1. Introduction
1. Dans l’introduction au document
qu’elle avait rédigé, Mme Marianne Tritz
(Allemagne, SOC), qui m’a précédé dans les fonctions de rapporteur
de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) sur la situation
au Kosovo, avait déclaré que 2005 pourrait être l’année du Kosovo.
Elle s’était demandé si cette formule resterait un slogan ou se
traduirait dans la réalité. Aujourd’hui, étant donné l’espoir souvent
exprimé que les négociations sur le statut du Kosovo puissent aboutir
d’ici à la fin de l’année, je ne peux que me poser la même question.
L’année 2006 sera-t-elle celle du Kosovo? En particulier, la question
du statut trouvera-t-elle une solution? Quelle sera-t-elle? Viendra-t-elle
d’un accord entre les deux parties aux négociations ou devra-t-elle
leur être imposée?
2. Outre ces questions, je partage certaines convictions avec
le rapporteur précédent: en premier lieu, l’indétermination quant
au statut du Kosovo fait planer l’incertitude sur la stabilisation
politique de la région tout entière, y compris sur ses perspectives
d’intégration européenne; elle compromet son redressement économique
et empêche un certain nombre de personnes déplacées et de réfugiés
originaires du Kosovo de prendre une décision concernant leur retour.
Elle a également un impact négatif pour la mise en place au Kosovo
d’une direction politique solide et d’institutions pleinement responsables,
tenues de rendre des comptes et représentatives, bénéficiant de
la confiance de la population dans son ensemble. C’est pourquoi
il est impératif de résoudre d’urgence la question du statut.
3. Deuxièmement, je pense, comme Mme Tritz,
que la préoccupation essentielle de l’Assemblée et du Conseil de
l’Europe au sujet du Kosovo devrait être la pleine application de
normes: il faut que le Kosovo, quel que soit son statut, devienne
un espace sûr pour tous ses habitants, où les normes du Conseil
de l’Europe dans les domaines de la démocratie et de la bonne gouvernance,
de la primauté du droit, de la protection des droits de l’homme
et des droits de toutes les minorités nationales soient entièrement
respectées, où un recours devant la Cour européenne des Droits de
l’Homme soit accessible à chacun et où les valeurs de la démocratie, de
la tolérance, notamment interethnique, et du multiculturalisme soient
partagées par la population et les institutions. Une aide du Conseil
de l’Europe serait nécessaire pour que le Kosovo observe intégralement
ces normes.
4. Cela étant dit, je crois que l’Assemblée ne devrait pas craindre
de faire connaître sa position sur le statut futur du Kosovo. Pour
l’instant, la province fait officiellement partie de la Serbie,
Etat membre de notre Organisation. Le souci légitime de Belgrade
de préserver l’intégrité territoriale du pays et d’assurer une protection
adéquate des droits des Serbes ethniques au Kosovo mérite la plus
grande considération. Toutefois, ce serait manquer de prévoyance
que d’ignorer une question qui se pose de toute évidence: le Kosovo
doit-il continuer à faire partie de la Serbie – même avec un régime
spécial d’autonomie – ou doit-il devenir indépendant – même si sa
souveraineté est conditionnée par un certain nombre d’obligations
et d’engagements internationaux? Ce point revêt une importance vitale
pour l’équilibre géopolitique, la stabilité politique et la prospérité
économique des Balkans occidentaux, région clé pour le Conseil de
l’Europe, et devrait donc être traité par l’Assemblée de manière
circonspecte, mais résolue.
5. Le présent rapport expose mon appréciation générale de la
situation présente au Kosovo, sur la base des deux visites que j’y
ai faites en avril et septembre 2006, ainsi que mes vues personnelles
sur la meilleure solution envisageable quant à la question du statut.
Je voudrais souligner que j’ai été chaleureusement accueilli lors
de mes visites, et exprimer ma gratitude à tous mes interlocuteurs.
Mon intention était de m’entretenir avec toutes les parties intéressées
par la situation au Kosovo. Toutefois, je n’ai pu, ni en avril ni en
septembre, rencontrer le Président Tadi´c ou le Premier ministre
Kosˇtunica, leur programme ne le permettant malheureusement pas.
2. Situation actuelle au Kosovo
2.1. Situation politique
6. En fait, des changements sont
déjà intervenus au Kosovo au cours de l’année 2006:
- des négociations sur des questions
techniques (telles que la décentralisation, le patrimoine culturel
et l’économie) se sont ouvertes en février, avec la médiation de
l’envoyé spécial des Nations Unies, Martti Ahtisaari; depuis juillet,
des entretiens directs sur le statut ont également commencé entre
les deux équipes de négociation;
- des remaniements sont intervenus à la direction des Institutions
provisoires d’administration autonome (IPAA);
- Joachim Rücker a été nommé représentant spécial du Secrétaire
général des Nations Unies (RSSG), à la suite de la démission de
Søren Jessen Petersen.
7. Le nouveau RSSG est entré en fonctions le 1er septembre
et il serait donc prématuré d’émettre des hypothèses sur la manière
dont il entend mener son action à la tête de la MINUK. On peut rappeler,
néanmoins, que sa nomination a été un choix de continuité, puisqu’il
était précédemment chargé de la division de la reconstruction et
du développement de la MINUK, ce qui a été critiqué par les détracteurs
de la manière dont le processus de privatisation avait été traité.
M. Rücker s’attend à être le dernier à exercer les fonctions de RSSG
au Kosovo
.
Je pense qu’il pourrait faciliter une transition en douceur entre
la présence internationale de la MINUK et celle de l’Union européenne,
notamment dans la perspective de la prochaine présidence allemande.
