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Rapport | Doc. 16035 | 11 septembre 2024

La situation en Iran et la protection des défenseurs iraniens des droits humains dans les États membres du Conseil de l’Europe

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Max LUCKS, Allemagne, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15688, Renvoi 4713 du 2 mars 2023. 2024 - Quatrième partie de session

Résumé

L'Iran est le théâtre d'un mouvement de protestation sans précédent contre le régime islamique depuis la mort de Jina Mahsa Amini en septembre 2022. Face à cette menace existentielle, le régime a réagi avec une extrême brutalité pour faire taire les revendications légitimes des manifestant∙es. Le rapport appelle à un soutien politique aux Iranien∙nes qui se battent pour promouvoir la démocratie, les droits humains et l'État de droit en Iran.

De nombreux Iranien∙nes vivant en Europe soutiennent le mouvement de protestation contre le régime. Ils font souvent l’objet de menaces, d’intimidations, de violences et d’enlèvements de la part des structures de répression de l'État iranien, et sont même victimes d'assassinats. La persécution, par le régime iranien, des voix dissidentes de la société civile et des défenseurs des droits humains tant en Iran et qu’à l'étranger constitue une menace pour la sécurité des sociétés européennes.

La situation en Iran et sa politique intérieure et extérieure menacent la sécurité régionale, européenne et mondiale. Toutefois, les pays européens n'ont pas encore élaboré de stratégie coordonnée pour contrer la politique iranienne visant à déstabiliser l'ordre international et ses activités subversives à l'encontre des démocraties européennes.

Le rapport conclut que le Conseil de l'Europe devrait jouer un rôle important en guidant et en soutenant ses États membres dans l’établissement avec l'Iran des relations coordonnées, fondées sur les droits humains. Le projet de résolution propose des moyens de renforcer la solidarité avec la société civile iranienne et de protéger les Iranien∙nes en Europe, ainsi que des principes pour une politique cohérente à l'égard de l'Iran.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 9 septembre 2024.

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1. L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution 1678 (2009) «Situation en Iran», et fait part une nouvelle fois de sa profonde inquiétude au sujet de la situation des droits humains en République islamique d'Iran et de la politique étrangère de ce pays.
2. Depuis plus de deux ans, la République islamique d'Iran est le théâtre de manifestations de masse contre le gouvernement, qui se sont propagées dans tout le pays à la suite de la mort de Jina Mahsa Amini, une jeune femme décédée lors de sa garde à vue par la «police des mœurs» iranienne, le 16 septembre 2022. Sa mort a donné lieu à un mouvement de protestation sans précédent ayant pour slogan «Femme, Vie, Liberté», dirigé contre le régime islamique dans son ensemble. Face à cette menace existentielle, le régime a réagi avec une extrême brutalité, en recourant à la violence et à la torture, à des enlèvements et à des condamnations à mort afin de faire taire les revendications légitimes des manifestant·es.
3. L’Assemblée rend hommage aux victimes du régime iranien et exprime son soutien politique et sa solidarité aux groupes de la société civile ainsi qu’aux Iranien·nes courageux, qui se dressent contre la répression et se mobilisent pour défendre la démocratie, les droits humains et l’État de droit en Iran.
4. Depuis l’instauration de la «République islamique» en 1979, le peuple iranien est privé de ses droits humains fondamentaux. De nombreux opposant·es au régime ont été contraints de fuir le pays et se sont vu accorder l’asile et la citoyenneté dans des États membres du Conseil de l’Europe. De vastes communautés iraniennes se sont ainsi constituées dans plusieurs pays européens et entretiennent des relations avec des proches et des ami·es restés en Iran.
5. Beaucoup d’Iranien·nes qui vivent en exil en Europe, et de citoyen·nes européens d’origine ou de descendance iranienne, sont opposés au régime au pouvoir en Iran et soutiennent le mouvement de protestation à son égard. Ils font souvent l’objet de menaces, d’intimidations, de violences et d’enlèvements de la part des structures de répression de l’État iranien agissant à l’étranger, et sont même victimes d’assassinats imputables à ces structures.
6. La persécution, par le régime iranien, des voix dissidentes de la société civile et des défenseur·es des droits humains tant en Iran qu’à l’étranger constitue une atteinte grave aux droits humains et une menace pour la sécurité des sociétés européennes.
7. L’Iran est le voisin direct de trois États membres du Conseil de l’Europe, à savoir l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Türkiye, et pèse lourdement sur la stabilité et la sécurité régionales dans le Caucase du Sud.
8. Compte tenu du soutien qu’il apporte au Hamas à Gaza, au Hezbollah au Liban, aux Houthis au Yémen et au régime Assad en Syrie, ainsi que de son opposition farouche à Israël dont il nie le droit d’exister, l’Iran est l’une des parties prenantes les plus influentes et un acteur majeur qui contribue à la déstabilisation du Moyen-Orient.
9. En sa qualité de fournisseur d’armes à la Fédération de Russie, et vu son rapprochement politique avec ce pays, tant au niveau bilatéral que multilatéral, ainsi que ses ambitions stratégiques en Méditerranée, l’Iran fait peser une menace sur la sécurité européenne.
10. Par conséquent, l’Assemblée est convaincue que la situation en Iran et sa politique intérieure et étrangère ont une incidence directe sur la sécurité régionale, européenne et mondiale, et la mettent gravement en danger.
11. Pourtant, à ce jour, les pays européens n’ont pas mis au point de stratégie coordonnée pour contrer la politique iranienne visant à déstabiliser l’ordre international et pour lutter contre ses activités subversives qui menacent les démocraties européennes, y compris pour ce qui est d’assurer la protection des communautés iraniennes en Europe.
12. L’Assemblée est d’avis que le Conseil de l’Europe, en tant que principale institution européenne ayant vocation à défendre et à promouvoir la démocratie, les droits humains et l’État de droit, devrait jouer un rôle important en guidant et en soutenant ses États membres dans l’établissement avec l’Iran des relations coordonnées, fondées sur les droits humains.
13. En conséquence, l’Assemblée appelle les gouvernements et les parlements des États membres et des observateur du Conseil de l’Europe, ainsi que les parlements bénéficiant du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée, à sensibiliser à la situation des droits humains en Iran et à examiner, en consultation éventuellement avec les communautés iraniennes établies en Europe, les moyens de renforcer la solidarité avec les organisations de la société civile iranienne et les personnes qui se battent pour promouvoir la démocratie, les droits humains et l’État de droit en Iran et de les soutenir davantage. L’Assemblée les invite, entre autres:
13.1. à affirmer plus fortement, à tous les niveaux, leur soutien politique et leur solidarité avec les Iranien·nes qui défendent la démocratie et les droits humains;
13.2. à introduire et à appliquer des sanctions ciblées contre l’élite au pouvoir en Iran, c’est-à-dire les personnes physiques et morales liées au régime;
13.3. à garantir l’obligation de rendre des comptes en vertu du droit international en introduisant des sanctions ciblées à l’encontre des auteur·es iraniens de violations des droits humains, et à faire en sorte qu’ils fassent l’objet de poursuites judiciaires à l’échelle internationale;
13.4. à assurer l’accès à une protection internationale à tous les Iranien·nes qui parviennent à s’enfuir et ne peuvent retourner dans leur pays par crainte d’y être persécutés;
13.5. à dépêcher des observateurs et des observatrices indépendants, y compris des membres du personnel de leurs ambassades, pour assister aux procès des manifestant·es placés en détention;
13.6. à fournir aux citoyen·nes iraniens un accès gratuit à internet pendant les coupures de connexion imposées par le régime en période de manifestations, et à faciliter l’accès à internet au moyen de réseaux privés virtuels (VPNs);
13.7. à encourager les échanges internationaux avec la société civile iranienne et ses mouvements de femmes, d’étudiant·es et de syndicats qui la composent.
14. L’Assemblée demande instamment aux gouvernements et autres autorités publiques et organismes compétents des États membres de mettre en place une politique cohérente et coordonnée pour assurer la protection et le respect des droits fondamentaux des iranien·nes qui sont des citoyen·nes des États membres du Conseil de l’Europe, des réfugié·es ou autrement relevant de la juridiction des États membres du Conseil de l’Europe, y compris les binationaux retenus en otages et utilisés comme moyens de pression, contre les activités des services spéciaux iraniens. Les mesures de sécurité en faveur de la diaspora iranienne en Europe, en particulier les personnalités clés de l’opposition, doivent être améliorées, y compris en matière de sécurité numérique et physique; la collecte de renseignements sur les groupes mandataires de l’Iran doit être renforcée.
15. L’Assemblée appelle en outre les gouvernements et les autres autorités compétentes des États membres du Conseil de l’Europe à élaborer une politique cohérente et coordonnée à l’égard de l’Iran, qui devrait s’appuyer sur les principes suivants:
15.1. un engagement diplomatique actif et global vis-à-vis de l’Iran ne devrait pas se limiter à l’accord nucléaire et devrait aborder tous les sujets au sens large et de manière exhaustive, la situation des droits humains doit devenir un sujet de discussion central;
15.2. la possibilité d’abaisser le niveau des relations diplomatiques et commerciales devrait être envisagée;
15.3. l’Europe devrait développer sa propre capacité de dissuasion et être prête à faire payer le prix;
15.4. des sanctions devraient être infligées et mises en œuvre afin de cibler spécifiquement l’élite au pouvoir en Iran;
15.5. en cas de renouvellement de l’accord nucléaire, les avantages et les dommages collatéraux devraient être pris en compte;
15.6. une coordination transatlantique active s’avère nécessaire;
15.7. les accords diplomatiques préjudiciables à la société civile doivent être proscrits;
15.8. l’engagement auprès des citoyen·nes iraniens devrait être renforcé;
15.9. le dialogue avec les groupes de la société civile devrait être développé, de même que les efforts visant à remédier à la fragmentation de l’opposition, en facilitant éventuellement la création d’une plateforme de coordination de l’opposition iranienne à l’étranger;
15.10. une stratégie commune devrait être établie entre les États membres et observateurs du Conseil de l'Europe pour obtenir la libération des citoyen·nes retenus en otage;
15.11. les forces démocratiques et d'opposition d'Iran devraient être rassemblées et leurs voix entendues;
15.12. un mécanisme visant à documenter et à recenser les violations alléguées des droits humains en Iran devrait être établi en tant qu’outil complémentaire à la mission d’établissement des faits du Conseil des droits de l'homme des Nations Unies;
15.13. la possibilité de qualifier le Corps des gardiens de la révolution islamique, voire d’autres entités, d’organisations terroristes devrait être examinée.

