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Rapport | Doc. 16271 | 30 septembre 2025

Défendre la démocratie et l'État de droit en Géorgie

Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (Commission de suivi)

Corapporteur : Mme Edite ESTRELA, Portugal, SOC

Corapporteur : Mme Sabina ĆUDIĆ, Bosnie-Herzégovine, ADLE

Origine - Renvoi en commission: débat d’urgence, Renvoi 4908 du 29 septembre 2025. Conformément au Règlement de l’Assemblée, article 50.4, le rapport d’une commission ne comporte pas d’exposé des motifs si le rapport est préparé dans le cadre de la procédure d’urgence. 2025 - Quatrième partie de session

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 30 septembre
2025.

(open)
1. L'Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 2585 (2025) «Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de Géorgie» et sa Résolution 2600 (2025) «La situation en Géorgie et le suivi de la Résolution 2585 (2025) “Contestation, pour des raisons substantielles, des pouvoirs non encore ratifiés de la délégation parlementaire de Géorgie”», dans lesquelles elle faisait part de ses vives préoccupations face au rapide recul démocratique et à la profonde crise politique et sociale que connaît la Géorgie. Ces évolutions font sérieusement douter de la volonté des autorités de respecter les obligations découlant de l'adhésion de la Géorgie au Conseil de l'Europe et les engagements pris dans ce cadre.
2. L'Assemblée regrette profondément que les autorités géorgiennes aient systématiquement ignoré ses préoccupations et ses recommandations sur la crise démocratique en Géorgie, qui sont partagées par l'ensemble de la communauté internationale. Le rapide recul démocratique s'est poursuivi à un point tel que l'existence même de la démocratie en Géorgie est désormais remise en question.
3. L'Assemblée déplore la politique de plus en plus isolationniste et les relations antagonistes des autorités géorgiennes avec les organisations européennes et leurs États membres. Elle déplore également les attaques injustifiées et les accusations infondées et préjudiciables à l'encontre des membres de la communauté internationale en Géorgie, qui se sont multipliées ces derniers mois. Dans ce contexte, l'Assemblée regrette profondément que les autorités géorgiennes aient rejeté toute forme de dialogue avec elle et refusé de coopérer avec la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) dans la préparation de ses avis sur la législation géorgienne.
4. En ce qui concerne les prochaines élections locales en Géorgie, l'Assemblée déplore que son appel en faveur de la mise en place immédiate d'un processus inclusif visant à créer un environnement électoral propice à la tenue de nouvelles élections véritablement démocratiques n'ait pas été suivi d'effet, comme en témoigne la décision de la majorité des partis d'opposition de ne pas participer aux prochaines élections locales. L'Assemblée regrette que ces élections ne soient pas observées par des organisations de la société civile qui jouissent d'une excellente réputation en matière d'observation des élections, en raison de la répression exercée sur la société civile. À cet égard, elle regrette profondément que les autorités géorgiennes n’aient pas invité le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l'Europe à observer les prochaines élections. L'Assemblée regrette également que l'invitation adressée au Bureau des institutions démocratiques et des droits de l'homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (BIDDH/OSCE) pour observer ces élections ait été délibérément envoyée si tardivement qu'elle rend impossible leur observation.
5. L'Assemblée condamne la répression constante et implacable des dissidents politiques, notamment par l'adoption d'une législation répressive et le détournement de procédures judiciaires à des fins politiques contre la société civile, les médias indépendants, les forces d'opposition et les simples manifestants. Cette répression aggrave la crise sociale et politique du pays, viole les obligations découlant de son adhésion au Conseil de l'Europe et accentue son recul démocratique.
6. L'Assemblée réitère sa condamnation des poursuites judiciaires motivées par des considérations politiques engagées à l'encontre de membres de l'opposition, de journalistes et de représentants de la société civile en Géorgie. À cet égard, elle déplore l'emprisonnement disproportionné et motivé par des considérations politiques de la journaliste Mzia Amaghlobeli et de plusieurs dirigeants de partis d'opposition sur la base d'accusations forgées de toutes pièces. Ces poursuites visent à réduire au silence les voix dissidentes et sont incompatibles avec une société démocratique.
7. L'Assemblée regrette profondément que, malgré ses appels en ce sens, aucune enquête effective n'ait été menée sur les brutalités policières et autres violations des droits humains commises pendant les manifestations, ni sur les nombreux rapports étayés qui font état de tortures et de mauvais traitements infligés aux manifestants lors de leur arrestation et de leur détention. Ces éléments sont en contradiction flagrante avec les lourdes peines de prison prononcées à l'encontre des manifestants sur la base de chefs d'accusation douteux et apparemment fabriqués de toutes pièces. L'Assemblée demande qu'il soit immédiatement mis fin au détournement des procédures judiciaires qui vise à réduire au silence l'opposition et la dissidence, et que toutes les personnes victimes de persécutions pour des motifs politiques en Géorgie soient immédiatement libérées.
