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A. Projet de
résolution
(open)
Rapport | Doc. 16247 | 11 septembre 2025
Forces démocratiques russes
Commission des questions politiques et de la démocratie
A. Projet de
résolution 
(open)1. Le 16 mars 2022, la Fédération
de Russie a été expulsée du Conseil de l’Europe en raison de sa
guerre d’agression contre l’Ukraine, qui a commencé en 2014 et s’est
transformée en une invasion à grande échelle. Dans son Avis 300 (2022), adopté la veille, l’Assemblée parlementaire appelait
le Comité des Ministres à demander à la Fédération de Russie de
se retirer immédiatement du Conseil de l’Europe, ajoutant que «le Conseil
de l’Europe devrait envisager des initiatives qui lui permettent
de continuer à soutenir les défenseurs des droits humains, les forces
démocratiques, les médias libres et la société civile indépendante
en Fédération de Russie, et à collaborer avec ceux-ci.» Par la suite,
dans sa Résolution 2433
(2022) «Conséquences de l'agression persistante de la Fédération
de Russie contre l'Ukraine: rôle et réponse du Conseil de l'Europe», l’Assemblée
a décidé «d’intensifier son engagement avec la société civile, les
défenseurs des droits humains, les journalistes indépendants, les
milieux universitaires et les forces démocratiques du Bélarus et
de la Fédération de Russie qui respectent les valeurs et les principes
de l’Organisation, y compris l’intégrité territoriale des États
membres souverains.» De la même manière, lors de leur Sommet de
Reykjavik, en mai 2023, les Chefs d’État et de gouvernement des
États membres du Conseil de l’Europe sont convenus de trouver «des
moyens de renforcer la coopération avec les défenseurs des droits
de l’homme, les forces démocratiques, les médias libres et la société
civile indépendante russes et bélarusses».
2. Sur la base de ces textes, et à l’issue d’un long processus
de dialogue et d’engagement, l’Assemblée a décidé de mettre en place
une délégation représentant les forces démocratiques du Bélarus.
En ce qui concerne les forces démocratiques russes, certaines ont
été invitées à participer aux auditions organisées par les commissions
de l’Assemblée. De plus, une plateforme informelle de dialogue réunissant
les membres de l’Assemblée assurant des fonctions spécifiques et
des membres des forces démocratiques russes a été créée en vue de
discuter de sujets d’intérêt commun. Ces sujets abordaient notamment
le rôle de ces forces dans les efforts visant à mettre un terme
à la guerre d’agression de la Fédération de Russie, les moyens de
durcir les sanctions contre le régime russe, celle de garantir aux
citoyens russes un accès à des médias libres et indépendants et
de lutter contre la désinformation russe, et la situation des forces
démocratiques russes en exil. La situation des prisonniers politiques
russes a également été abordée. Au cours de cette période, l’Assemblée
a condamné le meurtre d’Alexeï Navalny et demandé à maintes reprises
la libération de Vladimir Kara-Murza, lauréat de l’édition 2022
du Prix des droits de l’homme Václav Havel, et a demandé des sanctions
contre les responsables russes impliqués dans sa détention illégale.
3. L’Assemblée condamne de nouveau fermement la répression systématique
à l’égard des Russes qui s’opposent au régime et les tentatives
visant à les faire taire, à l’intérieur et à l’extérieur de la Fédération
de Russie. Elle rend hommage à l’engagement des défenseur·es des
droits humains, des forces démocratiques, des médias libres et de
la société civile indépendante russes qui s’opposent au régime russe
et qui apportent leur soutien à l’Ukraine, comme le Comité anti-guerre
et la Fondation pour une Russie libre, parfois au prix de leur vie
et de leur liberté. L'Assemblée note que, contrairement aux forces
démocratiques du Bélarus, les forces démocratiques russes ne peuvent
pas s’appuyer sur une structure politique unique et unifiée. L'Assemblée
encourage les groupes et initiatives russes en exil à unir leurs
forces afin de lutter contre la désinformation du régime russe,
d’appeler à un changement démocratique en Fédération de Russie,
de dénoncer tous les crimes internationaux commis par des acteurs
russes en République de Moldova, en Géorgie et en Ukraine, et de
soutenir les Ukrainiens dans leur lutte contre l’État agresseur,
de diverses manières.
4. L’Assemblée rappelle qu’en 2024, un Rapporteur
général sur les forces démocratiques russes a été désigné dont le mandat est de promouvoir la cohérence
de l'action de l'Assemblée visant à établir un dialogue avec les
forces démocratiques russes qui partagent les valeurs et les principes
du Conseil de l'Europe, notamment l’intégrité territoriale des États
membres souverains. L’Assemblée est d’avis que grâce aux travaux du
Rapporteur général, notamment, l’heure est venue de remplacer les
initiatives informelles ponctuelles par un engagement plus structuré
avec les forces démocratiques russes. Cela contribuerait à renforcer
la capacité des forces démocratiques russes à provoquer un changement
démocratique à long terme en Russie et à instaurer une paix durable
et juste en Ukraine, tout en garantissant la responsabilité des
acteurs russes pour les crimes internationaux commis, et en fournissant
à l’Assemblée un aperçu des développements en cours en Fédération
de Russie et au sein des forces démocratiques russes.
5. À la lumière de ces considérations, l’Assemblée décide de
créer une Plateforme de dialogue avec les forces démocratiques russes
(«la Plateforme») en tant que forum pour un engagement réciproque
de l’Assemblée et des forces démocratiques russes à traiter de questions
présentant un intérêt commun en échangeant sur la Plateforme, qui
sera présidée par le ou la Président·e de l’Assemblée ou un·e membre
de l’Assemblée délégué·e par le ou la Président·e. La participation
à la Plateforme permettra aussi aux forces démocratiques russes
d’assister aux réunions des commissions, sous-commissions et réseaux
de l’Assemblée pendant les parties de session, et de prendre la
parole lorsqu’elles seront autorisées à le faire par la présidence.
