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Rapport | Doc. 16250 | 14 septembre 2025

Violences sexuelles à l'encontre des hommes et des garçons

Commission sur l'égalité et la non-discrimination

Rapporteur : M. Edmunds CEPURĪTIS, Lettonie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 15805, Renvoi 4764 du 9 octobre 2023. 2025 - Quatrième partie de session

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 11 septembre
2025.

(open)
1. Les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons sont une réalité mais aussi un phénomène caché qu’il faut prévenir et combattre en accordant la priorité aux besoins de toutes les victimes/survivants et sans détourner l’attention ni les financements consacrés à la lutte contre les violences fondées sur le genre à l’encontre des femmes et des filles.
2. Nos États membres manquent de données complètes et ventilées sur les violences sexuelles dont sont victimes les hommes et les garçons dans toute leur diversité, et peu d’études ont été menées à ce sujet, ce qui s’explique en partie par le sous-signalement des violences commises.
3. Si l’ensemble des victimes/survivants de violences sexuelles ont en commun de devoir faire face à la stigmatisation, aux attitudes négatives et à culpabilisation, les spécificités de la violence à l’encontre des hommes et des garçons doivent être prises en compte, en accordant une attention particulière aux différentes perceptions de la masculinité et de la sexualité.
4. Les hommes et les garçons peuvent être victimes de violences sexuelles dans des lieux et des contextes très divers: à leur domicile et dans le cercle des proches, dans des établissements éducatifs et religieux, pendant les activités sportives, dans le cadre de la migration, dans les institutions fermées, dans des situations de conflit et dans des contextes humanitaires, entre autres. Des mesures visant à prévenir cette violence, à la signaler, à en poursuivre les auteurs et à soutenir les victimes doivent être prises et adaptées à ces différents contextes.
5. Les hommes et les garçons dans toute leur diversité peuvent faire l’objet de violences sexuelles, quels que soient leur âge, leur orientation sexuelle, leur identité et leur expression de genre, leurs caractéristiques sexuelles, leur statut migratoire, leur handicap, leur origine et leurs autres caractéristiques. Toutes les mesures de prévention et de lutte contre cette violence à l’encontre des hommes et des garçons et de protection des victimes/survivants doivent être prises sans discrimination fondée sur quelque motif que ce soit et en adoptant une approche intersectionnelle.
6. Les victimes/survivants de violences sexuelles, de sexe masculin, ont besoin de beaucoup de temps pour faire face aux sentiments de honte, de peur et d’isolement, de sorte qu’ils ne signalent pas les violences subies, ou les signalent de nombreuses années après qu’elles ont été commises. Cette situation s’explique également par le fait que les victimes/survivants connaissent mal leurs droits, les mécanismes de signalement et les services de soutien et, plus généralement, par le fait qu’ils manquent de confiance dans le système judiciaire.
7. Le sous-signalement conduit à des niveaux élevés d’impunité, ce qui est aggravé par les différents délais de prescription appliqués aux infractions à caractère sexuel sur mineurs selon les pays. Il est par conséquent essentiel de sensibiliser à la violence sexuelle à l’encontre des hommes et des garçons et de plaider en faveur de l’abolition de la prescription.
8. La participation des hommes et des garçons victimes/survivants de violences sexuelles devrait être intégrée dans toutes les activités et tous les processus d’élaboration des politiques se rapportant à ces questions, afin que leurs expériences soient prises en compte lors de l’élaboration des politiques et des lois pertinentes et de leur révision.
9. Des études attirent l’attention sur les conséquences que peuvent avoir les violences sexuelles sur la santé physique et mentale, telles que l’anxiété, la dépression et les tendances suicidaires. Celles-ci doivent être traitées comme des problèmes de santé publique dans les politiques et stratégies nationales. Le fait que la violence sexuelle subie par les victimes/survivants soit officiellement reconnue joue un rôle important dans le processus de guérison. Cela peut également les aider à se rétablir et à reprendre leur vie en main après le traumatisme de la violence sexuelle, avec la confirmation qu’ils ne sont jamais responsables.
10. L’Assemblée parlementaire attire l’attention sur la nécessité d’atteindre les objectifs fixés dans le cadre des Objectifs de développement durable (ODD) des Nations Unies d’ici 2030, notamment l’Objectif 3 relatif à la bonne santé et au bien-être pour tous, l’Objectif 5 visant à réaliser l’égalité entre les sexes et l’Objectif 16 visant à promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives et à assurer l’accès de tous à la justice.
11. L’Assemblée se réfère à sa Résolution 2533 (2024) «Maltraitance des enfants dans les institutions en Europe» et à sa Résolution 2547 (2024) «La protection des enfants contre la violence en ligne» pour ce qui concerne la prévention et la lutte contre la violence sexuelle à l’encontre des garçons.
12. Elle se réfère également à sa Résolution 2607 (2025) «La protection des droits humains dans et par le sport: obligations et responsabilités partagées» et elle attire l’attention sur les abus généralisés et systémiques dont sont victimes les enfants et les adultes vulnérables dans le domaine du sport, y compris les abus sexuels, et sur l’absence de mécanismes de signalement centrés sur les victimes ainsi que de systèmes de réparation tenant compte des traumatismes subis.
13. L’Assemblée se félicite du travail accompli année après année par le Comité de Lanzarote, qui veille à la mise en œuvre de la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201, «Convention de Lanzarote»).
14. Elle rappelle également à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul») encourage les Parties à appliquer la convention à toutes les victimes de violence domestique.
15. L’Assemblée attend avec intérêt que le projet de recommandation du Comité des Ministres aux États membres sur l’éducation complète à la sexualité adaptée à l’âge des enfants afin de renforcer les réponses pour entre autres prévenir et combattre la violence à l’égard des enfants soit achevé. Cette recommandation constituera en effet un outil supplémentaire pour lutter contre la violence sexuelle touchant les garçons et les filles. Elle se réjouit également de l’adoption prochaine par le Comité des Ministres du premier instrument juridique relatif à l’égalité des droits des personnes intersexes.
16. L’Assemblée appelle les États membres et observateurs du Conseil de l’Europe, ainsi que les États dont le parlement bénéficie du statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès de l’Assemblée:
16.1. en ce qui concerne la collecte de données et la recherche:
16.1.1. à soutenir la collecte de données ventilées, provenant de statistiques et d’enquêtes officielles réalisées par les autorités et les institutions concernées dans différents contextes et, le cas échéant, provenant directement des victimes/survivants de sexe masculin, sur les expériences et les cas signalés de violences sexuelles;
16.1.2. à encourager et soutenir la recherche sur les spécificités des violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons dans toute leur diversité, afin de s’attaquer avec succès aux facteurs sous-jacents qui l’alimentent et aux obstacles au signalement;
16.1.3. à mener des recherches sur ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas bien en matière de prévention des violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons dans différents contextes, en coopération avec les organisations spécialisées;
16.1.4. à diffuser les données et les résultats de recherche sous des formes accessibles, à des fins de sensibilisation, mais aussi pour faciliter l’élaboration de politiques fondées sur des connaissances validées;
16.2. en ce qui concerne la sensibilisation et les autres mesures de prévention:
16.2.1. à mener des campagnes de sensibilisation et d’information sur les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons, en ciblant différents contextes et groupes d’âge et en incluant des informations accessibles sur les droits des victimes/survivants, les mécanismes de signalement et les services de soutien;
16.2.2. à élaborer des mesures visant à remettre en question le «discours social» et les préjugés culturels concernant le comportement masculin, les rôles masculins et les rapports de force qui contribuent aux violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons et à leur stigmatisation, y compris les masculinités nocives, l’homophobie structurelle, et les rôles traditionnels attribués à chaque sexe;
16.2.3. à mettre en œuvre des programmes et des mesures de prévention en travaillant, entre autres, avec les organisations de jeunesse, les organisations de défense des droits des femmes et les organisations LGBTI, en mettant l’accent sur la remise en question et la transformation des normes de genre afin de construire des sociétés plus égalitaires pour l’avenir;
16.2.4. à mettre des programmes et des mesures d’intervention préventive à la disposition des personnes poursuivies et/ou condamnées pour des actes de violence sexuelle à l’encontre d’enfants, ainsi que des enfants ayant commis des infractions à caractère sexuel, conformément à la Convention de Lanzarote;
16.2.5. à mettre en œuvre une éducation complète à la sexualité, adaptée à l’âge afin de fournir aux garçons les connaissances et le langage nécessaires pour se protéger et respecter les limites des autres, et aborder la question de l’intégrité physique et du consentement sexuel dans le cadre de l’éducation et de la sensibilisation;
16.3. en ce qui concerne la détection et le signalement des cas de violences sexuelles dans différents contextes:
16.3.1. à créer un environnement propice permettant aux professionnel·les qui travaillent avec des enfants de signaler les cas des violences sexuelles et envisager d’introduire, pour certaines professions ou certains emplois, une obligation de signaler les violences sexuelles aux autorités compétentes;
16.3.2. à mettre en place des garanties et des mécanismes de signalement centrés sur l’enfant et tenant compte des traumatismes subis dans les lieux fréquentés par des enfants et des jeunes hommes, tels que les écoles, les structures extrascolaires, les clubs sportifs, les églises et les plateformes en ligne;
16.3.3. à veiller à ce que les systèmes de signalement des violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons fassent l’objet d’une large publicité et à s’attaquer aux obstacles qui empêchent les victimes/survivants de signaler ces violences;
16.3.4. à s’attaquer aux faiblesses systémiques des organisations et des institutions qui rendent les hommes et les garçons vulnérables aux violences sexuelles, les exposent à des dangers ou les privent d’accès à la justice;
16.4. en ce qui concerne les mesures juridiques et politiques:
16.4.1. à inclure les victimes/survivants de violences sexuelles de sexe masculin et leurs besoins spécifiques dans les lois et politiques nationales visant à prévenir et à combattre les violences sexuelles et à envisager de relier les stratégies nationales relatives à la violence fondée sur le genre aux stratégies LGBTI;
16.4.2. à revoir les définitions des violences sexuelles, y compris du viol, dans le droit pénal, et les modifier si nécessaire, afin qu’elles soient fondées sur le principe de l’absence de consentement et qu’elles considèrent les hommes comme des victimes potentielles;
16.4.3. à envisager d’abolir la prescription pour les infractions de violences sexuelles sur mineurs;
16.4.4. à appliquer la Convention d’Istanbul aux victimes de violence domestique de sexe masculin, conformément à son article 2(2);
16.4.5. à interdire les «thérapies» dites «de conversion» ou «réintégratives» et les pratiques de conversion, qui visent à modifier ou à supprimer l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou l’expression de genre d’une personne, celles-ci pouvant constituer une forme de violence sexuelle;
16.4.6. à mettre en place des systèmes intégrés de protection de l’enfance qui favorisent la coordination entre les secteurs de la santé, de l’éducation, de la protection sociale, du soutien en ligne et de la justice, et qui traitent des liens existant entre les violences sexuelles en ligne et hors ligne;
16.4.7. à assurer un suivi des lois, des politiques et des mesures visant à prévenir et à lutter contre les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons, afin d’élaborer des mesures futures en connaissance de cause;
16.4.8. à prendre des mesures pour offrir une réparation intégrale aux hommes et garçons victimes/survivants de violences sexuelles;
16.5. en ce qui concerne le soutien aux victimes/survivants de violences sexuelles de sexe masculin:
16.5.1. à mettre en place, sur l’ensemble du territoire, des services de soutien spécialisés et sensibles au genre, accessibles à tous, qui répondent aux besoins des hommes et des garçons victimes/survivants de violences sexuelles, sans discrimination fondée sur quelque motif que ce soit et en tenant compte des besoins spécifiques des hommes GBTI, en coopération avec les organisations de la société civile concernées;
16.5.2. à fournir des services de soutien de qualité et adaptés à l’âge, notamment des lignes d’assistance téléphonique, des centres d’aide d’urgence pour les victimes de violences sexuelles, des soins de santé, un soutien psychosocial, une assistance juridique, des refuges, des conseils en ligne, ainsi que des consultations collectives et entre pairs;
16.5.3. à aider et assister les enfants victimes de violences sexuelles dans un environnement non traumatisant, notamment en appliquant le modèle des Barnahus;
16.5.4. à former les professionnel∙es concernés, tels que les agent·es des forces de l’ordre, les professionnel·les de santé, les éducateurs et éducatrices et les travailleuses et travailleurs sociaux, afin de les sensibiliser aux expériences et aux besoins des hommes et des garçons victimes/survivants de violences sexuelles et de prévenir la victimisation secondaire: le programme HELP (formation en droits humains pour professionnels du droit) sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels peut être un outil utile à cet égard;
16.6. en ce qui concerne la participation des hommes et des garçons victimes/survivants de violences sexuelles à l’élaboration des mesures les concernant:
16.6.1. à consulter et mettre à contribution les hommes et les garçons victimes/survivants de violences sexuelles, ainsi que les organisations qui les représentent, lors de l’élaboration de telles mesures;
16.6.2. à appliquer les «Lignes directrices destinées aux responsables politiques concernant la participation des victimes et survivant·es d’exploitation et d’abus sexuels subis dans l’enfance “Rien sur nous sans nous”», publiées par le Conseil de l’Europe, afin de favoriser la participation des victimes/survivants à l’élaboration des politiques;
16.6.3. à envisager d’adopter le modèle participatif du «conseil des survivants» afin d’impliquer les victimes/survivants de violences sexuelles dans l’élaboration des politiques et des mesures.
17. L’Assemblée invite le Comité de Lanzarote à envisager de consacrer une prochaine édition de la Journée pour la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels, qui se tient chaque année le 18 novembre, à la prévention et à la lutte contre les violences sexuelles à l’encontre des garçons dans toute leur diversité.

