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Rapport | Doc. 15995 | 06 juin 2024

L’après-conflit: désamorcer les bombes à retardement pour un retour en toute sécurité des populations déplacées

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. Domagoj HAJDUKOVIĆ, Croatie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15698, Renvoi 4720 du 24 avril 2023. 2024 - Troisième partie de session

Résumé

Le nombre croissant de personnes déplacées de force en raison de conflits et de leurs conséquences, en particulier en raison de l’utilisation d’armes explosives dans des zones peuplées, est préoccupant. Bien que les traités et le droit international humanitaire interdisent les attaques contre les populations civiles, en particulier dans les zones peuplées, la réalité est que dans de nombreux conflits, notamment aujourd’hui en Ukraine, les populations civiles sont fortement touchées par les armes explosives. Ces armes ont des effets immédiats et à long terme: morts, blessures et traumatismes. Leur utilisation entraîne des déplacements forcés de populations à grande échelle, qui ont des conséquences encore plus graves pour les femmes et les enfants. Les armes explosives affectent profondément les zones rurales et urbaines, les infrastructures, les besoins et les services essentiels, et elles ont un effet néfaste sur l’environnement pendant des décennies.

Pour remédier à cette situation inacceptable, le rapport appelle les États membres à envisager les meilleures solutions juridiques et pratiques pour lutter contre l’utilisation d’armes explosives, en particulier dans les zones urbaines, et pour faciliter l’enlèvement des mines terrestres et des munitions non explosées. Le rapport met en avant la meilleure approche pour assurer un retour volontaire, sûr, digne et durable des populations déplacées de force, par exemple en associant les populations concernées aux politiques en la matière et en leur fournissant des services essentiels. Il invite également les États membres à interdire l’emploi d’armes explosives, à agir résolument pour débarrasser les territoires des mines terrestres et des munitions non explosées, et à contribuer ainsi à la reconstruction de la paix en Europe.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 29 mai 2024.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire est horrifiée par la guerre d’agression que la Fédération de Russie livre en ce moment à l’Ukraine, dernière d’une série de conflits terribles qui ont marqué l’Europe depuis le XXe siècle. Cette tragédie nous rappelle la fragilité de la paix sur notre continent et l’importance de ne jamais cesser nos efforts pour protéger et consolider nos sociétés démocratiques.
2. Tous les conflits ont des conséquences immédiates dévastatrices pour les populations civiles et les territoires, notamment en raison de l’utilisation généralisée d’armes explosives, en particulier d’armes à sous-munitions. Ils entraînent également des conséquences à long terme qui sont liées aux restes explosifs de guerre, en particulier aux mines terrestres et aux munitions non explosées. L’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées entraînent souvent le déplacement de personnes à l’intérieur et au-delà des frontières, et empêchent ensuite leur retour volontaire, sûr, digne et durable.
3. Les munitions explosives ont des effets à long-terme sur la population civile, notamment des conséquences physiques, psychosociales et sur la santé mentale. Les populations civiles sont trop souvent les victimes collatérales des conflits puis, par la suite, des mines terrestres et des restes explosifs de guerre. Parmi eux figurent les migrant·es le long des routes migratoires; les femmes et les enfants sont particulièrement exposés et paient un lourd tribut.
4. L’Assemblée rappelle le «Mémorandum sur les conséquences de la guerre en Ukraine en matière de droits humains» publié par l’ancienne Commissaire aux droits de l’homme, Dunja Mijatović, en juillet 2022, dans lequel elle déplorait que des civils soient blessés quotidiennement par des restes explosifs de guerre, malgré certaines zones signalées par des panneaux d’avertissement.
5. Au-delà du bilan humain, l’utilisation d’armes explosives a des effets dévastateurs sur les infrastructures et services civils. Leur utilisation détruit les infrastructures telles que les routes, les écoles, les établissements de santé, les logements et d’autres biens civils. Elle a des effets dévastateurs sur le fonctionnement des services essentiels, comme l’accès à l’eau potable et l’alimentation, les réseaux d’assainissement, les systèmes d’approvisionnement en gaz et en électricité.
6. En outre, l’utilisation d’armes explosives a un impact catastrophique sur l’agriculture et l’environnement dans son ensemble. Les éléments entrant dans la fabrication des armes explosives et leurs résidus contaminent les sols, les sous-sols et les ressources en eau. Ils se répandent au-delà des zones peuplées, contaminant la faune et la flore. Des écosystèmes entiers en subissent les lourdes conséquences, qui peuvent perdurer pendant des années, voire des décennies.
7. Compte tenu de ces multiples facteurs qui se combinent les uns aux autres, il est clair que les mines terrestres et les munitions non explosées ont des effets à la fois immédiats et à long terme sur les déplacements de populations, ce qui soulève également la question cruciale d’un retour volontaire, sûr, digne et durable dans les pays d’origine.
8. L’Assemblée se félicite des traités et du droit international humanitaire coutumier relatifs au désarmement et à l’interdiction des armes, ainsi que de ceux qui portent sur le rapatriement des populations déplacées de force. Elle salue également les lois nationales adoptées par des États membres pour, entre autres, dépolluer leur territoire des mines terrestres et des munitions non explosées.
9. Se félicitant du lancement du processus de délimitation de la frontière entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, sur la base de la Déclaration d’Alma-Ata de 1991, l’Assemblée rappelle l’absolue nécessité «de négocier un processus de délimitation et de démarcation de la frontière, et d’étudier la possibilité d’instaurer une zone démilitarisée», comme le souligne la Résolution 2391 (2021) «Conséquences humanitaires du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan / le conflit du Haut-Karabakh».
10. L’Assemblée se félicite de la création du Registre des dommages causés par l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine et de l’ouverture du processus de réception des demandes d’indemnisation pour les dommages, pertes ou préjudices causés depuis le 24 février 2022.
11. L’Assemblée note avec satisfaction que les victimes de mines terrestres et de munitions non explosées pourront ainsi soumettre des demandes au Registre, notamment dans les catégories liées à la violation de l’intégrité personnelle (par exemple décès d’un membre de la famille immédiate ou lésions corporelles graves) et à la perte de biens, de revenus ou de moyens de subsistance, y compris en cas d’incapacité d’utiliser des terres agricoles contaminées par des mines terrestres et d’autres explosifs. L’Assemblée salue également le fait que «Déminage et enlèvement des munitions non explosées» soit une catégorie approuvée, permettant à l’État ukrainien (y compris ses autorités régionales et locales, les entités appartenant à l’État ou contrôlées par lui) de soumettre des demandes d’indemnisation pour les dépenses liées à l’enlèvement des mines terrestres et des munitions non explosées, ainsi que d’autres catégories connexes, telles que les dommages à l’environnement et l’épuisement ou la dégradation des ressources naturelles.
12. L’Assemblée prend note avec satisfaction des bonnes pratiques mises en place par plusieurs États membres afin d’enlever les mines terrestres et les munitions non explosées, ainsi que des politiques menées en parallèle pour informer les populations sur la manière de reconnaître la présence de mines terrestres et de munitions non explosées et d’y réagir. Ces mesures peuvent servir d’exemple à d’autres États confrontés à la présence de tels restes de guerre.
13. L’Assemblée attire l’attention des États membres sur l’expertise du Conseil de l’Europe sur les questions relatives aux droits humains des populations déplacées et des migrant·es, et notamment sur les rapports, les visites dans les pays et les recommandations du/de la Commissaire aux droits de l’homme et du/de la Représentant·e spécial·e de la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe sur les migrations et les réfugiés.
14. Consciente des obstacles à un retour volontaire, sûr, digne et durable des populations, l’Assemblée appelle les États membres à adopter une législation adéquate et à élaborer des lignes directrices claires pour garantir la dépollution des restes explosifs de guerre dans les territoires ruraux et urbains, et plus particulièrement:
14.1. à ratifier les conventions sur les mines terrestres antipersonnel et les armes à sous-munitions, si ce n’est déjà fait, et à mettre pleinement en œuvre les mesures prévues par les conventions suivantes notamment:
14.1.1. la Convention sur l’interdiction ou la limitation de l’emploi de certaines armes classiques, ou la limitation de l'emploi de certaines armes classiques qui peuvent être considérées comme produisant des effets traumatiques excessifs ou comme frappant sans discrimination, et tous ses protocoles additionnels (I à V) (Convention de Genève, 1980);
14.1.2. la Convention sur l’interdiction de l’emploi, du stockage, de la production et du transfert des mines antipersonnel et sur leur destruction (Convention d’Ottawa, 1997);
14.1.3. la Convention sur les armes à sous-munitions (Convention d’Oslo, 2008);
14.2. à adopter et à mettre pleinement en œuvre une législation interdisant les investissements dans les industries des armes à sous-munitions et des mines terrestres antipersonnel;
14.3. à adopter et à mettre en œuvre une législation interdisant en toutes circonstances l’emploi, la mise au point, la production, le stockage ou le transfert de mines antipersonnel et d’armes à sous-munitions, et imposant la destruction en toute sécurité, assortie d’un contrôle, des stocks existants de ces munitions.
15. Dans le même esprit, l’Assemblée appelle les États membres à élaborer ou à améliorer les actions destinées à dépolluer les territoires des mines terrestres et des munitions non explosées, et plus particulièrement:
15.1. à développer davantage les opérations de déminage humanitaire, y compris par la coopération internationale dans le cadre de coalitions de déminage, et à continuer à aider les États qui en ont besoin, en particulier, aujourd’hui, l’Ukraine;
15.2. à élaborer des campagnes de sensibilisation pour informer les civils, y compris les personnes déplacées, avant leur retour, des dangers que représentent les mines terrestres et les munitions non explosées, en s’adressant plus particulièrement aux femmes, aux enfants et aux travailleurs très exposés à ces munitions;
15.3. à élaborer des lignes directrices sur la manière dont les civils peuvent reconnaître les restes explosifs de guerre, tels que les mines terrestres et les munitions non explosées, et y réagir;
15.4. à former les autorités, et en particulier les membres des forces de l’ordre, à la manière de réagir et de protéger les civils en présence de restes explosifs de guerre.
16. L’Assemblée appelle les États membres à soutenir les victimes civiles de mines terrestres et de munitions non explosées, en développant – et en fournissant aux États qui en ont besoin, comme l’Ukraine – des soins d’urgence spécialisés, un accompagnement à la réadaptation et un soutien psychologique et psychosocial.
17. L’Assemblée appelle les États membres à faciliter le retour volontaire, sûr, digne et durable des personnes déplacées de force et leur réintégration:
17.1. en fournissant une assistance suffisante pour couvrir les besoins élémentaires de ces personnes, tels que le logement, la nourriture, l’eau, l’assainissement et les soins médicaux;
17.2. en reconstruisant les infrastructures civiles, notamment en remettant les écoles en état, et en distribuant des outils de construction, des articles ménagers et des outils agricoles, des semences et des engrais;
17.3. en stimulant le marché du travail par des mesures incitatives, tout particulièrement par la reconnaissance des qualifications acquises à l’étranger et par des programmes d’éducation et de formation professionnelle.
18. L’Assemblée souligne que le retour volontaire, sûr, digne et durable des populations déplacées de force nécessite la consultation et l’implication des personnes déplacées elles-mêmes sur les conditions de leur rapatriement, par exemple en facilitant les visites de la zone avant le retour définitif afin de les rassurer sur les conditions de sécurité et les conditions matérielles en place.
19. Pour favoriser les retours volontaires, l’Assemblée suggère la mise en place d’accords impliquant, en fonction de chaque situation, les gouvernements des pays d’accueil et d’origine, des représentants de la population déplacée, la société civile et des organisations internationales telles que le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés dans le cadre de son mandat international de solutions durables pour les réfugiés et autres personnes déplacées.
20. Afin d’éviter ces déplacements forcés, l’Assemblée appelle les États membres à veiller à ce que leurs forces armées et celles de leurs alliés ne déploient jamais d’armes explosives dans des zones peuplées, à moins que des mesures d’atténuation suffisantes puissent être prises pour limiter les conséquences d’une telle utilisation sur les vies et les infrastructures civiles, conformément aux recommandations du Comité international de la Croix-Rouge.
21. L’Assemblée encourage en outre les États membres à sensibiliser le public en adoptant, en diffusant et en mettant en œuvre la Déclaration politique de 2022 sur le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires découlant de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées.
22. L’Assemblée observe avec une grande inquiétude l’utilisation croissante de véhicules aériens sans pilote, également appelés drones de combat, qui visent trop souvent des cibles indiscriminées et entraînent de lourds dommages civils. Elle invite les États membres à envisager l’interdiction des drones de combat, en particulier dans les zones peuplées, notamment lorsqu’ils sont chargés de munitions à large rayon d’impact.
23. Rappelant la Déclaration de Reykjavík adoptée lors du 4e Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe, qui s’est tenu les 16 et 17 mai 2023, l’Assemblée rappelle la nécessité de garantir les droits humains liés à la protection de l’environnement. L’Assemblée appelle donc les États membres à intégrer une prise en compte constante de la dimension environnementale dans l’élaboration de leurs politiques en matière de mines et d’armes, et en particulier:
23.1. à adhérer et à mettre pleinement en œuvre la Convention des Nations Unies de 1976 sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles;
23.2. à élaborer des politiques de déminage axées sur l’environnement, couvrant les territoires terrestres et maritimes et qui comprennent des opérations de déminage tant militaire qu’humanitaire, si nécessaire en coopération avec des institutions ou consortiums internationaux, tels que des agences des Nations Unies ou des structures privées, et en mettant particulièrement l’accent, aujourd’hui, sur le redressement et la reconstruction de l’Ukraine.