6. La liste des «participants des forces démocratiques russes»
à la Plateforme est approuvée par le Bureau de l’Assemblée sur proposition
du ou de la Président·e de l’Assemblée et est valable pour la durée
de la session ordinaire. Les modalités spécifiques de la mise en
œuvre de la présente résolution, en particulier la composition et
le fonctionnement de la Plateforme et la participation des forces
démocratiques russes à cette dernière, doivent être approuvées par
le Bureau sur la base d’un mémorandum établi par la Secrétaire générale
de l’Assemblée parlementaire ainsi que le Rapporteur général sur
les forces démocratiques russes. Un an après la création de la Plateforme,
le Bureau procédera à un examen de la mise en œuvre de la présente résolution
et réfléchira à d’éventuelles modifications à apporter ou à d’autres
mesures à prendre. Les décisions du Bureau nécessitent la ratification
de l’Assemblée par le biais de son rapport d’activité.
7. Les «participants des forces démocratiques russes» doivent
être des personnes reconnues pour leurs hautes qualités morales,
qui sont actuellement en exil et satisfont aux critères définis
ci-dessous, ce que vérifiera le Bureau de l’Assemblée au moment
de l’approbation de la liste, ou à tout autre moment choisi par celui-ci.
Ainsi, ces personnes doivent:
7.1. être
des responsables politiques, des représentant·es de la société civile,
des défenseur‧es des droits humains, des journalistes indépendant·es,
des universitaires russes et/ou d’autres membres de la résistance
russe au régime de Vladimir Poutine;
7.2. partager les valeurs du Conseil de l’Europe et avoir la
volonté de les promouvoir;
7.3. reconnaître et respecter sans condition la souveraineté,
l'indépendance et l'intégrité territoriale de l'Ukraine à l'intérieur
de ses frontières internationalement reconnues, y compris la République autonome
de Crimée et la ville de Sébastopol, ainsi que les régions de Donetsk,
Louhansk, Zaporijjia et Kherson;
7.4. s’être publiquement opposées au régime de Vladimir Poutine
et œuvrer à un changement de régime dans le but d'établir un système
politique démocratique en Fédération de Russie qui respecte le droit
international et les principes de relations pacifiques et de bon
voisinage;
7.5. respecter la souveraineté, l'indépendance et l'intégrité
territoriale de la République de Moldova, de la Géorgie et des autres
États;
7.6. ne pas avoir défendu de politiques non démocratiques dans
la Fédération de Russie ou de politiques néo-impérialistes à l'égard
de la République de Moldova, de la Géorgie, de l'Ukraine ou d'autres
États souverains; ou avoir dénoncé de manière crédible et convaincante
leurs déclarations antérieures; ne pas avoir justifié les crimes
internationaux commis par des acteurs russes à l'étranger ou en
Fédération de Russie, ni encouragé d'autres personnes à commettre
des violations du droit international;
7.7. dénoncer clairement tous les crimes internationaux commis
par des acteurs russes et soutenir les mécanismes internationaux
visant à garantir la responsabilité et la justice;
7.8. avoir signé la déclaration de Berlin des forces démocratiques
russes et continuer de respecter les principes qu'elle énonce.
8. La question des droits des peuples de Russie et la volonté
d'engager un dialogue constructif avec des représentant·es des groupes
nationaux et ethniques de Russie joueront un rôle déterminant dans
la mise en place d'un système politique démocratique respectueux
du droit international et des principes de relations pacifiques
et de bon voisinage. La question du dépassement de l'héritage colonial
de la Fédération de Russie devra être abordée, y compris les préoccupations
et les intérêts des peuples autochtones et colonisés résidant dans
les territoires des entités constitutives de la Fédération de Russie.
L'Assemblée s'engage à faciliter un format de dialogue approprié
entre ses membres, les participants à la Plateforme et les représentants
des groupes nationaux russes.
9. L'Assemblée se réfère en particulier à sa Résolution 2605 (2025) et réaffirme qu’en violation du droit international
humanitaire, la Fédération de Russie poursuit la colonisation des
territoires occupés en encourageant des centaines de milliers de
ses propres citoyens à s'y installer, notamment par le biais de programmes
fédéraux. Ces initiatives s'inscrivent dans le cadre de la politique
menée par l'État agresseur visant à modifier de force la composition
démographique de la population, ce qui complique considérablement les
processus de désoccupation et le rétablissement de la paix. De telles
actions constituent une violation des obligations internationales
de la Fédération de Russie et équivalent à des crimes au regard
du droit international, et devraient entraîner des conséquences
juridiques appropriées.
10. L’Assemblée salue les autres initiatives parlementaires visant
à soutenir les forces démocratiques russes et encourage la création
de synergies entre sa Plateforme et d’autres initiatives, en particulier
celles que mène le Parlement européen.
11. L’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
11.1. à apporter une aide administrative,
juridique et logistique, notamment pour les questions relatives aux
déplacements, aux visas, au séjour et à l’engagement numérique,
afin de faciliter le fonctionnement de la Plateforme;
11.2. à soutenir le fonctionnement de la Plateforme, notamment
par le biais de contributions volontaires, en mettant au point des
programmes et ateliers de formation visant à renforcer la capacité organisationnelle
et politique des forces démocratiques russes;
11.3. à renforcer la visibilité et l’impact de la Plateforme
et à encourager des partenariats avec d’autres organisations internationales
et institutions démocratiques.
B. Exposé des motifs par M. Eerik-Niiles Kross, rapporteur
(open)1. Introduction
1. La dissolution de l'Union soviétique
en 1991 a conduit à l'émergence de divers mouvements démocratiques
en Fédération de Russie. La présidence de Boris Eltsine a été marquée
par une libéralisation politique initiale, mais les défis liés à
la transition économique de la fin des années 1990 ont affaibli
le soutien de l'opinion publique aux réformes démocratiques.
2. Depuis 2000, le gouvernement de Vladimir Poutine a systématiquement
démantelé l'opposition démocratique en manipulant les élections,
en restreignant la société civile et en pratiquant la répression politique.
Des personnalités de l'opposition ont été arrêtées, exilées ou assassinées.
3. Le démantèlement progressif des institutions démocratiques
s'est traduit par une politique étrangère de plus en plus agressive,
revancharde et expansionniste, qui a culminé avec la guerre d'agression
à grande échelle de la Fédération de Russie contre l'Ukraine le
24 février 2022.