B. Exposé des motifs par M. Max Lucks, rapporteur

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1. Introduction

1.1. Origine et procédure

1. Depuis deux ans, la République islamique d’Iran est le théâtre de manifestations massives contre le gouvernement qui se sont propagées dans tout le pays à la suite de la mort de Jina Mahsa Amini, une jeune femme kurde décédée lors de sa garde à vue par la «police des mœurs» iranienne le 16 septembre 2022, après avoir été détenue et maltraitée pour avoir porté un foulard «mal ajusté». Sa mort a donné lieu à un soulèvement révolutionnaire sans précédent et qui se poursuit contre le régime islamique dans son ensemble.
2. Ce mouvement de protestation, le plus important depuis la «révolution islamique» de 1979, est le signe d'une société civile mature dans ce pays. Du Kurdistan au Sistan et au Baloutchistan, la société civile est prête à s'exprimer contre l'oppression politique et les violations des droits humains. Les femmes jouent un rôle de premier plan dans ce mouvement, ainsi que des minorités ethniques telles que les Kurdes.
3. La réponse du régime iranien a été d'une extrême brutalité, marquée par la violence, des tortures, des enlèvements et des condamnations à mort pour faire taire les revendications légitimes des manifestant·es. En conséquence, en novembre 2022, le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies a décidé de mettre en place un mécanisme de documentation permanent sur les violations des droits humains en Iran.
4. Comme tout cela se passe dans un État qui est le voisin direct de trois États membres du Conseil de l'Europe, l’Assemblée parlementaire ne peut pas se permettre de rester silencieuse. En janvier 2023, la commission des questions politiques et de la démocratie a tenu une audition sur la situation en Iran et a entendu les témoignages de plusieurs experts iraniens et internationaux. Suite à cette audition, j'ai initié une proposition de résolution «La situation en Iran» 
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			Doc. 15688 invitant l'Assemblée, entre autres, à exprimer son soutien politique aux groupes de la société civile iranienne et aux individus qui se mobilisent pour promouvoir la démocratie, les droits humains et l'État de droit en Iran, à les aider à sensibiliser les parlements nationaux à la situation en Iran, et à examiner le rôle déstabilisateur de l'Iran dans la région.
5. Une raison supplémentaire de prendre des mesures est liée au fait qu'il existe une importante diaspora iranienne dans de nombreux États membres du Conseil de l'Europe. En effet, à la suite de la «révolution islamique» de 1979 et de la guerre entre l'Iran et l'Irak, plusieurs États membres du Conseil de l'Europe ont accordé l'asile et la citoyenneté à de nombreuses personnes fuyant l'Iran. Par conséquent, des liens transnationaux étroits existent entre la République islamique d'Iran et les États membres du Conseil de l'Europe; les développements en Iran et la politique des autorités iraniennes ont un impact sur nos pays. En même temps, la plupart des États membres du Conseil de l'Europe entretiennent des relations avec l'Iran.
6. Il convient de rappeler que des commandos d'assassins liés au régime iranien sont actifs en Europe depuis de nombreuses années. Un exemple marquant est «l'incident du Mykonos»: l'assassinat de quatre responsables politiques kurdes de premier plan dans un restaurant appelé «Mykonos» à Berlin le 17 septembre 1992. Plus récemment, en novembre 2022, un incendie criminel a été déclenché dans une synagogue de la ville allemande de Bochum dont l'origine peut désormais être attribuée aux autorités de l'État iranien, selon le jugement de la Cour régionale supérieure.
7. La proposition de résolution «La situation en Iran» a été renvoyée à la commission des questions politiques et de la démocratie le 2 mars 2023 et j’ai été désigné rapporteur le 26 avril 2023. En septembre 2023, la commission a entendu ma communication introductive; j'ai ensuite présenté un schéma de rapport en octobre 2023, dans lequel j'ai proposé de changer le titre en «La situation en Iran et la protection des défenseurs iraniens des droits humains dans les États membres du Conseil de l'Europe».
8. Le 5 mars 2024, la commission a tenu une audition avec la participation de deux éminents experts d'origine iranienne vivant et travaillant actuellement en Europe: Mme Nargess Eskandari-Grünberg, maire de la ville de Francfort-sur-le-Main et cheffe du département de la diversité, de la lutte contre les discriminations et de la cohésion sociale, et M. Ali Fathollah-Nejad, directeur du Centre pour le Moyen-Orient et l'ordre mondial (CMEG), à Berlin. Par la suite, j'ai demandé à M. Fathollah-Nejad de fournir une contribution écrite sur plusieurs questions spécifiques à développer. Je lui suis sincèrement reconnaissant d’avoir accepté ma demande et d’avoir fourni une précieuse contribution malgré sa charge de travail très importante due aux développements récents en Iran et liés à ce pays. Le présent rapport repose en grande partie sur cette contribution.
9. J'ai effectué une visite d'information à Londres les 21 et 22 mai 2024. À cette occasion, j'ai rencontré M. Fabian Hamilton, membre de la commission des affaires étrangères de la Chambre des communes, M. Jonathan Hingston, spécialiste principal de la commission du développement international de la Chambre des communes, M. Alexander Pinfield, chef de l'unité Iran du ministère des affaires étrangères, du Commonwealth et du développement, ainsi que les principaux experts travaillant sur l'Iran au sein de groupes de recherche et de défense des droits tels qu'Amnesty International, Article 19 et United Against Nuclear Iran. Je tiens à remercier la délégation du Royaume-Uni pour l'organisation de cette visite, ainsi que tous mes interlocuteurs pour leur précieuse contribution.
10. Dans le cadre de la réunion à Oslo les 30 et 31 mai 2024, la commission des questions politiques et de la démocratie a tenu une autre audition avec la participation de deux éminents Norvégiens d'origine iranienne: M. Mahmoud Farahmand, membre du Parlement norvégien, et M. Reza Amiry-Moghaddam, militant des droits humains, neuroscientifique, professeur à l'Université d'Oslo (en ligne). Je remercie nos collègues norvégiens pour leur contribution utile.

1.2. Portée et objectif du rapport

11. Conformément à la proposition initiale, mon rapport traite à la fois de la situation en Iran à la suite des manifestations de masse qui se poursuivent depuis 2022, et de l'impact de la politique étrangère iranienne sur la situation régionale.
12. Les services secrets iraniens continuent de persécuter les militant·es de la société civile et les opposant·es politiques critiques qui expriment des points de vue différents de la doctrine et de la propagande du régime.
13. En même temps, comme je l'ai déclaré lors de la réunion de la commission des questions politiques et de la démocratie le 12 septembre 2023 à Paris, j'ai aussi l'intention de centrer mon rapport sur les menaces et les dangers auxquels sont confrontés les Iranien·nes vivant en exil en Europe et les citoyen·nes européens d'origine ou d'ascendance iranienne qui critiquent le régime en Iran, en raison des activités des structures de répression de l'État iranien à l'étranger.
14. Il est largement admis que les services de renseignement iraniens sont responsables d'assassinats, d'enlèvements et d'activités d'espionnage à l'étranger, y compris dans les États membres du Conseil de l'Europe. En fait, la persécution par le régime iranien des voix critiques de la société civile et des défenseur·es des droits humains à l'étranger ou en exil constitue un grave problème de droits humains et une menace pour nos sociétés.
15. En conséquence, le titre du rapport a été modifié comme suit: «La situation en Iran et la protection des défenseurs iraniens des droits humains dans les États membres du Conseil de l'Europe».
16. En résumé, j'ai l'intention de présenter une analyse générale de l'Iran, comprenant les innombrables violations des droits humains commises par le régime, son rôle déstabilisateur pour la paix et la liberté dans le monde et les menaces qu'il fait peser sur les voix dissidentes en exil. Je pense qu’une stratégie commune et cohérente est nécessaire pour faire face aux menaces posées par l'Iran.
17. Les États membres et observateurs du Conseil de l'Europe devraient réorienter leur politique étrangère vis à vis de l’Iran ainsi que leurs relations avec ce pays. Mon rapport vise à fournir des lignes directrices pour ces relations, qui incluraient la protection de l'opposition iranienne dans nos États membres, la condamnation de la situation des droits humains en Iran et la lutte contre le rôle déstabilisateur de l'Iran dans la région et dans le monde.

