle, non provoquée, injustifiée
et illégale qu’elle mène contre l’Ukraine, ont réduit les capacités
financières et militaires russes et limité ainsi considérablement
les conséquences de ses actes illégaux à l’encontre de la population,
des infrastructures et de l’environnement ukrainiens, qui auraient
sans cela été encore plus importantes.
76. Le Conseil de l’Europe et ses États membres ont montré leur
solidarité avec l’Ukraine face à la guerre d’agression de la Russie
contre l’Ukraine. Leur détermination s’est avérée cruciale pour
définir des mécanismes propres à obliger les autorités et les élites
russes, ainsi que leurs complices, à rendre compte de leurs actes
illégaux au regard du droit international, en particulier avec la
création du Registre des dommages causés par l’agression de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine.
77. Cet engagement doit se poursuivre: le régime de sanctions
actuel, bien qu’efficace, présente encore certaines lacunes, failles
et incohérences dont les autorités, les entreprises et les personnes
visées continuent de tirer parti pour contourner les sanctions adoptées
à leur encontre.
78. Les États membres et non membres du Conseil de l’Europe qui
s’opposent à la guerre d’agression contre l’Ukraine doivent agir
de manière coordonnée pour adopter de nouvelles mesures susceptibles
de remédier à ces failles et de contribuer à l’atteinte d’une paix
globale, juste et durable pour l’Ukraine, selon les termes de la
formule de paix du Président Zelensky.