4. En conséquence de l'attaque armée et de l'invasion à grande
échelle de l'Ukraine lancées par la Russie, le Comité des Ministres
a décidé, le 16 mars 2022, en tenant compte de l'avis unanime de
l'Assemblée parlementaire, d'expulser la Fédération de Russie du
Conseil de l'Europe.
5. Tout en mettant fin à toute coopération avec les institutions
officielles russes, l'Assemblée, dans son Avis 300 (2022) «Conséquences de l'agression de la Fédération de Russie
contre l'Ukraine», a souligné que «le Conseil de l'Europe devrait
envisager des initiatives qui lui permettrait de continuer à soutenir
les défenseurs des droits humains, les forces démocratiques, les
médias libres et la société civile indépendante en Fédération de
Russie et à collaborer avec ceux-ci.»
6. Conformément à cette décision, l'Assemblée a décidé, dans
un premier temps, de mettre en place une plateforme informelle de
dialogue réunissant des membres de l'Assemblée et des membres des
forces démocratiques russes, puis de créer la fonction de rapporteur·e
général·e sur les forces démocratiques russes, chargée de promouvoir
la cohérence de l'action de l'Assemblée visant à établir un dialogue
avec celles-ci.
7. Le dialogue avec les forces démocratiques russes devrait amplifier
leur rayonnement et leur visibilité, renforcer leur capacité à apporter
un changement de régime en Russie, et contribuer à instaurer une
paix juste et durable en Ukraine, tout en fournissant à l'Assemblée
un aperçu des développements en cours en Fédération de Russie et
au sein des forces démocratiques russes.
2. Portée du rapport
8. Ce rapport définit les personnes
et les groupes russes pouvant être considérés comme des «forces démocratiques».
Il vise en outre à définir les grandes lignes d'une approche plus
structurée de l'engagement avec les forces démocratiques russes,
grâce à la création d'une Plateforme de dialogue avec les forces démocratiques
russes de l’Assemblée (ci-après «la Plateforme»), et à garantir
que le Conseil de l'Europe reste un partenaire clé dans le soutien
au changement de régime et aux processus post-autoritaires vers
la démocratie en Russie.
9. Le rapport présente également d'autres initiatives de soutien.
À cet égard, il conviendra d'encourager la collaboration et les
synergies, en particulier avec le Parlement européen.
10. Le rapport contient des recommandations à l'intention des
États membres du Conseil de l'Europe et de leurs assemblées nationales
pour qu'ils adoptent des mesures de soutien aux forces démocratiques
russes et renforcent le dialogue avec elles au niveau national.
3. Le travail de soutien de l'Assemblée parlementaire
11. L'Assemblée a manifesté à plusieurs
reprises son soutien aux forces démocratiques et à la société civile russes
au cours des dernières années. Sur la base de l'Avis 300 (2022)
susmentionné, dans sa Résolution 2433
(2022) «Conséquences de l'agression persistante de la Fédération
de Russie contre l'Ukraine: rôle et réponse du Conseil de l'Europe»,
l'Assemblée a décidé «d’intensifier son engagement avec la société
civile, les défenseurs des droits humains, les journalistes indépendants,
les milieux universitaires et les forces démocratiques du Bélarus
et de la Fédération de Russie qui respectent les valeurs et les
principes de l’Organisation, y compris l’intégrité territoriale
des États membres souverains».
12. Par la suite, dans sa Résolution
2473 (2022) «Renforcer le rôle du Conseil de l'Europe en tant que
pierre angulaire de l'architecture politique européenne», l'Assemblée
a appelé les États membres du Conseil de l'Europe «à envisager de
nouvelles initiatives pour soutenir les défenseurs des droits humains,
les forces démocratiques, les médias libres et la société civile
indépendante russes qui respectent les valeurs et les principes
du Conseil de l'Europe, notamment l'intégrité territoriale des États
membres souverains».
13. Dans le prolongement de ces résolutions, un processus de réflexion
a débuté à Paris le 20 mars 2023, lorsque le Comité présidentiel
de l'Assemblée a organisé une réunion avec des représentants des
forces démocratiques russes
.

14. En outre, au cours de la partie de session de juin 2023, la
commission des questions politiques et de la démocratie et la commission
des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées ont tenu
une audition conjointe sur les problèmes auxquels sont confrontés
les Russes en exil avec la participation de membres des forces démocratiques
et de la société civile russes.
15. Au cours de la partie de session d'octobre 2023, la commission
des questions politiques et de la démocratie, la commission des
questions juridiques et des droits de l'homme et la commission des
migrations, des réfugiés et des personnes déplacées ont tenu une
autre audition conjointe, présidée par le Président de l'Assemblée,
intitulée «Dialogue avec les représentant·es des forces démocratiques
russes partageant les valeurs du Conseil de l'Europe»
.

16. En conclusion de cette réunion, le Président de l'Assemblée
a annoncé son intention de créer une plateforme informelle de dialogue
avec les forces démocratiques russes. Au cours de la même partie
de session, la décision a été endossée par le Comité présidentiel
et le Bureau de l'Assemblée en a pris note
.

17. Conformément à cette décision, l'Assemblée a décidé en avril
2024, avec la Résolution
2540 (2024) «La mort d'Alexeï Navalny et la nécessité de contrer
le régime totalitaire de Vladimir Poutine et sa guerre contre la
démocratie», de créer une fonction de Rapporteur·e général·e sur
les forces démocratiques russes.
18. J'ai été nommé à cette nouvelle fonction en juin 2024, avec
pour mandat de promouvoir «la cohérence de l'action de l'Assemblée
visant à établir un dialogue avec les forces démocratiques russes
qui partagent les valeurs du Conseil de l'Europe et reconnaissent
l'intégrité territoriale de l'Ukraine à l'intérieur de ses frontières internationalement
reconnues, et à soutenir les efforts qu'elles déploient pour provoquer
un changement démocratique en Russie»
.

