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A. Projet d’avis
(open)
Rapport | Doc. 16270 | 30 septembre 2025
Projet de convention établissant une commission internationale des réclamations pour l’Ukraine
Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
A. Projet d’avis 
(open)1. L’Assemblée parlementaire considère
que la Fédération de Russie doit assumer les conséquences juridiques
de tous ses faits internationalement illicites commis en Ukraine
et contre l’Ukraine, y compris son agression en violation de la
Charte des Nations Unies, ainsi que toute violation du droit international humanitaire
et du droit international des droits de l’homme. Ces faits englobent
les violations de la Convention européenne des droits de l’homme
(STE n° 5) commises jusqu’au 16 septembre 2022. La Fédération de Russie
doit réparer intégralement tous les dommages, pertes ou préjudices
causés par ces violations du droit international à l’État ukrainien
et à toutes les personnes physiques et morales concernées. Cette
position est conforme aux principes de la responsabilité de l’État
en vertu du droit international et à la Résolution ES-11/5 de l’Assemblée
générale des Nations Unies du 14 novembre 2022. L’Assemblée réaffirme
que bon nombre des faits internationalement illicites commis par
la Fédération de Russie violent des obligations erga omnes et des normes impératives
du droit international général, et portent ainsi atteinte à la communauté
internationale dans son ensemble.
2. L’Assemblée a déjà abordé l'exigence d’un mécanisme d’indemnisation
pour l’Ukraine dans le cadre de la guerre d’agression en cours contre
ce pays. Dans sa Résolution 2482 (2023)
«Questions juridiques et violations des droits de l’homme liées
à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», l’Assemblée a appelé les États membres à mettre en
place un mécanisme international d’indemnisation pour l’Ukraine, composé
d’un registre des dommages, d’une commission d’indemnisation et
d’un fonds d’indemnisation. Elle a également estimé que l’Organisation
devait jouer un rôle de premier plan dans l’établissement et la
gestion d’un tel mécanisme. Après la création, le 12 mai 2023, du
Registre des dommages causés par l’agression de la Fédération de
Russie contre l’Ukraine (“Registre des dommages”) sous la forme
d’un accord partiel élargi, lequel a démarré ses activités en 2024,
l’Assemblée a réitéré, dans plusieurs résolutions, son appel en
faveur de la création d’une commission internationale des réclamations
et d’un fonds international d’indemnisation, qui constitueraient
les deuxième et troisième éléments du mécanisme d’indemnisation.
Dans sa Résolution 2598 (2025)
«Guerre d’agression russe contre l’Ukraine: la nécessité d’établir
les responsabilités et d’empêcher l’impunité», l’Assemblée a estimé que le meilleur modèle pour établir
une commission des réclamations serait une convention ouverte du
Conseil de l’Europe, qui pourrait assurer le soutien transrégional nécessaire
tout en tirant profit de la position de premier plan et de l’expertise
de l’Organisation dans ce domaine. Dans sa Recommandation 2294 (2025) connexe, l’Assemblée a appelé le Comité des Ministres
à œuvrer sans tarder à la création d’une commission des demandes
d’indemnisation pour l’Ukraine, notamment en mettant en place un
comité ad hoc chargé de rédiger une convention ouverte du Conseil
de l’Europe.
3. L’Assemblée se réjouit vivement de la finalisation du projet
de convention établissant une commission internationale des réclamations
pour l’Ukraine («projet de convention») par le Comité ad hoc pour l’établissement
d’une Commission des demandes d’indemnisation pour l’Ukraine (CAHEC).
Ce travail s’est inscrit dans la continuité des négociations officielles
menées en dehors du Conseil de l’Europe, sous les auspices d’un
Comité intergouvernemental de négociation, qui regroupait plus de
50 États, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe. Le projet
de convention marque une nouvelle étape dans les mesures générales
prises par le Conseil de l’Europe pour demander à la Fédération
de Russie de rendre des comptes pour son agression contre l’Ukraine.
Elle crée un nouvel outil juridique innovant (la Commission internationale des
réclamations pour l’Ukraine, ci-après “la Commission”) afin de garantir
que la Fédération de Russie assume les conséquences juridiques et
économiques de tous les dommages causés. La Commission complétera
le travail d’autres organes juridictionnels internationaux, cours
et tribunaux chargés de traiter les conséquences de l’agression,
tels que la Cour européenne des droits de l’homme et le futur tribunal
spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine. La justice et
l’obligation de rendre des comptes ne sauraient être complètes en
l’absence de réparation pour les victimes de l’agression, l’État
ukrainien et les particuliers concernés. En créant la Commission,
le Conseil de l’Europe soutient l’Ukraine dans ses efforts pour
garantir la justice, le redressement et la reconstruction, tout
en défendant l’État de droit et l’ordre juridique international qui
a été ouvertement violé par la Fédération de Russie. L’Assemblée
salue la capacité du Conseil de l’Europe à innover et à combler
les lacunes de la réponse juridique internationale à l’agression,
et réaffirme que tout futur accord de paix destiné à mettre fin
à l’agression devra prévoir des mesures de réparation et de redressement,
ou tout au moins ne pas faire obstacle aux mécanismes existants.
4. La création d’une commission des réclamations dans le cadre
institutionnel du Conseil de l’Europe est la suite logique de la
mise en place du Registre des dommages lors du Sommet de Reykjavík
en mai 2023. L’Assemblée réaffirme son plein appui au Registre des
dommages, qui a déjà reçu plus de 60 000 demandes d’indemnisation
réparties en 13 catégories. Les travaux du Registre seront transférés
à la Commission, conformément aux modalités prévues par le projet
de convention, et les demandes d’indemnisation continueront d’être
soumises à la Commission. Le fait que le Registre des dommages et
la Commission s’inscrivent tous deux dans le cadre institutionnel
du Conseil de l’Europe favorisera une transition efficace sans interruption
des travaux.
5. L’Assemblée se félicite de ce que le projet de convention
repose sur une approche centrée sur les victimes, qui garantit que
les personnes physiques et morales lésées par l’agression aient
qualité pour soumettre une demande au mécanisme d’indemnisation,
conformément aux règles en vigueur relatives au Registre des dommages.
Pour ce qui est de la structure organisationnelle de la Commission,
l’Assemblée note qu’elle s’inspire de précédents bien connus en
droit international. L’Assemblée considère que, dans l’ensemble,
elle garantit l’indépendance et l’impartialité nécessaires des organes
décisionnels, tout en permettant – avec certaines garanties – la
participation de l’Ukraine et de la Fédération de Russie si celles-ci deviennent
membres de la Commission. L’Assemblée se félicite en outre du fait
que le projet de convention comprenne des dispositions spécifiques
sur l’indépendance des commissaires, du directeur exécutif et du Secrétariat,
ainsi que sur les normes procédurales, telles que l’équité, l’objectivité
et la transparence.
6. Toutefois, l’Assemblée regrette que le projet de convention
ne réglemente pas plus clairement le financement des indemnités
accordées, leur exécution et leur paiement. L’existence future d’un
fonds d’indemnisation n’est mentionnée qu’à titre de possibilité
dans le préambule et à l’article 22. Sans la participation de la
Fédération de Russie à la Commission – un scénario qui semble assez
irréaliste dans le contexte actuel et compte tenu des conditions
énoncées à l’article 28 –, l’efficacité du mécanisme d’indemnisation
peut être remise en question. Si l’octroi d’indemnités est une première
étape nécessaire vers la justice et la réparation, il convient ensuite
de procéder à l’exécution de ces indemnités et à leur paiement aux
demandeurs individuels. Tout en prenant acte de l’approche progressive
suivie par les États qui ont participé aux négociations sur le projet
de convention, l’Assemblée les exhorte à œuvrer sans délai à la création
d’un fonds international d’indemnisation chargé de verser des indemnités
aux demandeurs qui auront obtenu gain de cause. Conformément aux
résolutions antérieures de l’Assemblée (Résolution 2539 (2024) «Guerre d’agression russe contre l’Ukraine: la nécessité
d’établir les responsabilités et d’empêcher l’impunité» et Résolution (2556) 2024 «Questions juridiques et violations des droits de l'homme
liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine»)
et au droit international, les États membres et les autres États détenteurs
d’avoirs gelés de l’État russe devraient envisager de réaffecter
ces avoirs au futur fonds d’indemnisation.
