FR17CR33

AS (2017) CR 33

SESSION ORDINAIRE DE 2017

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(Quatrième partie)

COMPTE RENDU

de la trente-troisième séance

Mercredi 11 octobre 2017 à 15 h 30

Dans ce compte rendu :

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 15 h 30 sous la présidence de Mme Kyriakides, Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE* – La séance est ouverte.

1. Appel pour un Sommet du Conseil de l’Europe afin de réaffirmer l’unité européenne
et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe

Défendre l’acquis du Conseil de l’Europe : préserver le succès de 65 ans
de coopération intergouvernementale

(Débat conjoint)

LA PRÉSIDENTE* – L’ordre du jour appelle notre premier débat conjoint.

Nous entendrons d’abord la présentation par M. Nicoletti du rapport de la commission des questions politiques sur l’« Appel pour un Sommet du Conseil de l’Europe afin de réaffirmer l’unité européenne et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe » (Doc. 14396).

Ensuite, M. Kox présentera le rapport de la commission du Règlement intitulé « Défendre l’acquis du Conseil de l’Europe : préserver le succès de 65 ans de coopération intergouvernementale » (Doc. 14406).

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ces textes, votes inclus, à 18 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 17 h 25, afin de pouvoir entendre la réplique des commissions et de procéder aux votes nécessaires.

Les rapporteurs disposent d’un temps de parole total de 13 minutes, qu’ils peuvent répartir à leur convenance entre la présentation de leur rapport et la réponse aux orateurs.

M. NICOLETTI, (Italie) rapporteur de la commission des questions politiques et de la démocratie* – Ce rapport est le fruit d’un travail de longue haleine qui a duré deux ans. Je tiens à remercier toutes les délégations nationales de leurs contributions, qui sont annexées au rapport. La réflexion menée par notre Assemblée constitue un riche patrimoine. Je remercie les ambassadeurs, les membres des ONG et le personnel du Conseil de l’Europe de leur participation à la rédaction du rapport.

Pourquoi appeler à la tenue d’un Sommet ? Nous n’en organisons pas un chaque année. Il s’agit d’un évènement extraordinaire. Notre Assemblée a constaté voici déjà quelques années que nous vivons une époque extraordinaire, qui exige des réponses extraordinaires. Plus que jamais, la situation est grave et exige des réponses sérieuses. Chacun doit assumer sa propre responsabilité à l’égard de notre maison commune. Par-delà les histoires politiques et nationales particulières, nous siégeons dans cette Assemblée par ordre alphabétique, ce qui témoigne que nous ne représentons pas seulement des pays ou des familles politiques, mais aussi la maison commune européenne. Nous ne devons jamais l’oublier. Il s’agit donc d’assumer nos responsabilités pour l’Europe par-delà les attributions du Conseil de l’Europe.

En effet, quelle autre institution pourrait prendre en charge le destin de l’Europe entière ? L’Union européenne a beaucoup souffert des divisions qui lui ont été imposées. Le dialogue qu’elle mène avec des pays qui semblaient prêts à la rejoindre connaît des difficultés. Il incombe donc au Conseil de l’Europe de maintenir ce bel idéal et cette grande nécessité historique qu’est l’Europe. Celle-ci ne se résume pas à une simple expression géographique, mais désigne un véritable mode de vie, fondé sur le respect de la dignité de chaque individu, de l’État de droit et de la démocratie.

J’insiste beaucoup, dans mon rapport, non sans fierté, sur l’unité européenne. En 1949, après la guerre, les représentants des grands pays européens se sont rassemblés et ont dressé le constat que l’Europe d’alors était d’abord menacée par sa division. Ces phrases désignant la division de l’Europe comme le plus grand danger qui la menace, rédigées par des gens ayant souffert du totalitarisme et de la guerre, m’ont toujours touché. La mission des institutions européennes est donc claire : unifier les peuples d’Europe afin de tirer parti de la richesse que constitue leur diversité. J’appelle donc l’attention de l’Assemblée sur la belle expression de « génie de la diversité ». Nous devons reprendre goût à notre diversité et reprendre conscience de l’attrait qu’elle suscite. C’est dans la diversité que nous devons rechercher l’unité.

Les minorités d’Europe souffrent car on tente de les enfermer dans des catégories : certains peuples réclament l’autodétermination, d’autres envisagent la sécession. Mettre un terme à ces tendances centrifuges suppose de redécouvrir le génie de la diversité et de faire de la politique un art de vivre ensemble dans toute notre diversité, en aspirant à la liberté et en respectant les droits et les aspirations de chacun. Dans ce contexte, il nous incombe de réaffirmer les extraordinaires idéaux du Conseil de l’Europe. Nous nous sommes dotés d’un système de conventions qu’évoque le rapport de notre collègue Tiny Kox. Plus largement, nous avons adopté des mécanismes de fonctionnement internes permettant la coexistence de tous dans le respect de la diversité et défendant la valeur suprême que sont les droits de l’homme.

Hier, nous avons discuté le rapport très important de M. Liddell-Grainger sur le suivi de la Résolution 1903 (2012), qui doit nous aider à améliorer les mécanismes internes de notre Assemblée. Nous nous sommes ainsi rendu compte de nos faiblesses dans le domaine de la lutte contre la corruption. J’évoque également ce sujet dans mon rapport. En effet, notre époque est marquée par le terrorisme, la pauvreté, l’esclavage moderne et les violations du droit international au sein même de notre communauté, violations auxquelles a fait référence ce matin le Président de l’Ukraine.

Nos mécanismes sont-ils suffisamment forts pour éviter que nous nous retrouvions dans une situation contradictoire ? Ces dernières années, nous avons rencontré des problèmes de cohérence au sein de notre Organisation. Chacun de nos organes – le Comité des Ministres, la Cour européenne des droits de l’homme, l’Assemblée parlementaire – doit avoir son autonomie. La séparation des pouvoirs est l’un des piliers de l’État de droit. Ne touchons surtout pas à l’indépendance de ces organes. Cependant, il est important qu’une harmonie existe entre ces différents organes.

Nous sommes confrontés à d’immenses défis, à des conflits et à des violations de nos propres règles. Certains essaient de se soustraire à leurs obligations. Le Comité des Ministres, l’Assemblée parlementaire et la Cour européenne des droits de l’homme réagissent chacun à leur manière. Dans ce rapport, j’appelle à une réflexion commune au sein du Comité des Ministres.

Il est impératif que nous menions cette réflexion. Nous ne devons pas faire l’autruche : nous devons avoir le courage de nous attaquer au problème. Les organes de notre Organisation nous diront où mènera cette réflexion, car nous sommes une institution démocratique. Nous avons des valeurs à défendre ; nous voulons mener le dialogue dans le respect de ces principes.

Il ne s’agit surtout pas d’affaiblir les normes de notre Assemblée. Toutefois, nos organes ont su mieux se coordonner par le passé, lorsqu’ils ont dû prendre des décisions graves. Ainsi, des décisions salutaires ont été prises concernant la Grèce ou la Turquie dans un cadre harmonieux.

Le projet de résolution contient des propositions faites à nos chefs de gouvernement et à nos chefs d’État pour qu’ils insistent sur leurs engagements à l’égard de notre Organisation. En effet, chacun doit assumer ses responsabilités. Nous devons renforcer nos organes internes et nos instruments.

LA PRÉSIDENTE*– Monsieur le rapporteur, il vous restera 2 minutes pour répondre aux orateurs.

M. KOX (Pays-Bas), rapporteur de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles* – Madame la Présidente, permettez-moi de vous féliciter, mais aussi de nous féliciter, pour votre élection. Permettez-moi également de féliciter mon collègue, M. Nicoletti, pour la présentation de cette résolution en faveur d’un nouveau Sommet du Conseil de l’Europe afin de renforcer le projet européen unique que cette institution représente.

Dans la recommandation et le rapport que je vous présente aujourd’hui, je soutiens pleinement ce Sommet et j’affirme que cette Assemblée doit y participer totalement. Je propose également à cette Assemblée de demander au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe et au Comité des Ministres d’ajouter, à l’ordre du jour de ce Sommet, le système conventionnel du Conseil de l’Europe, qui est unique. Les conventions permettent d’améliorer le fonctionnement des institutions démocratiques et le développement de l’État de droit en Europe, ainsi que de protéger les droits de tous les citoyens européens, comme cela a été le cas au cours des dernières décennies. Nous devons en être particulièrement fiers.

Madame la Présidente, depuis 1949, il est indiqué dans notre Statut, à l’article 1, que : « Le but du Conseil de l’Europe est de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun et de favoriser leur progrès économique et social. » Les trois piliers de notre Organisation sont l’État de droit, la démocratie et les droits de l’homme.

Le Statut prévoit le principe de la coopération intergouvernementale, qui est au cœur des opérations du Conseil de l’Europe. Cette coopération entre les États membres se concentre sur le développement de normes communes, de conventions et leur mise en œuvre dans les différents États membres afin qu’existe une continuité et que l’on atteigne les objectifs stipulés dans le Statut.

Plus de 200 conventions ont été signées depuis 1949, soit un acquis fondamental pour le Conseil de l’Europe. Ces conventions traitent des droits sociaux, des droits de l’homme, des droits des minorités, de la protection des enfants et des femmes, de la lutte contre le terrorisme, contre le blanchiment d’argent, contre la traite des êtres humains, contre la torture, contre les traitements discriminatoires, contre le trucage des événements sportifs, etc. Nous travaillons également sur la santé et sur la protection des données. Ces conventions ont un impact direct sur la vie des citoyens européens et sur le cadre juridique de nos États membres.

Cet héritage commun unique contribue efficacement à l’unité de notre continent. Nous devons absolument le reconnaître, le défendre et le développer davantage. Ces conventions sont signées au profit de tous les citoyens européens et elles peuvent également s’appliquer à d’autres.

Depuis 1998, le Comité des Ministres consulte l’Assemblée sur tous les projets de traité. Le Statut prévoit que les conventions et les accords doivent être soumis à l’attention du Comité des Ministres à la suite des recommandations de notre Assemblée ou sur l’initiative propre du Comité des Ministres. Un certain nombre de ces traités ont donc été préparés en réponse à une demande de l’Assemblée, qui est un organe important du Conseil de l’Europe.

L’Assemblée parlementaire, le Comité des Ministres ainsi que les États membres sont ainsi responsables de la création, de la protection, de la mise en œuvre et du développement de ce système conventionnel unique en Europe, qui gère maintenant un grand nombre des aspects de nos sociétés.

La vie quotidienne de 835 millions de citoyens européens est modifiée par ces conventions. Au cours du 3e Sommet des chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe en 2005, à Varsovie, il a été décidé de renforcer le système conventionnel tout en mettant en place des mesures afin d’atteindre les objectifs prévus. Un grand nombre de travaux ont été effectués depuis. Des améliorations ont vu le jour – je pense en particulier aux réformes des activités de notre Organisation et du fonctionnement de la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi qu’à la mise à jour des différentes conventions.

Malgré ces réformes, Madame la Présidente, il y a encore un fossé entre ce que les États membres et l’Organisation veulent, et ce qui est fait. La ratification des conventions est souvent retardée, ce qui les empêche d’entrer en vigueur. La transposition des conventions dans le droit national est importante mais ne fonctionne pas toujours correctement.

Il y a donc un certain nombre de raisons pour lesquelles nous pouvons être fiers de tout ce que nous avons accompli au cours des dernières décennies ; cependant, cela ne suffit pas. En effet, tout ce qui a été fait peut être détruit en très peu de temps. Par conséquent, il faut absolument améliorer ce système conventionnel.

Madame la Présidente, en Europe, la démocratie, l’État de droit, ainsi que les droits de l’homme, sont soumis à de nombreuses pressions. Afin d’y faire face et de continuer à respecter le Statut du Conseil de l’Europe, notre Organisation a besoin d’être plus efficace.

Voilà pourquoi j’invite l’Assemblée à demander au Comité des Ministres et au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’inscrire la question de l’avenir du système conventionnel du Conseil de l’Europe à l’ordre du jour du prochain Sommet des chefs d’État et de gouvernement, et de préparer avant sa tenue une évaluation de l’efficacité des conventions existantes et de leurs mécanismes de suivi, ainsi que des propositions visant à renforcer le système conventionnel. Je propose aussi d’évaluer l’efficacité des programmes d’aide à la mise en œuvre des conventions et une analyse des améliorations requises.

Il convient, par ailleurs, de voir comment renforcer l’efficacité de la Cour européenne des droits de l’homme, comment étendre le champ d’application de la Charte sociale européenne à tous les États membres et de faire de la Charte sociale européenne la référence principale des droits sociaux pour l’Union européenne.

Je propose en outre : une évaluation générale des relations entre le Conseil de l’Europe et les principales autres organisations européennes ; un examen de l’opportunité d’établir un mémorandum d’accord entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe sur la participation de l’Union européenne aux conventions du Conseil de l’Europe ; et une feuille de route en vue de l’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme, conformément à l’obligation formulée dans le Traité de Lisbonne. Je propose également d’examiner comment les citoyens peuvent participer davantage aux processus décisionnels du Conseil de l’Europe.

J’invite l’Assemblée à demander au Comité des Ministres et aux 47 gouvernements des États membres de s’assurer qu’il existe les ressources financières et humaines nécessaires pour le système conventionnel et les activités gouvernementales. Tous les États membres devraient y participer sur un pied d’égalité. Je propose donc de demander au Comité des Ministres d’impliquer l’Assemblée dans l’évaluation de toutes ces activités et dans le Sommet à venir.

Madame la Présidente, le quatrième Sommet des chefs d’État et de gouvernement pourrait représenter pour le Comité des Ministres la possibilité de réfléchir sur l’avenir de notre Organisation, tout en tenant compte du fait que l’acquis du Conseil de l’Europe dépend d’un système unique de coopération permettant à tous les États membres de s’accorder sur des positions communes et de coopérer sur un pied d’égalité pour le profit de tous.

Voilà pourquoi j’invite l’Assemblée à demander aux États membres du Conseil de l’Europe de s’abstenir de toute action volontaire qui affaiblirait la coopération intergouvernementale, laquelle a contribué, au cours des dernières décennies, à unir le continent européen.

Pour conclure, je voudrais remercier tous les membres du personnel, Yann, Kateryna, Valérie, Anna et tous les experts qui m’ont aidé à faire ce travail et sans lesquels je n’aurais pas pu rédiger ce projet de recommandation. Je remercie également nos interlocuteurs de l’Espagne, de l’Ukraine et de la Fédération de Russie. Bien entendu, je remercie la Secrétaire Générale adjointe et M. Polakiewiz pour leur aide.

Madame la Présidente, j’espère que vous soutiendrez ce projet de recommandation.

LA PRÉSIDENTE* – Monsieur le rapporteur, il vous restera un peu moins de 3 minutes pour répondre aux orateurs.

Nous en venons à la discussion générale.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

Mme HOVHANNISYAN (Arménie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Je voudrais tout d’abord féliciter les rapporteurs et les remercier de leurs excellents rapports au nom de mon groupe, qui soutient pleinement les projets de résolution et de recommandation.

Monsieur Nicoletti, je me félicite de votre initiative d’organiser un quatrième Sommet des chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe, car c’est une nécessité objective. Comme l’a dit le rapporteur, la montée de l’euroscepticisme, la xénophobie, le nationalisme, les conflits et d’autres menaces encore pèsent sur l’unité de notre Organisation supranationale. À ces menaces extérieures s’ajoutent des menaces intérieures. Au moment où les attaques terroristes deviennent presque banales, où règne une atmosphère d’intolérance et de haine, nous ne pouvons pas importer ces conflits internes dans notre Assemblée.

Rappelons-nous nos valeurs clés. Pourquoi notre Organisation a-t-elle été créée ? Quelle était sa mission ? Ce quatrième Sommet serait une magnifique plate-forme pour nous rappeler la mission dont nous sommes chargés, ici ; pour nous rappeler que nous avons pris des engagements spécifiques en devenant membres de l’Organisation. Ces engagements ne peuvent pas varier. Nous n’avons pas le droit de les abandonner.

En coopération avec l’Union européenne, il faudrait davantage d’harmonisation et de cohérence entre nos normes mutuelles, ce qui améliorerait la possibilité d’atteindre nos objectifs communs.

Lors du précédent Sommet, en 2005, les orateurs se félicitaient de ce que notre continent vivait les meilleures années de son histoire. Jamais l’Europe n’avait été aussi forte, aussi sûre, aussi proche d’être unie. Ces valeurs étaient admirées partout dans le monde. Aujourd’hui, pourrions-nous dire la même chose ? J’espère qu’après avoir pris quelques mesures, nous pourrons de nouveau nous sentir fiers. Nous devons agir pour protéger les droits de l’homme, la démocratie parlementaire et l’État de droit. Ce sommet nous donnera à tous la possibilité de mesurer les résultats obtenus, les échecs et les mesures à prendre pour l’avenir. Je soutiens donc l’idée d’organiser ce quatrième Sommet avec l’implication de l’Assemblée.

Mme De SUTTER (Belgique), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – La présentation d’un tel rapport revêt une grande importance compte tenu de ce qui se passe en ce moment dans notre Organisation. Nombre d’éléments dérangent en Europe. Dans cette maison, il est grand temps de préserver les valeurs fondamentales que nous défendons.

Il y a 67 ans, il fut dit que seule l’Europe pouvait nous sauver. Oui, il nous faut reconnaître l’acquis du Conseil de l’Europe. Il nous faut renforcer les instruments dont nous disposons, comme il est dit dans le rapport de M. Kox. Il est indispensable de tenir le Sommet tel que proposé dans le rapport de M. Nicoletti. Les deux rapports sont excellents et méritent notre plein soutien.

L’Europe parle des valeurs, et les conventions du Conseil de l’Europe sont des instruments irremplaçables pour défendre et renforcer ces valeurs. Il faut aussi que nous retrouvions la confiance des citoyens, car c’est bien de cela qu’il s’agit. Notre travail vise à défendre leurs droits. Le débat ne porte pas sur nous, représentants politiques, mais sur nos citoyens. Il faut avant tout qu’ils soient convaincus du fait que nos institutions défendent leurs droits. Ce n’est qu’ainsi que nous retrouverons leur confiance en une Europe unie. C’est pourquoi les citoyens doivent être consultés et participer beaucoup plus directement qu’actuellement à la vie publique.

Par ailleurs, la coopération entre les différentes institutions européennes doit être renforcée. Le Conseil de l’Europe a un rôle différent de celui de l’Union européenne. On ne saurait répliquer son travail dans le domaine des droits de l’homme, de la primauté du droit, de la démocratie. Si l’Union européenne se met maintenant à développer un pilier des droits sociaux, elle doit le faire en toute conformité avec la Charte sociale européenne. L’Union européenne doit adhérer à la Convention européenne des droits de l’homme le plus tôt possible et signer la Charte sociale.

Le Conseil de l’Europe doit absolument se ressaisir de son mandat unique dans ses domaines clés. Il doit être reconnu par l’Union européenne dans une bonne coopération et un bon esprit d’entente. De même, au sein même de notre institution, le dialogue et la coopération entre l’Assemblée et le Comité des Ministres doivent être renforcés, dans le respect mutuel et dans la pleine reconnaissance de l’indépendance et des principes et rôles qui sont ceux de l’Assemblée parlementaire. Nous représentons les citoyens de l’Europe.

Mesdames et Messieurs, ce Sommet portera sur la question de la destinée de l’Europe – toute l’Europe, j’insiste sur ce point. Où va l’Europe ? Nous parlons ici de notre vivre-ensemble, de la solidarité, de la paix et de la sécurité de nos citoyens, mais aussi de celle de leurs enfants et de leurs petits-enfants.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Madame la Présidente, je tiens à vous féliciter pour votre élection. Je félicite également MM. Nicoletti et Kox pour leurs rapports particulièrement utiles.

Il est nécessaire et juste d’envisager un nouveau Sommet : cela aurait un effet très positif sur les 47 États membres du Conseil de l’Europe et cela permettrait d’améliorer les choses. Je voudrais néanmoins aborder trois points : les résultats que nous avons obtenus ; ce qu’ils doivent à la vision de long terme et à l’approche subtile, parfois même paradoxale, adoptée initialement ; et pourquoi il est nécessaire de prendre en compte le contexte actuel dans la mise en place d’un certain nombre d’adaptations.

Si les niveaux actuels de paix et de stabilité en Europe doivent beaucoup à notre respect des droits de l’homme, ils reflètent également à quel point la paix, la démocratie et la stabilité économique sont liées. Depuis 1949, nous avons progressivement perdu de vue ces objectifs. Si nous devons donc, chacun pour ce qui nous concerne, améliorer nos performances économiques, la stabilité économique prend une autre dimension au sein du Conseil de l’Europe : c’est l’un des moyens identifiés pour améliorer et assurer la stabilité politique des pays et le bien-être des différentes communautés. Le marché unique a beaucoup apporté à l’Union européenne.

Les résultats du Conseil de l’Europe sont là : la Cour européenne des droits de l’homme est un instrument unique. Elle permet à tout citoyen de demander réparation à la justice européenne s’il estime que ses droits ont été bafoués par un autre citoyen, par une institution ou même par un État européen. Cet instrument est donc la preuve d’un véritable changement des mentalités. La théorie politique traditionnelle plaçait l’État devant le citoyen ; on s’éloigne enfin de cette vision. Grâce à la création de la Cour européenne des droits de l’homme, les choses ont totalement changé : comme cela a déjà été dit, l’État et les citoyens sont désormais sur un pied d’égalité.

Nous sommes toutefois confrontés à un certain nombre de défis et de problèmes, au nombre desquels la xénophobie, la corruption et les attaques terroristes, et c’est la raison pour laquelle il est nécessaire d’organiser ce Sommet. Les rapporteurs ont souligné à quel point il était important qu’il se tienne rapidement, et ils ont tout à fait raison. Il faut parvenir à rapprocher les conventions du Conseil de l’Europe et leur mise en pratique effective. Peut-être l’Assemblée devrait-elle également revoir ses méthodes de travail.

Il faut donc travailler sur ce prochain Sommet, nous n’avons plus de temps à perdre. Il faudra également tenir compte d’un certain nombre de structures de notre Organisation, comme la Commission de Venise et la Direction de la citoyenneté démocratique et de la participation, qui a joué un rôle primordial dans la sensibilisation aux droits de l’homme.

M. Michael Aastrup JENSEN (Danemark), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Je félicite à mon tour MM. Kox et Nicoletti pour leur excellent travail. Si je n’ai rien à dire sur le rapport de M. Kox, que je trouve excellent, je soulignerai que malgré un titre magnifique, très diplomatique, le rapport de M. Nicoletti contient un certain nombre de suggestions très inquiétantes contre lesquelles s’élève l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe.

Si nous regardons ce qui se cache derrière toutes ces belles formules diplomatiques, il est dit que notre Assemblée devrait être privée de tout pouvoir de sanction contre un État membre. Or nous savons que, depuis des années, certains essaient de faire revenir la Fédération de Russie par la petite porte. Mais l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe est contre le chantage que la Fédération de Russie a exercé sur notre Assemblée en suspendant le paiement de ses contributions. D’autant que, jusqu’à aujourd’hui, elle a choisi d’ignorer complètement les recommandations que nous avons faites suite aux violations évidentes des principes de notre Organisation : les Accords de Minsk ne sont pas appliqués, l’envoi de troupes et d’équipements aux séparatistes en Crimée se poursuit, des sanctions sont prises contre l’Ukraine. Les Russes continuent de violer tous nos principes : nous devons les défendre, tout comme nous devons défendre l’idée qui a présidé à la création du Conseil de l’Europe. En 1949, nous étions appelés à devenir le phare de la démocratie ! Nous ne devrions jamais faiblir. Notre besoin de grands pays comme la Fédération de Russie n’est pas tel que nous devions accepter n’importe quel arrangement pour les voir revenir. Si nous cédons, les belles idées que nous défendons depuis des années, nous n’avons plus qu’à les jeter à la poubelle ! Ou alors, tout grand pays, sous prétexte qu’il paie une contribution élevée, pourra faire ce qu’il veut.

C’est la raison pour laquelle, à l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe, nous sommes contre ces propositions. J’espère que notre Assemblée défendra fermement ses principes, car c’est plus important que jamais aujourd’hui.

M. LOUCAIDES (Chypre), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Madame la Présidente, permettez-moi de vous redire à quel point nous sommes heureux de votre élection à la présidence de notre Assemblée.

Mon groupe soutient la proposition faite par les rapporteurs de convoquer le quatrième Sommet du Conseil de l’Europe. Cela permettra de donner un nouvel élan à la mission de l’Organisation et de nous pencher sur les défis auxquels le continent européen fait face. Un tel Sommet apporterait beaucoup à l’unité et à la sécurité des territoires des États membres. Après soixante-cinq ans de coopération intergouvernementale fructueuse, il permettrait également de défendre les acquis de notre Organisation. C’est l’objet de l’excellent rapport de notre collègue M. Kox.