19. En outre, comme le prévoit le document d'information AS/Pol/Inf
(2024) 12, le mandat du rapporteur général cherche à établir et
à poursuivre un «dialogue structuré et régulier» entre l'Assemblée
et les forces démocratiques russes.
20. En juin 2024, la commission des questions politiques et de
la démocratie a tenu une réunion conjointe avec la commission des
questions juridiques et des droits de l'homme, sur «Examen de la
légitimité et de la légalité de la dérogation ad hominem à la limitation
des mandats en faveur du Président en exercice de la Fédération
de Russie».
21. Sous l'égide de la plateforme informelle, le Président de
l'Assemblée a convoqué une table ronde à Berlin, le 12 juin 2024,
pour discuter de l'efficacité des sanctions contre la Fédération
de Russie, et de la manière de contrer la propagande officielle
et de soutenir les médias libres en Russie en vue de garantir que le
public russe puisse avoir accès à des informations impartiales sur
l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine.
22. Une seconde table ronde a été organisée à Paris, le 9 septembre
2024, pour discuter du contenu de la feuille de route que j'ai rédigée
en tant que rapporteur général.
23. Les 9 et 10 novembre 2024, j'ai participé à la 4ème conférence
du Comité anti-guerre russe, qui s'est tenue à Berlin. En outre,
la commission des questions politiques et de la démocratie a tenu
des auditions en décembre 2024 (avec M. Garry Kasparov) et en mars
2025 (avec M. Dmitry Gudkov et M. Dmitry Nekrasov), explorant différentes
questions pertinentes.
24. Le 11 décembre 2024, j'ai également été désigné rapporteur
sur les «Forces démocratiques russes» par la commission des question
politiques et de la démocratie. Le présent rapport a été préparé
en cette qualité.
25. Enfin, il convient de mentionner qu'outre les textes indiqués
ci-dessus, l'Assemblée a adopté d'autres résolutions pertinentes,
dont le présent rapport tient également compte:
- Résolution 2436 (2022) et Recommandation 2231 (2022) «L'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine: faire en sorte que les auteurs de graves violations du droit international humanitaire et d’autres crimes internationaux rendent des comptes»;
- Résolution 2448 (2022) «Conséquences humanitaires et déplacements internes et externes en lien avec l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine»;
- Résolution 2463 (2022) «Nouvelle escalade dans l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine»;
- Résolution 2482 (2023) «Questions juridiques et violations des droits de l'homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine»;
- Résolution 2509 (2023) «La répression transnationale, une menace croissante pour l'État de droit et les droits humains»;
- Résolution 2519 (2023) «Examen de la légitimité et de la légalité de la dérogation ad hominem à la limitation des mandats en faveur du Président en exercice de la Fédération de Russie»;
- Résolution 2541 (2024) «La détention arbitraire de Vladimir Kara-Mourza et la persécution systématique des manifestants anti-guerre en Fédération de Russie et au Bélarus»;
- Résolution 2542 (2024) «Sanctions contre les personnes de la «liste Kara-Mourza»».
4. Autres initiatives de soutien: le Parlement européen
26. Le Parlement européen (PE)
plaide également depuis longtemps en faveur d'une Russie libre et démocratique,
exprimant ses préoccupations quant aux violations des droits humains
et à l'état de la démocratie dans le pays
. En particulier, le PE dispose d'une
délégation dédiée à la commission parlementaire de coopération UE-Russie
(D-RU), qui se concentre sur les forces démocratiques russes, et
a désigné une rapporteure principale sur la Russie (Mme Sandra
Kalniete, Lettonie, PPE), ainsi que différents rapporteurs fictifs.

27. En septembre 2021, le PE a adopté une recommandation sur l'orientation
des relations politiques entre l’UE et la Russie
demandant à l'UE de veiller à ce
que tout nouvel engagement avec le Kremlin dépende de la promesse
de ce dernier de mettre fin à son agression intérieure contre son
propre peuple, d'abroger ou de modifier toutes les lois incompatibles
avec les normes internationales, telles que celles relatives aux
«agents de l’étranger» et aux organisations dites extrémistes ou
indésirables, de cesser la répression des organisations de la société
civile, en particulier celles qui luttent contre la corruption et
défendent les droits humains en Russie, et de mettre un terme à
son agression extérieure contre les pays voisins.

28. En outre, dans sa résolution adoptée en octobre 2022 sur l'escalade
de la Russie dans sa guerre d’agression contre l'Ukraine, le PE
a appelé l'UE et ses États membres à «commencer à réfléchir à la
manière de dialoguer avec la Russie à l'avenir et de l'aider à réussir
la transition d'un régime autoritaire vers un pays démocratique
renonçant aux politiques révisionnistes et impérialistes», estimant
que «comme première étape, les institutions de l’Union pourraient
entamer un dialogue avec les dirigeants démocratiques et la société
civile russes, et mobiliser un soutien en faveur de leur programme
pour une Russie démocratique», et soutenant «la création d’un pôle
démocratique pour la Russie, hébergé par le Parlement européen»
.

29. Le PE a condamné à plusieurs reprises les détentions de Vladimir
Kara-Murza et d'Alexeï Navalny, ainsi que celles d'autres prisonniers
politiques, et a exprimé sa solidarité avec les personnes en Russie
qui protestent contre la guerre d'agression contre l'Ukraine. Le
PE a adopté une résolution sur l’assassinat d'Alexeï Navalny et
la nécessité d'une action de l'UE pour soutenir les prisonniers
politiques et la société civile opprimée en Russie
.

30. Ainsi, le PE s'est également engagé directement dans un dialogue
avec les membres des forces démocratiques et de la société civile
russes. Sous le patronage du PE, les 5 et 6 juin 2023, ses principaux groupes
politiques
ont organisé une conférence
intitulée «Le jour d'après – le dialogue de Bruxelles – Table ronde
de représentants de l'UE et de la Russie démocratique». Bien que
des appels aient été lancés pour institutionnaliser le dialogue
de Bruxelles, cela ne s'est pas encore produit.

