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A. Projet de
résolution
(open)
Rapport | Doc. 16126 | 07 mars 2025
Aspects juridiques de l'adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme
Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
A. Projet de
résolution 
(open)1. La Convention européenne des
droits de l’homme (STE no 5, «la Convention»),
qui célèbre son 75e anniversaire en 2025,
peut être considérée comme la réalisation la plus remarquable du
Conseil de l’Europe et la pierre angulaire de toutes ses activités.
Bien que sa ratification soit une condition préalable à l’adhésion
à l’Union européenne et que les droits fondamentaux garantis par
la Convention fassent partie des principes généraux du droit de
l’Union, l’Union européenne n’est pas encore partie à la Convention
et ses institutions ne sont pas directement liées par cet instrument.
Cela signifie que les États membres de l’Union européenne – tous
États membres du Conseil de l’Europe et parties à la Convention
– peuvent être tenus responsables de violations des droits de la
Convention devant la Cour européenne des droits de l’homme («la Cour»),
même lorsqu’ils mettent en œuvre ou appliquent le droit de l’Union
européenne, alors que les actes des institutions de l’Union européenne
elles-mêmes ne sont pas soumis au même contrôle juridictionnel externe.
Cette situation est d’autant plus problématique que des compétences
de plus en plus larges sont transférées à l’Union européenne. Il
est donc plus difficile d’accepter que les institutions de l’Union
européenne soient les seules autorités publiques et le seul «espace
juridique» opérant dans les États membres du Conseil de l’Europe
qui ne sont pas soumis à un contrôle externe de la Cour. Ce déséquilibre
peut entraîner une confusion et une protection juridique disparate,
réelle ou supposée, au détriment des citoyens de l’Union européenne
et de la protection des droits humains en Europe.
2. Se référant à ses précédentes résolutions et recommandations
qui, sur plus d’une quarantaine d’années, ont appelé les Communautés
européennes de l’époque puis plus tard l’Union européenne à adhérer à
la Convention, y compris à ses récentes Résolution 2430 (2022) «Au-delà du Traité de Lisbonne: renforcer le partenariat
stratégique entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne»
et Recommandation 2245 (2023) «Le Sommet de Reykjavík du Conseil de l’Europe – Unis
autour de valeurs face à des défis hors du commun», l’Assemblée
parlementaire considère que l’adhésion de l’Union européenne à la
Convention:
2.1. renforcera la protection
des droits humains en Europe en donnant aux citoyennes et citoyens
de l’Union européenne et aux personnes qui relèvent de sa juridiction
le droit de saisir la Cour lorsqu’ils estiment que leurs droits
fondamentaux ont été violés par une institution de l’Union européenne.
Ces personnes bénéficieront ainsi de la même protection vis-à-vis
des actes de l’Union que celle dont elles jouissent actuellement
vis-à-vis de tous les États membres de l’Union européenne;
2.2. sera l’outil idéal pour assurer le développement harmonieux
de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme
et de la Cour de justice de l’Union européenne en matière de droits humains,
ce qui garantira la mise en place d’un système cohérent de protection
des droits humains dans toute l’Europe, fondé sur des normes minimales
communes, dans l'intérêt des pouvoirs publics, en particulier des
tribunaux, dans tous les États membres;
2.3. confirmera la nature de l’Union européenne en tant qu’une
Union fondée sur l’État de droit, et renforcera le principe de sécurité
juridique, dans la mesure où les institutions de l’Union européenne seront
soumises au même contrôle juridictionnel externe en matière de droits
humains que les États membres;
2.4. résoudra les problèmes qui découlent du fait qu’à l’heure
actuelle l’Union européenne ne peut pas être partie à une procédure
devant la Cour dans les affaires qui mettent en jeu la mise en œuvre
ou l’application du droit de l’Union européenne par les États membres,
et facilitera l’exécution des arrêts de la Cour qui exigent une
modification du droit de l’Union européenne;
2.5. transmettra un message politique fort d’engagement clair
en faveur de la protection des droits humains et du droit international,
non seulement à l’intérieur des frontières de l’Union européenne,
mais aussi à l’échelle européenne et mondiale, à un moment où la
guerre est revenue en Europe et où les valeurs communes partagées
par le Conseil de l’Europe et l’Union européenne sont menacées. L’adhésion
renforcera donc la crédibilité de l’Union européenne, de ses politiques
de voisinage et de ses relations extérieures;
2.6. renforcera la synergie, la complémentarité et la coopération
entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, qui est le principal
partenaire institutionnel du Conseil de l’Europe, conformément à
la Déclaration de Reykjavík.
3. L’Assemblée rappelle que le Traité de Lisbonne, qui est entré
en vigueur le 1er décembre 2009, impose à
l’Union européenne l’obligation légale d’adhérer à la Convention.
Du côté du Conseil de l’Europe, le Protocole no 14
à la Convention de sauvegarde des Droits de l'homme et des libertés
fondamentales (STCE no 194) qui est entré
en vigueur en 2010, a modifié l’article 59 de la Convention pour
permettre à l’Union européenne d’y adhérer. En conséquence, les
négociations d’adhésion se sont ouvertes en 2010 et un projet d’accord
d’adhésion a été approuvé en avril 2013. Toutefois, en décembre
2014, la Cour de justice de l'Union européenne a conclu, dans son
avis 2/13, que le projet d’accord d’adhésion était incompatible
avec les traités de l’Union européenne, ce qui a suscité une déception
et donné lieu à certaines critiques. Les négociations d’adhésion
n’ont repris qu’en 2020, dans le but de surmonter les objections
émises par la Cour de justice de l'Union européenne dans son avis
et de réviser les projets d’instruments d’adhésion dans la mesure nécessaire.
4. L’Assemblée se réjouit vivement que le groupe de négociation ad hoc «46+1» établi sous l’égide
du Comité directeur pour les droits humains (CDDH) du Conseil de
l’Europe se soit provisoirement entendu, à l’unanimité, sur des
projets d’instruments d’adhésion révisés en mars 2023. Il s’agit
d’une réalisation collective qui témoigne d’un sens considérable
du compromis de la part de toutes les parties concernées, y compris
les États non membres de l’Union européenne, pour surmonter les
nombreux obstacles juridiques constatés par la Cour de justice de
l'Union européenne. L’Assemblée considère que l’accord provisoire
conclu sur la plupart des questions (mécanisme de codéfendeur, procédure
de consultation préalable, requêtes entre Parties, principe de la
confiance mutuelle, avis consultatifs en vertu du Protocole no 16
à la Convention de sauvegarde des Droits de l’homme et des Libertés
fondamentales (STCE no 214)) tient compte
de la position de la Cour de justice sur les spécificités et l’autonomie
du droit de l’Union européenne, tout en préservant l’intégrité et l’efficacité
du système de la Convention, le rôle de la Cour dans la maîtrise
ultime de ses procédures et la position des requérants individuels
devant la Cour. En outre, la nouvelle règle sur les exigences de
majorité au sein du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe
dans le cadre de la surveillance de l’exécution des arrêts rendus
dans les affaires contre l’Union européenne protège dûment les intérêts
des États non membres de l’Union européenne.
5. En ce qui concerne la disposition révisée sur l’élection des
juges à la Cour (nouvel article 7 du projet d’accord d’adhésion),
l’Assemblée note que les changements apportés à la version 2013
du projet d’accord ne modifient pas la substance ni l’objet de la
disposition initiale, qui était de fournir un fondement à la participation du
Parlement européen aux séances de l’Assemblée et aux réunions de
ses organes compétents lorsque ces derniers exercent leurs fonctions
en vertu de l’article 22 de la Convention. Toutefois, l’accord sur
les modalités de cette participation conclu en juin 2011 entre les
représentants de l’Assemblée et ceux du Parlement européen au sein
d’un organe informel joint devra être mis à jour pour tenir compte
des évolutions intervenues depuis, en particulier le fait que l’ancienne
sous-commission sur l’élection des juges à la Cour européenne des droits
de l’homme (de la commission des questions juridiques et des droits
de l’homme) est désormais une commission à part entière de l’Assemblée.
L’accord mis à jour devra ensuite être approuvé par l’Assemblée
et le Parlement européen en temps voulu, conformément à leurs propres
procédures internes. L’Assemblée note également que les Lignes directrices
du Comité des Ministres concernant la sélection des candidats pour
le poste de juge à la Cour européenne des droits de l’homme et ses
propres résolutions et pratiques sur l’élection des juges s’appliqueront
à la procédure interne de l’Union européenne pour la sélection des
candidats à présenter au titre de l’Union européenne. A cet égard,
elle attend également de l’Union européenne qu’elle consulte dûment
le Panel consultatif d’experts avant de soumettre sa liste de candidats
à l’Assemblée, comme le font toutes les Parties à la Convention.
6. L’Assemblée note avec satisfaction qu’en ce qui concerne le
problème du «panier 4» (actes liés à la politique étrangère et de
sécurité commune), la Cour de justice de l'Union européenne, dans
un arrêt rendu le 10 septembre 2024, a clarifié l’étendue de sa
compétence pour ces actes. La Cour de Justice a estimé que la limitation
de sa compétence dans ce domaine pouvait être conciliée tant avec
l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
(droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial) qu’avec
les articles 6 et 13 de la Convention. Cet arrêt a généralement
été perçu comme une avancée positive susceptible de régler le problème
de la limitation de compétence de la Cour de justice de l'Union
européenne dans ce domaine et d’aider à surmonter ce qui semble
être le dernier obstacle à l’adhésion. Le CDDH a salué l’arrêt comme
«une voie prometteuse à explorer pour résoudre la question en suspens»
et a encouragé l’Union européenne à prendre les décisions nécessaires
dans les meilleurs délais. En fait, la seule façon de s’assurer que
cet arrêt règle entièrement la question serait de demander à la
Cour de justice de l'Union européenne un avis sur le nouveau projet
d’accord d’adhésion.
7. Compte tenu de ces considérations et pour préserver la dynamique
instaurée après l’accord provisoire sur des projets d’instruments
d’adhésion révisés, l’arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne
de 2024, et l’entrée en fonction de la nouvelle Commission européenne,
l’Assemblée:
7.1. invite les institutions
de l’Union européenne, en particulier la Commission européenne et
le Conseil de l’Union européenne, à prendre les décisions nécessaires
pour faciliter la poursuite de l’avancée du processus d’adhésion
de l’Union européenne, notamment en adressant sans tarder à la Cour
de justice de l'Union européenne une demande d’avis sur la compatibilité
des projets d’instruments d’adhésion révisés avec les traités de
l’Union européenne et, en cas d’avis positif, à procéder à la conclusion
de l’accord dès que possible conformément à leurs procédures internes;
7.2. invite le Parlement européen à soutenir le projet d’accord
d’adhésion et à entamer les consultations avec l’Assemblée en vue
de mettre à jour l’accord de 2011 sur les dispositions relatives
à la participation des représentants du Parlement européen aux séances
de l’Assemblée et aux réunions de ses organes compétents lorsque
l’Assemblée exerce ses fonctions liées à l’élection des juges à
la Cour;
7.3. appelle les États membres du Conseil de l’Europe qui sont
également membres de l’Union européenne à exercer leur influence
au sein des institutions de l’Union européenne pour permettre la conclusion
rapide de l’accord d’adhésion et son entrée en vigueur, notamment
en soumettant à la Cour de justice de l'Union européenne des observations
en faveur de l’actuel projet d’accord d’adhésion dans le cadre d’une
demande d’avis;
7.4. invite instamment les parlements et les gouvernements
des États membres du Conseil de l’Europe à prendre, dans leurs domaines
de compétence, toutes les mesures nécessaires pour faciliter la
conclusion de l’accord d’adhésion et son entrée en vigueur, notamment
en le signant et en le ratifiant conformément à leurs procédures
nationales en temps voulu;
7.5. appelle les parlements et les gouvernements des États
membres du Conseil de l’Europe, en particulier ceux qui sont également
membres de l’Union européenne, ainsi que toutes les institutions
de l’Union européenne, à sensibiliser les citoyennes et citoyens
à la protection renforcée de leurs droits fondamentaux qui découlerait
de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention;
7.6. dans cette attente, invite la Cour et la Cour de justice
de l'Union européenne à entretenir et approfondir leur dialogue
judiciaire bien établi afin d’éviter toute incohérence dans l’interprétation
de la Convention qui porterait atteinte à la protection des droits
fondamentaux, en faisant preuve de respect mutuel, en renvoyant
à leurs jurisprudences réciproques et en harmonisant leurs positions
dans la mesure du possible.
B. Exposé des motifs par M. Titus Corlăţean, rapporteur
(open)1. Introduction
1. Le présent rapport repose sur
une proposition de résolution déposée par la commission des questions juridiques
et des droits de l'homme le 16 décembre 2019, puis renvoyée par
l’Assemblée parlementaire devant cette commission le 27 janvier
2020, pour rapport
. Lors de sa réunion du 29 juin 2020,
la commission m’a désigné rapporteur.