Dans ce contexte, j’aimerais vous présenter quelques réflexions sur ce quatrième Sommet. Tout d’abord, celui-ci devrait permettre de réaffirmer l’universalité, l’interdépendance et l’indivisibilité des principes du Conseil de l’Europe. La Convention européenne des droits de l’homme, l’un des plus grands acquis du Conseil, est également l’un des systèmes les plus avancés en matière de protection des droits individuels. Malheureusement, ce n’est pas le cas de la Charte sociale européenne, qui n’a pas eu la même résonance. Par conséquent, comme le mentionne la recommandation, nous pensons qu’il est très important que tous les États membres du Conseil signent cette Charte. Le mécanisme de suivi de cette Charte est très important, et c’est la raison pour laquelle l’Union européenne essaie de le mettre en place.

Un tel Sommet doit pouvoir apporter une réponse globale aux problèmes des réfugiés qui viennent chercher un meilleur avenir sur notre continent. Il ne s’agit pas ici de renforcer la forteresse Europe – stratégie qui a déjà entraîné de nombreux décès, notamment en Méditerranée. Le Conseil de l’Europe doit plutôt réagir en se fondant sur la solidarité et l’humanité, protéger le droit d’asile et mettre en place des itinéraires sûrs pour les réfugiés.

Ce Sommet devra également faire du Conseil de l’Europe une Organisation qui pourra mettre fin à la confrontation entre l’Europe et la Fédération de Russie, car il faut restaurer le dialogue politique au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe : la Fédération de Russie doit revenir sur sa décision inacceptable de suspendre sa contribution financière au Conseil de l’Europe.

En conclusion, nous pensons qu’en définissant les bonnes priorités et en le préparant bien, avec la volonté de défendre nos valeurs et principes, ce quatrième Sommet sera une étape historique pour notre Organisation, permettant de préparer son avenir.

Mme HOPKINS (Irlande)* – L’Irlande est l’un des pays fondateurs du Conseil de l’Europe. Nous sommes tout à fait favorables à l’organisation d’un Sommet en 2019 pour marquer le 70e anniversaire de l’existence de l’Organisation. Ce serait une occasion sans pareille de réfléchir au bon travail qui a été réalisé et de réaffirmer l’engagement qui est le nôtre en faveur d’une plus grande unité entre nos États membres. Cela permettrait de renforcer nos valeurs, dans l’intérêt des peuples de l’Europe.

De fait, les valeurs que sont les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit sont tout aussi essentielles aujourd’hui qu’il y a soixante-dix ans. Néanmoins, elles sont régulièrement remises en question, et ce partout en Europe. Nous sommes confrontés à de nombreuses questions importantes – celle des migrants et des réfugiés, mais aussi la crise liée au changement climatique et la montée du terrorisme – qui exigent de nous des réponses et des actes. L’Union européenne est elle aussi confrontée à des défis importants, à commencer par le Brexit, dont les répercussions pourraient être extrêmement néfastes, en particulier pour l’Irlande.

Les idéaux du Conseil de l’Europe, auxquels l’Irlande est véritablement attachée, doivent être défendus. Nous devons nous assurer que chacun comprend qu’il vaut mieux œuvrer ensemble, car ce n’est qu’ensemble que nous accomplirons des progrès. À cet égard, les deux rapports, qui sont l’aboutissement d’un très long processus, nous rappellent que, pour que l’Organisation fonctionne mieux, nous devons avoir une approche commune. Confrontés à des temps difficiles, nous devons nous assurer que nous réussirons à trouver une solution politique qui ne remette pas en question nos valeurs. Le Conseil de l’Europe doit être le lieu du dialogue, l’endroit où il est possible de coexister pacifiquement et où chacun tente de comprendre la position de l’autre.

M. BLANCHART (Belgique) – Madame la Présidente, chers collègues, nous le savons, notre belle institution joue un rôle souvent aussi important que méconnu dans une constellation européenne et supranationale dont le fonctionnement apparaît parfois complexe au grand public.

Pourtant, j’ai envie de dire que c’est parce que le Conseil de l’Europe et la Cour européenne des droits de l’homme ont un rôle capital et contraignant dans la défense des droits de l’homme en général, et de la liberté d’expression et de la lutte contre les discriminations en particulier, que ces institutions dérangent parfois.

On connaît tous les pays qui remettent en cause la jurisprudence de la Cour et qui aimeraient être libérés de son pouvoir contraignant quand il s’agit du respect des droits de l’homme. Nombreuses sont également les conventions du Conseil qui ne sont pas ratifiées – mon pays, par exemple, n’a pas ratifié celle qui concerne les minorités nationales – et nombreux sont les arrêts de la Cour qui ne sont pas appliqués.

Évidemment, un débat doit être mené : un État doit pouvoir modifier démocratiquement sa législation. Cependant, face à la diversité de nos 47 États membres et des 820 millions de citoyens concernés, la Convention européenne des droits de l’homme et le droit de regard qu’elle crée doivent, selon moi, être vus comme une chance et non comme un frein. Elle garantit des libertés et des droits fondamentaux ; ce sont des lignes rouges. La liberté d’expression, le bannissement de la peine de mort, le droit au respect de la vie privée, ou encore le droit à un procès équitable, sont le ciment de nos démocraties européennes.

Pourtant, je suis inquiet : au cours des derniers mois et même des dernières années, les valeurs européennes ont été bafouées par plusieurs États membres qui ont adopté des législations nationales en contradiction flagrante avec elles. Selon moi, notre institution ne peut rester au balcon. Ces atteintes appellent une réponse forte et adéquate des institutions européennes. Or je n’entends pas cette réponse ferme. Dans un État de droit, comme ce nom l’indique, la prééminence du droit et son respect par tous ne sont pas négociables. Surtout, personne n’a été forcé d’entrer dans une telle institution supranationale.

S’il ne s’agit pas d’exclure ou d’oublier tout pragmatisme, ou encore de mettre en cause la souveraineté d’un État membre, son histoire, sa langue ou sa culture propre, il faut rappeler que l’on ne peut adhérer au projet européen sans respecter ses valeurs, ses fondements et les droits qu’il implique, qui constituent les garanties que l’Union européenne aussi bien que le Conseil de l’Europe sont bel et bien un projet commun à tous les citoyens qui les composent. Ce n’est que grâce aux droits et obligations énumérés par les traités et conventions européens, et par la volonté politique, que l’Union européenne a pu devenir un exemple pour la paix. L’histoire européenne doit nous rappeler que le repli sur soi, l’égoïsme et le nationalisme constituent une menace pour le projet européen unissant nos peuples.

Mme GROZDANOVA (Bulgarie)* – Permettez-moi tout d’abord de dire à quel point je suis satisfaite de notre débat d’aujourd’hui, qui s’inscrit dans la continuité des idées qui figurent dans la Déclaration de Sofia de l’Assemblée du 27 novembre 2015. Concernant le travail des rapporteurs, je dois dire que j’apprécie la méthode qui consiste à consulter les ONG.

Je suis favorable à l’idée d’un quatrième Sommet. J’apprécie particulièrement que M. Nicoletti ait inclus dans son rapport ma proposition de recommandation sur « Le Conseil de l’Europe dans l’architecture politique européenne ». Il ne faut pas hésiter à dire que les problèmes auxquels nous sommes confrontés sont sans précédent.

Il est essentiel que le quatrième Sommet confirme les principes d’unité européenne et de coopération. Je suis convaincue que l’avenir de l’Europe dépend de nous encore plus qu’auparavant. Nous devons lutter ensemble en faveur de l’unité européenne, dont le rapporteur parle souvent. Pour remédier aux problèmes que connaît notre continent et atteindre nos objectifs, nous devons mener des politiques conjointes.

Il y a des discussions, au niveau national et au niveau européen, concernant un processus d’intégration à plusieurs vitesses. Je pense qu’il est important de parvenir à un accord après un dialogue transparent concernant les objectifs du processus européen. Les discussions à venir ne devraient pas être soumises à des pressions. Il faut simplement essayer de faire en sorte que les gens acceptent l’idée d’Europe.

Nous nous rendons bien compte qu’il y a différentes conceptions des objectifs qui sont les nôtres, ce qui crée des tensions. L’Europe doit-elle être une communauté supranationale ou bien seulement internationale ? Jusqu’où faut-il aller ? Il y a des différences d’approche entre les États membres du Nord et du Sud, de l’Est et de l’Ouest. Nous devons nous réunir autour de nos valeurs communes et faire preuve de compréhension réciproque.

L’Assemblée dispose déjà d’un instrument précieux : la Résolution 1640 (2008). Nous sommes convaincus que nous pourrons éviter les tensions dans notre famille européenne et faire face aux différents défis auxquels nous sommes confrontés. Il est urgent d’agir pour l’unité européenne. C’est notre destin et j’espère qu’après ce Sommet, tous les citoyens européens croiront sincèrement en cette unité.

Mme KARAMANLI (France) – Chers collègues, le débat sur l’« Appel pour un Sommet du Conseil de l’Europe afin de réaffirmer l’unité européenne et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe » est un débat important tant pour notre Assemblée que pour l’Europe en général. Il met au cœur de nos discussions plusieurs questions : celle des menaces qui pèsent sur nos démocraties ; celle des risques d’effritement de notre système de protection des droits, dispositif unique au monde ; et celle de la nécessité, comme le dit le rapporteur, d’un nouvel élan politique aboutissant à la demande d’un quatrième Sommet visant à consolider la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques et les valeurs démocratiques.

Mon propos sera bref et s’articulera autour de trois préoccupations. Tout d’abord, il convient de rappeler les progrès réalisés malgré les risques et les crises. Le rapport de notre collègue M. Nicoletti, que je salue, met l’accent sur les périls nés d’un ensemble de circonstances internationales et internes à plusieurs États constituant un alignement néfaste et possiblement morbide pour nos valeurs, nos institutions et notre devenir commun.

Si nous ressentons aussi fortement le ou les dangers, c’est que nous savons l’immensité des progrès accomplis par nos peuples et nos États au cours des dernières décennies. Ces progrès concernent aussi nos procédures de conciliation des divergences, de traitement des défis et d’expression de nos capacités à vouloir donner un primat au droit sur la force, à la prospérité partagée sur le développement autocentré – et ce, depuis plus de soixante-dix ans en Europe.

Rappeler que nous avons su faire face n’est pas nier la gravité des situations, mais affirmer que nous avons à défendre ce qui nous réunit, à préserver ce qui, une fois réalisé, est apparu comme naturel ou allant de soi, alors même que chacun de ces progrès a été la réalisation d’une utopie ancienne. La démocratie, représentative et durable, les droits d’expression et à la diversité, la préservation des libertés politiques et des droits civils, et l’accès d’un nombre croissant de nos concitoyens à des droits sociaux, constituent une partie de ces progrès qui, in fine, n’avaient rien d’évident et ne sont surtout pas des accidents. Cela ne suffit pas en soi à protéger et à préserver l’avenir, mais cela conduit à dire qu’il faut agir et se remettre à l’ouvrage.

Il s’agit ensuite de lever les doutes. Car, en effet, si la demande d’une rencontre au plus haut niveau se fait jour, c’est qu’il existe un doute chez nos concitoyens, mais aussi – c’est très important – chez nos dirigeants politiques et responsables divers sur la nature même des objectifs de notre coopération, sur la primauté des valeurs démocratiques, sur la volonté de combattre les inégalités et sur l’engagement à combattre les menaces violentes.

Enfin, il nous faut faire preuve d’ambition. Cette ambition passe par un nouvel idéal qui rassemble les citoyens et les peuples européens. La démocratie en est un. Néanmoins, quand une majorité de citoyens a le sentiment de ne pas bénéficier de l’unité européenne, il faut aller plus loin : dépasser la crise des identités nationales et rassembler les citoyens contre la violence et l’exclusion afin de porter un nouvel idéal égalitaire.

Voilà le chemin que nous devons emprunter tous ensemble, au sein de l’Union européenne mais aussi au-delà, au sein de notre Assemblée du Conseil de l’Europe.

Mme YAŞAR (Turquie) – Chers collègues, je remercie les rapporteurs pour les rapports qu’ils nous présentent aujourd’hui, car un Sommet du Conseil de l’Europe, tel qu’ils le proposent, est un besoin urgent pour l’Europe.

Notre Organisation, le Conseil de l’Europe, est la seule organisation internationale à disposer des outils nécessaires pour répondre aux nouveaux défis qui émergent au-delà de nos frontières. Son rôle de définition de normes et ses mécanismes de suivi font la différence par rapport à d’autres organisations telles que l’OSCE ou l’Union européenne, entre autres.

La sélection des thèmes qui seront discutés lors de ce Sommet devra être soigneusement élaborée et offrir la possibilité d’harmoniser et de rationaliser les efforts des États membres au niveau international, et je pense qu’il serait essentiel de débattre de certains thèmes. Ainsi, le Conseil de l’Europe devrait participer activement à la solution de la crise migratoire tout en respectant l’État de droit et la solidarité internationale. Il est en effet urgent de partager la responsabilité et le fardeau des pays qui hébergent les réfugiés syriens. La crise humanitaire syrienne est un problème mondial qui nécessite une réponse globale.

Il faut également défendre le pluralisme et la diversité dans nos sociétés. Cela signifie qu’il faut reconnaître que la croyance religieuse et la foi jouent un rôle extrêmement important dans la vie d’innombrables citoyens de tous nos États membres. Il convient de lutter activement contre les discours de haine, l’islamophobie et la discrimination contre les personnes de culture musulmane, parmi lesquelles les réfugiés qui arrivent en Europe.

Le Conseil de l’Europe et notre Assemblée doivent apporter un soutien clair et déterminé aux pays membres dans leur lutte contre le terrorisme et pour la défense des droits fondamentaux de tous les citoyens d’Europe.

Mme SOTNYK (Ukraine)* – Même si je suis d’accord avec la première partie du projet de résolution présenté par M. Nicoletti, qui montre tout ce qui caractérise notre Organisation, je ne suis pas d’accord avec la seconde partie, à partir du paragraphe 13. En effet, je crains que cette seconde partie ne vienne saper tout notre travail. Il est écrit que nous sommes une organisation « contre-productive », ce qui signifie que tous les membres de cette Assemblée qui travaillent sur différents rapports qui défendent des valeurs comme celles des droits de l’homme, sont contre-productifs dans ce qu’ils font. Je ne puis être d’accord avec cette conception.

Par ailleurs, comme le dit notre groupe, les paragraphes 14, 15 et 16 sont dangereux parce qu’ils touchent à notre indépendance et à notre autonomie. Des rumeurs circulent selon lesquelles les dispositions qu’ils contiennent auraient été proposées pour que la Fédération de Russie revienne, alors que cette dernière ne répond pas aux demandes qui lui ont été adressées par notre Assemblée et ne remplit pas ses obligations. En réalité, la Fédération de Russie ne veut pas revenir à un processus démocratique, elle cherche simplement à saper le travail du Conseil de l’Europe et de ses instances. Elle essaie de conclure des arrangements en coulisse, puis menace de suspendre les financements à l’Organisation et, maintenant, elle se livre à un véritable chantage financier. Que faisons-nous face à cela ? Nous voilà en train d’essayer de la ramener en notre sein avec une résolution de ce type ! Je ne peux vraiment pas être d’accord avec les derniers paragraphes de la résolution et je crains véritablement qu’ils mettent en danger nos valeurs et notre travail.

M. REISS (France) – Né en 1949 en Alsace, j’ai le même âge que le Conseil de l’Europe. Cela est pour moi une fierté, quand je regarde ce que cette institution a apporté au continent européen. Monsieur Kox, vous avez raison de souligner l’acquis exceptionnel, en particulier en matière conventionnelle, du Conseil de l’Europe. Au-delà de la Cour et de sa convention phare, notre Organisation a su, dans tous les domaines touchant aux droits de l’homme, créer un bouquet de conventions qui, pour certaines, ont même été ratifiées par des États non membres.

Je voudrais évoquer les conventions sociales, la Charte sociale qui a vocation à devenir le pilier des droits sociaux en Europe, mais également les conventions sur l’assistance sociale ou le Code de la sécurité sociale qui vise à favoriser l’égalité, notamment face à la maladie, entre les nationaux et les personnes venant d’un État membre. Sur ces conventions signées par trop peu d’États, un gros travail reste à faire. Il est vrai que, comme pour la Charte sociale, des mécanismes complexes rendent difficile l’application réelle.

Par ailleurs, et le rapport le souligne, le droit de l’Union européenne ne prend pas toujours en compte les droits défendus par le Conseil de l’Europe quand elle n’a pas créé ses propres textes. Dans l’avenir, le dialogue inter-organisationnel devra être renforcé. Ce sera sans doute l’un des aspects à aborder lors du sommet. Je ne vous citerai qu’un seul exemple : la directive sur les travailleurs détachés qui va, de fait, à l’encontre de toutes les conventions sociales du Conseil de l’Europe, prônant l’égalité entre nationaux et migrants.

Le plus bel acquis est sans aucun doute notre capacité à dialoguer, à construire cette maison commune européenne que Mikhaïl Gorbatchev appelait de ses vœux en 1989. Nous avons réussi à unir le continent européen après la chute du mur de Berlin. Pourtant aujourd’hui, comme vous Monsieur le rapporteur, je regrette que la Fédération de Russie ne soit plus présente dans cette Assemblée, alors que, depuis 1991 et la fin de l’URSS, le Conseil de l’Europe a apporté tant de progrès, permis tant de réformes. Et malgré les propos durs de M. Porochenko ce matin, vous avez raison de rappeler que, oui, la Fédération de Russie a fait des progrès, grâce à nos acquis.

Cela ne fait pas d’elle une démocratie exemplaire, loin s’en faut. Mais le message est puissant : appartenir au Conseil de l’Europe est une richesse, une clef vers l’État de droit. Ce qui a fait la force de notre Organisation, c’est cette capacité à accompagner, avec la Commission de Venise, à dialoguer, ici à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Le prochain sommet devra en tenir compte.

Enfin, en tant qu’Alsacien, je crois en la réconciliation, même entre ceux qui se sont haïs. La France et l’Allemagne ont montré la voie. Alors que les nationalismes et les haines auront été souvent à l’ordre du jour de nos sessions, j’ose croire que nous nous souviendrons de la volonté d’après-guerre : « Plus jamais ça ! ». Ces deux rapports sont excellents.

M. HAJDUKOVIĆ (Croatie)* – Nous pouvons tous être d’accord pour dire qu’en 2017, l’Europe est bien différente de ce qu’elle était en 2005. L’Europe a changé de visage et de fait, les défis auxquels nous sommes confrontés ont également changé.

Malheureusement, tant d’années après la Seconde Guerre mondiale, l’espace européen n’est toujours pas vide de tout conflit. Le nationalisme, la xénophobie, l’euroscepticisme, un manque de solidarité ainsi que les menaces terroristes ne sont que quelques-uns des problèmes auxquels une Europe moderne doit trouver des solutions.

J’ai l’impression que la grande idée paneuropéenne de créer une famille des peuples européens construisant ensemble leur avenir a perdu de son dynamisme. Et c’est sur ce sujet, en particulier, que le sommet devra porter, pour confirmer la volonté d’unité européenne, la volonté d’assurer la démocratie et la sécurité en Europe. Un sommet qui permettra de tracer la voie vers une nouvelle vision de l’Europe.

Il me paraît intéressant qu’une telle initiative émane de l’Assemblée parlementaire. En effet, notre responsabilité politique et sociale en ressortira plus ferme face à ces défis auxquels nous sommes confrontés, ainsi que la volonté de concrétiser l’idée européenne.

Notre institution est elle aussi confrontée à des difficultés et, personnellement, je préfèrerais voir l’hémicycle plein plutôt que vide. C’est sur les paroles de Winston Churchill, en 1946, à l’université de Zurich, que je conclurai : « Nous devons recréer la famille européenne et ses structures européennes, les États-Unis d’Europe ». C’est la raison pour laquelle je vous le dis : que l’Europe se lève !

Mme Schou, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace Mme Kyriakides au fauteuil présidentiel.

M. ARIEV (Ukraine)* – L’unité et l’intégrité sont des valeurs essentielles pour le Conseil de l’Europe, alors que nous sommes confrontés à différents défis dans tous les pays européens : le terrorisme, l’intégration des États membres, le séparatisme, le populisme, les problèmes posés par les migrations sans contrôle, les flux de réfugiés, etc.

Il faut une réaction immédiate et appropriée des institutions du Conseil de l’Europe. Et cela devrait se faire dans le respect de la Convention européenne des droits de l’homme. Nos actions ne seront couronnées de succès que si nous restons unis et continuons à nous engager en faveur de nos valeurs communes.

Je remercie tous ceux qui ont réagi de façon appropriée à l’agression russe contre l’Ukraine en imposant des mesures nécessaires en tant que réponse à un non-respect brutal, à une violation des différents principes et valeurs du Conseil de l’Europe, des valeurs qui sont essentielles pour le Conseil de l’Europe et pour notre Assemblée parlementaire.

Si nous ne devons jamais oublier les aspects politiques et économiques qui doivent être au cœur de nos actions, nous devrions nous concentrer sur les valeurs importantes de la démocratie, des droits de l’homme et de la primauté du droit que défend notre Organisation.

Le Conseil de l’Europe a été créé voilà 60 ans par dix États fondateurs pour le progrès social et économique. D’autres pays y ont par la suite adhéré et accepté le principe de la primauté du droit, du respect des droits de l’homme et des libertés individuelles. Tous les pas en avant que nous ferons ne doivent miner ni la réputation du Conseil de l’Europe ni sa crédibilité. Rien ne justifie que nous tolérions qu’un État membre ne partage pas les valeurs et les statuts de notre Organisation ni ne respecte ses obligations. Nous ne devons pas céder au chantage. Nous ne pouvons pas accepter le refus, par la Fédération de Russie, de payer sa contribution.

Si notre Assemblée devait décider d’accepter des compromis par rapport à un État qui ne respecte pas ses obligations, il y aurait un effet domino, et d’autres pays pourraient alors comprendre que certaines attitudes intolérables peuvent finalement être tolérées, ce qui saperait le système de la démocratie et de la protection des droits de l’homme en Europe.

C’est la raison pour laquelle nous ne devons pas céder et maintenir l’unité et nos valeurs. Au cours des 60 dernières années, le Conseil de l’Europe a été l’organisation la plus respectée dans le domaine de la protection des droits de l’homme et de la démocratie, non seulement en Europe, mais partout dans le monde. Nous devons tout faire pour sauvegarder ces valeurs.

M. Geraint DAVIES (Royaume-Uni)* – L’Europe est au bord d’une catastrophe sur le plan démocratique. Nos droits de l’homme sont menacés comme jamais, et l’État de droit est remis en question. Il est temps qu’un sommet réaffirme les valeurs fondamentales de la démocratie, de la solidarité, de l’État de droit et des droits de l’homme.

Le protectionnisme d’extrême droite a mené au Brexit et s’installe en France et en Allemagne, du fait de la pauvreté et de l’arrivée de réfugiés. La Catalogne, la Flandre, la Corse, mais aussi des groupes ethniques allemands dans le nord de l’Europe réclament leur indépendance. Toutes ces questions d’autodétermination, d’identité qui ont mené à des catastrophes sur le continent européen, se posent à nouveau. Je l’ai dit aux Catalans : « Attention : vous risquez de vous retrouver divisés et appauvris ! »

Il est vrai que le peuple catalan a été durement réprimé par la police nationale espagnole, réponse stupide et brutale. Le moment est venu, néanmoins, d’un dialogue. Comme le Pays de Galles ou l’Écosse, la Catalogne a besoin de respirer, sans pour autant obtenir l’autorisation de lever l’impôt et d’être indépendante. Nous sommes plus forts ensemble.

Depuis le Brexit, le Royaume-Uni est plus pauvre. Tous les revenus sont dévalués de 15 %, les investisseurs et les banques quittent le pays, et nous ne sommes plus à la table des négociations. Tous les biens de consommation sont affectés : aliments, médicaments, etc.

Le Royaume-Uni, je l’espère, pourra organiser un référendum sur l’issue des négociations. Mais que le Brexit soit une leçon : ensemble, nous sommes plus forts.

Notre avenir à tous est en jeu. Restons liés par nos valeurs de défense des droits de l’homme, de l’État de droit et de la démocratie. L’œil de Moscou, de Beijing et de Washington est posé sur nous. Disons clairement que nous allons défendre nos valeurs, pour un meilleur avenir pour l’Europe et pour le monde entier.

