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A. Projet de
résolution
(open)
Rapport | Doc. 16192 | 04 juin 2025
Les défis et besoins des acteurs publics et privés impliqués dans la gestion des migrations
Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées
A. Projet de
résolution 
(open)1. L’Assemblée parlementaire est
convaincue que la coopération entre les acteurs publics et privés constitue
l’un des aspects essentiels pour gérer efficacement les migrations
en Europe et répondre à l’un des défis auxquels font face les États
membres du Conseil de l’Europe, notamment en matière de première assistance,
d’accueil et d’intégration des personnes migrantes, réfugiées et
demandeuses d’asile.
2. Ces défis se posent en particulier aux frontières de certains
États membres du Conseil de l’Europe, ainsi qu’aux points de congestion,
qui sont des lieux où les personnes sont prises en charge dans des
systèmes d’accueil formels ou vivent dans des contextes informels.
3. L’Assemblée rappelle l’importance des traités internationaux
et régionaux ainsi que du droit international coutumier protégeant
les personnes migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile, en particulier:
la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5),
la Convention des Nations Unies de 1951 relative au statut des réfugiés,
les Conventions de Genève, la Convention des Nations Unies relative
aux droits de l’enfant, la Convention européenne sur l’exercice
des droits des enfants (STE no 160),
la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants
contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201).
4. Célébrant le vingtième anniversaire de la Convention du Conseil
de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE
no 197), l’Assemblée attire l’attention
des États membres sur l’importance de cette convention, ainsi que
sur l’expertise du Conseil de l’Europe en matière de lutte contre
la traite des êtres humains, les populations migrantes étant particulièrement
concernées par ce phénomène.
5. L’Assemblée invite les États membres à recourir aux normes
et à l’expertise du Conseil de l’Europe sur les questions de migration,
notamment: le travail
thématique sur les migrations du Commissaire aux droits de l’homme
du Conseil de l’Europe; les normes élaborées par le Comité européen pour la prévention
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(CPT) sur les «Garanties pour les étrangers en situation irrégulière
privés de liberté»; la Recommandation de politique générale no 16
de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI)
sur la protection des migrants en situation irrégulière contre la discrimination,
ainsi que sa fiche
thématique de 2024, “Intégration et inclusion des migrants”; le
Programme européen de formation aux droits de l’homme pour les professionnels
du droit (HELP).
6. L’Assemblée rappelle la Déclaration
de Reykjavík, adoptée lors du 4e Sommet
des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe tenu
les 16 et 17 mai 2023, durant lequel les chefs d’État et de gouvernement
ont réitéré «la nécessité de lutter contre la traite et le trafic
de migrants», «tout en continuant à protéger les victimes et à respecter
les droits de l’homme des migrants et des réfugiés».
7. En ce qui concerne la société civile, l’Assemblée se réfère
à la Recommandation
CM/Rec(2018)11 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe aux États
membres «sur la nécessité de renforcer la protection et la promotion
de l’espace dévolu à la société civile en Europe». Elle renvoie
également à l’Annexe III de la Déclaration de Reykjavík, les «Principes
de Reykjavík pour la démocratie», qui réaffirme que «la société civile est indispensable
au bon fonctionnement de la démocratie».
8. S’agissant de l’évaluation de l’âge dans le contexte des migrations,
l’Assemblée se réfère à la Résolution
2195 (2017) «Enfants migrants non accompagnés: pour une détermination
de l’âge adaptée à l’enfant», qui encourage la mise au point d’un
modèle de détermination de l’âge adapté à l’enfant et axé sur une
approche globale, qui permettrait aux États membres de répondre
aux besoins des enfants non accompagnés ou séparés. L’Assemblée
renvoie également à la Recommandation CM/Rec(2022)22 du Comité des Ministres aux États membres sur les principes
des droits de l’homme et lignes directrices en matière d’évaluation
de l’âge dans le contexte des migrations, qui souligne l’importance
du principe de présomption de minorité pour les personnes soumises
à une évaluation de l’âge et l’obligation pour les États membres
de mettre en œuvre des procédures d’évaluation de l’âge pluridisciplinaires
et fondées sur des preuves.
9. L’Assemblée souligne la responsabilité de ses membres, en
leur qualité à la fois de législatrices et législateurs nationaux
et de membres de l’Assemblée, d’agir aux niveaux national et européen
pour promouvoir les instruments, les normes et l’expertise du Conseil
de l’Europe, ainsi que pour aligner les législations et les pratiques
nationales sur les recommandations formulées ci-après, en particulier
en ce qui concerne l’arrivée, l’accueil et l’intégration des personnes
migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile.
10. Afin de veiller à ce que les acteurs publics et privés participant
à la gestion des migrations s’acquittent de leurs tâches dans le
respect des droits humains des personnes migrantes, réfugiées et
demandeuses d’asile, lors de leur première arrivée aux frontières
et dans les points de congestion, l’Assemblée invite les États membres
du Conseil de l’Europe:
10.1. à veiller
à ce que des normes minimales soient établies pour assurer une assistance
digne, en accordant une attention particulière aux personnes vulnérables,
en particulier les femmes, les enfants, les personnes mineures non
accompagnées et les victimes de la traite, en garantissant leur
sécurité dans les structures de transit et d’accueil, ainsi que
des espaces séparés et sûrs;
10.2. à garantir une assistance médicale adéquate, dès leur
première arrivée et sur le long terme, notamment l’accès à un soutien
psychologique et psychiatrique;
10.3. à établir des procédures claires pour l’identification
des personnes ayant des besoins particuliers, notamment une évaluation
de l’âge des personnes mineures non accompagnées qui soit sûre et adaptée
aux enfants, conformément à la Recommandation CM/Rec(2022)22 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe;
10.4. à veiller à ce que les autorités concernées disposent
d’un personnel suffisant et de ressources adéquates et à garantir
une rotation suffisante du personnel afin d’éviter les risques de
traumatismes et d’épuisement professionnel;
10.5. à former les agent·es de la fonction publique afin qu’ils
et elles soient en mesure de transmettre les informations juridiques
et l’assistance nécessaires aux personnes migrantes, réfugiées et demandeuses
d’asile pour leur permettre de surmonter les obstacles juridiques
et administratifs, et à veiller à ce qu’ils et elles disposent d’informations
actualisées sur les pays d’origine;
10.6. à apporter un soutien financier aux municipalités et aux
collectivités locales en général, touchées par les arrivées récurrentes
de personnes migrantes sur leur territoire;
10.7. à veiller à ce que les personnes migrantes, réfugiées
et demandeuses d’asile soient pleinement et clairement informées
de la législation en vigueur en matière d’immigration et d’asile
et à faciliter leur accès aux procédures de protection internationale;
10.8. à garantir un accès efficace et rapide au système national
d’accueil aux personnes demandant une protection internationale;
10.9. à soutenir une coopération plus étroite entre ces acteurs
et les agences européennes, telles que l’Agence de l’Union européenne
pour l’asile, Frontex et Europol, ainsi que les organisations internationales,
telles que l’Organisation internationale pour les migrations et
le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés;
10.10. à mettre en place des mécanismes indépendants de suivi
dans le domaine des droits humains aux frontières de l’Europe et
aux frontières nationales, là où ils n’existent pas encore.
11. Pour répondre aux défis et aux besoins des acteurs publics
et privés qui participent à l’accueil et à l’intégration des personnes
réfugiées et demandeuses d’asile, l’Assemblée encourage les États
membres à promouvoir l’intégration et à renforcer la cohésion sociale
au sein des communautés d’accueil et les invite:
11.1. à renforcer la coopération entre
les acteurs publics et privés qui soutiennent les personnes réfugiées
et demandeuses d’asile, notamment les collectivités locales, les
communautés locales et les acteurs de la société civile;
11.2. à favoriser la décentralisation du processus décisionnel
en donnant aux collectivités locales et aux communautés locales
les moyens de concevoir et de mettre en œuvre des programmes d’intégration,
encourageant la participation à la vie de la communauté;
11.3. à mettre en place des politiques d’intégration cohérentes
et pilotées au niveau local et à veiller à ce que les personnes
réfugiées et demandeuses d’asile bénéficient d’une assistance pour
surmonter les obstacles juridiques et administratifs;
11.4. à soutenir les acteurs publics et privés participant à
l’accueil dans la fourniture des soins médicaux, une aide juridique,
des cours de langue, une formation professionnelle et un accès aux services
publics, en coopération avec les collectivités locales, les communautés
locales et les acteurs de la société civile;
11.5. à veiller à ce que les demandes de protection internationale
soient traitées dans des délais prédéfinis et raisonnables, afin
d’éviter de prolonger le recours excessif aux centres d’accueil;
11.6. à soutenir la transition entre l’accueil et l’intégration
dans la communauté, avec des mesures d’accompagnement ciblées en
faveur de l’autonomie et de l’indépendance.
12. Pour faciliter la manière dont les acteurs publics et privés
contribuent à l’intégration des personnes réfugiées et demandeuses
d’asile, l’Assemblée invite les États membres:
12.1. à ne plus dépendre des structures
d’accueil de grande envergure et à donner la priorité aux petites
structures d’accueil, comme les maisons et les appartements, en
investissant dans de petits logements dignes au sein de la communauté
et répartis sur l’ensemble du territoire national;
12.2. à adopter le modèle «d’accueil intégré», qui va au-delà
de la simple distribution de nourriture et de la fourniture d’un
hébergement, en proposant des programmes individuels visant à permettre
aux personnes de retrouver un sentiment d’indépendance et de participer
pleinement à la vie de la communauté – que ce soit par l’emploi,
le logement, l’accès aux services de proximité ou par des interactions
sociales –, en s’appuyant sur le développement de relations solides
avec les collectivités locales, les communautés locales et les réseaux
locaux;
12.3. à mettre en place des structures d’accueil dédiées aux
personnes mineures non accompagnées, aux victimes de la traite et
aux personnes ayant des besoins particuliers;
12.4. à garantir un mécanisme de contrôle indépendant des différentes
structures d’accueil, notamment en proposant aux personnes des procédures
de dépôt de recours accessibles.
