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A. Projet de
résolution
(open)
Rapport | Doc. 16250 | 14 septembre 2025
Violences sexuelles à l'encontre des hommes et des garçons
Commission sur l'égalité et la non-discrimination
A. Projet de
résolution 
(open)1. Les violences sexuelles à l’encontre
des hommes et des garçons sont une réalité mais aussi un phénomène
caché qu’il faut prévenir et combattre en accordant la priorité
aux besoins de toutes les victimes/survivants et sans détourner
l’attention ni les financements consacrés à la lutte contre les
violences fondées sur le genre à l’encontre des femmes et des filles.
2. Nos États membres manquent de données complètes et ventilées
sur les violences sexuelles dont sont victimes les hommes et les
garçons dans toute leur diversité, et peu d’études ont été menées
à ce sujet, ce qui s’explique en partie par le sous-signalement
des violences commises.
3. Si l’ensemble des victimes/survivants de violences sexuelles
ont en commun de devoir faire face à la stigmatisation, aux attitudes
négatives et à culpabilisation, les spécificités de la violence
à l’encontre des hommes et des garçons doivent être prises en compte,
en accordant une attention particulière aux différentes perceptions
de la masculinité et de la sexualité.
4. Les hommes et les garçons peuvent être victimes de violences
sexuelles dans des lieux et des contextes très divers: à leur domicile
et dans le cercle des proches, dans des établissements éducatifs
et religieux, pendant les activités sportives, dans le cadre de
la migration, dans les institutions fermées, dans des situations de
conflit et dans des contextes humanitaires, entre autres. Des mesures
visant à prévenir cette violence, à la signaler, à en poursuivre
les auteurs et à soutenir les victimes doivent être prises et adaptées
à ces différents contextes.
5. Les hommes et les garçons dans toute leur diversité peuvent
faire l’objet de violences sexuelles, quels que soient leur âge,
leur orientation sexuelle, leur identité et leur expression de genre,
leurs caractéristiques sexuelles, leur statut migratoire, leur handicap,
leur origine et leurs autres caractéristiques. Toutes les mesures de
prévention et de lutte contre cette violence à l’encontre des hommes
et des garçons et de protection des victimes/survivants doivent
être prises sans discrimination fondée sur quelque motif que ce
soit et en adoptant une approche intersectionnelle.
6. Les victimes/survivants de violences sexuelles, de sexe masculin,
ont besoin de beaucoup de temps pour faire face aux sentiments de
honte, de peur et d’isolement, de sorte qu’ils ne signalent pas
les violences subies, ou les signalent de nombreuses années après
qu’elles ont été commises. Cette situation s’explique également
par le fait que les victimes/survivants connaissent mal leurs droits,
les mécanismes de signalement et les services de soutien et, plus
généralement, par le fait qu’ils manquent de confiance dans le système judiciaire.
7. Le sous-signalement conduit à des niveaux élevés d’impunité,
ce qui est aggravé par les différents délais de prescription appliqués
aux infractions à caractère sexuel sur mineurs selon les pays. Il
est par conséquent essentiel de sensibiliser à la violence sexuelle
à l’encontre des hommes et des garçons et de plaider en faveur de
l’abolition de la prescription.
8. La participation des hommes et des garçons victimes/survivants
de violences sexuelles devrait être intégrée dans toutes les activités
et tous les processus d’élaboration des politiques se rapportant
à ces questions, afin que leurs expériences soient prises en compte
lors de l’élaboration des politiques et des lois pertinentes et
de leur révision.
9. Des études attirent l’attention sur les conséquences que peuvent
avoir les violences sexuelles sur la santé physique et mentale,
telles que l’anxiété, la dépression et les tendances suicidaires.
Celles-ci doivent être traitées comme des problèmes de santé publique
dans les politiques et stratégies nationales. Le fait que la violence
sexuelle subie par les victimes/survivants soit officiellement reconnue
joue un rôle important dans le processus de guérison. Cela peut
également les aider à se rétablir et à reprendre leur vie en main
après le traumatisme de la violence sexuelle, avec la confirmation
qu’ils ne sont jamais responsables.
10. L’Assemblée parlementaire attire l’attention sur la nécessité
d’atteindre les objectifs fixés dans le cadre des Objectifs de développement
durable (ODD) des Nations Unies d’ici 2030, notamment l’Objectif 3
relatif à la bonne santé et au bien-être pour tous, l’Objectif 5
visant à réaliser l’égalité entre les sexes et l’Objectif 16 visant
à promouvoir l’avènement de sociétés pacifiques et inclusives et
à assurer l’accès de tous à la justice.
11. L’Assemblée se réfère à sa Résolution 2533 (2024) «Maltraitance des enfants dans les institutions en Europe»
et à sa Résolution 2547
(2024) «La protection des enfants contre la violence en ligne»
pour ce qui concerne la prévention et la lutte contre la violence
sexuelle à l’encontre des garçons.
12. Elle se réfère également à sa Résolution 2607 (2025) «La protection des droits humains dans et par le sport:
obligations et responsabilités partagées» et elle attire l’attention
sur les abus généralisés et systémiques dont sont victimes les enfants
et les adultes vulnérables dans le domaine du sport, y compris les
abus sexuels, et sur l’absence de mécanismes de signalement centrés
sur les victimes ainsi que de systèmes de réparation tenant compte
des traumatismes subis.
13. L’Assemblée se félicite du travail accompli année après année
par le Comité de Lanzarote, qui veille à la mise en œuvre de la
Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants
contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201,
«Convention de Lanzarote»).
14. Elle rappelle également à la Convention du Conseil de l’Europe
sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes
et la violence domestique (STCE no 210,
«Convention d’Istanbul») encourage les Parties à appliquer la convention
à toutes les victimes de violence domestique.
15. L’Assemblée attend avec intérêt que le projet de recommandation
du Comité des Ministres aux États membres sur l’éducation complète
à la sexualité adaptée à l’âge des enfants afin de renforcer les
réponses pour entre autres prévenir et combattre la violence à l’égard
des enfants soit achevé. Cette recommandation constituera en effet
un outil supplémentaire pour lutter contre la violence sexuelle
touchant les garçons et les filles. Elle se réjouit également de
l’adoption prochaine par le Comité des Ministres du premier instrument juridique
relatif à l’égalité des droits des personnes intersexes.
16. L’Assemblée appelle les États membres et observateurs du Conseil
de l’Europe, ainsi que les États dont le parlement bénéficie du
statut d’observateur ou de partenaire pour la démocratie auprès
de l’Assemblée:
16.1. en ce qui concerne
la collecte de données et la recherche:
16.1.1. à soutenir la collecte de données ventilées, provenant
de statistiques et d’enquêtes officielles réalisées par les autorités
et les institutions concernées dans différents contextes et, le cas
échéant, provenant directement des victimes/survivants de sexe masculin,
sur les expériences et les cas signalés de violences sexuelles;
16.1.2. à encourager et soutenir la recherche sur les spécificités
des violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons dans
toute leur diversité, afin de s’attaquer avec succès aux facteurs
sous-jacents qui l’alimentent et aux obstacles au signalement;
16.1.3. à mener des recherches sur ce qui fonctionne et ce qui
ne fonctionne pas bien en matière de prévention des violences sexuelles
à l’encontre des hommes et des garçons dans différents contextes,
en coopération avec les organisations spécialisées;
16.1.4. à diffuser les données et les résultats de recherche sous
des formes accessibles, à des fins de sensibilisation, mais aussi
pour faciliter l’élaboration de politiques fondées sur des connaissances
validées;
16.2. en ce qui concerne la sensibilisation et les autres mesures
de prévention:
16.2.1. à mener des
campagnes de sensibilisation et d’information sur les violences
sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons, en ciblant différents
contextes et groupes d’âge et en incluant des informations accessibles
sur les droits des victimes/survivants, les mécanismes de signalement
et les services de soutien;
16.2.2. à élaborer des mesures visant à remettre en question le
«discours social» et les préjugés culturels concernant le comportement
masculin, les rôles masculins et les rapports de force qui contribuent
aux violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons et
à leur stigmatisation, y compris les masculinités nocives, l’homophobie
structurelle, et les rôles traditionnels attribués à chaque sexe;
16.2.3. à mettre en œuvre des programmes et des mesures de prévention
en travaillant, entre autres, avec les organisations de jeunesse,
les organisations de défense des droits des femmes et les organisations
LGBTI, en mettant l’accent sur la remise en question et la transformation
des normes de genre afin de construire des sociétés plus égalitaires
pour l’avenir;
16.2.4. à mettre des programmes et des mesures d’intervention
préventive à la disposition des personnes poursuivies et/ou condamnées
pour des actes de violence sexuelle à l’encontre d’enfants, ainsi
que des enfants ayant commis des infractions à caractère sexuel,
conformément à la Convention de Lanzarote;
16.2.5. à mettre en œuvre une éducation complète à la sexualité,
adaptée à l’âge afin de fournir aux garçons les connaissances et
le langage nécessaires pour se protéger et respecter les limites
des autres, et aborder la question de l’intégrité physique et du
consentement sexuel dans le cadre de l’éducation et de la sensibilisation;
16.3. en ce qui concerne la détection et le signalement des
cas de violences sexuelles dans différents contextes:
16.3.1. à créer un environnement propice
permettant aux professionnel·les qui travaillent avec des enfants
de signaler les cas des violences sexuelles et envisager d’introduire,
pour certaines professions ou certains emplois, une obligation de
signaler les violences sexuelles aux autorités compétentes;
16.3.2. à mettre en place des garanties et des mécanismes de signalement
centrés sur l’enfant et tenant compte des traumatismes subis dans
les lieux fréquentés par des enfants et des jeunes hommes, tels
que les écoles, les structures extrascolaires, les clubs sportifs,
les églises et les plateformes en ligne;
16.3.3. à veiller à ce que les systèmes de signalement des violences
sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons fassent l’objet
d’une large publicité et à s’attaquer aux obstacles qui empêchent
les victimes/survivants de signaler ces violences;
16.3.4. à s’attaquer aux faiblesses systémiques des organisations
et des institutions qui rendent les hommes et les garçons vulnérables
aux violences sexuelles, les exposent à des dangers ou les privent
d’accès à la justice;
16.4. en ce qui concerne les mesures juridiques et politiques:
16.4.1. à inclure les victimes/survivants
de violences sexuelles de sexe masculin et leurs besoins spécifiques
dans les lois et politiques nationales visant à prévenir et à combattre
les violences sexuelles et à envisager de relier les stratégies
nationales relatives à la violence fondée sur le genre aux stratégies
LGBTI;
16.4.2. à revoir les définitions des violences sexuelles, y compris
du viol, dans le droit pénal, et les modifier si nécessaire, afin
qu’elles soient fondées sur le principe de l’absence de consentement
et qu’elles considèrent les hommes comme des victimes potentielles;
16.4.3. à envisager d’abolir la prescription pour les infractions
de violences sexuelles sur mineurs;
16.4.4. à appliquer la Convention d’Istanbul aux victimes de violence
domestique de sexe masculin, conformément à son article 2(2);
16.4.5. à interdire les «thérapies» dites «de conversion» ou «réintégratives»
et les pratiques de conversion, qui visent à modifier ou à supprimer
l’orientation sexuelle, l’identité de genre ou l’expression de genre
d’une personne, celles-ci pouvant constituer une forme de violence sexuelle;
16.4.6. à mettre en place des systèmes intégrés de protection
de l’enfance qui favorisent la coordination entre les secteurs de
la santé, de l’éducation, de la protection sociale, du soutien en ligne
et de la justice, et qui traitent des liens existant entre les violences
sexuelles en ligne et hors ligne;
16.4.7. à assurer un suivi des lois, des politiques et des mesures
visant à prévenir et à lutter contre les violences sexuelles à l’encontre
des hommes et des garçons, afin d’élaborer des mesures futures en
connaissance de cause;
16.4.8. à prendre des mesures pour offrir une réparation intégrale
aux hommes et garçons victimes/survivants de violences sexuelles;
16.5. en ce qui concerne le soutien aux victimes/survivants
de violences sexuelles de sexe masculin:
16.5.1. à mettre en place, sur l’ensemble du territoire, des services
de soutien spécialisés et sensibles au genre, accessibles à tous,
qui répondent aux besoins des hommes et des garçons victimes/survivants
de violences sexuelles, sans discrimination fondée sur quelque motif
que ce soit et en tenant compte des besoins spécifiques des hommes
GBTI, en coopération avec les organisations de la société civile
concernées;
16.5.2. à fournir des services de soutien de qualité et adaptés
à l’âge, notamment des lignes d’assistance téléphonique, des centres
d’aide d’urgence pour les victimes de violences sexuelles, des soins
de santé, un soutien psychosocial, une assistance juridique, des
refuges, des conseils en ligne, ainsi que des consultations collectives
et entre pairs;
16.5.3. à aider et assister les enfants victimes de violences
sexuelles dans un environnement non traumatisant, notamment en appliquant
le modèle des Barnahus;
16.5.4. à former les professionnel∙es concernés, tels que les
agent·es des forces de l’ordre, les professionnel·les de santé,
les éducateurs et éducatrices et les travailleuses et travailleurs sociaux,
afin de les sensibiliser aux expériences et aux besoins des hommes
et des garçons victimes/survivants de violences sexuelles et de
prévenir la victimisation secondaire: le programme HELP (formation
en droits humains pour professionnels du droit) sur la protection des
enfants contre l’exploitation et les abus sexuels peut être un outil
utile à cet égard;
16.6. en ce qui concerne la participation des hommes et des
garçons victimes/survivants de violences sexuelles à l’élaboration
des mesures les concernant:
16.6.1. à
consulter et mettre à contribution les hommes et les garçons victimes/survivants
de violences sexuelles, ainsi que les organisations qui les représentent,
lors de l’élaboration de telles mesures;
16.6.2. à appliquer les «Lignes directrices destinées aux responsables
politiques concernant la participation des victimes et survivant·es
d’exploitation et d’abus sexuels subis dans l’enfance “Rien sur
nous sans nous”», publiées par le Conseil de l’Europe, afin de favoriser
la participation des victimes/survivants à l’élaboration des politiques;
16.6.3. à envisager d’adopter le modèle participatif du «conseil
des survivants» afin d’impliquer les victimes/survivants de violences
sexuelles dans l’élaboration des politiques et des mesures.
17. L’Assemblée invite le Comité de Lanzarote à envisager de consacrer
une prochaine édition de la Journée pour la protection des enfants
contre l’exploitation et les abus sexuels, qui se tient chaque année
le 18 novembre, à la prévention et à la lutte contre les violences
sexuelles à l’encontre des garçons dans toute leur diversité.
B. Exposé des motifs par M. Edmunds Cepurītis, rapporteur
(open)1. Introduction
1. Le 24 janvier 2023, l’Assemblée
parlementaire a adopté la Résolution 2476 (2023) «Violences sexuelles liées aux conflits», fondée sur
un rapport de Mme Petra Bayr (Autriche,
SOC) pour la commission sur l’égalité et la non-discrimination.
Lors des discussions tenues à cette occasion, il est clairement
apparu que la violence dirigée contre les femmes et les filles dans
ce contexte méritait toute l’attention, mais que la violence contre
les hommes et les garçons était également un sujet de préoccupation
nécessitant une attention particulière. Les membres de la commission
ont ainsi appelé à un examen plus approfondi des violences sexuelles
à l’encontre des hommes et des garçons, dans toute leur diversité,
soient étudiées de manière approfondie dans le but de formuler des
recommandations visant à prévenir et combattre ce phénomène.
2. Selon une étude menée au niveau mondial et publiée en mai 2025
, près d’un homme sur sept
(et près d’une femme sur cinq) dans le monde a subi des violences
sexuelles avant l’âge de 18 ans, aucune région n’étant épargnée
par ce problème omniprésent qui porte atteinte à la santé et aux
droits humains des victimes. En octobre 2024, l’UNICEF a publié
pour la première fois des estimations des violences sexuelles commises sur
des mineurs aux niveaux mondial et régional, révélant l’ampleur
de ces violations des droits humains à l’échelle mondiale et indiquant
que seul un pays sur six dans le monde dispose de données nationales
sur les violences sexuelles subies par les garçons
.