B. Exposé des motifs par M. Domagoj Hajduković, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Alors que l’Europe du XXIe siècle est confrontée à une guerre d’agression à grande échelle, notre continent continue de faire face aux conséquences des conflits passés, et en particulier aux effets de ce que l’on appelle communément les munitions explosives non explosées 
			(2) 
			Communément appelées
aussi «munitions non explosées», expression que nous utiliserons
dans le présent rapport. Se fondant sur d’autres sources ou textes
internationaux, l’expression «restes non explosés de guerre» est
également utilisée dans le rapport dans un sens similaire à «munitions
non explosées».. Le nombre incalculable d’armes explosives disséminées en Europe au cours des guerres successives du siècle dernier a eu des conséquences humanitaires tragiques à long terme, en particulier sur les populations civiles. Comme l’a souligné le Conseil de sécurité des Nations Unies en 2022, ces dernières représentent près de 90% des victimes de guerre 
			(3) 
			<a href='https://press.un.org/en/2022/sc14904.doc.htm'>https://press.un.org/en/2022/sc14904.doc.htm</a>..
2. Comme le souligne la proposition de résolution sur le même sujet 
			(4) 
			Doc. 15698., il existe une corrélation directe entre le déploiement d’armes explosives et l’afflux de réfugiés. L’utilisation d’armes explosives a des conséquences tragiques sur les populations civiles, en particulier dans les zones peuplées. Au-delà de la question inacceptable des victimes civiles, l’utilisation d’armes explosives entraîne d’importants déplacements de population, à l’intérieur d’un pays donné ou à l’étranger. Le conflit en Ukraine démontre une fois de plus les conséquences tragiques d’un conflit sur les populations civiles: blessé·es, pertes en vies humaines et déplacements massifs. Les belligérants indifférents prennent trop souvent pour cible des zones militaires et civiles. L’utilisation d’armes explosives oblige les populations à fuir leurs foyers, ce qui a des effets tragiques, préjudiciables et à long terme sur les populations et les territoires.
3. Le Rapport semestriel du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) sur les tendances mondiales indique qu’«[à] la fin du mois de juin 2023, 110 millions de personnes dans le monde étaient déracinées en raison de persécutions, de conflits, de violences, de violations des droits humains et d’événements troublant gravement l’ordre public» 
			(5) 
			<a href='https://www.unhcr.org/fr-fr/rapport-semestriel-sur-les-tendances-mondiales'>www.unhcr.org/fr-fr/rapport-semestriel-sur-les-tendances-mondiales</a>.. Le HCR souligne également que plus de la moitié des personnes ayant besoin d’une protection internationale venaient de trois pays seulement: la Syrie (6,5 millions), l’Afghanistan (6,1 millions) et l’Ukraine (5,9 millions).
4. L’utilisation d’armes explosives en milieu urbain conduit à la destruction de biens civils et a un impact sur les services essentiels, favorisant également les déplacements forcés. À long terme, ces facteurs ont des effets durables sur les populations civiles, que ce soient des effets physiques, mentaux ou psychosociaux. Les conflits ont également d’autres conséquences à long terme sur les territoires, notamment la contamination des sols par les mines terrestres et les munitions non explosées, entraînant des dommages environnementaux pendant des décennies.
5. Comment faire pour désamorcer la bombe à retardement que sont les munitions non explosées afin de permettre le retour en toute sécurité des populations déplacées après un conflit?
6. La question qui se pose est la suivante: que peut recommander le Conseil de l’Europe, et plus particulièrement son Assemblée parlementaire, aux États membres pour assurer un retour volontaire, sûr, digne et durable des populations civiles déplacées de force? Le Conseil de l’Europe ne saurait se substituer à l’ONU ni au HCR. Le présent rapport et ses recommandations mettent donc l’accent sur la dimension humanitaire du problème et sur les déplacements forcés de populations civiles qui en découlent 
			(6) 
			On
mentionnera ici les travaux précédents de l’Assemblée, en particulier
la Résolution 1668 (2009) et la Recommandation
1871 (2009) «Interdiction des bombes à sous-munitions» (Doc.11909), et la Recommandation
1343 (1997) «Mines terrestres antipersonnel et leurs conséquences
humanitaires» (Doc.7891).   . Après un premier chapitre sur le cadre juridique international et le droit international humanitaire coutumier applicables, le rapport analyse dans un deuxième chapitre les conséquences humanitaires de l’utilisation d’armes explosives dans des zones peuplées. Un troisième chapitre porte sur les bonnes pratiques en matière de lutte contre l’utilisation d’armes explosives et de gestion de l’enlèvement des munitions non explosées. Le quatrième chapitre présente les obstacles et les solutions permettant d’assurer un retour volontaire, sûr, digne et durable des populations civiles. Le cinquième et dernier chapitre recommande des mesures aux États membres, conformément à la Déclaration de Reykjavík adoptée lors du 4e Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe, qui s’est tenu les 16 et 17 mai 2023.
7. Ce rapport a été préparé entre autres grâce à des échanges de vues avec des expert·es. Le 21 septembre 2023, la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a entendu Mme Rachel Bolton-King, professeure associée et responsable des cours de médecine légale de l’Université Nottingham Trent (Royaume-Uni), et M. Christian De Cock, professeur invité de droit à l’Université libre de Bruxelles et à l’Université de Gand (Belgique). Le 20 mars 2024, la commission a également entendu M. Dejan Rendulić, représentant du Centre croate des mines de la Direction de la protection civile (Croatie) et le lieutenant-colonel Jean-Michel Granger, chef du Bureau gouvernance chargé du traitement du danger des munitions et explosifs, Armée de terre (France). Le rapporteur remercie tous ces expert·es pour leurs connaissances qui ont apporté une précieuse valeur ajoutée à l’élaboration du présent rapport.