8. Une société civile dynamique et pluraliste est essentielle au bon fonctionnement de la démocratie. La société civile géorgienne a toujours joué un rôle central dans le développement démocratique du pays. L'Assemblée est donc profondément préoccupée par les mesures prises par les autorités géorgiennes à l'encontre des ONG dans le cadre de l'application de la Loi controversée sur l'enregistrement des agents étrangers, qui entrave leur bon fonctionnement. L'Assemblée relève que, parallèlement à la Loi sur l'enregistrement des agents étrangers, la Loi sur la transparence de l'influence étrangère, qui ne respecte pas les normes européennes, reste en vigueur. En outre, l'Assemblée regrette l'adoption de la Loi sur les subventions par le Parlement géorgien le 16 avril 2025. Cette loi oblige les donateurs internationaux, y compris le Conseil de l'Europe et ses États membres, à obtenir l'accord du Gouvernement géorgien avant de fournir des fonds ou une aide aux organisations de la société civile géorgienne. Le fait de recevoir une subvention non autorisée expose l'organisation locale à une amende équivalente au double du montant reçu. Plus de 30 organisations de la société civile ont été informées du fait qu'elles feraient l'objet d'inspections par le bureau anti-corruption, dont l'indépendance vis-à-vis du pouvoir exécutif a été largement remise en question. L'effet cumulatif de ces textes de loi a été dévastateur pour la société civile en Géorgie, dont la survie est actuellement menacée. À cet égard, l'Assemblée déplore le gel des comptes bancaires de sept organisations de la société civile très respectées dans le cadre d'une enquête pénale portant sur des allégations de sabotage pour le compte d'entités étrangères. Cette mesure a eu un effet dissuasif sur la société civile géorgienne.
9. L'Assemblée s'inquiète de la poursuite des intimidations et des représailles à l'encontre des fonctionnaires, notamment des nombreux licenciements effectués. Cette situation compromet l'existence d'une fonction publique indépendante et impartiale en Géorgie.
10. L'Assemblée réitère ses vives préoccupations au sujet de la commission d'enquête parlementaire sur les activités du «régime du Mouvement national uni (MNU)» et ses représentants politiques de 2003 à 2012. Cette enquête a ensuite été étendue à la période de 2012 à nos jours. L'Assemblée déplore la conclusion de la commission, pour qui le MNU et les partis qui lui sont affiliés ont entravé la mise en place d'un système politique sain en Géorgie et devraient donc être interdits. L'Assemblée condamne fermement la récente annonce du Premier ministre géorgien selon laquelle la majorité au pouvoir fera appel à la Cour constitutionnelle pour déclarer inconstitutionnels tous les partis appartenant au «collectif MNU», c'est-à-dire pratiquement toute l'opposition démocratique actuelle. De l'avis de l'Assemblée, cette interdiction de l'opposition démocratique établirait de fait une dictature de parti unique en Géorgie, ce qui serait incompatible avec son adhésion au Conseil de l'Europe.
11. L'Assemblée exhorte les autorités géorgiennes à inverser immédiatement l’effondrement de la démocratie dans le pays. Elle réitère sa volonté d'engager un dialogue ouvert et constructif avec les autorités et toutes les forces politiques et sociales en Géorgie, dans le but d'inverser le recul démocratique et de garantir que le pays respecte ses obligations découlant de son adhésion au Conseil de l’Europe et les engagements pris dans ce cadre. Toutefois, l'Assemblée souligne qu'un tel dialogue peut uniquement se fonder sur l'acceptation des normes et principes fondamentaux du Conseil de l'Europe. Elle note que la Géorgie peut bénéficier du plein soutien du Conseil de l'Europe à cet égard et exhorte les autorités à utiliser tous les outils disponibles. En gage de sa volonté de dialogue, l'Assemblée soutient les rapporteures pour la Géorgie de la Commission pour le respect des obligations et engagements des États membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi) à se rendre dans le pays dès que possible.
12. L'Assemblée reconnaît que l’inversion de l’effondrement de la démocratie en Géorgie est une question qui concerne tous les organes du Conseil de l'Europe. Elle invite donc instamment les organes du Conseil de l'Europe à utiliser tous les moyens disponibles, y compris ceux prévus à l'article 52 de la Convention européenne des droits de l'homme (STE n° 5), et invite les États membres à recourir aux requêtes interétatiques auprès de la Cour européenne des droits de l'homme en vertu de l'article 33 de la Convention, pour veiller à ce que la Géorgie respecte pleinement toutes les normes et obligations découlant de son adhésion au Conseil de l’Europe.