7. L’Assemblée regrette par ailleurs que le champ d’application
temporel de la Commission se limite actuellement aux dommages causés
par les violations du droit international commises le 24 février
2022 et depuis lors. L’Assemblée a toujours considéré que la guerre
d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine avait débuté
le 20 février 2014 et qu’elle s’était transformée en une invasion
à grande échelle le 24 février 2022. Elle estime donc que toutes
les victimes de l’agression russe depuis 2014 devraient avoir droit à
une indemnisation. L’Assemblée appelle les futures parties à la
convention à réexaminer cette question et à envisager un amendement
à cet égard, comme le prévoient le préambule et l’article 33.2 du
projet de convention.
8. L’Assemblée note que l’article 19 du projet de convention
traite en termes très généraux de la relation avec les jugements
ou sentences rendus par des cours, tribunaux ou d’autres organes
juridictionnels internationaux. Compte tenu du chevauchement de
compétences entre la future Commission et la Cour européenne des
droits de l’homme pour la période comprise entre le 24 février 2022
et le 16 septembre 2022, l’Assemblée invite les futurs organes de
la Commission à clarifier ce point dans leur règlement, en consultant la
Cour.
9. L’Assemblée reconnaît que la convention devrait chercher à
attirer le plus grand nombre possible d’États non européens, afin
de renforcer la légitimité et la représentativité internationales
de la Commission. Toutefois, comme il s’agit d’une convention du
Conseil de l’Europe, l’Assemblée estime que le Statut du Conseil
de l’Europe (STE n° 1) et les résolutions pertinentes de l’Assemblée
devraient être cités dans le préambule afin de renforcer son fondement
juridique et de reconnaître le rôle de premier plan de l’Organisation dans
ce domaine. Dès lors, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres
d’apporter les amendements ci-après au projet de convention:
9.1. dans le préambule, ajouter un
nouveau quatrième paragraphe qui serait libellé comme suit: «Vu le
Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1),
qui souligne dans son préambule la consolidation de la paix fondée
sur la justice et la coopération internationale»;
9.2. dans le préambule, ajouter un nouveau paragraphe avant
l’actuel onzième paragraphe, qui serait libellé comme suit: «Notant
que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dans sa Résolution 2482 (2023) «Questions
juridiques et violations des droits de l’homme liées à l’agression
de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», a appelé les États membres du Conseil de l’Europe à
mettre en place un mécanisme international d’indemnisation, qui
comprend un registre des dommages, une commission des réclamations
et un fonds d’indemnisation, et qu’elle a réitéré son appel à créer
une commission internationale des réclamations et un fonds international
d’indemnisation dans sa Résolution 2539 (2024) «Soutien à la reconstruction de
l’Ukraine», sa Résolution
2556 (2024) «Questions juridiques et violations des droits de l'homme
liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine»,
et sa Résolution 2605 (2025) «Questions juridiques et violations des droits de l’homme
liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine»».
10. L’Assemblée est d’avis que le projet de convention établissant
une commission internationale des réclamations pour l’Ukraine peut
être adopté et ouvert à la signature dès que possible.
B. Exposé des motifs par Lord Richard Keen, rapporteur
(open)1. Introduction
1. Le 17 septembre 2025, le Comité
des Ministres a transmis le projet
de convention établissant une commission internationale des réclamations
pour l’Ukraine («projet de convention») à l’Assemblée parlementaire
pour avis dès que possible. Le texte du projet de convention a été
provisoirement approuvé par le Comité ad hoc pour l’établissement
d’une Commission des demandes d’indemnisation pour l’Ukraine (CAHEC)
lors de sa première réunion, qui s’est tenue du 9 au 12 septembre
2025 à La Haye. Avant la création du CAHEC par le Comité des Ministres
le 3 septembre 2025, le texte du projet de convention a été officiellement
négocié en dehors du Conseil de l’Europe, sous les auspices d’un
Comité intergouvernemental de négociation (CIN), qui regroupait
plus de 50 États, l’Union européenne et le Conseil de l’Europe
.
Lors de sa réunion de juillet 2025, le CIN est convenu que la future
Commission des réclamations devait être créée sous les auspices
du Conseil de l’Europe et que la convention devait prendre la forme
d’une convention ouverte du Conseil de l’Europe
. Le CIN et le CAHEC étaient
tous deux présidés par M. René Lefeber, conseiller juridique et
directeur de la division du droit international au ministère des
Affaires étrangères du Royaume des Pays-Bas.


2. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme
m’a désigné rapporteur lors de sa réunion du 8 septembre 2025 tenue
à Paris, sous réserve de la transmission de la demande d’avis par
le Comité des Ministres et du renvoi à la commission des questions
juridiques et des droits de l'homme. Afin de permettre l’adoption
et l’ouverture à la signature de la convention par une conférence
diplomatique le 16 décembre 2025 à La Haye, l’avis statutaire de
l’Assemblée parlementaire doit être adopté selon la procédure d’urgence
au cours de la quatrième partie de session 2025. Conformément à
l’article 51.1 du Règlement de l’Assemblée, la procédure d’urgence
ne devrait pas être utilisée pour un avis statutaire, «à moins que
des circonstances exceptionnelles ne le justifient». À la lumière
des précédentes résolutions et recommandations de l’Assemblée relatives
à la responsabilité de la Russie dans l’agression contre l’Ukraine, qui
soulignent l’importance et l’urgence de créer une Commission des
réclamations pour l’Ukraine, je considère que la présente demande
d’avis relève des «circonstances exceptionnelles» prévues par le
Règlement.
3. Le 29 septembre 2025, la commission des questions juridiques
et des droits de l’homme a tenu une audition à laquelle ont participé
M. René Lefeber, président du CAHEC, et M. Markiyan Kliuchkovskyi, directeur
exécutif du Registre des dommages causés par l’agression de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine (“Registre des dommages”). Conformément
à son propre statut, le Registre des dommages participe aux travaux
engagés pour créer la commission des réclamations et les facilite.
4. Dans mon exposé des motifs, je commencerai par présenter les
travaux antérieurs de l’Assemblée sur un mécanisme d’indemnisation
pour l’Ukraine (chapitre 2). Je décrirai ensuite dans les grandes
lignes les principales composantes du projet de convention (chapitre 3).
Enfin, je donnerai ma propre appréciation du projet de convention
et proposerai quelques modifications qui pourraient être intégrées
dans l’avis de l’Assemblée afin d’améliorer la version finale du
texte de la convention (chapitre 4). Si elles ne sont pas prises en
compte à ce stade, ces propositions pourraient également être examinées
dans le cadre d’éventuelles modifications futures de la convention,
dont la possibilité est explicitement mentionnée dans son texte.