13. L’Assemblée encourage également la coopération public-privé
dans les lieux où l’on observe des situations informelles et où
la situation humanitaire est très problématique. Les autorités nationales
et les collectivités locales devraient mettre en place des mesures
spécifiques pour venir en aide aux personnes vivant dans des campements
informels, afin de répondre à leurs besoins fondamentaux et de les
orienter vers les services locaux. Cela inclut la mise à disposition
de solutions d’accueil adaptées et de mesures de protection pour
les personnes mineures, les femmes, les victimes de la traite et
d’autres personnes vulnérables.
B. Exposé des motifs par Mme Sandra Zampa, rapporteure
(open)1. Introduction
1. Les 25 et 26 octobre 2023,
la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées
a effectué une visite d’information en France, à Calais, à Dunkerque
et dans leurs environs. La visite avait pour but d’examiner la situation
des personnes migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile ainsi
que le rôle des organisations non gouvernementales (ONG) dans l’aide
qu’elles apportent dans ces lieux. Le rapport présenté par Mme Stephanie
Krisper (Autriche, ADLE), qui a présidait la délégation, a abordé
les nombreux défis et besoins des acteurs publics et privés en matière
de gestion des migrations
. Ses conclusions ont notamment conduit
au dépôt d’une proposition de résolution.

2. La proposition de résolution déposée le 11 décembre 2023 intitulée
«Les défis et besoins des acteurs publics et privés impliqués dans
la gestion des migrations» (Doc. 15882) rappelle la multiplicité des acteurs qui participent
à l’accueil et à la protection des personnes migrantes, réfugiées
et demandeuses d’asile. Le texte soulève les questions du partage
des rôles et des compétences dans le maintien des systèmes d’accueil,
de l’efficacité des procédures existantes et de la responsabilité
des institutions et des acteurs respectifs concernés.
3. Le présent rapport se fonde également sur une note d’information
présentée par M. Paul Gavan (Irlande, GUE) et qui faisait suite
à une visite d’information effectuée par la commission du 16 au
18 septembre 2024 en Sicile et à Lampedusa (Italie)
.

4. J’ai en outre mené une visite d’information du 24 au 26 mars
2025 à Londres et dans les environs, ainsi qu’à Douvres et à Canterbury
(Royaume-Uni), en vue de la préparation du présent rapport.
5. Les observations tirées des visites dans ces trois États membres
ont permis de dresser un tableau général des différentes routes
migratoires en Europe et aux frontières de l’Europe. Diverses institutions
du Conseil de l’Europe ont pu observer les conditions de vie très
précaires des personnes migrantes, notamment en ce qui concerne
les structures d’accueil formelles et les contextes informels, exacerbées
par un manque structurel de ressources et de services essentiels
aux frontières de plusieurs États membres du Conseil de l’Europe.
Les conditions observées dans les divers points de congestion soulèvent
la question du respect des normes et engagements internationaux
dans ces lieux sensibles.
6. Les acteurs publics regroupent les autorités publiques nationales
et locales, les administrations ou les agences s’occupant de la
première arrivée, de l’accueil et de la gestion des personnes migrantes,
réfugiées et demandeuses d’asile au sein du système d’accueil institutionnel,
et parfois au sein du contexte d’accueil informel. En ce qui concerne
les acteurs privés, ils sont de deux ordres: d’une part, ceux qui
ont conclu des contrats de sous-traitance avec les autorités publiques
pour gérer ou cogérer, en coopération avec les autorités publiques,
les structures d’accueil, à différents stades du système d’accueil;
d’autre part, les associations caritatives, les fondations et les
ONG, qui travaillent en étroite coopération avec le secteur public, le
plus souvent à différentes étapes de l’accueil, de la première arrivée
aux politiques d’intégration dans les communautés d’accueil. Les
institutions internationales, telles que l’Organisation internationale
pour les migrations (OIM) ou le Haut-Commissaire des Nations Unies
pour les réfugiés (HCR), jouent également un rôle important en assistant
les acteurs publics et privés dans la gestion des migrations.
7. Au vu de la diversité des acteurs participant à la gestion
des migrations et compte tenu de leurs rôles, interactions et de
leur coopération, le rapport vise à mieux comprendre: les relations
entre tous les acteurs aux différentes étapes des systèmes de gestion
des migrations; les résultats positifs de ces relations ou partenariats
observés dans différents États; le cadre juridique, les méthodes
et les systèmes d’accueil pouvant être mis en place en tant que
bonnes pratiques au sein des États membres du Conseil de l’Europe,
afin de favoriser avant tout une meilleure intégration des personnes
réfugiées et demandeuses d’asile dans les communautés d’accueil.
2. Première arrivée et repérage des vulnérabilités
8. À leur arrivée en Europe, les
personnes migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile ont des besoins immédiats
et nécessitent une assistance initiale pour garantir leur sécurité,
leur dignité et leur accès à des services essentiels. Au cours de
la visite d’information qui a eu lieu du 16 au 17 septembre 2024
en Sicile, la délégation s’est rendue au «hotspot» de Lampedusa.
En s’entretenant avec les différentes parties prenantes, institutionnelles
et non-institutionnelles, chargées de la gestion des arrivées constantes
sur cette petite île, la délégation a mieux compris comment est
organisée la gestion du débarquement et du premier accueil des personnes
migrantes aux portes de l’Europe.
9. Les autorités à Lampedusa ont expliqué le processus d’arrivée
et de gestion des personnes migrantes, depuis leur débarquement
et pendant leur séjour de courte durée (en général, 72 heures au
maximum et 24 heures en moyenne) dans le «hotspot» de Lampedusa
(«hotspot» Contrada Imbriacola). Les «hotspots» sont des centres
gouvernementaux installés dans les lieux de débarquement, où se
déroulent les opérations de première assistance, de dépistage sanitaire,
d’identification et d’information concernant les modalités de demande
de protection internationale.
10. À l’issue d’opérations de recherche et de sauvetage, les personnes
secourues par les garde-côtes débarquent au port de Lampedusa. Une
équipe de personnel médical, infirmier et de médiation procède alors à
un triage afin d’évaluer les besoins médicaux urgents, ainsi que
ceux susceptibles d’apparaître ultérieurement. Les problèmes de
santé les plus fréquemment observés incluent: l’hypothermie en hiver,
la déshydratation et les coups de chaleur en été, le diabète, les
brûlures, ainsi que l’inhalation de gaz toxiques émis par les moteurs
de bateaux. Cette étape initiale est également le moment approprié
pour repérer les situations de vulnérabilité.
11. Le 16 septembre 2024, à 20 h 45, la délégation a assisté au
débarquement dans le port de Lampedusa d’environ 70 personnes migrantes
qui venaient d’être secourues par l’Autorité des garde-côtes de
l’île. Les parlementaires ont exprimé leur émotion face à cette
situation et ont félicité les autorités pour leur gestion efficace
du processus de débarquement.
12. De nombreuses personnes arrivant à Lampedusa sont en effet
épuisées et traumatisées par leur parcours migratoire, au cours
duquel elles ont souvent fait l’expérience de diverses formes de
violences, notamment des violences sexistes, des actes de torture,
la traite, l’exploitation par le travail, le retour forcé, voire
la détention abusive dans les pays de transit. Les personnes mineures
non accompagnées et les femmes (y compris les femmes enceintes),
qui risquent notamment de subir des violences sexuelles et d’être
victimes de la traite au cours de leur parcours migratoire, font
partie de ces personnes vulnérables. Un nombre important d’entre
elles peut donc se retrouver dans des situations de vulnérabilités
croisées, comme les femmes enceintes qui ont subi des violences
sexuelles ou les personnes mineures non accompagnées qui ont été
victimes de torture.
13. Un grand nombre de parties prenantes participent aux premières
opérations et sont présentes au port et dans les environs. Elles
collaborent dans le cadre d’une approche communautaire de la protection
afin de repérer et d’aider, avec rapidité et efficacité, les personnes
vulnérables ou celles qui ont des besoins particuliers.
14. Au moment du débarquement, la police procède à l’identification
des personnes avec le soutien du HCR; l’agence aide à repérer les
personnes vulnérables, comme les mères seules ou les femmes enceintes,
les personnes handicapées ou les personnes mineures non accompagnées.
D’autres acteurs privés sont présents lors de cette phase initiale
qui est d’une importance cruciale, comme le CISOM (Corpo Italiano
di Soccorso dell’Ordine di Malta), Save
the Children, Mediterranean Hope ou des religieuses de l’Union internationale
des supérieures générales.
15. Les personnes migrantes qui sont considérées comme vulnérables
obtiennent un certificat de vulnérabilité qui leur sera utile lors
des étapes suivantes du système d’accueil. Après avoir reçu les
premiers soins médicaux, les personnes sont transportées en car
vers le «hotspot» de Lampedusa où un centre de santé spécialisé
assure la continuité de l’assistance médicale.
16. La phase initiale d’identification consiste à mener de brefs
entretiens et à collecter des données exhaustives sur les personnes
migrantes, notamment des informations personnelles telles que le
nom, la date de naissance et les empreintes digitales des dix doigts,
qui seront conservées dans les bases de données nationales et internationales.
Les interprètes jouent également un rôle essentiel dans la médiation socioculturelle,
en aidant les personnes migrantes à comprendre les diverses étapes
du processus d’identification préalable. En outre, les personnes
migrantes bénéficient de séances d’informations sur leurs droits,
notamment concernant la procédure de demande de protection internationale
et de demande d’asile. Différents organismes organisent ces séances,
dont la Croix-Rouge italienne, l’Agence de l’Union européenne pour
l’asile, le HCR et l’OIM, cette dernière couvrant des sujets tels
que la traite des êtres humains et l’exploitation par le travail.