B. Exposé des motifs par M. Edmunds Cepurītis, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le 24 janvier 2023, l’Assemblée parlementaire a adopté la Résolution 2476 (2023) «Violences sexuelles liées aux conflits», fondée sur un rapport de Mme Petra Bayr (Autriche, SOC) pour la commission sur l’égalité et la non-discrimination. Lors des discussions tenues à cette occasion, il est clairement apparu que la violence dirigée contre les femmes et les filles dans ce contexte méritait toute l’attention, mais que la violence contre les hommes et les garçons était également un sujet de préoccupation nécessitant une attention particulière. Les membres de la commission ont ainsi appelé à un examen plus approfondi des violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons, dans toute leur diversité, soient étudiées de manière approfondie dans le but de formuler des recommandations visant à prévenir et combattre ce phénomène.
2. Selon une étude menée au niveau mondial et publiée en mai 2025 
			(2) 
			 Cagney J. et al., «<a href='https://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(25)00311-3/fulltext'>Prevalence
of sexual violence against children and age at first exposure: a
global analysis by location, age, and sex (1990–2023)</a>», The Lancet,
Volume 405, 24 mai 2025 (uniquement en
anglais)., près d’un homme sur sept (et près d’une femme sur cinq) dans le monde a subi des violences sexuelles avant l’âge de 18 ans, aucune région n’étant épargnée par ce problème omniprésent qui porte atteinte à la santé et aux droits humains des victimes. En octobre 2024, l’UNICEF a publié pour la première fois des estimations des violences sexuelles commises sur des mineurs aux niveaux mondial et régional, révélant l’ampleur de ces violations des droits humains à l’échelle mondiale et indiquant que seul un pays sur six dans le monde dispose de données nationales sur les violences sexuelles subies par les garçons 
			(3) 
			 UNICEF, «<a href='https://data.unicef.org/resources/when-numbers-demand-action/'>When
Numbers Demand Action: Confronting the global scale of sexual violence
against children</a>», New York, 9 octobre 2024 (uniquement
en anglais)..
3. À titre d’exemple, l’Irlande compte parmi les pays européens qui disposent de données sur les victimes de violences sexuelles de sexe masculin. Ainsi, selon des données de 2023 publiées par le Rape Crisis Centres (RCCs), 11 % des victimes/survivants qui se sont rendus dans des centres d’aide d’urgence pour les victimes de viols étaient des garçons et des hommes, et 96 % des auteurs de violences sexuelles étaient de sexe masculin. L’enquête sur la violence sexuelle menée en 2022 a révélé que 28 % des hommes en Irlande avaient été victimes de violences sexuelles au cours de leur vie. Il est donc essentiel d’améliorer la collecte de données sur les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons, y compris en partageant les informations sur les études pertinentes et les bonnes pratiques.
4. Étant donné que la plupart des auteurs de violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons sont également des hommes et des garçons, les mesures juridiques et politiques doivent s’attaquer à la culture de nos sociétés en matière de comportement masculin, de rôles masculins et de rapports de force, qui alimente sans aucun doute ces violences.
5. Les violences sexuelles ne sont souvent pas signalées en raison des normes sociales et de la stigmatisation qui les entourent, ainsi que des craintes des victimes pour leur sécurité, en particulier lorsque l’auteur est connu, voire est un membre du foyer. Ces facteurs se combinent pour empêcher la dénonciation des violences sexuelles subies pendant l’enfance et à l’âge adulte.
6. Dans de précédents rapports de l’Assemblée, les hommes et les garçons étaient considérés, soit comme des auteurs de violences fondées sur le genre à l’encontre des femmes, soit comme des acteurs ayant un rôle à jouer dans la prévention et la lutte contre ces violences. Dans sa Résolution 2480 (2023) «Le rôle et la responsabilité des hommes et des garçons dans l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre», l’Assemblée souligne que, même si les hommes ne sont pas tous des auteurs de violences fondées sur le genre, la majorité des auteurs sont des hommes, ce qui vaut également pour la violence à l’encontre des hommes et des garçons. En outre, les garçons commettent aussi des violences sexuelles sur d’autres garçons.
7. Dans le contexte politique actuel où les droits des femmes sont de plus en plus remis en cause, je suis conscient que le choix de ce sujet risque d’être mal interprété par certaines personnes, comme prétexte pour minimiser et saper la nécessité de continuer à lutter pour les droits des femmes et détourner l’attention de la nécessité urgente de mettre fin une fois pour toutes aux niveaux endémiques de violence fondée sur le genre à l’encontre des femmes et des filles. Cette violence, qui aboutit trop souvent à des féminicides, est une manifestation particulièrement néfaste du climat général de discrimination et d’inégalité auquel sont confrontées les femmes dans la société en général, et elle ne doit jamais être minimisée ou ignorée.
8. Je tiens donc à souligner d’emblée que le présent rapport n’établit pas de «hiérarchie des victimes» et ne compare pas les conséquences des violences sexuelles sur les femmes et sur les hommes. Il vise plutôt à examiner les spécificités des violences sexuelles commises sur les hommes et les garçons dans une diversité de contextes et d’environnements, afin de proposer les mesures nécessaires pour mieux les prévenir et les combattre, en répondant en priorité aux besoins et favorisant le rétablissement des victimes/survivants de violences sexuelles de sexe masculin.
9. Comme l’indiquent les Lignes directrices du Conseil de l’Europe sur la place des hommes et des garçons dans les politiques d’égalité de genre et les politiques pour combattre la violence à l’égard des femmes, adoptées en 2023, les mesures impliquant les hommes et les garçons devraient venir renforcer, et non remplacer, les politiques d’égalité de genre visant principalement les femmes et les filles.

2. Portée du rapport

10. L’objectif de ce rapport est d’analyser les principales dynamiques et les principaux contextes dans lesquels s’inscrivent les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons: de l’inceste à la violence intrafamiliale, en relation avec certaines activités, comme le sport, dans le cadre d’organisations religieuses, ainsi qu’à l’occasion de conflits armés. J’ai aussi eu pour intention d’adopter une perspective intersectionnelle, en examinant des domaines tels que les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons gays, bisexuels, transgenres et intersexes (GBTI), ainsi qu’à l’encontre des hommes et des garçons migrants et demandeurs d’asile.
11. Le manque de visibilité du problème dans tous les domaines de la société justifie la large portée du présent rapport. En outre, la dynamique du phénomène et la diversité des contextes dans lesquels des violences sexuelles sont exercées contre des hommes et des garçons, ainsi que les besoins spécifiques des hommes et des garçons victimes/survivants de violences sexuelles en matière de soutien et d’assistance, m’ont amené à aborder ce sujet dans le but de fournir une cartographie générale de la situation en Europe.
12. Le sujet des violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons est vaste et prend place dans de nombreux milieux de la société. Je me suis concentré sur ce que je considère comme étant les contextes et les aspects les plus importants des violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons. Par conséquent, le présent rapport ne peut être considéré comme exhaustif et j’invite mes collègues de l’Assemblée à poursuivre ces travaux et à examiner plus en détail certains aspects particuliers de ce sujet.
13. Compte tenu des nombreuses implications et ramifications, je ne suis pas en mesure de traiter les violences sexuelles en ligne à l’encontre des hommes et des garçons, qui faire l’objet d’un prochain rapport. La prolifération des images et des vidéos d’abus sexuels créées à l’aide de l’intelligence artificielle, et le nombre croissant d’enfants, en particulier de jeunes garçons, qui sont victimes d’«extorsion sexuelle» professionnelle, sont des tendances inquiétantes. En outre, la Résolution 2547 (2024) «La protection des enfants contre la violence en ligne» rejoint en tous points les objectifs du présent rapport et j’appelle à la mise en œuvre de toutes les recommandations qui concernent la violence sexuelle en ligne contre les garçons.
14. Le présent rapport utilise les termes de «violences sexuelles» et de «victime/survivant» au sens large. En ce qui concerne les violences sexuelles à l’encontre des garçons, le rapport renvoie à la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201, «Convention de Lanzarote») et aux définitions et termes utilisés dans celle-ci. Je reconnais que les termes de «victime» et de «survivant» ont des implications juridiques différentes selon les pays, et que la plupart des instruments juridiques touchant à ces questions utilisent uniquement le terme de «victime», alors que la majorité des personnes ayant subi des violences sexuelles préfèrent le terme de «survivant». J’utilise donc le terme «victime/survivant» tout au long de ce rapport, sauf lorsqu’il est fait explicitement référence à un texte juridique ou politique.