3. À titre d’exemple, l’Irlande compte parmi les pays européens
qui disposent de données sur les victimes de violences sexuelles
de sexe masculin. Ainsi, selon des données de 2023 publiées par
le Rape Crisis Centres (RCCs), 11 % des victimes/survivants qui
se sont rendus dans des centres d’aide d’urgence pour les victimes
de viols étaient des garçons et des hommes, et 96 % des auteurs
de violences sexuelles étaient de sexe masculin. L’enquête
sur la violence sexuelle menée en 2022 a révélé que 28 % des hommes en Irlande avaient
été victimes de violences sexuelles au cours de leur vie. Il est
donc essentiel d’améliorer la collecte de données sur les violences
sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons, y compris en partageant
les informations sur les études pertinentes et les bonnes pratiques.
4. Étant donné que la plupart des auteurs de violences sexuelles
à l’encontre des hommes et des garçons sont également des hommes
et des garçons, les mesures juridiques et politiques doivent s’attaquer
à la culture de nos sociétés en matière de comportement masculin,
de rôles masculins et de rapports de force, qui alimente sans aucun
doute ces violences.
5. Les violences sexuelles ne sont souvent pas signalées en raison
des normes sociales et de la stigmatisation qui les entourent, ainsi
que des craintes des victimes pour leur sécurité, en particulier
lorsque l’auteur est connu, voire est un membre du foyer. Ces facteurs
se combinent pour empêcher la dénonciation des violences sexuelles
subies pendant l’enfance et à l’âge adulte.
6. Dans de précédents rapports de l’Assemblée, les hommes et
les garçons étaient considérés, soit comme des auteurs de violences
fondées sur le genre à l’encontre des femmes, soit comme des acteurs
ayant un rôle à jouer dans la prévention et la lutte contre ces
violences. Dans sa Résolution 2480
(2023) «Le rôle et la responsabilité des hommes et des garçons
dans l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles
fondée sur le genre», l’Assemblée souligne que, même si les hommes
ne sont pas tous des auteurs de violences fondées sur le genre,
la majorité des auteurs sont des hommes, ce qui vaut également pour
la violence à l’encontre des hommes et des garçons. En outre, les
garçons commettent aussi des violences sexuelles sur d’autres garçons.
7. Dans le contexte politique actuel où les droits des femmes
sont de plus en plus remis en cause, je suis conscient que le choix
de ce sujet risque d’être mal interprété par certaines personnes,
comme prétexte pour minimiser et saper la nécessité de continuer
à lutter pour les droits des femmes et détourner l’attention de
la nécessité urgente de mettre fin une fois pour toutes aux niveaux
endémiques de violence fondée sur le genre à l’encontre des femmes
et des filles. Cette violence, qui aboutit trop souvent à des féminicides,
est une manifestation particulièrement néfaste du climat général
de discrimination et d’inégalité auquel sont confrontées les femmes
dans la société en général, et elle ne doit jamais être minimisée
ou ignorée.
8. Je tiens donc à souligner d’emblée que le présent rapport
n’établit pas de «hiérarchie des victimes» et ne compare pas les
conséquences des violences sexuelles sur les femmes et sur les hommes.
Il vise plutôt à examiner les spécificités des violences sexuelles
commises sur les hommes et les garçons dans une diversité de contextes
et d’environnements, afin de proposer les mesures nécessaires pour
mieux les prévenir et les combattre, en répondant en priorité aux
besoins et favorisant le rétablissement des victimes/survivants
de violences sexuelles de sexe masculin.
9. Comme l’indiquent les Lignes
directrices du Conseil de l’Europe sur la place des hommes et des
garçons dans les politiques d’égalité de genre et les politiques
pour combattre la violence à l’égard des femmes, adoptées en 2023, les mesures impliquant les hommes
et les garçons devraient venir renforcer, et non remplacer, les
politiques d’égalité de genre visant principalement les femmes et
les filles.
2. Portée du rapport
10. L’objectif de ce rapport est
d’analyser les principales dynamiques et les principaux contextes
dans lesquels s’inscrivent les violences sexuelles à l’encontre
des hommes et des garçons: de l’inceste à la violence intrafamiliale,
en relation avec certaines activités, comme le sport, dans le cadre
d’organisations religieuses, ainsi qu’à l’occasion de conflits armés.
J’ai aussi eu pour intention d’adopter une perspective intersectionnelle, en
examinant des domaines tels que les violences sexuelles à l’encontre
des hommes et des garçons gays, bisexuels, transgenres et intersexes
(GBTI), ainsi qu’à l’encontre des hommes et des garçons migrants
et demandeurs d’asile.
11. Le manque de visibilité du problème dans tous les domaines
de la société justifie la large portée du présent rapport. En outre,
la dynamique du phénomène et la diversité des contextes dans lesquels
des violences sexuelles sont exercées contre des hommes et des garçons,
ainsi que les besoins spécifiques des hommes et des garçons victimes/survivants
de violences sexuelles en matière de soutien et d’assistance, m’ont
amené à aborder ce sujet dans le but de fournir une cartographie
générale de la situation en Europe.
12. Le sujet des violences sexuelles à l’encontre des hommes et
des garçons est vaste et prend place dans de nombreux milieux de
la société. Je me suis concentré sur ce que je considère comme étant
les contextes et les aspects les plus importants des violences sexuelles
à l’encontre des hommes et des garçons. Par conséquent, le présent
rapport ne peut être considéré comme exhaustif et j’invite mes collègues
de l’Assemblée à poursuivre ces travaux et à examiner plus en détail
certains aspects particuliers de ce sujet.
13. Compte tenu des nombreuses implications et ramifications,
je ne suis pas en mesure de traiter les violences sexuelles en ligne
à l’encontre des hommes et des garçons, qui faire l’objet d’un prochain
rapport. La prolifération des images et des vidéos d’abus sexuels
créées à l’aide de l’intelligence artificielle, et le nombre croissant
d’enfants, en particulier de jeunes garçons, qui sont victimes d’«extorsion
sexuelle» professionnelle, sont des tendances inquiétantes. En outre,
la Résolution 2547 (2024) «La protection des enfants contre la violence en ligne»
rejoint en tous points les objectifs du présent rapport et j’appelle
à la mise en œuvre de toutes les recommandations qui concernent
la violence sexuelle en ligne contre les garçons.
14. Le présent rapport utilise les termes de «violences sexuelles»
et de «victime/survivant» au sens large. En ce qui concerne les
violences sexuelles à l’encontre des garçons, le rapport renvoie
à la Convention
du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation
et les abus sexuels (STCE no 201, «Convention
de Lanzarote») et aux définitions et termes utilisés dans celle-ci.
Je reconnais que les termes de «victime» et de «survivant» ont des
implications juridiques différentes selon les pays, et que la plupart
des instruments juridiques touchant à ces questions utilisent uniquement
le terme de «victime», alors que la majorité des personnes ayant
subi des violences sexuelles préfèrent le terme de «survivant».
J’utilise donc le terme «victime/survivant» tout au long de ce rapport,
sauf lorsqu’il est fait explicitement référence à un texte juridique
ou politique.
3. Méthodes de travail
15. Le présent sujet n’a pas été
traité dans les travaux antérieurs de l’Assemblée et demeure, dans
une certaine mesure, inexploré, non seulement à l’Assemblée, mais
aussi au Conseil de l’Europe dans son ensemble. En revanche, il
a fait l’objet d’études et de recherches universitaires que j’ai
prises en compte.
16. Le précédent rapporteur désigné pour élaborer ce rapport,
M. Fourat Ben Chickha (Belgique, SOC), a organisé en mars 2024 une
audition à laquelle ont participé un expert de SurvivorsUK (qui
a présenté les connaissances accumulées par SurvivorsUK au cours
de ses 38 années de travail auprès d’hommes, de garçons et de personnes
non binaires victimes/survivants d’abus sexuels), et une experte
de Women’s Refugee Commission, qui a fourni des informations sur
les violences sexuelles faites aux hommes et aux garçons dans des
contextes humanitaires. J’ai, bien entendu, tenu compte des informations
précieuses qu’ils ont tous deux partagées.
17. Après ma désignation en tant que rapporteur, le 3 octobre 2024,
j’ai continué à rassembler des informations provenant du Conseil
de l’Europe et d’autres organisations internationales, ainsi que d’organisations
non gouvernementales qui travaillent sur les violences sexuelles
à l’encontre des hommes et des garçons et qui viennent en aide aux
survivants.
18. Le 18 mars 2025, j’ai organisé une audition avec la participation
de M. Matthew McVarish, cofondateur de l’ONG Brave Movement, Mme Taina
Laajasalo, enseignante-chercheuse à l’Institut finlandais pour la
santé et le bien-être, M. Tom Pakkanen, psychologue légiste clinicien
(professeur) au Centre de psychologie légale pour enfants et adolescents
de l’hôpital universitaire d’Helsinki (en ligne), et Mme Marie
Derain de Vaucresson, présidente de l’Instance nationale indépendante
de reconnaissance et de réparation (INIRR), créée pour venir en
aide aux personnes victimes de pédocriminalité dans l’Église catholique
en France. Toutes ces personnes ont apporté des éclairages précieux
pour le présent rapport, y compris des indications sur les mesures
qui devraient être prises au niveau national. J’ai choisi d’axer
cette audition sur les violences sexuelles à l’encontre des garçons
étant donné que notre commission peut utilement appliquer l’angle
particulier de l’égalité et de la non-discrimination à travers le
prisme des droits des enfants.
19. J’ai jugé très important de recueillir des informations directement
auprès des survivants de violences sexuelles, ainsi qu’auprès d’organisations
de la société civile qui leur viennent en aide, dans la mesure où
ils sont les mieux placés pour exprimer les demandes et besoins
réels des hommes et des garçons qui ont subi des violences sexuelles.
Leur expérience devrait servir de base aux mesures juridiques et
aux politiques publiques aux niveaux national et européen.
4. Principales caractéristiques des violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons
20. Les hommes et les garçons qui
ont subi des violences sexuelles rencontrent des difficultés spécifiques liées
aux attitudes sociales et aux stéréotypes concernant leur comportement
attendu et, plus généralement, la masculinité. Il semble qu’un grand
nombre d’hommes et de garçons victimes/survivants de violences sexuelles
ne signalent pas les faits, en raison de la stigmatisation et du
manque d’information sur les possibilités d’obtenir de l’aide.
21. Afin de comprendre les risques, les vulnérabilités et les
besoins d’une population hétérogène d’hommes et de garçons victimes/survivants
de violences sexuelles, il est nécessaire de procéder à une analyse intersectionnelle
tenant compte des identités inter-reliées que peut avoir une personne.
En effet, les facteurs de diversité croisés se combinent pour augmenter
le risque, pour une personne, de faire l’objet de violences sexuelles.
Par exemple, les personnes en situation de handicap (incluant les
déficiences psychologiques, intellectuelles, sensorielles et physiques)
et les hommes et les garçons GBTI sont particulièrement exposés
au risque de violences sexuelles.
22. Les problèmes psychologiques et la dépression sont malheureusement
fréquents chez les survivants de violences sexuelles, le taux de
suicide chez ces personnes étant bien plus élevé que chez les autres personnes
de sexe masculin. La violence sexuelle à l’âge adulte est un facteur
de risque de maladie mentale, de tentatives de suicide et de problèmes
d’addiction
.