2. La proposition de résolution rappelait que, en 2013, la Commission
européenne, au nom de l’Union européenne (UE), et les négociateurs
des 47 États membres du Conseil de l’Europe avaient conclu un projet d’accord
d’adhésion de l’UE à la Convention européenne des droits de l’homme
(STE no 5, «la Convention»; «l’accord
d’adhésion»). En 2014, la Cour de justice de l’Union européenne
(CJUE) a estimé dans son avis 2/13 que certains éléments du projet
d’accord n’étaient pas compatibles avec le droit de l’UE. En 2019,
le Président et le Vice-Président de la Commission européenne ont
écrit à la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe pour l’informer
que l’UE était prête à reprendre les négociations.
3. La proposition de résolution précisait par ailleurs que l’adhésion
de l’UE à la Convention nécessiterait d’apporter des modifications
techniques au mécanisme de contrôle de la Convention (procédures
devant la Cour européenne des droits de l'homme («la Cour») et le
Comité des Ministres) et aurait des implications pour l’Assemblée,
notamment dans son rôle d’élection des juges à la Cour. En conséquence,
la proposition de résolution appelait l’Assemblée à «suivre la reprise
des négociations et préparer un rapport sur leurs aspects juridiques,
en vue de prendre les décisions nécessaires conformément aux compétences
que lui confèrent le Statut du Conseil de l’Europe et la Convention».
4. Dans le cadre de l’élaboration du présent rapport, la commission
des questions juridiques et des droits de l’homme a organisé une
audition en novembre 2021 à laquelle ont participé Mme Tonje
Meinich, présidente du groupe de négociation ad
hoc du Comité directeur pour les droits humains (CDDH)
sur l’adhésion («47+1»), M. Juan Fernando Lopez Aguilar, président
de la commission des libertés civiles du Parlement européen, et M. Giuliano
Pisapia, vice-président de la commission des affaires constitutionnelles
du Parlement européen. En mars 2023, elle a tenu un échange de vues
avec Mme Meinich, qui l’a informée des
négociations et de l’accord provisoire sur les projets d’instruments
d’adhésion conclu au sein du groupe «46+1».
2. Origines et historique de la proposition
5. On peut considérer que l’idée
que l’UE devrait adhérer à la Convention trouve son origine dans
l’arrêt de 1970 de la Cour de justice des Communautés européennes
(CJCE – devenue la Cour de justice de l’Union européenne), selon
laquelle «le respect des droits fondamentaux fait partie intégrante
des principes généraux du droit dont la Cour de justice assure le
respect. La sauvegarde de ces droits, tout en s’inspirant des traditions constitutionnelles
communes aux États membres, doit être assurée dans le cadre de la
structure et des objectifs de la Communauté»
. Dans un arrêt de 1974, la
CJCE a réaffirmé que «les droits fondamentaux font partie intégrante
des principes généraux du droit dont [elle] assure le respect» et
s’est inspirée des «traditions constitutionnelles communes aux États
membres» et des «instruments internationaux concernant la protection des
droits de l’homme auxquels les États membres ont coopéré ou adhéré» –
dont la Convention est probablement le plus important – pour définir
le contenu de ces droits
.


6. Sur le plan politique, on estime que le processus d’adhésion
a pour point de départ le mémorandum de la Commission européenne
de 1979
. Ce mémorandum découlait de la crise juridictionnelle
provoquée au sein des Communautés européennes (CE) par l’insistance
de la Cour constitutionnelle allemande (Bundesverfassungsgericht)
à conserver le droit de contrôler la compatibilité du droit communautaire
avec les droits fondamentaux garantis par la Constitution allemande,
puisque le droit communautaire ne contenait aucune liste codifiée
de droits
.


7. Dans son mémorandum de 1979, la Commission européenne a implicitement
reconnu la force de l’argument du Bundesverfassungsgericht, observant
que «la Communauté européenne a, de plus en plus, des relations
juridiques directes avec les particuliers. Son activité ne concerne
plus seulement un certain nombre de catégories économiques […] mais
encore chaque citoyen. Il n’est dès lors pas étonnant de voir s’exprimer aujourd’hui
l’exigence que les compétences reconnues à la Communauté soient
contrebalancées par son assujettissement formel à des droits fondamentaux
clairs et bien définis. La Commission est d’avis que la meilleure
façon de répondre à la nécessité du renforcement de la protection
des droits fondamentaux au niveau communautaire consiste, au stade
actuel, à ce que la Communauté adhère formellement à [la Convention].
[…] [Cela] semble souhaitable pour toute une série de raisons. Aucune
des difficultés qui sont apparues dans ce contexte ne paraît insurmontable.»
Toutefois,
en raison de l’opposition de certains États membres des CE, dont
la France et le Royaume-Uni, le mémorandum de la Commission n’a
pas été «sérieusement examiné»
.


8. Malgré cela, l’importance des droits fondamentaux dans l’ordre
juridique communautaire n’a cessé de croître au cours des années
qui ont suivi. La mention du respect des droits humains a commencé
à apparaître dans les traités applicables, à commencer par le préambule
de l’Acte unique européen de 1986. Le Traité sur l’Union européenne
(TUE) de 1992 est même allé plus loin, puisqu’il énonce dans son
article F(2) que «[l]’Union respecte les droits fondamentaux, tels
qu’ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde
des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome
le 4 novembre 1950, et tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles
communes aux États membres, en tant que principes généraux du droit
communautaire». Ces avancées n’ont cependant pas établi la Convention
comme un instrument qui faisait partie intégrante du droit de l’UE,
liant les institutions européennes et appliquée par la CJUE.
9. En 1994, le Conseil de l’Union européenne a demandé à la CJCE
si l’adhésion de la CE à la Convention serait compatible avec le
Traité instituant la Communauté européenne (TCE). Cette demande
faisait suite à la publication d’autres documents de la Commission
qui plaidaient en faveur de l’adhésion
.
La CJCE est toutefois parvenue à la conclusion que les implications
institutionnelles de l’adhésion seraient telles qu’elles dépasseraient
le champ d’application des dispositions du TCE, qui aurait pu fournir
un fondement juridique à l’adhésion, et qu’elle «ne pourrait [donc]
être opérée qu’après modification du traité»
.