8. En ce qui concerne la direction des IPAA, les principaux changements
sont les suivants:
- à la suite
du décès d’Ibrahim Rugova, Fatmir Sejdiu est devenu le deuxième
Président du Kosovo, et conduit désormais l’équipe de négociation
albanaise du Kosovo;
- le Premier ministre Bajram Kosumi (Alliance pour l’avenir
du Kosovo, AAK) a démissionné pour être remplacé par Agim Ceku (AAK),
ancien chef du corps civil de protection du Kosovo; la nomination
de cet ancien commandant de l’armée de libération du Kosovo (ALK)
a soulevé de vives critiques en Serbie, où il est accusé de crimes
de guerre; il y a lieu de rappeler, cependant, que le Tribunal pénal
international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) n’a pas retenu de charges
contre lui; en outre, le Premier ministre Ceku a pris diverses initiatives
depuis son entrée en fonctions pour favoriser le dialogue entre
les IPAA et les Serbes du Kosovo;
- le président de l’Assemblée Nexhat Daci (LDK) a démissionné
et été remplacé par Kole Berisha, du même parti.
9. Malgré ces changements, la stabilité politique a été préservée.
Le nouveau gouvernement est dominé, comme le précédent, par une
coalition AAK-LDK, le Parti démocratique du Kosovo (PDK) restant
dans l’opposition. La plupart des ministres du précédent gouvernement
ont été maintenus à leur poste. Un autre élément de la continuité
a été le fait que Lufti Haziri, ancien ministre de l’Administration
locale, ait été nommé Vice-Premier ministre et soit aujourd’hui
responsable du dossier primordial de la décentralisation au sein
de l’équipe de négociation albanaise.
10. Cela dit, on peut s’inquiéter de ce que beaucoup de ces remaniements
aient résulté de luttes internes au sein des partis pour le contrôle
des institutions, accompagnées d’accusations mutuelles d’inefficacité
et de corruption: les partis politiques albanais du Kosovo fonctionnent
selon des logiques et des intérêts claniques, et leur démocratie
interne est très faible. Les structures de renseignement de tous
les grands partis politiques sont en outre héritées de l’époque
du conflit et continuent d’exercer une influence notable. Le clientélisme
et la corruption sont endémiques et ont des conséquences manifestes
sur la bonne gouvernance, l’efficacité des institutions et l’importance
même de la fonction publique. Malgré leur potentiel d’innovation,
les femmes et les jeunes demeurent en marge du processus politique.
11. En pareilles circonstances, il n’est pas surprenant que la
population ait adopté une attitude de méfiance à l’égard des IPAA
et de la MINUK. Selon des sondages récents
, plus de 50 % des Albanais
du Kosovo sont mécontents de la performance de la MINUK, 42 % sont
mécontents du gouvernement et 40 % de l’Assemblée. Le taux le plus
élevé de mécontentement parmi les Albanais du Kosovo concerne les
collectivités locales. 64 % des Serbes du Kosovo, pour leur part,
se déclarent mécontents ou très mécontents des organes de répression, qu’il
s’agisse de la KFOR ou des services de police du Kosovo.
12. En outre, la légitimité des IPAA est affectée par le refus
des Serbes du Kosovo de participer à leurs travaux. Ils ne se déclarent
toujours pas disposés à le faire, essentiellement parce qu’ils jugent
les IPAA discriminatoires à leur égard et ne leur offrant pas d’autre
choix que de devenir une minorité nationale ou de quitter la région.
Aux yeux des dirigeants politiques serbes du Kosovo, la solution
de la question du statut ne peut être l’indépendance, mais plutôt
une autonomie renforcée pour les Albanais du Kosovo, qui entraînerait également
un renforcement de l’autonomie des municipalités serbes. Les dirigeants
politiques serbes du Kosovo avec lesquels je me suis entretenu m’ont
déclaré approuver pleinement la proposition de l’équipe de négociation
serbe, équipe au sein de laquelle les Serbes du Kosovo ne sont pas
représentés.
13. Un autre motif de préoccupation affectant la vie publique
au Kosovo est la question des personnes disparues. Selon les estimations
qui m’ont été données, leur nombre serait approximativement de 2
800, dont principalement des Albanais et 500 Serbes. Toutefois,
il ne s’agit que d’une estimation et les chiffres varient selon
les interlocuteurs.
14. Si l’attitude à l’égard des poursuites relatives aux crimes
et crimes de guerre commis au Kosovo demande encore à être améliorée
significativement, la justice ne reste pas inactive. En août dernier,
une affaire importante dans laquelle étaient impliqués des combattants
de l’ALK a abouti à la condamnation, pour crimes de guerre, du général
Krasniqi, de son frère et d’un autre combattant. En ce qui concerne
les événements de mars 2004, 240 personnes ont été mises en examen
et condamnées, parmi lesquelles 26 pour crimes graves, transmis
aux procureurs internationaux. Nous devons, cependant, condamner
tous les signes publics de soutien apporté à des individus accusés
de crimes de guerre par des personnes exerçant des fonctions publiques
au Kosovo. Je me réfère notamment à la visite personnelle que le
Premier ministre Ceku a rendue à Krasniqi, à l’occasion de laquelle
il a fait à la presse des déclarations rendant hommage au général.
2.2. Réconciliation et situation
des minorités nationales
15. L’héritage du régime Milosˇevi´c
se ressent encore largement au Kosovo, en particulier parmi les Albanais,
qui ont été les principales victimes de ses politiques et de ses
pratiques, et qui ont particulièrement souffert de la guerre (le
nombre de décès est estimé à 10 000 de leur côté, pour 1 000 du
côté serbe). Ces souvenirs de ségrégation ethnique et d’isolement
subis au cours des années 1980 et 1990 ne peuvent guère servir de
base à la construction de relations interethnique confiantes. Parallèlement,
depuis 1999, des minorités telles que les Serbes et les Roms sont
toujours affectées par les violences dont elles ont souffert à la
suite des déplacements massifs et des luttes interethniques. Ces
événements, notamment ceux de mars 2004, ont fortement érodé la
confiance entre les différents groupes ethniques et le processus
de réconciliation est difficile, surtout entre les deux communautés
les plus importantes, les Albanais et les Serbes
.