2. Les travaux antérieurs de l’Assemblée sur un mécanisme d’indemnisation pour l’Ukraine
5. Depuis le début de l’agression
à grande échelle de la Fédération de Russie contre l’Ukraine en
février 2022, l’Assemblée a adopté de nombreuses résolutions et
recommandations relatives aux conséquences de cette agression sur
le plan juridique et des droits humains et a réclamé la mise en
place d’un système complet d’établissement des responsabilités pour
toutes les violations du droit international commises à l’encontre
de l’Ukraine
. Si l’Assemblée a été la première
institution internationale à réclamer la création d’un tribunal
spécial chargé d’enquêter et de poursuivre les auteurs du crime
d’agression en avril 2022, elle s’est aussi immédiatement penchée
sur la question des dommages causés par l’agression. Elle a souligné
l’importance de voir la Russie assumer les conséquences juridiques
de tous ses actes internationalement illicites et de réparer les
dommages causés, conformément aux principes de la responsabilité
de l’État en vertu du droit international. Déjà dans sa Résolution 2463 (2022) «Nouvelle
escalade de l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», adoptée le 13 octobre 2022, l’Assemblée avait appelé
les États membres à établir un mécanisme international complet d’indemnisation
assorti d’un registre international des dommages. Puis, dans sa Résolution 2482 (2023) «Questions
juridiques et violations des droits de l’homme liées à l’agression de
la Fédération de Russie contre l’Ukraine», l’Assemblée s’était félicitée de l’adoption le 14 novembre
2022 par l’Assemblée générale des Nations Unies de la résolution
intitulée «Agression contre l’Ukraine: recours et réparation» (citée
dans le préambule du projet de convention), qui reconnaît la nécessité
de mettre en place un mécanisme international pour la réparation
des dommages causés et recommande la création d’un registre international
des dommages. À cet égard, l’Assemblée a estimé que le Conseil de
l’Europe devrait jouer un rôle de premier plan dans la mise en place
et la gestion d’un mécanisme international d’indemnisation, qui devrait
présenter les caractéristiques suivantes:

- être établi par un traité ou un accord multilatéral ouvert à tous les États qui partagent les mêmes idées, avec le soutien de l’Organisation des Nations Unies, du Conseil de l’Europe, de l’Union européenne et d’autres organisations internationales;
- comprendre, dans un premier temps, un registre des dommages, qui servirait à recenser les éléments de preuve et les demandes relatives aux dommages, aux pertes ou aux préjudices causés à toutes les personnes physiques et morales en Ukraine, ainsi qu’à l’État ukrainien, par des violations du droit international découlant de l’agression commise;
- comprendre, à un stade ultérieur, une commission internationale d’indemnisation, chargée d’examiner et d’évaluer les demandes présentées et recensées par le registre, ainsi qu’un fonds d’indemnisation destiné à dédommager les demandeurs qui auront obtenu gain de cause. Le traité ou l’accord fondateur réglementerait des questions telles que le financement du fonds d’indemnisation, l’exécution des indemnisations accordées et la manière dont les décisions prises par d’autres organes et tribunaux internationaux, comme les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme, pourraient être exécutées par le biais de ce mécanisme.
6. La Résolution 2482 (2023) est la première résolution dans laquelle l’Assemblée
mentionne expressément la mise en place d’une commission d’indemnisation
dans le cadre du mécanisme international d’indemnisation. Depuis
lors, et à la suite de la création du Registre des dommages sous
la forme d’un accord partiel élargi par le Comité des Ministres
en mai 2023, l’Assemblée n’a eu de cesse de promouvoir la mise en place
d’une commission des réclamations pour l’Ukraine, deuxième élément
du mécanisme d’indemnisation. Elle a également toujours soutenu
sa création sous les auspices du Conseil de l’Europe
.

7. Dans sa Résolution 2556 (2024)
«Questions juridiques et violations des droits de l’homme liées
à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», l’Assemblée a demandé la mise en place d’«une commission
internationale indépendante chargée d’examiner et de statuer sur
les demandes d’indemnisation, y compris celles enregistrées par
le Registre». Elle a également insisté sur le fait que le mécanisme d’indemnisation
devait être en principe établi sous les auspices du Conseil de l’Europe,
étant donné que le Registre des dommages est un accord partiel élargi
du Conseil de l’Europe et que l’Organisation joue un rôle de premier
plan dans ce domaine («sans exclure d’autres options si celles-ci
garantissent un soutien plus interrégional»). Plus important encore,
ce mécanisme devrait «couvrir les dommages causés par l’agression depuis
février 2014, en particulier en ce qui concerne les violations du
droit international confirmées par les tribunaux et organes juridictionnels
internationaux, tels que la Cour européenne des droits de l’homme».
Il convient de rappeler que l’Assemblée a toujours considéré que
la guerre d’agression contre l’Ukraine a débuté le 20 février 2014
et qu’elle s’est transformée en une invasion à grande échelle le
24 février 2022.
8. Dans sa Résolution 2598 (2025)
«Guerre d’agression russe contre l’Ukraine: la nécessité d’établir
les responsabilités et d’empêcher l’impunité», l’Assemblée s’est félicitée de l’ouverture de négociations
officielles à La Haye (du 24 au 26 mars 2025) sur un traité international
visant à établir une commission des demandes d’indemnisation pour
l’Ukraine. Elle a de nouveau affirmé que le meilleur modèle pour
établir une telle commission serait «une convention ouverte du Conseil
de l’Europe, qui pourrait assurer le soutien transrégional nécessaire
tout en tirant profit de la position de premier plan et de l’expertise
de l’Organisation dans ce domaine». En ce qui concerne la date des
premiers dommages admissibles (2022 ou 2014), l’Assemblée a appelé
les membres du Registre des dommages à étendre l’admissibilité des
demandes d’indemnisation afin d’inclure les dommages causés depuis
2014, plutôt que de la limiter aux seuls dommages causés à compter
du 24 février 2022. Dans sa Recommandation 2294 (2025) connexe, l’Assemblée a appelé le Comité des Ministres
à œuvrer sans tarder à la création d’une commission des demandes
d’indemnisation pour l’Ukraine, notamment en mettant en place un
comité ad hoc chargé de rédiger une convention ouverte du Conseil
de l’Europe.
9. Enfin, dans sa dernière résolution sur l’établissement des
responsabilités pour les crimes commis en Ukraine, à savoir la Résolution 2605 (2025) «Questions
juridiques et violations des droits de l’homme liées à l’agression
de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», l’Assemblée a réaffirmé que le Registre et le mécanisme
d’indemnisation devraient couvrir les demandes relatives aux dommages
causés depuis février 2014. Plus généralement, elle a souligné que
toute négociation de paix future devrait inclure un système complet
et juste de réparation des dommages causés. Selon l’Assemblée, les
États devraient veiller à ce que «les réparations restent une composante
essentielle de tout règlement de paix».
10. Le troisième élément du mécanisme international d’indemnisation,
à savoir le fonds d’indemnisation chargé de verser les réparations
accordées par la commission des réclamations, a également été au
cœur des travaux de l’Assemblée sur l’établissement des responsabilités
pour l’agression. Ainsi, dans sa dernière résolution (la Résolution 2605 (2025)), l’Assemblée a souligné qu’il convenait d’intensifier
les discussions sur les mécanismes destinés à contribuer à un futur
fonds d’indemnisation, en tenant compte du potentiel de réaffectation
des avoirs russes gelés. Les Résolutions antérieures 2556 (2024) et 2539 (2024) abordent de façon extrêmement détaillée le fonds d’indemnisation
et la question connexe de l’utilisation des avoirs gelés de l’État
russe. L’Assemblée a estimé que la réaffectation des avoirs gelés
de l’État russe constituerait une contre-mesure légale contre l’agression
au regard du droit international et a exhorté les États à prendre
de telles mesures au niveau national afin de transférer ces avoirs
à un futur fonds international d’indemnisation. Tous les avoirs
de l’État russe détenus par les États membres et non membres du
Conseil de l’Europe devraient être déposés dans ce fonds, dans le
respect de la transparence, de l’obligation de rendre des comptes
et de l’équité dans le versement des fonds qui devront être utilisés
à des fins d’indemnisation et/ou de reconstruction. La question
de savoir si le futur fonds d’indemnisation devrait également être
créé dans le cadre institutionnel du Conseil de l’Europe reste ouverte,
même si plusieurs résolutions de l’Assemblée vont dans ce sens (voir
la Résolution 2539 (2024), paragraphe 9).