31. D'autre part, le PE a également fait participer des représentants
des forces démocratiques russes à ses réunions, comme celle organisée
par la D-RU en association avec le groupe de soutien à la démocratie
et de coordination des élections (DEG) en février 2024 sur le thème
«Pourquoi l'‘élection’ présidentielle de 2024 en Russie est importante?»
, ou la réunion organisée en février
2025 par la D-RU en association avec la délégation à la commission
d'association parlementaire UE-Ukraine sur le thème «La capacité
économique de la Russie à faire la guerre sous le coup de sanctions
– quelles sont les prochaines étapes pour les politiques de l'UE?».

5. Forces démocratiques russes
5.1. Les forces démocratiques russes à l'intérieur et à l'extérieur de la Fédération de Russie
32. Dès le départ, le pouvoir de
Vladimir Poutine s'est caractérisé par des tentatives visant à faire
taire les voix critiques. L'ampleur des menaces, des intimidations
et de la répression s'est progressivement accrue au cours des plus
de deux décennies sous sa direction.
33. Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie, toute critique
du régime est réprimée avec les moyens les plus brutaux. Des sanctions
draconiennes, telles que des peines de prison prolongées pour avoir
appelé une guerre une guerre, font qu'il est extrêmement difficile
pour l'opposition démocratique en Russie de s'organiser de manière
visible.
34. À cet égard, il existe des parallèles notables avec le régime
répressif du Bélarus (voir également la Résolution 2530 (2024) «Un avenir démocratique pour le Bélarus»). Contrairement
au Bélarus, les forces démocratiques russes en exil ne disposent
toutefois ni d'une figure de proue, ni d'une structure politique
unifiée et représentative. Elles se composent plutôt d'un grand
nombre d'individus et d'organisations qui collaborent de manière
sélective mais ne poursuivent pas systématiquement un programme
commun.
35. Beaucoup de ces structures ont été fondées pour soutenir les
citoyens russes qui ont quitté leur pays, en les aidant à organiser
leur vie quotidienne en exil. D'autres, en revanche, sont davantage
axées sur un programme politique centré sur la Russie et s'engagent
explicitement à œuvrer en faveur d'une Russie démocratique post-Poutine.
36. Parmi ces dernières, les acteurs et organisations clés sont
les suivants:
- Mikhail Khodorkovsky / Comité d'action russe; Comité anti-guerre russe: Ancien prisonnier politique, Mikhail Khodorkovsky a créé de nombreuses organisations, médias et projets, et a contribué à la fondation d'initiatives telles que le «Comité d'action russe» et le «Comité anti-guerre russe»
, dans le but d'unifier les forces d'opposition. Avec des figures de l'opposition telles que Garry Kasparov et Dmitry Gudkov, il est l'un des plus éminents critiques du régime de Vladimir Poutine et partisans de l'Ukraine. Leur déclaration de Berlin du 30 avril 2023
, dans laquelle le régime de Vladimir Poutine est qualifié d’«illégitime et criminel» pour son agression contre l'Ukraine, a été signée par plus de 50 membres des forces démocratiques russes. Malgré des divergences d'opinion internes sur la meilleure approche pour parvenir au changement, le Comité joue un rôle crucial dans l'unification et la coordination des forces démocratiques russes en exil, l'élaboration de projets visant à soutenir l'Ukraine politiquement et financièrement, le soutien aux activistes russes victimes de persécution pour s'être opposés à la guerre, le plaidoyer en faveur d'un renforcement des sanctions contre le régime de Vladimir Poutine et de la future réintégration de la Russie dans les structures politiques européennes.
- Garry Kasparov / Free Russia Forum: Garry Kasparov, l'ancien champion du monde d'échecs est devenu un critique virulent du régime de Poutine, cofondant le Free Russia Forum
pour consolider les efforts de l'opposition. Globalement, ce forum sert de plateforme réunissant les Russes attachés à la démocratie, à la liberté et aux droits humains. À la lumière de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le Forum a activement soutenu l'Ukraine en plaidant pour un soutien militaire, en co-organisant des conférences anti-guerre et en soutenant les volontaires russes en Ukraine.
- Natalia Arno, Vladimir Kara-Murza / Free Russia Foundation: La Free Russia Foundation (FRF, Fondation pour une Russie libre), basée aux États-Unis
, fonctionne comme une organisation de défense des intérêts, s'engageant dans l'élaboration pratique de politiques et le lobbying législatif. À ce titre, la FRF gère une base de données détaillant les personnes et entités russes sanctionnées par le gouvernement des États-Unis. Natalia Arno, la présidente du FRF, a rejoint l'International Republican Institute en 2004
, dirigeant ses programmes sur la Russie jusqu'à ce qu'elle soit contrainte à l'exil en 2012. Vladimir Kara-Murza, journaliste et homme politique d'opposition, est l'un des vice-présidents de la FRF. En avril 2022, il a été arrêté à Moscou pour avoir dénoncé publiquement l'invasion de l'Ukraine, condamné à 25 ans de prison pour «haute trahison» et maintenu à l'isolement dans une prison de haute sécurité en Sibérie. En octobre 2022, l'Assemblée l'a honoré du Prix des droits de l'homme Václav Havel, reconnaissant son engagement indéfectible en faveur des valeurs démocratiques et des droits humains en Russie. Il a été libéré en août 2024 dans le cadre du plus grand échange de prisonniers entre l'Est et l'Ouest depuis la guerre froide. Vladimir Milov, économiste et critique virulent du régime de Vladimir Poutine, est également vice-président de la FRF. FRF est le mécène de la «Free Russia House» à Kiev, qui se présente comme une ambassade culturelle et politique alternative pour la société civile russe en Ukraine
.
- Alexeï Navalny / Fondation anti-corruption: La Fondation anti-corruption (FBK)
s'est fait connaître pour ses enquêtes anti-corruption et a construit un réseau d'activistes politiques à l'échelle de la Russie qui se mobilise contre la suprématie du parti au pouvoir, Russie Unie. Avec la mort d’Alexeï Navalny dans une colonie pénitentiaire le 16 février 2024, la FBK a perdu son principal dirigeant. Elle poursuit ses activités, en partie sous la direction de la veuve de Navalny, Yulia Navalnaya. Cependant, la FBK a également attiré l'attention par des actions qui ont déclenché des critiques et des controverses au sein de l'opposition russe. La FBK s'est notamment abstenue de signer la déclaration de Berlin des forces démocratiques russes. Les tentatives faites jusqu'à présent pour les impliquer dans les initiatives de l'Assemblée mentionnées ci-dessus n'ont pas abouti et, à ce jour, elles ne sont pas considérées comme des forces démocratiques russes telles que définies par l'Assemblée.