23. En janvier 2023, l’Assemblée a adopté la Résolution 2480 (2023) «Le rôle et la responsabilité des hommes et des garçons
dans l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles
fondée sur le genre», sur la base d’un rapport de Mme Petra
Stienen (Pays-Bas, ADLE)
. Le rapport examine en détail les différentes
formes de masculinité et leurs conséquences pour la société. Il
mentionne notamment la Recommandation générale n° 35 du Comité des
Nations Unies sur la violence à l’égard des femmes, selon laquelle
«la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre se fonde sur
des critères liés au genre tels que l’idéologie qui accorde aux
hommes des droits et des privilèges au détriment des femmes, les
normes sociales définissant la masculinité, et le besoin de l’homme
d’affirmer son contrôle ou son pouvoir, de mettre en place des rôles
liés au genre, ou de prévenir, décourager ou punir ce qui est considéré
comme un comportement inacceptable de la part d’une femme». Lorsque
l’on étudie la violence sexuelle à l’encontre des hommes et des garçons,
il apparaît clairement qu’elle a les mêmes causes profondes que
la violence sexuelle faite aux femmes et aux filles, à savoir les
valeurs patriarcales.

24. Le rapport de Petra Stienen mentionne des recherches menées
par des universitaires, dont le professeur Erik Melander, qui décrit
les masculinités néfastes comme le résultat de «valeurs patriarcales» combinées
à la «dureté masculine», conduisant les hommes à penser qu’ils doivent
faire preuve de force et qu’ils ne doivent montrer ni faiblesse
ni émotions. Ces deux éléments forment l’«idéologie de l’honneur masculin»,
c’est-à-dire la croyance que certains comportements sont acceptables
pour les hommes, mais pas pour les femmes, et inversement. Ces concepts
sous-jacents à la masculinité peuvent expliquer les problèmes de
sous-signalement et de stigmatisation liés aux cas des violences
sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons.
25. Ces stéréotypes de genre laissent entendre que les hommes
et les garçons ne peuvent pas être des victimes, mais seulement
des auteurs de violences. C’est pourquoi ils ne peuvent pas se considérer
eux-mêmes comme des victimes potentielles de violence sexuelle ou
comme des cibles potentielles pour les auteurs de tels actes. La
violence sexuelle à l’encontre des hommes semble donc être en contradiction
avec l’idée générale que la société se fait de la masculinité. Les
victimes/survivants sont considérés comme étant faibles et sans
défense, alors que les hommes sont supposés être forts et puissants.
La masculinité et le statut de victime semblent dès lors incompatibles.
Ces stéréotypes de genre et ces conceptions de la masculinité renforcent
ce que l’on appelle communément les «mythes du viol».
26. Les hommes qui commettent des agressions sexuelles contre
d’autres hommes ou contre des garçons cherchent à imposer leur masculinité
et à affaiblir celle de leur victime. Il est à noter que les hommes
victimes/survivants de violences sexuelles sont souvent féminisés
par les auteurs de violences et par la société et accusés d’avoir
provoqué l’agression par leur comportement sexuel «efféminé». Imposer
cette forme de masculinité a d’autres conséquences, comme la stigmatisation
des victimes de violences sexuelles et le renforcement des représentations
confinant les hommes et les femmes dans des rôles traditionnels
selon lesquels l’homme est l’agresseur et la femme, la victime.
27. Des études, incluant des témoignages de survivants, montrent
que les hommes victimes de violences sexuelles sont confrontés à
un ensemble de représentations culturelles stigmatisantes qui contribuent
à créer chez eux un sentiment de honte spécifique; ces personnes
peuvent aussi ressentir une grande culpabilité après avoir été agressées
sexuellement. Puisqu’il est socialement admis que les hommes désirent
avoir des rapports sexuels, ils peuvent éprouver des sentiments
contradictoires lorsqu’ils font l’expérience d’une expérience sexuelle
non désirée
. L’ensemble de ces éléments
entretiennent l’idée que les hommes sont par nature davantage tournés
vers la sexualité que les femmes et qu’il est peu probable qu’un
homme fasse l’objet d’une agression sexuelle. Par conséquent, aux
yeux de certains, il est quasiment inconcevable qu’un homme soit
victime de violences sexuelles parce que cela contredit la représentation
traditionnelle qui associe la sexualité masculine à la domination,
à l’agressivité et au désir, et la sexualité féminine à la passivité,
à la vulnérabilité et à la soumission
.