3. Les principales caractéristiques du projet de convention
11. Le titre du projet de convention
ne mentionne pas le Conseil de l’Europe, bien que son préambule indique
qu’il s’agit d’une «convention ouverte du Conseil de l’Europe» et
que son article 2 énonce que la Commission internationale des réclamations
pour l’Ukraine («la Commission») est établie «en tant qu’organe indépendant
dans le cadre institutionnel du Conseil de l’Europe». Le CAHEC a
précisé que, afin de donner à la convention un caractère international
aussi large que possible, il avait été convenu que cette référence
ne figurerait que dans le préambule, par dérogation à la pratique
habituelle du Conseil de l’Europe qui inclut son nom dans le titre
des conventions adoptées sous ses auspices.
12. Le préambule comprend de nombreuses références à des textes
des Nations Unies, notamment la Charte des Nations Unies et les
résolutions de l’Assemblée générale des Nations Unies (AGNU), en
particulier la Résolution ES-11/5 de l’AGNU du 14 novembre 2022,
qui reconnaît la nécessité d’établir un mécanisme international
de réparation des dommages, pertes ou préjudices résultant des faits
internationalement illicites commis par la Fédération de Russie
en Ukraine ou à l’encontre de celle-ci, et recommande la création
d’un registre international des dommages. Le préambule rappelle
en outre la création du registre des dommages par la Résolution CM/Res(2023)3
du Comité des Ministres, conçu comme le premier élément d’un futur mécanisme
international d’indemnisation. Il note que la convention établit
la Commission en tant que deuxième élément de ce mécanisme, «lequel
pourra aussi comprendre un troisième élément qui prendra la forme
d’un fonds d’indemnisation chargé de verser des réparations». Le
préambule comprend par ailleurs un paragraphe sur le champ d’application
temporelle de la convention: s’il est admis que la Commission ne
sera compétente que pour traiter les dommages causés par les violations
du droit international commises par la Russie le 24 février 2022
et depuis lors (voir également l’article 3.1(a)), il est précisé
que «la Fédération de Russie n’est en rien exonérée de sa responsabilité
pour les faits internationalement illicites qu’elle a commis en
Ukraine ou contre l’Ukraine le 20 février 2014 ou à partir de cette
date et la possibilité d’un amendement ultérieur à la présente convention,
qui en étendrait l’application temporelle à partir du 20 février
2014, n’est pas exclue» (voir également l’article 33.2). Le champ
d’application temporel de la convention s’aligne ainsi sur l’application temporelle
du Statut du Registre des dommages, qui se limite également aux
dommages survenus après le 24 février 2022.
13. Après le chapitre I, qui comprend une disposition sur la définition
des termes utilisés dans la convention (par exemple, réclamation,
Commission, membre, etc.), le chapitre II énonce des dispositions
générales sur l’établissement, le mandat et les fonctions de la
Commission. La Commission est définie comme «un organe administratif
habilité à statuer sur les réclamations pour les dommages, pertes
ou préjudices causés par les faits internationalement illicites
commis par la Fédération de Russie en Ukraine ou contre l’Ukraine,
y compris par l’agression commise contre ce pays en violation de
la Charte des Nations Unies, ainsi que par toute violation du droit
international humanitaire et du droit international des droits de
l’homme» (article 3.1). Le mandat de la Commission porte sur les
dommages causés «le 24 février 2022 ou à partir de cette date»;
«sur le territoire de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières
internationalement reconnues […]» (ainsi que dans sa zone économique
exclusive et sur son plateau continental, de même qu’à tout aéronef
ou navire placé sous juridiction ukrainienne); et «à toute personne
physique et morale concernée, ainsi qu’à l’État ukrainien, y compris
à ses autorités régionales et locales, et aux entités qui lui appartiennent
ou qu’il contrôle» (article 3.1 (a), (b) et (c)). Ce champ d’application
temporel, géographique et personnel est similaire à celui du Registre des
dommages. La Commission aura pour fonction d’examiner et d’évaluer
les réclamations, de statuer sur ces dernières et de déterminer
le montant de l’indemnisation éventuelle due dans chacun des cas
(article 3.2). Les décisions de la Commission sont définitives et
il est entendu par tous les membres de la Commission que les décisions
de cette dernière règlent de manière définitive toutes les questions
factuelles et juridiques afférentes aux réclamations (articles 3.5
et 3.6).
14. Le chapitre III traite du statut juridique et du siège de
la Commission. Contrairement à d’autres organes créés par les traités
du Conseil de l’Europe, la Commission est dotée de la personnalité
juridique internationale (article 4). Son siège est situé sur le
territoire de l’une des parties à la convention (article 5), même
si l’on sait déjà que les Pays-Bas, qui accueilleront la conférence
diplomatique chargée d’adopter la convention et de l’ouvrir à la
signature en décembre 2025, et qui hébergent par ailleurs le siège
du Registre des dommages, seront très probablement son État hôte.
L’article 6 oblige les membres à appliquer sur leur territoire les
règles prévues par l’Accord général sur les privilèges et immunités
du Conseil de l’Europe (STE n° 2) en ce qui concerne la Commission
et les personnes concernées.
15. Le chapitre IV décrit la structure organisationnelle de la
Commission: l’Assemblée (article 7), le Comité des finances (article 8),
le Conseil exécutif (article 10), les commissaires (article 11),
les groupes de commissaires (article 12), le Secrétariat (article 13)
et le directeur exécutif (article 14). L’Assemblée est composée
de tous les membres
de
la Commission. Elle assume la responsabilité globale de l’exécution
du mandat de la Commission et supervise les travaux des organes
de la Commission. Entre autres fonctions, elle approuve le règlement
régissant les travaux de la Commission (adopté par le Conseil exécutif),
élit les membres du Conseil exécutif, élit le directeur exécutif
ou la directrice exécutive (en vue de sa nomination par le/la Secrétaire
Général·e du Conseil de l’Europe), approuve la liste des candidat·es
aux fonctions de commissaire, adopte le barème annuel des contributions
et le budget annuel de la Commission. Elle dispose d’un pouvoir
décisionnel très important qui détermine le début des travaux décisionnels
de la Commission: elle autorise le directeur exécutif ou la directrice
exécutive à procéder au transfert des activités du Registre des dommages
à la Commission; et elle autorise le Conseil exécutif à mettre en
place des groupes de commissaires et à nommer les commissaires à
cette fin (article 7.4 (g) et (h)). Pour ces deux décisions, l’Assemblée
prend en considération les conséquences pour les contributions annuelles
des membres et la majorité requise est une majorité des deux tiers
des voix exprimées, y compris les votes favorables des principaux
contributeurs (article 9.2). Le Comité des finances est un organe
subsidiaire de l’Assemblée qui détermine les contributions annuelles
des membres et s’acquitte des tâches relatives aux questions financières.
Le Conseil exécutif est composé de 9 à 15 membres issus d’une liste
de membres qui ont exprimé leur intérêt à siéger dans cette instance,
cette liste étant établie dans l’ordre chronologique de leur adhésion
à la Commission. Il nomme les commissaires à partir de la liste
de candidat·es approuvée par l’Assemblée; établit les groupes de
commissaires; adopte le règlement régissant les travaux de la Commission
(y compris les règles et procédures de dépôt, d’examen et d’évaluation
des réclamations et celles régissant la fixation du montant de l’indemnité
due dans chaque cas; les normes et exigences relatives aux preuves;
l’ordre de priorité; et les règles d’évaluation des dommages); et,
plus important encore, a toute autorité pour adopter ou renvoyer les
recommandations de décision des groupes pour les montants des indemnités.