17. Les personnes arrivant à Lampedusa peuvent également être
victimes de la traite. Lorsqu’une situation potentielle de traite
a été repérée pendant la phase d’identification préalable, la police
informe le service responsable. Cette phase, à laquelle Frontex
apporte un soutien technique, permet de recueillir des données sur
l’origine du parcours migratoire des personnes. À cette fin, les
agent·es de Frontex reçoivent une formation spécialisée pour détecter
les indicateurs de la traite lors des entretiens confidentiels qu’ils
ou elles réalisent avec les personnes migrantes présentes dans le
«hotspot»
.

18. La délégation parlementaire a visité le «hotspot» de Lampedusa.
L’établissement a mis en place des protocoles adaptés aux différentes
populations, qui reçoivent de la nourriture, de l’eau et des vêtements
dans le cadre du système d’accueil initial. Elles ont accès à des
installations sanitaires, bien que leur nombre soit limité, et à
des bornes de recharge pour leurs téléphones portables, indispensables
pour leur permettre de communiquer avec leurs familles. En outre,
le personnel évalue leurs besoins humanitaires. La délégation a été
informée que depuis la reprise de la gestion du «hotspot» par la
Croix-Rouge italienne en juin 2023, la situation s’est améliorée.
Depuis lors, les effectifs ont augmenté et le centre est mieux organisé.
La délégation a néanmoins été déçue par les conditions inadéquates
qui règnent dans le centre d’accueil de Lampedusa: les lits, les
matelas, les douches et les toilettes sont en mauvais état. La délégation
a estimé que les installations pourraient être considérablement
améliorées. Les représentant·es de la société civile ont également
souligné le risque de promiscuité entre les personnes mineures et
adultes, car il semble difficile de séparer les personnes mineures
non accompagnées et les femmes des hommes adultes, en particulier
la nuit.
19. À l’issue de leur séjour dans le «hotspot» de Lampedusa, les
personnes migrantes sont transférées par ferry jusqu’à l’île principale
de la Sicile. Ensuite, si elles expriment le souhait de demander
la protection internationale, elles sont envoyées dans les centres
d’accueil pour les personnes demandeuses d’asile, qui sont situés
dans toute l’Italie. Si elles n’expriment pas le souhait de demander
une protection internationale, une autre voie s’ouvre à elles: en
tant que personnes étrangères en situation irrégulière, elles ne
peuvent pas rester sur le territoire italien. Cela peut se traduire
par le placement des personnes migrantes dans des centres de rétention
(appelés CPR) jusqu’à l’exécution finale du retour dans le pays
d’origine, ou par un ordre de quitter le territoire italien dans
un délai de sept jours. Dans la pratique, l’ordre de quitter le
territoire dans un délai de sept jours n’est pas ou ne peut pas
être respecté et, par conséquent, des personnes sans titre de séjour séjournent
sur le territoire dans des conditions précaires, exposées au risque
d’exploitation.
20. En conclusion, à Lampedusa, la délégation a constaté que la
coopération entre les différents acteurs – institutionnels et autres
– dans la première phase de l’arrivée, ainsi que la participation
de toutes les organisations de la société civile opérant sur l’île,
permettent une gestion efficace et respectueuse des personnes, même
dans des situations complexes.
21. Au cours de la visite d’information que j’ai effectuée du
24 au 26 mars 2025 au Royaume-Uni, j’ai pu visiter le point d’enregistrement
de Western Jet Foil, à Douvres, où les personnes migrantes secourues
dans la Manche sont débarquées. Ce centre est le principal point
d’accueil des personnes migrantes qui sont parvenues à traverser
la Manche à bord de petites embarcations après avoir quitté la France
. Le 25 mars 2025 au matin, j’ai
pu observer le débarquement de 65 personnes, dont six femmes et
trois enfants, secourues par les garde-côtes britanniques.

22. Les agent·es du service britannique de contrôle aux frontières
ont indiqué qu’aucune arrestation n’avait lieu à ce stade préliminaire,
conformément à leurs obligations humanitaires qui précèdent l’application
de la loi. Dans cet esprit, les personnes migrantes secourues passent
par un processus d’identification préalable bien organisé, au cours
duquel les hommes, les femmes et les personnes mineures non accompagnées présumées
ou déclarées comme telles sont placés dans des zones distinctes.
Un premier filtrage est effectué, comprenant la prise des empreintes
digitales et le repérage des vulnérabilités potentielles. Il inclut
la détection des urgences médicales potentielles, pour lesquelles
les agent·es sont en contact avec un·e médecin présent·e dans le
centre, ainsi qu’avec les hôpitaux locaux si nécessaire. L’unité
médicale a indiqué qu’elle observait souvent des blessures liées
à la traversée, en particulier des brûlures dues aux moteurs des
bateaux. La première interaction est très courte et peut avoir lieu
dans une dizaine de langues. Afin de retracer toutes les étapes
du filtrage que les personnes migrantes ont effectuées, mais aussi
les installations où elles sont orientées, les personnes migrantes
sont toutes équipées de bracelets munis de lecteurs de puces donnant
des informations sur l’ensemble des étapes qu’elles traversent.
Cette procédure entourant la première arrivée dure généralement
une heure, mais peut aller jusqu’à six heures environ.
23. L’étape suivante est le contrôle d’immigration; les personnes
migrantes sont informées qu’elles sont officiellement en état d’arrestation
car elles sont arrivées dans le pays de manière irrégulière. Les
agent·es de l’immigration limitent leurs questions à ce stade compte
tenu des traumatismes du voyage. Cette étape est suivie d’un contrôle
de tous les objets dont les personnes migrantes sont en possession,
la procédure étant entièrement filmée. Si nécessaire, les personnes
peuvent être réorientées vers une salle d’entretien à la suite de
cette inspection.
24. Dans un délai maximum de 24 heures à compter de leur arrivée,
les demandeurs et demandeuses d’asile sont transférés vers des hôtels
à travers le Royaume-Uni, gérés par des entreprises ou des grands groupes
privés, à qui le ministère de l’Intérieur a entièrement sous-traité
la gestion de l’accueil. Les personnes mineures sont transférées
dans un centre dédié, que j’ai également visité, où elles restent
24 heures sans pouvoir sortir. Elles sont ensuite envoyées dans
différentes régions du pays, où les autorités locales les prennent
en charge.
25. Les agent·es du service de contrôle aux frontières ont expliqué
que les réseaux criminels de passeurs agissent également sur le
territoire britannique et recrutent, voire forcent les migrant·es
voyageant en bus vers leur hébergement temporaire à suivre les trafiquants
.

26. Au cours de la visite d’information, j’ai rencontré des représentant·es
d’organisations de la société civile, dont la directrice de Humans
for Rights Network. Celle-ci a expliqué que son organisation avait
été en contact avec un lanceur d’alerte d’une entreprise privée
responsable d’une partie du processus de filtrage à l’arrivée des
personnes au Royaume-Uni. Elle a mentionné l’exemple d’une jeune
femme arrivée la semaine précédente au Royaume-Uni, qui avait révélé
avoir été emmenée dans le pays pour y être soumise à la traite et
qui affirmait qu’elle risquait d’être enlevée si elle était envoyée
dans le système d’hébergement. Selon l’interlocutrice, aucune mesure
n’avait été prise.
27. Il a été très instructif de comparer les opérations qui suivent
celles de sauvetage à Douvres et à Lampedusa. À Douvres, les procédures
sont rapides, chaque étape s’enchaînant rapidement, et elles semblent
respecter les normes et pratiques européennes et internationales.
Les ressources et les moyens déployés sont considérables et les
installations semblent globalement adéquates d’un point de vue matériel.
28. Toutefois, l’efficacité évidente de la procédure observée
au Royaume-Uni comporte le risque de ne pas repérer d’éventuelles
vulnérabilités, comme dans le cas des personnes mineures ou des
victimes de la traite, étant donné que le filtrage repose sur des
observations rapides et des entretiens menés par des agent·es du Home
Office – l’équivalent du ministère de l’Intérieur – ainsi que par
le personnel des sociétés privées responsables de la gestion des
différentes structures d’accueil. En outre, aucun·e psychologue
ou autre professionnel·le n’est présent, pas plus qu’il n’existe
d’organisations internationales, telles que le HCR et l’OIM, ou
d’ONG disposant d’une formation spécifique, travaillant aux côtés
de la police, comme c’est le cas en Italie.
3. Systèmes de premier et de deuxième accueil: forces et faiblesses
29. Pour bien comprendre les migrations
vers l’Europe, il faut avoir conscience que le système d’accueil
en Italie et dans d’autres pays d’arrivée ne prend pas en charge
toutes les personnes qui arrivent, ce qui fait que beaucoup sont
exclues du réseau de protection. Certaines des personnes qui arrivent
dans les centres d’accueil les quittent peu après leur arrivée et
poursuivent leur voyage vers d’autres destinations européennes ou
restent en Italie et dans d’autres pays d’arrivée et travaillent
de manière non-déclarée. Les personnes qui ne sont pas prises en
charge par les systèmes d’accueil formels et qui vivent dans des
situations informelles (camps informels, squats ou dans la rue)
souffrent d’un manque de moyens essentiels. Leur situation est pire que
celle des personnes demandeuses d’asile et réfugiées, même si les
conditions de vie restent critiques dans plusieurs centres d’accueil
à travers l’Europe.
30. Comme expliqué dans la section précédente, le système italien
d’accueil des personnes demandeuses d’asile et réfugiées comporte
deux niveaux, précédés de la phase initiale d’assistance assurée
dans les points de congestion, en particulier ceux établis dans
les lieux de débarquement des personnes migrantes, comme à Lampedusa.