16. Toutefois, cette situation ne touche pas l’ensemble du Kosovo;
on peut citer des municipalités dans lesquelles les relations interethniques
sont bonnes, en particulier dans le sud, par exemple à Prizren.
Les résultats des sondages les plus récents sur la tolérance interethnique
révèlent également une tendance encourageante: 52 % des Albanais
du Kosovo interrogés déclarent accepter de travailler avec des Serbes
du Kosovo (contre 48 % en décembre 2005 et 26 % en décembre 2002)
. 58 % des Serbes du Kosovo font la même
réponse à l’égard des Albanais, contre 51 % en décembre 2005 et
21 % en décembre 2002.
17. D’après l’avis sur la mise en œuvre de la Convention-cadre
pour la protection des minorités nationales au Kosovo, adopté par
le comité consultatif le 25 novembre 2005, les membres de communautés
minoritaires continuent d’être confrontés à de graves problèmes
dans certains domaines, notamment les suivants:
- liberté de circulation. «La
situation générale reste déconcertante: un grand nombre de personnes
ne peuvent retourner chez elles, et des obstacles sérieux demeurent
en matière d’accès à différents services, comme la santé, la justice
et les transports publics »;
- accès à l’emploi et participation à la vie économique.
Le taux de chômage est de 70 % parmi les minorités; les Serbes dépendent
largement du soutien financier apporté par Belgrade, bien qu’il
faille garder à l’esprit que Belgrade a même appelé les Serbes et
autres minorités à refuser les salaires de la MINUK et des IPAA.
Des progrès peuvent être observés quant à l’emploi de personnes
issues de minorités dans le secteur public, aux niveaux municipal
et central, ainsi que dans la police; en revanche, des améliorations
seraient nécessaires dans le secteur privé pour éviter la discrimination
directe ou indirecte.
18. De manière générale, les cas de harcèlement et autres incidents
à caractère ethnique sont en diminution, mais il s’en produit encore.
Toutefois, comme l’a reconnu Jessen Petersen, ancien RSSG, dans son
rapport de juin dernier au Conseil de sécurité de l’ONU
, les minorités ont tendance
à déclarer que tous les incidents dont elles sont victimes ont «une
motivation ethnique». D’autre part, on peut également supposer que
nombre d’incidents ne sont pas signalés en raison d’un manque de
confiance dans les représentants de l’ordre et d’une impression
de forte impunité. Il est difficile d’établir le bien-fondé d’une
telle impression, car il n’existe pas de données détaillées sur
l’état des enquêtes et poursuites concernant les incidents à caractère ethnique
depuis 1999. Cette grave lacune demande à être comblée d’urgence:
eu égard au passé récent et à la situation présente du Kosovo, une
transparence totale est essentielle dans l’action de la police et
de l’appareil judiciaire en la matière.
19. La situation des Roms, Ashkalis et Egyptiens (RAE) du Kosovo
est particulièrement préoccupante, notamment pour les personnes
déplacées à l’intérieur du territoire (PDI), lesquelles ne constatent
aucun signe d’amélioration prochaine. On ressent la nécessité d’une
stratégie à long terme pour l’intégration sociale et économique
des RAE, sur le modèle des stratégies nationales mises en œuvre
dans plusieurs pays européens. Il est manifeste que les RAE sont
sous-représentés dans les structures politiques et administratives
du Kosovo.
20. Si elle est pleinement mise en œuvre, la législation antidiscrimination
introduite en 2004 pourrait se révéler un instrument fondamental
pour traiter la situation des minorités nationales, étant donné
qu’elle offre des garanties importantes contre la discrimination
directe et indirecte, dans les sphères tant publique que privée.
En pratique, cependant, la discrimination persiste et la législation
précitée n’a quasiment jamais été invoquée en justice depuis son
entrée en vigueur, en raison du manque de confiance, déjà mentionné,
dans les autorités et notamment dans le pouvoir judiciaire.
21. La dernière évaluation technique de la mise en œuvre des Normes
pour le Kosovo, présentée par Jessen Petersen, ancien RSSG, qui
couvre la période allant jusqu’au 30 avril 2006, témoigne d’une
volonté accrue de la part des responsables kosovars d’être à l’écoute
des communautés minoritaires, en particulier des Serbes du Kosovo.
En atteste par exemple l’initiative récente du Premier ministre
Ceku visant à établir un conseil de sécurité communautaire où seraient
représentés le Gouvernement du Kosovo, la MINUK, la KFOR et d’autres
acteurs, dans le but de promouvoir l’amélioration des conditions
de vie des communautés les plus vulnérables du Kosovo.
2.3. Décentralisation
22. La décentralisation est apparue
comme la plus complexe des questions techniques à résoudre. Après une
tentative infructueuse des IPAA pour lancer cinq projets pilotes
– dont certains dans des municipalités à majorité serbe –, la décentralisation
est désormais négociée sous les auspices de l’envoyé spécial des
Nations Unies Martti Ahtisaari, et des résultats concrets sont attendus
pour la fin septembre. Les points les plus épineux concernent, d’une
part, l’agrandissement du territoire de certaines municipalités,
notamment Mitrovica, et, d’autre part, les compétences étendues
devant être attribuées aux municipalités dans les domaines de l’éducation,
de la santé, de la sécurité et de la justice. L’équipe de négociation
albanaise du Kosovo a refusé jusqu’ici d’accéder à ces demandes
venant de ses homologues serbes, au motif que ce modèle de décentralisation
asymétrique entraînerait la création de cantons et créerait les
conditions d’une éventuelle partition du Kosovo à l’avenir.