2. Munitions non explosées: cadre juridique international et droit international humanitaire coutumier applicables

8. Plusieurs traités et conventions couvrent la question de l’interdiction des armes et du désarmement, notamment grâce aux Nations Unies et à leur Bureau des affaires de désarmement. Le droit international humanitaire (DIH) coutumier vient compléter ces textes. Selon ce dernier, bien qu’il n’y ait pas d’interdiction générale concernant l’utilisation d’armes explosives, toute utilisation d’armes explosives doit être conforme au DIH et elle est interdite si elle prend pour cible des civils 
			(7) 
			Section
2.5 de la Déclaration politique de 2022 sur le renforcement de la
protection des civils contre les conséquences humanitaires découlant
de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées.. Comme le rappelle le Comité international de la Croix-Rouge (CICR) 
			(8) 
			<a href='http://www.icrc.org/fr/document/weapons'>www.icrc.org/fr/document/weapons</a>., le DIH interdit ou limite aussi l’emploi de certaines armes.
9. Cela signifie qu’il convient d’identifier les armes qui représentent un danger direct pour les civils et ont des effets à long terme sur leurs vies, notamment l’exil de longue durée et la difficulté à revenir dans leurs foyers. Les armes explosives non explosées sont celles qui ont à la fois des conséquences immédiates et à long terme sur les populations. L’ONU définit 
			(9) 
			<a href='https://news.un.org/fr/story/2022/06/1121222'>https://news.un.org/fr/story/2022/06/1121222</a>. les armes explosives comme «des systèmes qui utilisent des munitions ou des dispositifs dont le principal effet destructeur est causé par la détonation d’un explosif puissant créant une zone de souffle et de fragmentation. […] Il s’agit par exemple d’armes à tir indirect, telles que l’artillerie, les roquettes et les mortiers; d’armes qui tirent en rafales, telles que les systèmes de roquettes à lanceurs multiples; de bombes de grande taille larguées par voie aérienne ou maritime; de missiles balistiques sol-sol; et d’engins explosifs improvisés. Les armes explosives à «effets de zone étendue» constituent un sous-ensemble important des armes explosives. Il s’agit d’armes qui utilisent des munitions ayant un grand rayon de destruction, qui tirent en rafales ou qui délivrent des munitions multiples sur une large zone».
10. S’agissant des textes internationaux traitant du désarmement et de l’interdiction des armes 
			(10) 
			Les traités et le droit
international humanitaire coutumier sont disponibles sur le site
internet du CICR, <a href='https://www.icrc.org/fr/guerre-et-droit/traites-et-droit-coutumier'>www.icrc.org/fr/guerre-et-droit/traites-et-droit-coutumier</a>., les premières conventions qui traitent de ces questions sont les Conventions de La Haye de 1899 et 1907 concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre et leurs annexes – le Règlement concernant les lois et coutumes de la guerre sur terre. Les deux textes sont presque identiques et interdisent l’emploi d’armes, de projectiles, ou de tout dispositif visant à causer des souffrances inutiles, ainsi que l’attaque ou le bombardement de villes, villages, habitations ou bâtiments qui ne sont pas défendus. Les deux conventions obligent aussi (les parties belligérantes) à épargner, entre autres, les hôpitaux et les sites religieux pendant les bombardements. La Convention de 1980 des Nations Unies 
			(11) 
			Tous les traités des
Nations Unies sont disponibles dans la base de données des traités
du Bureau des affaires de désarmement de l’ONU, <a href='https://treaties.unoda.org/'>https://treaties.unoda.org/</a>. sur certaines armes classiques et ses cinq protocoles interdisent l’emploi de munitions qui blessent par des éclats non localisables, des mines, pièges et autres dispositifs, des armes incendiaires, des armes à laser aveuglantes et des restes explosifs de guerre. Un peu plus tard, en 1997, le traité de l’ONU sur l’interdiction des mines antipersonnel, également connu sous le nom de Convention d’Ottawa, impose aux États parties de ne jamais employer, mettre au point ni produire de mines antipersonnel. En vertu de cette convention, les États ne doivent jamais, en aucune circonstance, employer, mettre au point, produire, stocker ou transférer des mines antipersonnel ni aider quiconque à le faire. Ils doivent également détruire les mines antipersonnel existantes. Selon la Convention de 2008 de l’ONU sur les armes à sous-munitions, les États parties s’engagent entre autres à ne jamais employer, mettre au point ni produire d’armes à sous-munitions. Le texte interdit l’emploi de ces armes, définies comme des petites bombes explosives spécifiquement conçues pour être dispersées ou libérées par des disperseurs fixés sur un aéronef. Le texte précise également que cette convention ne s’applique pas aux mines.
11. En ce qui concerne la protection des populations civiles, les quatre Conventions de Genève du 12 août 1949 et leurs protocoles additionnels sont des textes de référence en la matière et se sont inspirés des traités antérieurs relatifs à la protection des victimes de guerre. Ils visent à assurer la protection générale des civils contre les dangers causés par les opérations militaires. Ils déclarent que les attaques sans discrimination sont interdites et définissent ces attaques comme celles qui ne sont pas dirigées contre un objectif militaire déterminé, celles qui utilisent des moyens et méthodes de guerre qui ne peuvent pas être dirigés contre un objectif militaire déterminé ou celles qui utilisent des moyens et méthodes de guerre qui sont de nature à frapper des objectifs militaires et des civils et biens de caractère civil sans distinction. En outre, ces attaques sont susceptibles de causer incidemment, et de manière disproportionnée par rapport à l’avantage militaire attendu, des pertes en vies humaines dans la population civile, des blessures aux personnes civiles, des dommages aux biens de caractère civil, ou une combinaison de ces pertes et dommages. Par ailleurs, les conventions interdisent les transferts forcés, en masse ou individuels, ainsi que les déportations de personnes protégées hors du territoire occupé dans le territoire de la puissance occupante ou dans celui de tout autre État. En cas de déplacement forcé de populations civiles, leur droit de retourner dans leur foyer et de jouir de leurs biens doit être mis en œuvre dès que les raisons de leur déplacement cessent d’exister. Et en cas de mouvements forcés se produisant malgré leur interdiction, les parties doivent prendre toutes les mesures possibles «pour que la population civile puisse être accueillie dans des conditions satisfaisantes d’hébergement, d’hygiène, de santé, de sécurité et de nutrition».
12. Le DIH coutumier est venu confirmer, compléter et/ou interpréter les traités concernant la limitation, l’interdiction, la mise au point, la détention et l’utilisation de certaines armes, mais aussi concernant les déplacements de populations. En ce qui concerne l’interdiction des armes, le DIH précise qu’il s’agit des armes qui rendent la mort inévitable, qui causent des blessures superflues ou des souffrances inutiles, qui ne peuvent être dirigées contre un objectif militaire précis ou dont les effets ne peuvent être limités conformément aux dispositions du DIH, et qui causent des dommages étendus, durables et graves à l’environnement naturel. Les règles du DIH interdisent les attaques sans discrimination et obligent à faire la distinction entre la population civile et les combattants, ainsi qu’entre les biens de caractère civil et les objectifs militaires. Le DIH impose également de respecter le principe de proportionnalité et l’obligation de prendre des précautions pour réduire au minimum les conséquences d’une attaque pour la population civile.
13. En ce qui concerne le déplacement de populations civiles en période de conflit armé 
			(12) 
			<a href='https://www.icrc.org/en/document/ihl-displacement'>www.icrc.org/en/document/ihl-displacement</a>., le DIH dispose que les parties à un conflit armé international ne peuvent déporter ou transférer de force, en tout ou en partie, la population civile d’un territoire occupé, sauf si la sécurité des populations civiles concernées ou des raisons militaires impératives l’exigent. L’évacuation peut également être le résultat d’un avertissement préalable réel donné par les forces attaquantes. Toutefois, les évacuations doivent être temporaires et les personnes déplacées ont le droit de regagner volontairement et dans la sécurité leur foyer dès que les causes de leur déplacement ont cessé d’exister. Lorsque les mouvements de population conduisent des individus hors de leur pays, ils sont protégés par le droit international des réfugiés. En outre, le DIH exige que chaque partie à un conflit doit, dans la mesure du possible, éloigner du voisinage des objectifs militaires les personnes civiles et les biens de caractère civil soumis à son autorité. Le DIH prévoit enfin que les droits de propriété des personnes déplacées doivent être respectés en tout temps et en tout lieu.
14. Le Conseil de l’Europe n’a pas de vocation militaire et ne travaille donc pas en soi sur les armes ou le désarmement. L’Organisation a néanmoins abordé la question des armes sous différents aspects, notamment leur impact sur la vie des civils, les déplacements de populations, l’environnement et les droits fondamentaux des citoyens.
15. En ce qui concerne les armes et leur impact sur les populations, l’Assemblée a rappelé dans la Résolution 2391 (2021) «Conséquences humanitaires du conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan / le conflit du Haut-Karabakh» sa profonde préoccupation concernant «l’usage aveugle d’armes qui tuent ou blessent des civils», rappelant aux deux parties qu’elles sont «tenues de se conformer au DIH et de protéger les civils contre les armes explosives». L’Assemblée a rappelé que «la région affectée par le conflit [est] l’une des plus polluées par les mines et les munitions non explosées au monde» et a appelé les parties à transmettre toutes les cartes des mines, à mettre en place des programmes de sensibilisation au danger des mines et autres munitions non explosées et a appelé la communauté internationale «à fournir une assistance en termes d’équipement, de formation et de financement en vue d’enlever des mines dont le nombre pourrait avoisiner le million». L’Assemblée a en outre constaté «les problèmes auxquels sont confrontées les personnes déplacées, à savoir le manque d’accès à un logement pérenne, à une aide en espèces, à l’éducation pour leurs enfants et à des moyens de subsistance, en particulier pour les femmes».
16. Sur la question des déplacements, des retours et des biens, l’Assemblée considère, dans sa Résolution 1708 (2010) «Résolution des problèmes de propriété des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays», «la restitution comme une réponse optimale à la perte de l’accès aux logements, aux terres et aux biens – et des droits de propriété y afférents. C’est en effet la seule voie de recours qui donne le choix entre trois «solutions durables» au déplacement: le retour des personnes déplacées dans leur lieu de résidence d’origine, dans la sécurité et la dignité; l’intégration dans le lieu où elles ont été déplacées; ou la réinstallation dans un autre endroit du pays d’origine ou hors de ses frontières». Sur cette même question, le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe recommandait, dans sa Recommandation Rec(2006)6 du Comité des Ministres relative aux personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, que «[l]es personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays ont le droit de jouir de leurs biens, conformément aux droits de l’homme. Elles ont en particulier le droit de recouvrer les biens qu’elles ont laissés à la suite de leur déplacement. Lorsque les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays sont privées de leur propriété, elles devraient se voir offrir un dédommagement adéquat».
17. Dans sa Résolution 2379 (2021) «Le rôle des parlements dans la mise en œuvre des pactes mondiaux des Nations Unies pour les migrants et réfugiés», l’Assemblée a en outre recommandé aux membres des parlements de traiter les causes profondes des déplacements forcés «en réfléchissant à la résolution des conflits, à la consolidation de la paix et à la réconciliation, et en s’attaquant à des problématiques liées aux inégalités, à la sécurité et au changement climatique, qui peuvent conduire au déplacement forcé de populations». L’Assemblée a également appelé les parlements des États membres, dans sa Résolution 2408 (2021) «70e anniversaire de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés: le Conseil de l’Europe et la protection internationale des réfugiés», «à soutenir sans réserve les initiatives menées par les Nations Unies pour la protection des réfugiés et des demandeurs d’asile, à soutenir les initiatives pertinentes du Conseil de l’Europe et à prendre des mesures spécifiques sur le plan national». L’Assemblée ajoute que «le renvoi efficace et rapide des personnes considérées comme ne nécessitant pas une protection internationale est essentiel pour préserver l’intégrité des dispositifs d’asile en Europe et du système de protection internationale dans son ensemble ... [exhortant] les gouvernements de tous les États membres du Conseil de l’Europe à mettre en place des procédures d’asile efficaces qui préservent des mesures équitables et respectent le droit international, y compris le principe de non-refoulement».
18. La Cour européenne des droits de l’homme a exprimé dans plusieurs affaires phares 
			(13) 
			Voir <a href='https://hudoc.echr.coe.int/'>https://hudoc.echr.coe.int/</a> pour accéder à l’ensemble de la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l’homme. un avis clair sur les munitions non explosées et les conditions et droits au retour des populations civiles déplacées de force. Dans l’affaire Oruk c. Turquie (requête n° 33647/04, arrêt du 4 février 2014), la Cour a reconnu l’impossibilité pour les populations civiles d’avoir accès à leurs foyers, «au sujet de l’obligation pour l’État, en vertu de l’article 2 de la Convention, de prendre des mesures appropriées pour protéger les civils vivant près d’une zone de tirs militaires contre les dangers provenant des munitions non explosées». Dans les affaires Sargsyan c. Azerbaïdjan (requête n° 40167/06) et Chiragov et autres c. Arménie (requête n° 13216/05; tous deux arrêts du 16 juin 2015), la Cour a conclu, en ce qui concerne le Haut-Karabakh et les territoires occupés adjacents, à une violation de l’article 1 du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 9) (protection de la propriété et droit au respect de ses biens), ainsi qu’à une violation de l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) (droit au respect de la vie privée et familiale) et de l’article 8.1 (droit au respect de sa vie privée et familiale et de son domicile).