Mme CHRISTOFFERSEN (Norvège)* – Le paysage politique européen change, et pas pour le mieux, cela à de nombreux égards. Parmi les nombreux défis mentionnés par le rapport, le plus grave est la tentative de saper l’autorité de la Cour européenne des droits de l’homme. Grâce à son travail, la Cour a pu réduire le nombre d’affaires en attente. Voilà qui est très positif. Cependant, nous constatons un manque de volonté politique dans le respect et la mise en œuvre de ses arrêts, chez les nouveaux États membres comme chez des États fondateurs de l’Organisation.

Le rapport évoque la menace terroriste, la montée de la xénophobie, des nationalismes et du populisme, ainsi que les conflits ouverts ou gelés entre États membres, voire la guerre. Un autre sujet de préoccupation est le manque de solidarité concernant la crise des réfugiés. Le Secrétaire Général nous a hier mis en garde contre une autre crise migratoire, celle qui s’annonce en Afrique sub-saharienne. Il faut agir immédiatement. Or, rien ne semble indiquer que nous allons le faire. La confrontation géopolitique est à son paroxysme depuis la guerre froide. Aux États-Unis, un président pourrait, selon certains, nous mener à la guerre à force de tweets. S’ajoute la menace du changement climatique.

Le problème de la Fédération de Russie et de sa non-participation à notre Assemblée n’est toujours pas résolu. Une nouvelle pratique a ainsi émergé : participer au Comité des Ministres, sans participer aux travaux de l’Assemblée parlementaire. Devons-nous le tolérer ? Quel sera le prochain État membre à suivre cette voie ? Le Conseil de l’Europe ne se pratique pas à la carte. Un pays est membre ou non du Conseil. En tant que membre, certaines obligations doivent être respectées. Il est fort regrettable que certains États membres fassent encore l’objet d’une procédure de suivi, alors qu’ils sont membres de l’Organisation depuis 20 ans. Un État membre s’est même engagé sur la mauvaise voie et est de nouveau soumis à cette procédure.

La proposition de M. Nicoletti d’organiser un Sommet est une excellente idée. La délégation norvégienne lancera un vaste débat sur le contenu d’un tel Sommet, au sein de notre parlement national. J’invite mes collègues à faire de même dans leurs pays.

LA PRÉSIDENTE* – À la suite d’une erreur du Secrétariat – elles sont rares – la porte-parole du Groupe des démocrates libres, Mme Gambaro, ne s’était pas encore exprimée. Elle va le faire maintenant.

Mme GAMBARO (Italie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Nous voulons réaffirmer par cette résolution l’importance de la présence concrète des institutions européennes. Très souvent, nous entendons et lisons de fausses nouvelles, selon lesquelles les institutions européennes représentent un gâchis financier pour les caisses des différents États : entités inutiles, il faudrait les sacrifier sur l’autel de la démocratie. Notre vote pourra relancer de façon claire la valeur historique, démocratique, morale et juridique de notre Organisation.

Nationalismes, crise financière, disparités sociales entre citoyens de l’Union, crise des réfugiés, ces faits ont porté un coup important à la base même d’organisations telles que le Conseil de l’Europe. Et je ne vous parle pas de la stratégie de la terreur, du terrorisme, qui effraie tant de citoyens ! Ces facteurs ont contribué à déstabiliser et à amoindrir la confiance envers les institutions européennes.

Le moment est venu de revendiquer notre fierté pour notre Conseil et ses valeurs. Depuis plus d’un demi-siècle, les valeurs du Conseil de l’Europe ont contribué à améliorer grandement le fonctionnement des institutions démocratiques et civiles européennes, à promouvoir la primauté du droit et à développer les droits de tous, sans exclure personne. Au cours du prochain Sommet des chefs d’États et de gouvernements, il est nécessaire de réaffirmer ces valeurs et ces acquis. Notre vote doit être univoque ; je l’appelle de tous mes vœux.

M. MELKUMYAN (Arménie)* – Le sujet de notre discussion est très important, et je suis tout à fait d’accord avec MM. Nicoletti et Kox : un Sommet est nécessaire. Cependant, je souhaite ajouter que, pour créer des institutions démocratiques viables, il faut des conditions socio-économiques favorables.

Nous savons que la presse internationale a déjà abordé la question du rôle d’un État membre dans le cadre de l’affaire dite de la « lessiveuse ». Tous souscrivent à l’opinion que ce phénomène doit être éliminé à l’avenir. Mais cette tâche demande des critères juridiques et politiques impartiaux. Une simple appréciation n’est pas suffisante. Des mécanismes concrets de responsabilisation sont indispensables. Sinon, nous mènerons une politique de l’autruche, contraire aux intérêts de notre Organisation.

Quelle est la solution ? Il faut priver la délégation de l’Azerbaïdjan de droit de vote et appliquer des sanctions sévères. Est-il possible de laisser continuer à déformer la réalité par une voie aussi sale et infâme ?

Pour atteindre son but, le Président de l’Azerbaïdjan n’hésite pas à procéder à des transactions douteuses visant à graisser la patte à des fonctionnaires et des responsables politiques européens. Sitôt touché par la baisse des prix du pétrole, ce pays a exporté la corruption. Dans ces conditions, il me semble impossible d’y développer de véritables institutions démocratiques. La baudruche a explosé.

M. GRIN (Suisse) – Depuis plus de 65 ans, bientôt 70, les conventions et résolutions adoptées par le Conseil de l’Europe ont grandement contribué à améliorer le fonctionnement des institutions démocratiques en Europe. Sur le continent européen, le Conseil de l’Europe est la principale organisation de défense des droits de l’homme. Il recommande le respect de la liberté d’expression, de la presse et de réunion ainsi que l’égalité, et surtout, la protection des minorités. Il a fortement contribué à l’abolition de la peine de mort dans tous les États membres et a mené plusieurs campagnes sur de nombreux thèmes.

Certes, le tableau de l’acquis du Conseil de l’Europe, après presque sept décennies de coopération intergouvernementale, n’est pas tout à fait dépourvu d’ombres. Les nombreuses conventions élaborées n’ont pas toujours été respectées par tous les États membres. Considérons plutôt l’aspect positif des choses et les très nombreuses améliorations démocratiques dont ont bénéficié plusieurs pays du continent européen. Le rêve de l’unité de l’Europe ne s’est pas tout à fait réalisé comme le souhaitaient les fondateurs de ce Conseil, mais nous devons tous y travailler afin qu’il devienne un jour, peut-être, une réalité.

Les raisons d’être du Conseil de l’Europe ne se discutent pas, surtout face aux nouvelles menaces, notamment le terrorisme, auquel tous les pays sont confrontés. Un important travail parlementaire de conciliation et de persuasion reste à accomplir en raison de l’apparition de nouveaux problèmes sur notre continent, comme en Espagne tout récemment.

Les deux excellents rapports dont nous discutons aujourd’hui rappellent l’historique et l’organisation de notre Conseil. Celui dont M. Nicoletti est l’auteur demande la tenue d’un quatrième Sommet des chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe. Un tel Sommet aura le mérite de permettre au Conseil de l’Europe de se projeter dans l’avenir grâce à la concertation des chefs d’État et de gouvernement afin de continuer à donner un élan politique à certaines actions et recommandations du Conseil de l’Europe, assurer leur suivi, et surtout, éviter certains chantages au financement. En effet, les dangers qui nous menacent ne sont pas ceux de 1948 et les divisions non plus, même si elles constituent toujours une grave menace pour l’unité européenne. Il importe de réaffirmer l’unité européenne et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe.

Les deux rapports de nos collègues Kox et Nicoletti vont dans le même sens et développent le même leitmotiv : se souvenir du passé pour construire l’avenir. Pour ce faire, il est souhaitable d’inviter les chefs d’État et de gouvernement à tenir prochainement un Sommet afin de reconnaître, affirmer, défendre et le cas échéant développer encore et soutenir financièrement de manière adéquate le système conventionnel du Conseil de l’Europe, dans l’intérêt de tous les habitants et citoyens de notre continent.

M. FOURNIER (France) – Cet important débat conjoint repose sur les rapports très complets de nos collègues Nicoletti et Kox qui portent sur l’acquis du Conseil de l’Europe et sur les perspectives de notre Organisation. Je ne doute pas qu’ils deviendront des rapports de référence. Notre Assemblée se prononcera cet après-midi sur la tenue d’un quatrième Sommet du Conseil de l’Europe en 2019, à l’occasion de son 70e anniversaire. Il est déjà acquis qu’elle répondra positivement à cette question.

Je suis moi-même favorable à un tel Sommet, d’autant plus qu’il aurait lieu au cours de la présidence française du Comité des Ministres. Il y aurait là un symbole fort pour la France, pays hôte du Conseil de l’Europe. Je rappelle que le président Hollande a indiqué dans cet hémicycle, en octobre 2016, que la France « se tient prête à organiser un Sommet du Conseil de l’Europe en 2019 ». Naturellement, il incombe aux nouvelles autorités françaises de confirmer cet engagement. Cependant, déterminer pourquoi un tel Sommet est nécessaire et formuler les attentes qui le justifient n’a pas la même force d’évidence.

En effet, il nous semble presque banal d’envisager la tenue d’un quatrième Sommet, car l’idée est née dans notre Assemblée dès 2009 et a été régulièrement rappelée depuis. M. le Secrétaire Général y a d’ailleurs souscrit, à juste titre. Pourtant, il me semble essentiel de mener une réflexion commune approfondie sur les résultats qu’il convient d’attendre d’un tel Sommet. Si celui de Vienne, tenu en 1993, a défini le nouveau mandat politique du Conseil de l’Europe après la chute du Mur de Berlin et les élargissements qui en ont résulté, les apports des deux autres Sommets, tenus à Strasbourg en 1997 et à Varsovie en 2005, ont sans doute été bien plus limités.

Soixante-dix ans après le traité de Londres, 60 ans après la mise en place de la Cour de Strasbourg et 30 ans après la chute du Mur, les valeurs européennes sont contestées, l’autorité de la Cour parfois bafouée et le système conventionnel du Conseil de l’Europe en partie inappliqué. Un quatrième Sommet pourrait utilement réaffirmer l’unité du continent européen fondée sur ses valeurs dont la portée demeure universelle.

Prenons garde toutefois à ce qu’il n’ait pas l’effet inverse de celui escompté. En effet, le climat d’euroscepticisme généralisé pourrait donner lieu à l’étalage public de nos divisions et à une remise en cause de nos acquis par certains États membres. C’est pourquoi un tel Sommet mérite de faire l’objet d’une préparation méthodique. La proposition formulée par M. Nicoletti à cette fin me semble tout à fait pertinente.

LA PRÉSIDENTE – M. Hunko, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. KANDELAKI (Géorgie)* – Permettez-moi tout d’abord, Madame la Présidente, chers collègues, de déplorer les propos tenus tout à l’heure par notre collègue français, M. Reiss, mettant sur le même plan victime, l’Ukraine, et l’agresseur, la Fédération de Russie. Personne n’a rien dit de tel en 1940 à propos de la France et de l’Allemagne.

La différence majeure qui distingue l’Assemblée parlementaire du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe est que celle-ci adopte des décisions à l’issue d’un débat démocratique alors que celui-ci est un organe fondé sur le consensus. Les pères fondateurs de notre Organisation ont fait de l’Assemblée parlementaire un organe autonome dont la mission est de contrôler les États membres en matière de respect des droits de l’homme. Les paragraphes 15, 16 et 17 du projet de résolution abolissent l’indépendance de cette Assemblée et permettent au Comité des Ministres de mettre en cause ses décisions sur des sujets relevant de sa compétence exclusive tels que la sanction d’une délégation.

Dans certains pays membres, la démocratie est en danger en raison d’actions outrancières comme l’envoi ici de délégations à la composition inadéquate. L’Assemblée ne pourra pas sanctionner un État membre ne respectant pas ses obligations car celui-ci peut opposer un veto dans le cadre du Comité des Ministres dont le fonctionnement repose sur le consensus.

Ce débat, et ce n’est un secret pour personne, englobe également la Fédération de Russie qui continue à exercer une certaine influence au sein de notre Organisation. Le Secrétariat Général et de nombreux membres de cette Assemblée sont tout à fait favorables au retour de la délégation russe.

Je voudrais poser une question à M. Nicoletti : avez-vous connaissance de certaines forces au sein du Gouvernement russe qui seraient favorables au respect des requêtes qui ont été faites à la Fédération de Russie par notre Assemblée ?

Je conclurai par une question toute rhétorique : la Fédération de Russie occupe 20 % du territoire de mon pays, la Géorgie, et elle a expulsé un demi-million de personnes de leurs terres. En outre, la Fédération de Russie s’est rendue coupable d’une agression envers l’Ukraine. La Fédération de Russie est ainsi responsable de la mort de 10 000 personnes. Que doit faire d’autre la Fédération de Russie pour que nous l’excluions du Conseil de l’Europe ?

M. RUSTAMYAN (Arménie) – Chers collègues, je commencerai par féliciter nos deux rapporteurs pour leurs travaux très importants qui sont d’actualité. Ils ont mis ainsi le doigt sur les défis politiques majeurs qui menacent notre unité et l’avenir de notre Organisation.

Le risque quotidien d’attentats terroristes, l’euroscepticisme, la xénophobie, les guerres et la réapparition de divisions qui se multiplient de jour en jour constituent des menaces réelles pour l’Europe et pour son intégrité.

J’ai peine à le dire, mais après 70 ans d’existence, le Conseil de l’Europe se trouve face à la nécessité de réaffirmer sa raison d’être. Il faut distinguer le temps où l’on pose les premières pierres, et celui où on l’on bâtit. Le temps de bâtir est venu.

Ces derniers temps, malheureusement, à plusieurs reprises, nous avons reculé dans la mise en œuvre de nos principes, nous avons souvent ignoré nos propres valeurs, ou nous les avons mises au service de telle ou telle fin politique.

Le moment est donc venu de repenser de manière novatrice et créative les moyens d’éviter les doubles emplois et d’assurer la cohérence de nos normes et de nos valeurs. Le Conseil de l’Europe peut et doit agir avec courage et détermination en se basant sur les trois piliers majeurs que sont les droits de l’homme, l’État de droit et la démocratie. Les États membres doivent réaffirmer leur volonté de partager des valeurs communes, de faire de leurs différences internes un atout et de réaliser pleinement les grands principes du Conseil de l’Europe que sont l’unité dans la diversité et le vivre-ensemble.

Il faut tout de même avouer que la situation générale au sein de l’Organisation a aujourd’hui un effet contre-productif. Certes, les récentes réformes mises en œuvre dans notre Assemblée nous mènent dans la bonne direction. Elles consolideront sans doute notre organisation. Cependant, afin de réaffirmer la mission du Conseil de l’Europe d’être le gardien et le laboratoire de la démocratie et de l’État de droit et afin d’augmenter l’efficacité et l’autorité du système de protection des droits de l’homme, la tenue d’un tel Sommet des chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe me semble indispensable. Enfin, dans le cadre de la préparation de ce Sommet, l’Assemblée doit assumer pleinement son rôle créatif et sa mission historique.

Mme TOPCU (Turquie)* – Tout d’abord, j’aimerais féliciter les rapporteurs pour leur travail très complet. Le monde entier a connu un processus radical de transformation. On pensait que la mondialisation apporterait la prospérité, mais nous n’avons pas atteint un tel résultat et les libéraux qui défendaient cette idée en ont été accusés.

La mauvaise gestion de la crise a conduit à des abus d’autorité. Les replis régionaux, les vagues populistes posent la question de l’avenir de l’Union européenne, car ils se fondent sur des critiques de l’idée européenne elle-même, ce qui rend l’Union moins attrayante et l’ensemble du projet plus fragile, alors que la chute du mur de Berlin était un tournant révolutionnaire pour l’intégration européenne et pour la démocratie.

Aujourd’hui, l’hostilité envers l’Islam et la critique de la Turquie se développent. L’Union européenne contredit ses propres valeurs et cette contradiction constitue un véritable danger. La politique européenne doit absolument protéger la démocratie. Or, la montée de l’extrême droite et l’échec des politiques humanitaires envers les migrants ont rendu plus nombreux encore ceux qui remettent en question l’idée européenne. Depuis un an, nous avons prévenu l’Europe de l’existence de ce nouveau mur de Berlin.

À l’heure où l’Union européenne se trouve à un tournant critique, où elle doit lutter contre des crimes de haine par des moyens démocratiques, nous devons clarifier notre position. L’Union européenne a autant besoin de la Turquie que la Turquie a besoin d’elle. Bien que nous rencontrions des problèmes au niveau national, nous pouvons dire que l’Union européenne et la Turquie ont un intérêt mutuel au développement de leurs relations. La Turquie et l’Europe partagent une histoire. On ne saurait sacrifier la démocratie à cause de vagues populistes.

Je conclurai en souhaitant ardemment que les deux parties coopèrent dans le cadre des valeurs démocratiques européennes et qu’elles opposent clairement leurs valeurs aux crimes de haine.

M. De BRUYN (Belgique)* – En ce qui concerne les droits des personnes LGBTI, la Cour européenne des droits de l’homme a pris un certain nombre d’arrêts depuis l’arrêt Dudgeon c. Royaume-Uni en 1981. Elle considère ainsi que la pénalisation des relations homosexuelles viole l’article 8 de la Convention. Or, un certain nombre d’États membres doivent encore mettre en œuvre cet arrêt et dépénaliser les relations homosexuelles.

Depuis les années 1980, les arrêts de la Cour sur l’orientation sexuelle et l’identité de genre ont étendu la protection de la vie privée, qu’il s’agisse des discours de haine, des crimes de haine ou encore de la reconnaissance juridique des couples de même sexe et des personnes transgenres. Ainsi, en 2017, dans l’arrêt A. P., Nicot et Garçon c. France, la Cour a estimé que la France ne devait pas conditionner le changement de sexe à l’état civil à une opération de changement de sexe ou à une intervention stérilisante. Or, aujourd’hui, environ vingt États membres énoncent des conditions similaires dans ce domaine. L’arrêt doit donc encore être transposé dans les législations nationales.

En outre, un certain nombre de résolutions ont été adoptées depuis les années 1980. Je pense en particulier à la Résolution 2048 sur les personnes transgenres. A la suite de l’engagement de la Cour et de l’Assemblée, le Comité des Ministres a adopté en 2010 le premier instrument juridique sur les LGBTI. Cet instrument important donne des instructions pour lutter contre la discrimination basée sur le sexe et l’identité sexuelle. Nous allons bien plus loin que ne le font, par exemple, les Nations Unies. Toutefois, il y a encore des progrès à faire en ce qui concerne les droits des personnes transgenres. Tout cela devrait être codifié dans une convention contraignante. Bien entendu, le chemin est encore long et il faut rester vigilant face à l’offensive des forces qui voudraient affaiblir tous les efforts qui ont été faits dans ce domaine.

M. HERKEL (Estonie)* – Messieurs les rapporteurs, vous avez fait un bon travail, mais j’ai demandé à intervenir afin d’exprimer des réserves sur plusieurs paragraphes du rapport de M. Nicoletti. Je n’ai rien contre l’organisation du Sommet ni contre l’appel lancé, mais les paragraphes 15 à 17, qui ont d’ailleurs déjà été critiqués par certains de nos collègues, me semblent procéder d’une tentative occulte de modifier nos règles ou d’attribuer un droit supplémentaire au Comité des Ministres.

Certes, au sein du Comité des Ministres comme à l’Assemblée parlementaire, toutes les tendances politiques sont représentées, mais pour faire en sorte que nos États remplissent leurs obligations, nous avons prévu des sanctions telles que la remise en cause des pouvoirs d’une délégation ou la suspension de son droit de vote. Nous avons déjà beaucoup parlé de la Fédération de Russie, mais je citerai un autre exemple. Il y a 12 ans, j’ai proposé, avec M. Gross, votre prédécesseur à la tête du Groupe socialiste, Monsieur Nicoletti, de suspendre le droit de vote de la délégation azerbaïdjanaise. Nous étions tous deux rapporteurs, et nous avons décidé d’envoyer un message à la suite d’élections truquées. Or, notre proposition n’a pas été adoptée malgré la volonté des parlementaires d’envoyer un message fort.

Il est donc arrivé que le droit de vote d’une délégation soit suspendu. Bien sûr, ce n’est pas une mesure à prendre tous les jours et à la légère ; mais nous devons conserver cet instrument entre nos mains, si nous voulons continuer à exister en tant qu’Assemblée parlementaire et ne pas devenir de simples marionnettes.

M. STEVANOVIĆ (Serbie)* – J’ai entendu beaucoup de choses sur notre espace commun européen, mais en réalité, il existe deux visions de l’Europe avec lesquelles il faut apprendre à vivre. D’une part, il y a l’Europe de l’intégration, celle des valeurs fondamentales qui ont fait de cet espace le plus bel endroit où vivre. D’autre part, il y a l’Europe géographique, c’est-à-dire l’Union européenne plus d’autres pays qui prétendent faire partie de cette grande association de nations. Je doute que cette réalité puisse changer à l’avenir.

Pour parler du cœur de l’Europe et de ce qu’elle est véritablement, il faut s’en tenir à nos valeurs, celles-là même qui font de nous ce que nous sommes. Je songe notamment à la liberté. On croit parfois que la notion de liberté va d’elle-même et ne saurait être remise en question. C’est faux. Nous savons que la liberté n’est jamais un acquis. Il faut se battre pour la conserver. Nous devons nous battre pour toutes nos valeurs dans toutes nos politiques. Lorsque l’on parle de l’avenir de l’Organisation et de l’avenir de l’espace européen, il faut savoir quelle est exactement notre identité et quelles sont nos valeurs.

Nous ne pouvons pas nous permettre de renoncer à l’État de droit, à nos institutions indépendantes, au respect de la démocratie ou des droits de l’homme pour surmonter quelques problèmes. Au contraire, nous devons réaffirmer notre unité et notre engagement sur la base des valeurs qui ont conduit à la création de l’Europe. Nous devons insister sur ces valeurs, non seulement en Europe, mais aussi partout ailleurs quand nous essayons de les imposer en dehors de l’Europe. Sans valeurs, l’Europe n’est rien. Ces valeurs sont la clé de notre succès et de notre grandeur. Il faut trouver un moyen d’apaiser les relations avec l’Europe géographique plus vaste. Le problème n’est pas facile à résoudre. Nous n’avons pas de baguette magique, mais nous devons, ni plus ni moins, toujours savoir quelles sont nos valeurs fondamentales et les respecter.

M. LUPU (République de Moldova)* – Je remercie M. Nicoletti et M. Kox pour leur évaluation précise des lacunes de l’Europe, lesquelles exigent une réaction immédiate de notre Organisation.

Depuis le dernier Sommet, l’Europe a connu des défis politiques et moraux ; l’euroscepticisme, les conflits, y compris en Transnistrie. Aujourd’hui, l’ordre mondial a changé. Ce qui était applicable hier ne l’est plus. Il faudrait utiliser des instruments modernes et sophistiqués.

La nature même de cette période difficile est révélée dans le rapport de M. Nicoletti, qui dresse un état des fondements de la sécurité démocratique et examine pourquoi nos structures démocratiques sont menacées, soulignant les défis aux droits de l’homme auxquels l’Europe est aujourd’hui confrontée et la valeur ajoutée que le Conseil de l’Europe peut apporter à la stabilité de l’Europe.

Il s’agit de mettre en exergue le fait que les instruments et l’expertise du Conseil de l’Europe sont de la plus grande importance. Nous considérons que la Convention européenne des droits de l’homme reste l’ultime gardienne de nos démocraties, empêchant que l’Europe ne devienne antagoniste et chauvine. Il faut résoudre les différends et jeter des ponts grâce à ces principes démocratiques. Nous devons résister au fondamentalisme et continuer d’attacher une grande importance au système conventionnel et aux arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme permettant l’application de la règle de la loi. C’est une responsabilité à laquelle chacun doit contribuer.

Le Conseil de l’Europe dispose de l’expertise et de tous les ingrédients nécessaires pour relever les défis actuels, mais la volonté des États membres doit s’exprimer en ce sens. Cela est devenu plus nécessaire que jamais. Nous nous félicitons de la présentation d’une proposition de résolution appelant à l’organisation d’un nouveau Sommet des chefs d’État et de gouvernement. L’Assemblée parlementaire devrait activement préparer son organisation pour s’assurer que les résultats permettront de trouver la bonne réponse aux menaces pesant sur nos valeurs clés.

M. VENIZELOS (Grèce)* – L’acquis constitutionnel paneuropéen en ce qui concerne la démocratie et l’État de droit est plus fragile que nous le pensions. Le Conseil de l’Europe, gardien de ces valeurs fondamentales et de ces garanties, a besoin d’un nouvel élan. Mais se pose la question de la méthode par laquelle il peut être donné. La réponse simple est l’organisation d’un nouveau Sommet des chefs d’État et de gouvernement des États membres. Le Sommet est la forme ultime du caractère intergouvernemental du Conseil de l’Europe avec, bien entendu, toutes les négociations politiques que cela entraîne. Or, la valeur ajoutée du Conseil de l’Europe est liée aux institutions, aux procédures et aux mécanismes à sa disposition, qui dépassent le caractère intergouvernemental pour défendre les droits de l’homme.