23. A mon avis, la question de la décentralisation mérite la plus
grande attention. Il me semble que les divisions ethniques sont
l’élément déterminant du processus de décentralisation. De fait,
si celle-ci revient à établir des enclaves ethniques permanentes
ou semi-permanentes, l’idée même de décentralisation est dangereuse.
Il y a un risque réel de retrouver au Kosovo les lacunes des Accords
de Dayton concernant la Bosnie-Herzégovine.
2.4. Mitrovica
24. Mitrovica reste l’une des questions
les plus litigieuses entre les Serbes et les Albanais du Kosovo.
J’ai cru comprendre que la proposition albanaise serait de mettre
en place deux municipalités dans une commune intégrée de Mitrovica,
tandis que les Serbes souhaiteraient voir le nord de Mitrovica fusionner
avec les trois communes serbes environnantes, Zvecan, Zubin Potok
et Leposavi´c. Les deux points de vue semblent pour l’instant inconciliables.
La situation à Mitrovica est très fragile et exposée au risque d’une
escalade des conflits. Si elle paraît calme en surface, des événements
récents, comme l’attentat à la grenade commis dans un café du nord
de Mitrovica par un jeune Albanais, montre qu’elle est extrêmement
mouvante et que des violences peuvent éclater à tout instant.
25. Un autre motif d’inquiétude est la situation des Roms qui
ont été déplacés au cours de la guerre et installés dans des camps
dans le nord du Kosovo. Leurs conditions de vie sont déplorables
et continuent à se détériorer. Une contamination par le plomb a
été relevée dans trois des quatre camps, du fait de la présence d’une
mine à proximité. La MINUK a pris des mesures de décontamination
et établi un camp (camp d’Osterode, au nord de Mitrovica, que j’ai
visité), où les Roms sont provisoirement relogés avant un retour
possible à Roma Mahala (quartier qu’ils habitaient précédemment
au sud de Mitrovica). Un projet de reconstruction est en préparation
pour encourager ce retour à Roma Mahala. Jusqu’ici, 48 appartements
ont été reconstruits et 93 familles roms
, des
camps de Mitrovica, du Monténégro et de Serbie, ont présenté des
demandes les concernant, ce qui montre que les intéressés sont prêts
à retourner à Roma Mahala.
26. Ma visite dans ce quartier avec des acteurs de la communauté
internationale m’a donné la nette impression que ces derniers considéraient
le projet de reconstruction comme une étape importante en faveur des
retours. Cette réalisation est due principalement à une amélioration
de la coopération entre la municipalité de Mitrovica Sud et les
acteurs internationaux, et à la volonté de ladite municipalité de
permettre le retour des Roms.
27. Il convient de souligner en la matière l’action entreprise
par le coordinateur du Conseil de l’Europe (CdE) pour les Roms,
qui a évalué la situation de ces derniers au Kosovo. Il a finalisé
son rapport
en mai 2006 et déclare
dans l’une de ses principales conclusions que le retour de milliers
de RAE des pays hôtes présenterait, en l’absence des infrastructures
nécessaires pour les accueillir, un risque considérable de déplacements secondaires,
de charges supplémentaires pour l’économie kosovare et de déstabilisation
politique et sociale.
2.5. Mécanismes relatifs aux
droits de l’homme
28. Une anomalie de longue durée
dans le système visant à faire respecter les droits de l’homme a récemment
été résolue. Le Conseil de l’Europe et l’OTAN ont réglé la question
de l’accès du Comité pour la prévention de la torture et des peines
ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) aux établissements
de détention gérés par l’OTAN au Kosovo. Je ne peux que me féliciter
de cette évolution récente, qui permettra prochainement à des experts
du CdE de visiter tous les établissements de détention du Kosovo
et de vérifier que le traitement des personnes privées de leur liberté
est conforme à la Convention européenne pour la prévention de la
torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants.
29. S’agissant de l’institution réformée du médiateur du Kosovo,
j’ai eu l’impression que la transmission directe de l’institution
à un acteur local a été trop rapide, compte tenu du manque de confiance
général dans l’ensemble des institutions locales, qui perdure. De
plus, il se pourrait que le volume de travail à prendre en charge
nécessite plus d’un médiateur, comme me l’a proposé Mme Sanda
Raskovic-Ivic, présidente du Centre de coordination pour le Kosovo
et la Metohija. De surcroît, on peut regretter que la Résolution
(2006) 6 de la MINUK limite la juridiction du nouveau médiateur.
30. Le Conseil consultatif en matière de droits de l’homme, créé
par la MINUK en 2006 et fondé en partie sur une recommandation du
CdE, est chargé d’examiner la conformité des (projets de) réglementations
de la MINUK et des instruments subsidiaires avec les normes internationales
relatives aux droits de l’homme, en plus d’autres tâches telles
que le traitement des recours présentés au bureau de réclamation
de la MINUK et la communication à cette dernière d’avis sur les
questions, autres que les requêtes individuelles, signalées à son
attention par le médiateur. Ce mécanisme ne répond pas exactement
aux attentes du CdE y compris de l’Assemblée, car ses recommandations
ne sont pas contraignantes pour le RSSG. L’efficacité, l’autorité
et l’indépendance de ce mécanisme devraient être suivies de près.