28. Les mythes selon lesquels les hommes sont toujours les agresseurs
sexuels et acceptent toujours les rapports sexuels rendent la victime
masculine illégitime ou tout simplement invisible. Le fait que victimisation masculine
soit perçue comme anormale ou anodine décourage les hommes et les
garçons de dénoncer les agressions sexuelles, ce qui entraîne un
sous-signalement important et empêche de rassembler des données sur
les agressions sexuelles contre les hommes et les garçons. Le sous-signalement
et le manque de données ont aussi des conséquences sur la conception
et la mise en place de services adaptés pour les hommes et les garçons
ayant subi des violences sexuelles.
29. Nombreux sont les hommes et les garçons qui ne dénoncent pas
le viol par crainte d’être ridiculisés pour leur faiblesse ou d’être
qualifiés d’homosexuels. Ce dernier point est lié à l’homophobie
sociale qui doit être combattue afin d’améliorer les mesures de
signalement, de sensibilisation et de prévention. Ces attitudes
et les mythes entourant le viol contribuent à justifier les discours
qui rejettent la responsabilité sur les victimes, réfutant leur
statut de victimes et occultant les terribles conséquences qu’elles
subissent, notamment la honte, la stigmatisation, la dépression,
l’anxiété, la toxicomanie et le suicide. Les conséquences émotionnelles
de ce qu’elles ont vécu, associées à la stigmatisation qui en découle,
sont très profondes: des troubles tels que le stress post-traumatique
et le syndrome de traumatisme lié au viol ont été observés
.

30. Dans une étude basée sur les témoignages directs de victimes/survivants
de violences sexuelles, des groupes de discussion ont identifié
l’influence des rôles de genre traditionnels sur la réticence des
hommes à révéler qu’ils ont subi des violences sexuelles et à demander
de l’aide, en particulier chez les hommes homosexuels, qui sont
confrontés à une double stigmatisation (intersectionnelle): en tant
qu’hommes et garçons victimes/survivants et en tant que membres
de groupes ou de communautés de minorités sexuelles
.

31. Les études montrent que les victimes/survivants de violences
sexuelles font l’objet d’une féminisation dégradante
.
Ce phénomène, dit de «féminisation» ou d’«émasculation», trouve
son origine dans les stéréotypes traditionnels liés au genre. Dans
leur grande majorité, les études sur les violences sexuelles contre les
hommes montrent que l’émasculation des survivants est à la fois
une motivation et une conséquence majeure de cette violence
.


32. L’émasculation repose sur l’idée selon laquelle les hommes
victimes de violences sexuelles ne sont pas de «vrais hommes», car
de «vrais hommes» n’auraient pas laissé une telle chose leur arriver.
Le viol peut avoir pour but d’abaisser le statut social de l’homme
qui en est victime en le réduisant à un «homme féminisé». Indépendamment
du genre réel de l’auteur ou de la victime, la caractéristique de
la masculinité est systématiquement attribuée à l’auteur et celle
de la féminité, à la victime. Le viol et d’autres formes de violence sexuelle
ont été décrits comme des infractions de «genrisation», ce qui signifie
qu’ils ont le potentiel de féminiser leurs victimes
.

33. Les normes de genre traditionnelles encouragent les hommes
à paraître forts et peu émotifs, ce qui les rend moins aptes à révéler
avoir subi des violences sexuelles et à surmonter ces expériences.
Ces normes entravent aussi l’accès aux services d’aide aux victimes
de violences sexuelles. Je suis convaincu que le désapprentissage
des masculinités néfastes est la voie à suivre pour instaurer une
culture dans laquelle les victimes/survivants de violences sexuelles
sont crus et soutenus.
34. J’ai appris d’un survivant lui-même, qui m’a fait part de
son expérience personnelle lors de notre audition tenue en mars
2025, combien les victimes/survivants masculins de violences sexuelles
sont stigmatisés dans certains pays en raison de la croyance selon
laquelle la violence sexuelle fait d’un homme hétérosexuel un gay –
ce qui l’a conduit à subir des agressions homophobes. De telles
attitudes ne font que renforcer la stigmatisation, la peur et le
sous-signalement des violences sexuelles par les hommes et les garçons
victimes/survivants.
5. Cartographie des violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons: un aperçu des principaux contextes dans lesquels elles sont exercées
35. Le rapport explicatif de la
Convention de Lanzarote reconnaissait déjà que la majorité des abus
sexuels sur les enfants étaient commis «dans le cadre familial,
par des proches ou par des personnes appartenant à l’environnement
social de l’enfant» (paragraphes 48 et 123-125). Le Comité de Lanzarote,
chargé de veiller à la mise en œuvre de la Convention de Lanzarote,
a par conséquent décidé d’axer son premier cycle de suivi sur «la
protection des enfants contre les abus sexuels commis dans le cercle
de confiance».
36. Le premier
rapport de mise en œuvre établi par le Comité de Lanzarote publié
en 2015 et couvrant 26 pays, a indiqué qu’une majorité
des Parties protégeaient les enfants des abus sexuels commis dans
le cadre de certaines relations ou dans certaines structures (par
exemple, au sein de la famille, à l’école ou en institution). Cependant,
le Comité de Lanzarote a regretté que la plupart des Parties ne
couvraient pas toutes les personnes de l’entourage proche de l’enfant
qui étaient susceptibles d’abuser de leur position de confiance, d’autorité
ou d’influence (par exemple, un ami ou un collègue de travail d’un
parent, des amis des frères ou sœurs aînés, un voisin, etc.). Année
après année, le Comité de Lanzarote a appelé les Parties à accorder
une attention particulière aux mesures et procédures appliquées
pendant les enquêtes et les procédures pénales, afin de ne pas aggraver
le traumatisme subi par les enfants victimes d’abus sexuels dans
leur cercle de confiance.
37. Un nouveau rapport de mise en œuvre, intitulé «La protection
des enfants contre les abus sexuels commis dans le cercle de confiance:
les cadres juridiques», a été adopté en juillet 2025, sur la base
des informations soumises par les Parties.
38. En réponse à l’ampleur du phénomène des violences sexuelles
à l’encontre des enfants commises au sein de la famille et par des
personnes du cercle de confiance, on peut citer l’initiative prise
par le Gouvernement français de lancer, en janvier 2021, une Commission
Indépendante sur l’Inceste et les Violences Sexuelles faites aux
Enfants (CIIVISE). La commission a recueilli quelque 30 000 témoignages
de victimes et son rapport
final, publié en novembre 2023, contient 82 recommandations
adressées au gouvernement. Selon ce rapport, 160 000 enfants sont
victimes de violences sexuelles chaque année en France, et 5,4 millions
de femmes et d’hommes adultes en ont été victimes dans leur enfance.
Le rapport précise que, d’après les estimations, l’impunité des
agresseurs et l’absence de soutien social apporté aux victimes coûtent
9,7 milliards d’euros chaque année en dépenses publiques, et que
les deux tiers de ce coût résultent des conséquences des violences
sexuelles sur la santé des victimes.
39. En outre, je tiens à rappeler la Résolution 2533 (2024) «Maltraitance des enfants dans les institutions en Europe»,
qui devrait être pleinement appliquée en ce qui concerne les violences
sexuelles faites aux enfants dans les institutions.
5.1. Les violences sexuelles à l’encontre des garçons et des hommes dans les contextes religieux
40. Ces dernières années, les révélations
et les enquêtes sur des allégations de violences sexuelles commises
par des prêtres ou des responsables religieux à l’encontre d’hommes
et de garçons, en particulier au sein de l’Église catholique, ont
été de plus en plus mises en lumière dans toute l’Europe, avec différents niveaux
d’engagement au sein du clergé pour lever le voile sur l’étendue
de ces violences, offrir réparation aux victimes/survivants et mettre
en place des mesures de prévention pour l’avenir.
41. En novembre 2018, la Conférence des évêques de France a créé
une Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (CIASE).
La CIASE a publié son rapport en octobre 2021, estimant à 330 000 le nombre
de personnes ayant subi des abus sexuels commis par des membres
du clergé ou par d’autres personnes en lien avec l’Église en France
entre 1950 et 2020. Le rapport conclut que 80 % des victimes étaient des
enfants lorsque les abus ont eu lieu et que la grande majorité d’entre
elles étaient des garçons âgés de 10 à 13 ans. Ce rapport souligne
également la forte prévalence des violences sexuelles au sein de
l’Église catholique, après celles commises au sein des cercles familial
et amical
.
Le rapport de la CIASE a donné lieu à la création de deux organes:
la Commission Reconnaissance et Réparation et l’Instance nationale indépendante
de reconnaissance et de réparation (INIRR), chargées d’accompagner
les victimes de violences sexuelles au sein de l’Église catholique
dans le processus de réparation. Quoique jugés insuffisants par nombre
de victimes/survivants, ces mécanismes représentent toutefois une
reconnaissance officielle des préjudices causés et marquent ainsi
un tournant dans la façon dont les violences sexuelles dans l’Église catholique
sont traitées en France.