2. Situation en Iran à la suite des manifestations de masse qui se poursuivent depuis 2022

2.1. Des manifestations de masse d'une ampleur sans précédent

2.1.1. Une large base sociale

18. Les manifestations de masse qui ont débuté à l'automne 2022 sous le slogan «Femme, Vie, Liberté» ont constitué le point culminant du processus révolutionnaire à long terme de l'Iran. Elles ont transcendé les frontières sociales et ethniques. Non seulement les classes inférieures et moyennes y ont pris part, mais aussi des membres de la classe supérieure (par exemple des célébrités du sport et personnages de la télévision). En termes d'appartenance ethnique, on a observé une participation de personnes d'origines ethniques différentes, persanes comme non persanes, ainsi qu’une solidarité entre elles. Par exemple, après le début des manifestations au Kurdistan, les habitant·es de la ville voisine de Tabriz, où l'on parle l'azéri, se sont joints au mouvement en scandant: «Tabriz est réveillé et soutient le Kurdistan» (en azéri). La même solidarité a été observée dans d'autres régions et parmi d’autres ethnies iraniennes. Selon une note confidentielle du régime qui a fuité, 84 % des Iraniens sympathisaient avec le soulèvement qui appelait à un changement de régime.
19. Quatre groupes étaient au premier plan des manifestations: (i) les femmes; (ii) les jeunes (15-24 ans, la «génération Z» de l'Iran); (iii) la population étudiante; et (iv) les groupes ethniques marginalisés. Tous ces groupes souffrent de manière disproportionnée du chômage et sont également exposés à diverses autres formes de discrimination de la part de l'État. Des écolier·es, des enseignant·es et des professeur·es d'université ont également pris part aux manifestations, les deux derniers groupes s'étant aussi mis en grève pour exiger la libération de leurs étudiant·es détenus pendant les manifestations.
20. En Iran, les femmes sont confrontées à une discrimination structurelle, qui se traduit notamment par le fait qu'elles sont deux fois plus touchées par le chômage que les hommes (en général et chez les jeunes), tandis que leur taux de participation au marché du travail n'est qu'un cinquième de celui des hommes – malgré un niveau d'éducation équivalent. À cela s'ajoutent la discrimination juridique sexospécifique (ou l'apartheid des sexes), la répression socioculturelle (par exemple, le hijab obligatoire qui permet à l'État de contrôler le corps et le mode de vie des femmes) et la discrimination politique (exclusion de fait des femmes des hautes fonctions politiques dans le cadre d'un système politique patriarcal).
21. Les jeunes souffrent également de manière disproportionnée du chômage et des restrictions socioculturelles qui leur sont imposées par une élite islamiste octogénaire. Au début du mois d'octobre 2022, moins d’un mois après le début du soulèvement, l'âge moyen de la plupart des manifestant·es détenus n'était que de 15 ans, selon le commandant adjoint du Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI), Ali Fadavi.
22. Les étudiant·es ont pris part au soulèvement en manifestant dans plus de 150 universités dans les 31 provinces, malgré la réaction brutale des forces de sécurité et la répression des organisations étudiantes indépendantes qui dure depuis des années. Ils souffrent également d'un taux de chômage supérieur à la moyenne (deux cinquièmes des chômeurs sont des diplômés) et de diverses formes de discrimination politique. Même avant la révolution de 1979, les universités iraniennes étaient un lieu central de dissidence.
23. Enfin, les groupes ethniques et religieux marginalisés d'Iran, tels que les Kurdes, les Baloutches, les Bahaïs ou la communauté juive iranienne encore présente, sont confrontés à une discrimination socio-économique, confessionnelle et politique disproportionnée.

2.1.2. Un régime très inquiet

24. Fin novembre 2022, un rapport secret révélateur de l'agence de presse Fars, affiliée au CGRI, a fait l'objet d'une fuite. Ce rapport fait état des graves préoccupations des hauts responsables du régime concernant les manifestations et les stratégies mises en œuvre par les dirigeants du pays pour les contrer. Ces révélations montrent clairement que les représentants du régime estiment à 10 % de la population (soit plus de 8 millions de personnes) le nombre potentiel de personnes susceptibles de descendre dans la rue pour protester contre la République islamique. Selon la seule estimation officielle du ministère de l'intérieur, 45 000 personnes ont participé à des manifestations dans les rues et 18 000 dans les universités au plus fort du mouvement, début novembre.
25. Toutefois, des estimations indépendantes basées sur le nombre de personnes détenues par les autorités dans les différentes villes ont indiqué un nombre beaucoup plus élevé de 600 000 à 700 000 manifestant·es. Le célèbre spécialiste des mouvements sociaux, Asef Bayat, a même évoqué un nombre trois fois supérieur, soit deux millions de manifestant·es. En revanche, selon le ministère de l'intérieur, 50 000 personnes ont participé aux manifestations de Dey au début de l'année 2017/18 et 200 000 aux manifestations d'Âbân en novembre 2019, qui ont sans doute déclenché le processus révolutionnaire à long terme du pays, car même les classes inférieures – longtemps considérées comme la base sociale fidèle au régime – ont exigé la fin de la République islamique.
26. Lors des manifestations de 2022, Hassan Rahimpour-Azghadi, membre du Conseil suprême de la révolution culturelle, a affirmé qu'elles devaient être perçues par les autorités comme une «alerte à la mort».

2.2. Persécution des opposant·es par les autorités

27. Le peuple iranien est privé de ses droits fondamentaux depuis l'instauration de la République islamique en 1979. Les femmes sont particulièrement visées et les violences sexuelles à leur encontre sont monnaie courante.
28. Il existe des preuves accablantes que, depuis le début des manifestations de masse dans les rues en septembre 2022, les citoyen·es ont été exposés à une présence militaire excessive et sans précédent et à sa violence disproportionnée. Selon les organisations iraniennes de défense des droits humains, plus de 500 manifestant·es ont été tués depuis le début des manifestations et plus de 20 000 personnes ont été arrêtées. On signale également que des jeunes sont systématiquement et délibérément abattus d'une balle dans l'œil.
29. Lors de l'audition le 5 mars 2024, Mme Nargess Eskandari-Grünberg a partagé des informations et fourni des preuves sur la persécution systématique à grande échelle des manifestant·es par le régime iranien, y compris des meurtres et des exécutions. Selon son témoignage, un an et demi après le début de la révolution «Femme, Vie, Liberté» en Iran, il ne s'est pas passé un seul jour sans que des nouvelles choquantes ne parviennent d'Iran. Le régime utilise tous les moyens pour se maintenir au pouvoir.
30. Mme Eskandari-Grünberg a évoqué le cas de Nika Shakarami, une jeune femme qui a protesté après le meurtre de Jina Mahsa Amini. En conséquence de sa résistance, cette adolescente a été violée, battue à mort et jetée du haut d'un immeuble. Pejman Fatehi et Mohammad Faramarzi ont été exécutés en janvier 2024 malgré les efforts, depuis l’Allemagne, de leurs épouses et de Sabbah, le fils de Pejman Fatehi âgé de 5 ans pour les sauver. Le régime n'a pas encore rendu les corps de leurs proches à leurs familles. Au lieu de cela, ils ont été enterrés dans un lieu inconnu. Les disparitions font partie de la stratégie du régime.
31. Selon l'Organisation Hengaw pour les droits humains, il y a eu 823 exécutions en Iran en 2023. Le nombre de cas non signalés pourrait être bien plus élevé. De nombreux prisonniers en Iran sont exposés à un risque imminent d'exécution. Les chercheurs d'Amnesty International ont confirmé la forte augmentation du nombre d'exécutions depuis 2021 (+ 172 %); ils ont également noté un recours disproportionné aux condamnations à mort à l'encontre de la minorité baloutche.
32. Lors de l’audition le 31 mai 2024, M. Amiry-Moghaddam a fait une présentation sur la peine de mort en Iran. Il a confirmé que 834 personnes ont été exécutées en 2023, y compris des femmes, des enfants délinquant·es et des manifestant·es, alors que les autorités iraniennes n'ont annoncé que 125 exécutions. Les principaux chefs d'accusation étaient le blasphème, le meurtre et le viol. Il a souligné la relation entre le nombre d'exécutions et le calendrier des manifestations politiques. Ainsi, lorsque les protestations étaient en cours, le nombre d'exécutions augmentait, le régime cherchant apparemment à instiller la peur dans la société. Il y a eu une augmentation spectaculaire en 2022-2023, en raison des manifestations «Femme, Vie, Liberté».
33. Si les pays européens ont réagi vivement à l'exécution de manifestant·es, il n'en a pas été de même pour les exécutions liées à la drogue. À la suite de l'amendement de 2017 à la loi antidrogue, le nombre d'exécutions a diminué, mais il est reparti à la hausse après la pandémie de covid-19 et le début de nouvelles manifestations. M. Amiry-Moghaddam a appelé les membres à interroger leurs gouvernements sur le soutien qu'ils apportent à l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), car ce dernier coopère avec le régime iranien, ce qui a conduit à des exécutions.
34. Les exécutions et les meurtres dans les prisons et les centres de détention ne sont pas les seuls moyens par lesquels la République islamique cherche à imposer la mort à la société iranienne. Priver les gens d'espoir en la vie est une autre façon d'éliminer les personnes actives et de les rendre dépressives et passives. Le fait que le taux de suicide en Iran ait augmenté de plus de 40 % au cours des dix dernières années n'est pas une coïncidence. La population iranienne souffre des effets dévastateurs des crises économique, politique et sociale, dues à la mauvaise gestion et à la corruption du gouvernement, ainsi qu'au soutien de l'État au terrorisme mondial.
35. Mme Eskandari-Grünberg a souligné que tous ceux qui critiquent le régime iranien se retrouvent, eux et leurs familles, menacés, interrogés et intimidés. Les dissidents en Europe sont également menacés et soumis à des pressions s'ils s'expriment contre le régime.

