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Rapport | Doc. 16002 | 10 juin 2024

Un appel urgent à l’Europe et à ses partenaires: envisager des solutions politiques immédiates et à long terme en soutien aux personnes déplacées d’Ukraine

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteure : Mme Lise SELNES, Norvège, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15909, Renvoi 4787 du 26 janvier 2024. 2024 - Troisième partie de session

Résumé

Depuis le début de la guerre d’agression de la Russie du 24 février 2022, plus de 5,9 millions de citoyens ukrainiens se sont réfugiés en Europe, et plus de 500 000 se sont déplacés en dehors de l’espace européen. En outre, l'Ukraine compte environ 5 millions de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays (PDI).

Tout en soulignant qu'il est essentiel de conserver une approche centrée sur les personnes dans l'élaboration des politiques en temps de crise, la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées lance un appel aux États européens pour qu’ils autorisent la prolongation de la durée de la protection temporaire initialement convenue, ou l'ouverture de nouvelles voies pour assurer une présence régulière et juridiquement sûre des populations d'Ukraine sur leur territoire et faciliter l’accès aux droits pour les demandeurs d'asile.

L’Assemblée parlementaire devrait appeler à un soutien accru aux mesures visant à aider les personnes déplacées à l'intérieur de l'Ukraine, notamment la mise à disposition rapide d'une aide humanitaire, en mettant particulièrement l'accent sur les besoins des enfants déplacés à l'intérieur du pays et de leurs familles.

En ce qui concerne les personnes déplacées à l'extérieur de l’Ukraine bénéficiant d'une protection temporaire en Europe, les États membres de l'Union européenne devraient accorder aux Ukrainiens qui bénéficient d'une protection temporaire un droit de séjour régulier dans le pays d'accueil à l’issue d’une période de résidence de trois ans.

L’Assemblée devrait appeler à la libération des personnes déplacées de force ou déportées vers la Fédération de Russie et le Bélarus et souligne la nécessité de renforcer la coopération entre les différentes parties et les mécanismes pour aider au retour des enfants déplacés de force. Les interventions de tiers peuvent offrir des garanties d'impartialité et d'efficacité.