3. Méthodes de travail

15. Le présent sujet n’a pas été traité dans les travaux antérieurs de l’Assemblée et demeure, dans une certaine mesure, inexploré, non seulement à l’Assemblée, mais aussi au Conseil de l’Europe dans son ensemble. En revanche, il a fait l’objet d’études et de recherches universitaires que j’ai prises en compte.
16. Le précédent rapporteur désigné pour élaborer ce rapport, M. Fourat Ben Chickha (Belgique, SOC), a organisé en mars 2024 une audition à laquelle ont participé un expert de SurvivorsUK (qui a présenté les connaissances accumulées par SurvivorsUK au cours de ses 38 années de travail auprès d’hommes, de garçons et de personnes non binaires victimes/survivants d’abus sexuels), et une experte de Women’s Refugee Commission, qui a fourni des informations sur les violences sexuelles faites aux hommes et aux garçons dans des contextes humanitaires. J’ai, bien entendu, tenu compte des informations précieuses qu’ils ont tous deux partagées.
17. Après ma désignation en tant que rapporteur, le 3 octobre 2024, j’ai continué à rassembler des informations provenant du Conseil de l’Europe et d’autres organisations internationales, ainsi que d’organisations non gouvernementales qui travaillent sur les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons et qui viennent en aide aux survivants.
18. Le 18 mars 2025, j’ai organisé une audition avec la participation de M. Matthew McVarish, cofondateur de l’ONG Brave Movement, Mme Taina Laajasalo, enseignante-chercheuse à l’Institut finlandais pour la santé et le bien-être, M. Tom Pakkanen, psychologue légiste clinicien (professeur) au Centre de psychologie légale pour enfants et adolescents de l’hôpital universitaire d’Helsinki (en ligne), et Mme Marie Derain de Vaucresson, présidente de l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (INIRR), créée pour venir en aide aux personnes victimes de pédocriminalité dans l’Église catholique en France. Toutes ces personnes ont apporté des éclairages précieux pour le présent rapport, y compris des indications sur les mesures qui devraient être prises au niveau national. J’ai choisi d’axer cette audition sur les violences sexuelles à l’encontre des garçons étant donné que notre commission peut utilement appliquer l’angle particulier de l’égalité et de la non-discrimination à travers le prisme des droits des enfants.
19. J’ai jugé très important de recueillir des informations directement auprès des survivants de violences sexuelles, ainsi qu’auprès d’organisations de la société civile qui leur viennent en aide, dans la mesure où ils sont les mieux placés pour exprimer les demandes et besoins réels des hommes et des garçons qui ont subi des violences sexuelles. Leur expérience devrait servir de base aux mesures juridiques et aux politiques publiques aux niveaux national et européen.

4. Principales caractéristiques des violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons

20. Les hommes et les garçons qui ont subi des violences sexuelles rencontrent des difficultés spécifiques liées aux attitudes sociales et aux stéréotypes concernant leur comportement attendu et, plus généralement, la masculinité. Il semble qu’un grand nombre d’hommes et de garçons victimes/survivants de violences sexuelles ne signalent pas les faits, en raison de la stigmatisation et du manque d’information sur les possibilités d’obtenir de l’aide.
21. Afin de comprendre les risques, les vulnérabilités et les besoins d’une population hétérogène d’hommes et de garçons victimes/survivants de violences sexuelles, il est nécessaire de procéder à une analyse intersectionnelle tenant compte des identités inter-reliées que peut avoir une personne. En effet, les facteurs de diversité croisés se combinent pour augmenter le risque, pour une personne, de faire l’objet de violences sexuelles. Par exemple, les personnes en situation de handicap (incluant les déficiences psychologiques, intellectuelles, sensorielles et physiques) et les hommes et les garçons GBTI sont particulièrement exposés au risque de violences sexuelles.
22. Les problèmes psychologiques et la dépression sont malheureusement fréquents chez les survivants de violences sexuelles, le taux de suicide chez ces personnes étant bien plus élevé que chez les autres personnes de sexe masculin. La violence sexuelle à l’âge adulte est un facteur de risque de maladie mentale, de tentatives de suicide et de problèmes d’addiction 
			(4) 
			 Carlsson
A. C., Owen U., Rajan G., «<a href='https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC9719029/'>Sexual
violence, mental health, and suicidality—Results from a survey in cooperation
with idea-driven organizations and their social media platform followers</a>»,Health Science Reports, 2 décembre
2022 (uniquement en anglais)..
23. En janvier 2023, l’Assemblée a adopté la Résolution 2480 (2023) «Le rôle et la responsabilité des hommes et des garçons dans l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le genre», sur la base d’un rapport de Mme Petra Stienen (Pays-Bas, ADLE) 
			(5) 
			 «Le
rôle et la responsabilité des hommes et des garçons dans l’élimination
de la violence à l’égard des femmes et des filles fondée sur le
genre», <a href='https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwjr9PaDjrCPAxXi8bsIHZBVIWIQFnoECB8QAQ&url=https%3A%2F%2Frm.coe.int%2Fle-role-et-la-responsabilite-des-hommes-et-des-garcons-dans-l-eliminat%2F1680a93c0c&usg=AOvVaw3waGhr4wW_iclSBVq5Tivp&opi=89978449'>Doc. 15678</a>.. Le rapport examine en détail les différentes formes de masculinité et leurs conséquences pour la société. Il mentionne notamment la Recommandation générale n° 35 du Comité des Nations Unies sur la violence à l’égard des femmes, selon laquelle «la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre se fonde sur des critères liés au genre tels que l’idéologie qui accorde aux hommes des droits et des privilèges au détriment des femmes, les normes sociales définissant la masculinité, et le besoin de l’homme d’affirmer son contrôle ou son pouvoir, de mettre en place des rôles liés au genre, ou de prévenir, décourager ou punir ce qui est considéré comme un comportement inacceptable de la part d’une femme». Lorsque l’on étudie la violence sexuelle à l’encontre des hommes et des garçons, il apparaît clairement qu’elle a les mêmes causes profondes que la violence sexuelle faite aux femmes et aux filles, à savoir les valeurs patriarcales.
24. Le rapport de Petra Stienen mentionne des recherches menées par des universitaires, dont le professeur Erik Melander, qui décrit les masculinités néfastes comme le résultat de «valeurs patriarcales» combinées à la «dureté masculine», conduisant les hommes à penser qu’ils doivent faire preuve de force et qu’ils ne doivent montrer ni faiblesse ni émotions. Ces deux éléments forment l’«idéologie de l’honneur masculin», c’est-à-dire la croyance que certains comportements sont acceptables pour les hommes, mais pas pour les femmes, et inversement. Ces concepts sous-jacents à la masculinité peuvent expliquer les problèmes de sous-signalement et de stigmatisation liés aux cas des violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons.
25. Ces stéréotypes de genre laissent entendre que les hommes et les garçons ne peuvent pas être des victimes, mais seulement des auteurs de violences. C’est pourquoi ils ne peuvent pas se considérer eux-mêmes comme des victimes potentielles de violence sexuelle ou comme des cibles potentielles pour les auteurs de tels actes. La violence sexuelle à l’encontre des hommes semble donc être en contradiction avec l’idée générale que la société se fait de la masculinité. Les victimes/survivants sont considérés comme étant faibles et sans défense, alors que les hommes sont supposés être forts et puissants. La masculinité et le statut de victime semblent dès lors incompatibles. Ces stéréotypes de genre et ces conceptions de la masculinité renforcent ce que l’on appelle communément les «mythes du viol».
26. Les hommes qui commettent des agressions sexuelles contre d’autres hommes ou contre des garçons cherchent à imposer leur masculinité et à affaiblir celle de leur victime. Il est à noter que les hommes victimes/survivants de violences sexuelles sont souvent féminisés par les auteurs de violences et par la société et accusés d’avoir provoqué l’agression par leur comportement sexuel «efféminé». Imposer cette forme de masculinité a d’autres conséquences, comme la stigmatisation des victimes de violences sexuelles et le renforcement des représentations confinant les hommes et les femmes dans des rôles traditionnels selon lesquels l’homme est l’agresseur et la femme, la victime.
27. Des études, incluant des témoignages de survivants, montrent que les hommes victimes de violences sexuelles sont confrontés à un ensemble de représentations culturelles stigmatisantes qui contribuent à créer chez eux un sentiment de honte spécifique; ces personnes peuvent aussi ressentir une grande culpabilité après avoir été agressées sexuellement. Puisqu’il est socialement admis que les hommes désirent avoir des rapports sexuels, ils peuvent éprouver des sentiments contradictoires lorsqu’ils font l’expérience d’une expérience sexuelle non désirée 
			(6) 
			 Caballero
L., Konopa R. et Whittenburg, P. «<a href='https://www.depts.ttu.edu/rise/Blog/manup.php'>Man Up:
How the Stigma of Masculinity Can Hurt Male Survivors</a>», RISE Blog, Texas
Tech University, 14 avril 2022 (uniquement
en anglais).. L’ensemble de ces éléments entretiennent l’idée que les hommes sont par nature davantage tournés vers la sexualité que les femmes et qu’il est peu probable qu’un homme fasse l’objet d’une agression sexuelle. Par conséquent, aux yeux de certains, il est quasiment inconcevable qu’un homme soit victime de violences sexuelles parce que cela contredit la représentation traditionnelle qui associe la sexualité masculine à la domination, à l’agressivité et au désir, et la sexualité féminine à la passivité, à la vulnérabilité et à la soumission 
			(7) 
			 Hlavka H., «<a href='https://www.researchgate.net/publication/303831785_Speaking_of_Stigma_and_the_Silence_of_Shame_Young_Men_and_Sexual_Victimization'>Speaking
of Stigma and the Silence of Shame: Young Men and Sexual Victimization</a>», Men and Masculinities,
Volume 20(4), 2017 (uniquement en anglais)..
28. Les mythes selon lesquels les hommes sont toujours les agresseurs sexuels et acceptent toujours les rapports sexuels rendent la victime masculine illégitime ou tout simplement invisible. Le fait que victimisation masculine soit perçue comme anormale ou anodine décourage les hommes et les garçons de dénoncer les agressions sexuelles, ce qui entraîne un sous-signalement important et empêche de rassembler des données sur les agressions sexuelles contre les hommes et les garçons. Le sous-signalement et le manque de données ont aussi des conséquences sur la conception et la mise en place de services adaptés pour les hommes et les garçons ayant subi des violences sexuelles.
29. Nombreux sont les hommes et les garçons qui ne dénoncent pas le viol par crainte d’être ridiculisés pour leur faiblesse ou d’être qualifiés d’homosexuels. Ce dernier point est lié à l’homophobie sociale qui doit être combattue afin d’améliorer les mesures de signalement, de sensibilisation et de prévention. Ces attitudes et les mythes entourant le viol contribuent à justifier les discours qui rejettent la responsabilité sur les victimes, réfutant leur statut de victimes et occultant les terribles conséquences qu’elles subissent, notamment la honte, la stigmatisation, la dépression, l’anxiété, la toxicomanie et le suicide. Les conséquences émotionnelles de ce qu’elles ont vécu, associées à la stigmatisation qui en découle, sont très profondes: des troubles tels que le stress post-traumatique et le syndrome de traumatisme lié au viol ont été observés 
			(8) 
			 Kopel J. et Thomas
J.C., «<a href='https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC10135558/'>Male
Victims of Sexual Assault: A Review of the Literature</a>», Behavioral Sciences, (Basel).
Volume 13(4), 13 avril 2023 (uniquement
en anglais)..
30. Dans une étude basée sur les témoignages directs de victimes/survivants de violences sexuelles, des groupes de discussion ont identifié l’influence des rôles de genre traditionnels sur la réticence des hommes à révéler qu’ils ont subi des violences sexuelles et à demander de l’aide, en particulier chez les hommes homosexuels, qui sont confrontés à une double stigmatisation (intersectionnelle): en tant qu’hommes et garçons victimes/survivants et en tant que membres de groupes ou de communautés de minorités sexuelles 
			(9) 
			 Donne, M.D. et al,
«<a href='https://journals.sagepub.com/doi/10.1177/1557988317740665'>Barriers
to and Facilitators of Help-Seeking Behavior Among Men Who Experience
Sexual Violence</a>», American Journal of Men’s
Health, Volume 12(2), 2018 (uniquement
en anglais)..
31. Les études montrent que les victimes/survivants de violences sexuelles font l’objet d’une féminisation dégradante 
			(10) 
			 Du Toit L. et Le Roux
E., <a href='https://www.researchgate.net/publication/339159466_A_feminist_reflection_on_male_victims_of_conflict-related_sexual_violence'>«A
feminist reflection on male victims of conflict-related sexual violence</a>», European Journal of Women’s
Studies. Volume 28(1), février 2020 (uniquement en anglais).. Ce phénomène, dit de «féminisation» ou d’«émasculation», trouve son origine dans les stéréotypes traditionnels liés au genre. Dans leur grande majorité, les études sur les violences sexuelles contre les hommes montrent que l’émasculation des survivants est à la fois une motivation et une conséquence majeure de cette violence 
			(11) 
			 Schulz P., «<a href='https://blogs.lse.ac.uk/wps/2018/10/26/male-survivors-are-not-emasculated-but-experience-displacement-from-gendered-personhood/'>Male
survivors are not ‘emasculated’ but experience ‘displacement from
gendered personhood’</a>». LSE Women, Peace
and Security blog, 26 octobre 2018 (uniquement
en anglais)..
32. L’émasculation repose sur l’idée selon laquelle les hommes victimes de violences sexuelles ne sont pas de «vrais hommes», car de «vrais hommes» n’auraient pas laissé une telle chose leur arriver. Le viol peut avoir pour but d’abaisser le statut social de l’homme qui en est victime en le réduisant à un «homme féminisé». Indépendamment du genre réel de l’auteur ou de la victime, la caractéristique de la masculinité est systématiquement attribuée à l’auteur et celle de la féminité, à la victime. Le viol et d’autres formes de violence sexuelle ont été décrits comme des infractions de «genrisation», ce qui signifie qu’ils ont le potentiel de féminiser leurs victimes 
			(12) 
			 Mulder E., Pemberton
A. et Vingerhoets, A.J.J.M., «<a href='https://link.springer.com/article/10.1007/s11199-019-01036-w'>The
Feminizing Effect of Sexual Violence in Third-Party Perceptions
of Male and Female Victims</a>», Sex Roles, Volume
82. pp. 13-27, 27 mars 2019 (uniquement
en anglais)..
33. Les normes de genre traditionnelles encouragent les hommes à paraître forts et peu émotifs, ce qui les rend moins aptes à révéler avoir subi des violences sexuelles et à surmonter ces expériences. Ces normes entravent aussi l’accès aux services d’aide aux victimes de violences sexuelles. Je suis convaincu que le désapprentissage des masculinités néfastes est la voie à suivre pour instaurer une culture dans laquelle les victimes/survivants de violences sexuelles sont crus et soutenus.
34. J’ai appris d’un survivant lui-même, qui m’a fait part de son expérience personnelle lors de notre audition tenue en mars 2025, combien les victimes/survivants masculins de violences sexuelles sont stigmatisés dans certains pays en raison de la croyance selon laquelle la violence sexuelle fait d’un homme hétérosexuel un gay – ce qui l’a conduit à subir des agressions homophobes. De telles attitudes ne font que renforcer la stigmatisation, la peur et le sous-signalement des violences sexuelles par les hommes et les garçons victimes/survivants.