- Représentants des peuples de Russie: Privées de la possibilité de défendre leurs droits en Russie, les minorités nationales ont été contraintes de mener leurs activités depuis l'étranger. Leur engagement englobe des aspects tels que la défense de l'autodétermination et de la décolonisation, la critique de l'impérialisme russe et la promotion des droits culturels et politiques. Il existe plusieurs mouvements d'indépendance et de nombreux mouvements d'autonomie
37. D'autres militants de l'opposition,
journalistes et universitaires en exil ont également formé des réseaux, par
exemple soutenant le journalisme indépendant, contribuant à la documentation
des crimes de guerre ou fournissant des informations à l'Ukraine
ou à des organisations internationales sur les prisonniers de guerre ukrainiens
et les civils détenus afin de soutenir leur échange et visant à
demander des comptes à la Russie pour son agression illégale.
5.2. Critères d'évaluation
38. Aux fins du présent rapport
et afin d'établir un engagement plus structuré avec l'Assemblée,
il convient d'établir une distinction claire entre les véritables
acteurs démocratiques et ceux qui s'opposent au régime russe actuel
sans toutefois s'engager clairement et publiquement en faveur des
valeurs du Conseil de l'Europe que sont les droits humains, la démocratie
et l’État de droit.
39. L'Assemblée devrait considérer comme forces démocratiques
russes les personnes reconnues pour leurs hautes qualités morales,
qui sont actuellement en exil et qui remplissent les conditions
suivantes:
- faire partie des responsables politiques, des représentants de la société civile, des défenseurs des droits humains, des journalistes indépendants, des universitaires russes et/ou être membre de la résistance russe au régime de Poutine;
- partager les valeurs et les principes du Conseil de l'Europe et avoir la volonté de les promouvoir;
- respecter la souveraineté, l’indépendance et l'intégrité territoriale de l'Ukraine;
- s’être publiquement opposés au régime de Vladimir Poutine et œuvrer à un changement de régime dans le but d'établir un système politique démocratique en Fédération de Russie;
- avoir signé la déclaration de Berlin des forces démocratiques russes et continuer de respecter les principes qu'elle énonce.
40. Les indicateurs clés à prendre en compte devraient être la
position qu'elles ont adoptée à l'égard de l'agression russe en
cours contre l'Ukraine, et leurs initiatives concrètes de ces personnes
en faveur de l'Ukraine. Une condition indispensable est une condamnation
claire et publique de la guerre d'agression de la Russie contre
l'Ukraine, par exemple avoir souscrit de la Déclaration de Berlin
des forces démocratiques russes du 30 avril 2023
.

41. Parmi les forces démocratiques russes, la priorité devrait
être accordée aux personnes et aux groupes qui ont activement travaillé
à dénoncer les crimes de guerre, à contrer la propagande du Kremlin,
à fournir un soutien direct aux réfugiés ukrainiens (y compris une
aide humanitaire et une assistance juridique), à organiser des manifestations,
à mobiliser la pression internationale contre le régime russe, et
à combattre le régime de Vladimir Poutine sur le champ de bataille.
42. Ainsi, le soutien des forces démocratiques russes à l'Ukraine
souligne leur engagement en faveur des valeurs démocratiques européennes
et met en évidence leur rôle d'alternative légitime au régime de
Vladimir Poutine. En s'alignant sur l'Ukraine, les forces démocratiques
russes renforcent leurs arguments en faveur d'une reconnaissance
internationale.
5.3. Initiatives envisageables pour soutenir les forces démocratiques russes
43. Les forces démocratiques russes,
tant à l'intérieur qu'à l'extérieur du pays, opèrent dans des conditions difficiles,
confrontées à la répression et à des libertés politiques extrêmement
limitées. Elles sont hétérogènes et se composent de différents groupes
ayant des stratégies, des objectifs et des besoins différents.
44. Le soutien des gouvernements et des organisations internationales
doit donc être ciblé et se concentrer sur des mesures politiques,
juridiques et administratives qui contribuent à créer un cadre dans
lequel l'opposition peut structurer ses activités, renforcer sa
coopération et articuler sa position avec une plus grande unité.
45. Le soutien financier est important, surtout à la lumière du
changement de priorités du gouvernement américain. D'autre part,
l'opposition démocratique a réussi à obtenir des ressources financières
de la part des Russes qui s'opposent au régime de Vladimir Poutine,
tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Russie. Ces sources devraient
rester la base financière des activités des forces démocratiques
russes. En outre, les gouvernements européens pourraient réfléchir
à la manière d'offrir des incitations appropriées pour faciliter
ces sources de financement.
46. Les mesures de soutien possibles pour les représentants des
forces démocratiques russes en exil et les structures politiques
à l'étranger sont les suivantes:
- visibilité et reconnaissance: les gouvernements et organisations devraient créer des plateformes susceptibles de sensibiliser le public au rôle et au travail des forces démocratiques russes;
- soutien institutionnel: il s'agit de mettre en place des structures d'exil avec le soutien des gouvernements, par le biais d'un soutien administratif et juridique pour aider les Russes ayant une position clairement anti-guerre dans les situations d'urgence (comme le risque d'extradition vers la Russie). Ce soutien devrait également inclure l'élaboration d'une base juridique pour le remplacement des documents russes périmés pour les personnes qui ne peuvent pas s'adresser aux missions consulaires russes (par exemple, les personnes figurant sur la «liste des terroristes» de la Russie et/ou considérées comme des «agents étrangers»; ou dans le cas où la Russie reproduit le décret bélarussien sur l'impossibilité de renouveler les passeports à l'étranger), par exemple par le biais d'un «passeport de démocratie» ou d'arrangements spéciaux en matière de visa;
- protection contre la répression par les autorités russes: les actions vont de l'octroi de l’asile à la fourniture d'une protection contre les persécutions des services secrets russes, en passant par l'amélioration des mesures de sécurité. Le Conseil de l'Europe devrait également soutenir l'accès aux outils de sécurité numérique et aux plateformes de communication cryptées afin de garantir que les forces démocratiques russes – en particulier celles qui opèrent à l'intérieur de la Russie – puissent coordonner leurs activités en toute sécurité et éviter la surveillance ou la persécution. La formation à l'hygiène numérique et à la résistance à la guerre de l'information devrait être intégrée dans les programmes de soutien;
- soutien financier et organisationnel: en particulier, en apportant une aide à la mise en place de plateformes médiatiques, de groupes de réflexion et de structures organisationnelles à l'étranger, notamment celles visant à contrer la répression transnationale, la désinformation, la discréditation et les campagnes d'infiltration du régime de Vladimir Poutine, et à fournir des informations exactes et factuelles aux citoyens russes vivant en Russie.