A. Projet de résolution

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1. L'Assemblée parlementaire est consternée par la poursuite de la guerre d'agression totale menée par la Fédération de Russie contre l'Ukraine et profondément attristée par ses conséquences dévastatrices. Les massacres, les destructions, les enlèvements et la terreur constante auxquels le peuple ukrainien est soumis doivent cesser immédiatement. L'histoire a démontré à maintes reprises qu'aucun État ou empire ne peut durer lorsqu’il utilise la coercition militaire pour imposer son pouvoir. Les États membres du Conseil de l'Europe doivent rester unis pour exprimer leur condamnation résolue de la politique agressive du régime dictatorial russe contre ses voisins et l'Europe dans son ensemble.
2. Depuis le début de l'agression militaire de haute intensité menée par la Fédération de Russie le 24 février 2022, des millions d'Ukrainiens ont quitté leurs foyers pour chercher refuge. Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), à la fin du mois de février 2024, soit deux ans plus tard, plus de 5,9 millions de citoyens ukrainiens ont trouvé refuge en Europe, et plus de 500 000, en dehors de l’espace européen. En outre, l'Ukraine compte environ 5 millions de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays (PDI).
3. L'Assemblée souligne qu'il est essentiel de conserver une approche centrée sur les personnes dans l'élaboration des politiques en temps de crise. Compte tenu de l'importance de trouver un juste équilibre entre la protection des civils touchés par la guerre et le renforcement de la capacité de l’État à se défendre lorsque son existence est menacée, il convient d'accorder une attention appropriée aux conséquences des mesures prises sur l'ensemble de la population ukrainienne. La vie et la dignité de millions de personnes en dépendent.
4. L'Assemblée souligne la nécessité de fournir une protection adéquate pour aider la population ukrainienne à surmonter la douleur et la souffrance ainsi que les difficultés qui l'ont contrainte à quitter ses foyers, ses communautés locales et son pays. Les États devraient faire tout leur possible pour aider l'Ukraine à soutenir sa population, où qu'elle se trouve: à l'intérieur de l'Ukraine, où elle se bat pour protéger l'intégrité de son pays, ou à l'étranger, en Europe ou ailleurs. Il faut en particulier faire davantage pour libérer les personnes qui sont retenues en captivité ou qui ont été déportées vers l'État occupant.
5. L'Assemblée félicite les États membres du Conseil de l'Europe qui ont pris des mesures immédiates pour protéger les personnes qui ont fui les attaques meurtrières de la Fédération de Russie. Elle se félicite également de la solidarité des États membres de l'Union européenne, qui a permis d’accueillir environ 4,5 millions de personnes sur leur territoire, à la fin février 2024, dans le cadre de la Directive 2001/55/CE de l'Union européenne relative à la protection temporaire. Or, la guerre d'agression que continue de mener la Fédération de Russie contre l'Ukraine empêche des millions d'Ukrainiens de rentrer chez eux. L'Assemblée appelle donc les États membres de l'Union européenne à autoriser la prolongation de la durée de la protection temporaire initialement convenue, ou l'ouverture de nouvelles voies pour assurer une présence régulière et juridiquement sûre des populations d'Ukraine sur leur territoire, en facilitant leur accès aux droits disponibles pour les demandeurs d'asile. Les États membres du Conseil de l'Europe qui ne font pas partie de l'Union européenne sont encouragés à mettre en œuvre des mesures similaires.
6. L'Assemblée suivra de près l'évolution de la situation en Ukraine en vue d'aider, étape par étape, des groupes spécifiques de personnes. La présente résolution définit le cadre des mesures qui cibleront spécifiquement les groupes suivants: les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, les personnes qui ont fui la guerre d'agression et qui sont maintenant sous protection temporaire en Europe, et celles qui ont été déplacées de force ou déportées vers la Fédération de Russie et le Bélarus, y compris les prisonniers de guerre.
7. En ce qui concerne les personnes déplacées à l’intérieur de l’Ukraine, l’Assemblée note que tout le monde n’a pas pu ou n’a pas voulu quitter le pays en quête d’un lieu sûr. Beaucoup sont restés en Ukraine pour défendre leur pays et soutenir leurs proches au front, parfois en payant le prix fort.
8. L'Assemblée se doit d’agir résolument pour contribuer à la protection des PDI en Ukraine. Elle demande la mise à disposition rapide d'une aide humanitaire suffisante pour garantir la sécurité et la protection de ces personnes. L'Assemblée se félicite de la contribution de l'Union européenne au soutien humanitaire à l'Ukraine. Elle note que le 20 mars 2024, la Commission européenne a versé les 4,5 premiers milliards € d'aide au titre de la nouvelle «Facilité pour l’Ukraine» de l'Union européenne. Ce versement permettra à l'Ukraine de continuer à payer les salaires et les pensions et de fournir des services publics de base afin que le pays puisse concentrer tous ses efforts sur la victoire
9. L'Assemblée déplore les difficultés rencontrées par les enfants déplacés à l'intérieur du pays, qui sont en outre traumatisés par les bombardements incessants de la Fédération de Russie. Des mesures de protection spécifiques doivent être mises en place à leur intention, comme indiqué dans la Résolution 2529 (2024) et la Recommandation 2265 (2024) «La situation des enfants d'Ukraine» et la Résolution 2448 (2022) «Conséquences humanitaires et déplacements internes et externes en lien avec l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine».
10. L'Assemblée appelle les parlements des États membres à renforcer leur soutien politique pour réaliser les objectifs du Plan de réponse humanitaire pour l'Ukraine, en mettant particulièrement l'accent sur les besoins des enfants déplacés à l'intérieur du pays et de leurs familles. Les estimations indiquent que pour 2024 un montant total d'environ 5 milliards $US est nécessaire pour aider les communautés touchées par la guerre en Ukraine ainsi que les réfugiés ukrainiens et leurs communautés d'accueil dans la région.
11. La mise en œuvre de la politique nationale de l'État ukrainien en matière de déplacement interne pour la période allant jusqu'en 2025 devrait bénéficier du financement et du soutien opérationnel nécessaires. Des abris suffisamment protégés doivent être mis à disposition et leur emplacement doit être porté à la connaissance des PDI, qui ne connaissent pas toujours leurs nouvelles zones de résidence à l’intérieur de l’Ukraine. En outre, le soutien aux bénévoles et aux organisations humanitaires, y compris les organisations de la société civile et d'autres groupes locaux travaillant en Ukraine, doit être renforcé afin qu'ils puissent continuer à aider les PDI.
12. L'Assemblée se félicite de la Déclaration adoptée par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe le 26 mars 2024, dans laquelle il «appelle les villes et les régions européennes à continuer à se mobiliser et à fournir une aide financière, sécuritaire et humanitaire à grande échelle à leurs homologues ukrainiens, et les invite à étudier les possibilités d'établir des partenariats directs et multiformes avec les villes et les régions ukrainiennes, idéalement dans une perspective à long terme, et à s’attacher à éliminer tout obstacle bureaucratique à cette aide». Les États membres devraient continuer à apporter leur soutien aux PDI en Ukraine dans le cadre des programmes de coopération mis en place par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et d'initiatives en faveur de la démocratie locale, par exemple le programme «Cités interculturelles» du Conseil de l'Europe.
13. Les programmes de soutien à long terme des PDI qui vivent en Ukraine devraient inclure une assistance financière pour faciliter l'accès au logement social ainsi que des prêts pour la reconstruction de logements privés. En outre, les PDI qui souhaitent créer des entreprises dans leur nouveau lieu de résidence ont besoin d'un soutien financier qui peut prendre la forme d’un microfinancement ou de lignes de crédit à faible taux d'intérêt. L'Assemblée se félicite de l'adhésion de l'Ukraine, en juillet 2023, à la Banque de développement du Conseil de l'Europe (CEB), qui permet à celle-ci d’accorder des subventions à l'aide d'urgence et à l'intégration à long terme des réfugiés ukrainiens dans les communautés d'accueil, ainsi que des mesures spécifiques en faveur des PDI en Ukraine.
14. L'Assemblée souligne l'importance d'intensifier les initiatives pour aider l'Ukraine à se défendre et à consolider et reconstruire sa société dans le but d'accroître sa force et sa résilience face aux défis présents et futurs. Investir dans la résilience de l'Ukraine revient à investir pour rendre l'ensemble de l'Europe plus forte et dotée d’une frontière occidentale mieux protégée, conformément aux décisions de l'Union européenne d'accorder à l'Ukraine le statut de candidat à l'adhésion. Les mesures énoncées dans la Résolution 2539 (2024) et la Recommandation 2271 (2024) de l'Assemblée «Soutien à la reconstruction de l'Ukraine» constituent un excellent plan d'action.
15. En ce qui concerne les personnes déplacées à l’extérieur de l’Ukraine bénéficiant d’une protection temporaire en Europe, l'Assemblée se félicite de la décision de l'Union européenne d'activer la Directive 2001/55/CE relative à la protection temporaire pour l'Ukraine. Elle soutient les propositions qui ont pour but de prolonger la validité de la directive, qui doit expirer en mars 2025, ou de trouver une solution de résidence à plus long terme pour les citoyens ukrainiens qui vivent actuellement sur le territoire de l'Union européenne, tout en assurant et en garantissant la capacité de l'Ukraine à continuer à se défendre elle-même et à reconstruire sa société, en comptant sur la participation de ses citoyens, notamment ceux qui se trouvent actuellement à l'extérieur du pays.
16. L'Assemblée réaffirme les droits de toutes les personnes, y compris les bénéficiaires de la protection temporaire, de demander l'asile à tout moment, tels que protégés par le droit international, le droit de l'Union européenne et reconnus par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne.
17. À cette fin, les États membres de l'Union européenne peuvent examiner la possibilité d'accorder aux Ukrainiens qui bénéficient d'une protection temporaire un droit de séjour permanent dans le pays d'accueil à l’issue d’une période de résidence de trois ans, indépendamment de l'âge, du sexe, du handicap, de la religion ou d'autres situations. L'Assemblée se félicite des décisions prises dans ce sens par certains États membres du Conseil de l'Europe non-membres de l'Union européenne dans le cadre des systèmes juridiques nationaux. En ce qui concerne les Ukrainiens qui ont changé de pays d'asile, les États pourraient également accorder une résidence permanente dans le nouveau pays d'accueil au terme d’une période de résidence de trois ans, à condition que le pays d’accueil estime que cette période est suffisante pour l'intégration dans un nouveau lieu de résidence.
18. L'avenir de la population ukrainienne qui a cherché refuge dans d'autres pays européens doit être considéré dans la perspective à long terme de l'adhésion future du pays à l'Union européenne. Accorder une résidence de longue durée à ces futurs citoyens de l'Union européenne leur permettrait de s'intégrer plus rapidement et de mieux contribuer au renforcement de l'Union européenne dans son ensemble, en particulier face aux défis géopolitiques auxquels notre continent est aujourd'hui confronté en raison de l'agression russe.
19. En ce qui concerne l'accès au marché de l’emploi, l'Assemblée réitère son appel à une planification politique visant à créer des possibilités d'emploi pour les personnes nouvellement arrivées, conformément à la Résolution 2502 (2023) de l'Assemblée «Intégration des migrants et des réfugiés: des avantages pour toutes les parties prenantes». Les États membres du Conseil de l'Europe sont encouragés à redoubler d'efforts pour offrir des possibilités d’emploi appropriées et reconnaître les qualifications obtenues en Ukraine, en proposant si nécessaire une formation continue pour améliorer les qualifications conformément à la législation du pays d'accueil.
20. L'Assemblée se félicite des mesures visant à faciliter l'accès à l'emploi et aux régimes de sécurité sociale ouverts en vertu de la Directive 2001/55/CE (article 12) relative à la protection temporaire, qui énonce que «[l]e droit commun en vigueur dans les États membres s'applique en ce qui concerne les rémunérations, l'accès aux régimes de sécurité sociale liés aux activités professionnelles salariées ou non salariées, ainsi que les autres conditions relatives à l'emploi.»
21. L'Assemblée appelle les États membres à assurer une protection appropriée aux personnes handicapées qui ont dû quitter l'Ukraine et qui sont maintenant sous protection temporaire en Europe. La reconnaissance mutuelle du statut d’handicapé, du degré de handicap et des certificats médicaux et d'invalidité est essentielle. Les États devraient également faciliter l'accès à une protection sociale adéquate et à des programmes de réadaptation pour ceux qui ont besoin d'aide.
22. L'Assemblée souligne l'importance de créer des opportunités pour les personnes déplacées d'Ukraine afin de préserver et de promouvoir leur patrimoine culturel. Ayant à l'esprit les travaux de l'Assemblée sur la manière de «Contrer l'effacement de l'identité culturelle en temps de guerre et de paix», elle recommande aux États membres qui accueillent temporairement des personnes déplacées d'Ukraine:
22.1. de faciliter leur accès à leur propre patrimoine, en encourageant les programmes d'échanges culturels, les partenariats, les collaborations artistiques conjointes et l'organisation de festivals et d'expositions culturelles;
22.2. de fournir une aide et des ressources aux artistes, écrivains, musiciens et autres professionnels de la culture en finançant des initiatives, des subventions et des programmes de résidence;
22.3. de promouvoir la langue ukrainienne, en soutenant les éditeurs indépendants, en facilitant les traductions de la littérature ukrainienne et en installant des étagères dédiées dans les bibliothèques.
23. En ce qui concerne, en particulier, le soutien aux enfants d’Ukraine vivant à l’étranger, les États pourraient faire davantage pour mieux réglementer, dans les pays d'accueil, la résidence, la circulation et la protection des droits des enfants d'Ukraine. Il conviendrait d’accorder une attention particulière aux enfants sans parents et aux enfants qui ont déménagé avec leurs tuteurs ou les personnes qui s'occupent d'eux, afin de garantir leurs droits d'accès à l'éducation, aux soins médicaux et à l'aide sociale en fonction de leur âge et de leurs conditions de vie. À cet égard, l'Assemblée appelle les États membres à mettre en œuvre les décisions convenues dans la Résolution 2529 (2024) et la Recommandation 2265 (2024) «La situation des enfants d'Ukraine».
24. Les États devraient accorder la priorité immédiate à l'enseignement de la langue ukrainienne aux enfants ukrainiens dans les établissements d'enseignement, compte tenu du rôle joué par la langue dans le soutien de l'identité nationale. Les États devraient renforcer la capacité de leurs systèmes éducatifs pour accélérer l'intégration des élèves et étudiants ukrainiens dans le système éducatif européen, en facilitant la reconnaissance mutuelle des qualifications et des diplômes. La coopération doit être renforcée pour faire en sorte que les résultats obtenus dans le système éducatif ukrainien soient reconnus dans les pays européens à un niveau équivalent. En cas de divergences dans les programmes d'enseignement, les États pourraient proposer des cours supplémentaires pour atteindre un niveau comparable et faciliter ainsi la reconnaissance de l'enseignement dispensé en Ukraine.
25. Les États peuvent favoriser la coopération technique entre les experts des États membres du Conseil de l'Europe afin d'affiner les politiques et les pratiques pour la protection des droits des enfants d'Ukraine résidant sur leur territoire, y compris en participant aux travaux du Groupe consultatif du Conseil de l'Europe sur les enfants d'Ukraine. Le Groupe consultatif a été créé dans le prolongement de la Déclaration de Reykjavík «Unis autour de nos valeurs», adoptée lors du 4e Sommet des Chefs d’État de gouvernement du Conseil de l’Europe, qui s’est tenu les 16 et 17 mai 2023.
26. En outre, en ce qui concerne le soutien aux personnes âgées d’Ukraine vivant à l’étranger, l'Assemblée note que de nombreuses personnes âgées ont dû fuir l'Ukraine et vivent maintenant à l'étranger dans une situation d'extrême vulnérabilité. Tout en reconnaissant les contraintes supplémentaires que cette situation fait peser sur les systèmes de sécurité sociale des pays d'accueil, l'Assemblée considère que les États peuvent identifier les moyens de soutenir les Ukrainiens âgés vulnérables, comme le recommande la Directive européenne relative à la protection temporaire 2001/55/CE (article 13), qui énonce que «[l]es États membres prévoient que les bénéficiaires de la protection temporaire reçoivent le soutien nécessaire en matière d'aide sociale et de subsistance, lorsqu'ils ne disposent pas de ressources suffisantes, ainsi que de soins médicaux. [...] le soutien nécessaire en matière de soins médicaux comprend au moins les soins d'urgence et le traitement médical essentiel.»
27. Accorder aux retraités ukrainiens le statut de retraité dans le pays d'accueil en leur fournissant l'aide sociale nécessaire, même temporairement, permettrait à ceux qui font face à de graves difficultés, qui ont perdu tous leurs moyens de subsistance et qui n’ont ni le temps, ni l'énergie, ni les ressources nécessaires pour se rétablir et reconstruire leur vie, de vivre dans la dignité.
28. Aider la génération plus âgée de l'Ukraine faciliterait également la transmission de la culture et de l'identité à la jeune génération. Sans ce soutien, les jeunes Ukrainiens qui vivent actuellement à l'extérieur du pays risquent de perdre leurs liens avec leur patrie, ce qui affaiblira l'avenir de l'Ukraine à l’issue de la guerre. Il convient donc de faire davantage pour promouvoir la solidarité intergénérationnelle afin d'aider l'Ukraine à rester forte pour les années à venir.
29. S’agissant de la mise en place de mesures similaires à celles de l’Union européenne dans les Etats membres du Conseil de l’Europe non membres de l’Union européenne, l'Assemblée prend note des initiatives déployées pour accueillir les personnes déplacées dans les États membres du Conseil de l'Europe non-membres de l'Union européenne qui ont fourni une protection immédiate et un abri temporaire à des centaines de milliers d'Ukrainiens, malgré les difficultés auxquels beaucoup de ces pays se sont heurtés en termes de capacité d’hébergement d'urgence ou d'aide d'urgence. L'Assemblée se félicite que des États non-membres de l'Union européenne continuent de participer à des opérations de secours et des programmes de réinstallation de réfugiés qui ont permis de trouver des solutions appropriées pour les millions d'Ukrainiens déplacés au-delà de l'Union européenne.
30. S’agissant de faciliter le retour et la réinstallation, l'Assemblée recommande que des mesures spécifiques soient prises pour préparer un retour en Ukraine après la guerre, comme indiqué dans la Directive de l'Union européenne relative à la protection temporaire 2001/55/CE (article 21), aux termes de laquelle «les États membres prennent les mesures nécessaires pour rendre possible le retour volontaire des personnes bénéficiant de la protection temporaire ou dont la protection temporaire a pris fin. Ils veillent à ce que les dispositions régissant le retour volontaire des personnes qui bénéficient de la protection temporaire facilitent leur retour dans le respect de la dignité humaine.»
31. L'Assemblée note que le retour des personnes déplacées dans leurs foyers ne peut pas se faire du jour au lendemain et peut nécessiter des années de préparation, un processus qui devrait commencer dès maintenant. Le retour exigera certainement une assistance financière pour faciliter la réinstallation, et la question des allocations de réinstallation et de réintégration sur une période donnée devra être réglée.
32. L'Assemblée recommande de lancer des programmes pour aider les diasporas ukrainiennes à tisser ou maintenir des liens avec l'Ukraine dans les pays hôtes en créant des centres culturels ukrainiens, en promouvant l'apprentissage des langues, la culture, l'histoire et en favorisant la coopération au sein de la communauté ukrainienne pour faciliter les retours futurs. Les dispositions de la Résolution 2388 (2021) et de la Recommandation 2207 (2021) de l'Assemblée «Pour une politique européenne relative aux diasporas» peuvent guider ces efforts.
33. L’Assemblée est vivement préoccupée par le sort des Ukrainiens qui se trouvent actuellement sur le territoire de la Fédération de Russie ou du Bélarus après avoir été déplacés de force ou déportés. Elle réitère son appel à prendre des mesures urgentes pour libérer ces personnes, comme le soulignent sa Résolution 2495 (2023) et sa Recommandation 2253 (2023) «Déportations et transferts forcés d’enfants et d’autres civils ukrainiens vers la Fédération de Russie ou les territoires ukrainiens temporairement occupés: créer les conditions de leur retour en toute sécurité, mettre fin à ces crimes et sanctionner leurs auteurs». L'Assemblée demande une nouvelle fois à la Fédération de Russie de libérer immédiatement toutes les personnes transférées de force en Fédération de Russie ou ailleurs.
34. L'Assemblée prend note de la réponse du Comité des Ministres à la Recommandation 2253 (2023) et souligne l’importance des travaux du/de la Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe ainsi que la nécessité de renforcer la coopération avec les organes compétents des Nations Unies, notamment le Comité des droits de l'enfant. Il est également important d'associer le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies et de chercher des réponses concernant le lieu où se trouvent les personnes ukrainiennes disparues, y compris celles qui ont été déplacées de force.
35. En ce qui concerne les enfants d’Ukraine déplacés de force, l’Assemblée note que les enfants ukrainiens ont subi des épreuves incroyables depuis le début de l’agression de la Fédération de Russie. Des mesures spécifiques doivent être mises en place pour aider les enfants retenus en Russie contre leur gré à retrouver leur famille en Ukraine ou ailleurs en Europe, comme l’a souligné l’Assemblée dans sa Résolution 2529 (2024) et sa Recommandation 2265 (2024) «Situation des enfants d’Ukraine». Les enfants privés de protection parentale doivent être renvoyés en Ukraine ou, avec l’accord de l’Ukraine, dans un autre État membre du Conseil de l’Europe. Toute décision concernant le retour ou le déplacement d’enfants privés de soins parentaux doit être guidée par l’intérêt supérieur de ces enfants, évalué sur une base individuelle, conformément au principe fondamental de la Convention relative aux droits de l’enfant.
36. Dans sa Résolution 2529 (2024), l'Assemblée a réitéré son appel à la Fédération de Russie et au Bélarus à «fournir aux autorités ukrainiennes ou à une partie tierce (un État ou une organisation internationale) des informations complètes et fiables sur le nombre et la localisation des enfants ukrainiens dans cette situation, leurs noms et prénoms, leur origine et la destination de la déportation, de façon à garantir leur retour en Ukraine en toute sécurité»; et à «assurer un accès sans entrave, immédiat et sécurisé aux enfants pour les représentants des organes compétents des Nations Unies et d’autres organisations et mécanismes internationaux d’intervention humanitaire et de protection des droits humains, comme le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF), le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), le Haut-Commissariat aux droits de l’homme et d’autres agences compétentes des Nations Unies, et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR)».
37. L'Assemblée souligne la nécessité de renforcer la coopération entre les différentes parties et les mécanismes pour aider au retour des enfants déplacés de force. Les interventions de tiers peuvent offrir des garanties d'impartialité et d'efficacité. Il est essentiel d’avoir accès aux territoires de la Fédération de Russie, et du Bélarus, ainsi qu’aux territoires ukrainiens occupés, pour accélérer le processus d’identification, de localisation et de rapatriement des enfants ukrainiens déportés et transférés de force.
38. L'Assemblée est prête à continuer de jouer son rôle de facilitateur dans la communication avec les différents acteurs et organisations internationaux qui agissent en faveur d'une recherche effective des enfants, fondée sur l'accès aux informations relatives à leur identité et aux conditions de leur déportation ou de leur transfert forcé. L'Assemblée soutiendrait, ainsi, la création éventuelle d'un réseau parlementaire sur la situation des enfants d'Ukraine, qui contribuerait à renforcer la coopération pour protéger les droits de ces enfants.
39. En ce qui concerne les prisonniers de guerre ukrainiens, l’Assemblée devrait examiner d’urgence cette question et les efforts déployés pour négocier leur libération. Les procès fallacieux organisés par les forces d'occupation de la Fédération de Russie contre des prisonniers de guerre ukrainiens doivent être interrompus, car ils sont illégaux en vertu du droit international humanitaire et du droit des droits de l'homme et ne sont pas conformes aux normes internationales minimales d'équité. L'Assemblée appelle à la libération et au retour immédiats en Ukraine des 33 soldats ukrainiens condamnés à des peines de longue durée dans une colonie pénitentiaire à l’issue des procès illégaux tenus le 8 février 2024 par la soi-disant «Cour suprême» de la «République populaire de Louhansk» dans la ville de Louhansk occupée par la Russie.
40. L'Assemblée demande à la Fédération de Russie de s'abstenir de prendre des mesures contraires aux Conventions (I à IV) de Genève et à leurs protocoles additionnels. L'Assemblée soutient fermement les mesures prises qui ont pour objectif de faciliter l'échange de prisonniers de guerre afin d'empêcher de nouvelles violences. Les meurtres de prisonniers de guerre ukrainiens non armés commis par l'armée de la Fédération de Russie à Avdiivka et dans le village de Vesele montrent que le comportement inhumain et extrêmement cruel de cette armée et de ses groupes militaires affiliés ainsi que le mépris manifesté de la Fédération de Russie pour le droit international humanitaire ne devraient pas être négligés par la communauté internationale.
41. À la suite de la déclaration écrite n° 778 (Doc. 15790) du 27 juin 2023 de membres de l'Assemblée, «Appel au Comité international de la Croix-Rouge et à la communauté internationale à exiger que la Fédération de Russie respecte pleinement le droit international humanitaire concernant les prisonniers de guerre ukrainiens», l'Assemblée rappelle à la Fédération de Russie que les règles et coutumes de la guerre convenues dans le droit international humanitaire codifié doivent être respectées pour éviter que les atrocités commises en temps de guerre dans le passé ne se reproduisent.
42. L'Assemblée appelle toutes les parties au conflit à prendre des mesures pour localiser les personnes disparues. Il est essentiel, pour la réconciliation future, d’aider les familles à retrouver leurs proches, ou à entamer leur processus de deuil si leurs proches ont péri pendant la guerre. Il faut faire davantage pour aider les familles dans ce processus. Les organisations humanitaires devraient être autorisées à fournir un soutien approprié sur cette question.
43. Enfin, l'Assemblée réaffirme qu'elle est prête à aider l'Ukraine à créer toutes les conditions nécessaires pour que les personnes déplacées d'Ukraine se sentent en sécurité et puissent rentrer chez elles dans l'avenir pour reconstruire l'Ukraine afin qu'elle continue d’affirmer résolument sa vocation européenne et de défendre les valeurs partagées par tous les États membres du Conseil de l'Europe.