2.3. Société civile émergente

36. Le mouvement de protestation sans précédent qui se poursuit en Iran depuis la mort de Jina Mahsa Amini en septembre 2022 révèle l'existence d'une société civile mature, prête à manifester son désaccord avec l'oppression politique et les violations des droits humains, les femmes jouant un rôle de premier plan. Ce mouvement est désormais appelé «Femme, Vie, Liberté». Malgré la réponse brutale du régime iranien, qui a recours à la violence, aux enlèvements, à la torture et à la peine capitale pour faire taire les demandes légitimes des manifestant·es, la société iranienne n'a pas cédé et manifeste sa résistance.
37. Selon Ali Fathollah-Nejad, le mouvement de protestation actuel est une troisième vague des protestations qui ont frappé l'Iran en 2017-2018 et en novembre 2019. La base sociale du régime se rétrécit en raison de la corruption des élites. Les causes structurelles de l'instabilité qui a débuté en 2018 et qui a culminé à l'automne 2022 sont toujours présentes. Les quatre crises importantes auxquelles l'Iran est confronté sont (i) la détérioration de la situation socio-économique, (ii) l'incapacité du régime à faire avancer des réformes, (iii) une crise écologique et (iv) le fossé entre les sexes, qui se traduit par une discrimination multiforme à l'égard des femmes. Par conséquent, le processus révolutionnaire à long terme est appelé à se poursuivre. Le taux de participation de 40 % annoncé officiellement pour les dernières élections de mars 2024 est un signe du fossé qui se creuse entre le régime et la société.
38. Dans le cadre des réflexions sur le processus révolutionnaire et dans la perspective d'un Iran post-République islamique, les groupes de la société civile iranienne ont commencé à faire entendre leur voix et à partager leur vision.
39. Tout d'abord, le 11 décembre 2022, la Neighborhood Youth Alliance of Iran ou United Youth of Iran (UYI) a publié 
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			«<a href='https://www.iranintl.com/en/202212111841'>Revolutionary
Youth Groups In Iran Publish Manifesto For Future</a>», Iran International,
11 décembre 2022.un manifeste comprenant 43 articles, dont les revendications peuvent être considérées comme représentatives des aspirations de la société iranienne dans son ensemble: le renversement de la République islamique; la «formation d'un gouvernement démocratique inclusif» qui soit laïque (c'est-à-dire qui sépare l'État et la religion), qui respecte la diversité ethnique, sexuelle, politique et religieuse et qui s'engage à respecter les conventions et chartes internationales, y compris la Déclaration universelle des droits de l'homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention des Nations Unies sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) et la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant; la formation de partis politiques, la «liberté d'action dans le cadre de la loi, le respect de l'intégrité territoriale du pays, les droits humains fondamentaux, la transparence et [...] la démocratie»; un futur gouvernement qui s'engage à assurer le bien-être de ses citoyens, en particulier de ceux qui ne sont pas en mesure de se prendre en charge sans l'aide de l'État, qui fournit une éducation et des soins de santé gratuits pour tous, qui protège l'environnement et qui veille à ce que les riches paient leurs impôts proportionnellement à leurs revenus; le droit du peuple iranien à l'autodétermination, l'égalité des citoyens devant la loi, l'égalité totale des sexes, la liberté de croyance et de religion, la liberté d'expression, la liberté de former des syndicats et d'autres associations, et les libertés personnelles; et enfin, une nouvelle politique étrangère iranienne fondée sur la sauvegarde des intérêts nationaux, le maintien de la paix dans le monde et la non-ingérence.
40. Deuxièmement, cinq mois après le début des manifestations et coïncidant avec le 44e anniversaire de la révolution de 1979, 20 syndicats iraniens indépendants, groupes féministes et organisations étudiantes ont publié une charte commune 
			(4) 
			«<a href='https://iranwire.com/en/politics/113866-iranian-trade-unions-civic-groups-issue-charter-of-minimum-demands/'>Trade
Unions Issue Charter Of Minimum Demands», </a>Iran Wire, 16 février 2023. appelant à des «réformes économiques, sociales et politiques fondamentales». Dans leur déclaration, ils définissent le mouvement «Femme, Vie, Liberté» comme «le début d'une révolution sociale, moderne et humaine pour libérer le peuple de toutes les formes d'oppression, de discrimination, d'exploitation, de tyrannie et de dictature». La charte constate d'emblée que la sortie de la «crise économique, politique et sociale» du pays est «inimaginable dans le cadre politique existant». Elle énumère ensuite les «revendications minimales» sur les questions socio-économiques, politiques et environnementales, qui reflètent également les intérêts de divers mouvements sociaux, et préconise une «révolution contre toute forme de tyrannie religieuse et non religieuse imposée au cours du siècle dernier». Ces deux documents peuvent être considérés comme des projets de changements socio-économiques, politiques et environnementaux indispensables, ainsi que de constitution pour l'après-République islamique et surtout, ces manifestes ont été formulés par des forces sociales dont le rôle dans le processus révolutionnaire sera décisif.
41. Troisièmement, au printemps 2023, une série de messages de solidarité avaient été transmis par des militant·es et des groupes de la société civile en Iran en faveur d'un changement radical. Huit mois après le début des manifestations, des militant·es de «Femme, Vie, Liberté» et des mouvements de femmes ont publié une déclaration exprimant leur solidarité avec les manifestations nationales de travailleurs qui ont eu lieu à la fin du mois d'avril. Ils ont décrit les manifestations des travailleurs comme la base possible d’une grève générale, qu'ils considèrent comme la «clé de la victoire» contre le «gouvernement criminel». Tout en décrivant les travailleurs comme la partie la plus opprimée de la société, ils ont poursuivi en soulignant: «Nous pensons que le mouvement des travailleurs et le mouvement des femmes sont inextricablement liés et ont encore un long chemin à parcourir dans la lutte contre la discrimination et l'inégalité [...]». La déclaration a également été signée par des enseignants, des syndicalistes, des militants politiques, civils et syndicaux, ainsi que par d'anciens prisonniers politiques. En outre, à l'occasion de la Journée internationale des travailleurs du 1er mai, une Charte de la liberté, de la prospérité et de l'égalité pour les militant·es de la société civile a été publiée, dans le but proclamé de rassembler le mouvement syndical et ses revendications spécifiques sous le drapeau du mouvement «Femme, Vie, Liberté».
42. Pour aller de l'avant, un regard sur les expériences des pays du «printemps arabe» peut également offrir des leçons importantes pour la lutte iranienne pour la démocratie. En particulier, le cas du Soudan avant sa révolution en 2018/2019 pourrait servir de modèle. La force indispensable du mouvement révolutionnaire soudanais était l'Association des professionnels soudanais (SPA), un réseau clandestin de la société civile composé d'associations d'enseignants, de journalistes, de médecins, d'avocats et d'autres professionnels, ainsi que de groupes féministes. Dans le contexte iranien, une telle association devrait idéalement inclure des représentants des trois principales composantes de la société civile iranienne, à savoir les mouvements de femmes, de travailleurs et d'étudiant·es, mais aussi la jeunesse et les groupes ethniques marginalisés, ainsi que des associations professionnelles (chauffeurs de bus, chauffeurs de camions, avocats, médecins, etc.).

2.4. Nécessité d'une solidarité internationale

43. Les défenseurs des droits humains, les groupes de la société civile et les activistes iraniens font preuve de courage et de détermination en défendant les valeurs de la démocratie contre l'oppression. La communauté internationale devrait soutenir les revendications du peuple iranien et adopter une stratégie à long terme à l'égard de l'Iran. Les quelques améliorations obtenues en Iran au cours des 20 dernières années, telles que l'abolition de la lapidation comme peine de mort, l'ont été sous la pression internationale.
44. Il est urgent de coordonner l'action européenne de soutien et de solidarité avec le peuple iranien. Cette action pourrait inclure:
  • de prévoir des sanctions ciblées contre l'élite au pouvoir, c’est-à-dire les personnes physiques et morales liées au régime. De nombreuses personnes proches du régime vivent et ont des intérêts financiers en Europe. L'imposition de sanctions à leur encontre réduirait le nombre d'opérations terroristes menées par l'Iran sur son territoire et à l'étranger;
  • de garantir l’obligation de rendre des comptes en vertu du droit international, en introduisant des sanctions ciblées à l’encontre des auteur·es iraniens de violations des droits humains et en engageant des poursuites judiciaires internationales à leur encontre. Des observateurs indépendants devraient assister aux procès des manifestant·es qui ont été détenus, et les ambassades devraient envoyer du personnel pour assister aux procès;
  • d’exercer une pression internationale et de sensibiliser l'opinion publique afin d'empêcher les condamnations à mort pour des motifs politiques à l'encontre des sympathisants du mouvement dans chaque cas individuel;
  • de fournir aux citoyen·nes iraniens un accès gratuit à l'internet pendant les coupures de connexion imposées par le régime en période de manifestations, par exemple via Starlink. Les réseaux privés virtuels (VPN) restent essentiels pour les Iranien·nes; il conviendrait de faciliter l'accès à ces services par un hébergement des VPN sur un Cloud;
  • de favoriser les échanges internationaux avec la société civile iranienne et les mouvements de femmes, d'étudiant·es et de travailleurs qui la composent.