3. Les effets et conséquences humanitaires de l’emploi d’armes explosives en zones peuplées

3.1. Les effets des armes explosives sur les populations civiles

19. Pendant les conflits, les armes explosives causent des pertes civiles immédiates, des blessures ou des décès, mais ont aussi des conséquences à long terme, telles que des maladies ou des handicaps, alors même que les populations civiles ne devraient pas être prises pour cibles. Après un conflit, les mines terrestres et les munitions non explosées font des victimes civiles pendant de très longues périodes.
20. Selon le CICR, l’emploi d’armes explosives à large rayon d’impact dans les zones peuplées ne saurait être conforme au DIH. Le déploiement d’armes explosives dans des zones peuplées provoque des déplacements massifs de civils. Ces déplacements font partie des dommages collatéraux des conflits et peuvent perdurer de nombreuses années après la fin des conflits en raison des nombreuses mines terrestres et des munitions non explosées qui subsistent dans les zones peuplées ou à proximité de celles-ci. Les expert·es soulèvent également la question des armes à sous-munitions, particulièrement destructrices pour les individus, qui restent non explosées dans 15 à 30 % des cas. Dans son rapport intitulé «Emploi d’armes explosives à large rayon d’impact en zones peuplées: un choix meurtrier» 
			(14) 
			<a href='https://www.icrc.org/fr/armes-explosives-en-zones-peuplees'>www.icrc.org/fr/armes-explosives-en-zones-peuplees</a>., le CICR propose une évaluation globale, fondée sur des preuves concrètes, des conséquences dévastatrices de l’utilisation de telles armes en zones peuplées.
21. Les migrant·es et les réfugié·es sont également les victimes collatérales des munitions non explosées lorsque, le long de leurs routes migratoires, ils et elles traversent des terres et des zones urbaines qui en contiennent. Par exemple, 150 000 munitions non explosées sont toujours disséminées dans les Balkans, alors que de nombreux camps informels de migrant·es se trouvent à proximité de zones jonchées de munitions non explosées. En 2021, une mine terrestre datant des guerres des Balkans des années 1990 a explosé, tuant un migrant et blessant plusieurs autres dans une région du centre de la Croatie, alors qu’un groupe de demandeurs et demandeuses d’asile tentait de traverser le pays 
			(15) 
			<a href='http://www.theguardian.com/world/2021/mar/07/croatia-landmine-from-1990s-balkans-war-kills-asylum-seeker'>www.theguardian.com/world/2021/mar/07/croatia-landmine-from-1990s-balkans-war-kills-asylum-seeker</a>..
22. Au-delà des effets physiques, les munitions non explosées ont des effets indirects à long terme, «effets secondaires» 
			(16) 
			<a href='https://news.un.org/fr/story/2022/06/1121222'>https://news.un.org/fr/story/2022/06/1121222</a>. comme les qualifient les Nations Unies, qui touchent les populations civiles. Ces dernières sont confrontées à une détresse psychologique immédiate à la suite d’explosions et de leurs conséquences directes et sont victimes d’un syndrome de stress post-traumatique, qui survient chez une personne dont l’intégrité personnelle est menacée parce qu’elle a été exposée à un événement traumatique. De nombreuses informations font état de la peur ressentie par les populations civiles vivant dans des zones où des armes explosives ont été déployées 
			(17) 
			Voir
par exemple Handicap International, <a href='http://www.hi.org/en/index'>www.hi.org/en/index</a>, <a href='http://www.hi-us.org/en/action/explosive-weapons'>www.hi-us.org/en/action/explosive-weapons</a>.. Handicap International 
			(18) 
			<a href='http://www.hi.org/en'>www.hi.org/en</a>. a fait part d’observations similaires dans une étude de cas réalisée en 2024 (“The Impact of Explosive Weapons in Ukraine – Focus on hard-to-reach areas”), incluant les effets directs et indirects sur la cohésion sociale, la santé mentale et le bien-être psychologique, ainsi que d’autres effets économiques et sociaux.