La valeur ajoutée du Conseil de l’Europe, c’est l’existence de la Cour européenne des droits de l’homme, avec ses arrêts, notamment sur les requêtes individuelles, et le contrôle de leur application, sans oublier le rôle du Commissaire aux droits de l’homme ; c’est la Commission de Venise qui fonctionne maintenant de façon informelle comme un conseil constitutionnel paneuropéen ; c’est, enfin, l’Assemblée, qui est devenue un outil de contrôle parlementaire de la mise en œuvre des valeurs européennes.

Certes, un Sommet est un événement qui permettra de donner beaucoup de visibilité au Conseil de l’Europe, et, partant, de lancer de nouvelles initiatives. De ce point de vue, je suis tout à fait d’accord avec le rapporteur. Mais, pour assurer une véritable promotion du Conseil de l’Europe, il est essentiel d’utiliser au mieux les mécanismes qui constituent la valeur ajoutée de notre Organisation et qui transcendent sa dimension intergouvernementale.

M. TILSON (Canada, observateur)* – Merci de m’avoir donné la possibilité de m’exprimer sur ce thème important qu’est la sécurité démocratique en Europe. Je me concentrerai sur l’immigration, prise sous l’angle de la sécurité démocratique, et vous exposerai la vision canadienne sur ce sujet.

Comme M. Nicoletti l’a dit dans son rapport, au cours des dernières années, l’Europe a été touchée par une crise des migrants qui a menacé la sécurité de vos pays et qui reste, aujourd’hui encore, une des priorités des programmes de politique internationale. De nombreux États hôtes ont fait des efforts pour accueillir ces demandeurs d’asile.

L’immigration peut déclencher des craintes sur le maintien de la sécurité, voire même de l’hostilité ; pourtant, il ne faut pas oublier que la grande majorité de ces demandeurs d’asile essaie tout simplement de fuir des pays en conflit et de trouver un endroit plus sûr pour y vivre avec leurs familles. Tous les pays ont le droit de maintenir et préserver leurs frontières : ce sont les mots du rapporteur. Pourtant, il faut faire un effort pour éviter de construire de nouveaux murs.

Au Canada, l’immigration est perçue de manière positive, car elle crée une société culturellement et économiquement très diversifiée. Notre tradition d’accueil des migrants et notre appréciation de la diversité sont pour nous sources de fierté. En effet, un résident canadien sur six est né hors du territoire canadien ; le pays fait par ailleurs face à une vague de migration sans précédent en provenance des États-Unis, même si son échelle est bien moindre que celle de la crise européenne. Ces personnes arrivent de façon illégale, et nos citoyens demandent au gouvernement d’agir. Mais, à l’ère de la mondialisation, la migration, qu’elle soit ou non légale, est une réalité pour tous les pays. Pour assurer la sécurité, il faut que l’immigration puisse se faire légalement. Il est important d’accueillir dans nos pays ces arrivants qui suivent la voie légale, en particulier lorsqu’ils fuient les persécutions et la guerre.

En continuant à travailler ensemble, par le biais de forums tels que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, nos pays seront mieux préparés pour faire face à ce défi complexe et unique, et pourront rejeter les idéologies et les politiques qui tendent à nous diviser.

LA PRÉSIDENTE* – Je dois maintenant interrompre la liste des orateurs.

Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent transmettre, dans les quatre heures, leur intervention dactylographiée au service de la séance, pour publication au compte rendu. Cette transmission doit être effectuée, dans la mesure du possible, par voie électronique.

J’appelle la réplique des commissions.

M. KOX (Pays-Bas), rapporteur* – Il nous a fallu beaucoup de temps pour rédiger ce rapport et cette recommandation ; nous avons impliqué un grand nombre de personnes dans cette rédaction, de nombreux experts ont donné leur avis. Le résultat est là : aucun amendement n’a été déposé sur notre projet de recommandation. Cela montre bien le consensus sur la nécessité de placer notre système conventionnel à l’ordre du jour du quatrième Sommet, qui devrait se tenir en 2019.

Durant le débat, notre proposition a reçu beaucoup de réactions positives. J’espère donc que, une fois la recommandation adoptée, les membres du Comité des Ministres prendront en compte tout ce qui a été dit aujourd’hui. Cela serait dans l’intérêt de l’unité de l’Europe.

Je tiens à remercier à nouveau tous ceux qui m’ont aidé dans la rédaction de ce rapport, et je pense tout particulièrement au personnel de cette Assemblée qui a travaillé très dur cet été pour que la recommandation soit prête aujourd’hui. J’ai découvert que nous étions entourés d’un personnel extraordinaire, et, sans lui, ce rapport ne serait pas devant vous.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), présidente de la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles – Les institutions démocratiques, les droits des citoyennes et des citoyens et la primauté du droit subissent aujourd’hui des vents contraires, en plusieurs lieux du continent européen, mais aussi au-delà. L’impact de ces vents se fait sentir dans cette Assemblée, ébranlée par la dégradation de la situation dans certains de ses États membres, et secouée par les tensions et conflits entre plusieurs d’entre eux.

Plus que jamais, les valeurs fondamentales du Conseil de l’Europe doivent être réaffirmées, la coopération intergouvernementale renforcée et le système conventionnel encore amélioré. La perspective d’un quatrième Sommet des Chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe offre une occasion rêvée de le faire. Les réalisations accomplies depuis près de 70 ans par l’Organisation tiennent largement à ses conventions, dont un grand nombre ont été élaborées à l’instigation de l’Assemblée.

L’Assemblée et le Comité des Ministres, conjointement avec les États membres, portent en effet la responsabilité du système conventionnel en Europe, de son développement au suivi de sa mise en œuvre. Ces deux organes statutaires, autonomes et complémentaires, doivent continuer à travailler ensemble tout en gardant leurs prérogatives respectives, en particulier sur l’harmonisation des règles qui régissent la participation et la représentation des États membres des deux organes.

Les deux rapports nous invitent à saisir l’opportunité de renforcer l’union au sein du Conseil de l’Europe et de l’Assemblée et, ce faisant, de consolider la confiance des peuples dans l’Organisation, ainsi que l’efficacité de sa mission, au profit de toutes et tous. En vertu du principe suivant : l’union fait la force pour mieux défendre les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit.

M. NICOLETTI (Italie), rapporteur* – Je remercie tous ceux de nos collègues qui sont intervenus au cours de ce débat très intéressant. Je remercie en particulier ceux qui ont formulé des critiques, car ils me permettent de préciser ma pensée.

Je tiens, avant toute chose, à vous tranquilliser : nous ne sommes pas en train de nous livrer à des tentatives inavouables. Nous sommes dans la maison de l’État de droit et de la transparence. Le texte est tel qu’il est. S’il vous convient, vous pouvez voter en faveur de son adoption ; sinon, vous pouvez tout à fait voter contre. On vote pour ce qui est écrit, ni plus ni moins. Rien n’est caché.

En ce qui concerne le risque d’affaiblir les pouvoirs de l’Assemblée, j’ai essayé d’expliquer clairement – la présidente de la commission du Règlement l’a d’ailleurs rappelé elle aussi – que, dans le texte, nous en appelons au respect strict de l’autonomie des deux organes. Il ne saurait d’ailleurs en être autrement. Nous proposons simplement une réunion du Comité mixte, lequel n’a pas compétence pour prendre des décisions : il s’agit seulement d’ouvrir une discussion. Je remercie notre collègue estonien, M. Herkel, qui a rappelé le message important que l’Assemblée a essayé d’envoyer dans le passé. J’ai cité les cas de la Grèce et de la Turquie, pour lesquels des positions encore plus fortes avaient été adoptées. Je ne veux en rien diminuer le pouvoir de l’Assemblée.

En revanche, ce qui m’inquiète – et je suis heureux que M. Ariev l’ait lui aussi souligné, de même que Mme Christoffersen –, c’est que nous nous trouvions dans une situation particulière : actuellement, on peut prendre ce que l’on veut et rejeter le reste. Certains États membres peuvent choisir, parmi les institutions de notre Organisation, celles auxquelles ils veulent bien participer et rejeter les autres. Ce n’est évidemment pas vers cela qu’il faut tendre : il s’agit là, selon moi, d’une attitude qui n’est pas productive.

Je tiens donc à vous tranquilliser sur ce point : cette situation existe bel et bien et c’est pour cette raison que je pense qu’il est nécessaire d’avoir un échange de vues au sein des différents organes. Depuis que je siège dans notre Organisation, je n’ai pas eu l’impression que le Comité des Ministres pouvait exercer en quelque façon que ce soit une influence négative sur notre Assemblée parlementaire : ce sont deux organes différents. Cela dit, il ne faut pas oublier que nous représentons tous la même institution.

Je vous invite donc à vous pencher de nouveau sur le texte que je vous présente : à mon humble avis, il peut constituer un instrument utile pour renforcer non seulement notre Assemblée, mais aussi les mécanismes de protection de notre Organisation.

M. KORODI (Roumanie), vice-président de la commission des questions politiques et de la démocratie* – L’Europe est à la croisée des chemins. Seule une Europe unie, fondée sur l’État de droit, la démocratie et les droits de l’homme – y compris ceux des minorités –, tels qu’ils sont définis dans nos conventions et dans les résolutions que nous votons, pourra faire face aux difficultés.

Ce serait une bonne chose que de tenir un quatrième Sommet : 12 ans depuis le précédent, cela fait beaucoup. C’est la raison pour laquelle la commission des questions politiques s’est impliquée pour préparer les documents relatifs à cet appel. Je remercie M. Nicoletti pour son excellent travail ; sa tâche n’était pas aisée. Je remercie également le secrétariat de notre commission.

Le débat sur le sujet a commencé ici ; j’espère que le Sommet aura lieu, car nous en avons besoin.

LA PRÉSIDENTE* – La discussion générale est close.

Nous en venons au premier rapport sur l’« Appel pour un Sommet du Conseil de l’Europe afin de réaffirmer l’unité européenne et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe ».

La commission des questions politiques a présenté un projet de résolution sur lequel 15 amendements ont été déposés et un projet de recommandation sur lequel 3 amendements ont été déposés.

Nous commençons par examiner le projet de résolution contenu dans le Doc. 14396.

J’ai cru comprendre que le président de la commission des questions politiques proposait de considérer l’amendement 3, qui a été adopté à l’unanimité par la commission, comme adopté par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur Korodi ?

M. KORODI (Roumanie), vice-président de la commission* – Oui, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE*– Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, cet amendement est déclaré définitivement adopté.

Nous en arrivons à la discussion des autres amendements.

Je suis saisie de l’amendement 4.

M. GONCHARENKO (Ukraine)* – Cet amendement est éminemment important : il s’agit d’évoquer la décision de la Fédération de Russie de donner à sa Cour constitutionnelle le pouvoir d’annuler les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme. Si nous considérons qu’il faut renforcer la Convention et la Cour, il faut réagir à de telles décisions et y faire référence dans ce projet de résolution.

M. NICOLETTI (Italie), rapporteur* – Sur le fond, cet amendement est tout à fait juste. Du reste, Tiny Kox écrit la même chose dans son rapport, à savoir que l’objectif de notre institution est de veiller au respect et à la mise en œuvre des arrêts de la Cour. Toutefois, dans la première partie du projet de résolution, nous en restons à un niveau général, sans mentionner le cas de tel ou tel pays. Je suis donc opposé à cet amendement.

M. KORODI (Roumanie), vice-président de la commission* – La commission a rejeté cet amendement à une large majorité.

L’amendement 4 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 6.

M. GONCHARENKO (Ukraine)* – Dans le paragraphe 8.5 sont évoqués les problèmes auxquels le Conseil de l’Europe est confronté. Je crois qu’il faut également évoquer à cet endroit du texte la possibilité d’« ouvrir des débats concernant les violations systématiques du Statut du Conseil de l’Europe et des valeurs du Conseil de l’Europe par ses États membres, et les mécanismes dissuasifs permettant de mettre fin à ces comportements de la part des délégations nationales ».

M. NICOLETTI (Italie), rapporteur* – Là aussi, c’est pour des raisons formelles que je m’oppose à cet amendement. La violation des mécanismes de notre Organisation est une chose grave. Il en est d’ailleurs question dans une autre partie du projet de résolution. Au paragraphe 8, toutefois, il s’agit de définir les objectifs du Sommet de l’Organisation. Nous y évoquons le continent européen dans son ensemble, la défense, ou encore les droits sociaux. Je suis donc tout à fait opposé à cet amendement.

M. KORODI (Roumanie), vice-président de la commission* – La commission s’est opposée à cet amendement à une large majorité.

L’amendement 6 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 18.

M. MAKHMUDYAN (Arménie)* – Cet amendement vise à insister sur les relations avec l’Union européenne. Nous ne faisons que confirmer le rapport déjà adopté en 2006.

M. KORODI (Roumanie), vice-président de la commission* – La commission s’est montrée favorable à cet amendement à une large majorité.

L’amendement 18 est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 7. Si cet amendement devait être adopté, l’amendement 1 n’aurait plus d’objet.

M. GONCHARENKO (Ukraine)* – Dans ce paragraphe 12, il est dit que l’Assemblée regrette que la Fédération de Russie ait cessé de contribuer au budget de notre Organisation, mais ce n’est pas suffisant. Il faut dénoncer ce comportement et dire qu’il s’agit d’un chantage exercé sur notre Assemblée. Les amendements 7 et 1 vont dans ce sens, à savoir qu’il est inacceptable de faire chanter l’Organisation et que les contributions financières de tous les États membres doivent être versées sans condition aucune.

M. NICOLETTI (Italie), rapporteur* – Il s’agit de nouveau de la cohérence dans la composition de deux organes statutaires. Nous parlons du comportement de la Fédération de Russie, de l’annexion illégale de la Crimée, d’où les sanctions de l’Assemblée parlementaire. Des critiques sont aussi exprimées sur la décision de la Fédération de Russie de ne pas payer sa contribution, en violation claire de ses obligations. Je préfère donc maintenir le texte sans amendement. Tel qu’il est rédigé, il me semble suffisamment clair.

M. KORODI (Roumanie), vice-président de la commission* – La commission s’est opposée à cet amendement à une large majorité.

L’amendement 7 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis donc saisie de l’amendement 1.

M. GONCHARENKO (Ukraine)* – Si nous ne mentionnons pas le comportement de la Fédération de Russie dans la résolution, nous donnons le sentiment d’essayer de la faire revenir en notre sein sans qu’elle ait à respecter ses engagements. Cela me choque, et je ne dois pas être le seul. Il faut que vérité sur le comportement de la Fédération de Russie soit dite !

M. NICOLETTI (Italie), rapporteur* – Je me répète, mais ce rapport ne porte pas sur la situation de la Fédération de Russie, mais sur le Sommet et l’harmonisation de nos mécanismes. L’essentiel est déjà dit. Cet amendement n’apporte rien.

M. KORODI (Roumanie), vice-président de la commission* – La commission a émis un avis défavorable, à une large majorité, sur cet amendement.

L’amendement 1 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 2.

M. GONCHARENKO (Ukraine)* – L’Assemblée part du principe que la situation générale de l’Organisation est contreproductive, sans dire pourquoi. Nous proposons donc d’ajouter le texte de cet amendement. Sans cela, on ne comprend pas les raisons pour lesquelles la situation générale au sein de l’Organisation est contreproductive.

M. NICOLETTI (Italie), rapporteur* – Il est évident que nous condamnons les violations mentionnées. Mais lorsque je parle d’une situation contreproductive, ce n’est pas seulement en raison de ces violations, mais parce que cela peut conduire certains membres à une participation « à la carte » qui n’est pas acceptable.

M. KORODI (Roumanie), vice-président de la commission* – La commission est opposée à cet amendement, à une large majorité.

L’amendement 2 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 14. S’il est adopté, l’amendement 8 tombe.

M. ARIEV (Ukraine)* – Ce paragraphe va totalement à l’encontre du principe de la division des pouvoirs. Nous ne devons pas marcher dans les pas des autres organes, nous devons être autonomes. Ce paragraphe serait la première étape vers la fin de l’autonomie de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Je propose donc de le supprimer.

M. NICOLETTI (Italie), rapporteur* – L’autonomie de l’Assemblée est clairement réitérée au paragraphe 16 que je vous lis : « en respectant pleinement l’autonomie de ces organes. » Le paragraphe 15 reflète simplement la situation qui s’est dessinée en raison d’une absence de cohérence entre les deux organes en cause, mais au paragraphe 16, nous expliquons justement comment harmoniser les choses.

M. KORODI (Roumanie), vice-président de la commission* – La commission est contre cet amendement, à une large majorité.

L’amendement 14 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 8.

M. GONCHARENKO (Ukraine)* – Il s’agit d’un point important puisqu’il est question de l’autonomie de l’Assemblée parlementaire. C’est l’un des piliers sur lesquels repose notre Assemblée. Il est vrai que l’on parle bel et bien de l’autonomie au paragraphe 16, mais en quoi serait-ce un problème d’insérer le mot d’autonomie au paragraphe 15 ? Nous proposons donc d’ajouter : conformément au principe d’autonomie de l’Assemblée.

M. NICOLETTI (Italie), rapporteur* – En fait, il ne s’agit pas d’une proposition d’adjonction, mais plutôt d’un remplacement. La défense de l’autonomie apparaît déjà clairement au paragraphe 16. Il est donc plus utile de dire ici qu’il y a une absence de cohérence entre deux mécanismes. En conséquence, je préfère maintenir le texte en l’état.

M. KORODI (Roumanie), vice-président de la commission* – La commission s’est montrée défavorable à l’amendement, à une large majorité.

L’amendement 8 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 15. S’il est adopté, l’amendement 9 tombe.

M. ARIEV (Ukraine)* – Nous nous référons ici à des questions portant sur des valeurs essentielles, nous ne devrions donc pas faire marche arrière face aux valeurs sur lesquelles notre Maison est fondée. Ce paragraphe essaie d’établir un lien entre l’Assemblée parlementaire et ce que fait le Comité des Ministres. Une fois de plus, nous foulons au pied le principe de l’autonomie bien que nous le citions – en tout cas, c’est ce qu’il me semble. Nous demandons donc la suppression de ce paragraphe.

M. NICOLETTI (Italie), rapporteur de la commission* – Je suis fort étonné, ce paragraphe est important, justement pour défendre l’autonomie de l’Assemblée parlementaire. La dernière phrase précise bien qu’il convient de « renforcer le sens d’appartenance à une communauté et celui du respect des obligations qui incombent à chaque État membre ». Il s’agit donc d’un texte important pour préserver ces obligations.

M. KORODI (Roumanie), vice-président de la commission* – Avis défavorable, à une large majorité.

L’amendement 15 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 9.

M. GONCHARENKO (Ukraine)* – Notre amendement propose de modifier la formulation au sujet des nouvelles procédures. Nous avons en effet l’impression qu’il s’agit de procédures visant à harmoniser les règles, alors que nous souhaitons que les procédures en vigueur soient utilisées. De nouvelles procédures pourraient être un danger pour notre Organisation.

M. NICOLETTI (Italie), rapporteur de la commission* – Je comprends que de nouvelles procédures présentent un risque, mais la résolution n’en propose pas en soi, elle propose un comité mixte – un organe statutaire – et une harmonisation plutôt qu’une coopération. Un mot qui revient dans le droit européen et qui permet de renforcer l’Organisation.

Il s’agit d’avoir deux organes indépendants, chacun décidant de sa propre procédure.

M. KORODI (Roumanie), vice-président de la commission* – Avis défavorable, à une large majorité.

L’amendement 9 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie des amendements 10 et 16, identiques. S’ils sont adoptés, les amendements 12 et 11 n’ont plus d’objet.

J’ai cru comprendre que M. Goncharenko souhaitait retirer l’amendement 10.

M. GONCHARENKO (Ukraine)* – Oui, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE* – L’amendement 10 est retiré.

Personne ne souhaite défendre l’amendement 16. Il est également retiré.

Je suis saisie de l’amendement 12. S’il est adopté, l’amendement 11 n’a plus d’objet.

J’ai cru comprendre que M. Goncharenko souhaitait retirer l’amendement 12.

M. GONCHARENKO (Ukraine)* – Oui, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE* – L’amendement 12 est retiré.

Je suis saisie de l’amendement 11 qui fait l’objet d’un sous-amendement oral de la commission.

M. GONCHARENKO (Ukraine)* – Nous avons trouvé un compromis avec la commission. Dans le projet de résolution, à la fin du paragraphe 17, il convient de remplacer les mots « à la fois du côté parlementaire et du côté intergouvernemental » par les mots « dans le strict respect de leurs obligations et résolutions ».

LA PRÉSIDENTE* – La présidence a été saisie par la commission des questions politiques du sous-amendement oral suivant : « À l’alinéa 2 de l’amendement 11, après les mots : “L’Assemblée regrette profondément que”, rédiger ainsi la fin de l’alinéa : “certains États membres ont introduit ou envisagent d’introduire des instruments juridiques pour empêcher la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme”. ».

Je considère que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en compte si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

M. NICOLETTI (Italie), rapporteur* – Ce sous-amendement reprend la proposition de notre collègue Goncharenko à une légère différence près. Nous soulignons bien que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et le Comité des Ministres sont deux organes bien distincts.

M. KORODI (Roumanie), vice- président de la commission* – Avis favorable évidemment.

Le sous-amendement oral est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Nous revenons à l’amendement 11, ainsi modifié.

M. KORODI (Roumanie), vice- président de la commission* – Avis favorable.

L’amendement 11, sous-amendé, est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14396, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (90 voix pour, 7 voix contre et 16 abstentions).

LA PRÉSIDENTE* – Nous passons maintenant à l’examen du projet de recommandation contenu dans le Doc. 14396.

J’ai cru comprendre que l’amendement 5 a été adopté à l’unanimité par la commission. Toutefois, dans la mesure où il n’aurait plus d’objet si l’amendement 13 était adopté, il sera discuté selon les modalités habituelles.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 17. Aucun de ses signataires ne semble vouloir le défendre.

M. NICOLETTI (Italie), rapporteur* – Madame la Présidente, je souhaiterais, si vous me le permettez, défendre cet amendement.

LA PRÉSIDENTE* – Je vous en prie.

M. NICOLETTI (Italie), rapporteur* – Nous sommes tombés d’accord sur cet amendement en commission. Il est cohérent avec la résolution. Il s’agit de parler d’une coopération plus grande, plus forte avec l’Union européenne.

M. KORODI (Roumanie), vice-président de la commission* – La commission s’est montrée favorable à cet amendement, à une large majorité.

L’amendement 17 est adopté.

LA PRÉSIDENTE*– Je suis saisie de l’amendement 13. S’il est adopté, l’amendement 5 n’a plus d’objet.

M. ARIEV (Ukraine)* – J’espère ne pas prêcher dans le désert. Chers collègues, nous avons des règles reconnues. Adopter la nouvelle règle proposée implique que ce serait le Conseil de l’Europe qui devrait suivre les exigences des États membres, et non l’inverse. Les décisions, au Conseil, sont adoptées selon des modalités différentes : à la majorité à l’Assemblée parlementaire, par consensus au Comité des Ministres. Harmoniser les deux systèmes sera très difficile. Je vous propose de supprimer ce paragraphe.

M. NICOLETTI (Italie), rapporteur* – La proposition consiste à proposer une procédure pour que les secrétariats des deux organes échangent mieux. Le but est d’envisager une harmonisation des règles, tout en respectant pleinement l’autonomie des deux organes statutaires de notre Organisation.

M. KORODI (Roumanie), vice-président de la commission* – L’avis de la commission a été défavorable à une large majorité.

L’amendement 13 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE*– Je suis saisie de l’amendement 5.

M. GONCHARENKO (Ukraine)* – Il s’agit simplement d’un point technique.

M. KORODI (Roumanie), vice-président de la commission* – La commission a adopté cet amendement à l’unanimité.

L’amendement 5 est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 14396, tel qu’il a été amendé.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation, amendé, est adopté (87 voix pour, 14 voix contre et 10 abstentions).

LA PRÉSIDENTE*– Nous en venons au second rapport intitulé « Défendre l’acquis du Conseil de l’Europe : préserver le succès de 65 ans de coopération intergouvernementale » (Doc. 14406).

La commission du Règlement a présenté un projet de recommandation sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 14406.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation est adopté (72 voix pour, 1 voix contre et 11 abstentions).

M. Jordana, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Schou au fauteuil présidentiel.

2. « Liste des critères de l’État de droit » de la Commission de Venise

Nouvelles menaces contre la primauté du droit dans les États membres
du Conseil de l’Europe – exemples sélectionnés

(Débat conjoint)

LE PRÉSIDENT – L’ordre du jour appelle notre second débat conjoint.