2.6. Situation socio-économique
31. Le Kosovo est l’une des régions
les plus pauvres d’Europe. Le revenu par tête y est estimé à 1 565 dollars
des Etats-Unis par an; 37 % des habitants vivent au-dessous du seuil
de pauvreté et 15 % dans une extrême pauvreté
;
le taux de chômage est de 39,7 % (ce qui me paraît être une sous-estimation).
Le marché du travail est caractérisé par une forte proportion de
demandeurs d’emploi inscrits, dont les deux tiers sont non qualifiés.
La plupart de ces demandeurs d’emploi appartiennent au groupe d’âge
de 25-39 ans
. L’éducation et
les soins de santé posent des problèmes considérables. Pendant la
quasi-totalité des années 1990, la population albanaise du Kosovo
a été soit exclue, soit boycottée par les systèmes d’éducation et
de santé de l’Etat yougoslave d’alors. Aujourd’hui, la moitié seulement
des habitants adultes ont achevé leur scolarité primaire et 6 %
sont illettrés. Malgré certains progrès quant au taux d’inscription
dans l’enseignement primaire et à l’analphabétisme parmi les enfants
et les jeunes, la qualité de l’éducation continue à poser problème. Faute
d’espace et de classes, les établissements fonctionnent à raison
de trois à quatre équipes par jour. Les soins de santé sont parmi
les pires de l’Europe du Sud-Est et le taux de mortalité infantile
est le plus élevé de la région.
32. Les investissements privés et étrangers au Kosovo sont très
faibles, pour des raisons allant de la situation sécuritaire à la
corruption et au crime organisé, sans parler de l’incertitude due
au fait que le statut du Kosovo n’a toujours pas été déterminé.
33. Toutefois, le Kosovo offre un potentiel économique: les secteurs
minier et énergétique, par exemple, pourraient être une source importante
de croissance future. La région possède des ressources importantes
en matières premières, en particulier le lignite, le plomb et le
zinc, et les coûts de transport à destination des marchés d’Europe
occidentale seraient relativement faibles. En outre, l’utilisation
du lignite permettrait au secteur énergétique de se redresser et
de devenir un moteur de croissance. La pénurie de sources d’énergie de
remplacement ailleurs dans la région pourrait donner au Kosovo la
possibilité d’exporter de l’énergie, à condition que l’infrastructure
existante soit remise en état. L’agriculture est également une source
potentielle de croissance, même si une proportion importante des
terres cultivables est pour l’instant sous-exploitée, en raison
de la prédominance de petites unités.
34. Les IPAA et la communauté internationale devraient favoriser
le développement socio-économique du Kosovo, notamment:
- en améliorant les niveaux d’éducation;
- en créant des possibilités d’emploi, en particulier pour
les jeunes;
- en aidant le secteur agricole à devenir plus efficace
et compétitif;
- en faisant progresser les soins de santé;
- en renforçant la performance et l’équité dans la prestation
de services sociaux.
35. Je suis convaincu que, si ces mesures étaient prises, l’économie
du Kosovo pourrait se redresser et devenir viable.
3. Situation actuelle en Serbie
36. Je mesure parfaitement combien
la période actuelle est délicate pour l’avenir de l’ouest des Balkans
et en particulier pour la Serbie. Je n’exclus pas que le résultat
du référendum au Monténégro puisse avoir des conséquences sur les
négociations concernant le statut du Kosovo: le Monténégro a une
minorité serbe conséquente (si on peut s’exprimer ainsi, car elle
représente environ 31 % de la population alors que les Monténégrins
sont 43 %), sa population a beaucoup de choses en commun avec les
Serbes du point de vue de l’origine ethnique, de la langue, de la
religion et de la culture. Etant donné que la volonté de la majorité
de la population du Monténégro de se séparer de la Serbie a été
reconnue, pourquoi n’en serait-il pas de même pour le Kosovo, dont
la population, principalement albanaise (à 88 %), a très peu de
choses en commun avec les Serbes (qui constituent 7 % de la population
du Kosovo)?
37. On peut naturellement répondre à cela que le Monténégro était
déjà un Etat et qu’il a simplement retrouvé son indépendance, tandis
que le Kosovo n’a jamais été un Etat. En effet, il a toujours fait
partie de la Serbie – dans le cadre ou non d’une fédération plus
large. Je ne suis pas convaincu cependant que ce critère formel
puisse être convaincant étant donné la volonté de l’écrasante majorité
de la population du Kosovo d’obtenir l’indépendance en se détachant
d’un pays qui est perçu comme étant responsable de politiques de discrimination,
de persécution et de purification ethnique à l’encontre de la population
majoritaire de la province. On ne peut faire abstraction du fait
que près de 90 % de la population du Kosovo refuse de rester sous
le contrôle de la Serbie, ni que depuis le conflit de 1998-1999,
le nouveau régime démocratique serbe n’a aucunement tenté ni de
courtiser la population majoritaire ni de l’inciter à revenir sous
l’autorité de la Serbie.
38. Par ailleurs, la stabilité de la Serbie devrait être également
un élément majeur à prendre en considération. Le décès de Slobodan
Milosˇevi´ca mis en évidence le fait qu’une partie importante de
la population serbe n’a pas entièrement conscience des crimes atroces
qui ont été commis sous son régime et le considère même comme une
victime qu’il a fallu sacrifier sur l’autel du TPIY afin de permettre
à la Serbie d’avancer sur le chemin de l’intégration européenne
et de recouvrer sa réputation au sein de la communauté internationale.
De toute évidence, il ne faudrait pas aggraver ce sentiment de «persécution»
par des déclarations faites sans réflexion suffisante ou par des
décisions prises à la légère. Un travail de sensibilisation de la
population serbe dans son ensemble est pourtant nécessaire afin
de donner un éclairage clair et objectif de l’histoire récente du
pays, d’expliquer l’importance et les fonctions des différentes
institutions internationales (telles que le TPIY) et de préparer
la population à des scénarios à venir, notamment les différentes
issues possibles des négociations sur le statut du Kosovo.