3.2. Les déplacements forcés et leurs conséquences aggravées sur les femmes et les enfants

23. Les Conventions de Genève interdisent le déplacement forcé de populations civiles et recommandent vivement la mise en œuvre de leurs droits de retourner dans leur foyer et de jouir de leurs biens dès que les raisons de leur déplacement cessent d’exister. Il n’en reste pas moins que l’emploi d’armes explosives et la présence à long terme de munitions non explosées, en particulier dans les zones peuplées, contribuent à des déplacements massifs de populations, obligeant les gens à quitter leur domicile, souvent pour de longues périodes, et à vivre dans des conditions précaires. Les femmes et les enfants représentent la majorité des victimes civiles causées incidemment par les armes explosives, comme l’a montré le Comité international de la Croix-Rouge 
			(19) 
			<a href='http://www.icrc.org/en/document/civilians-protected-against-explosive-weapons'>www.icrc.org/en/document/civilians-protected-against-explosive-weapons</a>. Voir aussi <a href='http://www.peacewomen.org/'>www.peacewomen.org</a>..
24. Concernant les enfants, le Protocole facultatif à la Convention relative aux droits de l’enfant concernant l’implication d’enfants dans les conflits armés (2000) est venu renforcer la protection des enfants contre leur enrôlement et contre les conflits. Il n’en reste pas moins que les enfants représentent environ la moitié des victimes des armes explosives. Le Fonds des Nations unies pour l'enfance (UNICEF) 
			(20) 
			<a href='http://www.unicef.org/protection/protecting-children-from-explosive-weapons'>www.unicef.org/protection/protecting-children-from-explosive-weapons</a>. souligne que les enfants sont vulnérables pour de nombreuses raisons. Lorsque des armes explosives sont utilisées dans des zones peuplées, plus de 90 % des victimes sont des civils, dont de nombreux enfants, qui risquent davantage de subir des blessures sur diverses parties de leur corps. Longtemps après les conflits, les munitions non explosées tuent et blessent des enfants, qui sont les plus exposés parce qu’ils sont attirés par de tels objets en raison de leur apparence colorée et qu’ils ignorent à quel point ces objets sont dangereux. Certaines de ces armes, qui sont des engins explosifs improvisés, sont des objets familiers qui ont été transformés en explosifs.
25. Au-delà des effets immédiats des armes explosives, les enfants survivants subissent des traumatismes physiques à plus long terme et diverses formes de traumatismes psychologiques ou émotionnels. Mais les armes explosives infligent aussi des dommages indirects graves aux enfants, tels que les effets des explosions sur les infrastructures et services civils – comme les canalisations d’eau, les installations sanitaires, les hôpitaux et les écoles –, exposant les enfants à des épidémies, voire pire, par exemple des décès causés par des maladies diarrhéiques dues à l’insalubrité de l’eau et de l’assainissement. Les enfants sont également privés d’autres services essentiels, comme l’éducation, lorsque les écoles sont endommagées ou détruites ou lorsque des enseignants sont tués ou blessés, ce qui interrompt l’accès à l’éducation. Lorsqu’ils sont réfugiés à l’étranger, ils ont accès aux écoles des pays d’accueil mais sont souvent confrontés à des difficultés linguistiques, sans parler du manque d’enseignants connaissant la langue maternelle de ces enfants.
26. En ce qui concerne les femmes, les conséquences aggravées sont différentes de celles que subissent les enfants mais ne sont pas moins importantes. Les femmes souffrent davantage que les hommes des conséquences des armes explosives disséminées dans des zones peuplées en raison de facteurs cumulatifs. Les femmes risquent davantage d’être victimes d’attaques dans des zones résidentielles ou des marchés et ont plus de difficultés à accéder aux soins de santé ou à la réadaptation en raison des inégalités sociales, étant plus vulnérables à la stigmatisation et à la marginalisation. En outre, les femmes enceintes ou les jeunes mères sont plus exposées aux maladies causées par le manque d’eau potable. Les femmes déplacées ou séparées de leur famille et de leur communauté courent en outre un risque plus élevé de subir des violences sexuelles ou d’être victimes d’exploitation sexuelle. Elles sont particulièrement exposées aux violences sexistes et risquent davantage d’être victimes de harcèlement, de violence familiale, de viol, de traite des êtres humains, de prostitution forcée et d’autres crimes qui visent les femmes de manière disproportionnée et restent souvent impunis.

3.3. Les effets des armes explosives sur les infrastructures et les services

27. Les infrastructures civiles vitales et les services essentiels sont gravement touchés par les conflits. Les Nations Unies ont souligné 
			(21) 
			<a href='https://news.un.org/en/story/2022/06/1119552'>https://news.un.org/en/story/2022/06/1119552</a>. que de telles circonstances entraînent une perturbation des services essentiels à la survie des populations civiles. Les établissements de soins de santé sont touchés, ce qui entrave l’administration des soins médicaux. Les logements et les infrastructures civiles essentielles, telles que les stations de traitement de l’eau potable et les stations d’épuration des eaux usées, les systèmes d’approvisionnement en gaz et en électricité, sont endommagés ou détruits, ce qui accroît le risque et la propagation des maladies et alourdit davantage le fardeau du système de soins de santé. D’autres infrastructures civiles endommagées ou détruites, telles que les routes, les supermarchés, les lieux de travail ou l’internet, contribuent aux déplacements de populations. Judith Kiconco, conseillère sur les questions humanitaires de la délégation du CICR auprès de l’Union africaine, a rappelé que «la destruction des infrastructures vitales entraîne à son tour la dégradation ou l’interruption des services essentiels, ce qui aboutit à un nombre encore plus élevé de décès et de maladies. Lorsque vivre parmi les ruines devient intolérable, les survivants n’ont parfois d’autre choix que de fuir, ce qui aboutit à un déplacement à long terme» 
			(22) 
			<a href='http://www.icrc.org/en/document/ewipa-icrc-statement-use-explosive-weapons-populated-areas'>www.icrc.org/en/document/ewipa-icrc-statement-use-explosive-weapons-populated-areas</a>.. À plus long terme, les munitions non explosées empêchent ou retardent les travaux de reconstruction et la production agricole. La contamination par des munitions non explosées entraîne le blocage des ressources naturelles, ce qui complique le développement socio-économique d’une communauté, une situation encore plus complexe pour les populations rurales, qui dépendent économiquement de l’accès à la terre. Les déplacements forcés ont aussi des conséquences économiques dans les secteurs d’emploi traditionnel, où la main-d’œuvre fait défaut.
28. Dans un article de juillet 2023 
			(23) 
			<a href='http://www.france24.com/en/live-news/20230614-reliance-on-mines-in-ukraine-war-leaving-sinister-legacy'>www.france24.com/en/live-news/20230614-reliance-on-mines-in-ukraine-war-leaving-sinister-legacy</a>., l’Agence France Presse, citée par France 24, soulignait que les mines étaient utilisées en quantités phénoménales en Ukraine, et notamment certains types qui sont interdits en vertu du droit international, faisant du pays l’un des plus grands champs de mines au monde. Lorsque l’article a été publié, des expert·es ont estimé qu’environ 30 % du territoire ukrainien pourrait renfermer des mines. Toutefois, il est impossible de les compter et de les cartographier alors que la guerre fait rage, déclarait dans l’article Baptiste Chapuis, Responsable plaidoyer à Handicap International. L’article rappelle que, si les mines terrestres conventionnelles ciblant les véhicules ennemis sont autorisées, les mines antipersonnel visant à mutiler et à tuer des êtres humains sont interdites en vertu du Traité sur l’interdiction des mines antipersonnel, dont l’Ukraine est signataire, alors que des grandes puissances telles que la Russie, la Chine et les États-Unis d’Amérique ne le sont pas. M. Chapuis a rappelé que les mines condamnent les populations civiles pendant des décennies et compromettent le retour à la vie économique et sociale pendant très longtemps. Les expert·es affirment qu’il pourrait falloir des décennies pour déminer l’Ukraine, comme cela a été le cas pour d’autres régions d’Europe qui ont souffert de conflits passés, par exemple dans les Balkans où, 30 ans plus tard, les pays concernés poursuivent encore leurs activités de déminage.

3.4. L’impact environnemental des guerres et des munitions non explosées

29. L’Assemblée a déjà abordé la question de l’impact environnemental des conflits armés dans la Résolution 2477 (2023), mais pas sous l’angle des personnes déplacées. La Convention des Nations Unies de 1976 sur l’interdiction d’utiliser des techniques de modification de l’environnement à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles engage les États parties à «ne pas utiliser à des fins militaires ou toutes autres fins hostiles des techniques de modification de l’environnement ayant des effets étendus, durables ou graves», et invite au contraire les États à faciliter et à participer à un échange d’informations scientifiques et techniques sur l’utilisation des techniques de modification de l’environnement à des fins pacifiques. Par «techniques de modification de l’environnement», la Convention entend «toute technique ayant pour objet de modifier – grâce à une manipulation délibérée de processus naturels – la dynamique, la composition ou la structure de la Terre, y compris ses biotes, sa lithosphère, son hydrosphère et son atmosphère, ou l’espace extra‑atmosphérique». Le texte invite les États et les organisations internationales «à une coopération internationale économique et scientifique en vue de la protection, de l’amélioration et de l’utilisation pacifique de l’environnement, compte dûment tenu des besoins des régions en développement du monde».
30. Au-delà du bilan humain, les guerres et les restes explosifs de guerre ont un impact catastrophique sur l’environnement terrestre et maritime. Les éléments entrant dans la fabrication des armes explosives et leurs restes (métaux et substances explosives constitués d’éléments toxiques) contaminent les sols, les sous-sols et les ressources en eau. Ils se répandent de manière continue au-delà des zones peuplées, contaminant la faune et la flore. Des écosystèmes entiers en subissent les lourdes conséquences, qui peuvent perdurer pendant des années, voire des décennies. Comme l’a souligné le CICR, les centres de population sont situés dans l’environnement naturel et en dépendent largement. Les conséquences potentielles immédiates et à long terme de la libération de substances toxiques et autres polluants sur l’environnement naturel par l’utilisation d’armes explosives lourdes en zones peuplées suscitent des préoccupations croissantes. Cela peut avoir de graves répercussions sur la santé publique.
31. Le Centre international de déminage humanitaire de Genève (GICHD) 
			(24) 
			<a href='http://www.gichd.org/'>www.gichd.org</a>. souligne que «les mines terrestres et les autres restes explosifs de guerre rendent les terres et les autres ressources naturelles inaccessibles et provoquent une surexploitation de celles qui sont disponibles, ce qui entraîne la dégradation des sols. En outre, ils ont un impact néfaste sur la biodiversité en ce qu’ils entraînent des explosions imprévues et des fuites de substances chimiques dans le sol et l’eau». Le GICHD ajoute que «les restes de guerre peuvent déclencher une série d’événements entraînant des dommages environnementaux tels que la dégradation des sols ou la déforestation, qui affectent parfois des espèces entières en détruisant les habitats et en modifiant les chaînes alimentaires». En outre, «malgré leur impact positif, les opérations de déminage peuvent également avoir des conséquences néfastes imprévues sur l’environnement et certaines ont fait l’objet d’enquêtes environnementales, comme c’est le cas pour les fléaux et les charrues mécaniques. Pour que les questions environnementales soient prises en compte, il importe qu’elles soient intégrées dans le secteur de la lutte antimines, en particulier dans la planification et la mise en œuvre des programmes».
32. Lors du 4e Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe organisé à Reykjavík les 16 et 17 mai 2023, les dirigeants européens se sont notamment engagés à renforcer leur travail au sein du Conseil de l’Europe sur les aspects de l’environnement liés aux droits humains. Le présent rapport fait partie intégrante de la nouvelle priorité du Conseil de l’Europe visant à établir un lien entre les droits humains et l’environnement et plaide vivement contre l’utilisation d’armes explosives, en vue de parvenir à dépolluer les territoires contaminés par des mines terrestres et des munitions non explosées et à éradiquer leurs conséquences dévastatrices sur l’environnement.