Nous entendrons d’abord la présentation par M. Mahoux du rapport de la commission des questions juridiques sur la « “Liste des critères de l’État de droit” de la Commission de Venise » (Doc. 14387).

Ensuite, M. Fabritius présentera, au nom de la commission des questions juridiques, le rapport sur les « Nouvelles menaces contre la primauté du droit dans les États membres du Conseil de l’Europe – exemples sélectionnés » (Doc. 14405).

L’Assemblée entendra par ailleurs l’intervention de M. Buquicchio, président de la Commission européenne pour la démocratie par le droit, c’est-à-dire de la Commission de Venise.

Nous entamerons alors la discussion générale.

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 20 h 30. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 19 h 50, afin de pouvoir entendre la réplique des commissions et de procéder aux votes nécessaires.

Je rappelle aussi que les rapporteurs disposent d’un temps de parole total de 13 minutes, qu’ils peuvent répartir à leur convenance entre la présentation de leur rapport et la réponse aux orateurs.

M. MAHOUX (Belgique), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme – Madame la Présidente, chers collègues, je commencerai par saluer M. Gianni Buquicchio, président de la Commission de Venise, qui nous fait l’honneur d’être présent dans l’hémicycle. Je félicite à travers lui la Commission de Venise pour son remarquable travail. La coopération entre elle et notre Assemblée est étroite et ancienne. L’adhésion au Conseil de l’Europe repose sur trois piliers : le principe selon lequel toute personne placée sous la juridiction de l’un de ses États membres doit jouir des droits de l’homme et des libertés fondamentales, du respect de l’État de droit et l’existence d’une véritable démocratie garantissant le pluralisme politique.

Les réalisations du Conseil de l’Europe en matière de droits de l’homme, de garantie de l’État de droit ainsi que d’établissement et de renforcement de la démocratie sont inégalées. Notre Assemblée ne saurait rappeler assez son attachement à ces trois principes fondateurs du Conseil de l’Europe, compte tenu en particulier du contexte que connaissent plusieurs pays. Néanmoins, nous devons toujours nourrir l’ambition d’aller plus loin et de dépasser l’acquis sans nous reposer sur nos lauriers. Hélas, faire mieux n’est pas le seul défi auquel nous devons faire face. Nous sommes confrontés à l’impérieuse nécessité de défendre l’acquis et d’empêcher les régressions.

La Commission de Venise a élaboré un outil novateur et pratique destiné à nous aider à accomplir cette tâche : la liste des critères de l’État de droit. Le projet de résolution rappelle d’ailleurs que l’existence même d’une telle liste est l’aboutissement d’une réflexion initiée par notre Assemblée dès 2007. Nous pouvons nous féliciter de ce résultat à plusieurs égards.

Je rappellerai brièvement les six objectifs visés par la liste des critères de l’État de droit. Celle-ci vise à combler une lacune et constitue un outil fonctionnel, pertinent et accessible à tous, offrant l’extraordinaire occasion de se comprendre mutuellement et doté du potentiel de devenir un produit d’exportation du Conseil de l’Europe.

La liste des critères de l’État de droit vient combler une lacune. En effet, si les notions d’État de droit et de prééminence du droit sont régulièrement citées dans les documents politiques du Conseil de l’Europe, celui-ci ne les a définies dans aucun texte et n’a prévu aucun mécanisme de suivi spécifique. Afin de rendre opérationnelle la notion d’État de droit et de combler le manque d’outils pratiques de contrôle de son respect, la Commission de Venise a donc élaboré la liste des critères de l’État de droit.

Celle-ci est un outil fonctionnel d’évaluation, notamment du respect de la prééminence du droit dans un État donné, d’après des critères objectifs. La Commission de Venise a constaté qu’il existe, en dépit de l’absence de définition formelle de l’État de droit, un consensus sur les principales caractéristiques de celui-ci : la légalité, la sécurité juridique, l’interdiction de l’arbitraire, l’accès à la justice devant des juridictions indépendantes et impartiales, le respect des droits de l’homme, la non-discrimination et l’égalité devant la loi.

Sur cette base, la Commission de Venise a élaboré un outil de contrôle du respect des principes de l’État de droit qui n’existait pas auparavant. La liste permet de procéder à une évaluation non seulement minutieuse, car elle traite des principales dimensions de la notion d’État de droit, mais aussi objective et transparente, car elle se réfère expressément aux normes nationales et internationales, et juste, car les critères et les normes retenus sont identiques quel que soit le pays évalué.

Il s’agit non seulement d’un outil de contrôle mais aussi d’un outil de prévention. Il importe de rappeler que cette liste n’est pas un outil figé et qu’elle sera amenée à évoluer en fonction des circonstances, dont on espère qu’elles iront dans le sens du progrès de l’État de droit davantage que de son insuffisance. Cet outil pertinent est pour le moins nécessaire compte tenu de l’actualité. En effet, les atteintes à l’État de droit finissent par le menacer. Ce ne sont plus les atteintes à l’État de droit qui font l’objet de demandes d’avis à la Commission de Venise mais des menaces pesant sur l’État de droit comme tel.

La liste des critères de l’État de droit est accessible à tous, car il est bon que les choses soient clairement et intelligiblement formulées avec toute la rigueur qui caractérise la Commission de Venise. Notre rôle de parlementaires est de faire en sorte que nos parlements respectifs adoptent les critères de l’État de droit dès lors qu’ils l’ont été à l’échelle régionale, ce qui renforcera encore leur validité et en fera une référence. C’est à bon droit qu’on qualifie cette liste de fantastique, car elle permet à tous de parler le même langage. Si l’État de droit peut faire l’objet d’interprétations différentes dans nos langues respectives, elles ne sont que sémantiques. L’objectif de la Commission de Venise est de transformer ces difficultés sémantiques en critères concrets clairement identifiés afin que nous parlions tous le même langage.

La liste des critères de l’État de droit est un produit d’exportation du Conseil de l’Europe. J’ai récemment appris que les membres de la Commission de Venise ne sont pas tous issus du Conseil de l’Europe et que certains sont recrutés bien au-delà des mers. Elle compte ainsi des représentants de pays d’Amérique latine et d’Amérique du Nord et a noué des contacts avec des pays d’Asie. Ainsi, ce travail est dû à des États membres du Conseil de l’Europe mais il sera possible d’exporter très concrètement les critères de l’État de droit.

L’intention du rapport est claire. Nous souhaitons que l’Assemblée apporte son soutien politique au travail de la Commission de Venise et aux critères de l’État de droit qu’elle a définis, notamment en les intégrant dans son corpus d’analyse de l’État de droit. Je remercie encore la Commission de Venise à travers son président et souligne l’excellente collaboration qui règne entre elle et notre Assemblée. Le président de la Commission a l’habitude de rappeler que nous sommes l’un de ses clients. J’ignore si ce terme est tout à fait adapté au lieu où nous nous trouvons, mais il s’agit bien d’un partenariat dans le cadre duquel nous demandons beaucoup de travail à la Commission de Venise. Nous ne sommes pas seuls à le faire. De nombreux États membres lui demandent son avis sur certaines difficultés qu’ils rencontrent. La Commission de Venise est aussi confrontée aux résistances que suscitent ses avis, qui font l’objet de critiques parfaitement injustes compte tenu de l’objectivité, du sérieux et de la rigueur du travail que réalise la Commission de Venise avec une indépendance et une neutralité irréprochables.

LE PRÉSIDENT – Monsieur le rapporteur, il vous restera 2 minutes pour répondre aux orateurs.

M. FABRITIUS (Allemagne), rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Monsieur le Président, chers collègues, le travail qui vous est aujourd’hui présenté a commencé il y a près de trois ans, en décembre 2014, lorsque j’étais rapporteur sur le renforcement de la prééminence du droit en Europe du Sud-Est. J’avais l’intention de me concentrer sur la situation dans cette région, mais étant donné l’évolution de la situation en Pologne et la tentative de putsch en Turquie, j’ai décidé de déposer une nouvelle motion sur les nouvelles menaces à la prééminence du droit. En novembre 2016, le Bureau a décidé que cette motion devait être intégrée dans un rapport et la commission a accepté. Il s’agit donc de ce rapport sur les « Nouvelles menaces contre la primauté du droit dans les États membres du Conseil de l’Europe – exemples sélectionnés ».

En septembre, après des discussions qui l’ont conduite à déposer certains amendements qui me semblent utiles, la commission a voté la version de ce rapport qui vous a été soumise. J’ai organisé des auditions avec des experts de Bulgarie, de Pologne et de Roumanie. En mai 2016, j’ai entrepris une visite en République de Moldova et en Roumanie. Une mission en Turquie était prévue également, mais quelques jours après mon départ et immédiatement après la décision de l’Assemblée parlementaire d’intégrer la Turquie dans la procédure de suivi, tous mes entretiens ont été annulés.

La question de la prééminence du droit est au cœur du propos du Conseil de l’Europe et elle est directement liée à la démocratie et au respect des droits de l’homme. L’article 6 de la Convention européenne des droits de l’homme fixe le grand principe de la prééminence du droit, à savoir l’indépendance de la justice. Tout cela n’est pas nécessairement défini dans des textes de droit, mais un certain nombre de documents politiques et juridiques ont été approuvés au fil du temps, notamment grâce au travail du Comité des Ministres, de l’Assemblée parlementaire, de la Commission de Venise, de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice et du GRECO. L’Assemblée a adopté plusieurs résolutions pour la prééminence du droit et la lutte contre la corruption dans les États membres du Conseil de l’Europe.

La liste de la Commission de Venise est également à l’ordre du jour grâce à M. Mahoux, que je remercie de cet effort qui donne plus de visibilité à la liste.

Je me limite pour ma part à cinq États membres du Conseil de l’Europe, comme vous le savez. Le fait que ces pays aient été sélectionnés ne signifie pas qu’ils sont comparés les uns avec les autres. J’ai examiné dans chacun de ces pays les atteintes à la prééminence du droit, les menaces qui pèsent sur la séparation des pouvoirs et sur l’indépendance de la justice.

La prééminence du droit est menacée à des degrés variables. L’interdiction de l’arbitraire, l’accès à la justice et d’autres éléments me semblent particulièrement menacés. En Bulgarie, en Turquie et en Pologne, l’indépendance de la justice est menacée par la tentative de politiser les juges et les instances judiciaires. En Turquie et en Pologne, il y a un risque pour l’indépendance de la justice étant donné le nombre de licenciements de juges, procureurs et autres fonctionnaires. En République de Moldova, en Roumanie et en Turquie, on constate une limitation du pouvoir législatif du parlement, en particulier, en Roumanie, par des ordonnances dans le domaine pénal. Dans ces trois pays, le pouvoir judiciaire tend à être placé sous le contrôle du pouvoir exécutif. On constate de la corruption en Bulgarie et en République de Moldova, même si des progrès ont été réalisés.

Je m’inquiète de la situation en Turquie où le principe de la prééminence du droit, mais aussi la démocratie et les droits de l’homme sont menacés. J’invite les autorités turques à respecter les standards du Conseil de l’Europe et à réfléchir aux dernières modifications de leur Constitution. Il faut veiller à ce que toute décision soit vérifiée par le parlement et à ce qu’elle soit conforme à l’article 6 de la Convention ainsi qu’aux recommandations de la Commission de Venise.

En ce qui concerne la Bulgarie, la Roumanie et la République de Moldova, j’invite les autorités et les gouvernements à redoubler d’efforts pour lutter contre la corruption, pour garantir la séparation des pouvoirs et l’indépendance de la justice au regard des recommandations du Conseil de l’Europe.

Par ailleurs, je me félicite du fait que le Président polonais ait refusé de signer deux projets de loi en juillet dernier. Le 26 septembre 2016, il a présenté deux nouveaux projets de loi qui seront examinés sous peu. Dans ce contexte, j’invite le gouvernement à cesser toute réforme qui ne serait pas compatible avec les principes d’indépendance de la justice et de séparation des pouvoirs, à s’inspirer des standards du Conseil de l’Europe et à coopérer avec toutes les institutions du Conseil de l’Europe, y compris la Commission de Venise. La Constitution devrait être vérifiée au regard de la sécurité juridique et des grands principes judiciaires.

Vous trouverez dans le rapport des recommandations pour les cinq pays. Le Conseil de l’Europe doit être vigilant à l’égard de toute nouvelle menace contre la prééminence du droit dans les États membres du Conseil de l’Europe et il doit réagir rapidement. Ainsi, tous les États membres doivent être encouragés à nourrir une culture qui satisfasse à tous les critères de l’État de droit. Je vous invite donc à adopter ce texte avec les amendements qui ont été déposés.

LE PRÉSIDENT – Monsieur le rapporteur, il vous restera 6 minutes pour répondre aux orateurs.

Notre débat appelle maintenant l’exposé de M. Buquicchio, président de la Commission européenne pour la démocratie par le droit, plus communément connue comme Commission de Venise. Je vous souhaite la bienvenue dans cette Assemblée, Monsieur le président.

Vous avez la parole.

M. BUQUICCHIO, président de la Commission européenne pour la démocratie par le droit. – Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, nous voici arrivés à une étape importante pour la liste des critères de l’État de droit. Les deux rapports qui vous sont soumis sont l’aboutissement de la procédure de l’approbation de cette liste par les organes du Conseil de l’Europe. Ils sont aussi un grand pas en avant vers la mise en œuvre pratique de ce document. En effet, une analyse de situation concrète à la lumière de la check-list est proposée.

L’État de droit a longtemps été le parent pauvre des trois principes du Conseil de l’Europe, car il était dépourvu d’un outil d’évaluation spécifique. Par conséquent, il était très difficile d’évaluer son effectivité. C’est désormais possible grâce à l’Assemblée parlementaire qui confirme son rôle de pionnière. Elle a été à l’origine de la rédaction de ce document ; elle est aussi à l’avant-garde de sa mise en œuvre.

C’est la synergie gagnante entre l’Assemblée parlementaire, laboratoire d’idées, et la Commission de Venise, créatrice de solutions, qui a doté le principe de l’État de droit d’une véritable capacité opérationnelle.

Nous avons depuis longtemps abandonné l’idée de parvenir à une définition partagée du principe de l’État de droit. Nous nous bornons désormais à travailler sur ses composantes reconnues comme essentielles. Je ne m’épuiserais pas à souligner ce que ce principe n’est pas. Il n’est pas le gouvernement par les lois (rule by law), ni le gouvernement par la loi (rule by the law), ni le droit limité à des règles (law by rules). Toute conception purement formaliste de la prééminence du droit qui se contenterait d’exiger que tout acte commis par un agent public soit autorisé par la loi distord la notion de l’État de droit.

MM. Mahoux et Fabritius vous ont déjà présenté la liste des critères de l’État de droit, sur laquelle je ne reviendrai pas. En revanche, je mettrai l’accent sur deux aspects : le caractère concret de la check-list et l’importance de sa mise en œuvre, en soulignant le rôle essentiel que vous, parlementaires et Européens, pouvez jouer.

Afin de bien montrer le caractère concret, précis que visait le document qu’elle élaborait, la Commission de Venise a développé, dans le corps même du document, deux exemples spécifiques de défis à l’État de droit : d’une part, la corruption et les conflits d’intérêts, et, d’autre part, la collecte des données et la surveillance. Il ne s’agit pas de thèmes pris au hasard mais de questions centrales pour l’existence même d’un État de droit.

La corruption débouche sur l’arbitraire et l’abus de pouvoir. Elle mine ainsi les fondements mêmes de l’État de droit. Quant à la surveillance, même si elle est loin d’être un défi nouveau, elle a pris de nouvelles formes avec le développement exponentiel des capacités de collecte de données par des moyens informatiques.

Big Brother, l’archétype du totalitarisme et donc de la négation de l’État de droit, n’est pas loin si des garde-fous ne sont pas définis.

Des questions très détaillées ont été élaborées pour rendre la liste des critères concrètement applicable dans ces domaines pointus.

Prenons le premier exemple : corruption et conflits d’intérêts. Une bonne quinzaine de questions précises est posée, portant à la fois sur les mesures préventives prises pour lutter contre la corruption, les mesures répressives et l’observation et l’application effective des mesures de prévention et de répression.

À titre d’exemple, dans la catégorie des mesures préventives, on trouve la question de l’existence de règles de conduite spécifiques imposées aux agents de l’État. Une autre question porte sur l’existence de règles en matière de conflits d’intérêts, par exemple, par la déclaration d’un tel conflit avant qu’il ne survienne. Il est encore demandé si certaines catégories d’agents de l’État sont soumises à une déclaration de leurs revenus, de leur patrimoine, de leurs intérêts en début et en fin de mandat.

L’application effective de mesure de prévention et de répression implique aussi l’existence de sanctions pénales et administratives proportionnées et dissuasives, que les organes chargés de lutter contre la corruption et de préserver l’intégrité du secteur public disposent de ressources et de capacités suffisantes, notamment de pouvoirs d’investigation, et soient suffisamment indépendants du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif du point de vue opérationnel.

À cela s’ajoute, entre autres, l’existence de mesures pour permettre l’accès individuel à ces organes et pour encourager la dénonciation d’actes susceptibles d’être liés à la corruption, notamment en protégeant les donneurs d’alerte contre les représailles au travail et ailleurs.

En ce qui concerne l’application effective des mesures de prévention et pénales, la première question porte sur la perception, dans le pays, du degré d’observation des mesures et des politiques de lutte contre la corruption.

La corruption n’est pas le seul domaine où il est question de perception. Cette question est aussi posée en rapport avec l’indépendance de la justice:

La justice est-elle perçue comme indépendante ? Comment le public voit-il la possibilité que le pouvoir politique influence ou manipule la nomination et la promotion des juges et des procureurs, ainsi que les décisions de ces derniers dans les affaires ?

Au travers de cet exemple, nous voyons, d’une part, que l’analyse du respect de l’État de droit ne doit pas se limiter aux textes mais porte aussi sur leur application, et, d’autre part, que c’est le public en général qui est destinataire de la liste des critères de l’État de droit.

L’exemple donné, ainsi que ceux ressortant des rapports qui vous sont soumis, vous auront convaincus, je l’espère, que la liste des critères de l’État de droit n’est pas un ouvrage savant destiné à être encensé, ou épousseté de temps en temps au fond d’une bibliothèque, mais un mode d’emploi destiné au public le plus large.

J’en viens donc à la deuxième partie de mon exposé, qui consiste à répondre aux questions suivantes : quel est ce public ? qui sont les utilisateurs de la check-list ? qui sont les responsables de la mise en œuvre de l’État de droit ?

Comme tout mode d’emploi, la liste des critères de l’État de droit comprend deux aspects : fonctionnement normal et dysfonctionnement éventuel. Simplement, il faut procéder dans l’ordre inverse de l’ordre habituel, c’est-à-dire qu’il faut identifier les dysfonctionnements afin de garantir un fonctionnement de l’État conforme aux normes internationales.

En d’autres termes, l’identification des dysfonctionnements doit être comprise comme une première étape vers la solution des problèmes, vers la mise en conformité de la législation et de la pratique nationales avec les normes internationales en matière d’État de droit, comme M. Fabritius l’a fait dans son rapport. Une étape cruciale et indispensable toutefois : comme dirait le docteur Mahoux : on ne soigne pas une maladie non diagnostiquée.

La première partie, l’identification des problèmes, est du ressort d’un public très large – du public en général. Les organes étatiques, ainsi que les organisations internationales, y ont cependant une place centrale, tout comme la société civile. En tant que parlementaires, vous avez donc un rôle éminent.

Toutefois, si le diagnostic est utile, il ne guérit pas. Se pose alors la question la plus importante : qui est le médecin ? qui est responsable de la bonne santé de l’État de droit ? Le législateur, l’exécutif, le juge, la société civile ? La Commission de Venise est convaincue que l’État de droit est l’affaire de toutes les institutions de l’État, mais aussi de tous les citoyens. La pleine primauté du droit requiert un effort constant, même dans les démocraties solidement établies. Des réformes constitutionnelles ou législatives sont souvent nécessaires. C’est alors le parlement qui doit s’en faire l’infatigable garant.

L’exécutif a également la responsabilité de prendre les initiatives nécessaires pour identifier et remédier aux lacunes. Dans cette tâche, la liste des critères s’avère un outil indispensable.

Mais l’État de droit ne nécessite pas seulement des réformes législatives, il n’est vivant que s’il est mis en œuvre à tous les niveaux.

Le parlement opère les choix essentiels, mais l’interprétation et l’application de la loi sont une prérogative de l’exécutif ainsi que des juges. Les lois adoptées par le parlement doivent être interprétées conformément aux principes de l’État de droit.

Le législateur doit laisser une marge de discrétion au pouvoir exécutif et aux juges, mais le pouvoir discrétionnaire administratif et judiciaire doit être exercé dans le respect de l’État de droit, notamment du principe de la légalité.

J’ajoute que l’État de droit ne peut s’imposer que dans un pays dont les individus se sentent collectivement responsables de sa réalisation et intègrent cette responsabilité dans leurs propres cultures juridiques, politiques et sociales.

L’État de droit est avant tout une forma mentis, un état d’esprit. Et l’État de droit est une responsabilité partagée, la responsabilité de tout un chacun.

La liste des critères aspire donc non seulement à institutionnaliser le principe de l’État de droit à travers l’établissement de structures, processus et mécanismes appropriés, mais également à la démocratiser en la rendant accessible et compréhensible à tous les acteurs concernés. Elle vise à développer une culture de l’État de droit et une aspiration générale à sa réalisation.

Pour que cela soit possible, il est nécessaire d’encourager la classe politique à exercer son rôle de promotrice et garante de l’État de droit.

Nous avons besoin d’un leadership motivé et motivant, enthousiaste et enthousiasmant.

Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les parlementaires, vous avez par conséquent un rôle central, en tant que membres d’un parlement national, avant tout, mais également en tant que membres de cette Assemblée.

Vous êtes dans une position privilégiée pour l’évaluation et la mise en œuvre des normes internationales en matière d’État de droit telles que définies dans la liste des critères.

À vous de jouer !

Enfin, Monsieur le Président, je viens d’apprendre que Philippe Mahoux quittera prochainement cette Assemblée. Je voudrais exprimer publiquement devant ses collègues, les membres de l’Assemblée parlementaire, mon appréciation personnelle et celle de toute la commission pour l’œuvre qu’il a accompli en notre sein. Il a été un observateur, que dis-je, un participant actif de votre Assemblée. Il vous a représenté excellemment. Je puis dire aussi, cher Philippe, que vous en êtes presque devenu membre de la Commission, car vous avez suivi nos travaux pendant longtemps et nous vous avons tous beaucoup apprécié.

Bonne chance !

LE PRÉSIDENT – Je vous remercie pour cette intervention qui a, j’en suis sûr, vivement intéressé les membres de l’Assemblée.

Nous abordons maintenant la discussion générale. Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa première séance de lundi, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. EFSTATHIOU (Chypre), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Je tiens tout d’abord à remercier MM. Fabritius et Mahoux pour leurs rapports extrêmement circonstanciés.

L’Europe est un espace de liberté et de démocratie, dans lequel les droits et libertés fondamentales des citoyens prévalent malgré la diversité des systèmes juridiques des États membres.

Finalement, qu’avons-nous en commun ? Une volonté réelle de nous engager ensemble pour que priment les valeurs de notre Organisation, et en particulier l’État de droit. Malgré les progrès accomplis pour garantir et protéger la prééminence du droit, des situations néfastes continuent d’exister entre des autorités nationales et supranationales. C’est là que se situe le défi : il faut réconcilier ces dynamiques qui, si elles paraissent opposées, sont en réalité complémentaires. Pour éviter la stagnation, nous devons fixer des critères objectifs auxquels nous pourrons tous nous référer.

Gardons à l’esprit que notre diversité, c’est notre force. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous travaillons avec les différents organes de suivi du Conseil de l’Europe – je pense bien sûr à la Commission de Venise, mais aussi au Conseil consultatif des juges européens et au GRECO. Autant d’organes qui doivent recevoir le soutien politique dont ils ont besoin pour mener à bien leur mission.

Dans ce contexte, nous approuvons pleinement la liste établie par la Commission de Venise qui, nous n’en doutons pas, s’avérera un outil précieux lorsqu’il s’agira d’évaluer objectivement et en toute transparence la portée et la qualité de l’État de droit. Plus important encore : nous devons apprécier cet État de droit eu égard aux mesures pratiques qui sont mises en œuvre. Nous pourrons ainsi améliorer la cohérence entre les pratiques recommandées par l’Organisation et les procédures effectivement en place dans les pays membres.

