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Rapport | Doc. 16248 | 11 septembre 2025

Partis politiques et démocratie

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteure : Mme Ingjerd Schie SCHOU, Norvège, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc.16005, Renvoi 4818 du 28 juin 2024. 2025 - Quatrième partie de session

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 10 septembre
2025.

(open)
1. La démocratie en Europe est en danger. Partout sur le continent, le recul de la démocratie se poursuit, marqué par l'érosion des freins et contrepoids institutionnels, les restrictions à la liberté des médias, la désinformation et les ingérences étrangères. Il se manifeste par une baisse de la participation politique, un affaiblissement de la confiance du public et une polarisation croissante, qui, ensemble, érodent la résilience des systèmes démocratiques. Les partis politiques sont au cœur de cette crise. Des partis forts, réactifs et inclusifs sont non seulement essentiels à une représentation politique saine, mais aussi indispensables pour faire face à ces menaces et préserver la démocratie.
2. L'Assemblée parlementaire estime que les partis politiques sont la pierre angulaire de la démocratie représentative. Ils sont l'élément clé de la compétition électorale, expriment et regroupent les préférences des citoyen·nes, canalisent les demandes vers les institutions politiques, facilitent la formation d'un gouvernement démocratique et permettent une alternance pacifique du pouvoir. Sans partis politiques, le pluralisme ne peut être représenté de manière significative et les parlements ne peuvent fonctionner efficacement.
3. L'Assemblée considère que les partis politiques, lorsqu'ils respectent les normes démocratiques, favorisent une concurrence ouverte et agissent de manière transparente, sont non seulement les garants de la représentation, mais aussi les agents les plus efficaces du renouveau démocratique en Europe.
4. Les partis politiques jouent un rôle fondamental au-delà des processus électoraux. Ils servent d'institutions permanentes d'éducation démocratique, de socialisation et de négociation. En recrutant des dirigeants politiques, en favorisant les compétences civiques et en transmettant les valeurs démocratiques d'une génération à l'autre, ils établissent et maintiennent la confiance et la légitimité dont dépendent les démocraties résilientes. Ils sont particulièrement bien placés pour offrir des plateformes structurées de dialogue et de délibération, pour servir de médiateurs entre divers groupes sociaux et pour transformer des intérêts concurrents en un programme cohérent pour le gouvernement.
5. L'Assemblée observe toutefois que les partis politiques de nombreux États membres du Conseil de l'Europe sont confrontés à des défis de taille. Le déclin à long terme du nombre d'adhérents et de la participation active, combiné à une volatilité électorale accrue, indiquent un affaiblissement des formes traditionnelles d'attachement politique. Les sondages d'opinion montrent systématiquement que les partis politiques font partie des institutions auxquelles on fait le moins confiance, de nombreux citoyen·nes les associant à l'élitisme, à l'intérêt personnel ou à la corruption.
6. L'érosion de la confiance a de graves conséquences. Elle alimente l'apathie politique, le sentiment anti-partis et la montée des mouvements anti-establishment. La polarisation et l'impasse politique résultent souvent de l'incapacité ou du refus des partis à établir un consensus. Lorsque les partis ne parviennent pas à jouer leur rôle de ponts de confiance au sein de la société, ou sont perçus comme insensibles aux préoccupations et aux besoins des citoyen·nes, la démocratie risque de devenir dysfonctionnelle.
7. Ces défis s'inscrivent dans un contexte plus large de recul de la démocratie en Europe, de pressions géopolitiques et de tentatives persistantes d'ingérence étrangère visant à déstabiliser les démocraties. À une époque où la confiance du public dans les institutions est fragile, les partis politiques ont une responsabilité particulière dans la sauvegarde de la cohésion et de la stabilité démocratiques. Leur engagement le plus fondamental doit être de défendre les principes fondamentaux de la démocratie, notamment des élections libres et équitables, le respect du pluralisme et la protection des libertés fondamentales.
8. Dans l'exercice de son mandat politique, l'Assemblée a toujours accordé une attention particulière à l'état de la démocratie et aux institutions qui la soutiennent. Elle se félicite de l'appel lancé par le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe en faveur d'un Nouveau Pacte Démocratique pour l'Europe et souligne que les partis politiques sont un moteur essentiel du renouveau démocratique.
9. Le Conseil de l'Europe, en particulier par l'intermédiaire de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), a fourni des orientations détaillées sur la réglementation et le fonctionnement des partis politiques. Dans son «Code de bonne conduite en matière de partis politiques» et dans de nombreux avis, la Commission de Venise a souligné les principes fondamentaux de transparence, d'équité, de pluralisme et de démocratie interne. Ces normes affirment que les partis politiques doivent pouvoir fonctionner librement et de manière indépendante, tout en restant responsables et respectueux des normes démocratiques.
10. L'Assemblée considère que ces principes restent indispensables pour restaurer la confiance des citoyen·nes dans les partis politiques à travers l'Europe, et c'est dans ce cadre qu'elle cherche à encourager la poursuite de la modernisation, de l'innovation et de l'engagement des citoyen·nes dans la vie des partis.
11. En renforçant l'adhésion inclusive, la prise de décision participative et la communication politique éthique, les partis politiques peuvent reconnecter les citoyen·nes aux institutions politiques et restaurer la confiance dans la démocratie représentative. Loin d'être obsolètes, les partis peuvent être les acteurs centraux pour lutter contre le recul de la démocratie, rétablir la confiance et favoriser une culture démocratique adaptée aux défis contemporains.
12. À la lumière de ces considérations, l'Assemblée souligne que la confiance doit être un principe directeur de toute réforme des partis et invite les partis politiques des États membres du Conseil de l'Europe à démontrer activement leur intégrité, leur responsabilité et leur réactivité face aux attentes des citoyen·nes afin de renforcer leur rôle de piliers à la fois des démocraties résilientes et de la sécurité démocratique en Europe.
13. L’Assemblée invite les partis politiques à renouer le contact avec les citoyen·nes afin de répondre à leurs attente, en plaçant la justice sociale et l'égalité au cœur de leurs programmes, en veillant à ce que les politiques apportent des améliorations mesurables en matière de niveau de vie, d'accès à des soins de santé de qualité, d'éducation, de logement et d'emploi décent
14. En ce qui concerne le renforcement du lien de représentation avec les citoyen·nes, l'Assemblée encourage les partis politiques à élargir et à approfondir les possibilités de participation politique:
14.1. en développant des voies d'engagement accessibles et flexibles;
14.2. en adoptant des mécanismes transparents et participatifs pour la sélection des dirigeant·es et des candidat·es;
14.3. en renforçant les structures intermédiaires, notamment les sections locales, les organisations affiliées, les syndicats et les plateformes de la société civile, afin de garantir que les points de vue des citoyen·nes puissent éclairer et façonner l'orientation des partis;
14.4. en renforçant et maintenant les forums internes de délibération afin de favoriser le dialogue, la réflexion et la recherche de consensus entre les membres et les sympathisant·es.
15. Afin de lutter contre les problèmes de sous-représentation, l'Assemblée exhorte les partis politiques à adopter des stratégies concrètes en faveur de l'inclusion:
15.1. en intégrant l'égalité de genre, la participation des jeunes et la diversité dans les statuts, la vision et les plans stratégiques des partis;
15.2. en établissant des objectifs mesurables, des cibles et des mécanismes de responsabilisation afin d'améliorer les progrès en matière d'équilibre entre les femmes et les hommes, de participation des jeunes et de représentation des minorités et des groupes défavorisés;
15.3. en explorant l'application de procédures inclusives pour la sélection des candidat·es et le recrutement des dirigeant·es, telles que des mesures de parité, des quotas transparents ou d'autres mesures visant à élargir la participation;
15.4. en garantissant la diversité dans les listes électorales et les postes de direction grâce à des processus de sélection équitables et transparents.
16. L'Assemblée invite en outre les partis politiques à promouvoir la diversité et l'inclusion dans leur fonctionnement interne:
16.1. en développant des initiatives de soutien et de renforcement des capacités pour les groupes sous-représentés;
16.2. en approuvant la Charte révisée des partis politiques européens pour une société non raciste et inclusive;
16.3. en mettant en place des mécanismes visant à prévenir et à sanctionner les discours de haine, l'incitation à la haine et la discrimination de la part de leurs membres.
17. En ce qui concerne la sauvegarde de l'intégrité, l'Assemblée invite les États membres du Conseil de l'Europe:
17.1. à mettre pleinement en œuvre les recommandations du Groupe d'États contre la corruption (GRECO) relatives au financement des partis politiques et des campagnes électorales;
17.2. à réviser et renforcer les cadres nationaux régissant les contributions financières aux partis politiques, à la publicité et aux campagnes électorales afin d'atténuer le risque d'ingérence financière étrangère inappropriée ou illicite;
17.3. à assurer un contrôle efficace et introduire des sanctions claires contre les financements étrangers illicites.
18. L'Assemblée invite les partis politiques à renforcer leur responsabilité interne:
18.1. en adoptant des codes de conduite et des règles en matière de conflits d'intérêts pour les responsables des partis;
18.2. en mettant en place des procédures disciplinaires transparentes pour traiter les cas de comportement abusif;
18.3. en introduisant des règles claires en matière de lobbying et de relations avec les donateurs afin de protéger les partis contre toute influence indue.
19. En soulignant le rôle des partis politiques dans le maintien de la culture démocratique, l'Assemblée:
19.1. invite les partis politiques à recentrer leur rôle en tant que plateformes de dialogue entre les différentes couches sociales, en favorisant le compromis et la cohésion;
19.2. encourage les partis politiques à offrir des espaces pour l'éducation démocratique, le débat et l'engagement civique;
19.3. conformément à sa Résolution 2552 (2024) «Renforcer la démocratie par des processus participatifs et délibératifs», invite les partis politiques à favoriser un engagement civique plus solide grâce à des technologies délibératives et des processus participatifs.
20. L'Assemblée recommande aux partis politiques d'exploiter les outils et les innovations numériques de manière responsable:
20.1. en recourant à des consultations en ligne, à des forums délibératifs et à des primaires numériques transparentes afin d'élargir la participation citoyenne;
20.2. en s'engageant à mener des campagnes en ligne éthiques, en évitant le microciblage manipulateur et en garantissant la divulgation des publicités numériques;
20.3. en soutenant les initiatives en matière de culture numérique afin d'aider les citoyen·nes à naviguer dans l'environnement informationnel.
21. En ce qui concerne ses propres travaux, l'Assemblée, notamment par l'intermédiaire de son rapporteur général sur la démocratie, décide:
21.1. de poursuivre ses actions visant à renforcer la démocratie, à lutter contre son recul et à promouvoir des pratiques innovantes afin de renforcer la confiance des citoyen·nes dans les institutions démocratiques et leur participation à la prise de décision politique;
21.2. de continuer à examiner, en coopération avec la Commission de Venise, le Code de bonne conduite en matière de partis politiques et les questions qui y sont soulevées, en vue de le développer davantage si nécessaire.