4. Bonnes pratiques en matière de lutte contre l’utilisation d’armes explosives et de gestion de l’enlèvement des munitions non explosées

33. Aux fins de la préparation du présent rapport, le rapporteur a lancé une consultation auprès des parlements par l’intermédiaire du Centre européen de recherche et de documentation parlementaires (CERDP). Les réponses au questionnaire ont permis de recueillir des données auprès de 42 États membres et observateurs du Conseil de l’Europe. Le questionnaire posait aux parlements les questions suivantes:
1. Votre pays a-t-il signé et ratifié des instruments internationaux relatifs à l’utilisation d’armes explosives (Conventions de La Haye de 1899 et 1907; Conventions de Genève; etc.)?
2. Votre pays dispose-t-il d’une législation sur l’utilisation des armes explosives?
3. Si votre pays a été touché par un conflit ayant entraîné la présence de mines terrestres et de munitions non explosées:
3.1. Quelles mesures votre pays a-t-il prises aux fins de l’enlèvement de ces munitions?
3.2. Votre pays dispose-t-il d’une administration spécifique ou d’un autre type de structure chargée du déminage?
3.3. Votre pays dispose-t-il de données officielles sur les déplacements de population provoqués par la guerre et les conséquences laissées par la guerre, telles que la présence de mines terrestres et d’autres munitions non explosées?
3.4. Votre pays dispose-t-il de données sur les populations qui n’ont pas pu regagner leurs foyers en raison d’une guerre actuelle ou passée ayant engendré les conséquences susmentionnées?
34. La consultation a montré que la plupart des États membres et observateurs du Conseil de l’Europe sont parties à divers accords de DIH et traités connexes concernant les armes explosives et leur interdiction, avec des différences en fonction des accords. La non-ratification par certains pays 
			(25) 
			Notamment
l’Andorre, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, Israël, Malte,
la République de Moldova, Monaco, Saint-Marin et la Türkiye. est le reflet de divergences en termes de priorités et de considérations de sécurité, qui peuvent parfois s’expliquer par leur histoire moderne. Certains États ont déclaré s’être acquittés des obligations internationales découlant de ces traités. Entre autres exemples, la Croatie a satisfait à son obligation de détruire les stocks existants d’armes à sous-munitions et poursuit la dépollution des zones contaminées par ces armes. Chypre et la Hongrie ont déclaré avoir achevé toutes les opérations de déminage imposées par la Convention sur l’interdiction des mines antipersonnel. En ce qui concerne la législation nationale relative à l’utilisation d’armes explosives, la plupart des États membres 
			(26) 
			Albanie, Allemagne,
Andorre, Autriche, Belgique, Bosnie-Herzégovine, Bulgarie, Chypre,
Croatie, Espagne, Estonie, Finlande, France, Géorgie, Grèce, Hongrie,
Irlande, Italie, Islande, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte,
Monténégro, République de Moldova, Macédoine du Nord, Norvège, Pays-Bas,
Pologne, Portugal, Serbie, Slovaquie, Slovénie, Suède, Suisse, Türkiye
et Canada. ont déclaré avoir mis en place un cadre juridique national complet réglementant la possession et l’utilisation d’armes et de substances explosives.
35. En ce qui concerne les États touchés par des conflits ayant engendré la présence de mines terrestres et de munitions non explosées, de nombreux répondants 
			(27) 
			Allemagne,
Autriche, Estonie, Finlande, France, Grèce, Italie, Luxembourg,
Norvège, Pologne, République de Moldova, Slovaquie, Slovénie et
Suède. ont indiqué que le conflit armé le plus récent qui avait affecté leur territoire et laissé derrière lui des mines terrestres et des munitions non explosées était la Seconde Guerre mondiale. De nombreux États qui ont été touchés par la première et la seconde guerre mondiale continuent de faire face au fardeau des munitions non explosées et des autres restes de guerre présents sur leurs terres et dans leurs eaux territoriales, qui continuent de faire des morts et des blessés, en dépit d’actions de déminage continues.
36. Plusieurs États membres ont été touchés par des conflits plus récents. Tel est le cas de la Lettonie et de la Lituanie, où des engins explosifs ont été abandonnés par les forces d’occupation de l’armée soviétique sur leurs anciens champs de tir et bases militaires. En Hongrie, la contamination des territoires par des mines et des munitions est due non seulement à la seconde guerre mondiale, mais aussi aux conflits serbo-croates plus récents (1991-1992, 1994-1995). En outre, tous les États de l’ancienne République fédérative socialiste de Yougoslavie ont été contaminés par des munitions non explosées à la suite du conflit de 1992-1995 lié à l’éclatement de l’ex-Yougoslavie (Bosnie-Herzégovine, Croatie, Monténégro, Macédoine du Nord, Serbie et Slovénie). En Croatie, le Service de la lutte antimines de l’ONU a estimé à 13 000 kilomètres carrés le territoire potentiellement contaminé par des munitions explosives, ce qui représente près de 23 % du territoire du pays. La campagne de bombardements aériens menée par l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) en 1999 contre la République fédérale de Yougoslavie a également laissé derrière elle de nombreuses munitions non explosées, tout comme le conflit de 2001 en Macédoine du Nord avec les rebelles albanais. La consultation a également révélé qu’outre les conflits et les guerres, les exercices d’entraînement militaire et les incidents impliquant des munitions explosives transportées par des navires, des avions ou des véhicules ont également entraîné l’apparition de zones minées «historiques» qui contiennent encore des munitions non explosées.
37. En ce qui concerne les mesures prises par les États pour dépolluer les territoires contaminés par des munitions non explosées, plusieurs d’entre eux ont établi des plans d’action antimines spécifiques et mis en place des administrations ou institutions spécialement chargées du déminage. La Bosnie-Herzégovine a pris des mesures importantes et a promulgué une loi sur le déminage, assortie d’une stratégie de lutte antimines pour la période 2018-2025, parvenant ainsi à déminer plus des deux tiers des zones potentiellement dangereuses. La Croatie a mis en place un cadre spécifique pour le déminage, avec une loi sur la lutte antimines et une stratégie nationale de lutte antimines. En outre, la Croatie a élaboré des normes nationales fondées sur un ensemble de principes et de directives issues des Normes internationales de la lutte antimines et a créé le centre croate de la lutte antimines. À Chypre, l’autorité responsable des opérations de déminage est la Garde nationale. En Allemagne, la neutralisation des munitions explosives est principalement confiée aux autorités locales, et les Länder ont mis en place des services spéciaux en la matière. La Hongrie a élaboré un Programme de lutte antimines et la tâche de déminage est confiée au bataillon de déminage des forces armées hongroises. Au Monténégro, la réglementation définit les procédures en matière de traitement, de protection et d’élimination des armes et des matériaux explosifs (par exemple le manuel pour la protection contre les munitions non explosées). En Macédoine du Nord, l’institution nationale responsable de la protection contre les munitions non explosées est la Direction de la sécurité et des secours (recherches sur le terrain, détection et destruction des engins explosifs). La Roumanie dispose, au sein du ministère de la Défense, d’une structure spécifique chargée de l’élimination des munitions explosives, chargée d’intervenir et de neutraliser les munitions non explosées. La Türkiye a promulgué la loi sur les activités de déminage le long de la frontière terrestre, publié des procédures d’appel d’offres entre la République de Türkiye et la République arabe syrienne, et élaboré des mesures visant à informer le public et à éviter d’éventuels accidents dans les zones à risque. En outre, un plan de déminage a été lancé pour dépolluer le pays des mines terrestres, sous la direction du Centre national de déminage. Le Canada a élaboré des mesures d’information du grand public afin de réduire les risques liés aux munitions non explosées et adopté un programme relatif aux munitions explosives non explosées qui vise à identifier et répertorier les zones minées, à évaluer le danger et à réduire les risques liés aux munitions non explosées.
38. Dans certains pays dont les terres sont contaminées, des organismes internationaux comme l’ONU, des entreprises privées et des organisations de la société civile participent aux activités de déminage en collaboration avec les autorités nationales. C’est le cas en Géorgie avec le programme national de déminage élaboré en 2009 avec le soutien de HALO Trust. En Slovénie, l’Unité nationale de protection civile est chargée de la protection contre les munitions non explosées et se compose de 34 bénévoles formés, travaillant sous la direction de l’Administration slovène de la protection civile et des secours lors de catastrophes. En Macédoine du Nord, les institutions nationales ont reçu l’aide d’organismes internationaux, dont l’ONU, pour mener plusieurs actions de déminage dans des zones ciblées.
39. Au niveau international, plusieurs initiatives méritent également d’être citées. Par exemple, différentes autorités militaires de la région de la mer Baltique ont mis en place une coopération internationale baptisée BALTRON (Baltic Naval Force Squadron) visant à localiser les zones minées et à les déminer. En juillet 2023, le Premier ministre croate Andrej Plenković a annoncé un programme d’aide au déminage en faveur de l’Ukraine 
			(28) 
			<a href='https://mia.mk/en/story/pm-promises-croatias-help-to-ukraine-in-mine-clearance-and-war-crimes-prosecution'>https://mia.mk/en/story/pm-promises-croatias-help-to-ukraine-in-mine-clearance-and-war-crimes-prosecution</a>.. Évoquant environ 35 années d’activités de déminage sur un territoire nettement plus petit que celui de l’Ukraine, le Premier ministre croate a annoncé que son pays prévoyait d’achever le déminage des zones touchées par la guerre civile d’ici à 2026.
40. L’Agence de l’Union européenne pour la formation des services répressifs est chargée d’élaborer, de mettre en œuvre et de coordonner la formation des agents des services répressifs. En novembre 2023, l’Agence a développé une activité sur le terrain 
			(29) 
			<a href='https://www.cepol.europa.eu/training-education/80-2023-ons-european-explosive-ordnance-disposal-network'>www.cepol.europa.eu/training-education/80-2023-ons-european-explosive-ordnance-disposal-network</a>. visant à renforcer la lutte contre les dispositifs et explosifs chimiques, biologiques, radiologiques ou nucléaires, à destination des hauts fonctionnaires de police des centres de données sur les explosifs, des expert·es en criminalistique, des technicien·es en explosifs, des spécialistes des enquêtes sur les lieux d’explosion et des autres expert·es en matière d’explosifs.
41. Les signataires de la Déclaration politique de 2022 sur le renforcement de la protection des civils contre les conséquences humanitaires découlant de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées indiquent vouloir «assurer le marquage, l’enlèvement et le retrait ou la destruction des restes explosifs de guerre dès que possible après la fin des hostilités actives, conformément [à leurs] obligations en vertu du droit international applicable, et soutenir l’éducation aux risques». Le Réseau international sur les armes explosives 
			(30) 
			<a href='http://www.inew.org/'>www.inew.org</a>. constitue également un exemple en la matière. Ce réseau international de près de 50 ONG appelle à une action immédiate pour éviter les souffrances humaines liées à l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées. Ses organisations membres mènent des actions de recherche, d’élaboration de politiques et de plaidoyer afin d’améliorer la compréhension des problèmes découlant de l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées, et de mettre en lumière les mesures concrètes qui peuvent être prises pour y remédier.
42. Parlementaires pour la non-prolifération et le désarmement nucléaires 
			(31) 
			<a href='http://www.pnnd.org/'>www.pnnd.org/</a>. est un forum national et international non partisan pour les parlementaires qui vise à partager des ressources et de l’information, à élaborer des stratégies de coopération et à s’engager sur les questions de non-prolifération et de désarmement nucléaires. Le forum a publié un guide de l’action parlementaire en faveur du désarmement, pour la sécurité et le développement durable, rassemblant les textes législatifs nationaux applicables. Concernant les armes à sous-munitions, les mines terrestres et les armes explosives dans les zones peuplées, le guide rappelle le DIH applicable et contient des recommandations à l’intention des parlementaires et des parlements, visant à empêcher l’utilisation d’armes explosives à large rayon d’impact dans les zones peuplées.
43. HALO Trust 
			(32) 
			<a href='http://www.halotrust.org/'>www.halotrust.org</a>. est une organisation à but non lucratif qui œuvre au déminage des territoires, pendant et après les conflits. Elle emploie environ 10 000 personnes, dont 98 % sont issues de communautés ayant vécu dans des pays et territoires minés, ravagés par la guerre, dans lesquels HALO mène ses activités. L’organisation est intervenue au Kosovo* 
			(33) 
			* Toute référence au
Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit le territoire, les
institutions ou la population, doit se comprendre en pleine conformité
avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies
et sans préjuger du statut du Kosovo. dans les années 1990, en Géorgie en 2008, au Sri Lanka en 2009 et est aujourd’hui présente en Libye et au Yémen. HALO travaille à l’évaluation des zones dangereuses et procède à des opérations de déminage d’urgence afin d’empêcher que des personnes soient blessées et d’ouvrir l’accès à une aide vitale.