10. Une modification du traité n’étant pas envisagée dans l’immédiat,
une autre approche a été adoptée pour renforcer le respect des droits
humains par l’UE, à savoir l’élaboration d’un catalogue interne
des droits protégés. Cette décision a donné lieu à la Charte des
droits fondamentaux de l’Union européenne («la Charte»), qui a été
proclamée solennellement par le Parlement européen, le Conseil des
ministres de l’UE et la Commission européenne le 7 décembre 2000.
La Charte était initialement dépourvue de caractère juridique contraignant,
mais sa valeur politique a progressivement amené la CJCE à la considérer
comme une autre source «d’inspiration» pour les droits fondamentaux
exécutoires en vertu du droit de l’UE.
11. Il convient de noter que l’article 52, paragraphe 3, de la
Charte indique que lorsque les droits reconnus par la Charte correspondent
à des droits garantis par la Convention, leur sens et leur portée
doivent être les mêmes que ceux des droits de la Convention. L’article 53
de la Charte précise en outre qu’aucune disposition de la Charte
ne saurait limiter ou porter atteinte aux droits et aux libertés
reconnus, entre autres, par la Convention. Toutefois, cela ne signifie
pas que les différents organes sont toujours d’accord sur leur interprétation
des dispositions correspondantes des deux instruments: la Cour peut
interpréter d’une manière un droit consacré par la Convention, tandis
que la CJUE peut interpréter d’une autre manière la disposition correspondante
de la Charte, même si le contenu des deux dispositions devrait être
identique.
3. Les arguments pour l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme
12. Au fil des ans, plusieurs arguments
pour et contre l’adhésion de l’UE à la Convention ont été avancés. Leur
pertinence a changé avec le temps, notamment en raison de l’évolution
des compétences de l’UE et des systèmes nationaux de protection
des droits humains.
13. Parmi les principaux éléments en faveur de l’adhésion de l’UE
à la Convention figurent les arguments suivants
:

- la Convention est contraignante pour tous les États membres de l’UE, puisqu’ils sont également membres du Conseil de l’Europe, mais pas pour les institutions de l’UE auxquelles ils ont transféré des compétences importantes qui étaient auparavant exercées par les autorités nationales. L’exercice de ces compétences par les institutions de l’UE peut avoir une incidence sur la jouissance des droits individuels par les personnes relevant de la juridiction des États membres de l’UE. Le transfert de ces compétences à l’UE complique l’attribution de la responsabilité des violations des droits résultant de leur exercice et vient ainsi restreindre la compétence ratione materiae de la Cour et la disponibilité des recours pour ces violations. L’adhésion de l’UE à la Convention permettrait de combler cette lacune;
- la CJUE affirme le respect des droits humains dans sa jurisprudence, en se fondant désormais sur la Charte des droits fondamentaux de l’UE. Toutefois, la CJUE étant la dernière instance de l’ordre juridique de l’UE, il n’existe aucun mécanisme permettant de garantir que son interprétation des droits fondamentaux ne diverge pas de celle de la Cour. L’adhésion donnerait à la Cour cette autorité d’interprétation définitive;
- l’adhésion de l’UE à la Convention garantirait ainsi une interprétation et une application cohérentes des normes communes en matière de droits humains par tous les organismes publics exerçant une autorité au niveau national dans les États membres du Conseil de l’Europe;
- l’UE exige depuis longtemps que ses États membres, y compris ceux qui ont adhéré en 2004, 2007 et 2013, soient parties à la Convention. Elle plaide aussi fortement en faveur des droits humains dans les pays tiers, qu’il s’agisse d’États membres du Conseil de l’Europe situés en dehors de l’UE ou d’autres, partout dans le monde. Sa crédibilité et son influence en tant que défenseure des droits humains seraient renforcées si elle soumettait ses propres actes à l’égard des particuliers à un contrôle juridictionnel externe.
14. De nombreux arguments contre l’adhésion de l’UE tiennent au
fait que la Convention a été conçue pour être appliquée par des
États, or la CE/l’UE n’est pas un État et n’a pas le même statut
en vertu du droit international, pas les mêmes pouvoirs ni le même
dispositif institutionnel. D’aucuns ont fait valoir que, la CE/l’UE
n’étant pas un État, la pertinence de nombreux droits de la Convention
serait, au mieux, limitée. D’autres ont rappelé que la Convention
ne protégeait pas directement les droits socio-économiques, ce qui,
compte tenu de la nature des activités de la CE/l’UE, était un point
très important. Ces arguments ont beaucoup perdu de leur force avec
l’élargissement progressif des compétences de l’UE. Par exemple,
dans les années 1970 et 1980, l’idée que la CE puisse être tenue
responsable de violations de l’interdiction des traitements inhumains ou
dégradants aurait pu sembler fantaisiste. Pourtant, depuis 2013,
le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants surveille les vols opérés
par l’agence de l’UE Frontex, qui renvoient les migrants dans leurs
pays d’origine. L’UE a également participé à de nombreuses opérations
militaires et de sécurité en dehors du territoire de ses États membres,
dans le cadre de sa politique étrangère et de sécurité commune.
Certes, l’UE n’est pas un État, mais elle exerce tout un éventail d’attributions
qui lui ont été transférées par ses États membres, dont beaucoup
peuvent avoir une incidence sur la jouissance des droits et libertés
individuels. En lien avec le fait que la CE/UE n’est pas un État,
la question de sa capacité à adhérer à un traité tel que la Convention
a été réglée par le traité de Lisbonne de 2007, qui a modifié le
traité sur l’Union européenne pour y inclure une disposition stipulant
que «[l’]Union a la personnalité juridique».
15. L’Assemblée est convaincue depuis longtemps de l’importance
de l’adhésion de l’UE à la Convention et elle a adopté des textes
répondant à la plupart, sinon à la totalité, des arguments pour
et contre cette adhésion. Dans sa Résolution 745 (1981) «Adhésion des Communautés européennes à la Convention
européenne des droits de l’homme», l’Assemblée a estimé que «la
convention, quoique en vigueur dans tous les États membres des Communautés
européennes, ne s’applique pas institutionnellement aux organes
des Communautés européennes et à leurs actes juridiques», considérant
que «cette situation est contraire aux intentions des promoteurs
et de [la Convention] et des traités créant les Communautés européennes».
Elle a noté que l’adhésion «éliminerait le risque d’interprétations
divergentes de [la Convention]», tout en créant «un lien important
entre les Communautés européennes et les États membres du Conseil
de l’Europe dans le domaine particulier des droits de l’homme et
des libertés fondamentales». Sur ces fondements, elle a appelé les
Communautés européennes de l’époque à présenter dans un avenir proche
une demande officielle d’adhésion à la Convention européenne des
droits de l’homme. Depuis, l’Assemblée a réitéré son appel à l’adhésion
de l’UE à de nombreuses reprises
.

4. Le fondement juridique de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l'homme
16. Deux obstacles ont dû être
levés pour rendre possible l’adhésion de l’UE à la Convention. Conformément
à l’avis de la CJCE de 1996, la révision nécessaire du TUE a été
entreprise par le biais du Traité de Lisbonne de 2007. La modification
de la Convention s’imposait également, puisque seuls pouvaient y adhérer
les États membres du Conseil de l’Europe – ce que l’UE n’était pas
et n’avait pas l’intention de devenir
.
Le Protocole n° 14 à la Convention de sauvegarde des Droits de l'Homme
et des Libertés fondamentales, amendant le système de contrôle de
la Convention (STCE n° 194) a donc modifié l’article 59 de la Convention,
en y ajoutant une disposition qui précise simplement que «[l]’Union
européenne peut adhérer à la présente Convention».