3. L'impact de la politique étrangère iranienne sur la situation régionale

3.1. Relations de l'Iran avec l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Türkiye et leurs répercussions sur ces trois États membres du Conseil de l'Europe

45. La politique étrangère de l'Iran a des répercussions significatives sur la région du Caucase du Sud, en particulier sur les relations avec l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Türkiye, trois États membres du Conseil de l'Europe. Ces liens sont façonnés par des connexions historiques, des intérêts géopolitiques et des dynamiques de sécurité.
46. Relations entre l'Iran et l'Arménie: Téhéran et Erevan entretiennent traditionnellement des relations amicales, étayées par leur intérêt commun à contrebalancer l'influence turque et azerbaïdjanaise dans la région. Dans le conflit l'opposant à l'Azerbaïdjan au sujet du Haut-Karabakh, l'Arménie a vu en l'Iran un allié. Les deux États coopèrent également dans le domaine de l'énergie et des projets d'infrastructure.
47. Les relations entre l'Iran et l'Azerbaïdjan sont complexes et marquées par des tensions ethniques, religieuses et géopolitiques. La présence d'une importante population parlant azéri dans le nord-ouest de l'Iran (principalement dans les provinces d'Azerbaïdjan oriental, d'Ardabil, de Zanjan et d'Azerbaïdjan occidental), associée au gouvernement laïc et nationaliste de Bakou, est une source de tensions idéologiques et géopolitiques. L'Iran considère dans une large mesure les liens étroits de l'Azerbaïdjan avec Israël comme une menace pour sa sécurité, notamment en raison de la proximité géographique de ce pays avec ses propres frontières.
48. Malgré ces tensions, les relations irano-azerbaïdjanaises ont également été marquées par le pragmatisme, en particulier dans les domaines de l'énergie et de la sécurité des frontières. Les deux pays partagent les ressources de la mer Caspienne et coopèrent sur des projets d'infrastructure tels que les corridors de transport reliant l'Iran à la Russie. Cependant, les relations de Bakou avec Israël restent un point de discorde qui pourrait déstabiliser la région en cas d'escalade des tensions entre l'Iran et Israël.
49. L'Iran et la Türkiye partagent une longue histoire de coopération et de rivalité, façonnée par leurs rôles de puissances régionales. Leurs relations sont affectées par le clivage sunnite-chiite et la rivalité pour représenter le «monde islamique», ainsi que par la concurrence géopolitique pour l'influence, en particulier dans les conflits tels que la Syrie et l'Irak. Malgré cette rivalité, les liens économiques restent forts, Ankara étant l'un des principaux acheteurs de gaz naturel iranien.
50. La coopération irano-turque s'étend également aux questions de sécurité, notamment en ce qui concerne les mouvements kurdes que les deux parties considèrent comme terroristes et donc comme une menace pour leur intégrité territoriale. Les récents signes d'ouverture d'Ankara vis-à-vis de Damas peuvent être perçus comme une possibilité de coopération entre l'Iran et la Türkiye sur la Syrie, ou au contraire ouvrir la voie à une sorte de rivalité irano-turque dans le pays.
51. Il est inquiétant de constater que de nombreux dissident·es iranien·es basés en Türkiye sont toujours persécutés par le régime iranien et ses agents sur place, tandis qu'Ankara procède par ailleurs à l'expulsion d'Iranien·es dont la vie pourrait être menacée en Iran 
			(5) 
			«<a href='C:\Users\GAREL\Desktop\ASPOL\DRAFT\, https:\iranhumanrights.org\2023\12\activists-seeking-refuge-in-turkey-face-deportation-severe-persecution-in-iran\'>Les
activistes cherchant refuge en Türkiye font face à l'expulsion et
à de graves persécutions en Iran</a>», Centre pour les droits de l'homme en Iran (CHRI),
21 décembre 2023..
52. Compte tenu de ce qui précède, la politique étrangère de l'Iran a un rôle important à jouer dans le maintien de l'équilibre des forces dans le Caucase du Sud. Les relations avec l'Arménie, l'Azerbaïdjan et la Türkiye ont un impact significatif sur la stabilité et la sécurité régionales.

3.2. Politique de l’Iran au Moyen-Orient

53. Il est évident que le régime iranien est la partie prenante la plus influente qui décide de la guerre et de la paix au Moyen-Orient. Le soutien militaire et financier de l'Iran est crucial pour l'organisation terroriste Hamas qui, par son attaque terroriste contre Israël le 7 octobre 2023, a tué le plus grand nombre de Juifs en un jour depuis la fin de la Shoah. Avec le soutien du Hezbollah au Liban, des Huthis au Yémen et du régime Assad en Syrie, l'Iran est un facteur majeur de déstabilisation du Moyen-Orient.
54. L'attaque contre Israël menée par l'Iran le 13 avril 2024 était un acte d'agression directe sur le territoire souverain d'un autre État, perpétré à l'aide de drones et de missiles balistiques, et un cas de plus montrant le rôle provocateur et déstabilisateur de l'Iran dans la région. L’Europe a besoin d’une stratégie cohérente et conséquente pour contrer l'attitude agressive de l'Iran à l'égard de ses voisins et de sa propre population.
55. L'«axe de la résistance» est un réseau au Moyen-Orient, largement dirigé, financé, équipé militairement et soutenu idéologiquement par la République islamique d’Iran, composé de groupes paramilitaires semi-étatiques et de la Syrie d'Assad. Il s'agit donc de la matérialisation de l'objectif de Téhéran d’exporter la «révolution islamique» dans la région. Celle-ci est dirigée en particulier contre les ennemis désignés de l'«Oumma islamique» (communauté): Israël et les États-Unis d’Amérique, qualifiés respectivement de «petit» et de «grand Satan» dans le jargon du régime iranien.
56. Depuis Téhéran, l'«axe de la résistance» est largement coordonné par le «Beyt» (quasi-tribunal) du guide suprême Ali Khamenei, une sorte de gouvernement parallèle. Les politiques régionales de l'Iran sont mises en œuvre par le bras extérieur du CGRI, la «Brigade Qods» ou «Brigade de Jérusalem» (ou CGRI-FQ). Pendant des décennies, son commandant en chef a été le célèbre général Qasem Soleimani, qui a été tué par des drones américains près de l'aéroport de Bagdad au début de l'année 2020. L'actuel ministre iranien de l'intérieur, en poste depuis 2021, était également un brigadier général du CGRI et le premier commandant de la Brigade Qods.
57. Les partenaires régionaux de l'Iran, outre le régime d'Assad en Syrie, comprennent surtout le Hezbollah libanais, de loin l'organisation la plus professionnelle sur le plan militaire au sein de l'«axe». Le Hezbollah a pu acquérir une expérience de combat importante en Syrie en soutenant Assad. C'est également l'organisation qui fournit une formation et un équipement militaires à d'autres parties de l'«axe», comme les Houthis au Yémen ou le Hamas à Gaza. Les milices chiites en Irak soutenues par l'Iran, principalement organisées au sein de l'alliance des Forces de mobilisation populaire (FMP), le mouvement Ansarallah au Yémen (également connu sous le nom de Houthis), ainsi que le «Jihad islamique» et le Hamas à Gaza font également partie de l'«Axe» dirigé par l'Iran.
58. Le guide suprême Khamenei considère cet «axe» comme la «profondeur stratégique» de l'Iran. Il y voit une sorte de défense avancée, qui considère la présence offensive de l'Iran et des forces pro-iraniennes comme indispensable à la défense.
59. En fait, l'«Axe» va au-delà du soi-disant «Croissant chiite», un concept popularisé au cours de la guerre d'Irak en 2003. En ce qui concerne les organisations palestiniennes (sunnites), la base unificatrice est avant tout le fondamentalisme islamique ainsi qu'une hostilité radicale à l'égard d'Israël, qui va jusqu'à l'extinction de l'«État juif».
60. Malgré la rhétorique belliqueuse à l'encontre d'Israël et des États-Unis, la République islamique d’Iran est bien consciente qu'elle ne doit pas prendre le risque d'une guerre directe. Une telle action mettrait gravement en péril la sécurité du régime, voire sa survie, ce qui constitue une ligne rouge pour Téhéran. Dans ce contexte, l'Iran préfère agir non pas directement, mais indirectement contre ses ennemis. Agir par l'intermédiaire de mandataires régionaux permet d'externaliser sa propre responsabilité et de créer ainsi une sorte d'ambiguïté stratégique. C'est pourquoi les attaques de drones ou de roquettes menées par les Houthis contre les infrastructures énergétiques saoudiennes et émiraties, par le Hezbollah contre Israël ou par les milices chiites pro-iraniennes en Irak et en Syrie contre la présence militaire américaine dans ce pays sont difficilement imputables directement à Téhéran. Pourtant, il est fort probable qu'elles soient ordonnées, coordonnées ou au moins autorisées par leur protecteur iranien.
61. L'Iran poursuit une stratégie de déstabilisation de la région et dans son voisinage immédiat, en ignorant les préoccupations en matière de droits humains et de droit international. Il est clairement établi que le régime iranien contribue activement et intentionnellement à la déstabilisation de la région de Shingal en Irak, empêchant ainsi le retour en toute sécurité de la minorité yazidie dans cette région.
62. Cette politique de déstabilisation régionale, de sabotage et de provocation promue par l'Iran s'est poursuivie sans relâche parce que les dirigeants de Téhéran ont supposé qu'une réponse vigoureuse, en particulier de la part des États-Unis, ne se matérialiserait pas. En raison de la réalité et de la perception d'un retrait relatif des États-Unis de la région du Moyen-Orient, certaines monarchies arabes du golfe Persique ont été contraintes de s'entendre avec Téhéran afin d'être épargnées à l'avenir par les attaques coordonnées par l'Iran. L'accord de détente saoudo-iranien de mars 2023 en est le meilleur exemple.