5. Assurer un retour volontaire, sûr, digne et durable des populations déplacées de force

44. Si le retour est souvent la solution préférée des réfugiés et des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, il n’est pas toujours possible. En effet, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte et déterminent la volonté et la capacité de regagner son foyer. Il s’agit notamment de l’absence d’amélioration des situations politique et sécuritaire dans le pays d’origine, du manque de possibilités économiques et d’emploi ou l’insuffisance de l’offre de services de base dans les zones touchées, qui peuvent empêcher le retour des personnes censées bâtir une nouvelle vie. Les politiques du marché du travail sont donc essentielles pour garantir une répartition efficace des ressources humaines dans les régions d’origine, que ce soit par le recensement des compétences et la planification ou par le renforcement des services d’intermédiation, c’est-à-dire de mise en relation de l’offre et de la demande de travail. Une autre mesure est la reconnaissance des qualifications, en particulier celles des pays de l’Union européenne, afin de permettre aux personnes déplacées qui ont acquis des compétences et des qualifications en dehors de leur pays d’origine de pouvoir les réutiliser dans leur parcours professionnel une fois rentrées chez elles. Un retour dans la dignité implique également de prendre en compte le contexte culturel, mais aussi les expériences vécues et les attentes des personnes avant et pendant le déplacement. Un retour dans la dignité n’est possible que si le contexte social, politique et économique est acceptable dans le pays d’origine 
			(34) 
			Voir par exemple <a href='http://www.fmreview.org/return/holloway'>www.fmreview.org/return/holloway</a> concernant les Rohingyas au Bangladesh et les Syriens
au Liban..
45. Il existe toutefois plusieurs obstacles qui entravent le retour des personnes déplacées de force. Ils se composent de trois éléments principaux: la sécurité et la sûreté globales dans les régions d’origine, ce qui comprend les restes explosifs de guerre; le niveau de destruction ou de reconstruction des infrastructures civiles et des logements; et le manque de services ainsi que l’accès problématique aux moyens de subsistance pour assurer un retour et une réintégration durables. Malgré ces obstacles et le temps passé loin de leur région d’origine, les personnes ukrainiennes déplacées expriment une forte détermination à rentrer 
			(35) 
			<a href='https://euobserver.com/opinion/158116'>https://euobserver.com/opinion/158116</a>..
46. La présence de mines terrestres et de munitions non explosées est un obstacle majeur au retour et à la réintégration des personnes déplacées de force. En outre, dans la plupart des cas, les mines terrestres et les munitions non explosées sont nombreuses et difficiles à quantifier et à localiser. Bien que les parties à un conflit soient tenues d’échanger des cartes indiquant l’emplacement des munitions explosives, la réalité est souvent très différente et les munitions non explosées contaminent massivement les zones urbaines et rurales.
47. Malgré la présence de ces restes explosifs de guerre, de nombreux civils ayant dû quitter leurs maisons et leurs terres à cause d’un conflit veulent rentrer chez eux. Le HCR a, par exemple, mené en 2023 
			(36) 
			<a href='http://www.unhcr.org/news/press-releases/unhcr-one-year-after-russian-invasion-insecurity-clouds-return-intentions'>www.unhcr.org/news/press-releases/unhcr-one-year-after-russian-invasion-insecurity-clouds-return-intentions</a>. une enquête sur la population ukrainienne qui a fui le pays depuis le début de la guerre d’agression. Cette enquête a révélé que, dans leur grande majorité, les réfugié·es et les ressortissant·es ukrainien·nes déplacé·es – respectivement environ 77 % et 79 % – désirent un jour rentrer chez eux et elles. Le rapport souligne que la crise des réfugiés ukrainiens se caractérise par un grand nombre de séparations familiales, de nombreux hommes de la famille restant en Ukraine, ce qui pose souvent des difficultés pour les personnes contraintes de fuir le pays et pour celles qui restent au pays sans soutien familial. La réunification familiale constitue le principal motif de retour définitif des réfugiés dans leur pays 
			(37) 
			<a href='http://www.unrefugees.org/news/full-scale-ukraine-war-enters-third-year-prolonging-uncertainty-and-exile-for-millions-of-displaced/'>www.unrefugees.org/news/full-scale-ukraine-war-enters-third-year-prolonging-uncertainty-and-exile-for-millions-of-displaced/</a>..
48. Concernant l’état des infrastructures civiles et des logements, la présence d’armes explosives dans les zones peuplées, mais aussi dans les zones agricoles, constitue un immense défi pour la reconstruction et le développement après un conflit. Elle a un impact sur la disponibilité et l’accès aux services essentiels qui permettent de subvenir aux besoins élémentaires (électricité, eau et assainissement, soins de santé, éducation, possibilités d’emploi et logement convenable), des services généralement gravement perturbés par la guerre et dont la défaillance affecte in fine les conditions de vie ainsi qu’un retour et une réintégration durables.
49. Le rapatriement volontaire dans la sécurité et la dignité est ainsi la seule solution durable traditionnelle ancrée dans le droit international des droits de l’homme. Le concept de volontariat est implicite dans le principe de non-refoulement, qui est la pierre angulaire de la protection des réfugiés. Il est important de reconnaître la capacité des personnes déplacées de force à prendre des décisions en connaissance de cause pour déterminer si le retour est dans leur intérêt. Pour garantir la centralité de la voix des réfugiés dans les discussions sur leur avenir, le HCR dirige la mise en œuvre régulière d’enquêtes sur les intentions des réfugiés, des déplacés internes et des rapatriés, en recueillant des données primaires sur leur situation actuelle et leurs intentions, ainsi que les facteurs qui influencent leur prise de décision 
			(38) 
			Voir par exemple «Intentions
et perspectives des réfugiés et personnes déplacées internes d’Ukraine
#4», <a href='https://data.unhcr.org/en/documents/details/101747'>https://data.unhcr.org/en/documents/details/101747</a> (disponible en anglais uniquement)..
50. Concernant les instruments internationaux applicables, le Protocole n°4 de 1963 à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 46) et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966) disposent que nul ne peut être arbitrairement privé du droit d’entrer dans son propre pays, et la Convention IV de Genève prévoit que les personnes évacuées seront transférées dans leurs foyers dès que les hostilités auront cessé dans la zone en question. Cela a été confirmé par le DIH, par le biais de la règle 132 sur le retour des personnes déplacées 
			(39) 
			<a href='https://ihl-databases.icrc.org/en/customary-ihl/v1/rule132'>https://ihl-databases.icrc.org/en/customary-ihl/v1/rule132</a>., qui s’impose comme une norme du droit international coutumier, applicable aux conflits armés internationaux et non internationaux, dans la pratique des États. Cette règle est complétée par la règle 133, qui impose le respect des droits de propriété des personnes déplacées. Le Conseil de sécurité de l’ONU, l’Assemblée générale des Nations Unies et la Commission des droits de l’homme de l’ONU ont rappelé à de nombreuses reprises le droit des réfugiés et des personnes déplacées de regagner leur foyer librement et dans la sécurité. Les Principes directeurs du HCR relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays indiquent que «le déplacement ne doit pas durer plus longtemps que ne l’exigent les circonstances». Ils affirment aussi le droit des personnes déplacées de retourner volontairement dans une autre partie du pays. Selon les bases de données de DIH, aucune pratique contraire officielle n’a été trouvée 
			(40) 
			A
propos du HCR et du rapatriement librement consenti, page dédiée: <a href='https://www.unhcr.org/fr/nos-activites/construire-de-meilleurs-avenirs/solutions-durables/rapatriement-librement-consenti'>www.unhcr.org/fr/nos-activites/construire-de-meilleurs-avenirs/solutions-durables/rapatriement-librement-consenti</a>. Voir aussi le Manuel pour les activités de rapatriement
et de réintégration: <a href='https://www.unhcr.org/fr/media/manuel-pour-les-activites-de-rapatriement-et-de-reintegration'>www.unhcr.org/fr/media/manuel-pour-les-activites-de-rapatriement-et-de-reintegration</a>..
51. Pour lever les obstacles au retour, il faut donc tenir compte de ces multiples aspects. Ceux-ci sont néanmoins indépendants de la psychologie et de la volonté des personnes déplacées de rentrer chez elles, par exemple pour relancer l’activité économique et bâtir une nouvelle vie, reconstruire les logements, faire fonctionner les écoles et les hôpitaux, réparer les routes, et répondre à tous les autres besoins immenses de leur pays dans la période d’après-guerre. Le retour peut apporter un capital de ressources humaines bénéfique à l’économie du pays, faisant revenir les compétences nécessaires sur le lieu de travail d’origine et stimulant la productivité des secteurs public et privé.