31. La première phase d’accueil, qui concerne les personnes exprimant
le souhait de demander l’asile après leur identification, se déroule
dans les centres gouvernementaux de premier accueil (CPA). Elles
y restent jusqu’à ce que leur demande de protection internationale
soit traitée. La seconde phase d’accueil et d’intégration est assurée
au niveau territorial dans le cadre des programmes des autorités
locales.
32. Les centres de premier accueil sont établis par les préfectures,
en consultation avec l’autorité locale du lieu où ils se situent.
Les autorités publiques gèrent les tâches liées au premier accueil,
telles que le lancement de procédures de demande d’asile, l’évaluation
de l’état de santé et la prise en charge des cas vulnérables. Elles
répondent également à des besoins de première nécessité, tels que
le logement, les repas, les vêtements, les soins de santé et la
médiation linguistique et culturelle.
33. Le système de deuxième accueil est géré par le Système de
protection des personnes demandeuses d’asile et réfugiées, créé
en 2002 et récemment rebaptisé «Système d’accueil et d’intégration»
(SAI). Les programmes en lien avec le système de deuxième accueil
ne se contentent pas de répondre aux besoins fondamentaux comme
c’est le cas dans les centres de premier accueil. Ils englobent
un large éventail de services conçus pour aider les personnes à
retrouver leur indépendance, tels que des cours d’italien, une formation
professionnelle, des conseils juridiques, l’accès à des services
locaux, une aide à la recherche d’emploi, une aide au logement et
à l’intégration sociale et une gamme complète de services de santé
et d’aide psychosociale.
34. Au cours de la visite d’information en Italie, la délégation
a visité à Giarre, près de Catane, les centres CPA et SAI gérés
par un acteur privé à but non lucratif, la coopérative Iride, où
environ 50 jeunes hommes adultes étaient hébergés dans le même bâtiment.
La directrice et le personnel juridique et social travaillant dans
les deux centres ont souligné que l’exclusion des personnes demandeuses
d’asile du SAI augmente la précarité et réduit leurs chances de
participer à des programmes visant à favoriser l’intégration sociale.
35. En ce qui concerne les mesures de soutien en matière d’asile
et d’hébergement au Royaume-Uni, les personnes demandeuses d’asile
peuvent demander un hébergement ou une aide à la subsistance, ou
les deux. Lorsqu’elles fournissent un logement, les autorités sont
tenues de ne tenir compte d’aucune préférence que le bénéficiaire
de l’aide ou les personnes à sa charge, le cas échéant, pourraient
avoir quant à la localité dans laquelle le logement doit être fourni.
De même, la loi exige qu’elles ne tiennent pas compte de sa préférence
personnelle quant à la nature du logement à fournir.
36. Toutes les personnes demandeuses d’asile font l’objet d’un
filtrage afin d’identifier les personnes vulnérables, de les protéger
et de veiller à ce qu’elles soient placées dans un logement approprié.
Dès leur arrivée au Royaume-Uni, elles ont accès aux services de
santé et d’aide sociale, notamment à un soutien en matière de santé
mentale, et continuent à en bénéficier tout au long de leur séjour
dans un centre d’hébergement pour personnes demandeuses d’asile.
L’aide fournie comprend généralement un logement meublé, pour lequel
les factures des services publics et la taxe d’habitation sont payées,
ainsi que le versement d’une allocation hebdomadaire en espèces
pour répondre aux autres besoins vitaux essentiels.
37. Les demandeurs et demandeuses d’asile peuvent séjourner pendant
deux ou trois semaines dans des centres d’hébergement initial, qui
constituent les premières structures de transit/d’accueil, le temps
de l’examen de leur demande. Des maisons ou des appartements privés
peuvent aussi être mis à disposition et pris en charge par les autorités,
ainsi que des hôtels privés, théoriquement réservés à des situations
d’urgence exceptionnelles, mais qui, dans les faits, sont couramment
utilisés. Les personnes demandeuses d’asile peuvent également organiser
elles-mêmes leur hébergement, que ce soit dans des maisons, des appartements,
des hôtels, ou en étant accueillies par des ami·es ou des membres
de leur famille. Ces logements ne sont pas pris en charge par le
Home Office. Les personnes qui séjournent dans ce type d’hébergement
peuvent uniquement demander une allocation de subsistance pour besoins
vitaux essentiels.
38. Une demande d’asile peut être traitée dans le cadre de la
procédure accélérée de rétention (detained fast
track procedure) si, après examen, elle semble pouvoir
faire l’objet d’une décision rapide. Quatre centres d’hébergement
sont prévus pour ce type de procédure.
39. Lors de ma visite d’information au Royaume-Uni, je me suis
rendue au centre de traitement des demandes d’asile de Manston,
qui intervient après le traitement initial des personnes migrantes
au point d’enregistrement de Douvres (Western Jet Foil). Ce centre
est une ancienne base militaire de grande taille, qui a été réhabilitée
en centre d’accueil. Les migrant·es y passent par une salle biométrique,
qui est gérée par des agent·es publics du Home Office. En revanche,
les phases suivantes, au cours desquelles des enquêteurs et enquêtrices
interrogent les personnes sur leur traversée, leurs intentions,
etc. sont sous-traitées à une société privée. De même, les unités
de soins sont également sous-traitées au secteur privé et sont chargées
de l’évaluation des problèmes de santé, des diagnostics et des traitements.
40. J’ai également visité les sièges d’associations qui protègent
et apportent un soutien, notamment matériel, aux personnes réfugiées
et demandeuses d’asile à Canterbury et dans d’autres lieux près
de Londres. Par exemple, j’ai rencontré des bénévoles ainsi que
des personnes réfugiées et demandeuses d’asile au Centre chrétien
de Bell Farm, une église qui se transforme en cantine tous les jours
et qui accueille des dizaines de personnes. Cette visite a montré
l’importance des communautés et initiatives locales, qui constituent
le meilleur moyen d’intégrer les personnes réfugiées et demandeuses
d’asile.
41. J’ai constaté que les procédures d’asile au Royaume-Uni pouvaient
durer plusieurs mois, obligeant les personnes demandeuses d’asile,
qu’elles soient seules ou en famille, à passer de longues périodes
dans des hôtels gérés par des entreprises privées. Les conditions
de vie dans ces hôtels ne sont pas toujours décentes et ils ne fournissent
souvent que des services minimaux, sans accès à l’emploi, ni à l’éducation
ou à d’autres activités, ce qui peut entraîner une détresse psychologique
et une grande incertitude. Pendant ces longues périodes, les personnes
demandeuses d’asile ne sont pas autorisées à travailler tant que
leur statut n’est pas reconnu, ce qui entraîne des mois d’inactivité
au cours desquels elles ne reçoivent que des allocations minimales
de la part de l’État.
42. J’ai également observé la transition brutale qui survient
après l’octroi du statut de protection. En effet, les bénéficiaires
n’ont alors que quelques semaines pour quitter leur hébergement
et, souvent, aucun dispositif n’est mis en place pour faciliter
leur intégration ni pour leur permettre d’accéder à des services.
Il en résulte des cas de sans-abrisme et des situations où les personnes
ne peuvent compter que sur la protection des associations pour survivre,
chercher un logement et trouver un emploi. De plus, les familles
peuvent être déplacées d’une ville à l’autre, sans que la continuité
de l’éducation des enfants ne soit prise en compte.
43. Le moment de transition entre l’accueil et l’intégration dans
la communauté et l’indépendance est donc le plus critique et conduit
souvent à des situations de grande précarité. C’est à ce moment
précis que de nombreuses personnes sortent du système d’accueil
formel. Cette période cruciale nécessite une coopération étroite
entre tous les acteurs publics et privés concernés afin de garantir
une transition en douceur et une intégration effective au sein des
communautés locales.
44. Parmi les acteurs locaux, les organisations de la diaspora
devraient être associées, car elles peuvent prévenir et surmonter
de nombreux problèmes pratiques, administratifs et juridiques que
peuvent rencontrer les personnes réfugiées et demandeuses d’asile.
Lors d’un échange de vues tenu le 18 octobre 2024, la commission
des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées a entendu
Mme Alexandra Mamaeva, coordinatrice
et représentante des Ambassades du peuple du Bélarus en Slovénie.
Celle-ci a évoqué l’exemple de la Pologne, qui a dû faire face à
un afflux important de personnes migrantes en provenance du Bélarus.
Elle a indiqué que la Pologne avait créé un groupe de travail réunissant
des avocat·es et des défenseur·es des droits humains bélarussiens
afin de trouver des solutions d’intégration plus efficaces pour ces
réfugié·es. Un autre exemple positif est celui de l’Italie, où la
coopération entre les autorités locales italiennes et l’Ambassade
du peuple du Bélarus a aidé des personnes bélarussiennes à préparer
leurs documents, aboutissant à plus de 30 décisions d’octroi du
statut de réfugié en 2025. En avril 2025, Mme Mamaeva
a indiqué qu’en Italie, pour la deuxième fois, une personne avait
réussi à obtenir un passeport d’étranger sans avoir à passer par
une demande de protection internationale.
4. Personnes mineures étrangères non accompagnées
45. Tout au long de leur parcours
migratoire, les personnes mineures non accompagnées sont vulnérables. La
fragilité de leur situation exige une attention particulière et
une approche spécifique. Comme le souligne la Recommandation CM/Rec(2022)22
du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe sur les principes
des droits de l’homme et lignes directrices en matière d’évaluation
de l’âge dans le contexte de la migration
, le fait de ne pas pouvoir prouver
leur âge peut accroître cette vulnérabilité et le risque d’être
soumis à des violences, à l’exploitation, aux abus et/ou d’être
victimes de la traite. Cette recommandation est le premier instrument juridique
international fixant des normes en matière de droits humains sur
l’évaluation de l’âge dans le contexte de la migration. Le Comité
des Ministres rappelle «le droit de l’enfant à ce que son intérêt
supérieur prime dans toutes les situations le concernant, et que
l’intérêt légitime de l’État à déterminer l’âge d’un enfant doit
en toutes circonstances respecter les droits de l’enfant»
. La recommandation inclut le principe
de présomption de minorité pour les personnes soumises à une procédure
d’évaluation «tant que cette procédure n’indique pas le contraire».