47. En ce qui concerne les représentants des forces démocratiques
et les organisations restées en Russie, y compris les structures
(informelles) opérant en Russie, ainsi que les individus tels que
les journalistes indépendants et les activistes, leurs besoins sont
particulièrement sensibles car ils font l'objet d'une répression directe.
Les mesures de soutien possibles sont les suivantes:
- protection en vertu du droit international: il s'agit notamment d'exercer une pression internationale continue sur la Russie pour qu'elle respecte les droits humains, y compris par des sanctions ciblées contre les autorités et les personnes qui répriment les militants de l'opposition;
- visibilité et protection diplomatique: les gouvernements européens devraient reconnaître les personnes détenues arbitrairement comme des prisonniers politiques et exiger leur libération. Leurs missions diplomatiques en Russie devraient, dans la mesure du possible, observer les procédures judiciaires;
- promotion du soutien juridique: cela peut se faire en fournissant un financement et un soutien juridique aux avocats spécialisés dans les droits humains en Russie et, le cas échéant, en les aidant à accéder aux tribunaux internationaux tels que la Cour européenne des droits de l'homme;
- protection contre la répression: il convient notamment d'aider les personnes qui doivent fuir la Fédération de Russie à brève échéance, en demandant aux pays d'accueil – auxquels les Russes ont accès sans visa – de les accepter en tant que réfugiés, éventuellement à titre temporaire, et en facilitant la poursuite de leur voyage vers les pays de l'Union européenne ou les États-Unis, si elles le souhaitent.
6. La plateforme de dialogue avec les forces démocratiques russes de l’Assemblée
48. L'objectif premier du dialogue
avec les forces démocratiques russes est de faciliter la participation
d'un groupe composé de représentants des forces démocratiques russes
dans les activités de l'Assemblée.
49. Cet objectif pourrait être atteint par la création d'une Plateforme
de dialogue avec les forces démocratiques russes («la Plateforme»),
présidée par le ou la Président·e de l'Assemblée ou un·e membre
de l'Assemblée délégué·e par le ou la Président·e.
50. Premièrement, la Plateforme offrirait un forum pour un engagement
des membres de l'Assemblée et ceux des forces démocratiques russes,
à traiter des questions présentant un intérêt commun, à travers
des échanges dans le cadre de la Plateforme elle-même.
51. En outre, la participation à la Plateforme permettrait aux
forces démocratiques russes d'assister aux réunions des commissions,
sous-commissions et réseaux de l'Assemblée pendant les parties de
sessions, et de prendre la parole lorsqu'elles sont autorisées à
le faire par la présidence.
52. La participation d'un groupe de représentants des forces démocratiques
russes à certaines activités de l'Assemblée serait bénéfique à la
fois pour les forces démocratiques russes et pour l'Assemblée.
53. Pour les forces démocratiques russes, elle offrirait une plateforme
internationale leur permettant de plaider en faveur d'un changement
démocratique, de contrer le discours du Kremlin et de contribuer
aux politiques européennes concernant la Russie; elle leur donnerait
également accès aux assemblées nationales des États membres du Conseil
de l'Europe.
54. Pour l'Assemblée, accueillir un groupe de représentants des
forces démocratiques russes refléterait le soutien du Conseil de
l'Europe aux valeurs démocratiques, aux droits humains et à l’État
de droit, contre les positions autoritaires et hostiles. Cette démarche
renforcerait les efforts internationaux visant à demander des comptes
au régime russe, amplifierait les voix démocratiques provenant de
l'intérieur de la Russie, unissant les forces pour soutenir l'Ukraine,
et renforcerait le rôle de l'Europe dans le soutien au tournant
du pays vers une voie démocratique.
6.1. «Participants des forces démocratiques russes» à la Plateforme
55. Dans ce contexte, des discussions
préliminaires ont eu lieu avec des membres des forces démocratiques
russes, par exemple le Comité anti-guerre russe, la FRF, des journalistes
et des universitaires.
56. Une fois le présent rapport approuvé, la Secrétaire Générale
de l'Assemblée préparera un mémorandum sur les modalités de fonctionnement
de la Plateforme, y compris la participation des membres des forces démocratiques
russes. Ce mémorandum devra ensuite être approuvé par le Bureau
de l'Assemblée.
57. Les membres des forces démocratiques russes devront préalablement
préparer une liste provisoire des «participants des forces démocratiques
russes» à la Plateforme.
58. Le Président de l'Assemblée, après avoir consulté le Rapporteur
général sur les forces démocratiques russes sur la liste proposée
par les forces démocratiques russes, soumettra une proposition au
Bureau de l'Assemblée pour approbation.
59. Le respect des exigences à l'égard des forces démocratiques
russes énoncées ci-dessus devrait être une condition sine qua non pour figurer sur la
liste et devrait être considéré comme une priorité. Cela signifie que
toutes les forces d'opposition russes ne seront pas représentées
au sein de la Plateforme, car le partage des valeurs du Conseil
de l'Europe et la prise de position publique contre la guerre d'agression
contre l'Ukraine, comme l'ont fait les signataires de la déclaration
de Berlin, constitueront une condition non négociable. Le Bureau
de l'Assemblée vérifiera le respect des conditions requises au moment
de l'approbation de la liste ou à tout autre moment choisi par celui-ci.