17. En ce qui concerne le TUE, la situation est plus complexe.
L’article 6(2) dispose que «[l]’Union adhère à la Convention européenne
de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales.
Cette adhésion ne modifie pas les compétences de l’Union telles
qu’elles sont définies dans les Traités». Cette disposition est
complétée par le Protocole no 8, dont
l’article 1 indique que tout accord d’adhésion «doit refléter la
nécessité de préserver les caractéristiques spécifiques de l’Union
et du droit de l’Union, notamment en ce qui concerne: a) les modalités
particulières de l’éventuelle participation de l’Union aux instances
de contrôle de la Convention européenne; b) les mécanismes nécessaires
pour garantir que les recours formés par des États non membres et
les recours individuels soient dirigés correctement contre les États
membres et/ou l’Union, selon le cas». En outre, l’article 2 du Protocole
no 8 précise que tout accord d’adhésion
«doit garantir que l’adhésion de l’Union n’affecte ni les compétences
de l’Union ni les attributions de ses institutions» et qu’«aucune
de ses dispositions n’affecte la situation particulière des États
membres à l’égard de la Convention européenne, et notamment de ses
protocoles, des mesures prises par les États membres par dérogation
à la Convention européenne, conformément à son article 15, et des
réserves à la Convention européenne formulées par les États membres
conformément à son article 57». Il convient de noter que l’article 6, paragraphe 2,
établit l’obligation juridique de l’UE d’adhérer à la Convention
(«l’Union adhère»).
18. Le Traité de Lisbonne est entré en vigueur le 1er décembre
2009 et le Protocole no 14 à la Convention le
1er juin 2010 (après sa ratification
par le dernier État partie en février 2010).
5. Les négociations de 2010-2013 sur l’adhésion
19. Le 26 mai 2010, le Comité des
Ministres a chargé le Comité directeur pour les droits humains (CDDH) d’élaborer,
en coopération avec la Commission européenne, un accord d’adhésion
de l’UE à la Convention. Le 4 juin 2010, les ministres de la justice
de l’UE ont donné à la Commission européenne mandat de mener les
négociations au nom de l’UE. Le CDDH a d’abord créé le CDDH-UE,
un groupe de travail ad hoc composé de
représentants de 7 États membres de l’UE, de 7 États non membres,
et 1 représentant de la Commission européenne. Ce groupe s’est réuni
à huit reprises entre juillet 2010 et juin 2011. En octobre 2011,
le CDDH a soumis au Comité des Ministres le rapport élaboré par
le CDDH-UE.
20. Après avoir étudié les implications de ce rapport, le Comité
des Ministres a chargé le CDDH de poursuivre ses travaux dans un
cadre «47+1», avec des représentants de tous les États membres du
Conseil de l’Europe, ainsi qu’un représentant de la Commission européenne.
Le groupe 47+1 s’est réuni à cinq reprises avant de finaliser un
ensemble d’instruments juridiques établissant les modalités d’adhésion
de l’UE à la Convention
. Cet ensemble de textes contenait
un projet d’accord d’adhésion, un projet de déclaration de l’Union
européenne sur le mécanisme de codéfendeur (voir ci-dessous), un
projet de règle à ajouter aux Règles du Comité des Ministres pour
la surveillance de l’exécution des arrêts et des termes des règlements amiables
dans les affaires auxquelles l’Union européenne est partie, un projet
de mémorandum d’accord entre l’Union européenne et x [État non-membre
de l’Union européenne] et un projet de rapport explicatif à l’Accord d’adhésion.
Dans son rapport final, le groupe 47+1 a précisé que tous ces textes
étaient «également nécessaires pour l’adhésion de l’UE à la Convention».

21. Cet ensemble de textes relatifs à l’adhésion était particulièrement
attentifs aux dispositions du Protocole no 8
relatives à l’article 6, paragraphe 2, du TUE. Il contenait les
principales propositions suivantes:
- diverses modifications de la Convention (certaines terminologiques, d’autres sur le fond) visant à intégrer le fait que l’UE n’est pas un État doté d’un territoire souverain;
- le mécanisme de codéfendeur, en vertu duquel l’UE pourrait participer à égalité aux procédures engagées contre un ou plusieurs de ses États membres, et vice versa. Conformément au rapport explicatif, «[c]e mécanisme est considéré comme nécessaire pour tenir compte de la situation spécifique de l’UE, en tant qu’entité non étatique avec un ordre juridique autonome, qui adhère à la Convention aux côtés de ses États membres. […] Avec l’adhésion de l’UE, une situation unique pour le système de la Convention pourrait se créer, dans laquelle un acte juridique est adopté par une Haute Partie contractante et mis en œuvre par une autre.» Cette disposition respecte l’article 1 du Protocole no 8, qui entend «garantir que les recours formés par des États non membres et les recours individuels soient dirigés correctement contre les États membres et/ou l’Union, selon le cas»;
- parallèlement au mécanisme de codéfendeur, la mise en place d’une «procédure de consultation préalable» pour les situations dans lesquelles une affaire impliquant le droit de l’UE serait soumise à la Cour sans qu’aucune juridiction nationale n’ait demandé de décision préjudicielle à la CJUE
. Cela permettrait à la CJUE d’examiner la compatibilité des dispositions pertinentes du droit de l’UE avec les droits en cause, et donc de fournir une interprétation de ce droit sur laquelle la Cour pourrait se fonder ultérieurement. Cette disposition respecte l’article 2 du Protocole no 8, qui exige que «l’adhésion de l’Union n’affecte ni les compétences de l’Union ni les attributions de ses institutions»;
- l’exclusion de la CJUE du champ d’application de l’article 35, paragraphe 2(b), de la Convention, qui interdit à la Cour d’examiner des affaires précédemment soumises à d’autres instances internationales, et de celui de l’article 55, qui interdit aux Hautes Parties contractantes de soumettre les affaires concernant l’interprétation ou l’application de la Convention à d’autres modes de règlement internationaux;
- l’habilitation d’une délégation du Parlement européen à participer à l’élection des juges à la Cour par l’Assemblée, selon des modalités à définir par l’Assemblée en coopération avec le Parlement européen
;
- une disposition spéciale relative à la surveillance par le Comité des Ministres de l’exécution des arrêts de la Cour, pour écarter l’éventualité d’un effet de distorsion qui verrait les États membres contraints, en vertu du droit de l’UE, de coordonner leurs votes dans les affaires où l’UE est défenderesse ou co-défenderesse.
22. En outre, l’UE elle-même devrait définir les dispositions
internes supplémentaires pour appliquer certaines des procédures
établies, et ne serait pas en mesure de signer l’accord d’adhésion
tant que ces règles ne seraient pas adoptées. La signature de l’UE
nécessiterait également la ratification préalable des États membres
de l’UE et l’approbation du Parlement européen. Le Comité des ministres
devrait demander l’avis de l’Assemblée sur le projet d’accord d’adhésion
avant son adoption, après quoi celui-ci devrait être ratifié par
tous les États parties à la Convention. Toutefois, avant d’entamer
ce processus, la Commission européenne s’est engagée à demander
d’abord l’avis de la CJUE sur l’ensemble de textes relatifs à l’adhésion
au titre de l’article 218(11) du TFUE.
6. L’avis de la Cour de justice de l’Union européenne
23. En décembre 2014, la CJUE a
publié son avis sur le projet d’accord d’adhésion. Elle concluait
que «[l]’accord portant adhésion de l’Union européenne à la Convention
européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales
n’est pas compatible avec l’article 6, paragraphe 2, TUE ni avec
le protocole (no 8) relatif à l’article 6,
paragraphe 2, du Traité sur l’Union européenne. La CJUE s’est montrée critique
au point d’y être hostile. Cette position était tout à fait inattendue,
sachant que la CJUE avait été indirectement impliquée dans le processus
de négociation et que l’avocate générale, dont le point de vue est très
souvent suivi par la CJUE, avait estimé que l’accord, sous réserve
de certaines clarifications et interprétations, était compatible
avec les traités de l’UE
.

24. Dans un document présenté au groupe 47+1, la Commission européenne
a regroupé les objections de la CJUE dans quatre «paniers»
:

- les questions relatives aux mécanismes spécifiques à l’UE de la procédure devant la Cour, où la CJUE a considéré que la Cour pourrait être amenée à interpréter de manière accessoire des dispositions du droit de l’UE. Plus précisément, le mécanisme de codéfendeur exigerait de la Cour qu’elle détermine si une violation alléguée met effectivement en cause la compatibilité d’une disposition du droit de l’UE avec les droits de la Convention, ce qui impliquerait une interprétation du droit de l’UE, et éventuellement qu’elle se prononce sur la répartition interne des compétences entre les institutions de l’UE et ses États membres; et la procédure de consultation préalable imposerait à la Cour d’évaluer si la CJEU a examiné cette compatibilité, ce qui nécessiterait une interprétation de la jurisprudence de la CJUE ;
- les questions relatives aux requêtes entre Parties (actuellement requêtes «interétatiques»), en vertu de l’article 33 de la Convention, et les demandes d’avis consultatif adressées à la Cour par les tribunaux nationaux, en vertu du Protocole no 16 à la Convention de sauvegarde des Droits de l’homme et des libertés fondamentales (STE no 214). Selon le droit de l’UE, la CJUE a compétence exclusive pour statuer sur le respect des droits fondamentaux dans les litiges entre les institutions de l’UE et les États membres, ou entre les États membres de l’UE, lorsque ces litiges portent sur des actes des institutions ou des situations dans lesquelles les États membres de l’UE mettent en œuvre le droit de l’UE. Les tribunaux des États membres de l’UE sont également tenus d’effectuer des renvois préjudiciels à la CJUE lorsque l’interprétation d’une disposition du droit de l’UE est requise pour statuer dans une affaire. Les procédures entre Parties et d’avis consultatif pourraient permettre à de tels litiges ou questions d’être portés devant la Cour sans que la CJUE ne les ait examinés ;
- la question liée au principe de «confiance mutuelle» entre les États membres de l’UE, qui est décrit comme revêtant «une importance constitutionnelle pour l’UE, dans la mesure où il permet la création et le maintien d’un espace sans frontières intérieures». Ce principe repose sur l’existence d’une présomption de la part de chaque État membre de l’UE que tous les autres États membres de l’UE respectent les droits fondamentaux
;
- la question relative à la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union européenne. La plupart des mesures prises dans le cadre de cette politique relèvent de la compétence des seules juridictions internes des États membres de l’UE et échappent à la compétence de la CJUE. La CJUE a considéré que la Cour, en sa qualité de juridiction internationale, ne pouvait être compétente en la matière, puisque la CJUE elle-même était encore en train de préciser la portée de sa propre compétence.
25. En outre, la CJUE était préoccupée par le fait que les États
membres de l’UE pourraient s’appuyer sur l’article 53 de la Convention –
qui permet aux Hautes Parties contractantes d’établir en droit interne
des normes plus exigeantes que celles prévues par la Convention –
pour contourner sa propre jurisprudence selon laquelle les États
membres de l’UE ne peuvent pas établir de normes en matière de droits
humains plus exigeantes que celles de la Charte (cette restriction
étant nécessaire pour assurer l’uniformité du droit de l’UE entre
ses États membres). La CJUE a également estimé que le mécanisme
de codéfendeur ne garantissait pas suffisamment le respect des réserves
émises par les États membres de l’UE à l’égard de la Convention, ce
qui est contraire à l’article 2 du Protocole no 8
.