Il convient de noter que, pour la plupart de ces décisions, si l’Ukraine
ou la Fédération de Russie siègent au Conseil exécutif, elles s’abstiennent
de voter (article 10.1 (d)). Les commissaires sont nommés en tenant
compte de la nécessité de s’assurer de leur indépendance, de leur
impartialité, de leur intégrité, de leur haute moralité, de leur expérience,
de leurs compétences professionnelles et de leur multidisciplinarité,
ainsi que de la nécessité de garantir une large représentation géographique
et l’équilibre entre les femmes et les hommes. Ils doivent posséder
une expertise dans des domaines tels que le droit international,
le règlement des litiges, les finances, la comptabilité, l’assurance
ou l’évaluation des dommages. Le Conseil exécutif fixe leurs conditions d’engagement,
y compris leur rémunération. Les commissaires siègent dans des groupes
de commissaires et chaque groupe est composé de trois commissaires.
Ces groupes sont établis par le Conseil exécutif pour examiner et
évaluer les réclamations et déterminer le montant des indemnités.
Ils émettent des recommandations de décision pour adoption par le
Conseil exécutif.

16. Le directeur exécutif ou la directrice exécutive représente
la Commission et est habilité à agir en son nom. Elle ou il est
responsable de la supervision et de l’administration courantes du
Secrétariat et apporte un soutien fonctionnel, technique, administratif
et organisationnel aux travaux de la Commission. Dès son élection par
l’Assemblée, la directrice exécutive ou le directeur exécutif est
nommé par le/la Secrétaire Général·e du Conseil de l’Europe pour
un mandat de quatre ans renouvelable. Le Secrétariat possède ou
se procure l’expertise nécessaire à l’exercice de ses fonctions,
notamment «l’expertise suffisante du droit national concerné et
la maîtrise des langues pertinentes» (article 13.3). Le Statut du
personnel et les Arrêtés relatifs au personnel du Conseil de l’Europe
s’appliquent au Secrétariat.
17. L’article 15 prévoit certaines garanties pour l’indépendance
des commissaires, du directeur exécutif ou de la directrice exécutive
et des autres membres du Secrétariat, notamment via l’adoption par
le Conseil exécutif d’éventuelles règles relatives aux conflits
d’intérêts.
18. Le chapitre V régit la procédure d’examen des réclamations
(articles 16 à 20). Les groupes de commissaires examinent les réclamations,
déterminent le montant de l’indemnisation et adressent des recommandations
de décision au Conseil. Ces recommandations doivent être motivées.
Une recommandation est réputée approuvée par le Conseil à moins
que celui-ci ne décide, pour des raisons prévues par le Règlement,
de la renvoyer au groupe, qui formule une nouvelle recommandation,
le cas échéant. Dans certaines situations exceptionnelles, le Conseil
peut renvoyer la recommandation d’un groupe devant un comité de
révision ad hoc (composé de
trois présidents de groupe) qu’il établit à cette fin. Si le Conseil
n’est pas d’accord avec la nouvelle recommandation du comité de
révision ad hoc, il renvoie
la question à l’Assemblée, qui statue en dernier ressort. L’article 19
traite spécifiquement de la manière dont la Commission doit tenir
compte des jugements ou des sentences rendus par des cours, tribunaux
ou d’autres organes décisionnels. Il existe une obligation de tenir
compte, le cas échéant, des jugements et sentences pertinents rendus
par des juridictions ou d’autres organes juridictionnels établis
en droit international. Bien que cela ne soit pas précisé, ces jugements
et sentences incluent les arrêts rendus par la Cour européenne des
droits de l’homme (pour les violations de la Convention européenne
des droits de l’homme (STE n° 5) survenues jusqu’au 16 septembre
2022, date à laquelle la Russie a cessé d’être un État partie),
ainsi que les décisions de la Cour internationale de justice et
d’autres organes des Nations Unies ou organes créés en vertu d’un traité.
La Commission peut également prendre en compte les jugements et
sentences pertinents rendus par des juridictions nationales. Elle
prend les mesures appropriées pour garantir qu’aucun demandeur ne
soit indemnisé deux fois pour la même perte, le même dommage ou
le même préjudice. L’article 20 impose à la Commission l’obligation
de fonctionner selon des normes procédurales appropriées, dans la
transparence et dans le respect des critères les plus élevés d’indépendance,
d’impartialité, d’équité et d’objectivité.
19. Les articles 21 et 22 (chapitre V) portent sur le financement
et le paiement des indemnités. Compte tenu du fait que la Russie
doit assumer les conséquences juridiques de toutes ses violations
du droit international, elle est tenue de financer les indemnités
fixées et accordées par la Commission. Les membres ne sont pas tenus
de payer les indemnités accordées. L’exécution des décisions de
la Commission ne peut pas être ordonnée par les tribunaux ou autres
institutions judiciaires ou quasi judiciaires d’un membre, à moins
que le droit national dudit membre ne le permette expressément.
Bien que le projet de convention ne régisse pas le fonds d’indemnisation
dans le cadre du mécanisme d’indemnisation, il n’exclut pas la possibilité
de créer un fonds d’indemnisation à l’avenir. L’article 22 énonce
que l’Assemblée «est habilitée à statuer sur les modalités de paiement
des indemnités accordées lorsque les fonds auront été mis à disposition,
y compris sur la possibilité que ce paiement soit effectué par un
fonds d’indemnisation qui pourra être créé ou désigné à cette fin».
20. Le chapitre VI régit le financement de la Commission. Jusqu’à
ce que la Fédération de Russie prenne en charge les coûts afférents
à la Commission (si elle en devient membre), celle-ci sera financée
par les contributions annuelles obligatoires des membres et par
des contributions volontaires. Le chapitre VII comprend deux dispositions
sur le Registre des dommages: l’article 24 traite du transfert des
activités du Registre à la Commission, qui deviendra le successeur
légal du Registre; et l’article 25 prévoit la poursuite des activités
du Registre dans le cadre de la Commission.
21. Le chapitre VIII du projet de convention comporte des clauses
finales qui ressemblent à celles que l’on trouve dans d’autres conventions
ouvertes, ainsi que certaines clauses spécifiques adaptées aux particularités de
cette convention. Par exemple, l’article 28 précise les conditions
qui doivent être remplies pour que la Fédération de Russie puisse
devenir membre de la Commission. Ainsi, la Russie devrait joindre
à son instrument d’adhésion une déclaration dans laquelle elle accepterait
toute sa responsabilité en droit international pour les dommages,
pertes ou préjudices causés par son agression et les actes internationalement
illicites en Ukraine ou contre l’Ukraine qui en dérivent, y compris
ses violations du droit international humanitaire et du droit international
des droits humains. Dans cette déclaration, la Russie devrait également
accepter d’honorer les décisions d’indemnisation rendues par la
Commission, «de mettre à disposition les moyens nécessaires pour
le paiement des indemnités accordées ou d’un autre montant auquel l’Ukraine
aura consenti» et de rembourser aux membres les coûts afférents
à la Commission. L’article 30.3 subordonne l’entrée en vigueur de
la convention à l’atteinte d’un nombre élevé de signataires – 25 ratifications (ou
consentements ou approbations) – assorti de la condition selon laquelle
la somme des contributions individuelles de ces signataires au budget
du Registre pour 2025 couvre au moins 50 % du total du budget du Registre
pour 2025. Lors des négociations, d’autres seuils avaient été discutés
(jusqu’à 35 signataires) avant de trouver un compromis sur le nombre
de 25. Le seuil des contributions financières minimales au budget
du Registre vise à garantir la viabilité financière de la nouvelle
institution, ainsi qu’à s’assurer de la participation des principaux
contributeurs. L’article 33.2 évoque spécifiquement la possibilité
de proposer un amendement à la convention qui étendrait son application
temporelle à la période postérieure au 20 février 2014, conformément
au préambule (voir plus haut). Enfin, l’article 36 régit la durée
et l’abrogation de la convention en fixant une durée minimale de
dix ans à compter de son entrée en vigueur et en définissant les
conditions de son abrogation (par exemple, les dénonciations qui
ramènent le nombre de parties en dessous du seuil d’adhésion susmentionné)
et les possibilités de prolongation.