3.3. Implications mondiales

63. Le régime iranien est une menace pour le monde entier, car il mène des guerres par procuration au-delà de ses frontières et soutient des groupes terroristes.
64. En apportant son soutien à la Russie, par exemple pour la livraison de drones de combat, l'Iran contribue non seulement à la déstabilisation de sa propre région, mais soutient aussi directement la Russie dans sa guerre criminelle d'agression contre l'Ukraine, compromettant ainsi la paix en Europe.
65. Traditionnellement, la «profondeur stratégique» de la République islamique comprenait principalement la zone géographique de son «axe de résistance», c'est-à-dire l'Irak, la Syrie, le Liban et les territoires palestiniens occupés jusqu'au Yémen et au détroit de Bab al-Mandab. Selon les hauts responsables du CGRI, la Méditerranée s'y ajouterait désormais. En fait, un rayon de 5 000 kilomètres inclurait la quasi-totalité de l'Europe continentale et l'ensemble de la Méditerranée. Jusqu'à présent, les responsables iraniens avaient parlé d'une limite auto-imposée – ni technique ni permanente – de 2 000 km dans leurs menaces militaires déguisées contre l'Europe, ce qui permettrait aux missiles balistiques iraniens d'atteindre les États membres de l’Union européenne en Europe de l'Est (en particulier la Grèce ou la Bulgarie). Les ogives iraniennes plus légères, d'une portée de 3 000 km, pourraient toutefois atteindre l'Europe centrale, y compris Vienne 
			(6) 
			<a href=' Url='C:\Users\GAREL\Desktop\ASPOL\DRAFT\, https:\iranhumanrights.org\2023\12\activists-seeking-refuge-in-turkey-face-deportation-severe-persecution-in-iran\''>www.politico.eu/article/iran-ballistic-missile-capabilities-growing-threat-europe/. </a>. Tout cela devrait alerter l'Union européenne.
66. En outre, le soutien militaire de l'Iran à la guerre d’agression de la Russie contre l'Ukraine s'est accru, tandis qu'il aide Moscou à se soustraire illégalement aux sanctions occidentales, notamment européennes, sur le pétrole et le gaz 
			(7) 
			Sur ce dernier point,
voir <a href='https://www.politico.eu/article/iran-russia-cooperation-dodging-oil-sanctions/'>politico.eu/article/iran-russia-cooperation-dodging-oil-sanctions/</a>..
67. Dans le sillage de la guerre d’agression contre l'Ukraine, le partenariat entre l'Iran et la Russie s'est encore approfondi, les deux pays voyant un dénominateur commun dans leur résistance contre l'Occident. Non seulement l'Iran fournit à la Russie des drones 
			(8) 
			<a href='https://www.reuters.com/world/europe/russia-has-received-hundreds-iranian-drones-attack-ukraine-white-house-2023-06-09/'>www.reuters.com/world/europe/russia-has-received-hundreds-iranian-drones-attack-ukraine-white-house-2023-06-09/. </a>, qui sont utilisés à grande échelle contre l'Ukraine pour occuper les défenses aériennes ukrainiennes, les épuiser et attaquer les infrastructures civiles ukrainiennes, mais il a même récemment soutenu Moscou dans la construction d'une usine au Tatarstan (une république autonome à l'ouest des montagnes de l'Oural) 
			(9) 
			<a href='https://www.wsj.com/world/the-russian-drone-plant-that-could-shape-the-war-in-ukraine-7abd5616.'>www.wsj.com/world/the-russian-drone-plant-that-could-shape-the-war-in-ukraine-7abd5616. </a>, où la Russie peut fabriquer des drones de manière indépendante et atténuer ainsi certains des effets des sanctions occidentales sur la fourniture d'armes. En retour, l'Iran bénéficie également des avantages militaires de la Russie, puisqu'il a obtenu le système de défense antimissile S-300 ou des hélicoptères de combat.
68. Grâce à ce partenariat, Téhéran et Moscou bénéficient tous deux de l'optimisation technique des systèmes d'armes et de leur utilisation stratégique – après tout, ils ont été largement testés sur les champs de bataille de la Syrie et maintenant de l'Ukraine. Cela s'est manifesté, par exemple, dans l'attaque directe sans précédent de l'Iran contre Israël le 13 avril 2024, qui présentait de nombreux parallèles avec les attaques russes en Ukraine 
			(10) 
			<a href='https://www.understandingwar.org/backgrounder/why-you-cant-be-iran-hawk-and-russia-dove.'>www.understandingwar.org/backgrounder/why-you-cant-be-iran-hawk-and-russia-dove. </a>. En outre, l'approfondissement de la coopération militaire entre l'Iran et la Russie souligne leur orientation stratégique caractérisée, d'une part, par leur hostilité à l'égard des États-Unis et de leurs alliés (y compris l'Union européenne) et, d'autre part, par des efforts militaires et politiques coordonnés visant à renforcer leur influence régionale et mondiale.

4. L'influence iranienne à l'étranger

4.1. Structures de l'influence iranienne sur les processus de prise de décision politique à l'étranger

69. Afin de projeter son influence sur les pays étrangers, l'Iran utilise un large éventail de moyens. Outre les missions diplomatiques et commerciales officielles, il utilise notamment les éléments suivants.
70. Premièrement, il existe un réseau d'agents liés à l'État, déployés pour surveiller les activités des dissidents et qui se livrent souvent à des actes d'intimidation et à des agressions physiques, allant jusqu'à menacer leur vie.
71. Par exemple, depuis les manifestations de 2022 en Iran, les activités d'espionnage liées à Téhéran en Allemagne, où vivent environ 300 000 Iranien∙nes, sur les Iranien∙nes de la diaspora et les bi-nationaux se sont multipliées. Selon un rapport parlementaire fourni par le Gouvernement allemand, les Iranien∙nes dissidents sont considérés par la République islamique comme une «menace pour la pérennité du régime». Le rapport ajoute également que, selon les services de renseignements intérieurs allemands, 160 personnes ayant un lien avec l'Allemagne sont considérées comme liées au CGRI et se livrant à des «activités d'espionnage de grande envergure», en particulier contre des cibles (pro-)israéliennes et (pro-)juives 
			(11) 
			<a href='https://www.welt.de/politik/deutschland/article243710081/Iran-betreibt-umfangreiche-Ausspaehungsaktivitaeten-in-Deutschland.html'>www.welt.de/politik/deutschland/article243710081/Iran-betreibt-umfangreiche-Ausspaehungsaktivitaeten-in-Deutschland.html</a>..
72. Deuxièmement, l'Iran utilise un réseau d'expert∙es et de chercheur∙es de groupes de réflexion, dont certains sont directement liés à Téhéran, pour diffuser un récit sur la politique intérieure et la politique étrangère iraniennes qui soit conforme aux intérêts de la République islamique plutôt qu'à la réalité sociale de l'Iran ou qui soit sensé, voire critique, à l'égard de la conduite de l'Iran à l’étranger, ce qui serait indispensable à l'élaboration de la politique européenne à l'égard de l'Iran.
73. L'initiative des experts en Iran (IEI) en est un excellent exemple. Il s'agit d'un réseau d'expert∙es des principaux groupes de réflexion en Europe et aux États-Unis, qui prône le rapprochement et les compromis de l'Occident avec Téhéran et qui est très sceptique quant à l'imposition de sanctions économiques et de pressions diplomatiques et politiques sur la République islamique. L'IEI était non seulement en contact étroit et, dans certains cas, travaillait en coordination avec le groupe de réflexion du ministère iranien des affaires étrangères, l'Institut d'études politiques et internationales (IPIS), mais c'est ce dernier qui, en 2014, a lancé l’IEI et a choisi ses principaux membres. L'IEI a fait l'objet d'une controverse lorsque des rapports ont suggéré que certains de ses membres avaient des liens avec le Gouvernement iranien et avaient tenté d'influencer les discussions politiques occidentales en faveur des intérêts de Téhéran, allant même jusqu'à proposer de rédiger des articles au nom de l'Iran. En bref, la mission de l'IEI, «un réseau d'influence formé et guidé par Téhéran», a été décrite comme étant un moyen de renforcer le «soft power» iranien en Occident et d'y projeter une image positive de Téhéran. Cela a suscité des inquiétudes quant au risque de conflits d'intérêts ou à la diffusion de récits favorables à la République islamique sous couvert d'une expertise indépendante et axée sur la diplomatie 
			(12) 
			«<a href='https://www.semafor.com/article/09/25/2023/inside-irans-influence-operation'>Inside
Iran's influence operation»</a>, Semafor, 25 septembre
2023; «<a href='https://content.iranintl.com/en/investigates/inside-tehran-softwar/index.html'>Inside
Tehran's Soft War: How Iran Gained Influence In US Policy Centers»</a>, «<a href='https://www.semafor.com/article/02/02/2024/how-iran-used-its-ties-to-a-top-global-ngo'>How
Iran used its ties to a top global NGO»</a>, Semafor, 2 février
2024; «<a href='https://content.iranintl.com/en/investigates/covert-ties-between-iran-and-the-international-crisis-group/index.html'>Iran's
influence network: Covert Ties Between Iran And The International
Crisis Group</a>», Iran International,
2 février 2024..