B. Exposé des motifs par Mme Ingjerd Schie Schou, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. Partout en Europe, les partis politiques sont confrontés à des défis croissants dans l'exercice de leurs fonctions démocratiques. Le nombre de leurs adhérents a diminué, le sentiment anti-partis est largement répandu et de nombreux citoyens estiment que les partis n'ont pas réussi à apporter des solutions convaincantes aux problèmes sociaux et économiques urgents. En conséquence, le soutien à la démocratie représentative a diminué et les critiques à l'égard de son fonctionnement se sont intensifiées 
			(2) 
			Pew Research Center, <a href='https://www.pewresearch.org/global/2024/02/28/representative-democracy-remains-a-popular-ideal-but-people-around-the-world-are-critical-of-how-its-working/'>rapport,</a> 28 février 2024..
2. Cet affaiblissement du rôle d'ancrage des partis politiques en tant que vecteurs de participation et de représentation démocratiques s'est traduit par une baisse de la participation électorale dans toute l'Europe, une volatilité électorale, une faible confiance du public dans les partis, et une désillusion croissante chez les jeunes. Un fossé s'est creusé avec le désengagement des citoyens ordinaires de la vie politique traditionnelle, créant un climat propice à la mobilisation anti-establishment, et aux forces qui cherchent à affaiblir les institutions démocratiques.
3. Malgré ces difficultés, les partis politiques restent essentiels au fonctionnement de la démocratie. Ils continuent de fournir le cadre organisationnel du débat politique, sont le principal vecteur de la compétition électorale et offrent aux citoyens un moyen de voir leurs préférences et leurs intérêts mis en œuvre par le gouvernement 
			(3) 
			D. Kuo, The Great Retreat: How political parties should
behave and why they don’t, OUP, 2025, 1.. Dans le meilleur des cas, les partis contribuent à façonner l'opinion publique, offrent un espace de négociation des divergences politiques et canalisent les aspirations des citoyens vers une action collective. En ce sens, les partis politiques restent l'institution centrale qui relie les citoyens à l'État et garantit la légitimité de la gouvernance démocratique.
4. Cette érosion de la fonction représentative des partis politiques s'est produite dans le contexte d'une tendance générale au recul de la démocratie, tant en Europe que dans le monde, qui se manifeste par l'affaiblissement de l'indépendance judiciaire, les restrictions à la liberté des médias, les remises en cause des freins et contrepoids institutionnels, la multiplication des irrégularités électorales et la montée d'un discours politique polarisant qui sape la cohésion sociale. Ces signes avant-coureurs devraient nous rappeler que la démocratie n'est pas garantie et qu'elle est visiblement en danger dans certains États membres du Conseil de l'Europe. Ces défis ont été exacerbés par des thèmes mondiaux tels que les conflits, l'impact perturbateur des nouvelles technologies, les inégalités socio-économiques généralisées et la propagation transnationale de la désinformation.
5. Le Conseil de l'Europe a réagi à ces évolutions par toute une série d'instruments et d'initiatives. Il s'agit notamment de travaux visant à renforcer les processus électoraux, à promouvoir la transparence du financement politique, à développer et à tester des outils participatifs pour la gouvernance locale, ainsi qu'à soutenir les processus inclusifs et la société civile.
6. Toutefois, l'ampleur de la menace qui pesait sur les valeurs démocratiques rendait nécessaire la poursuite des efforts. Le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe a appelé à la revitalisation des démocraties et à un Nouveau Pacte Démocratique pour l'Europe afin de lutter contre l'érosion des valeurs que le Conseil de l'Europe promeut et protège 
			(4) 
			Conseil
de l'Europe, <a href='https://www.coe.int/fr/web/secretary-general/report-2025'>«Vers
un nouveau pacte démocratique pour l’Europe»,</a> mai 2025..
7. Bien que les partis politiques aient une influence décisive sur la forme d'une démocratie et constituent un canal essentiel par lequel les préférences des citoyens se traduisent en actions législatives et gouvernementales, on a accordé relativement peu d'attention au rôle et à la contribution potentiels des partis politiques eux-mêmes dans la lutte contre le recul démocratique 
			(5) 
			T. Poguntke (éd.),
W. Hofmeister (éd.),<a href='https://academic.oup.com/book/58013/chapter/479031311'></a>Political Parties and the
Crisis of Democracy: Organization, Resilience, and Reform, <a href='https://academic.oup.com/book/58013/chapter/479031311'>https://academic.oup.com/book/58013/chapter/479031311</a>, août 2024. et dans le renforcement de la participation démocratique.
8. Le présent rapport s'appuie sur la Résolution 2552 (2024) de l'Assemblée intitulée «Renforcer la démocratie par des processus participatifs et délibératifs», la Résolution 2615 (2025) «Promouvoir la participation inclusive dans la vie parlementaire: égalité de genre, accessibilité et politiques inclusives», et la Résolution 2610 (2025) «Mobilisation sociale, troubles sociaux et réaction de la police dans les États membres du Conseil de l’Europe: un nouveau contrat social est-il nécessaire?» en cherchant à explorer comment des partis politiques forts et solides peuvent agir comme des remparts contre le recul démocratique, préserver le pluralisme institutionnel et s'adapter aux défis contemporains tout en restant ouverts et réactifs aux citoyens.

2. Portée du rapport

9. Le rapport s'appuie sur des exemples provenant des États membres du Conseil de l'Europe, avec pour objectif principal d'identifier les meilleures pratiques susceptibles de renforcer la gouvernance démocratique. Sur cette base, il élabore des recommandations pratiques pour la modernisation et l'amélioration de l'engagement citoyen, tout en fournissant une base pour des mesures visant à renforcer la réactivité et la responsabilité des partis et la confiance du public à leur égard.
10. À cette fin, le rapport examine les structures internes, les fonctions et les rôles sociétaux plus larges des partis politiques afin d'évaluer leur efficacité dans le soutien à la gouvernance démocratique. L'évaluation s'articule autour de thèmes clés, en mettant l'accent sur la représentation, la réactivité, l'intégration, l'intégrité, la transformation numérique et la communication.
11. Dans le cadre de la préparation du rapport, la commission des questions politiques et de la démocratie tient à remercier le professeur Thomas Poguntke pour sa participation à une audition tenue en 2025 et pour ses précieuses observations sur l'évolution du rôle des partis politiques dans les démocraties contemporaines, les défis structurels auxquels ils sont confrontés et les possibilités de renouveau grâce à la réforme institutionnelle et à l'engagement citoyen.
12. Le Conseil de l'Europe fournit depuis longtemps des orientations sur les cadres juridiques et institutionnels dans lesquels opèrent les partis politiques, notamment par le biais des travaux de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise). Les orientations et les avis de la Commission de Venise ont joué un rôle déterminant dans l'établissement de normes visant à garantir le pluralisme, la transparence et l'équité, qui permettent aux partis politiques d'exister et de fonctionner sans ingérence indue de l'État. Ces normes mettent l'accent sur le respect de l'État de droit et la protection des droits d'association et de participation politique.
13. Pour compléter ces normes, la Commission de Venise a élaboré, à la demande de l'Assemblée, un «Code de bonnes pratiques en matière de partis politiques» en 2008 
			(6) 
			Commission
de Venise, <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2009)002-f'>«Code
de bonne conduite en matière de partis politiques»,</a> CDL-AD(2009)002, 28 janvier 2009.. Ce rapport prend comme point de départ l'acquis du Conseil de l'Europe. Il se concentre sur la manière dont les partis politiques, en tant qu'institutions centrales de la vie démocratique, peuvent eux-mêmes contribuer au renouveau démocratique en Europe.
14. Si les partis politiques peuvent être des lieux de renouveau démocratique, ils peuvent également être des vecteurs de recul démocratique. La Commission de Venise note qu'en tant qu'acteurs majeurs d'une société démocratique, les partis politiques bénéficient des garanties de l'État en matière de prééminence du droit, de démocratie et de droits humains et doivent, par conséquent, respecter et promouvoir ces mêmes principes 
			(7) 
			Idem.. Les recommandations de ce rapport visent à renforcer ces engagements communs.