4. Évaluation du projet de convention
4.1. Une commission internationale de réclamations pour l'Ukraine: un nouveau mécanisme juridique de responsabilité et de réparation
22. Tout d’abord, la convention
sera le premier traité du Conseil de l’Europe à établir un mécanisme spécifiquement
chargé de statuer sur les demandes d’indemnisation individuelles
résultant de violations du droit international, y compris du droit
international humanitaire et du droit international des droits humains, commises
dans le cadre d’un conflit armé spécifique et d’une agression contre
l’un de ses États membres. La Cour européenne des droits de l’homme
a une compétence générale pour connaître des violations de la Convention
européenne des droits de l’homme commises sur le territoire des
États membres ou dans les zones placées sous leur juridiction, y
compris dans le cadre de conflits armés. Elle est donc la seule
juridiction internationale à statuer sur les violations des droits
humains, notamment les demandes de satisfaction équitable au titre
de l’article 41 de la Convention, qui résultent de la guerre d’agression
menée par la Russie contre l’Ukraine. Toutefois, étant donné que
l’État responsable de ces violations a cessé d’être partie à la Convention
le 16 septembre 2022 à la suite de son expulsion du Conseil de l’Europe,
la compétence de la Cour se limite aux violations alléguées de la
Convention par la Russie qui ont eu lieu avant cette date, comme
le montre le récent arrêt du 9 juillet 2025 dans l’affaire interétatique Ukraine et Pays-Bas c. Russie. La “Commission
internationale des réclamations pour l’Ukraine”, dont le mandat
couvre tous les dommages causés le 24 février 2022 et à partir de
cette date, comblera ainsi une lacune dans le cadre du Conseil de l’Europe
et du droit international et deviendra un élément essentiel du système
d’établissement des responsabilités pour l’agression de la Russie
contre l’Ukraine.
23. Il s’agit d’une avancée significative non seulement pour le
Conseil de l’Europe et ses États membres qui soutiennent l’Ukraine,
mais aussi pour le reste des États non européens alignés sur les
mêmes valeurs qui ont participé aux négociations du projet de convention
et sont susceptibles de devenir membres ou observateurs de la Commission.
Cet instrument constitue également une mesure importante prise par
une partie de la communauté internationale pour rétablir l’ordre
juridique international, que la Fédération de Russie a ouvertement
violé en menant sa guerre d’agression contre l’Ukraine. Depuis le
début de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine en février 2022,
le Conseil de l’Europe a non seulement mobilisé tous les instruments
à sa disposition, mais il a aussi proposé et créé de nouveaux outils
juridiques (par exemple, le Tribunal spécial pour le crime d’agression
contre l’Ukraine) afin de garantir que la Russie réponde pleinement
de son agression contre l’un de ses États membres. Ce faisant, le
Conseil de l’Europe a démontré sa valeur ajoutée et sa capacité
à innover et à adapter son action face aux menaces que l’agression
russe fait peser sur l’ordre juridique international. Comme l’Assemblée
l’a déjà souligné, le Conseil de l’Europe ne se contente pas d’apporter
son soutien à son État membre l’Ukraine dans ses efforts pour garantir
la justice, les réparations et la reconstruction, mais vise à défendre
l’ordre juridique international dans son ensemble, en partant du
principe que la consolidation de la paix doit être fondée sur la
justice et la coopération internationale (préambule du Statut du
Conseil de l’Europe (STE n° 1)). Dans le cas de la Commission, le
Conseil de l’Europe cherche à faire respecter le principe de la
responsabilité des États en droit international, à savoir que les
États doivent assumer les conséquences juridiques de tous leurs
actes internationalement illicites, notamment en réparant intégralement
les dommages causés par ces actes. Ces éléments transparaissent
dans le préambule du projet de convention, qui énonce très clairement
le fondement juridique sur lequel reposent l’objet et le but de
la convention: l’article 2 de la Charte des Nations Unies et son
interdiction de recourir à la menace ou à l’emploi de la force;
les différentes résolutions de l’Assemblée générale des Nations
Unies qui condamnent l’agression contre l’Ukraine; et les articles
de la Commission du droit international sur la responsabilité de
l’État pour fait internationalement illicite, qui sont largement
considérés comme reflétant le droit international coutumier. L’article 3.4
du projet de convention énonce en outre que «la Commission se fonde
sur le principe selon lequel la Fédération de Russie est responsable,
en droit international, de la totalité des dommages, pertes ou préjudices
résultant des faits internationalement illicites qu’elle a commis
en Ukraine ou contre l’Ukraine»
.

24. S’il est regrettable que le nom du Conseil de l’Europe ait
disparu du titre du projet de convention, contrairement à ce qui
se fait habituellement pour toutes les conventions ouvertes récentes
du Conseil de l’Europe, je comprends que, comme l’a souligné le
CAHEC, cette décision a été prise afin d’obtenir le soutien international
et interrégional le plus large possible pour la convention. Ce choix
peut également être le résultat des négociations qui se sont déroulées
jusqu’à un stade très avancé en dehors du Conseil de l’Europe, avant la
création du CAHEC en septembre 2025. Comme pour le Tribunal spécial
pour le crime d’agression, le Conseil de l’Europe doit inciter autant
de partenaires internationaux que possible à adhérer aux nouveaux instruments
et organes juridiques, afin de maximiser leur légitimité internationale.
Dans le même temps, il est important de veiller à ce que ces organes
restent institutionnellement rattachés au Conseil de l’Europe, l’Organisation
qui a pris l’initiative de réagir à l’agression en mettant en place
de nouveaux mécanismes de reddition de comptes. À cet égard, je
me réjouis que la convention soit présentée comme une «convention ouverte
du Conseil de l’Europe» dans son préambule (bien que cela ne soit
pas dans son titre) et que le cadre et les règles du Conseil de
l’Europe soient mentionnés dans de nombreuses dispositions (par
exemple, les articles 2, 6.2 et 6.3, 13, 14, 23, 29 et 37).
25. Il est important de noter que les demandeurs devant la Commission
seront non seulement l’État ukrainien, mais aussi «toute personne
physique et morale concernée» (article 3.1 (c)), quelle que soit
sa nationalité. Cette applicabilité est similaire à celle du Registre
des dommages existant, qui s’étend à toutes les personnes physiques
et morales concernées par les dommages causés par l’agression à
compter de février 2022, ainsi qu’à celle des récentes commissions
internationales d’indemnisation qui permettent généralement aux
particuliers d’avoir qualité pour soumettre leurs demandes d’indemnisation
à l’encontre des États
. Cette caractéristique
mérite d’être soulignée, car elle s’inscrit dans l’approche centrée
sur les victimes en matière de reddition de comptes et de reconstruction
préconisée par différentes parties prenantes, notamment par l’Assemblée
et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe
. Dans une organisation telle que
le Conseil de l’Europe, qui repose sur la protection des droits
humains individuels, il ne pouvait en être autrement.