42. Lors de l’audition tenue par la commission le 18 mars 2025,
la Présidente de l’INIRR a expliqué que l’instance nationale avait
été créée en tant qu’institution indépendante par la Conférence
des évêques de France afin de traiter les cas de violences sexuelles
au sein de l’Église catholique ayant eu lieu pendant l’enfance de
personnes aujourd’hui adultes qui ne pouvaient plus saisir la justice
en raison des délais de prescription. L’INIRR applique une approche
de justice restaurative et a défini un certain nombre de critères pour
évaluer le préjudice et déterminer le montant de l’indemnisation
financière en fonction de la gravité des violences sexuelles, des
lacunes dans la prévention de ces violences et dans la réparation
des cas individuels, de la gravité des conséquences sur la vie scolaire
et professionnelle des victimes, et des répercussions sur leur vie
sociale et leur santé, y compris mentale. En 2024, l’INIRR a traité
213 demandes de réparation et d’indemnisation.
43. Des enquêtes sur les violences sexuelles commises par le clergé
de l’Église catholique ont aussi été menées dans d’autres pays,
comme en Espagne
.
En Italie, une enquête menée dans le diocèse de Bolzano-Bressanone
a mis au jour 60 cas d’agressions sexuelles commises par des prêtres
depuis 1964. Elle a donné lieu à la première étude indépendante
sur les abus dans l’Église italienne, publiée en janvier 2025
.
En février 2025, un groupe de soutien aux familles des victimes/survivants
de violences sexuelles commises par des membres du clergé a été
créé, une première en Italie
.



44. En Belgique, l’«Opération calice» a été close en février 2025
(après 15 ans d’enquête, qui a porté sur 68 auteurs présumés) par
la décision de ne pas engager de poursuites pénales. En janvier 2024,
l’Église évangélique d’Allemagne a publié une étude révélant qu’au
moins 9 355 enfants et adolescent·es avaient été victimes de violences
sexuelles au sein de l’Église protestante et de ses services diaconaux
depuis 1946. L’étude a identifié 1 259 auteurs de violences, dont
511 membres du clergé, et 2 174 victimes/survivants (dont près de
65 % étaient des garçons).
5.2. Les violences sexuelles à l’encontre des garçons et des hommes dans le domaine du sport
45. La violence sexuelle dans le
sport reste taboue et difficile à étudier. Il convient de prêter
attention à la violence sexuelle à l’encontre des hommes et des
garçons dans les contextes sportifs, notamment à la manière dont
cette violence est influencée par des facteurs socio-économiques,
culturels et sportifs
.
Une approche pluridimensionnelle et intégrée est nécessaire pour
lutter contre cette violence. Cette approche doit être porteuse
d’un changement culturel au sein des organisations sportives et
chez les personnes concernées. Il est essentiel de disposer d’outils
efficaces et concrets et de financer des activités dans ce domaine
afin de sensibiliser et d’informer les victimes potentielles, de
gérer les cas, de protéger les victimes/survivants, et de faire
évoluer la culture sous-tendant les activités, les organisations
et les institutions sportives.

46. La Charte
européenne du sport dispose que l’approche relative à la diligence raisonnable
en matière de droits humains dans le sport requiert le respect des
droits humains des personnes qui participent à des activités liées
au sport. Cela suppose d’«appliquer une politique de tolérance zéro
face à la violence et à toutes les formes de discrimination, en
accordant une attention particulière aux personnes et aux groupes
en situation de vulnérabilité, comme les enfants, les migrants et
les personnes handicapées» (Article 6.2.d). En outre, la Charte
européenne du sport traite de l’intégrité du sport et de la nécessité
pour toutes les parties prenantes du secteur sportif de s’engager
à «protéger toutes les personnes, notamment les jeunes, contre la
violence, le harcèlement et les abus» (article 8.1.a).
47. Depuis 2018, le Conseil de l’Europe mène le projet Donnons
de la voix (Start to Talk), qui appelle les pouvoirs publics et
le mouvement sportif (à savoir les clubs, les associations et organisations
sportives, ainsi que les sportifs et sportives et les entraîneurs
et entraîneuses) à mettre fin aux abus sur les enfants
.
Le projet vise à protéger les enfants dans le sport par l’élimination
de toutes les formes d’abus et de violence à leur encontre, en fournissant
aux pouvoirs publics et aux organisations sportives une assistance
technique, des ressources et des matériels
. Ces ressources et matériels comprennent
des outils pour élaborer et mettre en œuvre des politiques de protection
des enfants, des formations tenant compte des traumatismes pour
les expert∙es et les professionnel·les du sport, ainsi que des campagnes
de sensibilisation.


48. Un kit de
formation pour prévenir les éventuelles situations de violence
sexuelle à l’encontre d’enfants et de jeunes dans le sport et savoir
y réagir a été conçu en 2018 dans le cadre du projet conjoint Union européenne/Conseil
de l’Europe, Mettre
fin au harcèlement et à l’abus sexuel des enfants dans le sport. Le kit de formation fournit des informations pour aider
les formateurs et formatrices, les moniteurs et monitrices, les entraîneurs
et entraîneuses, les dirigeant·es sportifs et les enseignant·es
d’éducation physique à prévenir les situations de violence sexuelle
dans le sport et à y réagir, et il est actuellement mis à jour par
un groupe d’expert∙es internationaux sur la sécurité dans le sport.
49. En juillet 2025, le Comité de direction de l’Accord partiel
élargi sur le sport (APES) a adopté les Lignes directrices pour
un recrutement plus sûr dans le sport, qui vise à assurer une sélection,
dans le respect des droits humains, des professionnel·les et des
bénévoles qui sont en contact avec des enfants à l’occasion d’activités
sportives.
50. Je soutiens pleinement la Résolution 2607 (2025) de l’Assemblée «La protection des droits humains dans
et par le sport: obligations et responsabilités partagées» et l’appel
à l’action lancé par le rapporteur, M. Kim Valentin (Danemark, ADLE),
à lutter contre les abus et la violence dans le sport.
5.3. Les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons en situation de migration
51. Des études montrent que dans
le contexte de la migration, les violences sexuelles ne sont pas
rares parmi les hommes et garçons migrants, demandeurs d’asile et
réfugiés. Les garçons et les jeunes hommes réfugiés sont particulièrement
exposés aux violences sexuelles commises par des garçons plus âgés
ou par des hommes appartenant à leur propre communauté ou à la communauté
d’accueil.
52. Cependant, il y a un manque d’études de victimisation concernant
les hommes et garçons migrants. Des travaux récemment menés concernant
les hommes migrants qui ont été témoins et survivants de violences sexuelles
en Europe
attirent l’attention sur
la nécessité de mettre en place des voies de migration légales sûres,
de sensibiliser davantage à la vulnérabilité des hommes migrants
face aux violences sexuelles et d’améliorer la formation et la sélection
des professionnel·les et des bénévoles travaillant dans ce domaine.

53. Les personnes migrantes courent également un risque accru
de subir des violences sexuelles dans les centres de rétention des
services d’immigration et lorsqu’elles sont sans abri. Le risque
est encore plus élevé pour les hommes et les garçons GBTI.
54. Le Comité de Lanzarote a insisté sur la nécessité de protéger
les enfants migrants et réfugiés contre l’exploitation sexuelle
et les abus sexuels. Dans une Déclaration adoptée en 2018, les Parties à la Convention ont reconnu
que les enfants réfugiés et migrants, et surtout les enfants non
accompagnés et séparés, étaient extrêmement vulnérables et réclamaient
donc une protection et des soins supplémentaires pour la sauvegarde de
leurs droits et de leur intérêt supérieur. Le Comité de Lanzarote
a appelé les Parties à respecter les droits et l’intérêt supérieur
de l’enfant en toutes circonstances, indépendamment de son statut
migratoire. Un appel qui reste tout à fait d’actualité.
5.4. Les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons gays, bisexuels, transgenres et intersexes
55. Selon les données disponibles,
les hommes GBTI subissent davantage de violences sexuelles que la population
masculine générale (notant qu’en ce qui concerne l’Europe, l’essentiel
des données disponibles sur les violences sexuelles à l’encontre
des hommes GBTI provient du Royaume-Uni). Dans une enquête menée en 2021
par SurvivorsUK, 45 % des hommes gays et bisexuels avaient été victimes
d’agressions sexuelles, et 85 % d’entre eux ne l’avaient jamais
signalé à la police
. Cette situation s’explique
par un certain nombre de facteurs, notamment les sentiments anti-GBTI
de nature structurelle, la pression sexuelle, une culture du consentement
peu développée et la tendance systémique à faire le silence autour
de cette violence
. En outre, la méfiance
à l’encontre des forces de l’ordre, l’attitude dédaigneuse ou homophobe
des autorités et la discrimination institutionnelle dissuadent également
les victimes/survivants de signaler les faits
. Il est par conséquent
essentiel de s’occuper des violences sexuelles à l’encontre des
hommes et des garçons ayant diverses orientations sexuelles, identités
et expressions de genre et caractéristiques sexuelles.



56. L’enquête LGBTIQ III, menée en 2023 par l’Agence des droits
fondamentaux de l’Union européenne et publiée en mai 2024
,
fournit peu de données sur les violences sexuelles à l’encontre
des hommes GBTI. Dans cette enquête, il était demandé si des violences
avaient été subies au cours de l’année précédente, et quel type
de violences (physique, physique et sexuelle, ou sexuelle). Parmi
les hommes de toute orientation sexuelle ou caractéristique sexuelle,
environ 1 % ont déclaré avoir subi des violences à caractère sexuel
(soit physiques et sexuelles, soit sexuelles), contre 3 % des hommes
transgenres (de toute orientation sexuelle ou caractéristique sexuelle)
et près de 4 % des hommes transgenres homosexuels.

57. Il existe très peu de données sur les violences sexuelles
à l’encontre des hommes et des garçons intersexes et transgenres.
L’enquête LGBTIQ III précitée a révélé que parmi tous les répondants
intersexes (c’est-à-dire pas uniquement les hommes), près de 5 %
avaient subi une agression à caractère sexuel au cours de l’année
précédente. Si le nombre de répondants intersexes ayant participé
à cette enquête a considérablement augmenté, elle a également montré
que les personnes intersexes étaient confrontées à des niveaux de
violence alarmants dans leur vie quotidienne.
58. En outre, les hommes et les garçons intersexes peuvent subir
des violences sexuelles sous la forme d’interventions médicales
non nécessaires et non consenties liées aux variations de leurs
caractéristiques sexuelles
. Dans sa Recommandation
de politique générale no 17 sur la prévention et la lutte contre l’intolérance et
la discrimination envers les personnes LGBTI publiée en septembre 2023,
la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI)
a relevé que les personnes intersexes étaient encore fréquemment
confrontées à la discrimination et aux abus, voire à des violences,
en raison de leurs caractéristiques sexuelles. Un projet de recommandation
du Comité des Ministres sur l’égalité des droits des personnes intersexes
devrait être adopté avant la fin de 2025.