5. Cartographie des violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons: un aperçu des principaux contextes dans lesquels elles sont exercées

35. Le rapport explicatif de la Convention de Lanzarote reconnaissait déjà que la majorité des abus sexuels sur les enfants étaient commis «dans le cadre familial, par des proches ou par des personnes appartenant à l’environnement social de l’enfant» (paragraphes 48 et 123-125). Le Comité de Lanzarote, chargé de veiller à la mise en œuvre de la Convention de Lanzarote, a par conséquent décidé d’axer son premier cycle de suivi sur «la protection des enfants contre les abus sexuels commis dans le cercle de confiance».
36. Le premier rapport de mise en œuvre établi par le Comité de Lanzarote publié en 2015 et couvrant 26 pays, a indiqué qu’une majorité des Parties protégeaient les enfants des abus sexuels commis dans le cadre de certaines relations ou dans certaines structures (par exemple, au sein de la famille, à l’école ou en institution). Cependant, le Comité de Lanzarote a regretté que la plupart des Parties ne couvraient pas toutes les personnes de l’entourage proche de l’enfant qui étaient susceptibles d’abuser de leur position de confiance, d’autorité ou d’influence (par exemple, un ami ou un collègue de travail d’un parent, des amis des frères ou sœurs aînés, un voisin, etc.). Année après année, le Comité de Lanzarote a appelé les Parties à accorder une attention particulière aux mesures et procédures appliquées pendant les enquêtes et les procédures pénales, afin de ne pas aggraver le traumatisme subi par les enfants victimes d’abus sexuels dans leur cercle de confiance.
37. Un nouveau rapport de mise en œuvre, intitulé «La protection des enfants contre les abus sexuels commis dans le cercle de confiance: les cadres juridiques», a été adopté en juillet 2025, sur la base des informations soumises par les Parties.
38. En réponse à l’ampleur du phénomène des violences sexuelles à l’encontre des enfants commises au sein de la famille et par des personnes du cercle de confiance, on peut citer l’initiative prise par le Gouvernement français de lancer, en janvier 2021, une Commission Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (CIIVISE). La commission a recueilli quelque 30 000 témoignages de victimes et son rapport final, publié en novembre 2023, contient 82 recommandations adressées au gouvernement. Selon ce rapport, 160 000 enfants sont victimes de violences sexuelles chaque année en France, et 5,4 millions de femmes et d’hommes adultes en ont été victimes dans leur enfance. Le rapport précise que, d’après les estimations, l’impunité des agresseurs et l’absence de soutien social apporté aux victimes coûtent 9,7 milliards d’euros chaque année en dépenses publiques, et que les deux tiers de ce coût résultent des conséquences des violences sexuelles sur la santé des victimes.
39. En outre, je tiens à rappeler la Résolution 2533 (2024) «Maltraitance des enfants dans les institutions en Europe», qui devrait être pleinement appliquée en ce qui concerne les violences sexuelles faites aux enfants dans les institutions.

5.1. Les violences sexuelles à l’encontre des garçons et des hommes dans les contextes religieux

40. Ces dernières années, les révélations et les enquêtes sur des allégations de violences sexuelles commises par des prêtres ou des responsables religieux à l’encontre d’hommes et de garçons, en particulier au sein de l’Église catholique, ont été de plus en plus mises en lumière dans toute l’Europe, avec différents niveaux d’engagement au sein du clergé pour lever le voile sur l’étendue de ces violences, offrir réparation aux victimes/survivants et mettre en place des mesures de prévention pour l’avenir.
41. En novembre 2018, la Conférence des évêques de France a créé une Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE). La CIASE a publié son rapport en octobre 2021, estimant à 330 000 le nombre de personnes ayant subi des abus sexuels commis par des membres du clergé ou par d’autres personnes en lien avec l’Église en France entre 1950 et 2020. Le rapport conclut que 80 % des victimes étaient des enfants lorsque les abus ont eu lieu et que la grande majorité d’entre elles étaient des garçons âgés de 10 à 13 ans. Ce rapport souligne également la forte prévalence des violences sexuelles au sein de l’Église catholique, après celles commises au sein des cercles familial et amical 
			(13) 
			 Le <a href='https://www.ciase.fr/medias/Ciase-Rapport-5-octobre-2021-Les-violences-sexuelles-dans-l-Eglise-catholique-France-1950-2020.pdf'>Rapport
de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église</a> catholique est disponible en anglais et en français.. Le rapport de la CIASE a donné lieu à la création de deux organes: la Commission Reconnaissance et Réparation et l’Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (INIRR), chargées d’accompagner les victimes de violences sexuelles au sein de l’Église catholique dans le processus de réparation. Quoique jugés insuffisants par nombre de victimes/survivants, ces mécanismes représentent toutefois une reconnaissance officielle des préjudices causés et marquent ainsi un tournant dans la façon dont les violences sexuelles dans l’Église catholique sont traitées en France.
42. Lors de l’audition tenue par la commission le 18 mars 2025, la Présidente de l’INIRR a expliqué que l’instance nationale avait été créée en tant qu’institution indépendante par la Conférence des évêques de France afin de traiter les cas de violences sexuelles au sein de l’Église catholique ayant eu lieu pendant l’enfance de personnes aujourd’hui adultes qui ne pouvaient plus saisir la justice en raison des délais de prescription. L’INIRR applique une approche de justice restaurative et a défini un certain nombre de critères pour évaluer le préjudice et déterminer le montant de l’indemnisation financière en fonction de la gravité des violences sexuelles, des lacunes dans la prévention de ces violences et dans la réparation des cas individuels, de la gravité des conséquences sur la vie scolaire et professionnelle des victimes, et des répercussions sur leur vie sociale et leur santé, y compris mentale. En 2024, l’INIRR a traité 213 demandes de réparation et d’indemnisation.
43. Des enquêtes sur les violences sexuelles commises par le clergé de l’Église catholique ont aussi été menées dans d’autres pays, comme en Espagne 
			(14) 
			 En
octobre 2023, le Défenseur du peuple espagnol (Defensor del Pueblo)
a publié un <a href='https://www.defensordelpueblo.es/en/publications/report-sexual-abuse-within-catholic-church-role-public-authorities/'>rapport
sur les abus sexuels dans l’Église catholique et le rôle des pouvoirs
publics</a> (un résumé est disponible <a href='https://www.defensordelpueblo.es/en/publications/report-sexual-abuse-within-catholic-church-role-public-authorities/'>en
anglais</a> et en espagnol). Il a exhorté l’État et l’Église catholique
à travailler ensemble pour indemniser les personnes victimes d’abus
sexuels, mais la hiérarchie de l’Église s’y refuse à ce jour.. En Italie, une enquête menée dans le diocèse de Bolzano-Bressanone a mis au jour 60 cas d’agressions sexuelles commises par des prêtres depuis 1964. Elle a donné lieu à la première étude indépendante sur les abus dans l’Église italienne, publiée en janvier 2025 
			(15) 
			 Auparavant, la collecte
de données était assurée par la seule association engagée sur ces
questions: le réseau contre les abus (<a href='https://retelabuso.org/'>Rete l’Abuso</a>), qui a publié en 2023 un rapport complet faisant état
de plus de 400 cas sur une période de 13 ans.. En février 2025, un groupe de soutien aux familles des victimes/survivants de violences sexuelles commises par des membres du clergé a été créé, une première en Italie 
			(16) 
			 Voir
les <a href='https://www.france24.com/en/live-news/20250207-italy-church-abuse-group-highlights-toll-on-families'>actualités
en ligne de France 24</a> du 7 février 2025..
44. En Belgique, l’«Opération calice» a été close en février 2025 (après 15 ans d’enquête, qui a porté sur 68 auteurs présumés) par la décision de ne pas engager de poursuites pénales. En janvier 2024, l’Église évangélique d’Allemagne a publié une étude révélant qu’au moins 9 355 enfants et adolescent·es avaient été victimes de violences sexuelles au sein de l’Église protestante et de ses services diaconaux depuis 1946. L’étude a identifié 1 259 auteurs de violences, dont 511 membres du clergé, et 2 174 victimes/survivants (dont près de 65 % étaient des garçons).