26. En ce qui concerne la structure organisationnelle de la Commission
et la procédure, je note que certains aspects sont similaires à
ceux de la Commission d’indemnisation des Nations Unies, aujourd’hui
disparue
. Les demandes seront examinées
par les groupes de commissaires, chacun composé de trois commissaires indépendants
nommés par le Conseil (articles 10.2 (b), 12, 16, 17). Les recommandations
adoptées par les groupes seront soumises pour approbation au Conseil,
composé de 9 à 15 représentants des membres ou des parties à la
convention (articles 10 et 18). Afin de garantir l’indépendance
et l’impartialité du Conseil, si l’Ukraine ou la Fédération de Russie
en sont membres, ces deux pays s’abstiennent de voter sur des décisions telles
que la nomination des commissaires; l’adoption des règles et procédures
de dépôt, d’examen et d’évaluation des réclamations et celles régissant
la détermination du montant de l’indemnité due dans chaque cas;
l’adoption des règles d’évaluation des dommages; et surtout, l’adoption
ou le renvoi des recommandations de décision des groupes en ce qui
concerne les demandes d’indemnisation (article 10.1(d)). Dans le
même temps, lorsque ces deux États ne siègent pas au Conseil, ils
sont invités à participer aux réunions de ce dernier et à y présenter
leur position, mais sans avoir le droit de vote. Je pense qu’il
s’agit là d’un bon compromis qui garantit à l’État ukrainien la
possibilité de présenter sa position au sein du Conseil, que ce
soit de façon générale ou sur des demandes spécifiques.

27. Bien que les procédures engagées par les demandeurs devant
la Commission ne puissent être qualifiées de judiciaires et que
la Commission ne soit clairement pas une juridiction (ni même un
tribunal arbitral comme le Tribunal irano-américain de réclamations)
,
deux dispositions du projet de convention prévoient certaines garanties.
L’article 20 énonce certaines normes et garanties relatives au fonctionnement et
aux procédures de la Commission, telles que des critères d’indépendance,
d’impartialité, d’équité, d’objectivité, de transparence, de protection
des données et de confidentialité, ainsi que des garanties procédurales
appropriées. L’article 15 vise à garantir l’indépendance des commissaires,
ainsi que celle du directeur exécutif ou de la directrice exécutive
et des autres membres du Secrétariat. En outre, l’indépendance et
l’impartialité sont deux des critères requis pour la nomination
des commissaires (article 11.1). Cependant, l’article 11.4 précise
que «[l]es candidatures ne peuvent pas être rejetées sur la seule
base de la nationalité», ce qui signifie qu’en théorie, des ressortissants
ukrainiens ou russes pourraient être nommés. À ce propos, j’aurais
préféré une exclusion claire des ressortissants des deux États concernés
à l’instar de ce qui se faisait au sein de la Commission d’indemnisation
Érythrée-Éthiopie, où chaque partie pouvait nommer deux membres,
à condition que ceux-ci ne soient ni ressortissants ni résidents
permanents de la partie concernée
. En ce qui concerne le directeur
exécutif ou la directrice exécutive, rien n’est dit sur sa nationalité. Contrairement
au directeur exécutif du Registre des dommages, qui devait être
proposé par le Gouvernement ukrainien, dans ce cas, tous les membres
sont invités à proposer des candidat·es. La présence de ressortissants
ukrainiens au sein du Secrétariat peut s’avérer nécessaire pour
le fonctionnement de la Commission, comme le sous-entend l’article 13.3
qui exige une «expertise suffisante du droit national concerné et
la maîtrise des langues pertinentes».


28. En ce qui concerne l’entrée en vigueur et la mise en fonctionnement
progressive de la Commission, le compromis atteint semble raisonnable.
La double exigence de l’obtention de 25 signataires et d’un montant cumulé
de contributions équivalent à au moins 50 % du budget du Registre
des dommages pour 2025 (article 30.3) vise à garantir la viabilité
financière de la future Commission. La compétence de l’Assemblée
pour autoriser le transfert du Registre des dommages et la création
de groupes/la nomination de commissaires va dans le même sens, puisqu’elle
requiert une majorité des deux tiers des voix exprimées, y compris
les votes favorables de tous les principaux contributeurs (article 9.2).
4.2. Préoccupations et éventuels amendements
29. Ma principale préoccupation
concernant le projet de convention est qu’elle porte sur une commission internationale
d’indemnisation qui aura été créée avant la cessation des hostilités
et sans la participation de l’État responsable des dommages causés.
Elle ne sera pas établie par un accord bilatéral entre les deux
États concernés, comme l’était la Commission d’indemnisation Érythrée-Éthiopie,
ni par une résolution contraignante du Conseil de sécurité adoptée
en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies, comme la
Commission d’indemnisation des Nations Unies. La plupart, sinon
la totalité, des commissions internationales d’indemnisation précédentes
ont été créées après le conflit armé concerné pour déterminer les indemnités
à verser après le conflit. En l’espèce, cette circonstance exceptionnelle
pourrait bien limiter l’efficacité de la Commission, du moins jusqu’à
ce que la situation évolue de manière significative. Si l’article 28 du
projet de convention prévoit la possibilité d’une participation
future de la Fédération de Russie, il semble assez irréaliste, dans
le contexte actuel, d’espérer que la Russie remplisse les conditions
énoncées par cette disposition. Ces conditions sont les suivantes:
la Russie doit admettre, par une déclaration, sa responsabilité en
vertu du droit international pour les dommages, pertes et préjudices
causés par ses actes internationalement illicites en Ukraine ou
contre celle-ci, y compris son agression commise en violation de
la Charte des Nations Unies; et accepter d’honorer les décisions
d’indemnisation rendues par la Commission et de mettre à disposition
les moyens nécessaires pour le paiement des indemnités accordées
(«ou d’un autre montant auquel l’Ukraine aura consenti»). Un tel
scénario ne semble possible que si la Russie perdait la guerre et
qu’un accord de paix assorti de clauses de réparation était conclu.
30. Cette question est également nécessairement liée au financement
de l’indemnisation accordée. L’article 21.1 indique qu’«il est attendu
de la Fédération de Russie qu’elle finance les indemnités fixées
et accordées par la Commission en vertu de la présente convention».
Toutefois, cette disposition semble difficile à mettre en œuvre
sans la participation de la Russie ou sans la création d’un fonds
d’indemnisation à cette fin. Les commissions internationales d’indemnisation
précédentes ont été mises en place en même temps que le fonds d’indemnisation
(Commission d’indemnisation des Nations Unies) ou, du moins, lorsqu’il
était clair que les fonds nécessaires au paiement des indemnités
accordées étaient disponibles
. Le
projet de convention prévoit la création ultérieure d’un fonds d’indemnisation
comme troisième élément du mécanisme international d’indemnisation.
Ce projet est évoqué comme une possibilité dans le préambule, qui
énonce que le mécanisme international d’indemnisation «pourra aussi
comprendre un troisième élément qui prendra la forme d’un fonds d’indemnisation
chargé de verser des réparations pour les pertes, dommages ou préjudices».
Ce fonds est également mentionné à l’article 22 (modalités de paiement
des indemnités accordées), qui parle d’«un fonds d’indemnisation
qui pourra être créé ou désigné à cette fin». Il aurait été préférable
que le fonds d’indemnisation soit déjà régi par le projet de convention,
ou au moins que les parties à la convention aient l’obligation juridique
de travailler sans délai à la création d’un fonds d’indemnisation,
pendant la mise en place de la Commission. L’Assemblée avait initialement
préconisé de réglementer le fonds d’indemnisation dans le traité
fondateur du mécanisme d’indemnisation (voir la Résolution 2482 (2023)), mais dans ses dernières résolutions, elle s’est plutôt
penchée sur la nécessité absolue de créer une commission d’indemnisation.