Cette liste devrait également avoir un effet positif sur la vie quotidienne de nos concitoyens. Nous comprenons fort bien que certains collègues puissent se sentir mal à l’aise, voire offensés, par cette liste, car elle pointe les carences identifiées dans différents pays. Mais nous devons agir ainsi si nous voulons que l’État de droit, la protection des droits de l’homme et la démocratie l’emportent. Nous devons nous montrer fermes dans la poursuite des priorités que je viens de mentionner, et c’est la raison pour laquelle nous soutenons la recommandation visant à préciser que le Conseil de l’Europe doit pouvoir intervenir et exercer la pression politique qui s’impose ; grâce à son assistance et son expertise, il doit permettre l’aboutissement des réformes dans différents pays et éviter l’affaiblissement de l’État de droit.

Nous devons continuer à nous pencher sur la santé de l’État de droit dans chaque pays en nous appuyant sur une méthodologie commune et objective. Soyons volontaristes, plutôt que sur la défensive. Il s’agit certes d’identifier les faiblesses, mais dans le but d’y remédier.

Nous souscrivons pleinement à ce qui est écrit dans les deux rapports.

M. HOWELL (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Permettez-moi de dire d’entrée de jeu que je me félicite de l’existence de cette liste.

La Commission de Venise a créé un référentiel très clair pour mesurer et évaluer la mise en œuvre de la prééminence du droit. Certains pensaient que cette tâche était impossible, mais l’exercice était utile et il a été fort bien réalisé. En tout cas, c’est un excellent point de départ pour nos réflexions.

Il faut évidemment aborder les différentes juridictions existant en Europe mais, si une nouvelle édition de cette liste venait à être réalisée, voici ce que j’aimerais y voir figurer en bonne place : des actes politiques, comme la loi ukrainienne sur l’éducation. Le gouvernement ukrainien a les meilleures intentions du monde, mais certains se plaignent que cette loi a un effet négatif sur les minorités du pays. Peut-être n’y-a-t-il pas qu’une seule bonne réponse, mais nous pourrions soumettre ce texte à l’avis de la Commission de Venise.

Le rapport met en avant le besoin de souplesse : il me semble effectivement essentiel de ne pas s’équiper de structures trop rigides qui pourraient devenir des camisoles de force. Par exemple, l’accès à la justice doit-il se faire, ou non sur les deniers de l’État ? La question de l’égalité devant la loi se pose également.

Ce rapport se consacre beaucoup aux tribunaux ; pourtant, certaines décisions sont aujourd’hui prises dans le cadre de procédure alternatives, et non plus nécessairement devant les tribunaux. Ces pratiques, de plus en plus répandues, ont cours à Dubaï, à Singapour, en Australie, mais également, parfois, à la Cour de justice de l’Union européenne. Ils s’appliquent autant à de petits litiges commerciaux qu’à des litiges bien plus importants. Le caractère central du pouvoir judiciaire s’en trouve quelque peu affaibli.

Je pense qu’il serait bon que la prochaine édition de la liste fasse référence à ces procédures et à la manière dont il faut en tenir compte.

M. MARUKYAN (Arménie), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Mesdames et Messieurs, je voudrais avant tout remercier les deux rapporteurs et la Commission de Venise pour leur important travail et pour cet outil remarquable qu’est la liste des critères de l’État de droit. Elle va nous permettre de disposer d’une norme de référence uniformisée pour mesurer le respect des principes fondateurs du Conseil.

Cet outil pratique ne manquera pas de devenir un outil efficace de prévention et de suivi. En effet, lorsque l’on regarde les pratiques de certains États – y compris de certains États membres du Conseil – eu égard à cette liste, on constate qu’il existe des menaces graves à la prééminence du droit. Les résultats d’une analyse fondée sur cette liste doivent nous permettre de faire état de certaines préoccupations, et déclencher une réaction très ferme de la part de tous ceux qui se sont engagés à promouvoir et renforcer nos principes.

Cette liste est un outil pratique pour le Conseil de l’Europe, mais également pour l’ensemble des parties prenantes au niveau national et international, qu’il s’agisse d’institutions publiques, d’États, d’organisations internationales ou de la société civile. C’est une norme de référence et un document d’orientation pour tous les États qui souhaitent renforcer la démocratie et la prééminence du droit.

Je voudrais faire référence aux travaux d’Aristote sur ce sujet, car ils ont gardé toute leur puissance et sont tout à fait d’actualité. Il avait approché la question en demandant s’il valait mieux être gouverné par le meilleur des hommes ou les meilleures des lois. Sa démarche, réaliste, l’avait conduit à répondre que tout dépendait du type de loi et du type d’institution qui serait amené à promulguer et gérer la loi.

Je voudrais donc faire état de ma principale préoccupation : je constate une décadence des démocraties libérales. La prééminence du droit perd son sens essentiel. Les forces populistes s’efforcent de rédiger la loi de manière très vague, afin de pouvoir par la suite agir contre les principes démocratiques tout en se prévalant du respect de la loi. Ils nous contraignent ainsi à infléchir nos principes. Dans de tels cas, si nous appliquons la liste des critères, il n’y aura plus de place pour les erreurs d’interprétation et les dommages causés à la démocratie.

Cette liste devrait donc devenir une référence et même un document contraignant pour tous les États membres et pour ceux qui s’efforcent de mettre en œuvre réellement ces valeurs. C’est pour nous une obligation de rester attachés aux principes de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit, montrant ainsi quelle est notre identité commune en tant que membres à part entière du Conseil de l’Europe.

Au nom de mon groupe, j’appelle toutes les institutions du Conseil de l’Europe à utiliser cette liste de critères comme un outil de suivi et à lutter pour les valeurs que défend cette institution respectée, qui doit rester un modèle pour tous les États engagés dans la voie de la démocratisation.

M. KÜRKÇÜ (Turquie), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je remercie les deux rapporteurs pour leur travail remarquable. Cela dit, je voudrais insister surtout sur le rapport de M. Fabritius. Je le remercie d’avoir mis en lumière une tendance générale à la dégradation de l’État de droit au sein des États membres du Conseil de l’Europe : la situation est alarmante.

En tant que citoyen turc et député d’opposition au Parlement turc, je me trouve dans une situation bien inconfortable eu égard à l’attention que porte le rapport à mon pays. Cela dit, le rapport signale également quatre autres pays dans lesquels l’État de droit est malmené. On ne peut donc pas considérer que ce rapport et islamophobe ou turcophobe ; on ne peut prétendre qu’il montre du doigt la Turquie. Il indique simplement la stratégie à laquelle le parti au pouvoir a recours pour échapper aux critiques qui sont formulées au niveau international.

Le rapport se fait également le relais des critiques, venant de l’intérieur même du pays, concernant l’effondrement de l’État de droit en Turquie. De fait, un certain nombre de parlementaires – dont les coprésidents de mon parti – sont emprisonnés. Le rapport donne également des pistes très intéressantes quant à l’application de certains des critères qui sont repris dans la liste établie par la Commission de Venise – critères qui peuvent valoir pour d’autres pays où l’État de droit est menacé.

Le sujet dont nous débattrons demain, de même que les thèmes que nous avons abordés au fil des années, nous ont permis de voir quelle était la situation dans un certain nombre de pays du Conseil de l’Europe. Il faut aussi prendre en considération ce que cela implique, pour les populations des pays concernés, que de voir l’État de droit s’effondrer et la séparation des pouvoirs être remise en cause.

Nous sommes au sein d’une organisation internationale dont certains membres violent les droits et libertés fondamentaux. Cette contradiction apparente peut aussi nous forcer à nous renouveler, dès lors que les représentants des populations parlent haut et fort, ici et ailleurs, afin de protéger leur peuple des erreurs commises par leur propre gouvernement.

Je soutiens les recommandations du rapporteur à l’égard des autorités turques : il faut lever l’état d’urgence. Le coup d’État n’a pas abouti, les éléments perturbateurs ont été écrasés et des dizaines de milliers de suspects sont derrière les barreaux. Le gouvernement doit cesser d’exploiter l’état d’urgence, de s’en servir pour établir une dictature ne connaissant aucune loi.

Un référendum frauduleux a ainsi été organisé le 16 avril 2017 : son résultat doit être annulé car il constitue une tentative supplémentaire d’établir une dictature au cœur même du Conseil de l’Europe. Le système judicaire doit être libéré du joug de l’exécutif, lequel a à sa tête un président dont les agissements sont illégaux. Les neuf députés du HDP, dont ses deux coprésidents, doivent être immédiatement remis en liberté. Les poursuites engagées contre 150 députés doivent être suspendues, car un parlementaire a une place et une seule, qui se trouve au sein de son parlement national.

M. CORLĂŢEAN (Roumanie) – Premièrement, je voudrais féliciter M. Mahoux qui, comme toujours, a fait un excellent travail. J’apporte mon plein soutien à son projet de résolution.

Deuxièmement, je salue le président de la Commission de Venise, Gianni Buquicchio. Mon pays a beaucoup collaboré, dans le passé, avec la Commission de Venise. Cette collaboration s’est déroulée correctement, elle a même été étroite, alors que les conditions politiques étaient parfois difficiles. Je vous remercie pour tout cela, Monsieur le président.

Troisièmement, j’aurais voulu féliciter le second rapporteur, M. Fabritius, et je vais le faire, mais seulement dans une certaine mesure. En effet, j’avoue que je suis extrêmement déçu par certains éléments de son rapport et du projet de résolution, tel qu’il a été modifié il y a quelques heures au sein de la commission des questions juridiques.

D’abord, je suis déçu par la manière sélective et subjective dont le rapporteur a sélectionné une région d’Europe et cinq États. Une telle approche est toujours critiquable : il aurait dû avoir une approche globale et opposable erga omnes. Il ignore, de fait, d’autres situations réellement graves que l’on constate dans d’autres pays.

Ensuite, je suis déçu que le rapporteur ait cédé à la tentation de transférer, de manière partisane, dans un rapport de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, la bataille politique qui a lieu dans mon pays.

Enfin, je suis déçu que la commission des questions juridiques ait rejeté une proposition que j’avais faite. Il s’agissait de souligner le fait que la lutte contre la corruption – qui est une nécessité dans tous les États membres, y compris mon pays – doit s’accompagner, de la part des enquêteurs et des procureurs, d’un respect scrupuleux des droits fondamentaux et des règles de la procédure pénale.

Dans mon pays, chaque semaine, et pour ainsi dire chaque jour, l’opinion publique et les médias découvrent des exemples choquants d’abus commis par les procureurs, y compris celui qui est chargé de lutter contre la corruption – des agissements qui ont même poussé d’autres procureurs à ouvrir des enquêtes pénales contre leurs collègues. Des arrêts ont été rendus en ce sens par des cours roumaines, y compris par la Cour constitutionnelle, laquelle a déclaré que le parquet général et la Direction nationale de lutte contre la corruption avaient violé la séparation des pouvoirs. La précision que je proposais était donc extrêmement importante. Or elle a été rejetée.

En revanche, je suis content d’avoir réussi à introduire dans le texte une référence au respect du rôle essentiel de la Cour constitutionnelle, qui est attaquée dans mon pays, critiquée par des hommes politiques et par la société civile depuis 2012. Comme vous le savez, il était important d’apporter cette précision.

Je suis extrêmement déçu, en revanche, que la commission des questions juridiques ait traité sur un pied d’égalité les procureurs, y compris le parquet anti-corruption, et la Cour constitutionnelle. C’est sans précédent et, de mon point de vue, c’est tout à fait inacceptable juridiquement.

Je suis en revanche satisfait d’avoir réussi à introduire dans le texte l’affirmation selon laquelle les arrêts de la Cour constitutionnelle de mon pays qui ont déclaré contraires à la Constitution certains articles du Code pénal et du Code de procédure pénale doivent être mis en œuvre rapidement.

Pour toutes ces raisons, vous comprendrez que je ne pourrai pas prendre part au vote sur le second projet de résolution.

Mme HOFFMANN (Hongrie) – Un grand nombre d’entre vous sont certainement d’accord pour dire avec moi que la Commission de Venise, créée en 1990 par le Conseil de l’Europe, est devenue l’une de ses institutions les plus appréciées. Elle a largement contribué au processus de réforme dans les États membres ou associés.

La Commission a fourni une assistance précieuse à travers ses avis et études, sans oublier les séminaires et les formations transnationales qu’elle a organisés dans les domaines des institutions démocratiques et des droits fondamentaux, ou encore de la justice – domaines dont la révision était indispensable afin d’obtenir des résultats tangibles pendant la période de transition qu’ont connue ces pays.

L’essentiel, à l’heure actuelle, est la promotion de la liste des critères de l’État de droit. J’insisterai en particulier sur le respect des droits de l’homme.

Nous reconnaissons que sa méthode de travail se fonde sur le dialogue et que la Commission ne cherche pas à imposer les solutions formulées dans ses avis. Il faudra toujours veiller sur cette objectivité afin de ne pas quitter le chemin étroit de la justice. Ainsi, lors de l’examen de l’état des droits de l’homme dans un pays, quel qu’il soit, il est primordial de ne pas se contenter d’étudier règles juridiques, mais de s’appuyer sur de nombreux exemples pratiques afin de se convaincre du fonctionnement de ces droits dans la réalité et la vie quotidienne. Il convient d’entendre toutes les parties prenantes et d’oublier définitivement les idées préconçues.

Depuis 2011, la Hongrie a été partenaire de la consultation avec la Commission de Venise une douzaine de fois, et cela a été chaque fois très utile des deux côtés. Dans la plupart des cas, nous sommes parvenus à une entente. Sinon, la réflexion s’est poursuivie au niveau professionnel.

Les avis de la Commission sont des références importantes pour les gouvernements. C’est précisément pour cela que nous nous félicitons du fait que le ministre des Affaires étrangères de l’Ukraine ait récemment demandé l’avis de la Commission de Venise sur la loi ukrainienne du 25 septembre 2017 portant sur l’éducation.

Je suis d’accord avec le rapporteur, que je félicite de son rapport, pour dire que la Commission a accompli un travail remarquable et je m’associe aux propositions du projet de résolution. Je voterai donc pour le renforcement de la Commission de Venise.

Mme ŞAHİN USTA (Turquie)* – À n’en pas douter, ce rapport est d’une extrême importance, mais je souhaite dire que certains des exemples qui nous sont livrés, notamment ceux relatifs à la Turquie, sont entachés d’erreurs.

S’agissant de la situation qui prévaut en Turquie et des allégations de politisation du judiciaire, je voudrais rappeler qu’il existe un haut degré de non-politisation du judiciaire et les exemples qui ont été donnés sont, eux aussi, entachés d’erreurs. Toutes les mesures qui ont été prises dans mon pays visent l’organisation terroriste de Fethullah Gülen et le PKK, l’organisation kurde. N’oublions pas que le système judiciaire a été à ce point infiltré par l’organisation güleniste – c’est un phénomène qui remonte à de nombreuses années – que l’objectif des réformes qui ont été conduites étaient précisément d’éradiquer ces éléments pour parvenir à un pouvoir judiciaire équilibré.

Tous les efforts déployés l’ont été pour lutter contre des organisations terroristes et, je le répète, l’une d’entre elles avait pénétré le système jusqu’à son cœur. Les réformes engagées ont donc visé à obtenir un pouvoir judiciaire absolument dénué d’arbitraire, parfaitement impartial, lavé de ces éléments qui polluaient son fonctionnement.

Lorsque nous avons discuté de la remise du prix Václav Havel et du sens de ce prix, nous avons évoqué la prééminence du droit et l’État de droit. Voilà ce qui sous-tend ce prix, toute la philosophie du prix Václav Havel tient en ces mots. C’est au nom de ces mêmes principes que les autorités interviennent, afin que prévale l’État de droit.

Mais il importe également de se pencher sur la question des discriminations. Nous sommes témoins de faits de discrimination à l’endroit de citoyens turcs, y compris à l’encontre de membres titulaires. C’est inacceptable. Puisque l’on parle de discriminations, n’oublions pas de nous pencher sur celles dont sont victimes certains citoyens turcs, car c’est le rôle de cette Assemblée d’élever sa voix pour s’ériger contre ces mesures.

Il est très important que nous travaillions ensemble, car seul un effort concerté nous mènera au succès. C’est en travaillant main dans la main, de façon efficace, que nous parviendrons à obtenir la prééminence du droit partout sur le territoire du Conseil de l’Europe.

M. DİŞLİ (Turquie)* – Je remercie à mon tour la Commission de Venise pour cette liste de critères, ainsi que MM. Fabritius et Mahoux pour leurs rapports, et j’aimerais aborder un certain nombre de questions concernant les bienfaits que l’on peut retirer de la Commission de Venise.

Cet organe consultatif émet des avis juridiques lorsqu’elle est sollicitée par certains organes et l’on peut considérer qu’il s’agit d’une autorité judiciaire qui prime sur les législations nationales. Ses compétences sont souvent requises par des institutions nationales et nous avons emprunté récemment cette voie lorsque nous élaborions des lois – d’où le raisonnement qui sous-tend cette coopération.

Il est intéressant de relever qu’à l’heure actuelle, la Commission de Venise est devenue un instrument aux mains de certains pays. Au cours des deux dernières années, elle a en effet adopté neuf avis sur la Turquie. Tous avaient été demandés par l’Assemblée parlementaire et seul l’un d’entre eux faisait partie d’une résolution que nous avions adoptée en séance plénière. Sans vouloir nullement contester les méthodes de travail de l’Assemblée parlementaire ni l’autorité de la Commission de Venise, je pense toutefois que le travail législatif en cours dans certains pays ne doit pas faire automatiquement l’objet d’une demande d’avis auprès de la Commission de Venise, car cela me paraît contreproductif. La Commission de Venise ne doit pas être utilisée pour exercer quelque influence ou pression politique, que ce soit contre la Turquie ou d’autres pays. Cela va à l’encontre d’une coopération authentique et de ce pour quoi elle a été créée. Les parlementaires devraient peut-être réviser cette procédure. Sans quoi, elle contribuera à politiser plus avant cet organe tout à fait unique en son genre qu’est la Commission de Venise, dont la crédibilité risque d’être mise en cause.

Pour en revenir au rapport, je constate que certains pays sont pointés du doigt. Je pense qu’il faut veiller à éviter de telles pratiques, qui paraissent contraires à la méthode même de la liste des critères dont nous sommes saisis.

Toutes les suggestions que nous avions faites au sein de la commission ont été rejeté par M. Fabritius au prétexte que les experts qu’il avait invités y étaient opposés. Je n’ai donc rien d’autre à lui dire.

M. Logvynskyi, Vice-Président de l’Assemblée, remplace M. Jordana au fauteuil présidentiel.

M. VENIZELOS (Grèce) – Monsieur le Président, permettez-moi d’exprimer tout d’abord mes remerciements et mes félicitations à nos collègues MM. Mahoux et Fabritius ainsi qu’au président de la Commission de Venise.

(Poursuivant en anglais) Le Conseil de l’Europe conserve toute son importance et son autorité en tant qu’organisation pour l’Europe étendue et incarne l’importance des institutions démocratiques, de l’État de droit, de la protection des droits et des libertés fondamentaux. Mais c’est également une organisation qui s’est dotée de mécanismes pratiques qui permettent de veiller aux évolutions dans les États membres.

Le premier instrument parmi tous les autres est la Convention européenne des droits de l’homme. Elle reconnaît le droit de requête individuel et la prise de mesures politiques permettant aux États membres d’exécuter les arrêts de la Cour.

Le deuxième grand mécanisme, dont nous parlons aujourd’hui, est la Commission de Venise. Elle a gagné une extraordinaire autorité institutionnelle et, malgré son caractère extraordinaire, a pris la dimension de gardien des traditions et valeurs constitutionnelles européennes.

La Commission de Venise a un acquis constitutionnel européen, le fait prévaloir et veille à ce que les pratiques politiques des États membres s’y réfèrent. Malheureusement, cet acquis européen est fragilisé et violé dans une plus ou moins grande mesure au nom de la souveraineté nationale, de la sécurité nationale et de l’identité nationale.

La Cour européenne des droits de l’homme précise sous quelles conditions certaines dérogations aux dispositions de la Convention peuvent être admises et l’état d’urgence prononcé. On ne déroge pas comme cela à l’acquis européen de démocratie et d’État de droit. Il est donc de la plus haute importance que la Commission de Venise ait codifié cet acquis, qui prend la forme d’une liste des critères de l’État de droit. Il convient donc de féliciter la Commission de Venise et tous ceux qui ont contribué à l’établissement de ladite liste.

Il s’agit d’un texte qui n’est pas de l’ordre du droit non contraignant, mais qui codifie des principes, des normes et des règles découlant de la Cour européenne des droits de l’homme et de sa jurisprudence, et des conventions intergouvernementales qui ont été signées par les États membres du Conseil de l’Europe.

Le droit coutumier international est également source de cette liste, dans laquelle nous trouvons des règles qui ne relèvent pas du droit non contraignant, mais au contraire du droit contraignant – jus cogens.

Mme GORGHIU (Roumanie)* – Je remercie le rapporteur pour son rapport qui tente d’éclairer les menaces qui pèsent sur la prééminence du droit dans certains États membres du Conseil de l’Europe. Je sais qu’il est difficile de se faire une idée de la situation générale par le biais de quelques exemples sélectionnés, mais je vous félicite pour cette initiative courageuse, Monsieur Fabritius.

La Roumanie, mon pays, est l’un des pays cités dans le rapport et la résolution. En Roumanie, les résultats obtenus par la Direction nationale de l’anticorruption, la DNA, a fait de cette institution un exemple de bonnes pratiques en Europe en matière de lutte contre la corruption. En dépit des nombreux obstacles, son travail doit se poursuivre pour consolider les réalisations obtenues.

En tant que membre du Parti libéral national – parti de l’opposition –, je veux vous assurer de notre engagement très clair à maintenir la pression sur le Gouvernement roumain et le parti au pouvoir, le Parti social-démocrate, pour éviter tout affaiblissement de l’État de droit en Roumanie.

Un signal très fort est déjà venu de la population, qui est descendue dans la rue à Bucarest, au printemps, pour les manifestations les plus importantes que nous ayons connues depuis 25 ans. Le gouvernement avait tenté de promulguer une législation visant à redéfinir le conflit d’intérêts et l’abus de pouvoir en délits pénaux et à introduire la possibilité de grâce, mais il a dû abandonner cette initiative.

Pourtant, aujourd’hui, de nouvelles propositions législatives sont présentées. Selon elles, le Procureur général du Bureau du procureur, attaché à la Haute Cour de cassation et de justice, les responsables de la DNA et de la Direction de l’investigation des crimes organisés et du terrorisme, ainsi que les procureurs généraux, actuellement nommés par le Président de la Roumanie, devraient désormais être nommés par le Conseil supérieur de la magistrature sur proposition du ministre de la Justice. De plus, l’Unité d’inspection judiciaire, qui appartient actuellement au Conseil supérieur de la magistrature, devrait être subordonnée à l’avenir au ministre du Justice, qui est pourtant un membre du gouvernement. De tels changements ne peuvent que constituer autant d’ingérences graves et politiques dans le travail du pouvoir judiciaire.

Chers collègues, nous avons besoin d’institutions fortes et de magistrats responsables. La prééminence du droit dans une société permet de mesurer la force d’une démocratie ; et cela est également vrai pour la Roumanie.

Mme KARAMANLI (France) – Je souhaiterais tout d’abord remercier Philippe Mahoux pour son travail et sa détermination, puisqu’en introduisant aujourd’hui ce rapport, il met au cœur de nos débats la question de la prééminence du droit, de la primauté de la démocratie et de l’inaliénabilité des droits de l’homme. Il pose la question de l’intérêt d’une norme partagée pour évaluer l’État de droit et son déploiement dans une société donnée. Il permet d’illustrer la question des outils pour prévenir la dégradation d’une situation dans un État donné.

Mon propos, se déploiera autour de trois idées.

Tout d’abord, l’État de droit est un objectif à défendre et qui n’est jamais tout à fait gagné. Le principe de l’État de droit est que ce dernier doit s’appliquer à tous les niveaux de la puissance publique. Selon Tom Bingham, « toute personne ou entité publique ou privée est tenue d’obéir à la législation publiquement adoptée, prenant (en général) effet dans le futur et publiquement appliquée par les cours et tribunaux, et peut se prévaloir de ces même normes. »

Qu’est-ce qui pousse à un tel mode d’organisation des États ? À l’évidence, les aspirations des citoyens créent un besoin partagé, ou du moins qui se propage, d’un droit protecteur et auquel les États doivent répondre ou doivent s’entendre pour répondre.

Parallèlement, l’interdépendance des modes de vie fait aussi converger ce besoin. Le besoin d’un traitement équitable sous-tend une telle demande.

Ensuite, un mouvement de convergences se fait jour dans des États a priori divers. Il existe une tendance de fond visant à faire converger les États de droit dans cette direction. Les motifs de cette tendance sont à rechercher dans la préoccupation de garantir l’État de droit à tous les niveaux et pour toutes les personnes ou organes publics, et dans l’intégration et l’utilisation de règles d’organisation ayant fait leurs preuves pour assurer l’objectif ainsi fixé.