5.2. Les violences sexuelles à l’encontre des garçons et des hommes dans le domaine du sport

45. La violence sexuelle dans le sport reste taboue et difficile à étudier. Il convient de prêter attention à la violence sexuelle à l’encontre des hommes et des garçons dans les contextes sportifs, notamment à la manière dont cette violence est influencée par des facteurs socio-économiques, culturels et sportifs 
			(17) 
			 Bjørnseth
I. et Szabo, A., «<a href='https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/10538712.2018.1477222'>Sexual
Violence Against Children in Sports and Exercise: A Systematic Literature Review</a>», Journal of Child Sexual
Abuse, Volume 27(4). pp. 365-385, 2018. Hartill M. et
al, “Prevalence of interpersonal violence against children in sport
in six European countries”, Journal of
Child Abuse & Neglect, 146 (2023) 106513 (uniquement en anglais).. Une approche pluridimensionnelle et intégrée est nécessaire pour lutter contre cette violence. Cette approche doit être porteuse d’un changement culturel au sein des organisations sportives et chez les personnes concernées. Il est essentiel de disposer d’outils efficaces et concrets et de financer des activités dans ce domaine afin de sensibiliser et d’informer les victimes potentielles, de gérer les cas, de protéger les victimes/survivants, et de faire évoluer la culture sous-tendant les activités, les organisations et les institutions sportives.
46. La Charte européenne du sport dispose que l’approche relative à la diligence raisonnable en matière de droits humains dans le sport requiert le respect des droits humains des personnes qui participent à des activités liées au sport. Cela suppose d’«appliquer une politique de tolérance zéro face à la violence et à toutes les formes de discrimination, en accordant une attention particulière aux personnes et aux groupes en situation de vulnérabilité, comme les enfants, les migrants et les personnes handicapées» (Article 6.2.d). En outre, la Charte européenne du sport traite de l’intégrité du sport et de la nécessité pour toutes les parties prenantes du secteur sportif de s’engager à «protéger toutes les personnes, notamment les jeunes, contre la violence, le harcèlement et les abus» (article 8.1.a).
47. Depuis 2018, le Conseil de l’Europe mène le projet Donnons de la voix (Start to Talk), qui appelle les pouvoirs publics et le mouvement sportif (à savoir les clubs, les associations et organisations sportives, ainsi que les sportifs et sportives et les entraîneurs et entraîneuses) à mettre fin aux abus sur les enfants 
			(18) 
			 Voir le clip vidéo
et le spot télévisé de «Donnons de la voix» sur les abus sexuels
dans le sport, en anglais avec sous-titres.. Le projet vise à protéger les enfants dans le sport par l’élimination de toutes les formes d’abus et de violence à leur encontre, en fournissant aux pouvoirs publics et aux organisations sportives une assistance technique, des ressources et des matériels 
			(19) 
			 Une <a href='https://rm.coe.int/61-compendium-of-resources-on-safe-sport/1680b2ac47'>compilation
de ressources sur un sport sûr</a> est également disponible en ligne – en anglais uniquement.
Voir aussi l’<a href='https://www.coe.int/fr/web/sport/self-assessment-tool'>outil
d’auto-évaluation</a> pour les pouvoirs publics et des organisations sportives
pour évaluer leur capacité à créer des environnements sûrs pour
les enfants. . Ces ressources et matériels comprennent des outils pour élaborer et mettre en œuvre des politiques de protection des enfants, des formations tenant compte des traumatismes pour les expert∙es et les professionnel·les du sport, ainsi que des campagnes de sensibilisation.
48. Un kit de formation pour prévenir les éventuelles situations de violence sexuelle à l’encontre d’enfants et de jeunes dans le sport et savoir y réagir a été conçu en 2018 dans le cadre du projet conjoint Union européenne/Conseil de l’Europe, Mettre fin au harcèlement et à l’abus sexuel des enfants dans le sport. Le kit de formation fournit des informations pour aider les formateurs et formatrices, les moniteurs et monitrices, les entraîneurs et entraîneuses, les dirigeant·es sportifs et les enseignant·es d’éducation physique à prévenir les situations de violence sexuelle dans le sport et à y réagir, et il est actuellement mis à jour par un groupe d’expert∙es internationaux sur la sécurité dans le sport.
49. En juillet 2025, le Comité de direction de l’Accord partiel élargi sur le sport (APES) a adopté les Lignes directrices pour un recrutement plus sûr dans le sport, qui vise à assurer une sélection, dans le respect des droits humains, des professionnel·les et des bénévoles qui sont en contact avec des enfants à l’occasion d’activités sportives.
50. Je soutiens pleinement la Résolution 2607 (2025) de l’Assemblée «La protection des droits humains dans et par le sport: obligations et responsabilités partagées» et l’appel à l’action lancé par le rapporteur, M. Kim Valentin (Danemark, ADLE), à lutter contre les abus et la violence dans le sport.

5.3. Les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons en situation de migration

51. Des études montrent que dans le contexte de la migration, les violences sexuelles ne sont pas rares parmi les hommes et garçons migrants, demandeurs d’asile et réfugiés. Les garçons et les jeunes hommes réfugiés sont particulièrement exposés aux violences sexuelles commises par des garçons plus âgés ou par des hommes appartenant à leur propre communauté ou à la communauté d’accueil.
52. Cependant, il y a un manque d’études de victimisation concernant les hommes et garçons migrants. Des travaux récemment menés concernant les hommes migrants qui ont été témoins et survivants de violences sexuelles en Europe 
			(20) 
			 Linthout
L. et al., «<a href='https://globalizationandhealth.biomedcentral.com/articles/10.1186/s12992-025-01131-6'>Lived
experiences of migrant men witnessing and surviving sexual violence
in European transit spaces</a>». Globalization and Health,
21, 38, 1 juillet 2025 (uniquement en
anglais). attirent l’attention sur la nécessité de mettre en place des voies de migration légales sûres, de sensibiliser davantage à la vulnérabilité des hommes migrants face aux violences sexuelles et d’améliorer la formation et la sélection des professionnel·les et des bénévoles travaillant dans ce domaine.
53. Les personnes migrantes courent également un risque accru de subir des violences sexuelles dans les centres de rétention des services d’immigration et lorsqu’elles sont sans abri. Le risque est encore plus élevé pour les hommes et les garçons GBTI.
54. Le Comité de Lanzarote a insisté sur la nécessité de protéger les enfants migrants et réfugiés contre l’exploitation sexuelle et les abus sexuels. Dans une Déclaration adoptée en 2018, les Parties à la Convention ont reconnu que les enfants réfugiés et migrants, et surtout les enfants non accompagnés et séparés, étaient extrêmement vulnérables et réclamaient donc une protection et des soins supplémentaires pour la sauvegarde de leurs droits et de leur intérêt supérieur. Le Comité de Lanzarote a appelé les Parties à respecter les droits et l’intérêt supérieur de l’enfant en toutes circonstances, indépendamment de son statut migratoire. Un appel qui reste tout à fait d’actualité.