39. On ne peut qu’encourager les organisations ou les personnes
qui s’efforcent de donner cet éclairage clair et objectif du passé
récent de la Serbie. Cependant, il faut condamner les campagnes
de dénigrement contre de telles organisations ou de personnes, comme
celles qui ont eu lieu au début du mois de septembre
. Elles ne contribuent
pas à créer un climat général de stabilité.
40. Ce processus de sensibilisation apparaît d’autant plus nécessaire
dans la perspective de l’intégration future de la Serbie à l’Union
européenne. Assurément, les progrès réalisés sur la voie des réformes économiques,
démocratiques et en matière de droits de l’homme, associés à une
coopération véritable et constructive avec le TPIY, rapprocheront
le pays de l’adhésion à l’Union européenne. Cependant, pour que ces
réformes soient durables et irréversibles, la volonté d’accepter
le passé, de partager les valeurs européennes et de vivre en paix
avec les autres communautés ethniques – qu’elles vivent dans le
même pays ou dans un pays voisin – constitue une condition sine
qua non.
4. Un statut pour une stabilité
à long terme
41. Dès le début des négociations
directes sur le statut du Kosovo, les positions des deux parties
se sont polarisées et rien n’indique qu’un compromis soit possible.
42. J’ai lu avec intérêt un article du Premier ministre serbe
Kosˇtunica, publié en juillet dans le
Washington Post,
avant qu’il n’intervienne devant le Conseil de sécurité de l’ONU
. L’article
explique de façon très claire pourquoi le Kosovo ne devrait pas
devenir indépendant. Les principaux arguments avancés sont les suivants:
- priver un Etat souverain d’une
partie de son territoire pour satisfaire les aspirations d’indépendance
d’un «groupe ethnique qui menace de recourir à la violence», cela
n’a aucun fondement en droit international et c’est «moralement
et historiquement inacceptable»;
- l’indépendance du Kosovo «serait considérée comme un précédent
qui ferait naître des revendications analogues ailleurs»;
- «Un Kosovo indépendant pourrait être un foyer de tensions
chroniques dans la région, à la fois parce que de nouvelles revendications
territoriales pourraient être formulées, que la province n’est pas économiquement
viable et qu’elle abrite un réseau de criminalité organisée»;
- et surtout, l’indépendance du Kosovo mettrait en danger
la démocratie en Serbie. Je cite: «Rappelons-nous que la Serbie
s’est libérée du régime communiste qui était le sien au prix d’un
énorme effort et de risques considérables. Le pays, qui, à tous
égards, est démocratique, pourrait-il survivre à l’amputation de
force de 15 % de son territoire?»
44. Des arguments similaires ont été avancés par les représentants
des trois municipalités serbes situées au nord de Mitrovica, qui
ont déclaré fermement que la décentralisation serait une bonne chose
à la fois pour les Albanais et pour les Serbes, et qu’une solution
hâtive destinée à régler le statut du Kosovo ne pourrait être que
contre-productive.
45. Si j’expose de manière aussi détaillée la position de la partie
serbe, c’est que je juge certains de ses arguments fondés.
46. Ainsi, la définition d’un statut pour le Kosovo pourrait,
potentiellement, avoir des conséquences à court terme sur:
- la situation dans la vallée
de Presevo (sud de la Serbie), où vit une importante minorité albanaise ;
- la Republika Srpska (Bosnie-Herzégovine), où des responsables
politiques ont déjà averti qu’au cas où le Kosovo deviendrait indépendant
ils agiraient dans le sens d’une union avec la Serbie ou de l’indépendance
de la RS;
- «l’ex-République yougoslave de Macédoine», où un équilibre
politique entre les deux principales composantes ethniques (macédonienne
et albanaise) a été trouvé mais n’est pas tout à fait consolidé;
- la région dans son ensemble, en raison d’éventuels mouvements
de population.
47. Cependant, je ne crois pas que les arguments avancés par la
Serbie l’emportent sur les raisons qui militent en faveur de l’indépendance
du Kosovo: à mon avis, à long terme, une indépendance conditionnelle est
le statut qui offrira les plus grandes chances de paix durable,
de stabilité et de développement économique au Kosovo et dans toute
la région. Il me paraît impensable, compte tenu de l’histoire et
du passé récent du Kosovo et des aspirations de la grande majorité
de sa population, que la province soit de nouveau soumise à la souveraineté
effective de la Serbie, sous quelque forme que ce soit, même si
la plus grande autonomie possible lui est octroyée. Toute solution
de cet ordre serait une source de conflit supplémentaire. Au lieu
de créer les conditions d’une stabilisation, elle perpétuerait,
voire accroîtrait, l’instabilité, ce qui obligerait à maintenir
pour très longtemps une présence internationale encore plus importante.
48. Je m’accorde avec M. Kostunica à penser que l’indépendance
du Kosovo risque de créer un précédent dont pourraient s’autoriser
d’autres revendications sécessionnistes. Je suis toutefois convaincu
que chaque situation est un cas particulier et je rejette l’argument
selon lequel le refus de suivre automatiquement le précédent du
Kosovo reviendrait à appliquer deux poids et deux mesures. On ne
peut faire ce reproche lorsque les situations ne sont pas comparables.