B. Exposé des motifs par Mme Lise Selnes, rapporteure

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1. Introduction

1. Selon l’Organisation des Nations Unies, plus de 14,6 millions de personnes, soit 40 % de la population ukrainienne, auront besoin d'une aide humanitaire cette année. L'aide aux personnes déplacées en Ukraine est plus urgente que jamais. Les conséquences des déplacements internes et externes doivent être soigneusement évaluées pour concevoir et mettre en œuvre des solutions et un soutien politiques immédiats et à long terme. Les pays européens ont fait preuve d'humanité et de solidarité au lendemain de l'agression brutale de la Fédération de Russie, en protégeant la vie de millions d'Ukrainiens déplacés, en particulier des enfants, des femmes et des personnes âgées, et ils devraient continuer à le faire.
2. La Résolution 2448 (2022) de l'Assemblée «Conséquences humanitaires et déplacements internes et externes en lien avec l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine» et les précédentes Résolution 2214 (2018) et Recommandation 2126 (2018) sur «Besoins et droits humanitaires des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays en Europe» donnent des indications qui éclairent certaines des questions qui doivent être abordées, notamment la question de l'accès urgent au logement, à l'éducation et aux soins de santé des Ukrainiens déplacés à l'intérieur de leur propre pays, ainsi que la question de l’évaluation et du renforcement des dispositions existantes pour ceux qui bénéficient d'une protection temporaire en Europe et ailleurs.
3. Les États membres du Conseil de l'Europe peuvent prendre l’initiative. Selon les données de l'ONU, le plan de réponse humanitaire qui couvre les besoins des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, ainsi que les besoins immédiats de protection des réfugiés, n’est financé qu’à hauteur de 53 % à la fin 2023. L'Assemblée devrait signaler ce déficit et mobiliser le soutien nécessaire pour veiller à ce que les personnes déplacées d'Ukraine, où qu'elles se trouvent, soient en sécurité et protégées.
4. Le présent rapport définit le cadre des futures mesures ciblées. Il met en évidence les besoins de groupes spécifiques de personnes: les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays, les personnes qui ont fui la guerre d'agression et qui sont maintenant sous protection temporaire en Europe, et celles qui ont été déplacées de force ou déportées vers la Fédération de Russie et le Bélarus. La tragédie du déplacement marquera à jamais la vie de la population ukrainienne, et la communauté internationale devrait faire tout son possible pour veiller à ce qu'elle soit protégée face à l'adversité, indépendamment du lieu où se trouvent les personnes actuellement, et qu'elle puisse participer à la reconstruction et au relèvement de leur pays à la fin de la guerre.

2. Situation actuelle

2.1. Mesures pertinentes du Conseil de l’Europe

5. Le 16 avril 2024, la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a tenu un échange de vues avec la participation de M. Bjørn Berge, Secrétaire Général adjoint du Conseil de l'Europe, M. Dmytro Lubinets (en ligne), Commissaire aux droits de l'homme du Parlement ukrainien, et Mme Vilde Hernes, chercheuse principale à l'Institut norvégien de recherche urbaine et régionale (NIBR) de l'Université métropolitaine d'Oslo.
6. Le Secrétaire Général adjoint a noté que, depuis le début de la guerre d'agression totale de la Fédération de Russie, le Conseil de l'Europe a fait tout son possible pour soutenir l'Ukraine. Il a en effet commencé par exclure la Russie de l'Organisation avant de mettre en place un Plan d'action pour la «Résilience, relance et reconstruction de l'Ukraine». Ce plan inclut notamment des mesures dont l’objectif est de faire appliquer l'obligation de rendre des comptes et de reconnaître que sans justice, il ne peut y avoir de paix durable. Les mesures visant à garantir l'obligation de rendre des comptes comprennent les travaux effectués par le Conseil de l'Europe pour aider le procureur général ukrainien à mener des enquêtes sur les violations massives des droits humains et à mettre en place un Registre des dommages, qui est devenu pleinement opérationnel en avril 2024 et qui a déjà reçu plus d'un millier de demandes d'indemnisation. Il s’agit de la première étape, nécessaire, vers la mise en place d’un mécanisme international d'indemnisation dans lequel le Conseil de l'Europe est prêt à jouer son rôle, tout comme il soutient les travaux du Core group dans ses discussions sur la création d’un nouveau tribunal international sur le crime d'agression. Un autre élément essentiel, le soutien aux personnes déplacées d'Ukraine, découle directement de l'agression en cours commise par la Fédération de Russie et continuera de faire l’objet d’une attention soutenue en tenant compte de l’évolution de la situation sur le terrain. La violence a entraîné le déracinement de millions d'Ukrainiens, en particulier des femmes et des enfants, qui cherchaient à se mettre à l'abri.
7. Cette insécurité a poussé des millions de personnes à chercher un refuge dans d'autres États membres du Conseil de l'Europe. Beaucoup a été fait pour leur apporter le soutien dont ils ont besoin, mais les capacités d'accueil et les politiques à l'égard de ce groupe ont été très diverses. Le Secrétaire Général adjoint a rappelé les mesures prises par la/le Représentant·e spécial·e sur les migrations et les réfugiés pour se rendre dans les pays frontaliers qui comptent un grand nombre de réfugiés et pour aider à concevoir des mesures de suivi, notamment des mesures de renforcement des capacités, une assistance à la création de systèmes d'asile et d'accueil résilients et à long terme pour les migrants ainsi que la mise en place des soins psychologiques et médicaux professionnels qui sont si souvent nécessaires.
8. Le Secrétaire général adjoint a noté que le nombre d'Ukrainiens déplacés vers d'autres pays européens était proche de 4 millions, qui s’ajoutent aux 5 millions de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays. La réponse aux besoins des femmes victimes de violences liées au conflit est souvent fournie par les centres de premiers secours qui opèrent dans toute l'Ukraine et bénéficient de l'aide de juristes, de psychologues et de travailleurs sociaux. L'objectif est de créer ce type de centres dans d'autres pays pour y aider également les femmes ukrainiennes. Le réseau des correspondants sur les migrations du Conseil de l’Europe a également contribué au partage des bonnes pratiques et des solutions applicables sur le terrain, comme le fait de dispenser des conseils confidentiels en ukrainien et en russe, la mise en place de programmes de formation pour l'intégration sur le marché de l’emploi, une scolarisation plus simple et des fournitures scolaires gratuites. Des plateformes en ligne ont été créées pour que les citoyens puissent offrir différents types d'aide. Le réseau a également identifié les besoins ainsi que les difficultés actuels et à venir. Il s'agit notamment des installations d'accueil surpeuplées et du manque de personnel et de ressources consacrés aux Ukrainiens, des préoccupations liées à la traite des êtres humains, des difficultés à évaluer le marché de l’emploi et à trouver un emploi correspondant à son niveau d'études, des défis en matière d'intégration, y compris la fréquentation scolaire, la maîtrise de la langue et le logement. La nécessité d'améliorer les dispositions en matière de santé mentale est aussi fréquemment constatée. Les enfants font l'objet d'une attention particulière. Le Secrétaire général adjoint a salué la nouvelle coalition internationale pour le retour des enfants ukrainiens, coprésidée par le Canada et l'Ukraine, l”un des 10 points du plan de paix du Président Zelensky.
9. Lors du Sommet du Conseil de l'Europe qui s’est tenu à Reykjavik en mai 2023, les dirigeants européens ont publié une déclaration spécifique sur la situation des enfants en Ukraine afin de garantir les droits et l'intérêt supérieur des enfants touchés par la guerre. La déclaration présente des recommandations concrètes pour assurer la protection des enfants en Ukraine et ailleurs en Europe. En conséquence, l’Organisation a créé le Groupe consultatif sur les enfants d'Ukraine, qui est pleinement opérationnel depuis décembre 2023. Il prévoit une plateforme de coopération non politique qui coordonne les actions sur le terrain entre les experts ainsi qu'entre les États, l'Union européenne et les organisations internationales concernées. Jusqu'à présent, le groupe a mis en place trois groupes de dialogue thématique sur les sujets qu'il a jugés les plus urgents, à savoir les procédures et la coopération transnationales, la tutelle, le soutien psychologique et les soins tenant compte des traumatismes. Les groupes de dialogue continueront de se réunir plus tard cette année.
10. S’il apparaît nécessaire d'élaborer des stratégies en pleine guerre, il ne faut néanmoins jamais perdre de vue qu’elles sont conçues à l’intention de personnes qui ont subi des souffrances et des pertes en quittant leurs foyers, leurs communautés locales et leurs pays. Le Secrétaire général adjoint a souligné la responsabilité des pays d'accueil de fournir une aide et des soins appropriés aux personnes déplacées, et il a noté qu’une forte volonté politique ainsi que des moyens de communication technologiques et autres étaient des conditions qui favorisaient l’échange de bonnes pratiques et d’informations entre les États et qui permettaient d’élaborer des réponses optimales.