3. Le rôle et les fonctions des partis politiques

15. Un parti politique est une «association libre d'individus, dont l'un des objectifs est d'exprimer la volonté politique du peuple en cherchant à participer à la vie publique d'un pays et à l’influencer, notamment par la présentation de candidats aux élections» 
			(8) 
			Commission de Venise
et OSCE/BIDDH, <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2010)024-f'>«Lignes
directrices sur la réglementation des partis politiques»,</a> 2ème édition, CDL-AD(2020)032, octobre 2010, paragraphe
11..
16. Historiquement, le développement des partis politiques est allé de pair avec l'évolution de la démocratie en Europe. Apparus d'abord sous la forme de petites factions parlementaires, les partis se sont progressivement transformés en organisations de masse, puis en machines électorales professionnelles 
			(9) 
			P. Mair &amp; R.
S. Katz, «Changing Models of Party Organization and Party Democracy:
The Emergence of the Cartel Party», 1995.. À chaque étape, ils se sont adaptés aux changements sociaux plus larges, servant de vecteurs de participation politique, de canaux de mobilisation et de moteurs du débat public. Leur institutionnalisation représente l'une des étapes clés de la démocratie représentative moderne.
17. Les partis constituent une plateforme collective permettant l'expression des droits fondamentaux des individus à l'association et à la liberté d'expression, et le moyen le plus largement utilisé pour la participation politique et l'exercice des droits connexes. Ils sont fondamentaux pour une société politique pluraliste et la Cour européenne des droits de l'homme a souligné dans sa jurisprudence le rôle primordial joué par les partis politiques dans un régime démocratique 
			(10) 
			<a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2010)024-e'>«Lignes
directrices sur la réglementation des partis politiques»,</a> CDL-AD(2010)024, op. cit..
18. Le bon fonctionnement de la démocratie représentative garantit que les partis politiques peuvent opérer dans un environnement libre et sûr, assure l'immunité parlementaire et offre les conditions permettant aux politiciens de s'exprimer et d'exercer leur mandat politique.
19. Selon la Commission de Venise, les partis politiques contribuent à l'exercice d'au moins trois fonctions essentielles dans une démocratie 
			(11) 
			Voir CDL-AD(2020)032,
op. cit.. Premièrement, ils facilitent la coopération et la coordination entre les individus dans l'exercice de leurs droits fondamentaux d'association et d'expression. Deuxièmement, ils favorisent la coopération et la coordination entre les titulaires de fonctions publiques, tant au sein des parlements qu'entre les différents niveaux et institutions du gouvernement, facilitant ainsi la cohérence et l'élaboration et la mise en œuvre efficaces des politiques. Troisièmement, ils fournissent un moyen de relier les citoyens et les élus par la formulation de programmes politiques parmi lesquels les électeurs peuvent choisir, la nomination et le soutien de candidats aux élections, et en assumant une responsabilité collective pour le gouvernement d'une manière qui serait impossible pour les titulaires de fonctions publiques individuellement 
			(12) 
			Idem..
20. Ces fonctions peuvent être comprises comme les rôles de représentation et d’intégration des partis, chacun mettant l'accent sur leur mission essentielle qui consiste à relier les citoyens aux institutions démocratiques 
			(13) 
			D. Kuo, The Great Retreat: How political parties should
behave and why they don’t, OUP, 2025, p. 15.. Dans leur rôle représentatif, ils traduisent les demandes de la société en politiques concrètes et en programmes gouvernementaux, en adaptant leurs programmes et leurs décisions afin de refléter les priorités publiques et l'évolution des besoins. Ils articulent et agrègent les intérêts sociaux, agissant au nom des communautés et des électeurs dans le processus politique. Les fonctions d'intégration socialisent les citoyens à la vie politique, créant des espaces d'engagement et d'éducation qui permettent aux citoyens de participer aux affaires publiques, notamment par le biais de la compétition électorale, de la sélection des candidats et des programmes politiques. En remplissant ces rôles, les partis agissent comme une «courroie de transmission» entre la société et l'État 
			(14) 
			Sartori G, Parties and Party Systems: A Framework for
Analysis, Cambridge University Press, 1976., et constituent un forum essentiel pour la délibération démocratique.
21. L'Assemblée a reconnu que, dans l'accomplissement de ces rôles, les partis politiques jouent un rôle crucial dans la promotion de l'inclusion sociale et de la culture démocratique. Ils sont bien placés pour lutter contre le racisme, l'intolérance et les discours de haine, tout en favorisant la diversité et l'inclusion au sein des sociétés européennes. Par leur communication et leurs activités, les partis façonnent le discours politique et peuvent promouvoir la représentation politique de tous les groupes sociaux. Leur autonomie interne, équilibrée par la responsabilité démocratique, leur confère une position unique en tant que gardiens des organes élus et promoteurs du pluralisme politique 
			(15) 
			 Résolution 2443 (2022) de l'Assemblée «Le rôle des partis politiques dans la
promotion de la diversité et de l'inclusion: une nouvelle Charte
pour une société non raciste»..
22. L'efficacité avec laquelle les partis remplissent ces fonctions dépend de leur capacité à s'adapter à l'évolution des conditions sociales, technologiques et politiques. Si leur rôle fondamental reste constant, l'environnement dans lequel ils opèrent a considérablement évolué, ce qui leur offre de nouvelles opportunités et leur pose de nouveaux défis dans le cadre des démocraties contemporaines 
			(16) 
			Political
Parties and the Crisis of Democracy: Organization, Resilience, and
Reform, op. cit..