La détermination d’un ensemble de critères par la Commission de Venise permettant d’évaluer si les garanties offertes aux citoyens des États assurent le respect de l’État de droit, est révélatrice. Elle illustre à merveille, si l’on peut dire, la logique d’une « standardisation » qui procède autant d’un besoin social et citoyen que d’une sorte de démarche d’accréditation des États par d’autres États au moyen d’accords internationaux, de comparaisons mais aussi évidemment de jurisprudences rendues par des juridictions comme la Cour européenne des droits de l’homme. À ce titre, les jurisprudences apparaissent comme des évaluations pratiques de l’État de droit dans l’ensemble des pays qui coopèrent en la matière.

Enfin, il y a une nécessité de donner plus de visibilité et plus de prévisibilité aux principes et à leurs progrès. Clairement, l’État de droit est une valeur fondatrice de l’ordre international actuel tel que le revendique une majorité des États, même s’ils ne le respectent pas toujours.

C’est en effet une approche dynamique qui doit prévaloir. Votre vote, notre vote, seront déterminants pour donner plus de visibilité et plus de prévisibilité aux critères qui illustrent et, en quelque sorte, mesurent la réalisation partielle ou quasi complète d’un idéal de protection des citoyens par l’État dans l’État et au moyen du droit.

M. UYSAL (Turquie)* – La liste des critères de l’État de droit préparée par la Commission de Venise est précieuse et utile. Si nous examinons les normes qui ont été fixées, nous voyons qu’il existe un moyen de veiller à ce que ce mécanisme puisse fonctionner de façon satisfaisante. J’ai vraiment le sentiment que cette liste va renforcer la crédibilité de cette institution, la coopération avec la Commission de Venise étant indispensable pour faire progresser la prééminence du droit.

La Turquie a travaillé avec le Conseil de l’Europe et s’est efforcée de répondre à toutes ses demandes et de combler toutes les lacunes. Bien sûr, de temps à autres, des conflits se sont produits, mais une fois encore la Turquie s’est efforcée d’œuvrer de façon constructive pour surmonter toute divergence, toute difficulté, pour aplanir tout problème qui pouvait se poser.

La Commission a fait des remarques concernant la Turquie et souligné les problèmes survenus suite à l’échec du coup d’État. Ces critiques ont suscité une forte déception pour les Turcs. Un certain nombre de particularités doivent être prises en compte et examinées plus avant. Les activités terroristes mettent le pays dans une situation particulièrement difficile, que le Gouvernement turc doit gérer. Le rapport ignore totalement cette difficulté.

Nous devons travailler de façon plus positive. Il faut donner à notre pays la possibilité d’être à la hauteur des demandes qui lui sont faites, dans un esprit de coopération. Nous souhaitons une critique constructive et mettre sur pied un système démocratique opérationnel. Certes, des réformes sont nécessaires, mais j’espère que les particularités de mon pays seront prises en compte.

M. GHIMPU (République de Moldova)* – L’authenticité de la prééminence du droit, dans un pays, se voit surtout par la présence d’un régime démocratique se fondant sur les lois, les droits de l’homme et les libertés fondamentales, sans être assujetti à la volonté d’une seule personne.

Dans la République de Moldova, en ce moment même, le parquet est utilisé par Vladimir Plahotniuc, président du parti au pouvoir, le Parti démocrate, pour intimider les opposants politiques, y compris des parlementaires et des élus locaux. Le président du district de Dubăsari a été arrêté pour avoir refusé de rejoindre le Parti démocrate. De 19 députés en 2014, ce groupe parlementaire est passé à 41, puis à 55 députés, dont quatre viennent du Parti libéral. Le nombre de maires élus est passé de 300 en 2015 à plus de 600 aujourd’hui. En avril et mai 2017, deux dirigeants du Parti libéral ont été arrêtés sans aucune preuve : le ministre des Transports, M. Chirinciuc, et le maire général de Chișinău, M. Chirtoacă. La raison principale de cette arrestation était le refus du Parti libéral de soutenir certains agissements et la modification du système électoral.

Premier vice-président du Parti libéral, et vice-président du Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, M. Chirtoacă a été inculpé pour deux infractions pénales, dans des affaires fondées sur des faux témoignages émanant de subalternes, déjà arrêtés. Assigné à résidence depuis plus de quatre mois, il a été suspendu de ses fonctions de maire. Quelques jours après son arrestation, le procureur a, au mépris de la loi, démis de leurs fonctions les avocats de M. Chirtoacă. La Cour d’appel a examiné tous les recours demandant l’annulation de son arrestation sans même étudier le dossier, en se fondant uniquement sur les déclarations du procureur.

Une autre preuve du harcèlement que subit M. Chirtoacă est son inculpation pour deux infractions pénales supplémentaires, une fois de plus sans aucune preuve. Mon pays connaît de graves problèmes et de nombreuses violations de la loi. Un référendum pour démettre le maire de ses fonctions a même été engagé.

Il nous faut plus que des lois. Au-delà de leur qualité, les lois doivent être respectées et appliquées. En tant qu’ancien Président par intérim de la République de Moldova, j’ai dit que les lois de mon pays étaient de bonnes lois, mais toutes ne sont pas bien appliquées. La situation actuelle est grave. Il faut le mentionner dans la résolution.

Mme DURANTON (France) – La proposition de résolution présentée par M. Mahoux, vise à permettre à notre Assemblée d’entériner la liste des critères de l’État de droit de la Commission de Venise.

J’approuve sans réserve ce texte qui correspond à une demande ancienne de notre Assemblée. En effet, notre institution pourra ainsi disposer de critères clairs et objectifs pour évaluer la situation dans les États membres du Conseil de l’Europe ou dans les États candidats. Nos recommandations gagneront en crédibilité, dans la mesure où elles feront référence aux mêmes critères pour chaque État. Ceux-ci pourront être complétés ou précisés, mais il est important de pouvoir disposer dès à présent d’une base de travail.

Les rapports qui nous sont présentés aujourd’hui soulignent les menaces qui pèsent sur l’État de droit dans certains États membres du Conseil de l’Europe. La principale crainte concerne l’indépendance de la justice, qui est pourtant indispensable pour garantir la primauté du droit. J’ai pu me rendre dans deux de ces pays récemment : la Turquie et la Bulgarie.

Concernant la Turquie, je m’y suis notamment rendue pour observer les élections du 16 avril dernier. Les citoyens turcs devaient se prononcer dans le cadre d’un référendum sur un projet de réforme constitutionnelle. Ce projet renforce le contrôle exercé par l’exécutif sur la justice. En effet, le Président de la République désignera six des 13 membres nommés du Conseil des juges et des procureurs de la République. Les sept autres membres seront nommés par le parlement. De ce fait, aucun membre ne sera désigné par les membres de l’institution judiciaire. Après avoir osé dénoncer les conditions dans lesquelles se sont déroulées ces élections, j’ai été qualifiée de « terroriste » par les autorités turques. Vous avez en face de vous, mes chers collègues, une « terroriste ». Cela en dit long sur l’usage de ce qualificatif en Turquie. Il a justifié la suspension de 4 000 membres de l’institution judiciaire.

Je me suis également rendue en Bulgarie, en novembre 2016, pour y observer les élections présidentielles. Certes, la Bulgarie a fait de nombreux progrès depuis son adhésion à l’Union européenne en 2007. Pourtant, la révision constitutionnelle de 2015 n’a pas permis de mettre en place l’ensemble des recommandations de la Commission de Venise pour améliorer le fonctionnement de l’appareil judiciaire. Cela a même provoqué la démission du ministre de la Justice de l’époque. La Cour européenne des droits de l’homme dénonce régulièrement la durée excessive des procédures devant les tribunaux bulgares.

Mes chers collègues, face aux défis que traverse l’Europe aujourd’hui, certains gouvernements sont tentés de remettre en cause les droits et libertés que garantit la Convention européenne des droits de l’homme. Nous devons donc faire preuve de la plus grande vigilance.

LE PRÉSIDENT* – M. Blanchart et Mme Hovhannisyan, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

M. HAJDUKOVIĆ (Croatie)* – L’État de droit n’est pas seulement au cœur des valeurs portées par le Conseil de l’Europe, il est le fondement même de nos sociétés démocratiques modernes. En sapant et en menaçant l’État de droit, on sape et on menace la démocratie. Il est vital de demeurer vigilant et d’attirer l’attention sur toute personne ou toute mesure qui viserait à remettre en cause nos principes juridiques.

Les exemples retenus par nos honorables collègues Mahoux et Fabritius se limitent à quelques pays, qui ne sont pas les seuls pays confrontés aux problèmes évoqués dans les rapports. Notre organisation aurait bien de la chance si ces seuls pays étaient touchés par ce fléau ! Nul n’y échappe, malheureusement. J’invite donc instamment nos collègues issus des pays mentionnés dans les rapports à ne pas se méprendre. N’y voyez pas, chers collègues, une attaque de l’Assemblée parlementaire ou une manifestation d’hostilité, mais au contraire une critique constructive et une marque de préoccupation à votre égard. Nous voulons que vous obteniez des succès dans vos pays respectifs. Vos réussites en matière de préservation de l’État de droit seront celles de toute notre Organisation.

Je remercie et félicite à nouveau MM. Mahoux et Fabritius de leur travail qui contribue à la réflexion de l’Assemblée parlementaire et à la défense de l’État de droit dans tous les États membres.

M. TARCZYŃSKI (Pologne)* – Avant d’évoquer ces rapports et la liste des critères de l’État de droit, je vous demande, chers collègues, de regarder autour de vous. Combien de représentants sont présents dans l’hémicycle tandis que nous évoquons les droits les plus fondamentaux et la primauté du droit ? Combien d’Allemands sont présents ? Aucun. Combien de Français ? Un. Félicitations, cher collègue ! Où sont les autres, si ce sujet est si important ?

Si la primauté du droit en Pologne est si importante, où êtes-vous, représentants des pays membres du Conseil de l’Europe ? Il ne s’agit donc que de papier ! Vous devriez tous être présents pour débattre ! Les plus nombreux, en pourcentage, sont les représentants polonais. Nous sommes présents car nous sommes ouverts au dialogue et au débat, non pour mener une politique de relations publiques et subir des attaques politiques de l’Allemagne.

La prééminence du droit en Allemagne, parlons-en ! Parlons de votre pouvoir judiciaire, chers collègues allemands. Qui désigne les juges ? N’est-ce pas votre ministre de la Justice ? Si, bien sûr ! Et le pouvoir judiciaire en France ? Et ce sont là les valeurs pour lesquelles vous vous battez ? Vous êtes inquiets pour la Pologne, où un gouvernement a été démocratiquement élu ? Regardez-vous d’abord dans un miroir avant de discuter avec nous. Nous sommes ouverts à la discussion, mais ne nous infantilisez pas. Ne nous traitez pas comme des enfants attendant une récompense après avoir rangé leur chambre. Nous entendons être des partenaires. Nous ne sommes pas vos enfants. Avant de nous juger et de nous montrer du doigt, regardez-vous dans un miroir et demandez-vous comment se porte votre propre pouvoir judiciaire.

Et les Pays-Bas de M. Timmermans ? Parlons-en ! Y trouve-t-on un système judiciaire acceptable ? Regardez-vous dans un miroir et demandez-vous si des réformes ne sont pas nécessaires chez vous, chers collègues néerlandais ! Au Conseil de l’Europe, comme dans les instances de l’Union européenne, nous sommes tous égaux. Nous, représentants de la nation polonaise, sommes ouverts au dialogue. C’est pourquoi nous sommes présents. Nous voulons être partenaires de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe, si l’on veut bien nous traiter comme tels.

M. MUNYAMA (Pologne)* – J’aimerais d’abord féliciter M. Fabritius de son rapport, qui traite de cinq pays. En tant que parlementaire polonais d’opposition et professeur d’économie, je centrerai mon propos sur les conséquences des menaces pesant sur la primauté du droit en Pologne si les projets de loi restant à débattre étaient adoptés tels quels. La nécessité de réformer le système judiciaire ne fait aucun doute, car les processus judiciaires en Pologne durent bien trop longtemps, mais les textes de loi déposés au parlement sont sans doute incompatibles avec la Constitution polonaise.

La Pologne a beaucoup à perdre à leur mise en œuvre telle qu’elle est proposée par le parti conservateur Droit et Justice, en particulier la notion essentielle de séparation entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. Il en résulterait également une érosion de la confiance des citoyens dans le système judiciaire ainsi que la menace de son contrôle intégral par un seul responsable politique. Heureusement, le Président de la République a interrompu ce processus, au moins provisoirement, en opposant un veto à deux projets de loi proposés par le parti au pouvoir.

L’absence d’un système juridique stable et fort risque également de détériorer le climat des affaires, ce dont souffriraient particulièrement les petites et moyennes entreprises. La limitation des investissements nationaux et étrangers réduirait également la possibilité de créer des emplois. C’est pourquoi nous appelons les autorités polonaises à s’abstenir d’amender le projet de loi relatif au Conseil national de la magistrature en vue de modifier la procédure de désignation des juges qui en sont membres, ce qui instaurerait un contrôle politique de celle-ci. Nous les appelons par ailleurs à s’abstenir de mettre en œuvre les dispositions juridiques permettant de mettre un terme au mandat des membres du Conseil de la magistrature ou du Premier président de la Cour suprême. Nous sommes favorables à des réformes inscrites dans le cadre de la primauté du droit.

LE PRÉSIDENT* – Il nous faut maintenant interrompre l’audition des orateurs. Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent transmettre, dans les 4 heures, leur intervention dactylographiée au service de la séance, pour publication au compte rendu. Cette transmission doit être effectuée, dans la mesure du possible, par voie électronique.

Monsieur Buquicchio, il vous reste 3 minutes pour répondre aux orateurs.

M. BUQUICCHIO, président de la Commission de Venise – Mesdames et Messieurs, je vous remercie de l’appréciation positive que vous avez presque tous portée sur le travail de la Commission de Venise, dont j’estime qu’il est l’un des plus importants qu’elle ait jamais réalisé. Certains orateurs ont évoqué la possibilité d’améliorer, de compléter et de développer la liste des critères de l’État de droit. Tel est déjà notre but. Nous sommes tout à fait conscients qu’elle ne constitue pas un point final à la réflexion sur l’État de droit, qui évolue. Nous sommes donc à l’affût de toutes les nouveautés. En particulier, nous avons déjà envisagé la nécessité, rappelée par M. Howell, de prendre en compte des acteurs privés. Les prochaines éditions de cette liste tiendront compte de cette évolution.

Certains orateurs ont mis en doute l’impartialité de la Commission de Venise, affirmant qu’elle serait politiquement influencée, ce qui m’a moins plu. Je réfute en bloc ces assertions. La centaine d’hommes et de femmes qui compose la Commission de Venise sont des juristes. La Commission rassemble 61 États membres dont certains sont situés en Amérique, en Asie et en Afrique. Elle dépasse donc les frontières de l’Europe, comme l’a rappelé M. Mahoux, car certains sont en Amérique, en Asie et en Afrique. Elle réunit plus de cent constitutionnalistes. Si chacun a naturellement ses propres convictions politiques, tous sont avant tout des juristes qui disent le droit avec impartialité. Nous ne sommes pas une Cour, mais notre objectif est la démocratie par le droit. Nous sommes insensibles à toute influence politique de quelque origine que ce soit.

Je veux vous remercier, une fois encore, pour la confiance que vous nous avez témoignée. L’Assemblée parlementaire n’est pas le meilleur client, mais le meilleur partenaire de la Commission de Venise.

LE PRÉSIDENT* – C’est nous qui vous remercions, Monsieur Buquicchio, pour ces échanges du plus grand intérêt.

J’appelle la réplique de la commission.

M. FABRITIUS (Allemagne), rapporteur* – Mesdames et Messieurs, je souhaite remercier mes collègues de la commission des questions juridiques pour ces trois années de travail. Je remercie également les experts qui ont fait un rapport détaillé sur la situation dans leur pays. Je m’associe bien évidemment aux valeurs dont l’importance a été souligné et au soutien réaffirmé à la Commission de Venise.

Plus particulièrement, je suis d’accord avec M. Howell, qui a affirmé qu’il s’agissait d’une base utile pour de futures consultations. Monsieur Marukyan, vous avez demandé une réaction forte à chaque menace à la prééminence du droit. Je suis d’accord avec vous, mais je pense que les recommandations du rapport sont tout à fait équilibrées : sans être paternalistes, elles constituent un accompagnement utile.

Monsieur Kürkçü, vous avez confirmé, à propos de la Turquie, qu’aucune stigmatisation n’est contenue dans ce rapport. C’est vrai ! Son but n’est pas de stigmatiser tel ou tel pays. Nous nous sommes efforcés au contraire de proposer un examen factuel de la situation. Vous avez également demandé que la liste des États puisse être prolongée, ce qui est bien sûr possible. J’ai expliqué dans mon introduction comment ces pays ont été choisis. J’invite tous mes collègues à déposer des propositions, ce qui permettrait de soumettre d’autres pays au même examen.

Je suis désolé que M. Corlăţean ne soit plus dans la salle. Il se dit déçu de la sélection des pays. Il a répété la critique selon laquelle le rapporteur ferait du Conseil de l’Europe un terrain de bataille. Mais c’est le contraire qui est vrai ! Nous avons évité que la bataille politique de Roumanie ne soit menée ici. Si notre collègue était encore présent, je l’aurais renvoyé à l’article 3 qui permettrait de lever l’immunité parlementaire de certains politiciens roumains. Cela aurait été particulièrement utile quand certains politiciens ont été protégés par leurs partis politiques. M. Corlăţean a critiqué les abus de procédure et il demande le respect de la Cour constitutionnelle roumaine, comme le rapport lui-même. La Direction nationale anticorruption est également importante et constitue un excellent exemple de bonne pratique. Le travail qui a été accompli déplaît à certains élus haut placés qui sont critiqués et qui ensuite essaient de discréditer cette institution, mais nous avons pris une position très claire sur ce point dans le rapport.

Madame Şahin Usta, vous dites que les exemples turcs sont faux. Malheureusement, ils sont vrais, comme l’ont confirmé les experts. Je déplore de n’avoir pas eu l’occasion de parler avec les représentants de votre pays en Turquie. Cela aurait peut-être permis d’obtenir des explications. Cependant, lorsqu’un pays refuse l’accès à un rapporteur, cela constitue aussi une information sur l’État de droit dans le pays et cela a des conséquences. Je me suis déjà exprimé à ce propos.

Je remercie M. Venizelos pour ses remerciements, qui me touchent particulièrement étant donné son expérience. J’adresse les mêmes remerciements à Mme Gorghiu, qui a confirmé les résultats du rapport. Vous avez parlé des Roumains ; je vous en suis reconnaissant, Madame, car nous savons que votre pays a une société civile très active, ce qui est très important. Vous avez parlé des modifications voulues par le ministre de la Justice, qui me préoccupent moi aussi beaucoup, car elles constituent l’étape suivante vers le placement du pouvoir judiciaire sous le contrôle du pouvoir exécutif. Nous n’avons pas tenu compte de ces modifications dans le rapport parce qu’elles ont été annoncées après son élaboration. Cependant, il faudra être vigilant à l’avenir.

Monsieur Ghimpu, vous avez parlé de M. Plahotniuc et des difficultés qu’il pose à la République de Moldova. Nous sommes informés du harcèlement que subit le maire de Chișinău, qui a été arrêté ; je ne peux que le confirmer. Tout cela montre que les recommandations du rapport qui s’adresse à la République de Moldova sont pertinentes.

Monsieur Hajduković, vous avez critiqué le fait que trop peu de pays sont visés par ce rapport. Vous êtes un jeune collègue, je vous invite à déposer des propositions. Choisissez d’autres pays, rédigez des rapports : vous verrez que ce travail est très intéressant. Il est toujours intéressant d’examiner l’état de la prééminence du droit.

Monsieur Tarczyński, votre intervention était animée et certes intéressante, mais nous ne sommes pas ici pour faire le spectacle et puis mettre notre discours sur YouTube, comme cela a déjà pu arriver. Vous confirmez ce que les experts ont dit à propos de la Pologne : les tendances non démocratiques sont précisément le problème évoqué dans ce rapport. Je vous invite à approuver ce rapport avec les amendements déposés par la commission.

M. MAHOUX (Belgique), rapporteur – Le débat que nous venons d’avoir montre de manière extrêmement éclairante la nécessité de disposer d’une liste de critères de l’État de droit. Elle doit être intégrée au travail de notre Assemblée, dans la commission du suivi, dans la commission juridique, de telle manière que nous ayons tous les mêmes références. Cela n’enlève rien au pouvoir d’appréciation des uns et des autres sur le degré d’application ou de non application des critères de l’État de droit dans nos différents pays. Au moins, il existera un corpus partagé par tous.

Ensuite, les critères de l’État de droit ne constituent pas un livre, une espèce de grimoire qui deviendra poussiéreux, une pharmacopée, une référence ancienne. Ils constituent quelque chose de vivant, et par conséquent il faut que ces critères soient utilisés de manière régulière.

Il existe plusieurs manières de mettre en doute la Commission de Venise ou de tenter de l’affaiblir, ce dont nous avons pu nous apercevoir au cours de notre débat. Une première attaque consiste à critiquer sa neutralité. Les réponses que donne la Commission de Venise lorsqu’on lui demande un avis ne plaisent pas à tout le monde, mais, en tout état de cause, ils sont basés sur une analyse juridique.

Une deuxième manière de mettre en péril la Commission de Venise, qui est malheureusement actuelle, car nous avons appris récemment une suppression de financement, consiste à l’assécher sur le plan financier. Permettez-moi donc de rappeler que, pour que le travail soit effectué, non pas en fonction des rémunérations qui seraient plantureuses, mais simplement pour permettre un fonctionnement clair, net et précis, il est indispensable que la Commission de Venise soit financée de manière suffisante. En effet, nous la sollicitons de manière régulière : son financement doit lui permettre de continuer ce travail tellement précieux pour nous tous.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – Tout d’abord, au nom de la commission, j’indiquerai que nous sommes très fiers des deux rapports qui témoignent d’un travail très professionnel et approfondi.

Concernant le premier rapport sur la liste des critères de l’État de droit de la Commission de Venise, l’État de droit n’est plus désormais une notion abstraite, puisque nous avons entre les mains un petit fascicule extraordinairement précieux. Vous y trouverez précisément décrite l’expression d’« État de droit ». Vous comprendrez quels en sont les piliers.

Je partage totalement le point de vue de l’éminent président de la Commission de Venise, M. Buquicchio. Cet hémicycle ne doit pas seulement entériner l’utilisation de cette liste. Il faut encourager nos États membres à la suivre. Nous devons aussi veiller au suivi de sa mise en œuvre et à celui des recommandations de la Commission de Venise. C’est en 2012 que la Commission de Venise a décidé d’engager les travaux sur cette liste et c’est, dès 2016, que nous avons reçu des éléments très circonstanciés. Nous vous en remercions.

Je souhaite également rendre hommage au membre éminent de notre commission qu’est M. Mahoux qui siège, pour la dernière fois, dans notre Assemblée. Cher Philippe, vous avez toujours été un pilier de l’Assemblée parlementaire et un pilier de notre commission. Vous avez droit à toute notre reconnaissance. Je veux vous remercier, au nom de la commission, pour votre précieuse contribution à nos travaux.

Le premier rapport a été adopté à l’unanimité par la commission. Nous en approuvons entièrement le contenu. D’ailleurs, aucun amendement au projet de résolution n’a été présenté. J’espère qu’il obtiendra un large soutien.

Quant au second rapport, je redirai que le rapporteur a bénéficié du plein soutien de la commission tout au long de l’exercice de son mandat. M. Fabritius fournit de nombreux exemples concrets d’application de la liste des critères de l’État de droit de la Commission de Venise. La tâche consistant en l’identification de questions très pratiques n’était pas aisée. Comment dresser des recommandations critiques utiles à ces différents pays ? Chers collègues, ne montrez pas du doigt notre commission qui a retenu ces cinq pays. Nous savons tous que d’autres pays connaissent parfois des problèmes pires que ceux décrits et retenus dans le rapport. N’y voyez donc pas autre chose qu’un choix pour lequel il nous a bien fallu trancher. J’espère que vous apporterez votre soutien au rapport.

LE PRÉSIDENT – La discussion générale est close.

Nous en venons au premier rapport sur la « “Liste des critères de l’État de droit” de la Commission de Venise (Doc. 14387) ».

La commission des questions juridiques a présenté un projet de résolution sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14387.

Le projet de résolution est adopté (51 voix pour, 8 voix contre, 0 abstention).