2.2. Questions soulevées par les autorités ukrainiennes

11. Lors de la même audition du 16 avril 2024, M. Lubinets, Commissaire aux droits de l'homme du Parlement ukrainien, a souligné que le monde était confronté au plus grand processus de migration depuis la seconde guerre mondiale. Des millions d'Ukrainiens ont été contraints de quitter leur foyer et de trouver refuge ailleurs. Depuis le 24 février 2022, selon le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), plus de 5,9 millions de citoyens ukrainiens ont trouvé refuge en Europe et plus de 500 000 se sont déplacés en dehors de l’espace européen. En outre, l'Ukraine compte environ 5 millions de personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays.
12. M. Lubinets a noté que le nombre de réfugiés pourrait encore augmenter à mesure que l'agression se poursuit. Il a demandé que l'Europe soit prête à continuer de soutenir l'Ukraine dans cette épreuve. Il a mis l’accent sur certaines difficultés, notamment le manque de compréhension de la législation de l'Union européenne ainsi que des aspects problématiques de la protection temporaire, du logement, de l'emploi et de l'éducation. Plusieurs points posent un problème. Dans certains pays, l’offre de logements est réduite, voire inexistante. La question de la double imposition des Ukrainiens qui sont sous protection temporaire et continuent de travailler à distance en Ukraine doit être abordée. Plusieurs questions ne sont pas encadrées réglementairement, notamment la reconnaissance mutuelle du statut d’handicapé et le degré ou groupe de handicap.
13. La reconnaissance des diplômes de l'enseignement supérieur, y compris les diplômes universitaires ukrainiens, doit également être abordée. Les enfants ukrainiens n'ont pas accès à l'éducation comme ils le devraient. De nombreux pays n'ont pas la capacité de fournir suffisamment de cours enseignés en ukrainien.
14. Les enfants d'âge scolaire doivent s'adapter à un environnement entièrement nouveau qu’ils peuvent considérer comme stressant. En outre, ils sont confrontés aux barrières linguistiques, aux écarts entre les méthodes pédagogiques et aux spécificités des programmes. Ils peuvent rencontrer des difficultés à assimiler l'enseignement qui doit être dispensé dans deux écoles, celle du pays d'accueil et celle de l'Ukraine. Il a cité l'exemple de la scolarisation en France, qui est obligatoire pour tous les enfants vivant en France, ainsi que la nécessité d’étudier dans une école ukrainienne afin d'obtenir les certificats d'études nécessaires pour un futur emploi en Ukraine. En raison de la charge de travail dans les écoles étrangères, tous les enfants ne peuvent pas étudier simultanément à distance dans les écoles ukrainiennes, ce qui les amène à manquer des cours et à ne pas suivre le programme d'études nécessaire à leur avenir.
15. Ce problème peut être résolu par la création d'écoles ukrainiennes à l'étranger ou d’«écoles du samedi», où les enfants peuvent suivre leur programme d'éducation ukrainien et apprendre la langue ukrainienne et l'histoire de l'Ukraine, matières qui ne sont pas enseignées dans les écoles de leur pays d'accueil.
16. Il a déploré que, dans certains cas, des enfants ukrainiens soient séparés de leurs représentants légaux dans d'autres pays. À la fin de 2023, les autorités ukrainiennes avaient été informées que 255 enfants avaient été séparés de leurs tuteurs légaux. M. Lubinets a expliqué qu’il dirigeait 75 procédures engagées à la demande de citoyens ukrainiens qui avaient été séparés de 178 enfants alors qu’ils se trouvaient à l'étranger. C’est en Italie, en Allemagne, en Suède, en Pologne et aux Pays-Bas que l’on compte le plus grand nombre d’enfants soustraits à leur tutelle. Il a mentionné l'exemple de grands-parents qui peuvent se déplacer librement avec leurs petits-enfants en Ukraine mais qui ne sont pas considérés comme des tuteurs légaux en Europe, car la base législative est différente. Face à ce problème, les services sociaux de certains pays européens ont été amenés à saisir un tribunal pour qu’un tuteur ou un garant soit désigné parmi les citoyens ukrainiens qui résident sur le territoire où ces enfants séjournent.
17. En général, l'analyse des informations liées aux recours des citoyens ainsi que des réponses des autorités compétentes sur cette question montre que les motifs les plus courants de la décision prise par les services sociaux de séparer des enfants de leurs parents et autres représentants légaux sont les suivants: le manque de documents pertinents des parents et autres représentants légaux, les différences qui existent entre la législation de l'Ukraine et celle des pays de l'Union européenne et le faible niveau des conditions matérielles et de vie des parents avec enfants. Il a souligné que les familles évacuées vivent souvent dans des centres de réfugiés, dont les conditions de vie sont mauvaises pour leurs enfants. Il convient donc d’apporter une aide sociale appropriée pour que les parents qui ont des enfants puissent s'acquitter de leurs responsabilités parentales en matière de garde d'enfants en vertu du droit des États membres de l'Union européenne.
18. M. Lubinets a évoqué les difficultés rencontrées pour obtenir des documents ukrainiens dans l'Union européenne. De nombreux Ukrainiens sont partis précipitamment à l'étranger avec les documents qu'ils avaient sur eux et qu’ils doivent renouveler après un séjour de près de deux ans dans un autre pays. Le Service national de l'immigration de l'Ukraine a ouvert plusieurs agences à Varsovie, Cracovie, Gdansk, Wroclaw, Istanbul, Prague, Bratislava, Milan, Valence, Madrid, Berlin, Cologne et Munich, ce qui pourrait s’avérer insuffisant car tous les Ukrainiens n'ont pas la possibilité de se rendre dans ces villes. Le Bureau du Médiateur, qui veut protéger les droits des Ukrainiens à l'étranger, effectuera également des visites de suivi dans les lieux de résidence temporaire des Ukrainiens pour évaluer la situation des droits humains dans le pays d’accueil.
19. L'assistance d'autres pays est parfois nécessaire. M. Lubinets a évoqué la nécessité d'élaborer un mécanisme de coopération convenu qui permettra aux personnes munies de documents ukrainiens évacuant les territoires temporairement occupés de franchir les points de contrôle d'autres pays après avoir été obligées de passer par le territoire de la Fédération de Russie. Il a appelé les pays de l'Union européenne à respecter les droits de ceux qui ont souffert de la guerre.
20. Compte tenu des défis qu'il a évoqués, il a appelé les membres de l'Assemblée à unir leurs forces et à adapter leur législation pour accroître le nombre de cours comprenant un enseignement de la langue ukrainienne et faciliter la reconnaissance des diplômes ukrainiens afin d'améliorer l'accès des citoyens ukrainiens à leur marché de l’emploi. En outre, il a souligné la nécessité d'une reconnaissance mutuelle du statut d’handicapé et du degré de handicap des Ukrainiens qui se trouvent actuellement en Europe.
21. Il a également mentionné la nécessité de réglementer la question de la double imposition des citoyens ukrainiens. Les gens ont quitté leurs domiciles et fui en raison des bombardements et de la violence. L'Ukraine doit d'abord mettre fin à l'agression russe, ce qui aidera les citoyens ukrainiens à retourner en Ukraine. Il a appelé les États membres du Conseil de l'Europe à continuer de soutenir l'Ukraine et le plan de paix du président ukrainien, en particulier le point 4 sur le retour de tous les prisonniers de guerre et des personnes déportées; à aider l'Ukraine à rétablir la justice et à punir les auteurs de crimes; et à participer à la réhabilitation des victimes de la guerre, tant civiles que militaires. Il a souligné que nul ne peut rester indifférent. La population ukrainienne a besoin de ce soutien maintenant. Il a conclu en remerciant les pays européens d'aider l'Ukraine et les a appelés à unir leurs forces pour lutter contre l'agression russe et défendre les valeurs démocratiques.
22. Le 18 avril 2024, la délégation ukrainienne auprès de l'Assemblée parlementaire a organisé une table ronde pour examiner la situation des victimes de disparitions forcées et la manière dont la Russie capture des civils ukrainiens et viole le droit international. Le Président de l'Assemblée, M. Theodoros Rousopoulos, a exprimé son ferme soutien aux victimes et a appelé à redoubler d'efforts pour aider l'Ukraine à faire face aux défis posés par la guerre d'agression de la Fédération de Russie. Il a d’ailleurs déclaré à l'ouverture de la partie de session d'avril que l'Ukraine connaissait sa troisième année de lutte courageuse contre l'agression brutale de la Russie et que, depuis quelques semaines, les forces russes visaient de plus en plus des infrastructures civiles essentielles sans se soucier du droit international régissant les conflits et encore moins de la vie humaine. «L'Ukraine mène cette guerre non seulement pour sa propre liberté et sa souveraineté, mais aussi pour notre liberté à tous. Elle se bat pour les valeurs des droits humains, de la démocratie et de l'État de droit, qui sont la pierre angulaire et la fierté de notre continent européen. Nous ne devons pas faiblir dans notre détermination à aider l'Ukraine. Nous ne devons pas hésiter, en ce moment critique, à soutenir l'Ukraine», a-t-il déclaré. Il a appelé tous les pays européens à doubler et tripler leurs efforts pour permettre à l'Ukraine de repousser l'envahisseur, de reprendre le contrôle de ses territoires illégalement occupés et de rétablir la paix fondée sur la justice sur tout son territoire. Au cours de la table ronde, des membres de familles de victimes de disparitions forcées ont fait des déclarations poignantes sur les tragédies vécues par leurs familles et ont demandé à l'Europe de les aider à défendre l'Ukraine et sa population.
23. Le 29 mai 2024, la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a tenu un échange de vues avec M. Pavlo Frolov, membre de la Verhovna Rada d'Ukraine et président de la Commission spéciale sur la protection des droits de propriété et non patrimoniaux des personnes déplacées à l’intérieur du pays et autres personnes touchées par l’agression armée de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Il a souligné qu'à la fin du mois de mai, plus de 4 millions de personnes en Ukraine avaient besoin d'une aide quotidienne, mais que seulement un million recevait une telle aide. De plus, les déplacés internes vivaient avec environ 50 à 70 € par mois, ce qui n'est pas suffisant pour louer des appartements dans un nouveau lieu de résidence. Les seuls choix qui restaient étaient de chercher refuge à l’étranger ou d’accepter de vivre dans les territoires occupés, mettant ainsi leur vie en danger. Il a appelé les États membres du Conseil de l'Europe à poursuivre leur soutien et a demandé que des fonds suffisants soient mis à la disposition de toutes les personnes déplacées en Ukraine.