4. Défis

23. Les partis sont confrontés à des défis croissants dans l'accomplissement de leurs fonctions essentielles. Sans partis politiques efficaces et réactifs, la démocratie risque de se retrouver dans une impasse, marquée par la polarisation, l'apathie, la méfiance et l'extrémisme. Sans véritable pluralisme politique, l'efficacité et la durabilité de la démocratie s'érodent 
			(17) 
			Commission de Venise, <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/default.aspx?pdffile=CDL-AD(2019)015-f'>«Paramètres
des rapports entre la majorité parlementaire et l'opposition dans
une démocratie: une liste des critères»,</a> CDL-AD(2019)015, juin 2019..
24. Comme on peut l'observer dans plusieurs États membres du Conseil de l'Europe, le déclin du nombre d'adhérents, de la confiance et de la participation aux partis politiques est une tendance sociétale à long terme. Dans toutes les démocraties européennes établies, le nombre moyen de membres des partis politiques a presque diminué de moitié depuis 1980 
			(18) 
			Behavioural
Insights Team, <a href='https://www.bi.team/blogs/collectivism-is-out-and-individualism-is-in/'>Report:
«Collectivism is out and individualism is in»,</a> 12 août 2024.. Une enquête mondiale sur l'attitude du public à l'égard de la démocratie a révélé en 2021 que les partis politiques étaient les institutions les moins fiables du monde démocratique, avec seulement 27 % de confiance globale, tandis que plus de quatre personnes sur dix ne se sentent représentées par aucun parti politique 
			(19) 
			Fondation pour l'innovation
politique, <a href='https://www.fondapol.org/etude/libertes-lepreuve-du-siecle/'>«Libertés:
l'épreuve du siècle»,</a> janvier 2022.. Ces résultats se sont répétés dans tous les pays membres de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), où, en 2024, seulement 24 % des populations interrogées ont déclaré avoir une confiance élevée ou modérément élevée dans les partis politiques 
			(20) 
			OCDE, <a href='https://www.oecd.org/en/publications/2024/07/oecd-survey-on-drivers-of-trust-in-public-institutions-2024-results_eeb36452/full-report/socio-economic-conditions-political-agency-and-trust_a8fffb72.html'>«Survey
on Drivers of Trust in Public Institutions»,</a> 2024.. Cette érosion constante de la confiance menace le rôle intégrateur des partis dans la connexion des citoyens à la vie démocratique.
25. Parmi les facteurs qui expliquent ce faible niveau de confiance figure la perception qu'ont les individus de leur capacité à faire entendre leur voix dans les décisions politiques. Les recherches de l'OCDE ont montré que les personnes qui estiment avoir leur mot à dire dans les actions du gouvernement sont, en moyenne, trois fois plus susceptibles d'exprimer leur confiance que celles qui se sentent exclues. Cette tendance, liée aux fonctions représentatives, lorsqu'elle s'applique aux partis politiques, souligne que les efforts visant à promouvoir l'inclusion et l'engagement politiques peuvent contribuer à renforcer la confiance 
			(21) 
			Idem..
26. La baisse du nombre d'adhérents aggrave encore ces tendances en remodelant la relation entre les partis et les citoyens. Elle compromet la capacité des partis à renouveler leur direction, à intégrer les jeunes dans la vie politique et à maintenir des liens avec les communautés locales par le biais du bénévolat, des débats politiques et de l'activisme local. La réduction de la présence locale des partis et de leurs sections jeunesse qui en résulte peut limiter les possibilités pour les citoyens d'acquérir des compétences démocratiques et de participer à l'élaboration des politiques 
			(22) 
			A-K Kolln, «<a href='https://www.researchgate.net/publication/283884858_The_effects_of_membership_decline_on_party_organisations_in_Europe'>The
effects of membership decline on party organisations in Europe»,</a>European Journal of Political Research 54(4),
août 2015..
27. En outre, avec moins de membres pour apporter un soutien financier et organisationnel, de nombreux partis sont devenus plus dépendants des dons privés ou des subventions publiques. Lorsque la dépendance à l'égard des financements privés est importante, des préoccupations apparaissent quant à l'équité et à l'indépendance, les principaux donateurs étant souvent peu représentatifs de l'ensemble de la population, les entreprises, les particuliers fortunés et les groupes d'intérêt organisés exerçant une influence disproportionnée 
			(23) 
			OCDE, <a href='https://www.oecd.org/fr/publications/le-financement-de-la-democratie_9789264263994-fr.html'>«Le
financement de la démocratie»,</a> 2016.. Dans certains cas, le rôle des dons étrangers ou d’acteurs affiliés à l'État a soulevé des questions supplémentaires quant à l'intégrité des processus politiques 
			(24) 
			Assemblée Résolution 2390 (2021) «Transparence et réglementation des dons de sources
étrangères en faveur de partis politiques et de campagnes électorales».. Les sondages d'opinion montrent systématiquement que la perception d'une influence indue des donateurs est l'un des principaux facteurs de méfiance à l'égard des partis politiques.
28. À l'inverse, les systèmes dans lesquels les partis sont principalement financés par des ressources publiques évitent certaines de ces distorsions, mais ne sont pas sans poser de problèmes. Le recours au financement public peut risquer d'accroître la distance perçue entre les partis et les citoyens, en particulier si les subventions semblent dispenser les partis de la nécessité de s'engager auprès de leurs partisans de base ou de s'adapter aux changements sociétaux 
			(25) 
			Political
Parties and the Crisis of Democracy: Organization, Resilience, and
Reform, op. cit.. Dans de tels contextes, les partis peuvent être considérés moins comme des organisations civiques ancrées dans la société que comme des bureaucraties centrées sur l'État, ce qui sape leur légitimité représentative. Il est donc essentiel de trouver un équilibre entre la nécessité d'une viabilité financière et les garanties de transparence, de responsabilité et de participation citoyenne afin de préserver la légitimité représentative et la crédibilité démocratique des partis.
29. L'érosion de la confiance contribue à la poursuite de la tendance au désengagement politique, dont l'indicateur clé est le taux de participation aux élections. La baisse de la confiance du public dans les processus politiques a été soulignée par le Conseil de l'Europe en 2023, qui a montré qu'à la fin de 2020, 13 États membres avaient élu leur parlement avec un taux de participation inférieur à 50 % 
			(26) 
			Conseil
de l'Europe, <a href='https://www.coe.int/fr/web/secretary-general/report-2023'>«Situation
de la démocratie, des droits humains et de l'État de droit»,</a> 2023.. Cette tendance s'inscrit dans le cadre d'une tendance mondiale à la baisse de la participation électorale observée depuis le début des années 1990, avec une chute de près de 10 % de la participation aux élections dans les États membres de l'Union européenne entre 1991 et 2022 
			(27) 
			Truedem, Trust in European
Democracies 2023-2025, <a href='https://www.truedemdata.eu/truedem/D2.3.Voter_Turnout_Overtime_and_Regional_Trends_in_Europe_29_02_2024.pdf'>«Voter
Turnout: Overtime and regional trends in Europe</a>», 2024..
30. La désillusion croissante à l'égard de la démocratie est particulièrement marquée chez les jeunes interrogés à travers l'Europe. Les sondages indiquent que, si les droits et libertés individuels restent valorisés, une part croissante des jeunes générations exprime sa frustration face à l'inefficacité, à la polarisation et au court-termisme perçus dans la politique électorale. Certains privilégient des formes alternatives de gouvernance, telles que la technocratie ou le gouvernement par des experts, tandis qu'une minorité significative se dit ouverte à des arrangements non démocratiques s'ils sont considérés comme susceptibles d'apporter la stabilité ou de résoudre des problèmes urgents 
			(28) 
			Voir,
par exemple, Adam Smith Institute, «<a href='https://www.adamsmith.org/press-releases/one-third-of-young-people-prefer-authoritarianism-to-democracy'>One
third of young people prefer authoritarianism to democracy</a>», 12 août 2025; Pew Research Center, <a href='https://www.pewresearch.org/global/2024/02/28/attitudes-toward-different-types-of-government-systems/'>«Attitudes
toward different types of government</a>», 28 février 2024..
31. Ces défis sont aggravés par la transformation de la communication et de l'organisation politiques. Le rôle des partis politiques en tant qu'intermédiaires entre les citoyens et les élus a considérablement évolué depuis l'époque des modèles de partis de masse, en partie en raison de la professionnalisation des structures des partis, des changements dans les stratégies de campagne et de l'essor des médias numériques. Les mécanismes traditionnels d'engagement politique durable, tels que les sections locales des partis et la mobilisation de la base, ont été partiellement supplantés par des actions de sensibilisation ciblées en ligne et des campagnes fondées sur des données.
32. Si ces évolutions ont permis aux partis d'atteindre un public plus large, elles ont également suscité des inquiétudes quant à la centralisation de la prise de décision, à la réduction de la participation directe des citoyens à l'élaboration de politiques fondées sur le consensus et à l'influence croissante d'acteurs externes, notamment les groupes d'intérêt et les entreprises donatrices.
33. Dans le même temps, des recherches comparatives ont montré que la polarisation s'est accentuée en raison de l'évolution des habitudes médiatiques, des campagnes ciblées en ligne et des contenus basés sur des algorithmes qui récompensent les messages clivants 
			(29) 
			E. Kubin, C. von Sikorski,
«<a href='https://academic.oup.com/anncom/article/45/3/188/7912664'>The
Role of (Social) Media in Political Polarization: A Systematic Review»,</a> International Communication Association, volume 45,
numéro 3, septembre 2021.. La polarisation peut affaiblir la capacité des partis à jouer le rôle de médiateurs entre les différents intérêts sociétaux, réduisant ainsi les possibilités de compromis dans le travail parlementaire.
34. L'écosystème de l'information, de plus en plus fragmenté, s'est révélé vulnérable aux campagnes de désinformation et à l'influence d'acteurs étrangers. Les ingérences hostiles et malveillantes peuvent prendre la forme de comportements coordonnés et inauthentiques sur les réseaux sociaux, d’une amplification des discours polarisants ou d'un soutien financier et organisationnel dissimulé. Elles visent à fausser la concurrence électorale et à saper la confiance du public dans les institutions démocratiques. Les partis politiques sont donc confrontés à un double défi: adapter leurs stratégies de communication aux réalités de l'ère numérique, tout en préservant le débat démocratique contre la manipulation et les influences extérieures.
35. Ces évolutions soulignent la nécessité de réexaminer le fonctionnement des partis politiques dans les conditions actuelles. Les Principes de Reykjavik pour la démocratie, approuvés par les chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l’Europe en 2023, soulignent que le pluralisme politique et la participation citoyenne restent essentiels à la résilience des démocraties. Les partis politiques peuvent être des agents actifs de ce renouveau démocratique.

5. Réponses

36. Les défis décrits ci-dessus soulignent la nécessité pour les partis politiques de s'adapter de manière à préserver et à renforcer leurs fonctions démocratiques. Les partis des États membres du Conseil de l'Europe ont introduit une série d'innovations qui leur permettent à la fois de renouer le contact avec les citoyens et de renforcer la confiance dans le système politique dans son ensemble.

5.1. Renforcer la représentation

37. Le rétablissement de la confiance du public et la garantie d'un fonctionnement démocratique efficace peuvent être renforcés grâce au lien de représentation avec les citoyens. Cela passe par l'élargissement de l'adhésion, la réforme de la démocratie interne et l'amélioration de l'inclusivité, qui constituent des stratégies centrales pour reconnecter les partis avec leurs électeurs et garantir que le leadership et les programmes politiques reflètent les électeurs et leurs préférences.
38. Le principe du pluralisme politique sous-tend toutes les mesures visant à renforcer la représentation. Il est essentiel pour la santé des systèmes démocratiques de veiller à ce que les citoyens puissent choisir parmi un large éventail de visions, de politiques et de dirigeants concurrents. La présence de partis politiques de tous horizons peut encourager le débat, favoriser les compromis et renforcer la légitimité des institutions démocratiques en les rendant plus représentatives de toute la diversité de la société.