5.4. Les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons gays, bisexuels, transgenres et intersexes

55. Selon les données disponibles, les hommes GBTI subissent davantage de violences sexuelles que la population masculine générale (notant qu’en ce qui concerne l’Europe, l’essentiel des données disponibles sur les violences sexuelles à l’encontre des hommes GBTI provient du Royaume-Uni). Dans une enquête menée en 2021 par SurvivorsUK, 45 % des hommes gays et bisexuels avaient été victimes d’agressions sexuelles, et 85 % d’entre eux ne l’avaient jamais signalé à la police 
			(21) 
			 Thomson
S. et Beresford M., «<a href='https://www.survivorsuk.org/wp-content/uploads/2021/07/Silenced-Survivors-A-report-by-SurvivorsUK-.pdf'>Silenced
Survivors – Understanding gay and bisexual men’s experience with
sexual violence and support services in the UK</a>», SurvivorsUK, 2021 (uniquement
en anglais).. Cette situation s’explique par un certain nombre de facteurs, notamment les sentiments anti-GBTI de nature structurelle, la pression sexuelle, une culture du consentement peu développée et la tendance systémique à faire le silence autour de cette violence 
			(22) 
			 Communication
reçue de ILGA Europe sur les violences sexuelles à l’encontre des
hommes GBTI, en mars 2025.. En outre, la méfiance à l’encontre des forces de l’ordre, l’attitude dédaigneuse ou homophobe des autorités et la discrimination institutionnelle dissuadent également les victimes/survivants de signaler les faits 
			(23) 
			 Communication reçue
de ACCEPT Roumanie, en mars 2025.. Il est par conséquent essentiel de s’occuper des violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons ayant diverses orientations sexuelles, identités et expressions de genre et caractéristiques sexuelles.
56. L’enquête LGBTIQ III, menée en 2023 par l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne et publiée en mai 2024 
			(24) 
			 Cette troisième édition
de l’enquête sur les personnes LGBTIQ fournit des informations actualisées
sur la vie des personnes LGBTIQ dans les 27 États membres de l’Union
européenne et les pays candidats, à savoir l’Albanie, la Macédoine
du Nord et la Serbie. Pour cette dernière enquête, le nombre de
répondants intersexes a considérablement augmenté. Elle a également
montré que les personnes intersexes étaient confrontées à des niveaux
de violence alarmants dans leur vie quotidienne., fournit peu de données sur les violences sexuelles à l’encontre des hommes GBTI. Dans cette enquête, il était demandé si des violences avaient été subies au cours de l’année précédente, et quel type de violences (physique, physique et sexuelle, ou sexuelle). Parmi les hommes de toute orientation sexuelle ou caractéristique sexuelle, environ 1 % ont déclaré avoir subi des violences à caractère sexuel (soit physiques et sexuelles, soit sexuelles), contre 3 % des hommes transgenres (de toute orientation sexuelle ou caractéristique sexuelle) et près de 4 % des hommes transgenres homosexuels.
57. Il existe très peu de données sur les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons intersexes et transgenres. L’enquête LGBTIQ III précitée a révélé que parmi tous les répondants intersexes (c’est-à-dire pas uniquement les hommes), près de 5 % avaient subi une agression à caractère sexuel au cours de l’année précédente. Si le nombre de répondants intersexes ayant participé à cette enquête a considérablement augmenté, elle a également montré que les personnes intersexes étaient confrontées à des niveaux de violence alarmants dans leur vie quotidienne.
58. En outre, les hommes et les garçons intersexes peuvent subir des violences sexuelles sous la forme d’interventions médicales non nécessaires et non consenties liées aux variations de leurs caractéristiques sexuelles 
			(25) 
			 L’Allemagne,
l’Espagne, la Grèce, l’Islande, Malte et le Portugal limitent les
traitements et interventions chirurgicaux/médicaux sur les personnes
intersexes sans leur consentement.. Dans sa Recommandation de politique générale no 17 sur la prévention et la lutte contre l’intolérance et la discrimination envers les personnes LGBTI publiée en septembre 2023, la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) a relevé que les personnes intersexes étaient encore fréquemment confrontées à la discrimination et aux abus, voire à des violences, en raison de leurs caractéristiques sexuelles. Un projet de recommandation du Comité des Ministres sur l’égalité des droits des personnes intersexes devrait être adopté avant la fin de 2025.
59. Il existe très peu d’études sur les hommes transgenres, mais une étude menée en 2022 au Royaume‑Uni par l’organisation Galop a révélé que, parmi les hommes transgenres ayant subi des violences sexuelles, 35 % ont indiqué que ces violences avaient été commises dans l’intention de les soumettre à des pratiques de conversion. J’attends avec intérêt le rapport intitulé «Pour une interdiction des ‘thérapies de conversion’», en cours d’élaboration par Mme Kate Osborne (Royaume-Uni, SOC). Dans le contexte de ce rapport, je demande l’interdiction de ces pratiques dans nos États membres, dans la mesure où elles peuvent constituer une violence sexuelle.
60. En ce qui concerne les lois et les politiques visant à prévenir et à combattre la violence fondée sur le genre à l’encontre des hommes GBTI, certains pays intègrent ces mesures dans leurs stratégies nationales en faveur de l’égalité des personnes LGBTI (Allemagne, Pays-Bas), tandis que d’autres intègrent les questions liées aux personnes LGBTI dans leurs stratégies nationales de lutte contre la violence fondée sur le genre (Irlande). Dans les deux cas, le fait de mentionner explicitement la violence fondée sur le genre dans une stratégie nationale, y compris la violence sexuelle à l’encontre des personnes LGBTI donne de la visibilité à cette question et constitue une approche politique inclusive.
61. Une initiative prometteuse a été prise par le ministère allemand de l’Intérieur, qui a créé un groupe de travail sur la lutte contre la violence homophobe et transphobe, avec la participation des Länder allemands et de la société civile. En 2023, ce groupe de travail a proposé 22 mesures visant à accroître le signalement des infractions motivées par la haine, y compris de violence, telles que des mesures visant à protéger l’adresse des personnes qui signalent ces infractions et l’abaissement du seuil permettant de déclencher un signalement en ligne.
62. Enfin, le Comité de Lanzarote a recommandé aux États de veiller à ce que tous les enfants soient protégés de manière égale contre la violence sexuelle, sans discrimination fondée sur leur sexe ou leur orientation sexuelle, en évitant la stigmatisation des activités sexuelles fondée sur l’orientation sexuelle et en garantissant des sanctions égales, indépendamment du sexe ou du genre de la victime ou de l’auteur.

5.5. Les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons dans les situations de conflit

63. Les violences sexuelles, dont le viol, sont interdites par le droit international des droits humains et le droit international humanitaire. Elles peuvent aussi constituer des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes de génocide en droit pénal international. Des interventions centrées sur les survivants et fondées sur des connaissances validées doivent être menées à titre préventif et après que des violences ont été commises afin de répondre aux besoins de protection des hommes et des garçons victimes/survivants des violences sexuelles dans le cadre de conflits.
64. Le Conseil de sécurité de l’ONU a ouvert la voie à une évolution des conceptions traditionnelles de la masculinité avec sa Résolution 2467 (2019), dans laquelle il a insisté sur la nécessité de renforcer l’accès à la justice ainsi que la lutte contre l’impunité, et a appelé à appliquer une approche centrée sur les survivants pour prévenir et combattre les violences sexuelles dans les situations de conflit. La résolution exhorte les États membres «à protéger les victimes masculines, hommes et garçons, et à donner plus d’effet aux politiques qui offrent une aide appropriée aux rescapés de sexe masculin et remettent en question les préjugés culturels d’invulnérabilité masculine face à de telles formes de violence» (paragraphe 32). L’Assemblée devrait suivre cette résolution et appeler les États membres du Conseil de l’Europe à prendre des mesures pour s’affranchir des rôles traditionnellement attribués aux hommes et aux femmes.
65. L’impact des violences sexuelles liées aux conflits sur les hommes et les garçons est de plus en plus reconnu. Ces violences se produisent dans des lieux très variés, dont les camps militaires, les postes de contrôle, les commissariats de police, les prisons et d’autres lieux de détention. En décembre 2019, l’ONG All Survivors Project a publié une Liste de vérification pour prévenir et lutter contre les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons dans les situations de conflit, afin de soutenir les efforts nationaux visant à garantir que les hommes et les garçons soient protégés contre les violences sexuelles liées aux conflits dans la loi et dans la pratique; que les politiques nationales et autres mesures répondent aux risques et aux vulnérabilités de toutes les personnes; et que toutes les victimes/survivants aient accès, sans aucune discrimination, à la justice, y compris à des réparations, ainsi qu’à des soins médicaux, et à un soutien psychologique et psychosocial de qualité, centrés sur les survivants, et à d’autres formes d’assistance.
66. Les violences sexuelles liées aux conflits à l’encontre des hommes et des garçons sont aujourd’hui une réalité dans la guerre d’agression contre l’Ukraine et dans les territoires occupés, notamment lorsqu’ils sont détenus en captivité 
			(26) 
			 Depuis le 24 février 2022,
le Haut-Commissariat aux droits de l’homme a recensé 484 cas de
violences sexuelles liées au conflit perpétrées par les autorités
russes contre des civils et des prisonniers de guerre, dont 350 hommes
et 2 garçons. Source: «<a href='https://ukraine.ohchr.org/en/Report-on-the-Human-Rights-Situation-in-Ukraine-1-December-2024-31-May-2025'>Report
on the Human Rights Situation in Ukraine, 1 December 2024 – 31 May
2025</a>», 30 juin 2025 (uniquement
en anglais).. Il semblerait que la violence sexuelle soit utilisée de manière systématique et délibérée comme une forme de torture, dans le but de punir et d’humilier 
			(27) 
			«<a href='https://search.coe.int/cm'>Situation des droits humains
dans les territoires de l’Ukraine temporairement contrôlés ou occupés
par la Fédération de Russie</a>», SG/Inf(2025)24, 30 juin 2025.. L’ampleur réelle de cette violence est considérée comme beaucoup plus importante en raison du sous-signalement, de la stigmatisation et des obstacles à l’accès à l’aide dans les territoires occupés ou de première ligne. Dans son arrêt rendu en Grande Chambre le 3 juillet 2025 (Ukraine et Pays-Bas c. Russie), la Cour européenne des droits de l'homme a constaté que «des éléments de preuve attestent que les séparatistes armés et les troupes russes ont largement et systématiquement fait usage de la violence sexuelle contre des hommes et des femmes, jeunes et moins jeunes». La Cour a en outre souligné «les terribles violences sexuelles fréquemment commises sur des détenus de sexe masculin […] souvent pratiquées pour attaquer et détruire leur masculinité ou leur virilité».
67. Le 10 mars 2022, le Comité de Lanzarote a adopté une Déclaration sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels suite à l’agression militaire de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Elle appelait les États parties à agir contre le risque d’exposition à l’exploitation et aux abus sexuels spécifiques aux enfants migrants et réfugiés, en tenant compte de la vulnérabilité accrue engendrée par des facteurs tels que la privation de liberté, la séparation de leur famille, un accueil et des soins inadaptés et l’absence de systèmes de tutelle efficaces. En septembre 2023, le Comité de Lanzarote s’est déclaré préoccupé par le fait que les enfants ukrainiens ayant été illégalement transférés ou déportés vers la Fédération de Russie ou vers les zones temporairement contrôlées ou occupées par la Fédération de Russie pouvaient être exposés à des risques d’exploitation et d’abus sexuels.
68. Le Groupe consultatif du Conseil de l’Europe sur les enfants d’Ukraine a été créé en novembre 2023 pour faciliter la coopération entre les États membres, l’Union européenne et les organisations internationales concernées. En juillet 2024, le groupe a organisé une audition sur le thème «Comprendre les risques de traite des êtres humains, y compris à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation par le travail, auxquels les enfants d’Ukraine sont exposés». Le rapport, publié en octobre 2024, recense les principaux risques et les mesures d’atténuation envisageables pour protéger les enfants ukrainiens contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation sexuelle.
69. Comme il a été expliqué lors de l’audition tenue en mars 2024, la Women’s Refugee Commission a créé et dirigé un groupe de travail sur les besoins des survivants de sexe masculin de violences sexuelles en Ukraine, notamment afin de comprendre les obstacles à l’accès aux services de soutien. Parmi les obstacles entravant l’accès aux services de santé et aux services psychosociaux figuraient la crainte d’être identifiés comme des survivants de violences sexuelles et la crainte d’être identifiés ou considérés comme des homosexuels. Ils redoutaient aussi d’être tenus responsables des violences subies et manquaient de connaissances et d’informations sur les lieux où ils pouvaient bénéficier d’une prise en charge médicale en toute sécurité.
70. En novembre 2024, la Verkhovna Rada d’Ukraine a adopté une loi sur la protection juridique et sociale des droits des victimes de violences sexuelles en relation avec l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, et les réparations provisoires urgentes (no 10132). La loi représente une étape majeure dans la lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits et le soutien aux survivants, faisant de l’Ukraine le premier pays à prendre des mesures provisoires d’urgence pour offrir une réparation aux victimes/survivants des violences sexuelles pendant un conflit armé en cours.
71. Le Registre des dommages causés par l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine continue de recevoir et d’enregistrer des demandes d’indemnisation pour les dommages, pertes et préjudices causés par la guerre d’agression. De nouvelles catégories de demandes ont été ajoutées en 2025, qui comprennent les violences sexuelles.