59. Il existe très peu d’études sur les hommes transgenres, mais
une étude menée en 2022 au Royaume‑Uni par l’organisation Galop
a révélé que, parmi les hommes transgenres ayant subi des violences sexuelles,
35 % ont indiqué que ces violences avaient été commises dans l’intention
de les soumettre à des pratiques de conversion. J’attends avec intérêt
le rapport intitulé «Pour une interdiction des ‘thérapies de conversion’»,
en cours d’élaboration par Mme Kate Osborne
(Royaume-Uni, SOC). Dans le contexte de ce rapport, je demande l’interdiction
de ces pratiques dans nos États membres, dans la mesure où elles
peuvent constituer une violence sexuelle.
60. En ce qui concerne les lois et les politiques visant à prévenir
et à combattre la violence fondée sur le genre à l’encontre des
hommes GBTI, certains pays intègrent ces mesures dans leurs stratégies
nationales en faveur de l’égalité des personnes LGBTI (Allemagne,
Pays-Bas), tandis que d’autres intègrent les questions liées aux
personnes LGBTI dans leurs stratégies nationales de lutte contre
la violence fondée sur le genre (Irlande). Dans les deux cas, le
fait de mentionner explicitement la violence fondée sur le genre
dans une stratégie nationale, y compris la violence sexuelle à l’encontre
des personnes LGBTI donne de la visibilité à cette question et constitue
une approche politique inclusive.
61. Une initiative prometteuse a été prise par le ministère allemand
de l’Intérieur, qui a créé un groupe de travail sur la lutte contre
la violence homophobe et transphobe, avec la participation des Länder
allemands et de la société civile. En 2023, ce groupe de travail
a proposé 22 mesures visant à accroître le signalement des infractions
motivées par la haine, y compris de violence, telles que des mesures
visant à protéger l’adresse des personnes qui signalent ces infractions
et l’abaissement du seuil permettant de déclencher un signalement en
ligne.
62. Enfin, le Comité de Lanzarote a recommandé aux États de veiller
à ce que tous les enfants soient protégés de manière égale contre
la violence sexuelle, sans discrimination fondée sur leur sexe ou
leur orientation sexuelle, en évitant la stigmatisation des activités
sexuelles fondée sur l’orientation sexuelle et en garantissant des
sanctions égales, indépendamment du sexe ou du genre de la victime
ou de l’auteur.
5.5. Les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons dans les situations de conflit
63. Les violences sexuelles, dont
le viol, sont interdites par le droit international des droits humains
et le droit international humanitaire. Elles peuvent aussi constituer
des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité et des crimes
de génocide en droit pénal international. Des interventions centrées
sur les survivants et fondées sur des connaissances validées doivent
être menées à titre préventif et après que des violences ont été commises
afin de répondre aux besoins de protection des hommes et des garçons
victimes/survivants des violences sexuelles dans le cadre de conflits.
64. Le Conseil de sécurité de l’ONU a ouvert la voie à une évolution
des conceptions traditionnelles de la masculinité avec sa Résolution
2467 (2019), dans laquelle il a insisté sur la nécessité de renforcer
l’accès à la justice ainsi que la lutte contre l’impunité, et a
appelé à appliquer une approche centrée sur les survivants pour prévenir
et combattre les violences sexuelles dans les situations de conflit.
La résolution exhorte les États membres «à protéger les victimes
masculines, hommes et garçons, et à donner plus d’effet aux politiques
qui offrent une aide appropriée aux rescapés de sexe masculin et
remettent en question les préjugés culturels d’invulnérabilité masculine
face à de telles formes de violence» (paragraphe 32). L’Assemblée
devrait suivre cette résolution et appeler les États membres du
Conseil de l’Europe à prendre des mesures pour s’affranchir des
rôles traditionnellement attribués aux hommes et aux femmes.
65. L’impact des violences sexuelles liées aux conflits sur les
hommes et les garçons est de plus en plus reconnu. Ces violences
se produisent dans des lieux très variés, dont les camps militaires,
les postes de contrôle, les commissariats de police, les prisons
et d’autres lieux de détention. En décembre 2019, l’ONG All Survivors
Project a publié une Liste
de vérification pour prévenir et lutter contre les violences sexuelles
à l’encontre des hommes et des garçons dans les situations de conflit, afin de soutenir les
efforts nationaux visant à garantir que les hommes et les garçons
soient protégés contre les violences sexuelles liées aux conflits
dans la loi et dans la pratique; que les politiques nationales et
autres mesures répondent aux risques et aux vulnérabilités de toutes
les personnes; et que toutes les victimes/survivants aient accès,
sans aucune discrimination, à la justice, y compris à des réparations,
ainsi qu’à des soins médicaux, et à un soutien psychologique et
psychosocial de qualité, centrés sur les survivants, et à d’autres
formes d’assistance.
66. Les violences sexuelles liées aux conflits à l’encontre des
hommes et des garçons sont aujourd’hui une réalité dans la guerre
d’agression contre l’Ukraine et dans les territoires occupés, notamment
lorsqu’ils sont détenus en captivité
. Il semblerait que la
violence sexuelle soit utilisée de manière systématique et délibérée comme
une forme de torture, dans le but de punir et d’humilier
.
L’ampleur réelle de cette violence est considérée comme beaucoup
plus importante en raison du sous-signalement, de la stigmatisation
et des obstacles à l’accès à l’aide dans les territoires occupés
ou de première ligne. Dans son arrêt rendu en Grande Chambre le
3 juillet 2025 (Ukraine et Pays-Bas c.
Russie), la Cour européenne des droits de l'homme a constaté
que «des éléments de preuve attestent que les séparatistes armés
et les troupes russes ont largement et systématiquement fait usage
de la violence sexuelle contre des hommes et des femmes, jeunes et
moins jeunes». La Cour a en outre souligné «les terribles violences
sexuelles fréquemment commises sur des détenus de sexe masculin
[…] souvent pratiquées pour attaquer et détruire leur masculinité
ou leur virilité».


67. Le 10 mars 2022, le Comité de Lanzarote a adopté une Déclaration
sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus
sexuels suite à l’agression militaire de la Fédération de Russie
contre l’Ukraine. Elle appelait les États parties à agir contre le risque
d’exposition à l’exploitation et aux abus sexuels spécifiques aux
enfants migrants et réfugiés, en tenant compte de la vulnérabilité
accrue engendrée par des facteurs tels que la privation de liberté,
la séparation de leur famille, un accueil et des soins inadaptés
et l’absence de systèmes de tutelle efficaces. En septembre 2023,
le Comité de Lanzarote s’est déclaré préoccupé par le fait que les
enfants ukrainiens ayant été illégalement transférés ou déportés
vers la Fédération de Russie ou vers les zones temporairement contrôlées
ou occupées par la Fédération de Russie pouvaient être exposés à
des risques d’exploitation et d’abus sexuels.
68. Le Groupe consultatif
du Conseil de l’Europe sur les enfants d’Ukraine a été créé en novembre 2023 pour faciliter la coopération
entre les États membres, l’Union européenne et les organisations
internationales concernées. En juillet 2024, le groupe a organisé
une audition sur le thème «Comprendre les risques de traite des
êtres humains, y compris à des fins d’exploitation sexuelle et d’exploitation
par le travail, auxquels les enfants d’Ukraine sont exposés». Le rapport, publié en octobre 2024, recense les principaux risques
et les mesures d’atténuation envisageables pour protéger les enfants
ukrainiens contre la traite des êtres humains à des fins d’exploitation
sexuelle.
69. Comme il a été expliqué lors de l’audition tenue en mars 2024,
la Women’s Refugee Commission a créé et dirigé un groupe de travail
sur les besoins des survivants de sexe masculin de violences sexuelles
en Ukraine, notamment afin de comprendre les obstacles à l’accès
aux services de soutien. Parmi les obstacles entravant l’accès aux
services de santé et aux services psychosociaux figuraient la crainte
d’être identifiés comme des survivants de violences sexuelles et
la crainte d’être identifiés ou considérés comme des homosexuels.
Ils redoutaient aussi d’être tenus responsables des violences subies
et manquaient de connaissances et d’informations sur les lieux où
ils pouvaient bénéficier d’une prise en charge médicale en toute
sécurité.
70. En novembre 2024, la Verkhovna Rada d’Ukraine a adopté une
loi sur la protection juridique et sociale des droits des victimes
de violences sexuelles en relation avec l’agression de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine, et les réparations provisoires urgentes
(no 10132). La loi représente une étape
majeure dans la lutte contre les violences sexuelles liées aux conflits
et le soutien aux survivants, faisant de l’Ukraine le premier pays à
prendre des mesures provisoires d’urgence pour offrir une réparation
aux victimes/survivants des violences sexuelles pendant un conflit
armé en cours.
71. Le
Registre des dommages causés par l’agression de la Fédération de
Russie contre l’Ukraine continue de recevoir et d’enregistrer des demandes d’indemnisation
pour les dommages, pertes et préjudices causés par la guerre d’agression.
De nouvelles catégories de demandes ont été ajoutées en 2025, qui
comprennent les violences sexuelles.
5.6. Les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons privés de liberté
72. Une vulnérabilité accrue aux
violences sexuelles s’observe également dans les lieux où des hommes
et des garçons sont privés de liberté. La détention crée l’occasion
de commettre des actes de violence et empêche les victimes/survivants
d’accéder aux services dont ils ont besoin.
73. Dans ses rapports par pays, le Comité européen pour la prévention
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(CPT) du Conseil de l’Europe traite régulièrement de la question
de la violence entre détenus, y compris de la violence sexuelle.
Le CPT a appelé les autorités à faire en sorte que les services
de santé et la direction des établissements pénitentiaires soient
suffisamment formés pour venir en aide aux victimes de violences
sexuelles. Le CPT a également formulé des recommandations concernant la
violence entre détenus dans les établissements correctionnels pour
mineurs.
74. En 2024, le CPT a publié un ensemble de normes et de recommandations destinées aux administrations pénitentiaires européennes
et visant à garantir que les personnes détenues transgenres, qui
constituent une catégorie très vulnérable de la population carcérale,
soient protégées contre les risques de mauvais traitements, y compris
de violence sexuelle. En effet, les hommes et les garçons GBTI sont
particulièrement exposés au risque de violence sexuelle dans les
milieux fermés, tels que les prisons et les centres de rétention pour
migrants
.