5.1.1. Adhésion

39. Les partis ont cherché à repenser l'adhésion de différentes manières afin de retrouver et de redéfinir leur rôle de relais entre l'État et la société 
			(30) 
			International IDEA, <a href='https://www.idea.int/publications/catalogue/new-forms-political-party-membership'>«New
Forms of Political Party Membership»,</a> juin 2020.. Les éléments clés pour renforcer ce rôle consistent notamment à rechercher des moyens d'élargir la base des adhérents et à trouver des solutions aux problèmes causés par la sous-représentation de certains groupes, tels que les femmes et les jeunes.
40. Une approche consiste à encourager la participation par le biais d'une adhésion à plusieurs niveaux afin de réduire les obstacles à l’engagement.
41. L'adhésion à plusieurs niveaux est une innovation de plus en plus répandue dans l'organisation contemporaine des partis. Elle offre des voies d'engagement différenciées pour répondre aux préférences et à la capacité d'implication des citoyens. Dans de nombreux cas, cela implique de faire la distinction entre les membres à part entière qui paient une cotisation et jouissent d'un droit de vote officiel au sein des structures internes du parti, et les sympathisants ou supporters qui peuvent apporter des idées, assister à des événements ou participer à des activités de campagne sans assumer toutes les obligations liées à l'adhésion. Cette approche permet aux partis d'élargir leur base sociale, de réduire les obstacles à l'adhésion et d'atteindre des citoyens qui peuvent être réticents à s'engager dans une adhésion traditionnelle, mais qui souhaitent néanmoins être actifs sur le plan politique.
42. Les recherches menées au cours de la dernière décennie ont montré que seuls 14 des 109 partis étudiés proposaient des options d'adhésion à plusieurs niveaux 
			(31) 
			S. Scarrow, <a href='https://academic.oup.com/book/9675/chapter/156801203'>«Beyond
Party Members: Changing Approaches to Partisan Mobilisation</a>», OUP, 2015.. On trouve des exemples de cette adhésion à plusieurs niveaux dans toute l'Europe, comme chez les libéraux-démocrates au Royaume-Uni, le Partido Popular en Espagne et le parti Livre au Portugal 
			(32) 
			<a href='https://www.idea.int/publications/catalogue/new-forms-political-party-membership'>«New
Forms of Political Party Membership</a>», op. cit.. Si les effets à long terme sur la participation et la confiance restent mitigés, ils illustrent comment l'innovation organisationnelle peut aider les partis à renouer le contact avec des citoyens qui, sans cela, resteraient en dehors des structures traditionnelles.
43. Les partis politiques ont également cherché à élargir l'accès à l'adhésion en proposant des cotisations différenciées en fonction de l'âge, du revenu ou de la situation professionnelle. En Norvège, la plupart des partis, y compris le Parti conservateur, proposent des tarifs préférentiels à certains groupes.
44. Outre les efforts visant à augmenter le nombre de leurs membres, les partis politiques ont pris des mesures pour que ceux-ci soient davantage représentatifs de la société. Lorsque des données sont disponibles, les données au niveau national montrent que les membres des partis restent plus âgés et de sexe masculin 
			(33) 
			Voir, par exemple,
UKRI, <a href='https://esrcpartymembersproject.org/wp-content/uploads/2018/01/grassroots-pmp_final.pdf'>«Grassroots-
Britains’s party members: who they are, what they think and what
they do»,</a> janvier 2018., même si les statistiques complètes et ventilées sur l'adhésion aux partis politiques en Europe restent rares.
45. La faible proportion de femmes parmi les membres des partis politiques pose des défis non seulement en matière d'égalité, mais aussi en termes de qualité et de légitimité de la gouvernance démocratique, l'Assemblée reconnaissant que la participation égale des femmes et des hommes à la vie politique est une condition préalable à une démocratie véritablement pluraliste et représentative.
46. Encourager la participation au niveau des adhésions est un élément essentiel des réformes relatives à la sélection des candidats et des dirigeants, car cela contribue à créer une base plus inclusive et plus représentative. Les organisations de femmes au sein des partis, telles que celles au sein du SPD (Parti social-démocrate) allemand, la Frauen Union de la CDU (Union démocrate chrétienne) ou les sections féminines de l'ÖVP (Parti populaire) et du SPÖ (Parti socialiste) autrichiens, s'engagent activement dans des actions de sensibilisation et des campagnes visant à encourager les femmes à adhérer. Au Royaume-Uni, des initiatives telles que le Women's Network du Parti travailliste et la Conservative Women's Organisation combinent le recrutement et le mentorat afin d'élargir le vivier de femmes actives. Au sein de mon parti, le Parti conservateur norvégien, notre organisation féminine a largement contribué au niveau élevé de participation des femmes dans le parti et dans la vie politique norvégienne.
47. Des organisations telles que le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH) ont fourni des outils permettant aux partis politiques de mener leurs propres audits sur l'égalité des genres. Ces audits peuvent améliorer la compréhension des déséquilibres actuels, aider à identifier les obstacles à la participation et créer une base factuelle pour des réformes susceptibles de rendre les partis plus inclusifs et représentatifs.
48. Au-delà du genre, l'âge est un autre facteur déterminant dans l'adhésion à un parti politique. Les données provenant de plusieurs pays européens suggèrent que le membre type est disproportionnellement plus âgé, les citoyens plus jeunes étant beaucoup moins représentés, bien qu'ils soient souvent engagés dans des activités politiques informelles. Ce déséquilibre risque de restreindre les horizons du débat au sein des partis et de limiter le renouvellement intergénérationnel.
49. Les organisations de jeunesse affiliées aux partis jouent un rôle important pour contrer cette tendance. Si de nombreux partis politiques disposent d'une forme ou d'une autre d'organisation de jeunesse, des recherches antérieures ont montré qu'un parti sur quatre n'a pas de section jeunesse active 
			(34) 
			Forum européen de la
jeunesse, <a href='https://www.youthforum.org/policy-library/youth-political-parties-a-toolkit-for-youth-friendly-politics-in-europe'>«Youth
& Political Parties</a>», 2018..
50. En offrant des opportunités de leadership, une éducation politique et des voies d'accès à la prise de décision, les organisations de jeunesse peuvent donner aux jeunes une voix au sein des structures des partis. En Allemagne, les Jusos du SPD et la Junge Union de la CDU/CSU (Union démocrate chrétienne/Union sociale chrétienne) participent activement aux débats sur le climat, la justice sociale et la numérisation, veillant à ce que les préoccupations des jeunes influencent les programmes des partis. En Autriche, la Junge ÖVP et la Jeunesse socialiste (SJÖ) fonctionnent depuis longtemps comme des écoles de leadership politique, préparant les futures générations de représentants nationaux et locaux. Dans les pays nordiques, les sections jeunesse ne sont pas seulement des terrains d'entraînement, mais sont officiellement intégrées dans les processus d'élaboration des politiques des partis, ce qui permet aux jeunes membres de proposer et de voter sur les priorités du programme. Tous les grands partis politiques norvégiens ont des sections jeunesse intégrées à leurs structures. D'après l'expérience de mon parti, les Jeunes Conservateurs norvégiens contribuent grandement au débat politique et présentent plusieurs candidats aux élections locales et parlementaires.
51. La représentation nécessite également de prêter attention à d'autres formes d'exclusion qui peuvent affecter l'adhésion et la participation aux partis, notamment les barrières socio-économiques, la diversité ethnique et linguistique et la participation des citoyens issus de l'immigration.
52. Les partis qui parviennent à mobiliser les groupes sous-représentés élargissent non seulement leur base électorale, mais aussi la légitimité des institutions démocratiques. Des initiatives telles que des campagnes de sensibilisation ciblées, des partenariats avec des organisations de la société civile et des mécanismes visant à réduire les obstacles matériels liés aux cotisations ou à la participation peuvent contribuer à créer une base partisane plus diversifiée sur le plan social. Les efforts de ce type contribuent à une culture politique pluraliste et inclusive, garantissant que les partis reflètent plus fidèlement les sociétés qu'ils aspirent à gouverner.