Il est important de noter qu’elle exige des États membres qu’ils
mettent en œuvre des procédures d’évaluation de l’âge reposant sur
une approche pluridisciplinaire et fondées sur des preuves. Elle
rappelle aux États membres qu’un examen médical à des fins d’évaluation
de l’âge ne devrait être entrepris que lorsque des doutes raisonnables
subsistent sur l’âge estimé de la personne une fois que les autres
mesures de la procédure ont été épuisées. Elle ajoute également
que «l’évaluation de l’âge devrait être réalisée par des professionnels
désignés, conformément aux obligations et aux normes professionnelles
pertinentes, et une formation professionnelle adéquate devrait être
assurée à toutes les personnes responsables de l’évaluation de l’âge
et des procédures afférentes».


46. Dans son arrêt de Chambre rendu en mars 2025 dans l’affaire F.B. c. Belgique, la Cour européenne
des droits de l’homme a déclaré, sans se prononcer sur la fiabilité
des tests osseux ni sur la minorité avérée de la requérante, que
le processus décisionnel qui a abouti à la décision de cessation
de sa prise en charge en tant que mineure étrangère non accompagnée
à l’issue de la procédure d’évaluation de son âge n’a pas été entouré
de garanties procédurales suffisantes au regard de l’article 8 de
la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5)
(droit au respect de la vie privée), concluant à l’unanimité à la
violation de cette disposition
. La Cour a entre autres noté qu’il
ne ressortait pas du dossier que la requérante avait été effectivement
informée de la nécessité de donner son consentement à la réalisation
des tests médicaux. Elle a également souligné que, compte tenu de
leur caractère invasif, il convient de ne pratiquer les examens médicaux
qu’en dernier ressort si les autres moyens permettant de lever le
doute sur l’âge de la personne en question n’ont pas abouti à des
résultats concluants.

47. En Italie, la loi no 47 de 2017
a introduit une procédure unique d’identification des personnes
mineures qui comprend donc l’étape fondamentale de la détermination
de l’âge, dont dépend la possibilité d’appliquer les mesures de
protection en faveur des personnes mineures non accompagnées. Elle
prévoit qu’une procédure d’évaluation socio-médicale de l’âge soit
ordonnée par une autorité judiciaire lorsqu’il existe des doutes
fondés sur l’âge déclaré par une personne mineure non accompagnée
présumée et qu’il est impossible d’établir son âge par des documents
l’attestant. L’enfant doit être informé des objectifs, des méthodes
et des conséquences de l’évaluation de l’âge et doit être traité
comme une personne mineure jusqu’à ce que le résultat de l’évaluation
soit rendu. Conformément à la loi, les procédures d’évaluation de
l’âge doivent être menées selon une approche pluridisciplinaire,
par des professionnel·les disposant d’une expertise appropriée et
en présence d’une médiatrice ou d’un médiateur culturel. Le résultat
de l’évaluation doit indiquer la marge d’erreur et l’enfant doit
se voir accorder le «bénéfice du doute» et être traité comme une
personne mineure. La décision finale concernant l’âge de la personne,
adoptée par une autorité judiciaire, doit être communiquée à la
personne en question et à son tuteur ou à sa tutrice, donnant ainsi
droit à l’appel de la décision.
48. La loi de 2017 a également introduit des mesures pour renforcer
les droits et les protections en faveur des personnes mineures,
en commençant par les phases d’accueil. Le cadre réglementaire régissant
l’accueil des personnes mineures étrangères non accompagnées établit
une distinction entre le «premier accueil» et le «deuxième accueil»,
ainsi que le principe selon lequel elles ne peuvent en aucun cas
être placées en rétention ou accueillies dans des centres de retour.
Toutes les personnes mineures non accompagnées doivent être accueillies
dans le cadre du SAI, dont les capacités doivent par conséquent
être proportionnées à la présence effective de personnes mineures
étrangères sur le territoire national. Les personnes mineures demandeuses d’asile
placées dans le SAI lorsqu’elles avaient moins de 18 ans restent
dans les centres d’accueil jusqu’à ce que leur demande de protection
internationale soit traitée. Dans les centres de «deuxième accueil»,
les personnes mineures peuvent rester jusqu’à 18 ans, ou jusqu’à
21 ans avec l’autorisation du juge, à condition d’obtenir un nouveau
permis délivré dans certaines circonstances. La complexité et le
caractère bureaucratique de ces procédures, peuvent toutefois constituer
un obstacle à l’intégration.
49. En outre, la loi n° 47 de 2017 a prévu la mise en place, par
les garants régionaux de l’enfance et de l’adolescence, d’une liste
numérique de tuteurs et tutrices volontaires disponibles pour assumer
la tutelle des personnes mineures étrangères non accompagnées. La
loi a transféré la compétence pour ouvrir une procédure de tutelle
et nommer un tuteur du juge des tutelles au tribunal pour mineurs,
de sorte que toutes les décisions juridictionnelles relatives aux
personnes mineures étrangères non accompagnées sont prises par le ou
la même juge.
50. Le décret-loi n° 133 de 2023 introduit plusieurs nouveautés
en matière d’identification des enfants et d’évaluation de leur
âge. Il prévoit la possibilité pour les autorités de sécurité publique
de procéder à des examens afin de déterminer l’âge d’une personne
mineure présumée, par dérogation à la procédure déjà codifiée fondée
sur l’évaluation socio-médicale réalisée par des équipes multidisciplinaires.
Parmi les changements, il a été établi que la procédure d’évaluation
socio-sanitaire de l’âge de l’enfant doit être achevée dans les
60 jours suivant la date à laquelle cette évaluation a été ordonnée
par le ministère public. Plusieurs interlocuteurs et interlocutrices
ont toutefois exprimé leur inquiétude quant aux récentes évolutions
législatives, qui pourraient affecter la qualité du système d’accueil
italien pour les personnes mineures non accompagnées.
51. Cette loi prévoit également que, si nécessaire, les préfets
ont la possibilité de créer des centres d’accueil extraordinaires
pour personnes mineures, offrant des services différents et moins
de garanties que les centres SAI ordinaires. La durée du séjour
des personnes mineures non accompagnées dans le premier centre d’accueil
varie en fonction du nombre d’arrivées et de la disponibilité des
places dans le centre dédié. Leur séjour prolongé dans ces premiers
centres d’accueil pose un défi, même si la loi prévoit qu’il ne
peut excéder 30 jours.
52. Au cours de la visite d’information en Sicile, la délégation
parlementaire s’est rendue à Catane dans le centre de «premier accueil»
pour personnes mineures non accompagnées «Il Nodo», financé par
le Fonds asile, migration et intégration de l’Union européenne.
Le centre accueillait environ 20 personnes mineures et était doté
d’une équipe pluridisciplinaire offrant des services de base, comme
des cours d’italien et des conseils juridiques, ainsi que d’autres
activités variées (jardinage, accès à une formation professionnelle
à travers des partenariats avec des entreprises locales).
53. La délégation a également visité le centre CivicoZero à Catane,
qui est géré par l’organisation Save the Children. Ce centre d’accueil
de jour pour personnes mineures est ouvert tous les jours jusqu’à
18 heures et propose des ressources, des possibilités de formation,
un soutien psychologique et des cours de langue aux personnes mineures
non accompagnées âgées de 14 ans et plus, l’âge moyen étant de 16-17 ans
environ. En ce qui concerne les enfants âgés de moins de 14 ans,
CivicoZero veille à ce que les services chargés de la protection
de l’enfance soient avisés. Des ateliers sont organisés, par exemple
pour offrir aux personnes mineures des conseils juridiques et les
aider à rédiger leur CV. Le centre leur propose également une assistance
juridique et les informe de leurs droits, afin de leur permettre
de faire des choix éclairés sur leur vie et leur avenir. Les membres
du personnel du centre, en particulier les médiateurs et médiatrices
culturels, entrent souvent en contact avec les jeunes dans la rue.
54. Au cours de la visite d’information au Royaume-Uni, j’ai suivi
la procédure d’évaluation de l’âge au point d’enregistrement de
Western Jet Foil, à Douvres, où les personnes migrantes secourues
dans la Manche sont débarquées. Les personnes migrantes affirmant
être mineures sont séparées des adultes. Les agent·es du service
britannique de contrôle aux frontières fondent leur évaluation de
l’âge sur une procédure d’inspection visuelle menée par deux agent·es.
Ces agent·es doivent déterminer si la personne migrante semble être clairement
âgée de plus de 18 ans ou non et doivent être d’accord sur ce point.
Si, d’après l’évaluation des agent·es, la personne migrante paraît
être clairement âgée de plus de 18 ans, elle est conduite dans une
salle d’entretien où un·e agent·e lui posera des questions sur son
parcours, afin de repérer d’éventuelles preuves ou au contraire
des incohérences, renforçant ou contredisant l’évaluation des deux
premiers agent·es. Si l’agent·e estime que la personne est clairement
âgée de plus de 18 ans, elle entre directement dans le système pour
adultes.
55. Au cours de la réunion avec les représentant·es de la société
civile, j’ai été informée des lacunes potentielles de la procédure
d’évaluation de l’âge susmentionnée reposant sur une inspection
visuelle. La directrice des politiques de la Fondation Helen Bamber,
également coprésidente du consortium des enfants réfugiés et migrants,
qui regroupe plus d’une centaine d’organisations travaillant en
faveur de la promotion des droits des jeunes migrants et réfugiés,
a exprimé ses préoccupations concernant cette procédure, qui donne trop
souvent lieu à des erreurs, ce qui conduit à orienter des centaines
d’enfants vers le système d’accueil pour adultes. Durant la même
réunion, la directrice de Humans for Rights Network a expliqué que
son organisation avait travaillé avec 28 enfants ayant été traités
comme des adultes en raison d’une évaluation de l’âge basée sur
une inspection visuelle totalement inadéquate dès leur arrivée.