26. L’avis 2/13 a immédiatement fait l’objet de critiques souvent
sévères. Un expert a même affirmé que «loin de renforcer la protection
des droits de l’homme dans l’ordre juridique de l’UE, l’adhésion
de l’UE à la CEDH, aux conditions sur lesquelles la CJUE insiste,
la diminuerait de manière significative, car l’UE serait contrainte
de veiller à se prémunir contre de nombreux recours relatifs aux
droits de l’homme qui pourraient être déposés à son encontre. […]
Nous avons désormais le devoir moral de rejeter l’adhésion de l’UE
à la CEDH»
. De façon moins dramatique,
le Conseiller juridique du Conseil de l’Europe a affirmé que «[s]i
vous prenez toutes les objections de la CJCE au pied de la lettre
et que vous essayez de les surmonter une à une par des amendements
formels au projet d’accord d’adhésion, il existe un risque réel
que, par conséquent, la juridiction de la Cour européenne des droits
de l’homme sur les actes juridiques de l’UE soit plus restreinte qu’elle
ne l’est aujourd’hui. Une telle solution non seulement saperait
l’objectif global de l’adhésion, mais serait également inacceptable
pour les États non membres de l’UE (ENMU)»
.
Le président de la Cour européenne de l’époque, Dean Spielmann,
a également réagi quelques semaines après le prononcé de l’avis:
«Disons-le clairement: la déception qui a été la nôtre à la lecture
de cet avis est à la mesure de l’attente que nous en avions. Une
espérance très largement partagée en Europe. […] L’adhésion de l’Union
à la Convention est d’abord un projet politique et il appartiendra
à l’Union européenne et à ses États membres d’apporter la réponse
que l’avis de la Cour de justice rend nécessaire»
.



7. La reprise des négociations et les projets d’instruments d’adhésion révisés (2020-2023)
27. En octobre 2019, le Président
et le Premier Vice-Président de la Commission européenne ont écrit
à la Secrétaire Générale du Conseil de l’Europe pour l’informer
que l’UE était prête à reprendre les négociations sur son adhésion
à la Convention. Leur lettre précisait que l’objectif de l’UE dans
ces négociations était de réviser l’ensemble de textes relatifs
à l’adhésion, uniquement dans la mesure strictement nécessaire pour aborder
les questions soulevées dans l’avis 2/13 de la CJUE. En janvier
2020, le Comité des Ministres a demandé au CDDH, par l’intermédiaire
du groupe 47+1, de reprendre les négociations avec la Commission européenne
et de finaliser de manière prioritaire les instruments de l’adhésion,
sur la base des travaux déjà menés.
28. Il est regrettable que le Comité des Ministres, lorsqu’il
a adopté le mandat ad hoc du
groupe 47+1 en 2010, n’ait pas jugé bon d’associer l’Assemblée à
ses travaux, malgré le rôle important qu’elle a joué dans la rédaction
même de la Convention, ainsi que sa participation au comité d’origine
du groupe 47+1, le CDDH, et sa contribution constructive à la rédaction
de nombreux autres traités et instruments du Conseil de l’Europe. Je
sais cependant que le secrétariat de l’Assemblée a été consulté
sur la nouvelle formulation de l’article 7 du projet d’accord d’adhésion,
qui régit l’élection des juges par l’Assemblée.
29. Les négociations ont repris lors d’une réunion informelle
du groupe 46+1 qui s’est déroulée en ligne en juin 2020 et qui a
été suivie de 13 autres réunions
. Le groupe a examiné les questions
soulevées par l’avis 2/13 et regroupées dans les quatre paniers
mentionnés ci-dessus (voir paragraphe 24). Il a également examiné
la question du lien entre l’article 53 de la Convention et l’article 53
de la Charte des droits fondamentaux de l’UE, ainsi que les questions
relatives aux différentes dispositions du projet d’accord d’adhésion.

30. Lors de la réunion qu’il a tenue en mars 2023, le groupe 46+1
est parvenu à un accord provisoire unanime sur les solutions à apporter
aux questions soulevées par les paniers 1, 2 et 3, en lien avec
les articles 6, 7 et 8 du projet d’accord d’adhésion de 2013, et
en lien avec l’article 53 de la Convention. Le groupe a estimé que
cet accord satisfaisait aux principes généraux sur lesquels il s’était
mis d’accord, à savoir la préservation de l’égalité des droits de
tous les individus en vertu de la Convention, les droits des requérants dans
les procédures de la Convention et l’égalité de toutes les Hautes
Parties contractantes. Il a estimé également que le mécanisme de
contrôle actuel de la Convention serait préservé et, dans la mesure
du possible, appliqué à l’UE de la même manière qu’aux autres Hautes
Parties contractantes. Le représentant de l’UE a informé le groupe
de l’intention de l’UE de résoudre le problème concernant le panier 4
(l’exclusion de la compétence de la CJUE pour les actes de l’UE
relevant de la politique étrangère et de la sécurité commune en
interne. Le groupe a noté qu’il serait nécessaire que toutes les
parties aux négociations soient informées de la manière dont cette
question a été résolue et l’examinent avant de pouvoir donner leur
accord final à l’ensemble des accords d’adhésion
.

31. En avril 2023, le CDDH a transmis les instruments d’adhésion
révisés et le rapport du groupe 46+1 au Comité des Ministres pour
information. Dans le même temps, l’UE a déclaré qu’elle tiendrait
le CDDH informé de tout progrès accompli dans la résolution du problème
posé par le panier 4. En mai 2023, les Délégués ont pris note du
rapport intérimaire soumis par le CDDH sur les négociations relatives
à l’adhésion de l’UE à la Convention européenne des droits de l’homme
. Ni le CDDH ni le Comité des Ministres
n’ont encore formellement approuvé l’ensemble d’instruments d’adhésion
révisé. Lors du sommet de Reykjavík qui s’est tenu les 16 et 17 mai
2023, les chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe
se sont félicités de l’accord provisoire unanime sur les projets
d’instruments d’adhésion révisés, «qui constitue une avancée importante
dans le processus d’adhésion de l’Union européenne à la Convention»
et ont exprimé leur engagement en faveur de son adoption dans les
meilleurs délais.

32. Les modifications/ajouts les plus pertinents et substantiels
au projet d’accord d’adhésion de 2013 peuvent être résumés comme
suit
:

- l’ajout d’une disposition qui précise que l’article 53 de la Convention ne doit pas être interprété comme empêchant les Hautes Parties contractantes d’appliquer conjointement un niveau commun juridiquement contraignant de protection des droits humains et des libertés fondamentales, à condition qu’il ne soit pas inférieur au niveau de protection garanti par la Convention (et, le cas échéant, ses protocoles), selon l’interprétation retenue par la Cour (nouvel article 1, paragraphe 9);
- en ce qui concerne le mécanisme de codéfendeur, l’évaluation de la question de savoir si les conditions matérielles requises pour l’application de ce mécanisme sont réunies sera assurée par l’Union européenne elle-même, par le biais d’une déclaration motivée qui sera fournie par écrit à la Cour européenne des droits de l’homme. Selon le projet de rapport explicatif, «[l]es conclusions de l’évaluation par l’UE seront considérées comme déterminantes et faisant autorité». Il faut en effet, pour déterminer l’applicabilité du mécanisme, procéder à une évaluation des dispositions pertinentes du droit de l’UE régissant la répartition des compétences entre l’UE et ses États membres. Cette procédure s’applique tant à l’admission d’un codéfendeur qu’à la cessation du mécanisme de codéfendeur en cours de procédure. Dans son arrêt sur le fond, la Cour tiendra le défendeur et le codéfendeur conjointement responsables de toute violation constatée (voir tous les ajouts à l’article 3);
- parallèlement au mécanisme de codéfendeur, il est possible d’engager une «procédure d’implication préalable» avec la CJUE comme dans le paquet de 2013, dans les cas où l’UE est codéfenderesse et où la CJUE n’a pas encore évalué la compatibilité de la disposition du droit de l’UE avec les droits en cause (voir article 3, paragraphe 7). Le projet de rapport explicatif ajoute que la question de savoir s’il est nécessaire d’engager la procédure d’implication préalable de la CJUE sera tranchée par l’UE elle-même, dont les conclusions seront considérées comme déterminantes et faisant autorité;
- en ce qui concerne les requêtes entre Parties (actuellement requêtes interétatiques) déposées en vertu de l’article 33 de la Convention, une nouvelle disposition (article 4, paragraphe 3) prévoit que l’UE et ses États membres ne peuvent se prévaloir de l’article 33 de la Convention dans leurs relations mutuelles. Elle s’applique aux litiges entre les États membres de l’UE et l’UE, ainsi qu’aux litiges entre les États membres de l’UE, dans la mesure où le litige concerne l’interprétation ou l’application du droit de l’UE. L’article 4, paragraphe 4, contient une clause de sauvegarde qui donne à l’UE la possibilité de demander un délai suffisant pour évaluer si ce litige concerne l’interprétation ou l’application du droit de l’UE;
- une nouvelle clause (nouvel article 5) exclut le recours à la procédure d’avis consultatif devant la Cour au titre du protocole no 16 lorsque le droit de l’UE exige qu’une juridiction d’un État membre de l’UE soumette une demande de décision préjudicielle à la CJUE en vertu de l’article 267 du TFUE. La clause ne s’applique que si la question soulevée relève du domaine d’application du droit de l’UE;
- une nouvelle clause (nouvel article 6) dispose que «l’adhésion de l’UE à la Convention n’affecte pas l’application du principe de confiance mutuelle au sein de l’UE», tout en ajoutant que «[d]ans ce contexte, la protection des droits humains garantis par la Convention doit être assurée». Cette clause montre que la jurisprudence de la Cour et celle de la CJUE convergent de plus en plus au sujet de l’importance des mécanismes de reconnaissance mutuelle au sein de l’UE et leurs limites, une tendance qui est rappelée dans le projet de rapport explicatif.
33. La plupart de ces changements ont été apportés pour surmonter
les obstacles soulevés par la CJUE dans son avis 2/13. J’estime
que l’Assemblée devrait souscrire à ces amendements, car ils sont
une solution et un compromis appropriés, qui visent à préserver
tant les caractéristiques spécifiques du droit de l’UE que celles
de l’UE en sa qualité d’organisation supranationale, ainsi que l’intégrité
et l’efficacité du système de la Convention
. Cela
ne préjuge évidemment pas de la position que l’Assemblée exprimera
dans son futur avis sur le texte final du projet d’accord d’adhésion
(lorsqu’elle sera saisie par le Comité des Ministres), même s’il serait
souhaitable que l’Assemblée soutienne également le texte final par
souci de cohérence.