LE PRÉSIDENT – Nous en venons au second rapport sur les « Nouvelles menaces contre la primauté du droit dans les États membres du Conseil de l’Europe » (Doc. 14405).

La commission des questions juridiques a présenté un projet de résolution sur lequel 23 amendements ont été déposés.

J’ai cru comprendre que l’amendement 10 a été adopté à l’unanimité par la commission des questions juridiques. Toutefois, cet amendement ayant fait l’objet d’un sous-amendement, il sera discuté selon les modalités habituelles.

Les amendements seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Je rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisi de l’amendement 10 qui fait l’objet d’un sous-amendement oral de la commission.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – Il est défendu, sous réserve de l’adoption du sous-amendement oral.

LE PRÉSIDENT – La Présidence a été saisie par la commission des questions juridiques du sous-amendement oral suivant : « À l’alinéa 2 de l’amendement 10, après les mots “politiques gouvernementales”, supprimer la fin de l’alinéa ».

Je considère que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en compte si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

M. FABRITIUS (Allemagne), rapporteur* – Ce sous-amendement tend à éviter que des pays particuliers ne soient visés.

Le sous-amendement oral est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous revenons à l’amendement 10, ainsi sous-amendé. L’avis de la commission est bien entendu favorable.

L’amendement 10, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 15.

M. TARCZYŃSKI (Pologne)* – Le texte parle de cinq États membres. Je souhaite simplement que l’on remplace le mot « cinq », par le mot « quatre ». On ne peut pas placer la Pologne dans le même sac que les autres pays.

M. TRUSKOLASKI (Pologne)* – C’est triste à dire, mais il s’agit bien de cinq pays – la République de Moldova, la Roumanie, la Turquie, la Bulgarie et la Pologne. Indiquer qu’il s’agit de quatre pays, et non de cinq, ne suffira pas à dissimuler que le Gouvernement polonais cherche à limiter l’indépendance de la justice.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – La commission a rejeté cet amendement à une très large majorité.

L’amendement 15 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 16.

M. TARCZYŃSKI (Pologne)* – L’amendement vise à supprimer, au paragraphe 5 du projet de résolution, les mots : « la Pologne ». Je ne vois pas pourquoi ce pays apparaît aux côtés de la Turquie et d’autres encore. Il faut discuter de la Pologne séparément.

M. TRUSKOLASKI (Pologne)* – Supprimer la mention de la Pologne ne changera rien au fait que le gouvernement empiète sur l’indépendance du pouvoir judiciaire ! Je lance un appel au parti au pouvoir : arrêtez de violer la loi ! L’Europe vous regarde.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – La commission s’est opposée à cet amendement à une large majorité.

L’amendement 16 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 20. Si cet amendement est adopté, les amendements 17 et 18 n’ont plus d’objet.

M. DİŞLİ (Turquie)* – Le rapport est censé être thématique : dans ces conditions, il n’est pas convenable de n’adresser des recommandations qu’à quelques pays. L’objectif du rapport devrait être d’identifier les menaces contre la primauté du droit et de formuler des recommandations de portée générale à tous les États membres du Conseil de l’Europe.

M. FABRITIUS (Allemagne)*, rapporteur – Le rapport reflète les propos qui nous ont été tenus par les experts lors de leur audition. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – La commission a rejeté cet amendement à une large majorité.

L’amendement 20 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 17.

M. TARCZYŃSKI (Pologne)* – L’amendement 17 vise à supprimer les mots : « en Pologne » au cinquième paragraphe du projet de résolution. Si c’est « principalement en Bulgarie », comme le texte le précise, que la Pologne vient-elle faire ici ? Je ne vois pas la logique.

M. TRUSKOLASKI (Pologne)* – Je ne suis pas d’accord. Le Gouvernement polonais a tout fait pour réformer la Cour suprême et la magistrature, pour limiter l’indépendance de ces instances et les politiser. Seule la mobilisation extraordinaire de la population polonaise a permis de protéger les juridictions.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – Avis défavorable de la commission à une large majorité.

L’amendement 17 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 18.

M. TARCZYŃSKI (Pologne)* – L’amendement tend, dans le paragraphe 5 du projet de résolution, à supprimer les mots : « ou aux tentatives faites en ce sens (Pologne) ». De quelle sorte de tentatives s’agit-il ? Sans explications, ce n’est pas acceptable.

M. TRUSKOLASKI (Pologne)* – On ne peut pas nier les faits. On ne peut pas dire qu’il n’y a pas eu de tentatives de purge des juges. Heureusement, des mouvements civiques se sont mobilisés et seule cette mobilisation a empêché ces tentatives, qui ont bel et bien eu lieu, d’aboutir. J’ai bien peur que la prochaine fois que nous nous réunirons ici nous ne parlions plus de simples tentatives, mais d’une révocation massive des juges polonais !

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – La commission s’est prononcée contre cet amendement à une large majorité.

L’amendement 18 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 19. Si cet amendement est adopté, les amendements 12 et 13 n’ont plus d’objet.

M. TARCZYŃSKI (Pologne)* – Cet amendement tend à supprimer le paragraphe 8.1 du projet de résolution. Celui-ci indique en effet que l’Assemblée en appelle aux autorités polonaises. Mais de quelle manière ? Nous sommes vos partenaires dans le dialogue !

M. TRUSKOLASKI (Pologne)* – L’Assemblée en appelle aux autorités et au Gouvernement polonais pour qu’ils s’abstiennent d’organiser un référendum qui menace la prééminence du droit. Vous avez vous-même dit qu’il n’existait aucun projet de ce genre. Dans ce cas, il ne coûte rien de garder le paragraphe et d’attendre de voir ce qu’il se passera dans l’avenir.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – La commission a rejeté cet amendement à une large majorité.

L’amendement 19 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 12.

M. TRUSKOLASKI (Pologne)* – Un projet de loi relatif au Conseil national de la magistrature tend à donner au Parlement polonais le pouvoir de sélection des membres de ce conseil. Une telle proposition est inconstitutionnelle et ne fait qu’élargir le contrôle politique sur le processus de nomination des juges.

M. TARCZYŃSKI (Pologne)* – Il est un peu difficile de comprendre l’anglais de M. Truskolaski, mais je ne comprends même pas ses idées politiques ! D’abord, M. Truskolaski n’est pas le tribunal constitutionnel, et il ne lui appartient pas de décider de la constitutionnalité des textes ! Ensuite, le président a exercé son veto sur le projet de loi et il n’est donc pas en lecture devant le parlement. Alors, pourquoi cet amendement ? Cela n’a pas de sens !

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – La commission a adopté cet amendement à une large majorité.

L’amendement 12 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 13.

M. TRUSKOLASKI (Pologne)* – Le mandat des membres du Conseil national de la magistrature de la Pologne est garanti par la Constitution. Il s’agit donc de préciser dans le texte que toute tentative de modifier cette disposition doit être comprise comme une volonté de limiter les pouvoirs des juges.

M. TARCZYŃSKI (Pologne)* – Il n’y a pas le début de l’ombre d’une preuve montrant que le travail des juges est limité. Comment pouvons-nous discuter d’un tel texte alors que le parlement n’a pas approuvé de loi sur cette question ? Les textes sont sur le bureau du Président, mais ils n’existent pas encore à proprement parler.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – La commission a approuvé cet amendement à une large majorité.

L’amendement 13 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 14.

M. MAHOUX (Belgique), rapporteur – Il s’agit, une fois encore, de saisir la Commission de Venise, cette fois sur des questions touchant au droit pénal et à la Cour suprême.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – La commission a adopté cet amendement à une large majorité.

L’amendement 14 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 1.

Mme BRASSEUR (Luxembourg)* – Je saisis l’occasion qui m’est donnée pour remercier le président de la Commission de Venise, M. Buquicchio, et Mme Simona Granata-Menghini, pour le travail formidable que réalise l’institution.

Je remercie également notre collègue Philippe Mahoux, qui ne sera plus parmi nous à la prochaine partie de session. (Continuant en français) Merci, Philippe, vous avez fait un travail remarquable.

(Reprenant en anglais) L’amendement 1 est défendu.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – Avis favorable de la commission à une large majorité.

L’amendement 1 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 2.

Mme BRASSEUR (Luxembourg)* – Il s’agit d’une précision qui me paraît importante.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – La commission a accepté cet amendement à une large majorité.

L’amendement 2 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 3.

Mme BRASSEUR (Luxembourg)* – Il s’agit d’insérer, à la fin du paragraphe 9.3 du projet de résolution, les mots «, en s’abstenant tout particulièrement de légiférer abusivement au moyen des ordonnances d’urgence ». Cela se passe d’explications.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – La commission s’est déclarée favorable à l’amendement à une large majorité.

L’amendement 3 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 4.

Mme BRASSEUR (Luxembourg)* – L’adjectif « remarquable » tend à faire référence à l’action de la Direction nationale de lutte contre la corruption.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – Avis favorable de la commission à une large majorité.

L’amendement 4 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 5. S’il est adopté, l’amendement 23 n’a plus d’objet.

Mme BRASSEUR (Luxembourg)* – Cet amendement se justifie par son texte même.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – La commission a adopté cet amendement à une large majorité.

L’amendement 5 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – En conséquence, l’amendement 23 n’a plus d’objet.

Je suis saisi de l’amendement 6.

Mme BRASSEUR (Luxembourg)* – Il est défendu.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – La commission s’est déclarée favorable à cet amendement à une large majorité.

L’amendement 6 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 7.

Mme BRASSEUR (Luxembourg)* – Il est défendu.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – Avis favorable de la commission à une large majorité.

L’amendement 7 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 8.

Mme BRASSEUR (Luxembourg) – Il s’agit de faire en sorte que l’état d’urgence soit levé « dès que possible ».

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – La commission a approuvé l’amendement à une large majorité.

L’amendement 8 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 21.

M. DİŞLİ (Turquie)* – Il convient de supprimer le paragraphe 10. 2 du projet de résolution, car le fait de reconsidérer les amendements à la Constitution serait contraire au résultat du référendum.

M. FABRITIUS (Allemagne), rapporteur* – Je suis opposé à cet amendement. Ainsi que l’ont indiqué les experts, il faut justement parvenir à une séparation des pouvoirs en Turquie.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – L’amendement a été rejeté par la commission à une large majorité.

L’amendement 21 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 22. S’il est adopté, l’amendement 9 n’a plus d’objet.

M. DİŞLİ (Turquie)* – Les fonctionnaires qui ont pris part aux activités de l’organisation terroriste gülleniste doivent être révoqués. C’est une mesure juste et nécessaire s’ils ont pris part à la tentative de coup d’État. En outre, une commission d’inspection a été établie afin précisément de surveiller les actes pris dans le cadre des décrets d’urgence et qui permettent un contrôle juridictionnel.

M. FABRITIUS (Allemagne), rapporteur* – Je suis fortement opposé à cet amendement. Ce sont des dizaines de milliers de personnes qui ont été révoquées. Cela n’a rien à voir avec un État de droit. On ne peut révoquer ainsi des milliers de personnes et leur dire ensuite qu’elles doivent attendre qu’une commission vérifie ce qu’il en est de leur affaire.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – L’amendement a été rejeté par la commission à une large majorité.

L’amendement 22 n’est pas adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 9.

Mme FINCKH-KRÄMER (Allemagne)* – Il s’agit de préciser que des juges ou des procureurs n’ont pas été les seuls à être révoqués. D’autres fonctionnaires l’ont également été.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – Avis favorable de la commission à une large majorité.

L’amendement 9 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 11, qui fait l’objet d’un sous-amendement oral.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – L’Assemblée parlementaire regrette profondément que certains États membres envisagent d’introduire des instruments juridiques visant à empêcher la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme.

LE PRÉSIDENT* – La commission des questions juridiques a présenté un sous-amendement oral qui tend, à l’alinéa 2 de l’amendement 11, après les mots « L’Assemblée regrette profondément que » à rédiger ainsi la fin de l’alinéa : « certains États membres envisagent d’introduire des instruments juridiques pour empêcher la mise en œuvre des arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme. »

Je considère que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en compte si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent, et se lèvent.

Il n’y a pas d’objection.

M. FABRITIUS (Allemagne), rapporteur* – Il s’agit, par ce sous-amendement oral, non pas de viser un pays, mais d’énoncer un principe général.

Le sous-amendement oral est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous revenons à l’amendement 11 ainsi sous-amendé.

Mme SOTNYK (Ukraine), présidente de la commission* – Avis favorable de la commission à une large majorité.

L’amendement 11, sous-amendé, est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14405, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (42 voix pour, 9 voix contre et 1 abstention).

3. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT* – La prochaine séance publique aura lieu demain à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 20 h 30.

SOMMAIRE

1. Appel pour un Sommet du Conseil de l’Europe afin de réaffirmer l’unité européenne et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe

Défendre l’acquis du Conseil de l’Europe : préserver le succès de 65 ans de coopération intergouvernementale

(Débat conjoint)

Présentation par M. Nicoletti du rapport de la commission des questions politiques (Doc. 14396)

Présentation par M. Kox du rapport de la commission du Règlement (Doc. 14406)

Orateurs : Mmes Hovhannisyan, De Sutter, Earl of Dundee, MM. Michael Aastrup Jensen, Loucaides, Mme Hopkins, M. Blanchart, Mmes Grozdanova, Karamanli, Yaşar, Sotnyk, MM. Reiss, Hajduković, Ariev, Geraint Davies, Mmes Christoffersen, Gambaro, MM. Melkumyan, Grin, Fournier, Kandelaki, Rustamyan, Mme Topcu, MM. De Bruyn, Herkel, Stevanović, Lupu, Venizelos, Tilson

Réponses de MM. les rapporteurs, de Mme la présidente de la commission du Règlement et de M. Korodi, vice-président de la commission des questions politiques

Vote sur un projet de résolution amendé

Vote sur un projet de recommandation amendé

Vote sur un projet de recommandation

2. « Liste des critères de l’État de droit » de la Commission de Venise

Nouvelles menaces contre la primauté du droit dans les États membres du Conseil de l’Europe 
– exemples sélectionnés

(Débat conjoint)

Présentation par M. Mahoux du rapport de la commission des questions juridiques (Doc. 14387)

Présentation par M. Fabritius du rapport de la commission des questions juridiques (Doc. 14405)

Intervention de M. Buquicchio, président de la Commission de Venise

Orateurs : MM. Efstathiou, Howell, Marukyan, Kürkçü, Corlăţean, Mmes Hoffmann, Şahin Usta, MM. Dişli, Venizelos, Mmes Gorghiu, Karamanli, MM. Uysal, Ghimpu, Mme Duranton, MM. Hajduković, Tarczinski, Munyama

Réponses de M. le président de la Commission de Venise, de MM. les rapporteurs et de Mme la présidente de la commission des questions juridiques

Vote sur un projet de résolution

Vote sur un projet de résolution amendé

3. Prochaine séance publique

Appendix / Annexe

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure. The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l'article 12.2 du Règlement. Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.

ÅBERG, Boriana [Ms]

AHMED-SHEIKH, Tasmina [Ms]

AMON, Werner [Mr]

ARIEV, Volodymyr [Mr]

ARNAUT, Damir [Mr]

BADEA, Viorel Riceard [M.] (BRĂILOIU, Tit-Liviu [Mr])

BARNETT, Doris [Ms]

BARTOS, Mónika [Ms] (CSÖBÖR, Katalin [Mme])

BATRINCEA, Vlad [Mr]

BAYKAL, Deniz [Mr]

BEREZA, Boryslav [Mr]

BERNACKI, Włodzimierz [Mr]

BĒRZINŠ, Andris [M.]

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BİLGEHAN, Gülsün [Mme]

BILOVOL, Oleksandr [Mr] (LABAZIUK, Serhiy [Mr])

BLANCHART, Philippe [M.]

BLONDIN, Maryvonne [Mme]

BRASSEUR, Anne [Mme]

BRUIJN-WEZEMAN, Reina de [Ms] (MULDER, Anne [Mr])

BRUYN, Piet De [Mr]

BUDNER, Margareta [Ms]

BUSHATI, Ervin [Mr]

BUSTINDUY, Pablo [Mr] (BALLESTER, Ángela [Ms])

BUTKEVIČIUS, Algirdas [Mr]

ČERNOCH, Marek [Mr] (MARKOVÁ, Soňa [Ms])

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

CIMOSZEWICZ, Tomasz [Mr] (POMASKA, Agnieszka [Ms])

CORLĂŢEAN, Titus [Mr]

CORSINI, Paolo [Mr]

D'AMBROSIO, Vanessa [Ms]

DAMYANOVA, Milena [Mme]

DAVIES, Geraint [Mr]

DE TEMMERMAN, Jennifer [Mme]

DESTREBECQ, Olivier [M.]

DİŞLİ, Şaban [Mr]

DIVINA, Sergio [Mr]

DUNDEE, Alexander [The Earl of] [ ]

DURANTON, Nicole [Mme]

EBERLE-STRUB, Susanne [Ms]

EFSTATHIOU, Constantinos [M.] (KYRIAKIDES, Stella [Ms])

ESTRELA, Edite [Mme] (ROSETA, Helena [Mme])

FABRITIUS, Bernd [Mr] (OBERMEIER, Julia [Ms])

FAZZONE, Claudio [Mr] (BERNINI, Anna Maria [Ms])

FIALA, Doris [Mme]

FILIPOVSKI, Dubravka [Ms] (ZZ...)

FINCKH-KRÄMER, Ute [Ms]

FISCHER, Axel [Mr]

FOURNIER, Bernard [M.]

GALE, Roger [Sir]

GAMBARO, Adele [Ms]

GERASHCHENKO, Iryna [Mme]

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GHIMPU, Mihai [Mr]

GIRO, Francesco Maria [Mr]

GODSKESEN, Ingebjørg [Ms] (WOLD, Morten [Mr])

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GONCHARENKO, Oleksii [Mr]

GORGHIU, Alina Ștefania [Ms]

GOUTTEFARDE, Fabien [M.]

GRECH, Etienne [Mr] (CUTAJAR, Rosianne [Ms])

GRIN, Jean-Pierre [M.] (MÜLLER, Thomas [Mr])

GROTH, Annette [Ms] (WERNER, Katrin [Ms])

GROZDANOVA, Dzhema [Ms]

GÜNAY, Emine Nur [Ms]

GUTIÉRREZ, Antonio [Mr]

GUZENINA, Maria [Ms]

HAJDUKOVIĆ, Domagoj [Mr]

HANŽEK, Matjaž [Mr] (ŠKOBERNE, Jan [Mr])

HEER, Alfred [Mr]

HERKEL, Andres [Mr] (NOVIKOV, Andrei [Mr])

HIGGINS, Alice-Mary [Ms] (CROWE, Seán [Mr])

HOFFMANN, Rózsa [Mme] (VEJKEY, Imre [Mr])

HOLÍK, Pavel [Mr] (BENEŠIK, Ondřej [Mr])

HONKONEN, Petri [Mr] (ANTTILA, Sirkka-Liisa [Ms])

HOPKINS, Maura [Ms]

HOVHANNISYAN, Arpine [Ms]

HOWELL, John [Mr]

HUNKO, Andrej [Mr]

HUSEYNOV, Rafael [Mr]

JENSEN, Michael Aastrup [Mr]

JOHNSSON FORNARVE, Lotta [Ms] (KARLSSON, Niklas [Mr])

KALMARI, Anne [Ms]

KANDELAKI, Giorgi [Mr] (BAKRADZE, David [Mr])

KARAMANLI, Marietta [Mme] (GAILLOT, Albane [Mme])

KERESTECİOĞLU DEMİR, Filiz [Ms]

KESİCİ, İlhan [Mr]

KLEINBERGA, Nellija [Ms] (LAIZĀNE, Inese [Ms])

KORODI, Attila [Mr]

KOVÁCS, Elvira [Ms]

KOX, Tiny [Mr]

KÜÇÜKCAN, Talip [Mr]

KÜRKÇÜ, Ertuğrul [Mr]

L OVOCHKINA, Yuliya [Ms]

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LĪBIŅA-EGNERE, Inese [Ms]

LOUCAIDES, George [Mr]

LOUHELAINEN, Anne [Ms] (PACKALÉN, Tom [Mr])

LOUIS, Alexandra [Mme]

LUCHERINI, Carlo [Mr] (BERTUZZI, Maria Teresa [Ms])

LUPU, Marian [Mr] (BULIGA, Valentina [Mme])

MAHOUX, Philippe [M.]

MALLIA, Emanuel [Mr]

MARUKYAN, Edmon [Mr] (FARMANYAN, Samvel [Mr])

MAURY PASQUIER, Liliane [Mme]

MEALE, Alan [Sir]

MEIMARAKIS, Evangelos [Mr]

MELKUMYAN, Mikayel [M.] (ZOHRABYAN, Naira [Mme])

MERGEN, Martine [Mme] (HETTO-GAASCH, Françoise [Mme])

MUNYAMA, Killion [Mr] (HALICKI, Andrzej [Mr])

NĚMCOVÁ, Miroslava [Ms] (ZELIENKOVÁ, Kristýna [Ms])

NICOLETTI, Michele [Mr]

OBRADOVIĆ, Jasmina [Ms] (BOJIĆ, Milovan [Mr])

OBRADOVIĆ, Marija [Ms]

OBRADOVIĆ, Žarko [Mr]

OHLSSON, Carina [Ms]

ÖNAL, Suat [Mr]

O'REILLY, Joseph [Mr]

PALLARÉS, Judith [Ms]

PANTIĆ PILJA, Biljana [Ms]

POCIEJ, Aleksander [M.] (KLICH, Bogdan [Mr])

POSTOICO, Maria [Mme] (VORONIN, Vladimir [M.])

PREDA, Cezar Florin [M.]

PSYCHOGIOS, Georgios [Mr] (KAVVADIA, Ioanneta [Ms])

REISS, Frédéric [M.] (ABAD, Damien [M.])

RIBERAYGUA, Patrícia [Mme] (JORDANA, Carles [M.])

RUSTAMYAN, Armen [M.]

ŞAHİN USTA, Leyla [Ms]

SALMOND, Alex [Mr]

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHNEIDER-SCHNEITER, Elisabeth [Mme] (LOMBARDI, Filippo [M.])

SCHOU, Ingjerd [Ms]

SCHWABE, Frank [Mr]

ŠEPIĆ, Senad [Mr]

SHARMA, Virendra [Mr]

SILVA, Adão [M.]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

SOTNYK, Olena [Ms]

STELLINI, David [Mr]

STEVANOVIĆ, Aleksandar [Mr]

STROE, Ionuț-Marian [Mr]

TAQUET, Adrien [M.] (TRISSE, Nicole [Mme])

TARCZYŃSKI, Dominik [Mr]

THIÉRY, Damien [M.]

TOPCU, Zühal [Ms]

TORNARE, Manuel [M.] (FRIDEZ, Pierre-Alain [M.])

TRUSKOLASKI, Krzysztof [Mr]

ULLRICH, Volker [Mr] (HENNRICH, Michael [Mr])

UYSAL, Burhanettin [Mr] (BABAOĞLU, Mehmet [Mr])

VÁHALOVÁ, Dana [Ms]

VARVITSIOTIS, Miltiadis [Mr] (BAKOYANNIS, Theodora [Ms])

VEN, Mart van de [Mr]

VENIZELOS, Evangelos [M.] (CHRISTODOULOPOULOU, Anastasia [Ms])

VERCAMER, Stefaan [M.]

WALLINHEIMO, Sinuhe [Mr] (PELKONEN, Jaana Maarit [Ms])

WENAWESER, Christoph [Mr]

WIECHEL, Markus [Mr] (NISSINEN, Johan [Mr])

WOJTYŁA, Andrzej [Mr]

WURM, Gisela [Ms]

XUCLÀ, Jordi [Mr] (GARCÍA ALBIOL, Xavier [Mr])

YAŞAR, Serap [Mme]

YEMETS, Leonid [Mr]

ZINGERIS, Emanuelis [Mr]

Also signed the register / Ont également signé le registre

Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter

BYRNE, Liam [Mr]

CORREIA, Telmo [M.]

GOLUB, Vladyslav [Mr]

JANSSON, Eva-Lena [Ms]

NAUDI ZAMORA, Víctor [M.]

SUTTER, Petra De [Ms]

Observers / Observateurs

TILSON, David [Mr]

WHALEN, Nick [Mr]

Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie

AMRAOUI, Allal [M.]

CHAGAF, Aziza [Mme]

EL FILALI, Hassan [M.]

EL MOKRIE EL IDRISSI, Abouzaid [M.]

HAMIDINE, Abdelali [M.]

LABLAK, Aicha [Mme]

SABELLA, Bernard [Mr]

Representatives of the Turkish Cypriot Community (In accordance to Resolution 1376 (2004) of

the Parliamentary Assembly)/ Représentants de la communauté chypriote turque

(Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

Mehmet ÇAĞLAR

Erdal ÖZCENK