4.2. Menace terroriste iranienne à l'étranger

74. Lors de l’audition du 31 mai 2024, M. Farahmand a rappelé que les poursuites contre les dissident∙es en Iran étaient systématiques et se poursuivaient depuis la révolution de 1979. La plupart des personnalités révolutionnaires iraniennes, y compris Khomeini, avaient vécu en exil en Occident avant la révolution et étaient considérées par les intellectuels et les politiciens occidentaux comme des sauveurs du peuple iranien. Le régime arrivé au pouvoir en 1979 a arrêté d'anciennes personnalités politiques et d'anciens ministres et les a accusés de trahison à l'égard de l'Iran et de l'Islam; ils ont été exécutés brutalement. Le clergé iranien semblait avoir une liste de ceux qu'il voulait poursuivre, y compris les Iranien∙nes en exil. M. Farahmand a ensuite rappelé plusieurs des assassinats les plus scandaleux commis par les agents iraniens à l'étranger.
75. Lorsque les pays occidentaux ont commencé à réagir à ces assassinats, l'Iran a lancé une contre-opération: l'enlèvement et la prise d'otages. Plusieurs cas d'enlèvements de citoyen∙nes européens et américains vers l'Iran ont été recensés dans le passé. Mme Eskandari-Grünberg a évoqué le cas d'Habib Chaab, un militant politique arabe iranien de nationalité suédoise, enlevé en 2020 lors d'une visite en Türkiye et transféré clandestinement en Iran où il a été exécuté en mai 2023. Elle a également rappelé le cas du citoyen allemand Jamshid Sharmahd qui a été enlevé à Dubaï et pourrait être exécuté à tout moment. Il s'agit là d'un manquement manifeste de l'Europe à son devoir de protection des citoyens de l'Union européenne.
76. Après le soulèvement de 2022, le Gouvernement iranien a intensifié ses opérations en Occident, ciblant les journalistes iraniens et d'autres personnalités. La diaspora iranienne est régulièrement menacée de mort. La communauté juive est une autre cible principale des actions terroristes iraniennes en Europe.
77. Le 29 mars 2024, Pouria Zeraati, journaliste irano-britannique, a été poignardé devant son domicile à Wimbledon, à Londres 
			(13) 
			«<a href='https://www.bbc.com/news/uk-68824832'>Stabbed Iran International
journalist Pouria Zeraati 'feeling much better</a>'», bbc.com.. M. Zeraati travaille pour Iran International, une chaîne de télévision d'information en persan basée à Londres et destinée aux téléspectateurs iraniens. La chaîne a fait l'objet de menaces de la part du Gouvernement iranien dans le passé, ce qui a conduit à la fermeture et à la délocalisation des bureaux aux États-Unis au début de l'année 2023.
78. La série d'incidents récents, notamment des agressions à l'arme blanche et des actes de violence, constitue un grave danger. Nombre de ces attaques ont été menées par procuration, et l'absence de réaction de la part des pays européens crée un mauvais précédent qui encourage l'Iran à poursuivre ses actions.
79. Le niveau de menace est renforcé par la capacité des autorités iraniennes à nourrir le radicalisme dans les pays européens, avec des associations d'étudiants accueillant des commandants du CGRI et des activités se déroulant dans les mosquées, sur les campus universitaires et dans les écoles. Les gouvernements européens doivent prendre des mesures concertées pour réduire cette menace.

5. Propositions d'action

80. Les menaces et les défis sécuritaires posés par l'Iran exigent un changement de paradigme dans la politique européenne à l'égard de l'Iran, qui n'a que trop tardé 
			(14) 
			Voir Ali Fathollah-Nejad,
«<a href='https://www.brookings.edu/articles/europe-and-the-future-of-iran-policy-dealing-with-a-dual-crisis/'>La
République islamique en crise et la nécessité d'un changement de
paradigme dans la politique iranienne de l'UE »</a>, Cahiers de Chaillot, Paris:
Institut européen d'études de sécurité (IES), 2023.. Aujourd'hui, les menaces iraniennes contre la sécurité maritime en Méditerranée ajoutent une nouvelle urgence. Il s'agirait essentiellement de contrer la perception iranienne d'une Europe faible et conciliante, et de modifier ainsi le calcul coûts-avantages du régime, ce qui amènerait l'Iran à corriger sa trajectoire vis-à-vis de l'Europe et de ses intérêts. Ce changement de paradigme pourrait comprendre les éléments suivants.

5.1. Imposer et appliquer des sanctions qui nuisent à l'élite au pouvoir en Iran

81. Dans le débat européen sur les sanctions contre l'Iran, l'efficacité des sanctions n'est pas suffisamment prise en compte. L'Europe devrait concevoir son régime de sanctions contre l'Iran de manière si solide qu'il nuise significativement à l'élite du pouvoir de la République islamique. Les sanctions imposées par l'Union européenne dans le sillage du mouvement révolutionnaire «Femme, vie, liberté» à l'automne 2022 ont été un succès politique important, obtenu uniquement grâce à la pression politique exercée par les différents États membres. Cependant, ces sanctions n'ont pas suffisamment de poids sur l'élite au pouvoir du régime iranien. L'Union européenne pourrait également inscrire le CGRI sur la liste des organisations terroristes. À l'initiative de l'Allemagne, un avis juridique du Service européen pour l'action extérieure a montré que l'inscription du CGRI sur la liste des organisations terroristes était juridiquement possible. Ce qu'il faut maintenant, c'est unir les efforts au sein de l'Union européenne pour concrétiser cette inscription. En d'autres termes, les sanctions devraient viser les figures et les institutions centrales de l'élite au pouvoir, plutôt que les acteurs de second ou troisième rang, ainsi que les oligarques liés au régime à l'étranger.
82. La réticence notable de l'Europe à l'égard des sanctions s'explique par une raison principale: l'obsession de l’Union européenne pour la question nucléaire iranienne et la crainte que des sanctions sévères ne découragent les dirigeants iraniens de revenir à la table des négociations dans le cadre du plan d'action global conjoint (JCPOA pour Joint Comprehensive Plan of Action). Cependant, on ne reconnaît pas que la décision en faveur ou contre la diplomatie nucléaire est largement déterminée par les intérêts économiques de l'élite du pouvoir de la République islamique. Lorsqu'un assouplissement des sanctions est nécessaire pour stabiliser le régime, Téhéran fait part de sa volonté de négocier – comme on l'a vu lors de la préparation de l'accord nucléaire de 2015 et aujourd'hui avec le nouveau président iranien Masoud Pezeshkian. C'est précisément pour cette raison que la désignation par les États-Unis, en 2019, du CGRI comme organisation terroriste étrangère n'a pas enterré le désir iranien de reprendre la diplomatie nucléaire à l'avenir.
83. En outre, les E3 (Allemagne, France et Royaume-Uni) pourraient activer le mécanisme dit de «snap-back» du JCPOA en cas de violation de l'accord par l'Iran en raison de l'escalade de son programme nucléaire. Ce mécanisme réintroduirait automatiquement les sanctions globales des Nations Unies. La simple menace d'une telle mesure pourrait être efficace, la République islamique la redoutant depuis des années, car elle porterait également atteinte aux sinécures économiques de l'élite.
84. Enfin, l’Union européenne pourrait empêcher le pétrole iranien d'atteindre indirectement l'Europe 
			(15) 
			<a href='https://en.otaghiranonline.ir/news/44628'> Voir https://en.otaghiranonline.ir/news/44628,</a><a href='https://en.mehrnews.com/news/201888/Germany-imports-oil-from-Iran-despite-US-sanctions'> https://en.mehrnews.com/news/201888/Germany-imports-oil-from-Iran-despite-US-sanctions</a>, <a href='https://www.tasnimnews.com/en/news/2023/06/13/2910135/germany-resumes-petroleum-imports-from-iran-despite-sanctions-eurostat'>www.tasnimnews.com/en/news/2023/06/13/2910135/germany-resumes-petroleum-imports-from-iran-despite-sanctions-eurostat, </a><a href='https://www.tehrantimes.com/news/495809/Despite-sanctions-2-EU-members-imported-Iranian-oil-in-2023'>www.tehrantimes.com/news/495809/Despite-sanctions-2-EU-members-imported-Iranian-oil-in-2023</a>.. Début juillet 2024, le ministre iranien du pétrole Javad Owji a déclaré que l'Iran exportait du pétrole brut vers 17 pays, dont des pays européens (sans les citer) 
			(16) 
			<a href='https://www.iranintl.com/en/202407025959.'> www.iranintl.com/en/202407025959. </a>.

5.2. Mettre fin à l'obsession de la question nucléaire – l'erreur stratégique clé de l'Occident

85. La focalisation de l'Europe sur la question nucléaire comporte d'importants inconvénients stratégiques. Elle permet à la République islamique de donner le ton grâce à sa stratégie d'«escalade nucléaire», tandis que l'Europe ou l'Occident sont condamnés à adopter une attitude «réactive». L'objectif de cette stratégie iranienne – avant le JCPOA de 2015 comme aujourd'hui – est de susciter l'alarmisme de l'Occident afin qu'il se précipite le plus rapidement possible à la table des négociations pour faire des concessions à l'Iran.
86. En fait, la «peur du nucléaire» constitue un moyen d'intimidation central pour le régime iranien 
			(17) 
			Voir aussi <a href='https://www.thecipherbrief.com/column_article/putins-greatest-weapon-remains-the-scare-tactic'>www.thecipherbrief.com/column_article/putins-greatest-weapon-remains-the-scare-tactic</a>. qui utilise le spectre d'un «Iran nucléaire» comme un moyen de pression important sur l'Occident pour l'empêcher d'adopter une position plus ferme à son égard 
			(18) 
			Voir également <a href='https://iranjournal.org/politik/atomprogramm-des-iran-eine-momentaufnahme'>l'analyse
d'un ancien conseiller de l'AIEA</a>..

5.3. Nécessité d'une diplomatie globale à l'égard de l'Iran

87. Compte tenu de l'erreur stratégique que constitue l'obsession de la question nucléaire et des menaces plus larges posées par les politiques de Téhéran, toute négociation avec la République islamique devrait être menée de manière plus large et plus complète qu'auparavant. Cela signifie qu'il faut inscrire à l'ordre du jour diplomatique l'ensemble des défis iraniens décrits ci-dessus.