5.1.2. Démocratie interne

53. Le renforcement de la représentation nécessite également des réformes de la démocratie interne des partis. L'Assemblée a déclaré que les processus de démocratie participative et délibérative peuvent contribuer à revitaliser et à renforcer la démocratie en augmentant la capacité des citoyens à influencer directement les décisions qui affectent leur vie 
			(35) 
			Résolution de l’Assemblée 2552 (2024) «Renforcer la démocratie par des processus participatifs
et délibératifs».. Les partis politiques sont particulièrement bien placés pour intégrer ces processus dans leur fonctionnement.
54. Les efforts visant à introduire des mécanismes ouverts et participatifs permettant aux membres d'influencer les choix de direction, la sélection des candidats et la formulation des politiques peuvent renforcer la confiance, améliorer la légitimité et créer un lien plus fort entre les citoyens et les institutions politiques. Le fait d'avoir véritablement son mot à dire sur l'orientation du parti renforce également les incitations à adhérer à un parti et à rester actif dans la vie du parti.
55. Parmi les mécanismes permettant d'approfondir la démocratie interne figure le recours à des primaires ouvertes pour les dirigeants de parti et les candidats à la présidence. Des exemples en Italie et en France ont vu l'expérimentation de l'octroi de droits à des participants qui ne sont pas formellement membres, tandis qu'au Royaume-Uni, des exemples ont montré que des sympathisants enregistrés sans statut de membre à part entière pouvaient voter lors des élections à la direction 
			(36) 
			Voir
T. Poguntke, S. Scarrow, P.D. Webb, <a href='https://academic.oup.com/pa/advance-article/doi/10.1093/pa/gsaf020/8138081'>«Sélection
des dirigeants des partis et pouvoirs des dirigeants des partis: partis
autonomes ou centrés sur leurs dirigeants»,</a> Parliamentary Affairs, mai 2025..
56. Dans le même temps, pour un renouvellement efficace des partis, il a été avancé que la démocratie interne aux partis doit aller au-delà des dispositifs plébiscitaires tels que les primaires pour la direction ou les votes des membres, car ceux-ci risquent de contourner les structures intermédiaires. Si ces outils favorisent la participation, ils peuvent concentrer le pouvoir entre les mains de la direction en réduisant le choix à un simple oui ou non 
			(37) 
			C. Bickerton, C.I.
Accetti, <a href='https://academic.oup.com/book/39582'>«Normative Reflections
on Technopopulis»,</a> OUP, 2021..
57. Des idées telles que la démocratie participative au sein des partis ont été popularisées par des mouvements favorisant la prise de décision collective et les structures ascendantes, tels que les partis verts et alternatifs dans les années 1980 
			(38) 
			European Political
Science, G. Piccoline, L. Puleo, <a href='https://link.springer.com/article/10.1057/s41304-023-00432-x?utm_source=chatgpt.com'>«Ideological
drivers of participatory democracy in Europe»,</a> Vol 23, 2024., et, au cours de la dernière décennie, des formations politiques émergentes telles que le Parti pirate allemand et le Mouvement cinq étoiles italien ont utilisé la formulation de politiques basées sur la participation massive via internet comme élément central de leur programme politique 
			(39) 
			<a href='https://academic.oup.com/book/9675/chapter/156801203'>«Au-delà
des membres du parti: évolution des approches de la mobilisation
partisane»,</a> op. cit..
58. Les propositions visant à améliorer la démocratisation au sein des partis ont notamment consisté à introduire des modèles qui donnent aux membres et aux sections locales une plus grande influence sur l'orientation du parti. Les membres et les militants formulent des visions concurrentes, que la direction est ensuite chargée de représenter et de négocier. Dans ce modèle, la «couche intermédiaire» des partis (responsables de section, militants et organisations affiliées) sert de lien entre la base et la direction, transformant des préférences diffuses en politiques 
			(40) 
			<a href='https://academic.oup.com/book/39582'>«Normative Reflections
on Technopopulism</a>», op. cit..
59. En Allemagne, par exemple, les Landesverbände (organisations régionales) du SPD conservent une influence significative sur les choix de la direction et l'orientation politique, agissant comme intermédiaires entre la base et la direction nationale. Au Royaume-Uni, les liens historiques du Parti travailliste avec les syndicats illustrent comment les intérêts organisés peuvent servir de canal structuré entre les membres et les dirigeants. Chaque modèle montre comment le renforcement des structures intermédiaires peut permettre d'ancrer plus fermement les partis dans la société, tout en maintenant la responsabilité des dirigeants.
60. Ces approches peuvent également consister à reconnaître le rôle des organisations de la société civile en tant que partenaires dans l'élaboration du débat au sein des partis. Avec l'affaiblissement des liens historiques avec les syndicats, les organisations religieuses et les associations civiques, la reconstruction de liens transparents et responsables avec la société civile peut contribuer à revitaliser les fonctions d'intermédiaire des partis, en garantissant que les voix de diverses communautés, professions et mouvements soient prises en compte dans les délibérations.
61. D'autres approches ont vu la mise en œuvre de processus délibératifs au sein des partis afin d'élargir la participation et visant à améliorer la qualité du débat et de la prise de décision en favorisant le dialogue, la réflexion et la recherche de consensus entre les membres. On peut citer comme exemple l'utilisation par le parti danois Alternativet de «laboratoires politiques» où les membres et les citoyens ont délibéré conjointement sur des idées politiques avant leur intégration dans le programme du parti. En Belgique, Les Engagés ont organisé pendant deux ans des réunions délibératives, des assemblées et des ateliers en ligne afin de rédiger un nouveau manifeste du parti 
			(41) 
			«The Innovation in
Politics Institute», <a href='https://innovationinpolitics.eu/showroom/project/il-fera-beau-demain-mouvement-positif-tomorrow-will-be-sunny-positive-movement/'>Rapport,</a> 2023..
62. L'amélioration de la démocratie intra-partisane permet à divers groupes sociaux de voir leurs points de vue débattus et négociés au sein du parti, et elle produit de véritables alternatives entre lesquelles les citoyens peuvent choisir. En renforçant ces fonctions, les partis renouvellent non seulement leur propre vitalité, mais renforcent également le pluralisme dans le système démocratique au sens large.

5.1.3. Inclusivité

63. Dans le cadre du renforcement de la représentativité, l’inclusivité est déterminante pour avoir une large base d'adhérents et des forums de délibération solides dont elle tire également parti. L'Assemblée a souligné l'importance de garantir l'égalité des genres, l'accessibilité et des politiques inclusives dans la vie politique afin de favoriser le bon fonctionnement des démocraties.
64. Si l'on suit les tendances en matière d'adhésion, les femmes, les jeunes, les minorités et les groupes socio-économiquement défavorisés sont sous-représentés dans les fonctions de direction et de décision au sein des partis politiques, ce qui a pour conséquence leur sous-représentation globale au parlement.
65. Les partis politiques ont donc un rôle important à jouer pour améliorer l'inclusivité et garantir une représentation équilibrée au sein des institutions démocratiques. À l'heure actuelle, les informations disponibles sur les stratégies des partis politiques en matière de diversité et d'inclusion sont limitées. La publication systématique de ces stratégies pourrait améliorer la transparence, permettre de suivre les progrès accomplis et signaler aux citoyens un engagement sincère à éliminer les obstacles à la participation.
66. La démocratie interne des partis politiques peut avoir un impact décisif sur l'inclusivité, en déterminant qui a accès au pouvoir et à la prise de décision. Parmi les mesures pratiques figurent l'adoption de règles tenant compte de la dimension de genre pour la sélection des candidats, des quotas transparents pour les postes de direction et des procédures visant à garantir une participation significative des groupes sous-représentés 
			(42) 
			Voir, par exemple,
International IDEA, <a href='https://www.idea.int/publications/catalogue/framework-developing-gender-policies-political-parties'>«A
Framework for Developing Gender Policies for Political Parties</a>», 2016..
67. Comme l'a souligné la Commission de Venise, divers documents de l'OSCE et du Conseil de l'Europe ont appelé les États à lutter contre la sous-représentation persistante des femmes dans les structures décisionnelles en soutenant des programmes visant à améliorer l'équilibre entre les femmes et les hommes dans les organes concernés et en permettant ou en adoptant des actions positives ou des mesures spéciales à cette fin. 
			(43) 
			Commission
de Venise, <a href='https://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-PI(2021)016rev-e'>«Compilation
des avis et rapports de la Commission de Venise concernant les partis politiques»,</a> 2021 (anglais seulement). Les quotas volontaires au sein des partis ont été largement adoptés dans les pays nordiques depuis les années 1980, ce qui a conduit à des niveaux constamment élevés de représentation des femmes au sein des parlements.
68. Les quotas de jeunes constituent également des exemples d'innovation inclusive. Des exemples de quotas de jeunes dans les partis politiques ont été signalés en Bosnie-Herzégovine, en Croatie, à Chypre, en Allemagne et en Suède. Ces quotas engagent les partis concernés à inscrire un certain nombre de candidats jeunes sur leurs listes électorales ou à les présenter dans des circonscriptions 
			(44) 
			CEPPS, <a href='https://www.iri.org/wp-content/uploads/legacy/iri.org/iri_proyouth-report_.pdf'>«How
effective are pro-youth laws and policies?»,</a> 2019.. Des innovations telles que les «quotas de nouveaux venus» visant à limiter les avantages liés à la fonction ont également été testées par des partis en Allemagne afin d'encourager la participation des jeunes 
			(45) 
			F. Bellato, B. Coraglia<a href='https://www.delorscentre.eu/fileadmin/2_Research/1_About_our_research/2_Research_centres/6_Jacques_Delors_Centre/Publications/20221111_FutureEUII_YouthQuota.pdf'>,
C. Guerra, A. Semenzato, «Addressing the underrepresentation of
young European through the adoption of youth quotas»</a>, novembre 2022..
69. Ces mesures, bien que variées dans leur forme, démontrent comment des réformes structurelles peuvent garantir que les partis reflètent davantage les sociétés qu'ils cherchent à représenter.