3. Solidarité des États membres avec l'Ukraine pour répondre aux besoins des personnes déplacées

3.1. Le sort des personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays: la nécessité d'atteindre les objectifs d'aide humanitaire

24. Les personnes déplacées sont définies par les Principes directeurs des Nations Unies relatifs au déplacement de personnes à l’intérieur de leur propre pays (PDI) comme des «personnes ou des groupes de personnes qui ont été forcés ou contraints à fuir ou à quitter leur foyer ou leur lieu de résidence habituel, notamment en raison d’un conflit armé, de situations de violence généralisée, de violations des droits de l’homme ou de catastrophes naturelles ou provoquées par l’homme ou pour en éviter les effets, et qui n’ont pas franchi les frontières internationalement reconnues d’un État».
25. Les Principes directeurs affirment que les États ont la responsabilité première de prévenir les déplacements, de protéger et d'aider les personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays qui relèvent de leur juridiction et d'apporter des solutions durables à leur situation. Pour s'acquitter de cette responsabilité, les États doivent disposer de cadres normatifs et politiques nationaux, dotés des structures et des processus de mise en œuvre nécessaires, afin de pouvoir répondre effectivement aux besoins et aux vulnérabilités spécifiques des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays 
			(1) 
			<a href='https://www.icrc.org/en/document/internally-displaced-persons-and-international-humanitarian-law-factsheet'>www.icrc.org/en/document/internally-displaced-persons-and-international-humanitarian-law-factsheet</a>..
26. Dans sa Résolution 2214 (2018) et sa Recommandation 2126 (2018) «Besoins et droits humanitaires des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays en Europe», l'Assemblée «se félicitant des efforts considérables en faveur des PDI déployés par les États membres touchés par des conflits armés ou d’autres causes de déplacement forcé, [...] invite ces États à évaluer et à rendre public régulièrement les besoins humanitaires de leurs PDI, éventuellement avec les Nations Unies, l'Union européenne et le Comité international de la Croix-Rouge (CICR), notamment les besoins des PDI en matière de logement, d'éducation, de soins de santé...»
27. Lorsque l'Ukraine a été brutalement agressée par la Fédération de Russie, il est très vite devenu évident que le sort de millions de personnes en Ukraine, y compris des enfants, était en jeu. L'Assemblée est profondément attristée par la mort tragique de plus de 500 enfants et la situation des 1 195 blessés 
			(2) 
			https://childrenofwar.gov.ua/en/.. Près de 20 000 enfants ont été déportés ou déplacés de force par la Fédération de Russie vers la Fédération de Russie ou les territoires occupés en Ukraine, comme l'a souligné l'Assemblée dans sa Résolution 2495 (2023) et sa Recommandation 2253 (2023) «Déportations et transferts forcés d’enfants et d’autres civils ukrainiens vers la Fédération de Russie ou les territoires ukrainiens temporairement occupés: créer les conditions de leur retour en toute sécurité, mettre fin à ces crimes et sanctionner leurs auteurs».
28. La commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, dans son avis sur le rapport sur «La situation des enfants d’Ukraine» 
			(3) 
			Doc. 15902., a souligné que certains enfants ont aujourd'hui trouvé refuge en Europe, mais que beaucoup d'autres se trouvent encore en Ukraine, dont certains ont été déplacés à l'intérieur du pays. L'Ukraine a besoin d'une aide urgente et suffisante pour pouvoir répondre à leurs besoins.
29. Le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies a souligné les difficultés des personnes déplacées à l'intérieur du pays qui résident en dehors des lieux d'hébergement collectif, en particulier dans les zones rurales de l'Ukraine, et qui sont confrontées à des problèmes d'accès aux services et à l'assistance. Les personnes déplacées ont parfois été contraintes de se déplacer à plusieurs reprises, perdant leur maison et leurs moyens de subsistance et dépendant uniquement de l'aide humanitaire. Au fur et à mesure que les déplacements se prolongent, la plupart des besoins se font plus pressants.
30. Les personnes déplacées estiment que le soutien financier et les matériaux de reconstruction sont les besoins les plus importants. Les constatations de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM) (matrice de suivi des déplacements, enquêtes générales sur la population) indiquent que les femmes ont signalé des besoins plus élevés dans tous les secteurs après avoir été déplacées pendant plus d'un an. Les personnes vivant dans des lieux d’hébergement collectif n'ont pas accès à d'autres solutions de logement appropriées et continuent d'être confrontées à des risques importants en matière de protection, notamment en raison du surpeuplement, des risques d'expulsion, ainsi que des abus et de l'exploitation sexuels, voire d'autres formes de violence fondée sur le genre. D’autres risques les menacent, notamment l'accès limité aux services essentiels, la vulnérabilité socio-économique et différents types de dommages physiques et mentaux. Dans les lieux d’hébergement collectif, les risques sont dus à des conditions de vie inappropriées et/ou à une gestion insuffisante de ces lieux, dont la plupart ne respectent pas les lignes directrices intersectorielles minimales. Cette situation est exacerbée par la dispersion de plus de 2 500 lieux à travers le pays, ce qui pose des problèmes considérables aux organisations d'aide humanitaire en termes de capacité logistique et d'allocation des ressources. Étant donné que l'assistance est de courte durée et que le soutien financier à de telles initiatives diminue progressivement à mesure que la crise se prolonge, les personnes les plus vulnérables risquent de recourir à des mécanismes d'adaptation négatifs si leurs besoins quotidiens ne sont pas satisfaits dans les lieux d’hébergement collectifs susmentionnés.
31. Les pays européens ont manifesté leur solidarité envers l'Ukraine immédiatement après le 24 février 2022. Comme l'a souligné Nadia Hashimi, «les réfugiés n’ont pas seulement fui un lieu, ils ont dû quitter aussi un millier de souvenirs jusqu'à ce qu'ils aient mis suffisamment de temps et d’espace entre eux et leurs souffrances pour se réveiller et commencer un jour meilleur. 
			(4) 
			Mme Nadia
Hashimi est pédiatre et romancière.» Les États membres du Conseil de l'Europe ont déployé des efforts considérables pour accueillir les populations d'Ukraine. Les premières mesures prises en Europe concernaient la protection des enfants.
32. Je tiens à rappeler que dans les conflits armés internationaux et non internationaux, les enfants ont droit à un respect particulier et à une protection spécifique, y compris l'accès à l'éducation 
			(5) 
			<a href='https://ihl-databases.icrc.org/fr/customary-ihl/v1/rule135'>Règle
135 du droit international humanitaire coutumier (DIHC)</a>.. Dans les conflits armés internationaux, les Parties au conflit doivent prendre les mesures nécessaires pour que les enfants de moins de quinze ans, devenus orphelins ou séparés de leur famille du fait de la guerre, ne soient pas laissés à eux-mêmes, et pour que leur éducation soit facilitée en toutes circonstances 
			(6) 
			L’article 24(1) de
la<a href='https://ihl-databases.icrc.org/fr/ihl-treaties/gciv-1949'> Convention
(IV) de Genève</a>.. De plus, dans le cas d'une évacuation justifiée, l'éducation, y compris l'éducation religieuse et morale, comme le souhaitent ses parents, doit être assurée à l'enfant pendant son absence, avec la plus grande continuité possible 
			(7) 
			<a href='https://ihl-databases.icrc.org/fr/ihl-treaties/api-1977'>Protocole
additionnel I</a>, Article 78(2).. Ces dispositions sont pleinement applicables aux enfants déplacés dans leur propre pays, un point qui a été souligné par les membres de l'Assemblée lors de la réunion de la commission ad hoc du Bureau sur la «Situation des enfants d'Ukraine» qui s'est tenue à Paris le 15 décembre 2023 
			(8) 
			Voir
le procès-verbal de la réunion tenue le 15 décembre 2023 à Paris: <a href='https://rm.coe.int/proces-verbal-reunion-de-la-commission-ad-hoc-du-bureau-sur-la-situati/1680ae5591'>https://rm.coe.int/proces-verbal-reunion-de-la-commission-ad-hoc-du-bureau-sur-la-situati/1680ae5591</a>..
33. L'augmentation de l'aide humanitaire aux enfants déplacés à l'intérieur de l'Ukraine devrait être une priorité absolue 
			(9) 
			«Ukraine: Summary of
the Humanitarian Needs and Response Plan and the Regional Refugee
Response Plan (January 2024)» – Ukraine | Reliefweb (en anglais
uniquement).. La contribution de l'Union européenne à l'aide humanitaire à l'Ukraine est la bienvenue. Le 20 mars 2024, la Commission européenne a versé les premiers 4,5 milliards € d'aide au titre de la nouvelle Facilité de l'Union européenne pour l'Ukraine. Ce versement permettra à l'Ukraine de continuer à payer les salaires, les pensions et à fournir des services publics de base pour que le pays puisse concentrer ses efforts sur la victoire. Grâce à ce financement-relais exceptionnel, la Commission européenne a fourni à l'Ukraine un soutien financier immédiat pendant la mise en place des conditions de la Facilité 
			(10) 
			<a href='https://eu-solidarity-ukraine.ec.europa.eu/index_fr'>https://eu-solidarity-ukraine.ec.europa.eu/index_fr</a>..
34. Dans sa Résolution 2448 (2022) «Conséquences humanitaires et déplacements internes et externes en lien avec l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine», l'Assemblée a rappelé que la situation des enfants nécessitait des mesures spécifiques, fondées sur le principe de l'intérêt supérieur de l'enfant, notamment en ce qui concerne les enfants déplacés à l'intérieur du pays touchés par la guerre 
			(11) 
			<a href='http://www.unocha.org/publications/report/ukraine/no-let-war-affected-ukrainians-un-launches-humanitarian-and-refugee-plans-respond-2024-enruuk'>www.unocha.org/publications/report/ukraine/no-let-war-affected-ukrainians-un-launches-humanitarian-and-refugee-plans-respond-2024-enruuk</a>.. En janvier 2024, l'Assemblée a adopté la Résolution 2529 (2024) et la Recommandation 2265 (2024) «La situation des enfants d'Ukraine». Aucun enfant d’Ukraine n’a été épargné par la guerre. L’Assemblée a souligné que tous les enfants d’Ukraine ont le droit de jouir des droits et libertés consacrés par les instruments internationaux des droits humains pertinents et que les droits et l’intérêt supérieur de l’enfant doivent prévaloir dans toute prise de décision les concernant.
35. Les États membres du Conseil de l’Europe devraient poursuivre leur soutien à l’Ukraine. Selon les données des Nations Unies de novembre 2023, le plan de réponse humanitaire n'est à ce jour financé qu'à hauteur de 53 %. Le 15 janvier 2024, l’Organisation des Nations Unies et leurs partenaires ont demandé aux donateurs un montant total de 4,2 milliards $US pour aider les communautés touchées par la guerre en Ukraine ainsi que les réfugiés ukrainiens et leurs communautés d'accueil dans la région tout au long de l'année 2024. Le plan d'action spécifique de l'Ukraine visant à répondre aux besoins des personnes déplacées à l'intérieur du territoire ukrainien devra être déterminant pour répondre aux besoins de ces personnes 
			(12) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/kyiv/-/the-government-of-ukraine-approved-the-state-policy-strategy-on-internal-displacement-until-2025'>The
Government of Ukraine approved the Strategy of State Policy on Internal
Displacement for the period until 2025 – Council of Europe Office
in Ukraine (coe.int)</a> (en anglais uniquement)..
36. Comme le souligne le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies, malgré des difficultés d'accès extrêmes, en particulier dans les zones occupées par la Fédération de Russie, les travailleurs humanitaires ont aidé près de 11 millions de personnes en Ukraine en 2023, avec le soutien de la communauté internationale des donateurs. À la fin de 2023, on estimait que 1,5 million de filles et 1,4 million de garçons avaient besoin d'une aide humanitaire en Ukraine. Les organisations humanitaires n'ont ménagé aucun effort pour accroître l'aide aux communautés de première ligne. Elles ont notamment coordonné 105 convois inter-institutions et complété ainsi la réponse du gouvernement et les efforts des bénévoles, des organisations de la société civile et d'autres groupes locaux. Leurs actions doivent être reconnues et une aide supplémentaire est nécessaire pour faciliter leurs opérations.
37. Les États membres du Conseil de l'Europe devraient continuer à fournir un soutien aux PDI de l’Ukraine en s’appuyant sur les programmes de coopération mis en place par le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux et sur la coopération instituée dans le cadre du Programme «Cités interculturelles» du Conseil de l'Europe et d'autres initiatives en faveur de la démocratie locale.
38. Il conviendrait d’accorder davantage d’aides financières pour faciliter l’accès au logement ou le démarrage d’une entreprise en Ukraine grâce, notamment, au microfinancement ou à des lignes de crédit à faible taux d'intérêt. À la suite de l'adhésion de l'Ukraine à la Banque de développement du Conseil de l'Europe (CEB) en juillet 2023, la CEB peut fournir des fonds sous forme de subventions pour l'aide d'urgence et soutenir des actions spécifiques en Ukraine. En juillet 2023, la CEB a approuvé sa première subvention pour un projet mis en œuvre sur le territoire ukrainien. D’un montant de 2 millions €, elle finance la remise en état des logements endommagés par la guerre et vise à améliorer les conditions de vie de 500 ménages déplacés et vulnérables, notamment les familles monoparentales, les personnes âgées et les personnes handicapées.
39. À la fin de 2023, les subventions approuvées par la CEB pour répondre à la crise ukrainienne, y compris le soutien aux pays voisins, s'élevaient à 9,6 millions €. Ce montant devrait continuer à augmenter grâce au généreux soutien des actionnaires de la Banque. Au cours de 2023, la Banque a mobilisé des ressources pour son Fonds de solidarité pour l'Ukraine, créé l'année précédente par l'Irlande, et reçu un total de 3 millions € de la Tchéquie, de l'Allemagne et de la Lituanie. Outre les subventions, la CEB s'est engagée à utiliser les prêts pour soutenir la relance, la reconstruction et le développement social à long terme de l'Ukraine, ce qui est l'un des trois objectifs principaux du cadre stratégique 2023-2027 de la Banque. En novembre 2023, la CEB a approuvé un prêt de 100 millions € au ministère ukrainien de la santé pour la restauration des infrastructures sanitaires endommagées par la guerre. Le prêt de la CEB fait partie du projet HEAL (Health Enhancement and Life-Saving), une opération cadre de 500 millions de $US développée par la Banque mondiale en collaboration avec les autorités ukrainiennes. Enfin, en octobre 2023, la CEB, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), la Banque européenne d'investissement (BEI) et la Banque mondiale ont signé un protocole d'intention pour harmoniser les pratiques de passation des marchés pour les investissements du secteur public financés par les banques multilatérales de développement en Ukraine.