56. À la suite de la visite du point d’enregistrement de Western
Jet Foil, je me suis rendue à l’Unité d’admission du Kent. C’est
dans cette unité, exclusivement dédiée aux enfants non accompagnés
demandeurs d’asile, que les enfants sont officiellement placés en
rétention. Des entretiens ont lieu avec les enfants, au cours desquels
ils sont notamment informés des prochaines étapes et sont également
avertis du risque d’être victimes de la traite. Les entretiens sont
en outre l’occasion de repérer des problèmes de santé qui n’auraient pas
été détectés avant, au point d’enregistrement de Western Jet Foil.
Le centre, où les enfants restent en général un maximum de 24 heures,
est bien entretenu et dispose d’une télévision, de jeux, d’endroits
où s’asseoir, d’un accès à des boissons, de couverts, de douches,
de toilettes et d’une salle de prière, mais ne dispose pas de lits.
Il existe en outre une salle d’observation de laquelle les agent·es
peuvent voir les enfants, entre autres pour s’assurer qu’il n’y
a pas de tensions entre ces derniers.
57. Lors d’une audition tenue par la commission des migrations,
des réfugiés et des personnes déplacées au cours de sa réunion le
18 octobre 2024 à Ljubljana, en Slovénie, j’ai pu réunir des témoignages
de première main de représentant·es d’ONG intervenant le long de
la route migratoire des Balkans. À cette occasion, la représentante
du Centre juridique pour la protection des droits humains et de
l’environnement a indiqué qu’en raison des conditions d’accueil
insuffisantes, du manque de personnel et de l’absence de procédures systématiques
pour détecter les vulnérabilités, les personnes demandeuses d’asile
vulnérables n’étaient souvent pas considérées comme telles et, par
conséquent, ne recevaient pas les services et l’aide nécessaires.
L’appréciation du statut de personne mineure non accompagnée parmi
celles et ceux franchissant irrégulièrement la frontière continue
de soulever des difficultés dans les procédures policières. Bien
qu’aucune donnée officielle ne soit disponible sur le nombre de
personnes mineures non accompagnées traitées pour franchissement
irrégulier d’une frontière ou exprimant l’intention de demander
l’asile, il ressort que seules 46 personnes mineures non accompagnées
ont déposé une demande de protection internationale en Slovénie,
en 2023. Cela signifie que la majorité des personnes mineures non
accompagnées n’ont pas été considérées comme telles ou ont quitté
le système d’accueil officiel avant d’avoir déposé une demande.
La représentante du Centre juridique pour la protection des droits
humains et de l’environnement a donc recommandé à la Slovénie de
mettre en place une procédure systématique de détection des vulnérabilités, tant
par la police que dans le cadre de la procédure d’asile, ce qui
permettrait de repérer, d’aider et de protéger correctement les
groupes vulnérables.
5. Campements informels
58. Les personnes migrantes qui
ne sont pas prises en charge par les systèmes d’accueil formels
des pays d’arrivée et qui demeurent en Europe dans des conditions
informelles sont confrontées à un manque important de biens de première
nécessité, à des risques continus pour leur santé et leur sécurité,
ainsi qu’à des obstacles juridiques et administratifs. Au sein des
campements informels, les personnes migrantes connaissent des difficultés
liées au manque de ressources essentielles: les problèmes d’accès
à l’eau et à la nourriture sont récurrents et les équipements nécessaires
pour cuisiner font souvent défaut. De plus, des problèmes se posent également
en ce qui concerne l’hygiène, les sanitaires et les douches, l’entretien
des biens et l’accès aux toilettes. Les biens non alimentaires,
comme les couvertures, les tentes, les habits ou les chaussures, manquent
également. Des cas de confiscation ou de destruction de biens par
les forces de police ont également été signalés à plusieurs reprises.
Ces points de congestion se caractérisent aussi par des conditions
de logement inadéquates, notamment par l’absence d’hébergements
adéquats et distincts pour les jeunes et les familles. Enfin, l’accès
aux soins de santé, y compris de santé mentale, y est insuffisant
. Ces personnes peinent souvent à
faire valoir leurs droits fondamentaux et sont exclues des services
publics. En outre, elles souffrent d’isolement social et de stigmatisation
et peuvent être victimes de discrimination et d’hostilité de la
part des populations locales.

59. La délégation parlementaire qui s’est rendue les 25 et 26
octobre 2023 dans les régions de Calais et de Dunkerque, en France,
a été consternée par les conditions humanitaires observées sur place
de nombreuses personnes vivant dans des campements informels. Elle
a constaté que les logements étaient insuffisants et souvent situés
dans des zones reculées et inaccessibles, obligeant les résident·es
à recourir aux moyens de transport organisés par l’État. La situation
en matière de logement était particulièrement alarmante pour les groupes
vulnérables tels que les femmes et les personnes mineures. Dans
les départements du Pas-de-Calais et du Nord, le manque de foyers
pour enfants les exposait à divers risques et les privait de la
protection nécessaire.
60. La délégation a souligné que de nombreuses personnes migrantes
à Calais et à Dunkerque ne pouvaient pas retourner dans leur pays
d’origine et n’avaient pas d’autre endroit où aller. Cette situation
était aggravée par un système d’accueil formel déficient, un manque
d’informations sur les droits d’asile et des procédures administratives
longues et compliquées. La délégation a observé que l’accès à des
ressources essentielles dans les campements informels était limité:
les points de distribution de nourriture et d’eau étaient surpeuplés,
la quantité de produits non alimentaires comme les couvertures ou
les tentes était insuffisante et l’accès aux soins de santé était
restreint. Au moment de la visite, le nombre de personnes migrantes
vivant dans la région était estimé à 4 000, dont 2 000 pour la seule
zone de Grande-Synthe/Loon-Plage.
61. Lors d’une audition avec la commission des migrations, des
réfugiés et des personnes déplacées le 6 décembre 2024, la représentante
de Médecins sans frontières a indiqué qu’en Belgique, les droits
en matière d’accueil sont systématiquement refusés aux personnes
demandeuses d’asile: en mars 2024, 3 800 personnes ayant sollicité
l’asile étaient sur liste d’attente pour accéder au réseau d’accueil
et aux services connexes, nombre d’entre elles devant trouver refuge
auprès d’un réseau de centres d’hébergement débordé, dans des squats
informels ou dans la rue. La représentante a ajouté que des psychologues
ont fait état d’une nette détérioration de la santé mentale des
personnes contraintes de vivre dans la rue, une situation exacerbée par
l’insécurité.
62. Lors de l’audition tenue par la commission le 18 octobre 2024
à Ljubljana, le représentant du Consortium italien de solidarité
(Consorzio Italiano di Solidarietà) a démontré la valeur ajoutée
des organisations de la société civile actives aux frontières qui
soutiennent les municipalités dans la gestion des arrivées de personnes migrantes
et dans l’aide qui leur est apportée, en particulier s’agissant
des migrant·es franchissant la frontière italienne via la Slovénie
et arrivant à Trieste.
6. Témoignages
63. Il était important pour moi
d’écouter les personnes concernées et, lorsque cela était possible,
de les rencontrer sur place, dans des contextes aussi bien formels
qu’informels. À cet effet, le présent rapport reproduit deux témoignages
de migrants rencontrés par les deux délégations parlementaires lors
des visites d’information en France et en Italie. Ces témoignages
sont complétés par un autre, qui fait suite à la visite d’information
que j’ai effectuée au Royaume-Uni.
64. Lors de sa visite d’information en 2023 en France, la délégation
parlementaire a rencontré des personnes migrantes, réfugiées et
demandeuses d’asile, à la fois dans des centres gérés par des ONG
et dans un contexte informel, dans les environs de Calais et de
Dunkerque. Les parlementaires ont discuté, entre autres, avec un
jeune Afghan de 24 ans dans la région de Grande-Synthe. Il faisait
partie d’un groupe composé majoritairement de jeunes hommes, vivant
au milieu de nulle part. Il a raconté à la délégation qu’il lui
avait fallu quatre mois pour atteindre la région de Calais, après
avoir été refoulé à plusieurs reprises aux frontières et contraint
de modifier son itinéraire de nombreuses fois. Il a également expliqué
qu’il essayait de réunir suffisamment d’argent pour payer les passeurs
et traverser la Manche. Interrogé par les parlementaires sur les dangers
de cette traversée, le jeune homme a affirmé sa détermination à
rejoindre le Royaume-Uni. Sa famille, qui avait financé une partie
de son voyage, s’attendait à ce qu’il réussisse la traversée et
leur envoie de l’argent depuis là-bas. Il a précisé que sa destination
était le Royaume-Uni, où il avait des connaissances qui y travaillaient
et pouvaient l’aider. L’échange fut particulièrement émouvant. Au
milieu de nulle part, dans la poussière, ce jeune homme était plein
d’espoir et de détermination, malgré tous les obstacles qu’il avait rencontrés
depuis qu’il avait fui l’Afghanistan.