34. Deux autres questions importantes ont été abordées dans le
projet d’accord d’adhésion révisé. L’une concerne la participation
de l’UE aux réunions du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe
(article 8). La seconde concerne l’élection des juges par l’Assemblée
(article 7). En ce qui concerne la première question, le nouvel
article 8 précise que les règles de majorité prévues par le Statut
du Conseil de l’Europe (STE no 1) et l’article 46
de la Convention ne s’appliquent pas dans les cas où le Comité des
Ministres surveille le respect des obligations par l’UE ou par l’UE
et un ou plusieurs de ses États membres. Dans de tels cas, les règles
de majorité applicables sont énoncées dans un nouvel article à ajouter
aux Règles du Comité des Ministres (article 18), qui fait partie
du paquet relatif à l’adhésion. Il s’agit de donner effet au principe
selon lequel le vote coordonné de l’UE et de ses États membres ne
peut porter atteinte à l’exercice effectif par le Comité des Ministres
de ses fonctions de surveillance au titre de l’article 46 de la
Convention. Selon Jörg Polakiewicz et Irene Suominen-Picht, les
dispositions plutôt complexes du projet d’accord d’adhésion révisé
sur cette question particulière «établissent un juste équilibre
entre les exigences de sécurité juridique, d’efficacité et de protection
des intérêts des États non membres de l’UE»
.

35. La question de l’élection des juges, qui est la plus pertinente
pour l’Assemblée, est régie par le nouvel article 7 du projet d’accord
d’adhésion. La disposition de 2013 se lisait comme suit:
«1. Une délégation du Parlement européen a le droit de participer, avec droit de vote, aux séances de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe lorsque l’Assemblée exerce ses fonctions relatives à l’élection des juges conformément à l’article 22 de la Convention. La délégation du Parlement européen a le même nombre de représentants que la délégation de l’État qui a le nombre le plus élevé de représentants conformément à l’article 26 du Statut du Conseil de l’Europe.
2. Les modalités de participation des représentants du Parlement européen aux séances de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et de ses organes pertinents sont définies par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, en coopération avec le Parlement européen.»
36. Le nouvel article 7 convenu se lit comme suit (modifications
en caractères gras):
«1. Lorsque l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe exerce ses fonctions conformément à l’article 22 de la Convention, qui sont limitées à l’élection des juges, une délégation du Parlement européen a le droit de participer, avec droit de vote, aux séances de l’Assemblée. La délégation du Parlement européen a le même nombre de représentants que la délégation de l’État qui a le nombre le plus élevé de représentants conformément à l’article 26 du Statut du Conseil de l’Europe.
2. Les modalités de participation des représentants du Parlement européen aux séances de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et de ses organes pertinents sont définies par l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, en coopération avec le Parlement européen, conformément aux dispositions du présent Accord.»
37. On constate que les changements sont plutôt minimes et ne
modifient pas la substance et l’objet de la disposition initiale.
Le Secrétariat de l’Assemblée a confirmé au groupe 46+1 que cette
formulation était acceptable (sans préjudice des pouvoirs décisionnels
de l’Assemblée elle-même) et permettrait à l’Assemblée et au Parlement
européen de poursuivre une coopération normale sur d’autres questions.
Elle fournirait également une base pour réviser et mettre à jour
l’accord sur les modalités de la participation du Parlement européen
à l’élection des juges qui a été conclu entre les deux organes en
2011 (au sein de l’organe informel joint établi par les deux organes)
. Cet
accord prévoit que le Parlement européen sera habilité à participer
à l’Assemblée avec le même nombre de représentants que les États
ayant le nombre le plus élevé de représentants, soit 18 actuellement.
Le Parlement européen aura droit, «le cas échéant», à quatre sièges lorsqu’il
participera à la commission des questions juridiques et des droits
de l'homme. Un représentant du Parlement européen ayant le droit
de vote pourra participer aux réunions pertinentes du Bureau de l’Assemblée,
«chaque fois qu’une élection de juges est à l’ordre du jour». Le
Parlement européen disposera également d’un siège avec droit de
vote au sein de l’ancienne sous-commission sur l’élection des juges
de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme
«lorsque la sous-commission [...] soumet des recommandations confidentielles
à l’Assemblée plénière pour que celle-ci fasse un choix éclairé
lorsqu’elle élit des juges». Cet accord informel nécessiterait désormais
au moins deux mises à jour: premièrement, la sous-commission est
désormais une commission à part entière de l’Assemblée et, deuxièmement,
ses recommandations à l’Assemblée plénière ne sont plus confidentielles.
La question se pose également de savoir si le Parlement européen
devrait continuer à être représenté au sein de la commission des
questions juridiques et des droits de l'homme, puisque la commission
sur l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’homme
est désormais totalement indépendante de cette commission. Il existe
cependant des situations dans lesquelles sa présence pourrait être
nécessaire, par exemple lorsque la commission des questions juridiques
et des droits de l'homme traite de l’exécution des arrêts de la
Cour dans des cas où l’UE est partie défenderesse ou codéfenderesse
(par exemple dans le cadre des rapports biennaux sur la mise en œuvre
des arrêts que la commission prépare pour l’Assemblée). Cette configuration
dépasse toutefois le cadre strict de l’article 7 du projet d’accord
d’adhésion, car elle ne concerne pas l’élection des juges par l’Assemblée en
vertu de l’article 22 de la Convention. Toutes les modalités de
participation devront être renégociées avec le Parlement européen
et insérées dans le Règlement de l’Assemblée. Elles devront également
être prises en compte dans les dispositions internes du Parlement
européen conformément à ses procédures.

38. Un autre aspect de l’élection des juges mérite d’être pris
en compte: la procédure interne de sélection des candidats à soumettre
à l’Assemblée au titre de l’UE. Si l’article 7 n’aborde pas cette
question, le projet de rapport explicatif précise que les règles
internes de l’UE définiront les modalités de sélection de la liste
des candidats et que ces règles internes seront en conformité avec
les modalités définies par les instruments pertinents adoptés au
sein du Conseil de l’Europe, en particulier la résolution du Comité
des Ministres sur la création d’un panel consultatif d’experts et
ses Lignes directrices sur la sélection des candidats au poste de juge
à la Cour. La Direction du Conseil juridique et du Droit international
public (DLAPIL) du Conseil de l’Europe a signalé à juste titre au
groupe «46+1» que les lignes directrices sont suffisamment larges
pour que toutes les exigences particulières éventuelles de l’UE
soient satisfaites et que la consultation avec le panel devrait également
être acceptable pour l’UE
. Jörg Polakiewicz et Irene Suominen-Picht
sont d'avis que le principe d'égalité des parties aurait pu être
davantage renforcé en ajoutant dans le projet d'accord d'adhésion
une clause disposant d'une manière générale que ces instruments
du Conseil de l'Europe (adressés en principe uniquement aux États
membres) seront contraignants pour l'UE. Il importe par conséquent
de rappeler et d’indiquer expressément (dans la future résolution
de l’Assemblée associée au présent rapport comme dans le futur avis
sur le projet d’accord d’adhésion, sous forme d’éventuelle proposition
de modification) que les règles internes de l’UE relatives à la
sélection des candidats doivent être conformes à tout futur instrument adopté
par le Comité des Ministres sur ce sujet, ainsi qu’aux résolutions
et pratiques de l’Assemblée en matière d’élection des juges. Si
le projet d’accord d’adhésion (article 8, paragraphe 3) prévoit
expressément l’obligation pour le Comité des Ministres de consulter
l’UE avant l’adoption de tout nouvel instrument de ce type, l’Assemblée
pourrait également mettre en place une procédure de consultation
préalable similaire avec le Parlement européen pour l’adoption de
nouvelles règles et résolutions sur l’élection des juges à la Cour
ou les procédures de sélection nationales. En tout état de cause,
la présence d’un membre du PE avec droit de vote au sein de la commission
sur l’élection des juges à la Cour européenne des droits de l’homme,
non seulement lors de la formulation des recommandations relatives
aux listes spécifiques de candidates et candidats, mais aussi lors
de l’examen des rapports généraux sur l’élection des juges (qui
peuvent contenir des propositions de modification de la procédure
et des dispositions), pourrait également être considérée comme suffisante pour
prendre dûment en compte la position de l’UE.