3.2. Directive européenne relative à la protection temporaire (directive 2001/55/CE)

40. La Directive européenne 2001/55/CE relative à la protection temporaire (DPT) est appliquée dans le but de fournir une protection immédiate et des normes de traitement de base aux réfugiés, notamment l'accès au logement, au marché de l’emploi et aux services sociaux et de santé 
			(13) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/eli/dir/2001/55/oj?locale=fr'>https://eur-lex.europa.eu/eli/dir/2001/55/oj?locale=fr</a>..
41. Le 15 décembre 2023, lors de la commission ad hoc du Bureau sur la situation des enfants d’Ukraine, Mme Anna Schmidt, responsable des politiques, Commission européenne, DG Migration et Affaires intérieures, a présenté la DPT. Elle a souligné que l'Union européenne accordait actuellement une protection temporaire à quelque 4,2 millions d'Ukrainiens officiellement enregistrés dans les États membres de l'Union européenne, dont près de la moitié en Allemagne et en Pologne. Un tiers d'entre eux étaient des enfants. On estime qu'un cinquième des enfants vivant en Ukraine avant la guerre résident aujourd'hui dans l'Union européenne. La protection temporaire est limitée dans le temps (jusqu'au printemps 2025 à ce stade). Elle englobe les enfants qui ont été évacués des institutions ukrainiennes, soit environ 5 600 qui sont venus en groupes, y compris parfois des enfants handicapés. Les États membres disposent de leur propre législation pour transposer la directive relative à la protection temporaire. Il existe donc des différences dans l'application de cette directive au sein de l'Union. L'Union européenne a mis en place une Plateforme de solidarité, qui est essentielle pour organiser, coordonner et harmoniser sa réponse dans les États membres. La coopération avec d'autres partenaires, tels que le HCR, l'UNICEF et les autorités ukrainiennes, est renforcée par des réunions régulières. Ces partenariats sont essentiels. Les organisations de la société civile jouent également un rôle important dans ce processus.
42. L'Union européenne a publié un certain nombre de lignes directrices opérationnelles sur l’application de la DPT, par exemple sur les modalités d'accès à l'éducation, les défis spécifiques liés à l'accueil et à la prise en charge des enfants fuyant l'Ukraine ou la reconnaissance des décisions de garde. Toutes ces lignes directrices sont accessibles en ligne. Mme Schmidt a évoqué la communication de la Commission européenne de mars 2023 sur une année de protection temporaire, un document distribué aux participants à la réunion. La communication décrit les mesures prises, avec une section spécifique sur les enfants. Elle souligne l'importance de la reconnaissance des documents, dans un premier temps: celle des documents d'enregistrement des enfants et celle des accords de tutelle ukrainiens par les États membres de l'Union européenne, des certificats médicaux et d'invalidité, des certificats d'études et des diplômes, autant de documents qui ont tous un impact immédiat sur l'intégration des enfants dans les systèmes éducatifs européens. L'Union européenne a renforcé sa coopération avec les autorités ukrainiennes pour la reconnaissance des décisions de tutelle. La coopération avec les parents et les tuteurs légaux ukrainiens permettra également de retrouver les enfants disparus.
43. Les dispositions en matière de tutelle peuvent changer au fil du temps. Par exemple, les parents peuvent divorcer. Les modalités de garde dans les familles séparées doivent être définies soit par des décisions administratives, soit par des tribunaux. La coopération au niveau de l'Union européenne permet d'échanger les bonnes pratiques entre les États membres. Mme Schmidt a évoqué la question du placement en institution d’enfants transférés en groupes depuis des institutions ukrainiennes. Garantir à ces enfants un hébergement et des soins de qualité conformes aux normes européennes est un défi. Environ 5 000 enfants provenant d'institutions ont été accueillis en Pologne. L'Union européenne a travaillé en étroite collaboration avec les autorités ukrainiennes pour trouver les meilleures solutions. Un projet pilote a été mis en place entre l'Ukraine et l'UNICEF pour diviser les plus grands groupes et trouver des possibilités d'hébergement et de prise en charge appropriées, également dans le contexte du rapport sur l'élargissement de l'Ukraine et des futures négociations d'adhésion.
44. La DPT prévoit l'accès immédiat des enfants ukrainiens à l'enseignement public aux niveaux primaire et secondaire. L'Union européenne a publié des orientations politiques visant à promouvoir l'apprentissage par les pairs dans l'ensemble de l'Union européenne. Les mesures prises par les États membres diffèrent: recruter des assistants d’éducation ukrainiens, faciliter l'accès des enseignants ukrainiens qualifiés à leurs systèmes nationaux, ou tenter de combiner l'apprentissage en ligne basé sur le programme ukrainien avec le programme de l'État membre concerné, sans surcharger l'enfant. Un manuel pratique publié par la Commission européenne en collaboration avec le ministère ukrainien de l'Education et de la Science énonce les modalités de coopération en matière d'éducation mises en place par les États membres. L’accent est mis sur la reconnaissance mutuelle des qualifications académiques et la participation aux réseaux de jumelage et Eurydice de l'Union européenne. Cela devrait également fournir aux écoles ukrainiennes des orientations sur la manière d'évaluer les résultats de l'apprentissage acquis pendant la fréquentation scolaire à l'étranger lors du retour des enfants, ce qui est également très important. Le bien-être de l'enfant devrait être au cœur de ce travail. L'apprentissage devrait devenir très pratique, en aidant les enfants à se remettre des traumatismes subis. Enfin, les États membres intensifieront leur travail sur l'accueil des enfants non accompagnés, y compris les enfants séparés arrivant d'Ukraine. Mme Schmidt conclut en rappelant que l'amélioration des capacités d'accueil des enfants migrants non accompagnés dans l'Union européenne doit être une priorité.
45. Le 11 avril 2024, le Conseil de l'Europe, dans le cadre de son programme de formation aux droits de l'homme pour les professionnels du droit (HELP), a organisé un séminaire sur l'application de la DPT 
			(14) 
			Les intervenant·es
suivants ont pris la parole: Mme Elena
Gobetti, unité «Asile», DG Migration et Affaires intérieures, Commission
européenne; Mme Gemma Woods, juriste
principale, Bureau régional du HCR pour l'Europe; M. Jean-Marc Picard,
avocat en droit de l'immigration et mobilité internationale, expert
du Conseil des barreaux européens (CCBE); M. Viacheslav Liubashenko,
expert, directeur du service en ligne (eDesk) ukrainien; Mme Martina
Huber, Agence des droits fondamentaux de l'Union européenne; Mme Ana
Isabela Trifescu, assistante d'information, Secteur de l'information et
de l'analyse, Agence de l'Union européenne pour l'asile (<a href='https://www.coe.int/en/web/kyiv/-/temporary-protection-in-the-european-union-seminar-and-presentation-of-new-council-of-europe-help-online-course'>Temporary
Protection in the European Union: seminar and presentation of new
Council of Europe HELP online course – Council of Europe Office
in Ukraine (coe.int)</a>).. Les participants ont discuté de sa mise en œuvre et du lancement d'un nouveau cours HELP sur la protection temporaire dans l'Union européenne. Le cours d'information visait à améliorer les connaissances des professionnels du droit et des autres parties prenantes sur l'application pratique de la DPT.