6. Les cadres juridiques et politiques visant à prévenir et à lutter contre les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons
75. Les conventions du Conseil
de l’Europe suivantes devraient être pleinement mises en œuvre pour prévenir
et lutter contre les violences sexuelles à l’encontre des hommes
et des garçons, à savoir, selon le cas: la Convention sur la protection
des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201);
la Convention sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197),
en ce qui concerne les hommes et les garçons victimes de traite
à des fins d’exploitation sexuelle; la Charte sociale européenne
(révisée) (STE no 163); la Charte européenne
du sport; et la Convention sur la cybercriminalité (STE no 185).
76. Les Parties à la Convention du Conseil de l’Europe sur la
prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et
la violence domestique (STCE no 210,
«Convention d’Istanbul») peuvent décider de l’appliquer à toutes
les victimes de violence domestique, conformément à l’article 2(2).
Elle peut ainsi couvrir les victimes de sexe masculin de violence
sexuelle survenant «au sein de la famille ou du foyer ou entre des anciens
ou actuels conjoints ou partenaires, indépendamment du fait que
l’auteur de l’infraction partage ou a partagé le même domicile que
la victime». Selon les informations disponibles, des services explicitement destinés
aux hommes victimes de violence domestique seraient actuellement
créés en Allemagne dans certains des 16 Länder
.

77. Les hommes tendent à moins recourir à des soins médicaux spécialisés
après avoir été violés ou agressés sexuellement. En conséquence,
on ne dispose pas de preuves médico-légales et autres pour étayer une
enquête pénale et les victimes ne peuvent bénéficier d’un soutien
pour se remettre du traumatisme, ni d’accès à des services de soutien
à plus long terme. Le Guide de bonnes pratiques pour aider les victimes/survivants
de sexe masculin à accéder à un centre d’aide d’urgence pour les
victimes d’agressions sexuelles (Good
practice guide to supporting male victims/survivors accessing a
sexual assault referral centre), publié par le Service national de santé anglais en
2022, est un exemple révélateur de cette situation.
78. Lorsqu’ils bénéficient d’un soutien adapté, les hommes et
les garçons victimes/survivants de violences sexuelles peuvent se
rétablir
.
Le travail de groupe ou l’accompagnement psychologique peuvent donner
des résultats positifs en offrant un espace sûr et bienveillant
dans lequel les survivants peuvent partager leurs expériences et
leurs difficultés. Grâce à des discussions guidées, des exercices
thérapeutiques et la présence d’un·e thérapeute qualifié·e, les
survivants peuvent accepter leur traumatisme, gérer leurs sentiments
de honte et de culpabilité et apprendre des mécanismes d’adaptation.
Au fil du temps, ils peuvent ressentir une amélioration de leur
bien-être mental, acquérir une plus grande conscience d’eux-mêmes
et accroître leurs capacités d’adaptation, ce qui leur permet finalement
de retrouver leur capacité d’agir et de s’engager sur la voie de
la guérison et du rétablissement.

79. Les mesures de prévention et de soutien destinées aux hommes
et aux garçons victimes/survivants de violences sexuelles dans toute
leur diversité, telles que les campagnes d’information, la formation
des professionnel·les, l’accès aux refuges et aux autres services,
ainsi que l’accès à la justice et à la réparation, devraient être
renforcées pour mieux les protéger. Les systèmes permettant aux
professionnel·les et aux bénévoles de signaler toutes les formes
de violences faites aux enfants, y compris les violences sexuelles,
sont des éléments essentiels des stratégies nationales visant à
combattre et à prévenir la violence à l’encontre des enfants
.

80. Le consentement sexuel est intégré dans les principales lignes
directrices internationales en matière d’éducation sexuelle. Les Principes
directeurs internationaux des Nations Unies sur l’éducation à la
sexualité ont été mis à jour pour la dernière fois en décembre 2024.
Le Comité directeur du Conseil de l’Europe pour les droits de l’enfant
prépare actuellement un projet de recommandation du Comité des Ministres
sur l’éducation complète à la sexualité adaptée à l’âge des enfants
afin de renforcer les réponses pour entre autres prévenir et combattre
la violence à l’encontre des enfants; ce projet devrait être adopté
en 2026.
81. La participation des organisations spécialisées de la société
civile aux politiques visant à prévenir et à combattre les violences
sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons, y compris à la
fourniture de services de soutien spécialisés, est essentielle.
Je tiens à mentionner à cet égard l’Alliance mondiale pour la protection
des garçons contre la violence sexuelle (Global Alliance on the
Protection of Boys from Sexual Violence), qui rassemble des organisations internationales et
locales œuvrant à la lutte contre toutes les formes de violence
sexuelle touchant les garçons dans divers contextes. L’Alliance
mondiale a élaboré un Manifeste mondial pour lutter contre les violences
sexuelles à l’encontre des garçons (Global
Manifesto to combat sexual violence against boys), qui vise à inscrire
la protection des garçons au cœur des initiatives de protection
de l’enfance, à remettre en question les idées rigides sur la masculinité
et à réduire la violence fondée sur le genre à l’encontre des femmes
et des filles.
82. L’une des bonnes pratiques présentées lors de l’audition tenue
par la commission en mars 2025 a mis en évidence les avantages de
faciliter la participation des victimes/survivants à l’élaboration
des politiques par le biais d’un «conseil des survivants», tel qu’il
en existe en Allemagne. Je suis favorable à cette pratique et j’invite
les autres pays à l’envisager.
6.1. Les lois visant à prévenir et à combattre les violences sexuelles à l’encontre des hommes
83. On devrait entendre par violence
sexuelle, y compris le viol, le fait de se livrer à des actes à
caractère sexuel non consentis avec une personne, ou le fait de
contraindre une autre personne à se livrer à des actes à caractère
sexuel non consentis avec un tiers. Le consentement doit être donné
volontairement comme résultat de la volonté libre de la personne,
considérée dans le contexte des circonstances environnantes. Les définitions
de la violence sexuelle, y compris du viol, énoncées dans le droit
pénal devraient être fondées sur le consentement, comme l’exige
la Convention d’Istanbul (article 36) et la jurisprudence de la
Cour européenne des droits de l’homme.
84. J’ai été choqué lorsque j’ai appris que toutes les définitions
du viol figurant dans les codes pénaux de nos États membres ne couvraient
pas la violence sexuelle à l’encontre des hommes. Si l’on compare
les définitions juridiques du viol dans différents pays européens
,
on constate que les dispositions pénales de certains pays ne reconnaissent
pas la possibilité qu’un homme soit violé, et que certaines définitions
du viol désignent explicitement les hommes – et uniquement les hommes –
comme les agresseurs. Ces définitions contribuent à renforcer les
«mythes du viol» selon lesquels «les hommes ne peuvent pas être
violés».

85. Certains codes pénaux utilisent les termes «sexuel» (au sens
de «hétérosexuel») et «homosexuel» en relation avec différentes
infractions à caractère sexuel. C’est le cas de l’Albanie, dont
le Code pénal définit en son article 102 l’infraction d’activité
sexuelle (c’est-à-dire hétérosexuelle) par l’usage de la force sur
des femmes adultes ou entre époux ou concubins. Cette disposition
est formulée de manière à exclure les hommes hétérosexuels et des
femmes homosexuelles du statut de victimes de violence sexuelle.
En outre, l’article 102/a du Code pénal traite de l’«activité homosexuelle
par l’usage de la force avec des hommes adultes».
86. Le Code pénal arménien définit lui aussi le viol comme une
infraction ne pouvant être commise que par des hommes contre des
femmes. En effet, l’article 138 porte sur les rapports sexuels entre
un homme et une femme, ce qui ne laisse aucune place à une interprétation
différente. L’article 139 du Code pénal arménien définit les «actes
sexuels violents» comme des «actes homosexuels, lesbiens ou autres
actes sexuels» commis sur une personne en recourant à la force,
en menaçant d’utiliser la force ou en profitant de l’impuissance
de la personne lésée. Parmi les autres pays qui reconnaissent uniquement
les femmes comme des victimes potentielles de viol figurent la Bulgarie
et la République slovaque.
87. La Suisse suivait également cette approche (selon laquelle
seules les femmes peuvent être victimes de viol), mais le Gouvernement
suisse a modifié la définition du viol dans le Code
pénal (article 190), avec effet au 1er juillet 2024.
La disposition est désormais formulée en des termes neutres du point
de vue du genre, de manière à pouvoir s’appliquer aux femmes et
aux hommes.
88. Dans d’autres pays, comme l’Irlande, le viol d’une personne
de sexe masculin est reconnu comme une infraction pénale, mais uniquement
lorsqu’il est commis par un homme. Il semble en aller de même au Royaume-Uni,
où la loi de 2003 sur les infractions sexuelles reconnaît le viol
des personnes de sexe masculin, mais où l’utilisation exclusive
de pronoms et d’attributs masculins laisse entendre que seuls les
hommes peuvent commettre un viol. Selon le Crown Prosecution Service
(service des poursuites de la couronne) «une femme ne peut commettre
cette infraction qu’en tant que complice»
,
excluant ainsi la possibilité qu’une femme soit l’auteure d’un viol.
La loi susmentionnée prévoit une nouvelle infraction, intitulée
«Provocation d’une activité sexuelle non consentie», dont l’objectif
est de créer un équivalent féminin à l’infraction de viol, entraînant
le même niveau de sanction pour un acte qui constitue le même type
d’infraction
. D’autres
codes pénaux, comme celui de la Bulgarie, prévoient la possibilité
que des femmes soient les auteures de viols.