8. Le problème à résoudre concernant le panier 4: les actes de l’Union européenne en matière de politique étrangère et de sécurité commune
39. Le problème du panier 4 tient
à la compétence limitée de la CJEU sur les actes de l’UE en matière
de politique étrangère et de sécurité commune (PESC), sur la base
des traités de l’UE
. Dans son avis 2/13,
la CJUE a déclaré que «la Cour EDH serait habilitée à se prononcer
sur la conformité avec la CEDH de certains actes, actions ou omissions
intervenus dans le cadre de la PESC et, notamment, de ceux pour
lesquels la Cour n’est pas compétente pour contrôler leur légalité
au regard des droits fondamentaux»; elle a rappelé que «la compétence
pour effectuer un contrôle juridictionnel d’actes, d’actions ou
d’omissions de l’Union, y compris au regard des droits fondamentaux,
ne saurait être attribuée exclusivement à une juridiction internationale
qui se situe en dehors du cadre institutionnel et juridictionnel
de l’Union» (paragraphes 254 et 256).

40. Au cours des négociations, l’UE a proposé un système assorti
d’une clause dite de réattribution qui permettrait à l’UE d’attribuer
la responsabilité d’un acte PESC de l’UE à un ou plusieurs États
membres si un tel acte était exclu de la compétence de la CJUE
. La proposition a été critiquée.
La Commission européenne avait également proposé de résoudre cette
question par une déclaration interprétative du Traité de Lisbonne étendant
la compétence de la CJUE au domaine de la PESC. Or en mars 2023,
le Sénat français a adopté une résolution contre cette proposition
et a invité le Gouvernement français à respecter cette position
dans les négociations internes de l’UE
.
Il a estimé qu’une telle déclaration interprétative modifierait
les traités de l’UE, violerait l’État de droit et créerait un dangereux
précédent. Certains sénateurs français ont également estimé que
l’attribution à la CJUE d’une compétence en matière de PESC ne serait
pas politiquement souhaitable, car elle pourrait entraver la liberté
d’action de l’exécutif de l’UE dans ce domaine et avoir des conséquences opérationnelles
sur le choix des États membres de participer à certaines opérations
menées au titre de la PESC
.



41. En juin 2024, le CDDH a été informé par le représentant de
l’UE de l’évolution des travaux de l’UE sur le problème du panier 4.
Les États membres de l’UE et la Commission européenne attendaient
que la CJUE rende son jugement dans deux affaires sur les droits
fondamentaux et la PESC (KS et KD c. Conseil
et autres et Commission c. KS
et autres (affaires jointes C-29/22 P et C-44/22 P)).
Dans ces affaires, l’avocate générale Tamara Capeta avait rendu
un avis (le 23 novembre 2023) susceptible de faciliter la résolution
du problème. Dans son avis, l’avocate générale a estimé que les
dispositions pertinentes des traités de l’UE «devraient être interprété[e]s
en ce sens qu’[elles] ne limitent pas la compétence des juridictions
de l’Union pour connaître d’une action en indemnité intentée par
des particuliers sur le fondement d’une prétendue violation des
droits fondamentaux par tout type de mesure relevant de la PESC.
Une telle interprétation ressort des principes constitutionnels
de l’ordre juridique de l’Union, principalement l’État de droit,
qui comprend le droit à une protection juridictionnelle effective,
et le principe imposant le respect des droits fondamentaux dans
toutes les politiques de l’Union. Le rôle constitutionnel des juridictions
de l’Union qui découle de ces principes ne peut être limité qu’à
titre exceptionnel. [...] En effet, la violation des droits fondamentaux
ne peut être un choix politique au sein de l’Union, et les juridictions
de l’Union doivent être compétentes pour veiller à ce que les décisions
de la PESC ne franchissent pas les ‘lignes rouges’ imposées par
les droits fondamentaux»
. L’avocate générale a explicitement
inscrit ces questions dans le contexte plus large de la reprise
des négociations sur l’adhésion de l’UE à la CEDH. Il convient de
noter que l’avis de l’avocate générale coïncide en partie avec la
position exprimée par la Commission européenne devant la CJUE, soutenue
par les Gouvernements autrichien, belge, finlandais, luxembourgeois,
néerlandais, roumain et suédois, tandis que la position opposée
(incompétence) est défendue par le Conseil et le Gouvernement français.
![(36)
<a href='https://curia.europa.eu/juris/document/document.jsf?docid=280078&doclang=EN'>CURIA –
Documents (europa.eu)</a>, paragraphes 154-155. Ces affaires concernent une action
en dommages-intérêts intentée par deux personnes qui reprochaient
à Eulex Kosovo de ne pas avoir mené une enquête en bonne et due
forme sur les meurtres et les disparitions de leurs proches à la
suite du conflit du Kosovo*. [*Toute référence au Kosovo, que ce soit
le territoire, les institutions ou la population, doit se comprendre
en pleine conformité avec la Résolution 1244 du Conseil de sécurité
des Nations Unies et sans préjuger du statut du Kosovo]. Voir également
ses conclusions rendues dans l’affaire C-351/22 (<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/en/TXT/?uri=CELEX:62022CC0351'>EUR-Lex –
62022CC0351 – EN – EUR-Lex (europa.eu)</a>), Neves 77, qui
concerne une demande de décision préjudicielle dans le cadre de
mesures restrictives adoptées en raison des actions de la Fédération
de Russie en Ukraine: et l’arrêt rendu dans cette affaire le 10 septembre
2024 (<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A62022CJ0351'>EUR-Lex –
62022CJ0351– EN – EUR-Lex</a>).](/nw/images/icon_footnoteCall.png)
42. Lors de la réunion du CDDH de juin 2024, le représentant de
l’UE a indiqué que si la CJUE suivait intégralement l’avis de son
avocate générale, l’UE discuterait d’abord du résultat au sein du
Conseil de l’UE et avec les États non-membres de l’UE, et pourrait
ensuite demander l’avis de la CJUE sur le paquet d’instruments d’adhésion
révisé. Si la CJUE ne suivait pas entièrement l’avis de l’avocate
générale, l’UE s’efforcerait de poursuivre ses travaux avec ce résultat.
Dans l’hypothèse où elle se montrerait très négative dans ses arrêts
et qu’un changement de traité semblerait nécessaire pour résoudre
le problème du panier 4, la situation serait très différente.
43. Le 10 septembre 2024, la CJUE a rendu son arrêt très attendu
dans les affaires jointes KS et KD c. Conseil
et autres et Commission c. KS
et autres (Mission «État de droit» menée par l’Union
européenne au Kosovo, Eulex Kosovo). La Grande chambre a clarifié
l’étendue de la limitation de compétence des juridictions de l’UE
en matière de PESC sur la base des traités. Elle a estimé que cette
limitation de compétence peut être conciliée tant avec l’article 47
de la Charte des droits fondamentaux de l’UE (droit à un recours
effectif et à un procès équitable) qu’avec les articles 6 et 13
de la Convention européenne des droits de l’homme. Selon cette interprétation,
fondée notamment sur le droit à un recours effectif et les principes
de l’État de droit, les juridictions de l’UE sont compétentes pour
apprécier la légalité des actes ou omissions qui relèvent de la
PESC et ne sont pas directement liés à des choix politiques ou stratégiques,
ou pour les interpréter. En revanche, la CJUE n’est pas compétente
pour apprécier la légalité ou interpréter des actes ou des omissions
directement rattachés à la conduite, à la définition ou à la mise
en œuvre de la PESC, et notamment de la politique de sécurité et
de défense commune (PSDC), à savoir, en particulier, l’identification
des intérêts stratégiques de l’UE ainsi que la définition tant des
actions à mener et des positions à prendre par l’UE que des orientations générales
de la PESC. Appliquant cette distinction aux affaires en cause,
la CJUE a considéré que les juridictions de l’UE étaient compétentes
pour connaître des décisions prises par «Eulex Kosovo» quant au choix
du personnel adéquat ou à la mise en place de mesures de contrôle
ou de voies de recours (qualifiées de «gestion quotidienne» ou «administrative»
de la mission), ainsi que sur l’absence alléguée d’adoption de mesures
correctives ou de contrôle effectives dans les affaires en question,
mais pas sur des questions telles que les ressources mises à la
disposition de la mission et la décision de révoquer son mandat
exécutif, dont la CJUE a considéré qu’elles étaient directement
liées à des choix politiques ou stratégiques
.