3.2.1. Divergences dans la mise en œuvre de la directive européenne sur la protection temporaire

46. A la réunion de la Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées qui s’est tenue le 16 avril 2024, Mme Vilde Hernes, chercheuse principale à l'Institut norvégien de recherche urbaine et régionale (NIBR) de l'Université métropolitaine d'Oslo, a présenté son rapport comparatif sur la gouvernance et les changements de politique en période d'afflux élevé de demandeurs de protection, et a évalué les approches et les solutions de divers gouvernements, notamment dans le cas des Ukrainiens déplacés 
			(15) 
			 <a href='https://www.researchgate.net/publication/378610498_Governance_and_policy_changes_during_times_of_high_influxes_of_protection_seekers_A_comparative_governance_and_policy_analysis_in_eight_European_countries'>www.researchgate.net/publication/378610498_Governance_and_policy_changes_during_times_of_high_influxes_of_protection_seekers_A_comparative_governance_and_policy_analysis_in_eight_European_countries</a>.. Mme Hernes a fait remarquer que de nombreux Ukrainiens vivent sans savoir s'ils retourneront en Ukraine et se posent des questions difficiles. En Europe, les maires s'interrogent sur l'opportunité de renforcer leurs services généraux pour pouvoir répondre aux besoins des personnes sous protection temporaire dans leurs villes. Que ce soit au niveau de l'Union européenne ou aux niveaux national, local ou individuel, des choix doivent être faits malgré un degré élevé d'incertitude et d'instabilité.
47. Le discours initial est que l'Europe a fait face à ce flux migratoire forcé grâce à une réponse unifiée reposant principalement sur la mise en œuvre de la DPT ou d'autres types de législation nationale tenant largement compte de la DPT dans les Etats non-membres de l'Union européenne. Il est vrai qu’une réponse plus unifiée a été proposée au début, notamment en ce qui concerne le type de permis de protection pour les Ukrainiens. Cette réponse peut être comparée, par exemple, à la période 2015-2016 où l’on a vu un nivellement par le bas en matière d’intégration nationale et de politique d'asile au niveau européen. Les responsables politiques ont estimé que cela empêcherait de faire de l'Europe une destination attrayante.
48. Cependant, tous les pays européens n’entrent pas dans le champ d’application de la DPT. En outre, la directive énumère des exigences minimales qu'il appartient à chaque pays de l'Union européenne de transposer dans son contexte national. L'étude réalisée par la chercheuse sur les droits et les restrictions des réfugiés ukrainiens dans huit pays européens indique qu'il existe de très grandes divergences en ce qui concerne l'accueil général.
49. Mme Hernes a donné des exemples spécifiques qui montrent que certains pays ont proposé aux Ukrainiens des politiques et des pratiques d'hébergement et d'installation plus libérales que celles proposées pour d'autres groupes de demandeurs de protection. Des règles plus libérales ont été adoptées pour aider les personnes à s'installer où elles le souhaitaient. Elles ont remplacé les restrictions sévères de la liberté d’installation. Des subventions financières ont été accordées à des hôtes privés pour accueillir des réfugiés ukrainiens. En raison du caractère temporaire de leur séjour, les droits aux mesures d'intégration ont cependant été généralement plus contraignants.
50. Les pays européens divergent sur le point de savoir si les réfugiés ukrainiens ont des droits et des obligations en ce qui concerne les mesures d'intégration. Au Danemark, et en partie en Suède et en Finlande, les réfugiés ukrainiens ont accès à des programmes de formation linguistique et d'intégration. Dans d'autres parties de la Suède, de la Pologne, de l'Allemagne et de l'Autriche, ils ne bénéficient pas de ces droits de la même façon que les autres personnes qui jouissent d'une protection. Par ailleurs, il existe des règles très différentes concernant l'aide financière et publique que ce groupe peut obtenir dans les pays analysés. L'étude présente quatre solutions différentes. Au Royaume-Uni et en Allemagne, les personnes déplacées d'Ukraine ont été incluses dans le système général de prestations sociales tout comme l’ensemble de la population. Au Danemark et en Norvège, les réfugiés ukrainiens ont des droits similaires à ceux des autres réfugiés en matière de prestations financières. En Suède, en Autriche et en Finlande (pour la première année), les réfugiés ukrainiens continuent de bénéficier d'un système financier égal à celui dont disposent les autres demandeurs d'asile. En Pologne, il existe un éventail de dispositions personnalisées. L’étude signale que des solutions très différentes existent pour ce groupe et que, dans certains pays, les réfugiés ukrainiens se voient octroyer des prestations nettement inférieures à celles d'autres groupes bénéficiant d'une protection.
51. L'étude montre qu’il existe des divergences importantes dans les droits et les restrictions qui s’appliquent à ce groupe dans les pays européens, ce qui remet en cause l'impression préalable d'une réponse globale unifiée. Il s’agit en fait d’un mélange de politiques qui sont à la fois plus libérales et plus restrictives à l’égard de ce groupe. L'introduction de la DPT a constitué en soi un assouplissement des exigences car la directive a permis de raccourcir et d'alléger le processus de décision relatif à l'octroi de la protection, qui ne nécessitait pas d'évaluation individuelle.
52. Il existe des exemples de politiques plus libérales à l'égard de ce groupe, notamment une plus grande flexibilité en termes d'hébergement et d'installation, la possibilité d'un retour temporaire en Ukraine et l'accès rapide au marché de l’emploi. On trouve également des exemples de personnes déplacées d'Ukraine dont les droits sont plus limités par rapport à d'autres groupes. Les restrictions concernent les mesures d'intégration et, dans certains cas, l’aide financière. En Suède, ce groupe ne bénéficie même que de droits limités en matière de soins de santé. Le permis temporaire qui lui est accordé ne constitue pas une durée de résidence pouvant être prise en compte pour obtenir la résidence permanente, ce qui constitue une restriction claire par rapport aux autres permis.
53. À ce stade, personne ne sait si les Ukrainiens qui ont fui resteront dans l'Union européenne pendant trois mois, trois ans ou pour toujours. Pour l'Union européenne, la protection collective des personnes déplacées d'Ukraine est une solution temporaire et des discussions ont eu lieu sur la nécessité de la prolonger. Rien n’indique pour l’instant qu’une solution unifiée concernant le type de permis puisse être trouvée. À l'avenir, il faudra voir comment la mise en œuvre au niveau national évoluera en ce qui concerne les droits et les restrictions applicables à ce groupe. Les droits des personnes déplacées d'Ukraine seront-ils étendus ou limités et quelles sont les mesures qui seront adoptées à ce sujet dans différents pays? Si la guerre s'éternise, il y a tout à craindre d’un nivellement par le bas de ces droits.
54. Il a également fallu faire face à des dilemmes difficiles. Le premier dilemme tient à la manière de trouver un juste équilibre entre des bonnes conditions d'intégration et d'accueil et le défi pour les pays hôtes, de devenir des pays de destination attrayants alors que les capacités d'accueil sont considérées comme ayant déjà atteint leurs limites. Le deuxième dilemme est lié à la question de la différence de traitement entre les réfugiés ukrainiens et les autres groupes qui se sont vus accorder une protection. Il a en effet été reproché aux Ukrainiens d'avoir été favorisés et d'avoir été mieux accueillis que d'autres groupes de demandeurs de protection. Or les études ont montré que, dans de nombreux pays, les réfugiés ukrainiens avaient moins de droits que les personnes bénéficiant d'une protection. Enfin, dans de nombreux pays, les réfugiés ukrainiens pourraient être une source importante de main-d'œuvre indispensable.
55. Les gouvernements doivent prendre des mesures pour satisfaire les besoins des communes qui ont accueilli des réfugiés ukrainiens. La fourniture de services nécessite un financement au niveau local, ce qui ne peut pas être garanti étant donné que les communes ne savent pas si les réfugiés ukrainiens resteront, et pour combien de temps, ou s'ils retourneront en Ukraine et quand. Les communes ne savent pas si elles doivent améliorer leurs services généraux, embaucher des médecins, des enseignants, etc. Elles ne peuvent pas le faire tant qu'il n'y a pas de certitude quant à l'avenir des demandeurs de protection. Tout cela peut s'avérer très coûteux pour les communes.
56. Les règles libérales et flexibles, qui sont souvent perçues de manière très positive, peuvent également conduire à une réduction des contrôles et, dans de nombreux cas, à une diminution des droits en matière d’aide publique. En outre, les personnes déplacées d'Ukraine courent un risque élevé d'être exploitées sur le marché de l’emploi à long terme. Si l'Ukraine peut être une ressource pour les marchés de l’emploi locaux qui ont besoin de main-d'œuvre, il n'y a pas toujours de correspondance entre les qualifications des Ukrainiens qui arrivent et les besoins réels du marché de l’emploi du lieu où ils résident temporairement. Mme Hernes a suggéré qu'il serait bon d'aider les Ukrainiens à investir dans l'amélioration de leurs qualifications et l'apprentissage de la langue locale, malgré ce statut précaire. Elle a souligné que ceux qui avaient fui brusquement, du jour au lendemain, avaient vu leur vie bouleversée.
57. Si l'étude montre que de nombreux Ukrainiens souhaitent parvenir à une certaine normalité de leur existence, l'insécurité liée à leur séjour dans le pays d'accueil peut néanmoins remettre en question leur motivation à s'intégrer socialement et sur le marché de l’emploi. En Norvège, par exemple, de nombreux Ukrainiens ont fait des études supérieures. Doivent-ils occuper n'importe quel emploi ou s'investir dans l'apprentissage de la langue et trouver un emploi correspondant à leurs compétences? En outre, les parents, qui s'inquiètent pour leurs enfants et leur éducation, doivent décider si leurs enfants étudieront selon les programmes ukrainiens ou selon les programmes qui sont dispensés dans les écoles locales des pays d'accueil. Les enfants ukrainiens fréquentent les écoles norvégiennes pendant la journée et les écoles ukrainiennes (parfois en ligne) le soir, ce qui les met fortement sous pression. Beaucoup de parents déclarent qu'ils doivent créer un environnement stable et sûr pour leurs enfants compte tenu de ces difficultés.
58. Il est important de se concentrer sur la nécessité de vivre malgré le degré d'incertitude élevé que les personnes déplacées d'Ukraine connaissent. Cette situation est très difficile pour les enfants qui voient leur existence mise «en attente». Selon Mme Hernes, il n’y a pas de solutions «rapides». Il existe de vrais dilemmes dont les objectifs sont souvent contradictoires. Des choix politiques et individuels doivent être faits dans ce contexte d'incertitude. Les objectifs contradictoires doivent être discutés et évalués de manière critique et ouverte pour trouver les solutions les mieux adaptées à tous.

3.2.2. Coopération technique facilitée par le Groupe de consultation sur les enfants d'Ukraine

59. Le Groupe consultatif du Conseil de l’Europe sur les enfants d’Ukraine (GCU) a tenu sa première réunion à Strasbourg les 30 novembre et 1er décembre 2023. Plus de 85 participants (en présentiel et en ligne) ont examiné les moyens de protéger effectivement les droits des millions d’enfants ukrainiens qui résident dans les États membres du Conseil de l’Europe et qui ont été contraints de fuir leur patrie depuis le début de la guerre d’agression menée par la Russie 
			(16) 
			<a href='https://www.coe.int/en/web/children/cgu'>Groupe consultatif
sur les enfants d'Ukraine (CGU) – Droits des enfants (coe.int) (en
anglais uniquement).</a>.
60. Le GCU a été créé pour assurer la mise en œuvre concrète de la Déclaration de Reykjavík de 2023, en vue de faciliter le dialogue et l'échange d'informations, dans un cadre multilatéral, sur les normes juridiques et les politiques applicables aux enfants ukrainiens résidant dans les États membres du Conseil de l'Europe. Les travaux du GCU auront comme objectif de développer une compréhension commune de certaines des questions juridiques et politiques les plus importantes auxquelles les États membres sont confrontés à la suite de l'arrivée d'enfants ukrainiens sur leur territoire 
			(17) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/cm/reykjavik-summit'>https://rm.coe.int/4th-summit-of-heads-of-state-and-government-of-the-council-of-europe/1680ab40c1</a>..
61. Composé d'experts responsables de la prise de décision et de la coordination des questions liées aux enfants ukrainiens nommés par les États membres, ainsi que de points focaux de l'Union européenne, d'autres organisations internationales clés et d'ONG européennes et ukrainiennes, le groupe identifiera les pratiques prometteuses et élaborera des orientations pour les États et d'autres acteurs sur le terrain afin de répondre à certaines des préoccupations des États en matière de respect des droits des enfants ukrainiens.
62. La première réunion était consacrée à l'accueil, à l'enregistrement et à la prise en charge des enfants non accompagnés et séparés dans les États membres, y compris ceux qui proviennent d’établissements de prise en charge alternative. Les discussions ont porté sur les questions de juridiction et de droit admissible, de tutelle, ainsi que sur le soutien psychologique et les soins tenant compte des traumatismes, apportés aux enfants affectés par la guerre et/ou victimes de la guerre. Le groupe a également discuté d'une feuille de route qui guidera ses travaux jusqu'à la fin de son mandat, le 31 juillet 2025.
63. Lors de la réunion du 16 avril 2024 de la commission, le Secrétaire général adjoint, Bjorn Berge, a souligné qu’un mélange thématique supplémentaire pourrait également être discuté par le GCU, notamment l'accès des enfants ukrainiens à l’éducation dans d'autres États membres. Jusqu'à présent, les discussions ont montré qu’il existait des pratiques différentes entre les États membres pour la scolarisation des enfants ukrainiens, mais aussi des modèles différents et des approches novatrices, telles que la formation des enseignants ukrainiens, pour faciliter l’intégration dans le système éducatif du pays d'accueil et pour aider les enfants ukrainiens à rester liés à leur identité, leur langue et leur culture.
64. Le groupe effectuera un exercice dont le but est de recenser les pratiques et les difficultés au plan national afin de recenser les besoins spécifiques et de guider les États membres vers une meilleure protection du droit des enfants ukrainiens à l'éducation. Le groupe suit de près la réforme du système ukrainien de protection de l'enfance en travaillant avec d'autres parties prenantes aux niveaux national et international. Il a pour objectif de fournir des mises à jour sur les progrès, les défis et les prochaines étapes de la tâche complexe qui consiste à désinstitutionnaliser le système de garde d'enfants. Cette approche par étape a déjà donné de nombreux résultats positifs, notamment en ce qui concerne la coordination effective entre les différents ministères. Il reste toutefois de nombreux problèmes à régler. L'accent est désormais mis sur la coordination et le renforcement des capacités au niveau régional afin d'assurer une transition progressive, sûre et fondée sur les droits humains vers une prise en charge alternative reposant sur la famille.