5.6. Les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons privés de liberté

72. Une vulnérabilité accrue aux violences sexuelles s’observe également dans les lieux où des hommes et des garçons sont privés de liberté. La détention crée l’occasion de commettre des actes de violence et empêche les victimes/survivants d’accéder aux services dont ils ont besoin.
73. Dans ses rapports par pays, le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) du Conseil de l’Europe traite régulièrement de la question de la violence entre détenus, y compris de la violence sexuelle. Le CPT a appelé les autorités à faire en sorte que les services de santé et la direction des établissements pénitentiaires soient suffisamment formés pour venir en aide aux victimes de violences sexuelles. Le CPT a également formulé des recommandations concernant la violence entre détenus dans les établissements correctionnels pour mineurs.
74. En 2024, le CPT a publié un ensemble de normes et de recommandations destinées aux administrations pénitentiaires européennes et visant à garantir que les personnes détenues transgenres, qui constituent une catégorie très vulnérable de la population carcérale, soient protégées contre les risques de mauvais traitements, y compris de violence sexuelle. En effet, les hommes et les garçons GBTI sont particulièrement exposés au risque de violence sexuelle dans les milieux fermés, tels que les prisons et les centres de rétention pour migrants 
			(28) 
			Voir
communication de ILGA Europe), op. cit..

6. Les cadres juridiques et politiques visant à prévenir et à lutter contre les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons

75. Les conventions du Conseil de l’Europe suivantes devraient être pleinement mises en œuvre pour prévenir et lutter contre les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons, à savoir, selon le cas: la Convention sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201); la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197), en ce qui concerne les hommes et les garçons victimes de traite à des fins d’exploitation sexuelle; la Charte sociale européenne (révisée) (STE no 163); la Charte européenne du sport; et la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185).
76. Les Parties à la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul») peuvent décider de l’appliquer à toutes les victimes de violence domestique, conformément à l’article 2(2). Elle peut ainsi couvrir les victimes de sexe masculin de violence sexuelle survenant «au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens ou actuels conjoints ou partenaires, indépendamment du fait que l’auteur de l’infraction partage ou a partagé le même domicile que la victime». Selon les informations disponibles, des services explicitement destinés aux hommes victimes de violence domestique seraient actuellement créés en Allemagne dans certains des 16 Länder 
			(29) 
			«<a href='https://www.maennergewaltschutz.de/files/2021/09/fcopmvv_current-status_istanbul-convention-mengermany_20210928.pdf'>Protection
of male victims of violence and implementation of the Istanbul Convention
in Germany – Current status</a>», Federal Coordination Office for the Protection of
Male Victims of Violence, 2021 (uniquement
en anglais)..
77. Les hommes tendent à moins recourir à des soins médicaux spécialisés après avoir été violés ou agressés sexuellement. En conséquence, on ne dispose pas de preuves médico-légales et autres pour étayer une enquête pénale et les victimes ne peuvent bénéficier d’un soutien pour se remettre du traumatisme, ni d’accès à des services de soutien à plus long terme. Le Guide de bonnes pratiques pour aider les victimes/survivants de sexe masculin à accéder à un centre d’aide d’urgence pour les victimes d’agressions sexuelles (Good practice guide to supporting male victims/survivors accessing a sexual assault referral centre), publié par le Service national de santé anglais en 2022, est un exemple révélateur de cette situation.
78. Lorsqu’ils bénéficient d’un soutien adapté, les hommes et les garçons victimes/survivants de violences sexuelles peuvent se rétablir 
			(30) 
			Voir
le message personnel adressé par un survivant à des victimes adolescentes,
pour les aider à se remettre du traumatisme de la violence sexuelle:
McVarish M. (2019), The truth that no
one tells teenagers – Ten facts every teen victim has the right
to know (uniquement en anglais).. Le travail de groupe ou l’accompagnement psychologique peuvent donner des résultats positifs en offrant un espace sûr et bienveillant dans lequel les survivants peuvent partager leurs expériences et leurs difficultés. Grâce à des discussions guidées, des exercices thérapeutiques et la présence d’un·e thérapeute qualifié·e, les survivants peuvent accepter leur traumatisme, gérer leurs sentiments de honte et de culpabilité et apprendre des mécanismes d’adaptation. Au fil du temps, ils peuvent ressentir une amélioration de leur bien-être mental, acquérir une plus grande conscience d’eux-mêmes et accroître leurs capacités d’adaptation, ce qui leur permet finalement de retrouver leur capacité d’agir et de s’engager sur la voie de la guérison et du rétablissement.
79. Les mesures de prévention et de soutien destinées aux hommes et aux garçons victimes/survivants de violences sexuelles dans toute leur diversité, telles que les campagnes d’information, la formation des professionnel·les, l’accès aux refuges et aux autres services, ainsi que l’accès à la justice et à la réparation, devraient être renforcées pour mieux les protéger. Les systèmes permettant aux professionnel·les et aux bénévoles de signaler toutes les formes de violences faites aux enfants, y compris les violences sexuelles, sont des éléments essentiels des stratégies nationales visant à combattre et à prévenir la violence à l’encontre des enfants 
			(31) 
			 Voir la <a href='https://search.coe.int/cm'>Recommandation
CM/Rec(2023)8</a> du Comité des Ministres aux États membres sur le renforcement
des systèmes de signalement des cas de violence à l’égard des enfants..
80. Le consentement sexuel est intégré dans les principales lignes directrices internationales en matière d’éducation sexuelle. Les Principes directeurs internationaux des Nations Unies sur l’éducation à la sexualité ont été mis à jour pour la dernière fois en décembre 2024. Le Comité directeur du Conseil de l’Europe pour les droits de l’enfant prépare actuellement un projet de recommandation du Comité des Ministres sur l’éducation complète à la sexualité adaptée à l’âge des enfants afin de renforcer les réponses pour entre autres prévenir et combattre la violence à l’encontre des enfants; ce projet devrait être adopté en 2026.
81. La participation des organisations spécialisées de la société civile aux politiques visant à prévenir et à combattre les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons, y compris à la fourniture de services de soutien spécialisés, est essentielle. Je tiens à mentionner à cet égard l’Alliance mondiale pour la protection des garçons contre la violence sexuelle (Global Alliance on the Protection of Boys from Sexual Violence), qui rassemble des organisations internationales et locales œuvrant à la lutte contre toutes les formes de violence sexuelle touchant les garçons dans divers contextes. L’Alliance mondiale a élaboré un Manifeste mondial pour lutter contre les violences sexuelles à l’encontre des garçons (Global Manifesto to combat sexual violence against boys), qui vise à inscrire la protection des garçons au cœur des initiatives de protection de l’enfance, à remettre en question les idées rigides sur la masculinité et à réduire la violence fondée sur le genre à l’encontre des femmes et des filles.
82. L’une des bonnes pratiques présentées lors de l’audition tenue par la commission en mars 2025 a mis en évidence les avantages de faciliter la participation des victimes/survivants à l’élaboration des politiques par le biais d’un «conseil des survivants», tel qu’il en existe en Allemagne. Je suis favorable à cette pratique et j’invite les autres pays à l’envisager.

6.1. Les lois visant à prévenir et à combattre les violences sexuelles à l’encontre des hommes

83. On devrait entendre par violence sexuelle, y compris le viol, le fait de se livrer à des actes à caractère sexuel non consentis avec une personne, ou le fait de contraindre une autre personne à se livrer à des actes à caractère sexuel non consentis avec un tiers. Le consentement doit être donné volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne, considérée dans le contexte des circonstances environnantes. Les définitions de la violence sexuelle, y compris du viol, énoncées dans le droit pénal devraient être fondées sur le consentement, comme l’exige la Convention d’Istanbul (article 36) et la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme.
84. J’ai été choqué lorsque j’ai appris que toutes les définitions du viol figurant dans les codes pénaux de nos États membres ne couvraient pas la violence sexuelle à l’encontre des hommes. Si l’on compare les définitions juridiques du viol dans différents pays européens 
			(32) 
			 «<a href='https://www.google.com/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=&ved=2ahUKEwjI0q3G9sqLAxWg9QIHHQayNTAQFnoECBgQAQ&url=https%3A%2F%2Fwww.europarl.europa.eu%2FRegData%2Fetudes%2FIDAN%2F2024%2F757618%2FEPRS_IDA(2024)757618_EN.pdf&usg=AOvVaw1bfMdHQLmcb0qh78_crHV_&opi=89978449'>Definitions
of rape in the legislation of EU Member States</a>», Service de recherche du Parlement européen (EPRS), janvier
2024 (uniquement en anglais)., on constate que les dispositions pénales de certains pays ne reconnaissent pas la possibilité qu’un homme soit violé, et que certaines définitions du viol désignent explicitement les hommes – et uniquement les hommes – comme les agresseurs. Ces définitions contribuent à renforcer les «mythes du viol» selon lesquels «les hommes ne peuvent pas être violés».
85. Certains codes pénaux utilisent les termes «sexuel» (au sens de «hétérosexuel») et «homosexuel» en relation avec différentes infractions à caractère sexuel. C’est le cas de l’Albanie, dont le Code pénal définit en son article 102 l’infraction d’activité sexuelle (c’est-à-dire hétérosexuelle) par l’usage de la force sur des femmes adultes ou entre époux ou concubins. Cette disposition est formulée de manière à exclure les hommes hétérosexuels et des femmes homosexuelles du statut de victimes de violence sexuelle. En outre, l’article 102/a du Code pénal traite de l’«activité homosexuelle par l’usage de la force avec des hommes adultes».
86. Le Code pénal arménien définit lui aussi le viol comme une infraction ne pouvant être commise que par des hommes contre des femmes. En effet, l’article 138 porte sur les rapports sexuels entre un homme et une femme, ce qui ne laisse aucune place à une interprétation différente. L’article 139 du Code pénal arménien définit les «actes sexuels violents» comme des «actes homosexuels, lesbiens ou autres actes sexuels» commis sur une personne en recourant à la force, en menaçant d’utiliser la force ou en profitant de l’impuissance de la personne lésée. Parmi les autres pays qui reconnaissent uniquement les femmes comme des victimes potentielles de viol figurent la Bulgarie et la République slovaque.
87. La Suisse suivait également cette approche (selon laquelle seules les femmes peuvent être victimes de viol), mais le Gouvernement suisse a modifié la définition du viol dans le Code pénal (article 190), avec effet au 1er juillet 2024. La disposition est désormais formulée en des termes neutres du point de vue du genre, de manière à pouvoir s’appliquer aux femmes et aux hommes.
88. Dans d’autres pays, comme l’Irlande, le viol d’une personne de sexe masculin est reconnu comme une infraction pénale, mais uniquement lorsqu’il est commis par un homme. Il semble en aller de même au Royaume-Uni, où la loi de 2003 sur les infractions sexuelles reconnaît le viol des personnes de sexe masculin, mais où l’utilisation exclusive de pronoms et d’attributs masculins laisse entendre que seuls les hommes peuvent commettre un viol. Selon le Crown Prosecution Service (service des poursuites de la couronne) «une femme ne peut commettre cette infraction qu’en tant que complice» 
			(33) 
			 «<a href='https://www.cps.gov.uk/legal-guidance/rape-and-sexual-offences-chapter-7-key-legislation-and-offences'>Rape
and Sexual Offences – Chapter 7: Key Legislation and Offences</a>», Crown Prosecution Service, 21 mai 2021 (actualisé
le 8 juillet 2022) (uniquement en anglais)., excluant ainsi la possibilité qu’une femme soit l’auteure d’un viol. La loi susmentionnée prévoit une nouvelle infraction, intitulée «Provocation d’une activité sexuelle non consentie», dont l’objectif est de créer un équivalent féminin à l’infraction de viol, entraînant le même niveau de sanction pour un acte qui constitue le même type d’infraction 
			(34) 
			Ibid.. D’autres codes pénaux, comme celui de la Bulgarie, prévoient la possibilité que des femmes soient les auteures de viols.
89. Cette première analyse des différentes approches et limites des définitions juridiques du viol dans les pays européens – portant sur la question de savoir si les hommes et/ou les femmes peuvent être considérés comme des victimes et/ou des auteur·es de viol – met en évidence les stéréotypes et les préjugés liés au genre qui perdurent dans nos sociétés. Elle montre combien il est nécessaire de recommander fermement et de toute urgence aux États membres d’élargir le champ d’application des définitions du viol dans leur droit pénal, de sorte que ces définitions envisagent la possibilité que les femmes comme les hommes puissent être victimes et auteur·es de violences sexuelles.