44. Dans son raisonnement, la CJUE a cité la jurisprudence de
la Cour européenne des droits de l’homme et rappelé que les articles 6
et 13 de la Convention ne sont pas absolus et permettent certaines
limitations. En particulier, elle a observé que la Cour européenne
des droits de l’homme avait jugé qu’il ne lui appartenait pas de
s’immiscer dans l’équilibre institutionnel entre le pouvoir exécutif
et les juridictions nationales, par exemple dans le cadre d’une
limitation de compétence des juridictions nationales à l’égard d’actes
non détachables de la conduite des relations internationales d’un
État
.
Il convient par ailleurs de noter que la CJUE a rejeté les arguments
(certains avancés par la Commission) selon lesquels les juridictions
de l’UE devraient être compétentes au seul motif que les actes ou
omissions en question portent atteinte aux droits fondamentaux d’un
particulier, ou sur la base d’une interprétation à la lumière de
la première phrase de l’article 6, paragraphe 2, du TUE (obligation
pour l’UE d’adhérer à la CEDH)
.


45. Bien que l’arrêt de la CJUE ne suive pas entièrement la position
adoptée par l’avocate générale et la Commission
,
il a généralement été perçu comme une avancée positive susceptible
de régler le problème du panier 4 et de permettre à l’adhésion de
l’UE à la Convention de suivre son cours
. Lors
de la dernière réunion du CDDH qui s’est tenue du 25 au 29 novembre
2024, le représentant de la Commission européenne a, au nom de l’UE,
informé le Comité du prononcé de l’arrêt et de ses conséquences
possibles. Il a expliqué que la seule façon de s’assurer que cet
arrêt règle entièrement le problème posé par le panier 4 consisterait
à demander à la CJUE d’émettre un avis sur le projet d’accord d’adhésion
révisé. La Commission européenne est disposée à franchir cette étape,
sous réserve de la décision du nouveau collège des commissaires,
et travaille également sur les règles internes qui seront nécessaires
à la mise en œuvre de l’accord d’adhésion, une fois qu’il sera entré
en vigueur
. Ces dispositions régiront probablement
la question de la participation de l’UE aux procédures devant la
Cour et au Comité des Ministres lorsqu’il surveille l’exécution
des arrêts de la Cour. Le représentant de la Commission a présenté
une éventuelle séquence d’événements qui pourrait comprendre, comme
première étape, la soumission en temps opportun d’une proposition
au nouveau collège des commissaires, suivie d’une demande d’avis
à la CJUE, puis d’un processus permettant à tous les États membres
de l’UE de soumettre des observations à la CJUE, et s’achèverait
par le rendu de l’avis entre 18 et 24 mois après la demande. Il
a rappelé que toute institution de l’UE ou tout État membre était
habilité à soumettre une demande d’avis à la CJUE, mais qu’il était
entendu que la Commission européenne le ferait pour le projet d’accord
d’adhésion révisé. Il a ajouté que «la Commission européenne ne
souhaite pas se précipiter, mais se dit être plutôt confiante du
résultat». Le CDDH a répondu en qualifiant l’arrêt rendu par la CJUE
de «voie prometteuse à explorer pour résoudre la question en suspens».
Sur cette base, il a encouragé l’UE «à prendre les décisions nécessaires
dans les meilleurs délais, rappelant l’engagement de tous les États membres
du Conseil de l’Europe en faveur de l’adoption rapide de l’accord
d’adhésion, tel qu’il a été exprimé dans la Déclaration de Reykjavík»
.




9. Conclusions
46. Il a fallu bien plus de 40 ans
pour que l’idée d’une adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne
des droits de l’homme progresse jusqu’à son niveau actuel de concrétisation.
Si certains des arguments initiaux en faveur de l’adhésion ne sont
plus valables, d’autres le sont toujours, et certains des arguments
contre l’adhésion ont été renversés à la lumière des évolutions.
Pour résumer la situation actuelle, force est de constater que,
contrairement aux États membres de l’UE, les institutions de cette
dernière ne sont soumises à aucun contrôle juridictionnel externe
de leur respect des droits fondamentaux. Dans le même temps, la
portée et l’incidence potentielle de leurs activités se sont étendues
à des domaines extrêmement sensibles des droits humains, ce qui
n’a fait qu’accroître le risque de voir la CJUE élaborer une jurisprudence incompatible
avec celle de la Cour européenne des droits de l’homme. L’accord
conclu en 2013 sur un ensemble d’instruments destinés à permettre
l’adhésion de l’UE à la Convention a donc été reçu très favorablement.
47. L’avis 2/13 de la Cour de justice de l'Union européenne a
surpris et déçu les partisans de l’adhésion de l’UE à la Convention.
Il est néanmoins encourageant de constater que les négociations
ont fini par reprendre et que toutes les parties – les États membres
du Conseil de l’Europe d’une part, et l’UE et la Commission européenne
d’autre part – sont parvenues à un accord provisoire unanime sur
presque toutes les questions soulevées par l’avis 2/13. Cela montre
que toutes les parties concernées ont été suffisamment créatives
pour trouver un compromis acceptable et qu’elles restent déterminées
à faire de l’adhésion de l’UE à la Convention, qui est une obligation
en vertu du TUE, une réalité. Il reste néanmoins une question à
résoudre au sein de l’UE, celle de l’étendue de la compétence des
juridictions de l’UE dans le domaine de la PESC. J’ai tendance à penser
que l’arrêt «Eulex Kosovo» du 10 septembre 2024 clarifie cette question
en ce sens que la CJUE définit les affaires de PESC qui relèvent
de sa compétence et, ce faisant, considère que le système de protection juridictionnelle
de l’UE dans ce domaine est conforme aux normes de la Convention,
en particulier à ses articles 6 et 13. Cette décision peut donc
être interprétée comme indiquant que la compétence limitée dans
le domaine de la PESC ne constitue plus, aux yeux de la CJUE, un
obstacle à l’adhésion.
48. Pour préserver la dynamique actuelle après l’arrêt Eulex Kosovo
et le début du mandat de la nouvelle Commission européenne, l’Assemblée
devrait inviter la Commission et l’ensemble des institutions de
l’UE à prendre les décisions nécessaires, notamment en adressant
sans délai à la CJUE une demande d’avis sur la compatibilité de
l’instrument d’adhésion révisé avec les Traités de l’UE en vertu
de l’article 218(11) du TFUE. Même si, comme l’a indiqué le représentant
de l’UE auprès du CDDH, il pourrait s’écouler entre 18 et 24 mois en
moyenne avant que la CJUE ne rende son avis, cette première étape
permettrait de déclencher les procédures pertinentes au sein de
l’UE et du Conseil de l’Europe en vue de l’approbation finale, de
l’adoption et de la signature de l’accord d’adhésion. Conformément
à l’article 218, paragraphe 6, du TFUE, le Parlement européen doit
approuver l’accord d’adhésion (à la majorité des deux tiers) avant
que le Conseil de l’UE puisse adopter la décision de conclusion
de l’accord. Cette décision du Conseil doit être prise à l’unanimité
et elle n’entrera en vigueur qu’après que les États membres de l’UE
l’auront approuvée conformément à leurs dispositions constitutionnelles
respectives (article 218(8) du TFUE). Au sein du Conseil de l’Europe,
une fois l’avis de la CJUE rendu et une fois l’accord final soumis,
le Comité des ministres devra à son tour saisir l’Assemblée d’une
demande d’avis statutaire sur le projet d’accord d’adhésion avant
son adoption et son ouverture à la signature. Bien qu’à un certain
moment des négociations il ait été évoqué l’idée que le Comité des
Ministres utilise aussi l’article 47 de la Convention pour demander
à la Cour européenne des droits de l’homme elle-même de donner son
avis sur le projet d’accord d’adhésion, je doute que l’article 47
fournisse le fondement juridique adéquat pour un tel avis. L’article 47
de la Convention n’a pas été conçu pour conférer à la Cour une compétence
consultative sur les propositions d’amendements à la Convention,
mais sur «des questions juridiques concernant l’interprétation de
la Convention et de ses protocoles» (article 47, paragraphe 1)
.
En tout état de cause, l’ensemble du processus risque de prendre
encore quelques années avant l’entrée en vigueur, car il nécessitera
également la ratification de l’accord par tous les États membres
du Conseil de l’Europe et les États parties à la Convention.

49. La Convention européenne des droits de l’homme a été décrite
à juste titre comme un «instrument constitutionnel de l’ordre public
européen», fondamental pour la protection des droits humains et
essentiel pour la coopération juridique dans de nombreux domaines.
L’Assemblée n’a pas seulement été le moteur de la rédaction initiale
de la Convention, elle a aussi été un défenseur convaincu du système
au fil des décennies, contribuant de façon essentielle à son bon
fonctionnement (y compris, mais pas seulement, en élisant les juges à
la Cour) sans jamais cesser de plaider en faveur de l’adhésion de
l’UE. Le moment est venu pour l’Assemblée d’adresser à nouveau un
message politique fort à toutes les parties prenantes concernées
et d’appeler à l’action, afin de maintenir la dynamique de l’adhésion
de l’UE instaurée après le sommet de Reykjavík et les élections
européennes de 2024 et d’éviter tout retard supplémentaire. L’Assemblée
devrait également appeler tous les États membres qui sont aussi
membres de l’UE à soutenir l’accord d’adhésion devant la CJUE et
au sein des institutions de l’UE; et tous les États membres à soutenir
l’accord au sein du Comité des Ministres et à le ratifier en temps
voulu conformément à leurs procédures nationales. Entre-temps, elle
devrait inviter la Cour européenne des droits de l’homme et la Cour
de justice de l'Union européenne à entretenir et à approfondir leur
dialogue judiciaire bien établi afin d’éviter tout conflit dans
l’interprétation de la Convention et la protection des droits fondamentaux.