65. Au cours de sa visite d’information en Sicile, du 16 au 18 septembre
2024, la délégation a pu nouer à plusieurs reprises des échanges
chargés d’émotion avec de jeunes adultes, des femmes et des personnes mineures
non accompagnées. Elle a par exemple entendu le témoignage poignant
d’Ahmed. Cet ancien mineur non accompagné arrivé en Italie en 2016
a expliqué qu’il avait quitté son pays d’origine, le Sénégal, alors
qu’il était adolescent. Il a précisé que de nombreuses personnes
quittent le pays en raison des violences qu’elles subissent, les
obligeant à rechercher la sécurité ailleurs, car rester dans le
pays les exposerait à d’autres dangers. Il a ajouté qu’elles sont
également exposées à des violences au cours de leur voyage et qu’elles
rencontrent souvent de dangereux criminels; cette situation était
encore plus grave pour les femmes et les jeunes filles, qui subissent
en outre souvent des violences à caractère sexuel. Il a souligné
que les offres de formation étaient rares au Sénégal. «Je fais partie
des chanceux, car j’ai été accueilli par une communauté», a-t-il
expliqué. Enfin, Ahmed a insisté sur la nécessité d’apporter une
aide psychologique aux personnes migrantes dès leur arrivée et de
reconnaître les traumatismes qu’elles ont subis dans leur pays d’origine
et tout au long de leur parcours migratoire.
66. Lors de la visite d’information au Royaume-Uni, du 24 au 26 mars
2025, j’ai rencontré plusieurs personnes réfugiées et demandeuses
d’asile. Ce fut le cas lors d’une réunion à We are Trinity, à Uxbridge, dans
l’agglomération de Londres
. We are Trinity est une organisation
privée à but non lucratif qui œuvre en faveur de l’hébergement des
jeunes de 18 à 25 ans exposés au risque de devenir sans-abri et
qui fournit des conseils en matière de logement. J’ai échangé, entre
autres, avec Jamal, un jeune homme de 20 ans originaire du Soudan
. Arrivé
au Royaume-Uni il y a cinq ans, à l’âge de 15 ans, il m’a expliqué
le long et périlleux voyage qu’il a réalisé à travers l’Europe avant
d’atteindre le Royaume-Uni. Il est notamment passé par l’Allemagne
et la France, où il a vécu dans la rue, puis a rejoint le Royaume-Uni
par bateau, où il a été interrogé et autorisé à rester. Jamal a
expliqué que son arrivée au Royaume-Uni avait été particulièrement
difficile en raison de la barrière linguistique et de la grande
précarité dans laquelle il vivait. Des passeurs lui avaient promis un
emploi lorsqu’il a quitté le Soudan, mais, une fois au Royaume-Uni,
il s’est retrouvé livré à lui-même. Comme il avait besoin d’argent,
une personne l’a aidé à trouver un emploi dans un supermarché. Il
a d’abord été hébergé par cette personne, avant de trouver un logement
provisoire, qui n’était toutefois pas approprié. Jamal a également
confié qu’il ignorait ce que l’avenir lui réservait et comment obtenir
de l’aide. Il a finalement rencontré l’organisation We are Trinity,
qui l’a beaucoup aidé. Jamal a expliqué que les bénévoles l’ont accompagné
dans diverses démarches, ce qui lui a permis d’intégrer un établissement
de formation. Il m’a expliqué qu’il envisageait de faire un apprentissage
en mécanique. Grâce à We are Trinity et à la Croix-Rouge, Jamal
a pu renouer avec sa famille du Soudan. «Je crois que je m’en sors
bien. Il faut que je me débrouille seul.», a-t-il déclaré.


7. Coopération entre les acteurs publics et privés impliqués dans la gestion des migrations
67. Les observations effectuées
lors des trois visites d’information et celles faites par d’autres
organes du Conseil de l’Europe dans divers États membres démontrent
l’urgence de répondre aux besoins des acteurs publics et privés
participant à la gestion des migrations, dans le but d’accueillir
dignement les personnes migrantes, réfugiées et demandeuses d’asile
en Europe. Ces réponses supposent des politiques nationales et/ou
européennes.
7.1. Partenariats public-privé fructueux
68. Les autorités publiques devraient
associer davantage les nombreux acteurs privés à but non lucratif
à la gestion des migrations et à l’aide, l’accueil et l’intégration
des personnes demandeuses d’asile et réfugiées. Ces acteurs peuvent
travailler de manière positive aux côtés des acteurs publics et,
en fin de compte, faciliter l’intégration. Les partenariats public-privé
peuvent également s’avérer fructueux dans les situations informelles,
où la situation humanitaire est préoccupante.
69. Conformément à leurs fonctions et mandats respectifs, différentes
administrations et différentes autorités élues, à plusieurs échelons,
ont une responsabilité vis-à-vis des personnes migrantes, réfugiées
et demandeuses d’asile. Lors de ses rencontres avec des représentant·es
de communes, la délégation qui s’est rendue dans les régions de
Calais et de Dunkerque, en France, a constaté que leur approche
en la matière était variable. Alors que certaines municipalités
sont réticentes à l’idée d’aider les personnes migrantes, réfugiées
et demandeuses d’asile, ainsi que des acteurs humanitaires, d’autres,
comme celle de Grande-Synthe, font de leur mieux pour apporter une
assistance, malgré des ressources limitées. La délégation a été impressionnée
par la mobilisation des ONG qui soutiennent les personnes migrantes,
réfugiées et demandeuses d’asile, en dépit de moyens limités et
d’un manque récurrent de ressources humaines. Certaines ONG sont
mandatées par les autorités publiques, d’autres non
. Les
ONG mandatées bénéficient d’une délégation des pouvoirs publics
et de fonds publics afin d’aider les personnes concernées dans différents aspects,
tels que l’hébergement, la distribution de nourriture et d’eau,
la fourniture d’électricité, l’information, etc. Celles non mandatées,
plus nombreuses, dépendent de fonds privés. Les pouvoirs publics
travaillent facilement avec les ONG mandatées, alors que des tensions
plus importantes existent avec les ONG non mandatées qui interviennent
là où l’État et les associations mandatées sont absentes, ou en
complément à leur action. La délégation a pu observer des partenariats
public-privé fructueux lorsque les autorités publiques locales démontrent
une volonté de coopérer avec les acteurs privés à but non lucratif,
comme dans le cas de la municipalité de Grande-Synthe.

70. La visite d’information effectuée au Royaume-Uni a également
mis en évidence l’efficacité des partenariats public-privé. Ainsi,
lors de la première arrivée de personnes migrantes, la sous-traitance
des examens médicaux approfondis à des sociétés privées de médecins
a permis à un corps spécialisé de procéder efficacement à ces examens.
Il est essentiel que certaines étapes clés du filtrage soient prises
en charge par des professionnel·les spécialisé·es, car cette phase
particulièrement délicate nécessite de prévenir tout traumatisme
ou violence psychologique et de repérer les éventuelles situations
de vulnérabilités parmi les personnes migrantes. J’ai salué les
efforts continus visant à réduire le retard accumulé dans l’examen
des demandes d’asile, ainsi que l’intention exprimée par les autorités
de mettre fin à l’utilisation des hôtels et d’explorer d’autres
formes d’hébergement pour les personnes réfugiées et demandeuses
d’asile.
71. Les partenariats public-privé portent leurs fruits lorsque
les services de première ligne et les phases du filtrage à l’arrivée
sont efficaces et que les personnes migrantes reçoivent, entre autres,
des informations juridiques sur leurs droits en matière d’asile
et sur le statut de réfugié, ainsi que des renseignements sur les possibilités
d’hébergement. Ces partenariats sont également fructueux lorsque
des programmes de formation appropriés et ambitieux sont mis en
place pour les membres du personnel s’occupant des personnes migrantes,
tant au niveau des acteurs publics que privés. Ceci est particulièrement
important afin de garantir des procédures fluides et harmonisées
et de prendre des décisions éclairées sur la situation des personnes migrantes
qui sont contrôlées et interrogées. Le suivi des activités de tous
les acteurs qui participent à la gestion des migrations est essentiel
pour prévenir les violations des droits humains et les conditions
précaires dans les structures d’accueil à tous les niveaux des systèmes
d’accueil. Pour cette raison, des observateurs publics indépendants
devraient pouvoir visiter toutes les installations d’accueil gérées
par des organismes publics ou privés. La réussite des partenariats
repose également sur la stabilité du droit, car trop de changements
politiques entraînent des modifications fréquentes des politiques
migratoires, ce qui nuit à la mise en place d’une stratégie cohérente
à long terme pour tous les acteurs engagés dans la gestion de ces politiques.
7.2. Une meilleure intégration dans les communautés locales
72. La délégation parlementaire
qui s’est rendue en Sicile en septembre 2024 a pu observer des exemples réussis
de politiques donnant la priorité aux petites structures d’accueil.
À Giarre, près de Catane, la délégation a notamment visité un centre
de premier accueil (CPA) et un centre de deuxième accueil (SAI),
gérés par un acteur privé local à but non lucratif. Environ cinquante jeunes
hommes adultes étaient hébergés dans un même bâtiment, répartis
sur plusieurs étages. Ces centres font partie du projet territorial
Bronte, un réseau de petits centres d’accueil disséminés sur plusieurs
communes. Ce projet, mis en œuvre dans la région depuis plus de 15 ans,
relève les défis les plus difficiles en matière d’intégration, les
transformant en opportunités tant pour les personnes réfugiées et
demandeuses d’asile, que pour les intervenant·es et professionnel·les
locaux qui trouvent un emploi sur l’île. Ces structures proposent
des cours d’italien et des formations professionnelles, organisent
des stages dans la région, ainsi que des activités de volontariat
qui engagent régulièrement les migrant·es dans des actions soutenant
la communauté locale. La délégation a salué «la mise en place de centres
d’accueil de petite taille, qui évitent la formation de communautés
isolées. C’est pourquoi des consortiums regroupant des petites municipalités
ou des projets municipaux communs pour gérer les migrations sont
considérés comme des modèles de réussite.» Les bonnes pratiques
en matière d’accueil observées par la délégation s’expliquent en
grande partie par l’expérience que les acteurs publics et privés
ont acquise au cours des dix dernières années, après les arrivées
massives de 2014-2016. À l’inverse, il a été démontré que la présence
de ghettos et la ségrégation peuvent avoir des conséquences négatives,
telles que la radicalisation. La délégation a en effet constaté
qu’un système d’accueil gagne en flexibilité et en efficacité en
matière d’intégration lorsqu’il conserve une taille modeste. Par
ailleurs, la délégation a salué l’attitude positive des populations
locales à l’égard des personnes migrantes arrivant en Sicile, en
particulier à Lampedusa. Cela montre l’intérêt de collaborer avec
les populations locales et de permettre ainsi aux personnes migrantes
et aux communautés d’accueil de vivre une expérience plus harmonieuse
et plus sûre.