5.2. Préserver l'intégrité et l'indépendance

70. La résilience des systèmes démocratiques dépend de l'intégrité et de l'indépendance des partis politiques. Comme le souligne le présent rapport, la baisse de confiance dans les partis politiques à travers l'Europe est souvent due à des préoccupations liées à la corruption, à l'influence des donateurs et à la manipulation externe. Lorsque les partis sont perçus comme étant capturés par des intérêts privés ou susceptibles d'être influencés par des puissances étrangères, la confiance des citoyens dans le système démocratique dans son ensemble s'érode.
71. Le recours excessif aux dons privés à grande échelle soulève des inquiétudes quant à une influence indue et comporte des risques de détournement des programmes politiques au profit d'intérêts particuliers. Transparency International et le Groupe d'États contre la corruption (GRECO) du Conseil de l'Europe ont mis en évidence des lacunes récurrentes dans la divulgation des dons, la déclaration des dépenses de campagne et le contrôle des liens entre l'argent et la prise de décision politique. Il est essentiel de combler ces lacunes pour renforcer la confiance dans la politique.
72. Bien qu'il existe des différences importantes entre les règles de financement politique des États membres, la Commission de Venise a souligné que les cadres de financement des partis doivent garantir la transparence et la responsabilité, avec une application effective par les autorités publiques, comme conditions préalables à la prévention de la corruption et de l'influence indue 
			(46) 
			Voir CDL-AD(2020)032,
op. cit.. Plusieurs pays ont mis en place des pratiques strictes. La France, par exemple, interdit totalement les dons des entreprises et des syndicats 
			(47) 
			<a href='https://www.legifrance.gouv.fr/loda/id/JORFTEXT000000321646'>Loi
n° 88-227 du 11 mars 1988 relative à la transparence financière
de la vie politique</a>, tandis que l'Allemagne exige la divulgation de tous les dons supérieurs à 10 000 euros, avec une déclaration immédiate pour les sommes supérieures à 35 000 euros 
			(48) 
			Allemagne, ministère
fédéral de l'Intérieur, <a href='https://www.bmi.bund.de/EN/topics/constitution/law-political-parties/funding-pol-parties/funding-pol-parties-node.html'>«Financement
des partis politiques»,</a> décembre 2024.. En Suède, en Finlande et en Norvège, des subventions publiques importantes, associées à des obligations de transparence détaillées, visent à réduire les risques de captation par la richesse privée 
			(49) 
			IDEA International, <a href='https://www.idea.int/data-tools/data/political-finance-database'>«Base
de données sur le financement politique».</a>. En Norvège, par exemple, tous les dons sont publiés sur un site internet géré par le gouvernement, même si le débat reste ouvert quant à la transparence suffisante du système.
73. L'enquête de l'OCDE sur la confiance a montré que de nombreux citoyens s'inquiétaient de l'intégrité du processus décisionnel, estimant que les intérêts privés exerçaient une influence disproportionnée sur les décisions. La perception selon laquelle les décisions publiques en matière de politique peuvent être détournées, de façon répétée, de l'intérêt public au profit d'intérêts particuliers continue d'être un facteur important de méfiance et d'affaiblissement de la participation démocratique 
			(50) 
			OCDE, <a href='https://www.oecd.org/en/publications/2024/07/oecd-survey-on-drivers-of-trust-in-public-institutions-2024-results_eeb36452/full-report/socio-economic-conditions-political-agency-and-trust_a8fffb72.html'>«Survey
on Drivers of Trust in Public Institutions»,</a> 2024..
74. La confiance des citoyens a été encore davantage ébranlée par les préoccupations liées à l'ingérence étrangère et à la réception de fonds provenant d'acteurs étrangers dans les institutions démocratiques nationales. Comme l'a souligné l'Assemblée dans sa Résolution 2593 (2025) «L'ingérence étrangère: une menace pour la sécurité démocratique en Europe», le recours à des dons secrets et à des fondations contrôlées par des acteurs étrangers et des campagnes de désinformation coordonnées et financées par des acteurs hostiles ont révélé comment des acteurs extérieurs peuvent chercher à fausser le débat démocratique et la compétition électorale et, en fin de compte, diminuer l'efficacité et la légitimité des institutions.
75. Les États membres ont pris toute une série de mesures pour rétablir la confiance dans les démocraties en renforçant les règles relatives aux dons politiques, notamment par des réformes des cadres juridiques électoraux, des contrôles préalables sur l'origine des dons et des contrôles sur les contributions des entreprises afin de se prémunir contre l'influence étrangère 
			(51) 
			UKGOV, <a href='https://www.gov.uk/government/publications/restoring-trust-in-our-democracy-our-strategy-for-modern-and-secure-elections/restoring-trust-in-our-democracy-our-strategy-for-modern-and-secure-elections'>«Restaurer
la confiance dans notre démocratie: notre stratégie pour des élections
modernes et sécurisées»,</a> juillet 2025...
76. Des efforts ont également été déployés au niveau de l'Union européenne, avec la révision du règlement relatif au statut et au financement des partis politiques européens et des fondations politiques européennes visant à renforcer la transparence et à lutter contre le risque d'ingérence et de manipulation étrangères 
			(52) 
			Conseil de l'Union
européenne, <a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2025/06/17/european-political-parties-and-foundations-council-and-parliament-strike-a-deal-to-improve-transparency-of-funding-and-counter-foreign-interference/'>communiqué
de presse,</a> 17 juin 2025..
77. La sauvegarde de l'intégrité nécessite également une forte responsabilité interne. Les partis peuvent démontrer à leurs membres et à leurs électeurs comment les fonds sont collectés et dépensés, en veillant à ce que leurs dirigeants soient soumis à un contrôle efficace. Cela peut inclure des audits indépendants, des rapports financiers publics annuels et des règles internes claires en matière de dépenses.
78. Au-delà de la réglementation financière, la sauvegarde de l'intégrité exige également que les partis politiques respectent des normes de conduite publiques claires. La confiance des citoyens ne dépend pas seulement de la manière dont les partis collectent et dépensent leurs fonds, mais aussi du comportement de leurs représentants dans l'exercice de leurs fonctions et dans la vie publique. Des codes de conduite, des règles en matière de conflits d'intérêts et des procédures disciplinaires transparentes pour les responsables des partis peuvent contribuer à garantir la responsabilité et un comportement éthique. Le GRECO a souligné que les normes éthiques et les mécanismes d'intégrité sont essentiels pour prévenir la corruption 
			(53) 
			GRECO, <a href='https://rm.coe.int/codes-of-conduct-for-public-officials-greco-findings-recommendations-p/168094256b'>Greco(2019)5,</a> «Codes de conduite pour les fonctionnaires», 20 mars
2019., tandis que l'Assemblée a insisté sur le fait que les partis politiques ont une responsabilité particulière dans la promotion d'une culture d'honnêteté, de responsabilité et de respect des normes démocratiques 
			(54) 
			Voir, par exemple,
la Résolution 1903 (2012) «Déontologie des membres de l'Assemblée parlementaire:
bonne pratique ou devoir?». L'intégration de ces normes dans les statuts et les pratiques des partis peut renforcer la crédibilité des institutions politiques et montrer que les partis placent l'intérêt public au-dessus de leurs avantages partisans.
79. Les partis qui font preuve de transparence dans leur financement, qui rendent compte de leurs activités et qui sont protégés contre toute influence indue sont mieux à même de remplir leurs fonctions démocratiques de représentation, de concurrence et d'élaboration des politiques. Pour rétablir la confiance du public, il faut que les citoyens perçoivent les partis comme des acteurs autonomes œuvrant dans l'intérêt public.