89. Cette première analyse des différentes approches et limites
des définitions juridiques du viol dans les pays européens – portant
sur la question de savoir si les hommes et/ou les femmes peuvent
être considérés comme des victimes et/ou des auteur·es de viol –
met en évidence les stéréotypes et les préjugés liés au genre qui
perdurent dans nos sociétés. Elle montre combien il est nécessaire
de recommander fermement et de toute urgence aux États membres d’élargir
le champ d’application des définitions du viol dans leur droit pénal,
de sorte que ces définitions envisagent la possibilité que les femmes
comme les hommes puissent être victimes et auteur·es de violences
sexuelles.
6.2. Les lois visant à prévenir et à combattre les violences sexuelles à l’encontre des garçons
90. Si la prise de conscience des
violences à l’encontre des enfants a considérablement augmenté,
le silence est encore souvent de mise lorsque les violences sexuelles
touchent des garçons.
91. Au niveau mondial, l’article 19 de la Convention des Nations
Unies relative aux droits de l’enfant impose aux États l’obligation
claire de protéger les enfants contre toutes les formes de violence,
à tout moment et en tous lieux. Parmi les autres instruments et
engagements internationaux en la matière, on peut citer la Déclaration
et le Plan d’action de Rio de Janeiro pour la prévention et l’élimination
de l’exploitation sexuelle des enfants et des adolescents (2008).
92. La Convention de Lanzarote et la Recommandation CM/Rec(2009)10 du Comité des Ministres aux États membres sur les stratégies
nationales intégrées de protection des enfants contre la violence,
qui comprend un ensemble de lignes directrices, sont les principaux
instruments juridiques du Conseil de l’Europe pour prévenir et lutter
contre les violences sexuelles à l’encontre des garçons en Europe.
93. La Convention de Lanzarote, entrée en vigueur en juillet 2010,
exige l’incrimination de l’exploitation et des abus sexuels des
enfants. Elle exige des États qu’ils adoptent une législation et
qu’ils prennent des mesures pour prévenir les violences sexuelles,
protéger les enfants victimes et poursuivre les agresseurs en justice.
Le Comité de Lanzarote a été établi pour veiller à son application
par les 48 Parties
94. La Convention de Lanzarote laisse aux Parties la liberté de
déterminer l’âge en deçà duquel il est interdit d’avoir des activités
sexuelles avec un enfant: l’âge légal. En septembre 2023, le Conseil
de l’Europe a publié une Étude
comparative de l’âge légal pour entretenir des activités sexuelles
dans les États parties à la Convention de Lanzarote.
95. Les délais de prescription sont essentiels pour les enfants
victimes de violences sexuelles, car ils déterminent la durée pendant
laquelle les infractions peuvent être signalées après qu’elles ont
été commises. Selon l’article 33 de la Convention de Lanzarote,
les Parties doivent veiller à ce que le délai de prescription continue
de courir «pour une durée suffisante pour permettre l’engagement
effectif des poursuites, après que la victime a atteint l’âge de
la majorité, et qui est proportionnelle à la gravité de l’infraction
en question». Cette disposition relève un obstacle pratique important
qui entrave considérablement le signalement des infractions. En
juin 2024, le Comité de Lanzarote a adopté un avis
destiné à clarifier l’interprétation de l’article 33 de la Convention
de Lanzarote, reconnaissant la suppression des délais de prescription
pour les infractions sexuelles commises à l’encontre d’enfants comme
une mesure efficace pour garantir un délai suffisant pour engager
des poursuites après que la victime ait atteint l’âge de la majorité.
96. Dans sa Résolution 2330 (2020) «Lutte contre la violence sexuelle à l’égard des enfants:
renforcer l’action et la coopération en Europe», l’Assemblée exhortait
les États membres «à supprimer le délai de prescription de la violence
à caractère sexuel à l’égard des enfants, ou du moins à veiller
à ce que le délai de prescription soit proportionné en droit pénal
et civil à la gravité de l’infraction alléguée et, en tout état
de cause, au moins égal à trente ans à compter de la date à laquelle
la victime a atteint l’âge de 18 ans». Je me joins à cet appel lancé
par notre Assemblée en 2020. Des organisations de la société civile
et des universitaires plaident
également en faveur de l’abolition des délais de prescription pour
les infractions à caractère sexuel commises sur des enfants.
97. Il n’est pas possible d’aborder en profondeur la question
de la violence sexuelle en ligne à l’encontre des hommes et des
garçons dans le cadre du présent rapport. L’article 23 de la Convention
de Lanzarote établit la nécessité de prendre des mesures pour ériger
en infraction pénale le fait de solliciter un enfant à des fins d’abus
sexuels ou de pornographie enfantine, en utilisant les technologies
de l’information et de la communication. Le Comité de Lanzarote
se consacre à la protection des enfants contre l’exploitation et
les abus sexuels facilités par les technologies de l’information
et de la communication et s’emploie à répondre aux défis soulevés
par les images et/ou vidéos à caractère sexuel auto-générées par
des enfants. Dans son avis de 2015, il a estimé que les États devraient
envisager d’élargir cette incrimination aux cas des abus sexuels commis
en ligne. En outre, l’article 9 de la Convention
sur la cybercriminalité (STE no 185, «Convention
de Budapest»), exige des Parties qu’elles érigent en infraction
pénale un certain nombre d’actes liés au fait de posséder, de se
procurer, de procurer à autrui ou de diffuser de la pornographie
enfantine par le biais d’un système informatique.
98. Le «modèle des Barnahus», une bonne pratique reconnue pour
minimiser les traumatismes et la victimisation secondaire des enfants
et améliorer la qualité des preuves, a été largement développé en application
de la Convention de Lanzarote
. Il permet à tous les professionnel·les
concernés, notamment au sein de la police, du ministère public,
des services sociaux, des services de santé et du pouvoir judiciaire,
de travailler ensemble avec les enfants survivants et témoins de
violences dans un espace sûr. Le témoignage des enfants est recueilli
une seule fois et filmé pour être utilisé au tribunal, afin d’éviter
des interrogatoires répétés. Des normes internationales pour des
services pluridisciplinaires et interinstitutionnels adaptés aux enfants
victimes de violences (Child-friendly multidisciplinary
and interagency response services for children who are victims of
violence — Requirements and recommendations) ont été publiées par l’Organisation internationale
de normalisation (ISO) en mars 2025 et devraient être appliquées
par les États membres.

99. En mars 2024, le Comité de Lanzarote a publié une série de Lignes
directrices destinées aux responsables politiques concernant la
participation des victimes et survivant·es d’exploitation et d’abus sexuels
subis dans l’enfance “Rien sur nous sans nous”, visant à aider les responsables politiques à soutenir la
participation des victimes/survivant·es de violence sexuelle en
se fondant sur les principes suivants: une telle participation doit
tenir compte des traumatismes, l’autodétermination des personnes
concernées doit être respectée tout au long du processus, et les
personnes qui défendent la cause des survivant·es doivent être habilitées
à interagir en leur nom avec les décideurs politiques.
100. En février 2024, dans le cadre de la Stratégie de l’Union
européenne en faveur d’une lutte plus efficace contre les abus sexuels
commis contre des enfants, la Commission européenne a soumis une
proposition de révision de la Directive
de 2011 relative à la lutte contre les abus sexuels et l’exploitation
sexuelle des enfants, ainsi que la pédopornographie. Le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen
examinent actuellement les modifications à apporter à la directive
de 2011, dans le but de faire en sorte que toutes les formes d’abus
sexuels et d’exploitation sexuelle des enfants, y compris celles
qui sont rendues possibles ou facilitées par les nouveaux outils
en ligne, soient érigées en infractions pénales. Il est envisagé
d’alourdir les sanctions, d’imposer des exigences plus précises
en matière de prévention et d’assistance aux victimes, et d’allonger
les délais de prescription de sorte que les victimes aient effectivement
la possibilité de demander justice.
7. Conclusions
101. Mon rapport vise à attirer
l’attention sur les violences sexuelles à l’encontre des hommes
et des garçons dans toute leur diversité, en tenant dûment compte
des principaux contextes dans lesquels elles se produisent, sur
la nécessité de s’attaquer aux causes profondes, et sur les problèmes
liés au sous-signalement, la stigmatisation et l’invisibilité qui
restent les principales caractéristiques de cette violence. Il est
urgent de mener davantage de recherches et de collecter des données
ventilées sur ce type de violence.
102. Les violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons
sont une violation des droits humains et un crime qui doit être
reconnu comme tel et combattu par les autorités et l’ensemble de
la société. Il est essentiel que les survivants de violences sexuelles
soient crus, écoutés, accompagnés, soutenus et autonomisés dans
leur cheminement vers la guérison.
103. Une formation adéquate des autorités compétentes est une condition
préalable pour que les survivants de violences sexuelles puissent
accéder à la justice et obtenir réparation. Les témoignages des
victimes/survivants devraient être correctement recueillis, et l’accès
à une aide juridique et à un soutien pour faire valoir leurs droits
devant les tribunaux doit être assuré. Les délais de prescription
devraient être supprimés et une gamme de services de soutien adéquats
devrait être mise en place pour les victimes/survivants de sexe masculin.
104. Davantage d’actions de sensibilisation et d’éducation doivent
être menées pour empêcher que des hommes et des garçons continuent
de subir des violences sexuelles. De même, davantage d’études ciblées doivent
être réalisées pour que des lois et politiques plus efficaces, fondées
sur des connaissances validées, puissent être élaborées.
105. Il est essentiel d’étudier les causes profondes des violences
sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons dans toute leur
diversité, notamment les valeurs patriarcales, les masculinités
nocives, les stéréotypes de genre négatifs et les rôles traditionnels
dévolus aux hommes. Les hommes qui agressent sexuellement des hommes
et des garçons cherchent à imposer leur propre masculinité et à
affaiblir celle de leur victime. Ces phénomènes d’émasculation et
de féminisation s’accompagnent d’une stigmatisation extrême et ont
des conséquences importantes sur la santé mentale et la vie sociale
des survivants. Il faut agir pour changer cet environnement à l’avenir,
notamment en prenant des mesures conçues et ciblées pour répondre
aux différents contextes et situations dans lesquels les violences
sexuelles se produisent.
106. En tant qu’acteurs et actrices politiques influents, il nous
incombe de garantir à chacun et à chacune la jouissance de ses droits
humains et de sa dignité, sans discrimination aucune, tout en reconnaissant
et en tenant compte de l’impact de la perspective intersectionnelle.
Il est de notre responsabilité de promouvoir une société qui respecte
et prend soin de tous ses membres et qui offre un environnement
où l’égalité de genre est une réalité pour tous et toutes. Je suis
convaincu que répondre aux besoins des hommes et des garçons victimes/survivants
de violences sexuelles fait partie intégrante de cette vision et
peut être réalisé tout en continuant à lutter pour le droit des
femmes et des filles à vivre dans un monde libre de violence et
de discrimination fondées sur le genre. J’espère que ce rapport
contribuera à cet objectif et qu’il encouragera notre Assemblée
à s’engager davantage dans la prévention et la lutte contre les
violences sexuelles à l’encontre des hommes et des garçons.