49. Surtout, je crains, comme M. Kostunica, que l’indépendance
du Kosovo ne menace la stabilité politique en Serbie. Je comprends
aussi que les actuels dirigeants auraient du mal à expliquer à la
population serbe comment un tel résultat a été possible. Néanmoins,
la responsabilité de cet état de choses incombe en partie aux responsables
politiques serbes, qui ont cultivé le sentiment de victimisation
aujourd’hui largement répandu dans l’opinion et n’ont jamais, au
moins publiquement, laissé entendre qu’ils seraient disposés à accepter
la perte du Kosovo. Quelle que soit l’issue de la question du statut,
j’en appelle au sens des responsabilités des forces politiques serbes
pour qu’elles s’abstiennent d’aggraver encore les penchants anti-européens
et nationalistes ou de capitaliser sur ces sentiments pour en retirer
un gain politique. La probabilité d’une réconciliation véritable
entre la Serbie et le Kosovo est, à mon avis, supérieure si le Kosovo
devient indépendant. Ne pas accorder l’indépendance au Kosovo ne
servirait qu’à entretenir et à aggraver la profonde amertume des
Albanais du Kosovo. Il ne faut pas perdre de vue que, si le Kosovo
devient indépendant, il serait soumis à une série d’accords internationaux,
y compris les obligations et les valeurs du Conseil de l’Europe.
50. Pour qu’il y ait des garanties de stabilité après l’indépendance,
l’acquisition de la pleine souveraineté par le Kosovo devrait, à
mon avis, être subordonnée aux conditions suivantes:
- conformité de son cadre constitutionnel
avec les normes européennes en matière de démocratie, de bonne gouvernance,
de primauté du droit, de droits de l’homme et de protection des
minorités nationales;
- adhésion aux principaux instruments internationaux dans
ces domaines, notamment la Convention européenne des Droits de l’Homme
et la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, et
pleine applicabilité de ces instruments;
- mise en place de garanties spéciales supplémentaires pour
les communautés minoritaires;
- engagement de ne pas chercher à obtenir ni encourager
de nouvelles modifications des frontières internationales dans la
région et de reconnaître ses frontières actuelles comme permanentes;
- acceptation d’une présence internationale.
51. La Serbie pourrait-elle finir par accepter cette solution?
A ce stade, cela semble improbable. Les dirigeants serbes campent
sur leur position de négociation et ont aussi nié avoir un «plan
B» qui consisterait à réclamer une partition du Kosovo portant sur
Mitrovica Nord. Je partage l’avis selon lequel l’éventualité d’une partition
– qui a également été exclue par le groupe de contact – n’est pas
envisageable.
52. Au cas où il ne serait pas possible de parvenir à un règlement
négocié, serait-il concevable que la communauté internationale impose
une solution? C’est là une question difficile qu’il faut cependant
poser. Pour ma part, je suis convaincu qu’il faut rechercher une
solution négociée et la trouver dans un délai raisonnable, à savoir
avant la fin de l’année. Si toutefois une situation d’impasse empêchait
les négociations d’aboutir dans ce délai raisonnable, prolongeant
ainsi l’insécurité et l’instabilité et empêchant la normalisation
de la vie des habitants du Kosovo, il pourrait y avoir lieu d’envisager,
en tout dernier ressort, l’éventualité d’une solution imposée par
la communauté internationale.
53. Enfin, la possibilité d’une perspective concrète d’adhésion
à l’Union européenne ne devrait pas être dénaturée ni sous-estimée.
En Serbie, il ne faut pas qu’elle soit présentée comme une monnaie
d’échange contre l’indépendance du Kosovo, mais comme une chance
de consolider la démocratie et d’améliorer le bien-être et le niveau
de vie des citoyens serbes; pour le Kosovo, elle devrait être une
incitation à œuvrer au renforcement des institutions et de l’économie,
de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption et la
criminalité organisée.
5. Conclusions
et recommandations
54. Mes recommandations figurent
dans les avant-projets de textes joints au présent rapport. Je voudrais toutefois
mentionner quelques aspects de la situation actuelle au Kosovo qui
me paraissent de la plus haute importance.
a. Je suis convaincu que le statut futur du Kosovo doit être
celui qui offrira les plus grandes chances de paix durable, de stabilité
et de développement économique. A mes yeux, cela signifie que le
Kosovo devrait devenir indépendant.
b. Les positions des deux équipes de négociation sur la question
du statut ne sont pas conciliables. Je crains que, si les négociations
n’aboutissent pas dans un délai raisonnable, une solution ne soit imposée.
A mon avis, une telle mesure ne doit intervenir qu’en tout dernier
et ultime recours.
c. Je considère que le refus des Serbes du Kosovo de prendre
part au processus politique est une position contre-productive et
à courte vue. Je comprends que leur situation soit délicate – politiquement
et économiquement –, mais ils devraient être en première ligne pour
défendre leurs droits et leurs intérêts et tenter d’influencer le
processus décisionnel à tous les niveaux. Je suis préoccupé par
la part que peut avoir la Serbie dans cette attitude de non-engagement.
d. Dans le contexte de la définition du statut, la décentralisation
est une question cruciale. Il convient de concilier plusieurs objectifs:
prendre en compte les préoccupations et les intérêts légitimes des
Serbes et des autres communautés non albanaises, améliorer la gouvernance
et l’efficacité du service public dans tout le Kosovo, prévenir
le risque de «territorialisation de la diversité» ou, en d’autres
termes, de segmentation de la société en fonction des clivages ethniques.
Il faut éviter de faire les mêmes erreurs que dans les Accords de
Dayton pour la Bosnie-Herzégovine. Ceux-ci avaient pour but de mettre
fin à une guerre et ne prévoyaient pas de solution à long terme
pour le pays. Le Kosovo ne peut construire son avenir sur les divisions
ethniques, mais devrait au contraire tendre à l’intégration ethnique.