6. Conclusion et recommandations

52. Assurer le retour volontaire, sûr, digne et durable des populations suppose des politiques efficaces de dépollution des territoires contaminés par des mines terrestres et des munitions non explosées. Il n’existe pas de solution simple pour le retour des personnes déplacées de force. De nombreux facteurs doivent être pris en compte avant d’envisager cette option. Au-delà des obstacles pratiques présents dans les régions d’origine, le traumatisme et d’autres aspects personnels et psychosociaux doivent également être pris en considération. Il est donc inutile de forcer les réfugiés qui ont fui les guerres et les restes explosifs de guerre à regagner leurs foyers. En ce qui concerne les mines terrestres et les munitions non explosées, les pouvoirs publics doivent avant tout donner des orientations claires visant à garantir la dépollution des terres, des zones agricoles et des zones urbaines contaminées par des restes explosifs de guerre, par le biais d’une législation et d’une pratique appropriées.
53. La réponse au problème des déplacements forcés de populations civiles passe également par des politiques d’évitement. Les forces armées devraient éviter d’utiliser des armes explosives dans les zones peuplées, en particulier des armes à large rayon d’impact, en adoptant des mesures visant à réduire ces effets de zone afin d’atténuer les risques pour les populations civiles. L’atténuation des dommages causés aux populations civiles commence par la conception des armes, en vue de minimiser les dommages collatéraux lorsque sont ciblés des objectifs militaires. Par ailleurs, et comme l’a souligné le CICR, les États devraient encourager les bonnes pratiques, l’expérience acquise et les enseignements tirés concernant le choix et l’utilisation de moyens et méthodes de guerre en zones peuplées, y compris les restrictions spécifiques à l’utilisation d’armes explosives, en particulier celles à large rayon d’impact, ainsi que les armes et tactiques alternatives.
54. La dépollution des terres et des mers contaminées par les munitions non explosées n’est donc possible que grâce aux efforts conjoints des autorités publiques et des forces armées. Les États devraient ratifier les conventions sur les mines terrestres et les armes à sous-munitions, si ce n’est déjà fait, et mettre en œuvre les mesures prévues par ces conventions, notamment en interdisant les investissements dans les industries des armes à sous-munitions et des mines terrestres. Les États devraient également élaborer des stratégies et des cadres globaux en vue d’adopter les systèmes et méthodes les plus appropriés pour le déploiement des armes explosives ainsi que pour détecter, prouver, examiner, éliminer et analyser l’utilisation, la fréquence et l’impact des munitions explosées et non explosées pendant ou après les conflits. Les autorités devraient par ailleurs mettre l’accent sur la dimension environnementale lors de la dépollution des territoires contaminés par les mines terrestres et les munitions non explosées.
55. Dans son mémorandum sur les conséquences de la guerre en Ukraine en matière de droits humains 
			(41) 
			<a href='http://www.coe.int/fr/web/commissioner/-/the-commissioner-publishes-her-memorandum-on-the-human-rights-consequences-of-the-war-in-ukraine'>www.coe.int/fr/web/commissioner/-/the-commissioner-publishes-her-memorandum-on-the-human-rights-consequences-of-the-war-in-ukraine</a>., Dunja Mijatović, alors Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, a déploré que des civils soient apparemment blessés quotidiennement par des restes explosifs de guerre, bien que certaines zones aient été signalées par des panneaux d’avertissement. Elle a souligné l’importance d’informer la population, notamment les personnes déplacées, de ces dangers et de fournir une assistance et une expertise internationales en matière de déminage.
56. Les États devraient élaborer des campagnes d’information sur le comportement que les populations civiles devraient adopter face à des mines terrestres et des munitions non explosées, de manière à leur apprendre à reconnaître les restes potentiellement explosifs de guerre. Les autorités compétentes devraient également développer la formation des membres des forces de l’ordre concernant leur comportement à l’égard des mines terrestres et des munitions non explosées, et concernant la sécurité des populations civiles 
			(42) 
			<a href='http://www.cepol.europa.eu/'>www.cepol.europa.eu</a>.. Ces campagnes d’information devraient également être axées sur la protection de l’environnement dans le cadre de la dépollution des zones contaminées par des munitions non explosées après la fin d’un conflit. Des politiques spécifiques devraient être mises en œuvre en faveur des femmes et des enfants, en tenant compte de leur vulnérabilité particulière face aux mines terrestres et aux munitions non explosées, notamment en leur apprenant à reconnaître les restes explosifs de guerre et en les informant sur le comportement à adopter dans ce type de situation.
57. Favoriser le retour peut passer par un processus mené par un État ou un groupe d’États qui initient l’adoption d’un engagement politique. À cet égard, les Nations Unies recommandaient, dans un communiqué publié le 5 juin 2022 
			(43) 
			<a href='https://news.un.org/en/story/2022/06/1119552'>https://news.un.org/en/story/2022/06/1119552</a>., l’adoption d’une déclaration politique sur l’utilisation d’armes explosives dans les zones peuplées visant à réduire les dommages humanitaires qui en découlent, et affirmant que la guerre ne peut pas être menée de la même façon en zones peuplées que sur un champ de bataille en terrain découvert. «Les États devraient s'engager à élaborer des politiques opérationnelles fondées sur une présomption contre l'utilisation d'armes explosives dans les zones peuplées afin de favoriser un changement de comportement, de promouvoir des mesures concrètes pour protéger les civils et, finalement, de renforcer le respect du droit international humanitaire».
58. Dans le cadre d’une stratégie de rapatriement volontaire, et lorsque des questions complexes, telles que la présence de différentes ethnies, sont en jeu, il serait souhaitable de mettre en place des accords susceptibles de contribuer utilement à vérifier que le retour est à la fois sûr et volontaire. En fonction des particularités de chaque situation, ces accords pourraient associer les gouvernements des pays d’accueil et d’origine, des représentants de la population déplacée, ainsi que le HCR avec son mandat international de recherche de solutions durables pour les réfugiés, et la société civile.
59. Enfin, les États membres devraient prendre ou développer davantage les mesures concrètes visant à faciliter le retour et la réinstallation volontaires, sûrs, dignes et durables des personnes déplacées de force. Outre la dépollution des zones contaminées par des mines terrestres et des munitions non explosées, il convient de fournir une assistance pour répondre aux besoins élémentaires des populations (logement, nourriture, eau, assainissement, soins médicaux). Cela comprend en outre la reconstruction des infrastructures civiles, notamment la remise en état des écoles, ainsi que la distribution d’outils de construction, d’articles ménagers et d’outils agricoles, de semences et d’engrais. Les États devraient également stimuler le marché de l’emploi par des mesures incitatives telles que la reconnaissance des qualifications acquises à l’étranger et des programmes d’éducation et de formation professionnelle. Le DIH indique aussi que, dans certains cas, des personnes déplacées (ou leurs représentants) ont été autorisées à visiter la zone avant le retour proprement dit, afin d’évaluer la situation en termes de sécurité et de conditions matérielles.
60. Les objectifs et les recommandations du présent rapport font écho à la Déclaration de Reykjavík de 2023 et relèvent pleinement de la nouvelle priorité du Conseil de l’Europe visant à établir un lien entre les droits humains et l’environnement. Le rapport demande en particulier aux États membres de renforcer la protection des droits humains par la protection de l’environnement en les invitant à intégrer la dimension environnementale dans la lutte contre la dépollution des territoires contaminés par des munitions non explosées après la fin d’un conflit.