5.4. Comprendre les dommages collatéraux d'un nouvel accord exclusivement nucléaire

88. Un nouvel accord nucléaire comprendrait l'assouplissement des sanctions contre l'Iran. La question est de savoir où iraient les dividendes économiques de l'Iran qui en résulteraient. L'expérience acquise à la suite de la mise en œuvre du JCPOA en janvier 2016 suggère que ses dividendes économiques – principalement dérivés de la relance des exportations de pétrole et du commerce avec l'Europe et ailleurs – (i) profitent principalement à des entités étatiques et semi-étatiques, c'est-à-dire au régime, compte tenu de l'économie politique de la République islamique; et (ii) sont utilisés par les dirigeants iraniens au profit de leurs propres priorités, par exemple: (a) pour renforcer le régime répressif de la République islamique d'Iran; (b) contenir le processus révolutionnaire en cooptant financièrement les employés du vaste appareil d'État qui pourraient envisager de se ranger du côté du peuple; (c) financer les programmes iraniens de missiles, de drones et nucléaire, tous contrôlés par le CGRI; et (d) financer l'«axe de la résistance», accélérant ainsi la déstabilisation régionale, avec des conséquences imprévisibles pour le Moyen-Orient et l'Europe.

5.5. Une politique plus ferme à l'égard de l'Iran: dissuader et imposer des coûts

89. Il est essentiel que l'Europe développe rapidement une dissuasion contre les menaces iraniennes. Outre la coordination transatlantique, dont les États-Unis constitueraient l'épine dorsale militaire, les éléments de la dissuasion européenne incluraient la menace et la mise en œuvre ultérieure d'une dégradation des relations diplomatiques et économiques avec Téhéran en cas de défi iranien, l'imposition de sanctions à l'élite au pouvoir et l'activation du mécanisme de «snap-back» du JCPOA – en d'autres termes, l'utilisation de tous ses instruments de pouvoir. En bref, les coûts doivent être clairement communiqués aux dirigeants iraniens, de même que la volonté politique de les imposer.
90. Il est important de noter que le moyen le plus efficace dont dispose l'Europe, le mécanisme de «snap-back», expirera très bientôt, c'est-à-dire en janvier 2026, dix ans après la mise en œuvre du JCPOA, au moment où la Résolution 2022 du Conseil de sécurité des Nations unies entérinant ce dernier prendra également fin 
			(19) 
			<a href='http://www.armscontrol.org/factsheets/joint-comprehensive-plan-action-jcpoa-glance'>www.armscontrol.org/factsheets/joint-comprehensive-plan-action-jcpoa-glance</a>.. D'ici là, les États européens signataires pourraient rétablir les sanctions de l'ONU en cas de «non-respect important des obligations découlant du JCPOA». En vertu du JCPOA, tout signataire, c'est-à-dire y compris les E3, a le droit de déposer une plainte auprès du Conseil de sécurité des Nations Unies pour non-respect des dispositions du JCPOA, déclenchant ainsi une procédure de 30 jours pour rétablir les sanctions multilatérales contre l'Iran qui ont été suspendues par la Résolution S/Res 2231 (2015) du Conseil de sécurité des Nations Unies. Dans un tel cas, même les pouvoirs de veto de la Russie et de la Chine ne peuvent les bloquer. Il existe des motifs suffisants pour conclure à une violation de la part de l'Iran, comme l'enrichissement d'uranium à un niveau proche de celui des armes en février 2023 
			(20) 
			<a href='https://apnews.com/article/iran-politics-international-atomic-energy-agency-israel-government-benjamin-netanyahu-45b623742bb6bd4c7314de7df6c3f1e9?trk=article-ssr-frontend-pulse_little-text-block'>Gambrell,
J., «Iran acknowledges accusation it enriched uranium to 84%»</a>, Associated Press,
23 février 2023. Voir également Henderson, S., <a href='https://thehill.com/opinion/national-security/3865793-iran-enriched-uranium-to-84-percent-but-can-it-make-a-nuclear-bomb/'>«Iran
enriched uranium to 84 percent – but can it make a nuclear bomb?»,</a> The Hill, 20 février 2023..

5.6. Une coordination transatlantique est nécessaire pour que l'Europe soit prise au sérieux par Téhéran

91. Pour exercer une influence décisive sur le comportement de Téhéran et réduire les menaces qui pèsent sur sa sécurité, l'Europe n'a finalement pas les moyens de puissance dont disposent les États-Unis, à savoir la domination du système bancaire et financier ainsi que de la sphère militaire. Les dirigeants de la République islamique le savent très bien: c'est pourquoi ils se permettent une grande arrogance à l'égard de l'Europe, mais sont beaucoup plus prudents à l'égard de Washington. Cette étape est particulièrement nécessaire en ce qui concerne la diplomatie dite des otages. Entre-temps, l'objectif traditionnel de Téhéran est de diviser l'Occident, en incitant l'Europe à former un contrepoids aux États-Unis afin d'atténuer la pression exercée sur lui.
92. Bien que l'on parle beaucoup d'une communauté occidentale de valeurs et d'intérêts, il n'y a eu pratiquement aucun effort du côté européen pour se coordonner avec Washington en ce qui concerne la stratégie ou la politique à l'égard de l'Iran. Indépendamment de la question de savoir qui sera le prochain président américain, il y aurait suffisamment de dénominateurs communs de part et d'autre de l'Atlantique concernant les défis iraniens qui pourraient constituer la base d'une politique transatlantique à l'égard de l'Iran.

5.7. Pas de diplomatie sur le dos de la société civile: ne pas nuire au processus révolutionnaire

93. Étant donné la profonde perte de légitimité populaire de la République islamique, un accord qui finirait par bénéficier à l'État autoritaire pourrait être considéré comme un coup de poignard dans le dos du mouvement démocratique iranien. Dans le même ordre d'idées, le président de la Fondation de la Conférence sur la sécurité de Munich a affirmé que, face aux protestations populaires, l’Union européenne ne devrait pas faire preuve de retenue en imposant des sanctions plus sévères à Téhéran pour ses graves violations des droits humains, indépendamment de la perspective d'une reprise de la diplomatie 
			(21) 
			Bayat, B., <a href='https://www.derstandard.at/story/2000142215508/keine-deals-mit-dem-mullah-regime'>«No
deals with the mullah regime</a>» (en allemand), Der Standard,
2 janvier 2023; Ischinger, W., «<a href='https://www.politico.eu/article/geostrategic-challenges-2023-ukraine-iran/'>Two Geostrategic
Challenges for 2023: Ukraine and Iran»</a>, Politico, 5 janvier
2023..

6. Conclusions

94. Le Conseil de l'Europe, en tant que principale institution européenne de protection et de promotion de la démocratie, des droits humains et de l'État de droit, devrait jouer un rôle important en guidant et en soutenant ses États membres dans l'élaboration d'une approche coordonnée des relations avec l'Iran.
95. L'instabilité de la situation sécuritaire mondiale et régionale, qui a un impact particulier sur les défenseurs des droits humains, appelle à un engagement renouvelé en faveur des valeurs communes entre tous les États membres afin de renforcer la protection de l'opposition iranienne à l'étranger.
96. La prise de conscience de la répression transnationale au sein des gouvernements est en forte baisse et doit être renforcée pour protéger leurs propres populations. Cela passe par la formation de tous les fonctionnaires qui s'occupent de populations vulnérables ou qui peuvent être en contact avec la répression transnationale dans le cadre de leur travail, notamment les membres des forces de l'ordre, des bureaux de migration et du ministère des affaires étrangères, y compris le personnel diplomatique.
97. Le Conseil de l'Europe ne devrait pas seulement améliorer la sécurité de la nombreuse diaspora iranienne en Europe; il devrait également s'efforcer de créer, par le biais de ses structures et institutions, un mécanisme permettant de soutenir en permanence la société civile et l'opposition iraniennes et de nouer un dialogue.
98. Plus généralement, les États membres du Conseil de l'Europe devraient élaborer des mesures et des politiques de protection communes contre les activités iraniennes contraires aux droits humains.
99. Les lois et politiques existantes contre les activités de renseignement des États étrangers qui se livrent à une répression transnationale doivent être révisées et harmonisées afin que ces États puissent être tenus pour responsables.
100. Il faut mettre fin à tout soutien direct ou indirect, mais surtout à l'exportation de technologies pouvant être utilisées pour surveiller et réprimer les populations.
101. Le Comité du Conseil de l'Europe de lutte contre le terrorisme (CDCT) élabore la stratégie antiterroriste du Conseil de l'Europe. Cette compétence peut être élargie au phénomène de la répression transnationale afin de fixer des normes de protection des droits humains des opposant∙es entre les États membres du Conseil de l'Europe.
102. Le Conseil de l'Europe devrait soutenir la mise en réseau des États membres et observateurs qui sont touchés par les prises d'otages du régime iranien. Il est nécessaire d'adopter une approche stratégique commune à cet égard.
103. Les voix démocratiques en Iran doivent s'entendre. Le Conseil de l'Europe devrait tenter d'amener les différentes voix de l'opposition démocratique en Iran à dialoguer les unes avec les autres.
104. Compte tenu des développements au Moyen-Orient, en particulier l'attaque de missiles iraniens contre Israël le 13 avril 2024, il est absolument nécessaire de mettre en place une stratégie européenne cohérente et résolue visant, entre autres, à empêcher de nouvelles attaques de missiles et de drones iraniens contre Israël et le voisinage immédiat de l'Iran et à perturber la capacité du régime iranien à renforcer ses mandataires dans la région et à en créer de nouveaux.