5.3. Promouvoir l'intégration démocratique

80. Les partis politiques ne sont pas seulement des instruments de la compétition électorale. Ils sont également des acteurs centraux dans la promotion de la culture démocratique, contribuant à initier l'ensemble de la population au système politique démocratique et à l’y intégrer 
			(55) 
			V. Randall, L. Svasand, <a href='https://gsdrc.org/document-library/the-contribution-of-parties-to-democracy-and-democratic-consolidation/'>«La
contribution des partis à la démocratie et à la consolidation démocratique»,</a> 2002.. En façonnant le débat politique, en sélectionnant les dirigeants et en structurant la participation, les partis jouent un rôle essentiel dans la transmission des valeurs et des pratiques démocratiques aux citoyens. Des recherches ont montré que l'affiliation à un parti joue un rôle crucial dans le développement d'un attachement à long terme à la politique et, plus largement, à la démocratie elle-même 
			(56) 
			Pew Research Center, <a href='https://www.pewresearch.org/short-reads/2018/03/08/negative-views-of-democracy-more-widespread-in-countries-with-low-political-affiliation/'>«Negative
views of democracy more widespread in countries with low political
affiliation</a>», 2018..
81. Ce rôle intégrateur consiste à fournir un espace démocratique commun où les intérêts, les identités et les perspectives concurrents peuvent être débattus et médiatisés.
82. En période de polarisation politique accrue, ce rôle devient encore plus crucial. En promouvant la culture démocratique, en encourageant le dialogue entre les différentes parties et en évitant les approches à somme nulle, les partis peuvent contribuer à réduire les tensions, à favoriser les compromis et à soutenir les démocraties pluralistes. Lorsque les partis adoptent au contraire un discours clivant ou exclusif, ils risquent d'aggraver la fragmentation et d'affaiblir la légitimité des institutions démocratiques.
83. Les partis politiques sont également des moteurs de l'éducation civique. Grâce à leurs sections jeunesse, leurs écoles de formation et leurs initiatives de débat public, ils dotent les citoyens de compétences démocratiques et favorisent les habitudes de participation. Dans plusieurs États membres, les fondations politiques affiliées aux partis jouent un rôle important dans le maintien de ce lien. En Allemagne, les fondations affiliées à des partis telles que la Friedrich Ebert Stiftung (SPD), la Konrad Adenauer Stiftung (CDU) et la Heinrich Böll Stiftung (Verts) organisent des formations politiques, favorisent le dialogue entre les groupes sociaux et offrent des forums où les citoyens, les universitaires, les ONG et les décideurs politiques peuvent échanger. En Norvège, bien qu'ils ne soient pas officiellement affiliés à des partis, les groupes de réflexion politiques jouent un rôle similaire. Civita, qui défend un programme libéral, et Agenda, qui sympathise avec la gauche, sont des groupes de réflexion qui gèrent des écoles de formation pour les jeunes et les jeunes professionnels, et contribuent activement au débat public.
84. D'autres modèles ont vu les partis créer leurs propres plateformes civiques. En Autriche, NEOS a créé le «NEOS Lab» afin de relier les débats du parti à la société dans son ensemble et de fournir des services tels que l'éducation et la formation politiques 
			(57) 
			NEOS, <a href='https://lab.neos.eu/'>«Neos Lab – À propos».</a>.
85. Les messages que les partis véhiculent dans le débat public contribuent à façonner le climat démocratique général. L'Assemblée a souligné la responsabilité des partis dans la lutte contre les discours de haine, le racisme et l'intolérance, en particulier pendant les campagnes électorales, lorsque las discours ont la plus grande portée. Le Conseil de l'Europe a appelé les partis politiques à mettre en place des politiques spécifiques pour lutter contre les discours de haine, notamment en adoptant des codes de conduite, et a demandé aux partis d'éviter les déclarations susceptibles d'alimenter l'intolérance et de condamner ouvertement les discours de haine 
			(58) 
			CM/Rec(2022)16, Recommandation
du Comité des Ministres aux États membres sur la lutte contre le
discours de haine, 20 mai 2022..
86. En Irlande, le groupe de la société civile INAR (Irish Network Against Racism) a introduit un protocole électoral antiraciste, élaboré et approuvé par plusieurs partis politiques. Il engage les signataires à mener, à chaque élection, des campagnes exemptes de propos racistes, de boucs émissaires fondés sur la peur et de tactiques de division, démontrant ainsi comment des engagements volontaires peuvent contribuer à préserver l’esprit civique et à sauvegarder les normes démocratiques.
87. Les codes de conduite pour le comportement pendant les campagnes électorales ou les engagements multipartites contre la haine illustrent comment les partis peuvent activement préserver le discours démocratique et promouvoir une culture de une attitude civilisée dans les campagnes électorales.

5.4. Transformation numérique et communication

88. La transformation numérique de la politique a remodelé la manière dont les partis interagissent avec les citoyens, s'organisent en interne et se font concurrence lors des élections. Couvrant les thèmes de la participation, de la délibération et de l'engagement, les plateformes en ligne ont bouleversé les formes traditionnelles d'organisation politique, permettant aux partis politiques de toucher un public plus large à moindre coût 
			(59) 
			Political
Parties and the Crisis of Democracy: Organization, Resilience, and
Reform, op. cit., juillet 2024.. Lorsqu'ils sont utilisés efficacement, les outils numériques peuvent renforcer l'engagement démocratique en offrant aux citoyens des moyens plus directs de participer à la prise de décision et à l'élaboration des programmes des partis.
89. Les partis politiques à travers l'Europe ont largement utilisé les innovations numériques pour élargir la participation, par exemple en recourant à des primaires ou à des votes en ligne pour leurs membres, à des consultations en ligne, à des manifestes élaborés de manière collaborative et à des forums numériques pour débattre des politiques. Ces approches peuvent renforcer la transparence, réduire les obstacles à l'engagement et séduire les citoyens habitués aux formes d'interaction numériques.
90. Les outils numériques ont des conséquences sur le pouvoir interne, des recherches suggérant que les instances intermédiaires des partis politiques sont parfois plus fréquemment contournées dans la gouvernance des partis à l'ère numérique, caractérisée par une autonomie accrue des dirigeants et des canaux de communication directs avec les sympathisants 
			(60) 
			S. Gherghina, O. Barberá,
M. Lisis, «<a href='https://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/spsr.12651'>Les
partis politiques et l'utilisation de la numérisation dans la politique quotidienne»,</a> 10 mars 2025..
91. La numérisation présente toute une série d'autres risques. Les contenus générés par des algorithmes et les campagnes microciblées peuvent exacerber la polarisation en amplifiant les messages qui divisent et en fragmentant l'environnement informationnel. L'ingérence étrangère via la prolifération de la désinformation menace de fausser le débat et de réduire la confiance.
92. Les campagnes numériques soulèvent également des questions d'équité et de responsabilité. L'utilisation de données personnelles à des fins de microciblage, le financement opaque de la publicité en ligne et le rôle des grandes plateformes technologiques dans l'orientation du débat politique risquent tous de nuire à la transparence. Les préoccupations des citoyens quant au caractère manipulateur ou irresponsable de la communication politique affaiblissent encore davantage la confiance dans les partis et les processus démocratiques.
93. Des bonnes pratiques visant à atténuer ces risques apparaissent dans toute l'Europe, notamment des programmes d'éducation numérique, et les réformes de la réglementation du financement des campagnes électorales ont étendu les obligations de divulgation à la publicité en ligne afin de garantir la transparence des dépenses et de l'origine des messages.
94. Les partis politiques eux-mêmes ont adopté des codes de conduite volontaires pour mener des campagnes en ligne éthiques, s'engageant à éviter les techniques manipulatrices et à respecter la confidentialité des données des citoyens. Aux Pays-Bas, un code de conduite néerlandais sur la transparence de la publicité politique en ligne a été signé, avant les élections législatives de 2021, par 11 partis politiques et les principales plateformes en ligne mondiales afin de lutter contre les campagnes manipulatrices et d'accroître la transparence sur les acheteurs de publicités 
			(61) 
			International IDEA, <a href='https://www.idea.int/publications/catalogue/codes-conduct-rise-fair-and-ethical-political-campaigning-online'>«Codes
of Conduct on the Rise: Fair and Ethical Political Campaigning Online»,</a> avril 2024.. Sur la base de cette pratique, l'Institut international pour la démocratie et l'assistance électorale (International IDEA), en collaboration avec les partis politiques européens et la Commission européenne, a élaboré un code de conduite pour les élections du Parlement européen de 2024 
			(62) 
			International IDEA,
Commission européenne, <a href='https://commission.europa.eu/document/download/bebd9b72-fbb9-42f3-bcea-dbace7e0650f_en?filename=Code%20of%20conduct%20for%202024%20European%20elections_final.pdf&prefLang=bg'>«Code
de conduite pour les élections au Parlement européen de 2024».</a>.
95. À l'ère du numérique, les partis doivent trouver le juste équilibre dans l'utilisation de la technologie pour favoriser la participation et l'inclusion, tout en préservant les valeurs démocratiques et la confiance du public. Des outils numériques éthiques, associés à une réglementation claire et à des normes publiques, peuvent permettre aux partis de renforcer l'engagement plutôt que de diluer l'intégrité démocratique.

6. Conclusion

96. La promotion et la consolidation de la démocratie pluraliste font partie des principaux objectifs du Conseil de l'Europe et de son Assemblée. Les partis politiques jouent un rôle fondamental à cet égard en assurant le lien entre les institutions démocratiques d'un État et ses citoyens. Ils sont toutefois confrontés à des pressions croissantes qui menacent leur efficacité et leur légitimité.
97. La baisse du nombre d'adhérents et de l'engagement reflète des tendances plus générales de désengagement politique et de faible confiance, qui affaiblissent la capacité des partis à traduire les intérêts des citoyens dans l'élaboration des politiques. La centralisation croissante au sein des partis, l'influence grandissante de l'argent en politique et l'impact de la désinformation numérique ont mis à mal leur fonction représentative. L'érosion de la légitimité des partis favorise non seulement l'apathie des électeurs, mais ouvre également la voie à des mouvements populistes et extrémistes qui exploitent le mécontentement à l'égard des structures démocratiques traditionnelles.
98. Renforcer la démocratie interne, améliorer les mécanismes de responsabilisation et favoriser une participation citoyenne significative sont essentiels pour inverser ces tendances négatives.
99. Pour renforcer la confiance dans les partis politiques, il faut déployer des efforts proactifs visant à consolider les structures des partis, améliorer la transparence du financement politique et élaborer des stratégies pour lutter contre la polarisation et la désinformation. Veiller à ce que les partis restent ouverts, participatifs et adaptables contribuera à revitaliser l'engagement démocratique et à renforcer leur rôle de médiateurs entre l'électorat et les institutions gouvernementales.
100. Avant tout, les partis conservent une capacité particulière à renforcer la cohésion sociale et à promouvoir la culture démocratique. Ils constituent des espaces où les différences peuvent être débattues, des compromis forgés et des visions collectives pour l'avenir façonnées. En investissant dans ces fonctions d’intégration, les partis politiques peuvent garantir une démocratie résiliente, pluraliste et représentative en Europe.