Bien que je comprenne parfaitement l’approche progressive suivie
par les États qui ont participé aux négociations, l’Assemblée devrait
maintenant appeler à nouveau tous les États membres et les autres
États participants à œuvrer à la création d’un fonds d’indemnisation
afin de garantir le paiement des futures indemnités. Ce fonds pourrait
être créé en partie en réaffectant les avoirs gelés de l’État russe
détenus par certains de ces États, une idée que l’Assemblée a toujours
défendue, sans exclure d’autres possibilités
.


31. En ce qui concerne le champ d’application temporel de la Commission,
je regrette qu’elle se limite actuellement aux dommages causés par
les violations du droit international commises le 24 février 2022
et à partir de cette date. Comme indiqué plus haut, l’Assemblée
a toujours soutenu que l’agression russe contre l’Ukraine avait
commencé en 2014 et a demandé à ce que le champ d’application temporel
du Registre des dommages soit étendu de façon à inclure les dommages
survenus entre février 2014 et février 2022. Je comprends que cette
limitation dans le projet de convention résulte d’un compromis passé
avec certains États non-membres, qui considèrent que l’agression
n’a commencé qu’après février 2022, comme en témoigne leur vote
sur la résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies en mars
2022. Pour cette raison, et parce que la réouverture de cette question
avec tous les partenaires pourrait retarder la création de la Commission, je
ne proposerai pas d’amendement au projet de convention sur ce point.
Toutefois, je me réjouis du fait que le préambule et l’article 33.2
du projet de convention prévoient la possibilité d’apporter un éventuel amendement
à cet égard à une date ultérieure. Je propose donc d’inclure dans
l’avis de l’Assemblée une invitation à tous les États membres et
États non-membres qui deviendront parties à la future convention
à réexaminer cette question dans un avenir proche, une fois que
la Commission sera opérationnelle.
32. La question de la relation entre la Commission et les jugements
ou sentences rendus par les juridictions internationales ou d’autres
organes juridictionnels internationaux est complexe. L’article 19
du projet de convention impose à la Commission l’obligation de prendre
en compte ces jugements et sentences, le cas échéant, ainsi que
celle de veiller à ce qu’aucun demandeur ne soit indemnisé deux
fois pour le même dommage. Je pense que la question de la manière
dont les arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme relatifs
à la guerre d’agression contre l’Ukraine seront pris en compte par
la future Commission mériterait une réglementation explicite et
plus claire. Il existe un chevauchement entre la compétence de la Commission
et celle de la Cour pour la période comprise entre le 24 février
2022 et le 16 septembre 2022. L’arrêt rendu par la Cour le 9 juillet
2025 dans l’affaire interétatique Ukraine
et Pays-Bas c. Russie soulève précisément cette question
dans le cadre de l’article 41 de la Convention (demandes de satisfaction
équitable). La Cour, estimant que la phase d’indemnisation «ne se
trouve pas en état», a brièvement mentionné le Registre des dommages/futur
mécanisme d’indemnisation comme suit: «la Cour considère […] que
toute indemnité qui viendrait à être allouée au gouvernement requérant
ukrainien dans cette affaire au titre de l’article 41 de la Convention
devrait tenir dûment compte de l’établissement du Registre des dommages
et des discussions en cours concernant un futur mécanisme d’indemnisation»
(paragraphe 1650 de l’arrêt). J’espère que les règles relatives
à l’évaluation des réclamations et aux décisions rendues à leur
sujet que la Commission adoptera par la suite préciseront la relation
de ces décisions avec les arrêts rendus par la Cour et les indemnités
accordées par elle, si possible après consultation de la Cour elle-même.
33. Enfin, je regrette l’absence totale de toute mention du Statut
du Conseil de l’Europe ou des résolutions de l’Assemblée dans le
préambule. Ce parti pris peut s’expliquer par la nécessité d’assurer
une portée mondiale maximale. Toutefois, comme la convention reste
une convention du Conseil de l’Europe (comme l’indique le préambule),
il me paraît logique et raisonnable d’inclure une mention du Statut
et des résolutions pertinentes de l’Assemblée. Je propose donc que
le Comité des Ministres apporte les modifications suivantes au préambule
du projet de convention:
33.1. dans
le préambule, ajouter un nouveau quatrième paragraphe qui serait
libellé comme suit: «Vu le Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1),
qui souligne dans son préambule la consolidation de la paix fondée
sur la justice et la coopération internationale»;
33.2. dans le préambule, ajouter un nouveau paragraphe avant
l’actuel onzième paragraphe, qui serait libellé comme suit: «Notant
que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dans sa Résolution 2482 (2023) «Questions
juridiques et violations des droits de l’homme liées à l’agression
de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», a appelé les États membres du Conseil de l’Europe à
mettre en place un mécanisme international d’indemnisation, qui
comprend un registre des dommages, une commission des réclamations
et un fonds d’indemnisation, et qu’elle a réitéré son appel à créer
une commission internationale des réclamations et un fonds international
d’indemnisation dans sa Résolution 2539 (2024) «Soutien à la reconstruction de
l’Ukraine», sa Résolution
2556 (2024) «Questions juridiques et violations des droits de l'homme
liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine»,
et sa Résolution 2605 (2025) «Questions juridiques et violations des droits de l’homme
liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine»»;
5. Conclusions
34. Le projet de convention établissant
une commission internationale des réclamations pour l’Ukraine marque
une nouvelle étape dans les mesures générales prises par le Conseil
de l’Europe pour demander des comptes à la Russie à propos de son
agression contre l’Ukraine. Il s’agit également d’une conséquence logique
de la création du Registre des dommages lors du sommet de Reykjavik
en 2023. L’Assemblée devrait souscrire pleinement au projet de convention
en vue de son adoption rapide et de son ouverture à la signature avant
la fin de l’année 2025. Après la signature de l’accord bilatéral
entre le Conseil de l’Europe et l’Ukraine relatif à la création
du Tribunal spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine en
juin 2025, la Commission des réclamations constituera un outil juridique
supplémentaire pour garantir que la Russie rende compte de ses violations
graves du droit international à l’encontre de l’Ukraine, et notamment
qu’elle assume les conséquences juridiques et économiques de tous
les dommages causés par l’agression. Dans le même temps, cet outil
contribuera à faire respecter l’ordre juridique international qui
est ouvertement violé depuis février 2022.
35. Idéalement, l’Assemblée aurait préféré inclure dans le projet
de convention le fonds d’indemnisation et un champ d’application
temporel plus large (à partir de 2014). Toutefois, certains compromis
politiques ont été consentis afin d’attirer des partenaires internationaux
au-delà de l’Europe et de progresser sans plus tarder vers la création
de la Commission. Il serait extrêmement difficile de rouvrir ces
questions avec tous les partenaires non européens à ce stade. Néanmoins,
l’Assemblée devrait insister dans son avis sur l’importance de réexaminer
ces questions dans un avenir proche. Si l’octroi d’indemnités est
une étape importante vers la réparation et la justice, il convient
ensuite de procéder à leur exécution et à leur paiement aux demandeurs individuels.
Conformément aux résolutions précédentes, l’Assemblée devrait continuer
à faire pression sur les États pour qu’ils trouvent des moyens de
financer les indemnisations accordées tant que la Russie n’accepte pas
son entière responsabilité et ne paie pas.
36. Enfin, comme la convention sera une convention du Conseil
de l’Europe, l’Assemblée pourrait proposer d’ajouter dans le préambule
une brève mention du Statut du Conseil de l’Europe et des résolutions
pertinentes de l’Assemblée. Un tel ajout renforcerait, au lieu de
l’affaiblir, le fondement juridique solide du préambule qui repose
sur le droit international et les principes des Nations Unies, tout
en reconnaissant le rôle de premier plan joué par l’Organisation
pour demander à la Russie des comptes sur son agression de l’Ukraine.