La proposition qui a été soumise concernant la décentralisation
pourrait se révéler très préjudiciable pour le Kosovo si elle devait
se concrétiser de manière durable. Certes, je considère qu’il sera
peut-être nécessaire d’accepter des dispositions provisoires en
attendant que la confiance soit rétablie – mais, dans ce cas, des
échéances devront être fixées.
e. La protection des minorités et la mise en place de mécanismes
et de garanties destinés à assurer leur participation, sans discrimination,
à la vie socio-économique, religieuse, culturelle et publique du
Kosovo sont un objectif qu’il faut viser quelle que soit l’issue
de la question du statut.
f. Je suis préoccupé par le manque de consolidation des IPAA,
même si je pense que ce problème persistera tant que le statut du
Kosovo ne sera pas défini. Qu’il soit autonome ou indépendant, le
Kosovo a besoin d’une classe politique capable de le gérer, représentative
de l’ensemble de la population et responsable.
g. Quel que soit le statut du Kosovo, les différentes ethnies
doivent être capables de vivre ensemble et de se respecter. Cela
s’applique aux communautés majoritaires comme aux communautés minoritaires. J’estime
que les IPAA, les dirigeants serbes du Kosovo et les forces politiques
de Belgrade devraient s’employer plus activement à promouvoir la
réconciliation inter-ethnique.
h. L’année dernière, mon prédécesseur, Mme Tritz,
a invité le Conseil de l’Europe à s’engager davantage sur la question
du Kosovo et indiqué quelques domaines d’excellence dans lesquels
la contribution de l’Organisation pourrait se révéler très précieuse.
Lors de mes visites au Kosovo, il m’est apparu clairement que, bien
que très apprécié, le Conseil de l’Europe n’était pas très visible
sur place et que d’autres organisations étaient la principale référence
en matière de bonne gouvernance, de démocratie, de primauté du droit
et de respect des droits de l’homme et des droits des minorités
nationales. Je dois avouer que j’ai également été déçu par la réponse
évasive du Comité des Ministres aux propositions de l’Assemblée
en faveur d’une action renforcée du Conseil de l’Europe . C’est pourquoi,
dans les projets de textes que je soumets pour adoption à la commission
des questions politiques, je renouvelle avec force cette proposition.
Par ailleurs, la partie albanaise comme la partie serbe appellent
également de leurs vœux une action renforcée du Conseil de l’Europe
dans la région.
Commission chargée du rapport: commission des questions politiques.
Renvoi en commission: no 3114,
24 juin 2005.
Projet de résolution et projet de recommandation adoptés le
18 septembre 2006.
Membres de la commission: M. Abdülkadir Ates¸ (Président), M. Konstantin
Kosachev (Vice-Président), M. Zsolt Németh (Vice-Président), M. Giorgi
Bokeria (Vice-Président), M. Miloš Aligrudić,
Mme Birgir Ármannsson, M. Giuseppe Arzilli,
M. Claudio Azzolini, M. Miroslav Beneš, M. Radu-Mircea Berceanu, M. Gerardo
Bianco, M. Aleksander Biberaj, M. Luc Van den Brande, Mme Beáta
Brestenská, Mme Anna Ćurdová, M. Noel
Davern, M. Dumitru Diacov, M. Michel Dreyfus-Schmidt, M. Adri Duivesteijn,
Mme Josette Durrieu, M. Mikko Elo, M. Joan
Albert Farré Santuré, M. Per-Kristian Foss, M. Jean-Charles Gardetto, M. Charles
Goerens, M. Daniel Goulet, M. Andreas Gross,
M. Jean-Pol Henry, M. Joachim Hörster, M. Renzo Innocenti, M. Ivan
Ivanovski, M. Tadeusz Iwiński, M. Elmir Jahić, M. Milosˇ Jeftić, M. Oleksandr Karpov, M. Oskars
Kaste-ns, M. Yuriy Kostenko, Mme Darja
Lavtizˇar-Bebler, M. Göran Lindblad,
M. Younal Loutfi, M. Mikhail Margelov, M. Tomasz Markowski, M. Dick
Marty, M. Frano Matušić, M. Murat Mercan, M. Jean-Claude Mignon,
M. Marko Mihkelson, Mme Nadezhda Mikhailova,
M. Mirzazada, M. Joao Bosco Mota Amaral, Mme Natalia
Narochnitskaya, Mme Carina Ohlsson, M. Boris
Oliynyk, M. Theodoros Pangalos, Mme Elsa Papadimitriou,
Mme Maria Josefa Porteiro Garcia, M. Christos
Pourgourides, M. Gordon Prentice, M. Gabino Puche (remplaçant: M. Pedro Agramunt), M. Lluís Maria de Puig, M. Jeffrey Pullicino Orlando,
Lord Russell-Johnston, M. Peter Schieder, M. Ingo Schmitt, M. Adrian
Severin, Mme Hanne Severinsen, M. Samad Seyidov,
M. Leonid Slutsky, M. Michael Spindelegger, M. Rainder Steenblock,
M. Zoltán Szabó, Baroness Taylor of Bolton, M. Mehmet Tekelioğlu,
M. Tigran Torosyan, M. José Vera Jardim, Mme Birutė
Vėsaitė, M. Varujan Vosganian, M. David Wilshire, M. Bart van Winsen
(remplaçant: M. Dirk Dees),
M. Wolfgang Wodarg, Mme Renate Wohlwend,
M. Marco Zacchera (remplaçant: M. Italo Bocchino),
M. Krzysztof Zaremba.
Ex officio: MM. Mátyás
Eörsi, Mats Einarsson.
N.B. Les noms des membres qui ont pris part à la réunion sont
indiqués en gras.
Ce texte sera débattu ultérieurement.