60. La décision du Bureau sera soumise à la ratification de l'Assemblée
via son rapport d'activité. La liste approuvée des participants
à la Plateforme sera valable pour la session ordinaire.
61. Un an après la création de la plateforme, le Bureau procédera
à un examen de son fonctionnement et réfléchira à d’éventuelles
modifications à apporter ou à d’autres mesures à prendre.
6.2. Autres activités
62. D’autres formats différents
de participation peuvent être proposés, notamment des auditions
régulières, des consultations, des groupes de travail, des campagnes
de sensibilisation, des activités de renforcement des capacités,
des événements en marge de la session et des événements ad hoc dans
le cadre des activités de l'Assemblée et du Conseil de l'Europe.
63. La Plateforme et les activités connexes devraient être coordonnés
avec les rapporteurs de l'Assemblée qui travaillent sur la Russie,
le Bélarus, l'Ukraine et sur d'autres questions pertinentes, y compris
la politique de sanctions. La collaboration croisée sera encouragée
afin d'harmoniser les efforts visant à renforcer les forces démocratiques
en Russie et de la Russie, en veillant à ce que les conclusions
et les recommandations soient intégrées dans des initiatives plus
larges de l'Assemblée.
64. La question des droits des minorités nationales de Russie
et la volonté d'engager un dialogue constructif avec les représentants
des groupes nationaux et ethniques de Russie joueront un rôle essentiel
dans la configuration de la Russie de l'après-Poutine. La plateforme
pourrait également aborder cette question.
65. Les rapports des différentes commissions de l'Assemblée seront
utilisés pour faire le suivi et évaluer l'efficacité de la Plateforme
et son impact sur les recommandations politiques. Il est recommandé
que la Plateforme adopte des indicateurs de performance mesurables
-- tels que le nombre d'organisations participantes, la visibilité
dans les institutions européennes, les propositions politiques soumises
et le retour d'information de la société civile ukrainienne -- afin
que les progrès et la crédibilité de l'initiative puissent être évalués
de manière objective. Des initiatives conjointes avec d'autres organes
parlementaires internationaux et organisations de défense des droits
humains seront envisagées pour renforcer les synergies, les efforts
de sensibilisation et accroître la pression politique sur le gouvernement
russe.
66. En particulier, les activités organisées dans le cadre de
la Plateforme devraient tenir compte d'initiatives similaires également
entreprises par le Parlement européen. Étant donné que les interlocuteurs
seront les mêmes dans la plupart des cas, cela permettra une meilleure
utilisation des ressources des deux institutions, assurant en même
temps une plus grande portée et visibilité.
67. Des synergies avec le Parlement européen devraient également
être recherchées au niveau des rapporteurs et des rapporteurs généraux
respectifs, en termes d'échange d'informations, de documents et
de contacts pertinents, d'organisation de réunions conjointes avec
des membres des forces démocratiques russes et d'organisation d'activités
publiques conjointes et d'auditions ad hoc.
7. Conclusions et recommandations
68. L'objectif du présent rapport
est de veiller à ce que l'Assemblée et le Conseil de l'Europe restent
un partenaire clé dans le soutien au changement démocratique en
Russie.
69. Un certain nombre d'actions peuvent être mises en œuvre afin
d’augmenter l’efficacité et la durabilité du soutien fourni aux
forces démocratiques russes, contribuant ainsi à l'objectif à long
terme de la démocratisation en Russie.
70. Tout d'abord, l'Assemblée devrait créer une Plateforme de
dialogue avec les forces démocratiques russes.
71. Il reste toutefois des questions à régler, telles que celles
liées à la protection juridique et au soutien administratif des
membres des forces démocratiques russes en exil dans les États membres
du Conseil de l'Europe (par exemple, le statut de réfugié/de résident,
les questions de naturalisation, etc.).
72. Le Conseil de l'Europe devrait aussi explorer des mécanismes
plus solides visant à demander des comptes au régime russe pour
la répression des forces démocratiques, y compris la répression
politique, la fraude électorale et les violations des droits humains.
73. Dans le même temps, les États membres du Conseil de l’Europe
devraient être encouragés à faciliter le fonctionnement de la Plateforme,
pour amplifier les voix des dirigeants des forces démocratiques
russes en exil, en veillant à ce que leurs points de vue soient
entendus au niveau européen.
74. Cela devrait inclure la fourniture d'un soutien administratif,
juridique et logistique, notamment une aide en matière de déplacements,
de visas, de questions de séjour et d'engagement numérique, ainsi
que des contributions financières et des activités de renforcement
des capacités. Cela devrait également impliquer l'organisation de
campagnes de sensibilisation axées sur la lutte contre la propagande
de l'État russe et l'information des citoyens européens sur les
aspirations démocratiques des forces démocratiques russes. Ce soutien
sera particulièrement important pour garantir que la voix des forces
démocratiques russes soit entendue.
75. Le Conseil de l'Europe devrait aussi faciliter la mise en
réseau et le renforcement des capacités. Il pourrait s'agir de programmes
de formation, d'ateliers et de sessions de planification stratégique
destinés aux membres de l'opposition russe afin de renforcer leurs
capacités politiques et organisationnelles et d'encourager leur
collaboration avec d'autres mouvements démocratiques en exil.
76. En fin de compte, le dialogue devrait tracer la voie d'un
engagement futur avec une Russie démocratique: la mise en place
d'un groupe de membres des forces démocratiques russes dans les
travaux de l'Assemblée n'est pas une fin en soi. Elle devrait faire
partie d'un ensemble d'instruments visant à contrer l'agression
russe contre l'Ukraine. Cela devrait préparer le scénario dans lequel,
une fois que le changement de régime en Russie aura eu lieu, les
forces démocratiques seront prêtes à s'engager dans la gouvernance
et le renforcement des institutions qui reflètent les valeurs du
Conseil de l'Europe, et l'Assemblée sera également prête à jouer
son rôle en les soutenant.