73. Le SAI apparaît comme un modèle «d’accueil intégré» allant
au-delà de la simple distribution de nourriture et de la fourniture
d’un hébergement. Il propose en effet des programmes individuels
visant à permettre aux personnes de retrouver un sentiment d’indépendance
et de participer pleinement à la vie de la communauté locale – que
ce soit par un emploi, un logement, l’accès aux services de proximité
ou par des interactions sociales –, favorisant le développement
de relations solides avec les autorités locales. Pour cette raison,
l’accès aux services d’accueil intégré du SAI devrait également
être accordé aux personnes sollicitant l’asile.
74. La délégation a en outre visité la Casa Betania à Catane,
un lieu où cohabitent des mères avec leurs enfants, dirigé par le
Centre Astalli. Elle a rencontré des représentant·es d’organisations
de la société civile œuvrant en faveur des droits des personnes
mineures en Sicile
et
en a tiré de précieux enseignements sur le rôle crucial que joue
la société civile dans la gestion des migrations et dans le soutien
des personnes étrangères les plus vulnérables à Catane et en Sicile
en général. Les différents acteurs publics et privés qui soutiennent
les personnes migrantes se révèlent également très efficaces lorsqu’elles
coopèrent entre elles, ainsi qu’avec les municipalités et les différentes
communautés religieuses locales.

75. La visite d’information au Royaume-Uni m’a également permis
de découvrir des initiatives locales réussies visant à intégrer
les personnes réfugiées dans les communautés locales. Le projet
«Trinity Homeless», par exemple, soutient les familles de personnes
réfugiées, dont 168 familles ukrainiennes, mais aussi des familles
du Soudan et d’Afghanistan.
76. À la suite de la rencontre avec la société civile
, il est apparu nécessaire
de sortir de la crise du logement et d’éviter autant que possible
les situations de sans-abrisme et le recours aux hôtels pour les personnes
réfugiées. Cela implique d’ouvrir davantage de logements et de débloquer
plus de fonds pour les travailleuses sociales et les travailleurs
sociaux spécialisés, par exemple dans le cadre du programme de réinstallation
ukrainien, en particulier en ce qui concerne le programme de regroupement
familial, qui représenterait plus d’arrivées que toutes les voies
de réinstallation réunies. La représentante de Médecins sans frontières
a donné l’exemple du Soudan, d’où des personnes sont arrivées au
Royaume-Uni après la guerre, et a expliqué comment l’organisation
a aidé des Soudanais·es à trouver un logement, principalement dans
des hôtels et d’autres lieux temporaires, évitant ainsi que des
personnes et des familles ne vivent dans des conditions de logement
surpeuplées.

77. L’objectif d’éviter l’utilisation de structures d’accueil
privées, en particulier les hôtels, dans un avenir proche, devrait
réorienter les politiques d’hébergement des personnes réfugiées
et demandeuses d’asile vers les autorités locales et les initiatives
locales, telles que We are Trinity. Un financement approprié des collectivités
publiques locales contribuera également à une intégration réussie
dans les communautés d’accueil.
78. Lors d’une audition tenue par la commission le 11 mars 2025,
la représentante du Service Jésuite des Réfugiés Europe a expliqué
que son organisation avait élaboré des lignes directrices sur l’accueil
fondé sur l’hospitalité en Europe des personnes demandeuses d’asile.
Le Service Jésuite des Réfugiés promeut un modèle d’accueil garantissant
suffisamment d’intimité et d’autonomie aux personnes par l’intermédiaire
de modes d’hébergement individuels/autonomes et invite les acteurs
publics à privilégier les petites structures d’hébergement accueillant
un petit nombre de résident·es, tout en veillant au respect de la
dignité humaine et en garantissant un niveau de confort suffisant.
La représentante du Service Jésuite des Réfugiés a souligné qu’au-delà
du fait de fournir un hébergement, l’accompagnement vers l’autonomie
fait partie intégrante d’un système d’accueil efficace, qui doit
être adapté aux besoins des personnes demandeuses d’asile et garantir
la disponibilité et la possibilité réelle d’accéder aux services
nécessaires. Pour assurer une meilleure intégration dans les communautés
locales, elle a souligné l’importance de mettre en place des installations
situées au sein de celles-ci, favorisant les rencontres avec la
population locale. Au cours de la même audition, une représentante
du Comité international de secours en Italie travaillant avec la
municipalité de Trieste a souligné l’importance d’augmenter et de
renforcer les capacités d’accueil locales, ainsi que d’assurer la
liaison avec le gouvernement central afin de garantir un transfert
rapide des personnes demandeuses d’asile vers des centres d’accueil
situés dans d’autres régions en cas de besoin.
8. Conclusion
79. Il est nécessaire d’adopter
une approche harmonisée et durable de la gestion des migrations
qui place en son centre la dignité et les droits des personnes migrantes,
réfugiées et demandeuses d’asile. Au-delà de ce qu’a révélé l’analyse
des visites dans les trois États membres, les défis paneuropéens
mis en lumière nécessitent des réponses politiques coordonnées et
globales ainsi qu’une collaboration significative entre les secteurs.
80. Une fragmentation des rôles et des responsabilités entre acteurs
publics et privés s’est opérée. Les autorités publiques aux niveaux
national, régional et local manquent souvent de ressources pour
mener à bien leurs actions, en particulier dans les points de congestion.
Ce manque est fréquemment comblé par des acteurs privés, notamment
des ONG, ainsi que par des organisations internationales telles
que le HCR et l’OIM, dont les contributions, bien que cruciales,
reçoivent souvent un soutien insuffisant ou sont intégrées de manière
incohérente dans les systèmes nationaux. Il est donc urgent de renforcer
et de soutenir ces partenariats de manière adéquate par la mise
en place d’une coopération efficace entre les secteurs public et privé,
en particulier dans les contextes de première arrivée et d’accueil.
81. Les visites d’information ont révélé des écarts importants
dans la qualité et l’efficacité des procédures de premier accueil.
À Lampedusa, par exemple, la délégation a exprimé des inquiétudes
quant aux infrastructures inappropriées et en mauvais état, et quant
aux restrictions d’accès. À l’inverse, les opérations menées par
le Royaume-Uni à Douvres ont démontré l’efficacité des procédures
et de bonnes conditions matérielles, mais ont également révélé des
lacunes dans le repérage des personnes vulnérables en raison d’un
contrôle trop rapide et de la participation limitée d’organisations
internationales et à but non lucratif. Ces observations suggèrent
que si l’efficacité opérationnelle est essentielle, elle ne doit
pas se faire au détriment de la rigueur, de la protection des droits
humains et des approches tenant compte des traumatismes.
82. Les systèmes d’accueil à deux niveaux en Italie et au Royaume-Uni,
bien que structurellement cohérents sur le papier, laissent souvent
les personnes concernées dans une situation d’incertitude entre
leur arrivée et leur intégration à long terme. L’exclusion des personnes
demandeuses d’asile du SAI en Italie et le recours excessif aux
hôtels au Royaume-Uni mettent en évidence des lacunes qui entravent
l’intégration sociale et favorisent la précarité. La situation particulièrement
précaire des personnes migrantes vivant dans les campements et en
dehors de tout système d’accueil formel en France et dans d’autres
pays est très préoccupante. Il convient d’élargir l’accès aux programmes
d’accueil intégré, qui favorisent l’indépendance, la cohésion sociale
et la mobilisation des acteurs locaux. En outre, la transition entre
l’accueil et l’intégration dans la vie au sein de la communauté
pour les personnes réfugiées est un moment critique qui nécessite
un soutien global de la part de tous les acteurs, y compris des
communautés de la diaspora, qui servent souvent de passerelles culturelles
et logistiques.
83. Les personnes mineures non accompagnées font partie des personnes
migrantes les plus vulnérables; pourtant, leur traitement est souvent
dépourvu des garanties procédurales nécessaires à la protection
de leurs droits, telles qu’établies par la Convention des Nations
Unies relative aux droits de l’enfant et d’autres traités internationaux
et régionaux. L’évaluation de l’âge au moyen d’une inspection visuelle
principalement utilisée au Royaume-Uni est préoccupante, car elle
aboutit souvent à une classification erronée et au mauvais traitement
ultérieur des enfants en tant qu’adultes, y compris à leur placement
en rétention. Les États membres devraient donc se référer aux recommandations
du Conseil de l’Europe pour établir des procédures d’évaluation
de l’âge pluridisciplinaires et fondées sur des preuves, en soulignant
la nécessité de préserver la présomption de minorité et de faire
participer des professionnel·les qualifiés au processus d’évaluation.
84. L’Assemblée devrait appeler à une refonte stratégique de la
gestion des migrations qui favorise des modèles d’accueil décentralisés,
à petite échelle et intégrés dans les communautés locales. Les pratiques d’accueil
basées sur la communauté et favorisant l’intégration sociale en
Sicile, ainsi que les initiatives telles que le projet «Trinity
Homeless» au Royaume-Uni, sont des modèles exemplaires qui favorisent
la compréhension mutuelle, le développement local et une intégration
réussie. Enfin, la mise en place d’un système d’accueil digne et
efficace nécessite un engagement politique à long terme, des cadres
juridiques stables et la participation de tous les acteurs concernés.