3.2.3. Le rôle de la diaspora ukrainienne

65. La diaspora ukrainienne a joué un rôle déterminant dans l'organisation de l'aide de secours aux familles de ceux qui sont restés en Ukraine pour défendre le pays. L'Assemblée a noté l'importance de la diaspora dans sa Résolution 2388 (2021) et sa Recommandation 2207 (2021) «Pour une politique européenne relative aux diasporas». De nombreuses recommandations énumérées sont valides aujourd'hui. L'Assemblée a souligné que les diasporas et leurs associations apportent une contribution positive au développement des pays de résidence et d'origine en enrichissant la diversité culturelle et en tissant des relations dynamiques et constructives afin de favoriser les échanges économiques et culturels et le codéveloppement. Le renforcement des politiques sur les diasporas constitue une opportunité exceptionnelle pour le développement économique, social et culturel des pays de résidence et d’origine et pour améliorer la cohésion et l’inclusion de nos sociétés. Les pays peuvent grandement bénéficier de ce que les diasporas peuvent offrir s'ils établissent des liens avec elles, examinent leurs besoins et y répondent, les intègrent dans les processus de décision et coopèrent avec elles pour élaborer les politiques axées sur les diasporas. Le Conseil de l'Europe peut jouer un rôle majeur dans ce processus, en réunissant les multiples acteurs qui façonnent les politiques nationales en matière de diasporas, notamment les parlements, les gouvernements, les associations de diasporas, les ONG, les médias et les organismes de recherche.

4. Personnes déplacées de force ou expulsées vers la Fédération de Russie et le Bélarus: nécessité de respecter les dispositions du droit humanitaire international

66. Le déplacement forcé est un déplacement involontaire ou forcé d'une personne ou de personnes loin de leur domicile ou de leur région d'origine. Le droit international humanitaire (DIH) interdit expressément aux parties à un conflit armé de déplacer de force des civils dans le cadre de conflits armés internationaux et non internationaux, à moins que la sécurité des civils concernés ou des raisons militaires impérieuses ne l'exigent 
			(18) 
			<a href='https://ihl-databases.icrc.org/fr/ihl-treaties/gciv-1949'>Convention
(IV) de Genève</a>, articles 49 et 147; Protocole additionnel I, article
85, paragraphe 4, point a); Protocole additionnel II, article 17;
Règle 129 du DIHC. Voir également les articles 51(7) et 78(1) du
Protocole additionnel I et l'article 4(3)(e) du Protocole additionnel
II.. Comme d'autres règles du droit international humanitaire susceptibles d'empêcher les déplacements, cette interdiction protège également les civils contre le risque de déplacement secondaire. En outre, les personnes déplacées internes ont le droit de regagner volontairement et dans la sécurité leur foyer ou leur lieu de résidence habituel dès que les causes de leur déplacement ont cessé d’exister 
			(19) 
			Article 49 de la <a href='https://ihl-databases.icrc.org/fr/ihl-treaties/gciv-1949'>Convention
(IV) de Genève</a> et <a href='https://ihl-databases.icrc.org/fr/customary-ihl/v1/rule132'>Règle
132 de la DIHC</a>..
67. En 2023, l'Assemblée a réitéré son appel à prendre des mesures urgentes pour libérer les personnes déplacées de force, comme souligné dans sa Résolution 2495 (2023) et sa Recommandation 2253 (2023) «Déportations et transferts forcés d'enfants et d'autres civils ukrainiens vers la Fédération de Russie ou les territoires ukrainiens temporairement occupés: créer les conditions de leur retour en toute sécurité, mettre fin à ces crimes et sanctionner leurs auteurs».
68. L'Assemblée, ayant été informée de cas de transfert forcé d'enfants ukrainiens des territoires occupés vers la Fédération de Russie et le Bélarus, a appelé la Fédération de Russie à mettre immédiatement fin à ces transferts. L’Assemblée a souligné que le transfert forcé d’enfants d’un groupe à un autre groupe dans l’intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux est considéré comme un crime de génocide en vertu de l’article 2, paragraphe (e), de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.
69. Le 15 décembre 2023, la commission ad hoc du Bureau créée pour évaluer la situation des enfants d'Ukraine s'est déclaré particulièrement préoccupé par le sort des enfants transférés de force et déportés vers les territoires temporairement occupés de l'Ukraine, de la Fédération de Russie et du Bélarus. En janvier 2024, la plateforme «Children of War» gérée par le Gouvernement ukrainien indique avoir recueilli des informations sur plus de 19 546 enfants qui ont été signalés comme ayant été déportés ou transférés de force de divers endroits, et dont 388 seulement sont rentrés chez eux.
70. Le 13 mars 2024, le Parlement européen a examiné avec le Conseil et la Commission européenne la manière de répondre aux préoccupations urgentes concernant les enfants ukrainiens déportés de force vers la Russie. Depuis le début de la guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine en février 2022, les organisations internationales ont recensé un large éventail de graves violations des droits humains à l’encontre des enfants. Les informations faisant état d'enfants déportés ou déplacés de force par les autorités russes, associés dans de nombreux cas à des programmes de rééducation et à des adoptions forcées, ont suscité de vives inquiétudes.
71. Le danger des processus de russification mis en place par la Fédération de Russie, qui occupe illégalement le territoire de l'Ukraine voisine, sera évalué de manière plus approfondie dans le rapport «Contrer l'effacement de l'identité culturelle en temps de guerre et de paix» (Rapporteure: Mme Yevheniia Kravchuk, Ukraine, ADLE) 
			(20) 
			Doc 16003.. La coopération entre les différents acteurs et mécanismes existants est nécessaire pour conjuguer les efforts visant à faire revenir les enfants dans les meilleurs délais.

5. Prisonniers de guerre: davantage d’efforts sont nécessaires pour négocier la libération des prisonniers

72. Comme indiqué le 8 février 2024, 33 soldats ukrainiens ont été condamnés à de longues peines dans une colonie pénitentiaire à l'issue de procès illégaux. Les soldats ukrainiens capturés ont été accusés de crimes graves au titre du Code pénal russe, mais la description officielle et succincte de ces «crimes» allégués par la Russie montre qu’en fait, ces soldats ont été poursuivis pour avoir simplement pris part à la guerre en tant que membres des forces armées ukrainiennes. Cette condamnation par la soi-disant «cour suprême» de la «République populaire de Louhansk» dans la région de Louhansk occupée par la Russie est illégale en vertu du droit international humanitaire et du droit des droits de l'homme, car elle ne respecte pas les normes internationales minimales d'équité 
			(21) 
			<a href='https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2024/02/ukraine-russia-33-ukrainian-soldiers-sentenced-to-long-terms-in-penal-colony-after-unlawful-trials/'>«Trente-trois
soldats ukrainiens condamnés à de longues peines dans des colonies
pénitentiaires à l’issue de procès illégaux» (amnesty.org)</a>..
73. La Fédération de Russie doit s'abstenir de prendre des mesures contraires aux Conventions (I à IV) de Genève et à leurs protocoles additionnels. L'Assemblée soutient l’appel lancé en faveur de l'échange de prisonniers de guerre afin d'éviter de nouvelles violences. Les meurtres de prisonniers de guerre ukrainiens non armés commis par l'armée de la Fédération de Russie à Avdiivka et dans le village de Vesele ont montré que le comportement de l'armée de la Fédération de Russie et de ses groupes militaires sous-traitants était des plus cruels et inhumains. Le mépris flagrant du DIH par la Fédération de Russie ne doit pas être négligé par la communauté internationale.
74. Prenant note de la déclaration écrite n° 778 (Doc. 15790) des membres de l'Assemblée du 27 juin 2023, intitulée «Appel au Comité international de la Croix-Rouge et à la communauté internationale à exiger que la Fédération de Russie respecte pleinement le droit international humanitaire concernant les prisonniers de guerre ukrainiens», les États devraient rappeler à la Fédération de Russie que les règles et coutumes de la guerre convenues dans le DIH codifié doivent être respectées par tous afin d’éviter que les atrocités commises en temps de guerre dans le passé ne se reproduisent. L'Assemblée devrait donc examiner attentivement la situation des prisonniers de guerre. Cette question devra être abordée dans ses prochains rapports.

6. Actions futures

75. L'Ukraine devra faire face à des intérêts contradictoires et des dilemmes. Les différentes parties prenantes auront des intérêts divergents. La société ukrainienne peut rester divisée sur la manière d'aborder la situation des personnes aujourd'hui déplacées, selon la personne dont on parle et le lieu où se trouvent les personnes déplacées. Il apparaît essentiel à cet égard de savoir où se trouvent actuellement les Ukrainiens.
76. La situation est assez difficile en ce qui concerne la protection temporaire accordée aux hommes qui peuvent être mobilisés pour défendre le pays. La nouvelle loi sur la mobilisation qui a été adoptée en Ukraine entrera en vigueur en mai 2024. Selon les nouvelles règles, les forces armées ukrainiennes pourraient mobiliser jusqu'à 500 000 personnes mais le nombre exact de personnes susceptibles d'être mobilisées n'est pas précisé dans la loi. À la suite de l'adoption de cette nouvelle loi, les Ukrainiens en âge de servir dans l'armée ne sont pas autorisés à se procurer des passeports dans les bureaux consulaires à l'extérieur du pays. Ces personnes devront revenir en Ukraine pour obtenir des documents.

7. Conclusion

77. L'Ukraine doit recevoir tout le soutien nécessaire pour se défendre. Des transformations sociétales profondes seront nécessaires pour qu’un partenariat solide soit établi entre ceux qui défendent l'Ukraine et ceux qui sont à l'étranger sous protection temporaire. Selon Kristin Sandvik, «la crise des réfugiés est un défi humanitaire qui doit être pris en charge et résolu collectivement, qu'il s'agisse de cadres juridiques, de réponses institutionnelles ou de financement. En élaborant de nouvelles solutions humanitaires à cette crise, des contributions essentielles peuvent être apportées à la paix et à la stabilité internationales» 
			(22) 
			Mme Kristin
Sandvik est professeure de recherche en études humanitaires à PRIO,
professeure de droit et cofondatrice du Centre norvégien d'études
humanitaires: <a href='https://www.prio.org/people/6417'>www.prio.org/people/6417</a>..
78. La tragédie des déplacements laissera une trace indélébile dans la vie des Ukrainiens. La communauté internationale devrait faire tout ce qui est en son pouvoir pour que les Ukrainiens soient aidés dans leur lutte contre l'adversité, quel que soit le lieu où ils se trouvent actuellement, et qu'ils aient la capacité de reconstruire l'Ukraine dès la fin de la guerre.
79. Pour se reconstruire, l'Ukraine devra être soutenue. La Résolution 2539 (2024) et la Recommandation 2271 (2024) de l'Assemblée «Soutien à la reconstruction de l'Ukraine», montrent que le Conseil de l'Europe a pris l’initiative en exprimant sa solidarité avec l'Ukraine et sa population, en condamnant la guerre d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine et en se prononçant pour l’expulsion de la Fédération de Russie de l’Organisation. Le Conseil de l'Europe a également pris l'initiative de créer le Registre des dommages causés par l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine. Ses États membres devraient maintenant jouer un rôle important dans le soutien aux efforts de reconstruction en Ukraine.
80. Pour conclure, permettez-moi de citer un vers d’un poème de Warsan Shire: «Personne ne met ses enfants dans un bateau si l'eau n'est pas plus sûre que la terre sur laquelle ils vivent» 
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			Mme Warsan
Shire est une écrivaine et poète britannique somalienne née à Nairobi
et élevée à Londres.. C'est tout à fait vrai pour les personnes qui fuient les guerres. Le monde moderne ne parvient pas à protéger les populations; il ne parvient pas à instaurer une coexistence pacifique entre les nations modernes, à mettre un terme aux effusions de sang causées par les conflits territoriaux ou aux différends entre ceux qui s'accrochent à l'hégémonie du passé et les sociétés modernes qui aspirent à vivre de manière indépendante en rompant avec ce passé. Le temps est venu d'accorder une plus grande attention à la construction d'une paix durable dans le monde.