6.2. Les lois visant à prévenir et à combattre les violences sexuelles à l’encontre des garçons

90. Si la prise de conscience des violences à l’encontre des enfants a considérablement augmenté, le silence est encore souvent de mise lorsque les violences sexuelles touchent des garçons.
91. Au niveau mondial, l’article 19 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant impose aux États l’obligation claire de protéger les enfants contre toutes les formes de violence, à tout moment et en tous lieux. Parmi les autres instruments et engagements internationaux en la matière, on peut citer la Déclaration et le Plan d’action de Rio de Janeiro pour la prévention et l’élimination de l’exploitation sexuelle des enfants et des adolescents (2008).
92. La Convention de Lanzarote et la Recommandation CM/Rec(2009)10 du Comité des Ministres aux États membres sur les stratégies nationales intégrées de protection des enfants contre la violence, qui comprend un ensemble de lignes directrices, sont les principaux instruments juridiques du Conseil de l’Europe pour prévenir et lutter contre les violences sexuelles à l’encontre des garçons en Europe.
93. La Convention de Lanzarote, entrée en vigueur en juillet 2010, exige l’incrimination de l’exploitation et des abus sexuels des enfants. Elle exige des États qu’ils adoptent une législation et qu’ils prennent des mesures pour prévenir les violences sexuelles, protéger les enfants victimes et poursuivre les agresseurs en justice. Le Comité de Lanzarote a été établi pour veiller à son application par les 48 Parties
94. La Convention de Lanzarote laisse aux Parties la liberté de déterminer l’âge en deçà duquel il est interdit d’avoir des activités sexuelles avec un enfant: l’âge légal. En septembre 2023, le Conseil de l’Europe a publié une Étude comparative de l’âge légal pour entretenir des activités sexuelles dans les États parties à la Convention de Lanzarote.
95. Les délais de prescription sont essentiels pour les enfants victimes de violences sexuelles, car ils déterminent la durée pendant laquelle les infractions peuvent être signalées après qu’elles ont été commises. Selon l’article 33 de la Convention de Lanzarote, les Parties doivent veiller à ce que le délai de prescription continue de courir «pour une durée suffisante pour permettre l’engagement effectif des poursuites, après que la victime a atteint l’âge de la majorité, et qui est proportionnelle à la gravité de l’infraction en question». Cette disposition relève un obstacle pratique important qui entrave considérablement le signalement des infractions. En juin 2024, le Comité de Lanzarote a adopté un avis destiné à clarifier l’interprétation de l’article 33 de la Convention de Lanzarote, reconnaissant la suppression des délais de prescription pour les infractions sexuelles commises à l’encontre d’enfants comme une mesure efficace pour garantir un délai suffisant pour engager des poursuites après que la victime ait atteint l’âge de la majorité.
96. Dans sa Résolution 2330 (2020) «Lutte contre la violence sexuelle à l’égard des enfants: renforcer l’action et la coopération en Europe», l’Assemblée exhortait les États membres «à supprimer le délai de prescription de la violence à caractère sexuel à l’égard des enfants, ou du moins à veiller à ce que le délai de prescription soit proportionné en droit pénal et civil à la gravité de l’infraction alléguée et, en tout état de cause, au moins égal à trente ans à compter de la date à laquelle la victime a atteint l’âge de 18 ans». Je me joins à cet appel lancé par notre Assemblée en 2020. Des organisations de la société civile et des universitaires plaident également en faveur de l’abolition des délais de prescription pour les infractions à caractère sexuel commises sur des enfants.
97. Il n’est pas possible d’aborder en profondeur la question de la violence sexuelle en ligne à l’encontre des hommes et des garçons dans le cadre du présent rapport. L’article 23 de la Convention de Lanzarote établit la nécessité de prendre des mesures pour ériger en infraction pénale le fait de solliciter un enfant à des fins d’abus sexuels ou de pornographie enfantine, en utilisant les technologies de l’information et de la communication. Le Comité de Lanzarote se consacre à la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels facilités par les technologies de l’information et de la communication et s’emploie à répondre aux défis soulevés par les images et/ou vidéos à caractère sexuel auto-générées par des enfants. Dans son avis de 2015, il a estimé que les États devraient envisager d’élargir cette incrimination aux cas des abus sexuels commis en ligne. En outre, l’article 9 de la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185, «Convention de Budapest»), exige des Parties qu’elles érigent en infraction pénale un certain nombre d’actes liés au fait de posséder, de se procurer, de procurer à autrui ou de diffuser de la pornographie enfantine par le biais d’un système informatique.
98. Le «modèle des Barnahus», une bonne pratique reconnue pour minimiser les traumatismes et la victimisation secondaire des enfants et améliorer la qualité des preuves, a été largement développé en application de la Convention de Lanzarote 
			(35) 
			Selon <a href='https://rm.coe.int/barnahus-une-odyssee-europeenne-etude-cartographique-sur-les-modeles-p/1680acc909'>l’étude
cartographique</a> publiée en septembre 2023, 28 États membres du Conseil
de l’Europe ont mis en place des Barnahus et/ou des services de
type Barnahus.. Il permet à tous les professionnel·les concernés, notamment au sein de la police, du ministère public, des services sociaux, des services de santé et du pouvoir judiciaire, de travailler ensemble avec les enfants survivants et témoins de violences dans un espace sûr. Le témoignage des enfants est recueilli une seule fois et filmé pour être utilisé au tribunal, afin d’éviter des interrogatoires répétés. Des normes internationales pour des services pluridisciplinaires et interinstitutionnels adaptés aux enfants victimes de violences (Child-friendly multidisciplinary and interagency response services for children who are victims of violence — Requirements and recommendations) ont été publiées par l’Organisation internationale de normalisation (ISO) en mars 2025 et devraient être appliquées par les États membres.
99. En mars 2024, le Comité de Lanzarote a publié une série de Lignes directrices destinées aux responsables politiques concernant la participation des victimes et survivant·es d’exploitation et d’abus sexuels subis dans l’enfance “Rien sur nous sans nous”, visant à aider les responsables politiques à soutenir la participation des victimes/survivant·es de violence sexuelle en se fondant sur les principes suivants: une telle participation doit tenir compte des traumatismes, l’autodétermination des personnes concernées doit être respectée tout au long du processus, et les personnes qui défendent la cause des survivant·es doivent être habilitées à interagir en leur nom avec les décideurs politiques.
100. En février 2024, dans le cadre de la Stratégie de l’Union européenne en faveur d’une lutte plus efficace contre les abus sexuels commis contre des enfants, la Commission européenne a soumis une proposition de révision de la Directive de 2011 relative à la lutte contre les abus sexuels et l’exploitation sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie. Le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen examinent actuellement les modifications à apporter à la directive de 2011, dans le but de faire en sorte que toutes les formes d’abus sexuels et d’exploitation sexuelle des enfants, y compris celles qui sont rendues possibles ou facilitées par les nouveaux outils en ligne, soient érigées en infractions pénales. Il est envisagé d’alourdir les sanctions, d’imposer des exigences plus précises en matière de prévention et d’assistance aux victimes, et d’allonger les délais de prescription de sorte que les victimes aient effectivement la possibilité de demander justice.

7. Conclusions

101. Mon rapport vise à attirer l’attention sur les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons dans toute leur diversité, en tenant dûment compte des principaux contextes dans lesquels elles se produisent, sur la nécessité de s’attaquer aux causes profondes, et sur les problèmes liés au sous-signalement, la stigmatisation et l’invisibilité qui restent les principales caractéristiques de cette violence. Il est urgent de mener davantage de recherches et de collecter des données ventilées sur ce type de violence.
102. Les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons sont une violation des droits humains et un crime qui doit être reconnu comme tel et combattu par les autorités et l’ensemble de la société. Il est essentiel que les survivants de violences sexuelles soient crus, écoutés, accompagnés, soutenus et autonomisés dans leur cheminement vers la guérison.
103. Une formation adéquate des autorités compétentes est une condition préalable pour que les survivants de violences sexuelles puissent accéder à la justice et obtenir réparation. Les témoignages des victimes/survivants devraient être correctement recueillis, et l’accès à une aide juridique et à un soutien pour faire valoir leurs droits devant les tribunaux doit être assuré. Les délais de prescription devraient être supprimés et une gamme de services de soutien adéquats devrait être mise en place pour les victimes/survivants de sexe masculin.
104. Davantage d’actions de sensibilisation et d’éducation doivent être menées pour empêcher que des hommes et des garçons continuent de subir des violences sexuelles. De même, davantage d’études ciblées doivent être réalisées pour que des lois et politiques plus efficaces, fondées sur des connaissances validées, puissent être élaborées.
105. Il est essentiel d’étudier les causes profondes des violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons dans toute leur diversité, notamment les valeurs patriarcales, les masculinités nocives, les stéréotypes de genre négatifs et les rôles traditionnels dévolus aux hommes. Les hommes qui agressent sexuellement des hommes et des garçons cherchent à imposer leur propre masculinité et à affaiblir celle de leur victime. Ces phénomènes d’émasculation et de féminisation s’accompagnent d’une stigmatisation extrême et ont des conséquences importantes sur la santé mentale et la vie sociale des survivants. Il faut agir pour changer cet environnement à l’avenir, notamment en prenant des mesures conçues et ciblées pour répondre aux différents contextes et situations dans lesquels les violences sexuelles se produisent.
106. En tant qu’acteurs et actrices politiques influents, il nous incombe de garantir à chacun et à chacune la jouissance de ses droits humains et de sa dignité, sans discrimination aucune, tout en reconnaissant et en tenant compte de l’impact de la perspective intersectionnelle. Il est de notre responsabilité de promouvoir une société qui respecte et prend soin de tous ses membres et qui offre un environnement où l’égalité de genre est une réalité pour tous et toutes. Je suis convaincu que répondre aux besoins des hommes et des garçons victimes/survivants de violences sexuelles fait partie intégrante de cette vision et peut être réalisé tout en continuant à lutter pour le droit des femmes et des filles à vivre dans un monde libre de violence et de discrimination fondées sur le genre. J’espère que ce rapport contribuera à cet objectif et qu’il encouragera notre Assemblée à s’engager davantage dans la prévention et la lutte contre les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons.