FR17CR34

AS (2017) CR 34

SESSION ORDINAIRE DE 2017

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(Quatrième partie)

COMPTE RENDU

de la trente-quatrième séance

Jeudi 12 octobre 2017 à 10 heures

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 10 h 10 sous la présidence de Mme Kyriakides, Présidente de l’Assemblée.

LA PRÉSIDENTE* – La séance est ouverte.

1. Modifications dans la composition des commissions

LA PRÉSIDENTE* – Des propositions de modifications dans la composition des commissions ont été publiées dans le document Commissions (2017) 07 Addendum 4.

Ces modifications sont adoptées.

2. La nouvelle loi ukrainienne sur l’éducation: une entrave majeure à l’enseignement
des langues maternelles des minorités nationales
(Débat selon la procédure d’urgence)

LA PRÉSIDENTE* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion, selon la procédure d’urgence, du rapport de M. Andres Herkel, au nom de la commission de la culture, sur «La nouvelle loi ukrainienne sur l’éducation: une entrave majeure à l’enseignement des langues maternelles des minorités nationales» (Doc. 14415).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes.

Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 11 h 30. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 11 heures, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. HERKEL (Estonie), rapporteur de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias* – L’Assemblée a décidé de tenir ce débat d’urgence lundi matin. La question porte sur le droit des minorités à avoir un enseignement dans leur langue. Nous avons dû travailler dans l’urgence pour nous familiariser avec le sujet et examiner ses tenants et ses aboutissants.

Quand une loi aussi controversée est adoptée, en l’occurrence à la Verkhovna Rada ukrainienne, une solution existe pour éviter des débats acharnés: soumettre le projet de loi pour avis à la Commission de Venise. Ce ne fut pas le cas. Cette dernière a été saisie a posteriori, et elle ne rendra son avis qu’à la fin de l’année ou au début de l’année prochaine. En tant que rapporteur, ma situation est donc délicate. Je suis en effet dans l’embarras: si nous adoptons des positions trop tranchées, nous risquons d’être en porte-à-faux avec les conclusions de la Commission de Venise.

Les paragraphes 17 et 18 de l’exposé des motifs rappellent qu’en 2011, la Commission de Venise a rendu un avis sur un projet de loi relatif aux principes de la politique de l’Ukraine concernant la langue officielle. À l’époque, la question était d’assurer la prééminence de la langue ukrainienne comme seule langue officielle et, ainsi, une plus grande cohérence linguistique de l’État. Face à la loi actuelle, la Commission de Venise s’inspirera sûrement de cet avis de 2011. Cela dit, devant ce nouveau texte, les inquiétudes des collègues roumains ou hongrois sont compréhensibles.

J’ai pour ma part essayé d’être aussi pondéré que possible et de trouver un point d’équilibre. Mes principales conclusions sont présentées aux paragraphes 4, 5 et 6 du projet de résolution avec l’énoncé de trois principes. Premièrement, la connaissance de la langue officielle d’un État est un facteur de cohésion sociale et d’intégration et il est légitime pour cet État de promouvoir l’apprentissage de la langue officielle. Deuxièmement, comme l’a déjà déclaré le Comité consultatif sur la Convention-cadre, la langue est une composante essentielle de l’identité individuelle et collective; il faut donc prévoir des dispositions ad hoc. Troisièmement, je rappelle le principe de la non-discrimination.

Le problème est que l’accent est mis sur un enseignement monolingue, avec quelques possibilités d’enseigner les langues minoritaires. C’est une innovation par rapport aux vingt dernières années. Comme le processus est compliqué avec une période transitoire de trois ans, il est difficile de se faire une idée sur la question. Dans ce projet de résolution et dans les amendements, ces incertitudes transparaissent, tout comme les inquiétudes, compréhensibles, de mes collègues.

Sachant que, dans la liste des porte-parole des groupes et des orateurs, deux groupes se distinguent clairement – les partisans de l’Ukraine et ceux des pays voisins, Roumanie, Hongrie ou autres –, il sera certainement difficile de faire la part des choses.

LA PRÉSIDENTE* – Monsieur le rapporteur, il vous restera 7 minutes pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. CORLĂŢEAN (Roumanie), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – C’est grâce à notre délégation, la délégation roumaine, et avec le soutien de la délégation hongroise et de beaucoup d’autres membres, que ce débat peut avoir lieu sur cette nouvelle loi ukrainienne concernant en particulier son article 7. Notre groupe s’intéresse à cet égard aux restrictions prévues pour un certain nombre de langues minoritaires et à la fermeture de certaines écoles des minorités nationales.

Les normes européennes du Conseil de l’Europe doivent être respectées, notamment la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, ainsi que les nombreux engagements pris par l’Ukraine.

Notre avenir démocratique est en jeu. Protéger les minorités nationales par une approche inclusive se fait dans l’intérêt de l’ensemble de la société d’un pays. Nous craignons que ce point ait été mal compris, à Kiev, par les leaders politiques actuels. Selon eux, tous les pays européens ou limitrophes qui ont soutenu l’intégrité territoriale et la souveraineté de l’Ukraine sont ainsi devenus des ennemis et des agents de Poutine.

Nous ne souhaitons pas diminuer le rôle de la langue ukrainienne. Nous comprenons la nécessité que les citoyens parlent tous correctement la langue officielle du pays. Cela n’a rien à voir non plus avec le conflit entre l’Ukraine et la Fédération de Russie. Nous agissons dans l’intérêt de la stabilité démocratique du pays et des perspectives futures de l’Ukraine. Respecter les droits des minorités nationales dans le domaine de l’éducation et de leur langue maternelle est le moyen de les mettre à l’aise dans leur pays. Voilà ce qu’est une approche inclusive. Ne servons pas de prétexte à certains mouvements. Notre demande réitère celle d’une pétition adressée au Secrétaire Général de notre Organisation et au président de la Commission de Venise par un certain nombre d’associations, notamment l’Union interrégionale des communautés roumaines en Ukraine.

Certains souhaitent un modèle d’éducation monolingue et une éducation dans la seule langue ukrainienne pour toutes les matières, à l’exception de la langue roumaine, de l’école maternelle jusqu’à la fin du secondaire. Que feront les 500 000 citoyens de la minorité roumaine en Ukraine? L’appel fait à la Commission de Venise par l’Ukraine, après la promulgation de la loi, est très décevant. Nous espérons que les autorités coopèreront avec l’Assemblée et avec les autres pays européens et limitrophes pour amender la loi.

M. HOWELL (Royaume-Uni), porte-parole du groupe des conservateurs européens* – Je suis vraiment troublé par ce débat, compte tenu du contexte dans lequel s’inscrivent les recommandations que nous nous apprêtons à formuler. Je parle en tant qu’ami de l’Ukraine. D’un côté, un gouvernement souhaite améliorer le quotidien de sa population afin que chacun puisse pleinement participer à la vie de la société ukrainienne; de l’autre, certains estiment que le droit à l’enseignement dans leur langue maternelle est bafoué. Je suis préoccupé que ce problème soit porté à l’attention du Conseil de l’Europe alors même que le texte de loi incriminé a été transmis pour examen à la Commission de Venise dont nous attendons l’avis.

Je ne suis pas certain de bien comprendre cette remise en cause. Comment réagirais-je si elle se produisait dans mon propre pays? Si la politique du gouvernement en matière d’éducation et de santé était contestée? J’en éprouverais une indignation légitime. Il faut traiter ce sujet avec précaution. Il existe dans ma circonscription une école où l’on enseigne les matières dans plusieurs langues: la science en allemand, l’histoire en français, d’autres disciplines en italien ou en néerlandais. Ces dispositions étaient initialement prévues pour les enfants des personnels de la Commission européenne, mais leur succès est tel que chacun veut désormais en faire bénéficier ses enfants.

Certes, il y a là un choix, mais on peut adopter toutes sortes de mesures pour s’adapter aux circonstances. Je ne comprends pas pourquoi on ne peut pas dialoguer davantage avec les autorités ukrainiennes sur ce sujet. Chacun a pu constater hier, en écoutant le discours du Président ukrainien, que ses propos étaient parfaitement clairs et directs.

Nous avons été confrontés à une situation similaire au Royaume-Uni à propos du gallois. S’il existe des minorités en Ukraine, il s’agit par ailleurs d’un pays en construction et menacé. Il faut emprunter les voies démocratiques et tel est bien le cas. N’oublions pas que l’Ukraine est confrontée à des menaces très graves, notamment la présence et l’activité russes sur son territoire ainsi que l’annexion de la Crimée. J’ai rappelé hier que cet état de fait s’inscrit difficilement dans le champ du mandat de la Commission de Venise car il s’agit avant tout d’une question politique. J’appelle instamment ses membres à préciser la façon dont ils envisagent de se pencher sur le problème. Si chaque pays devait transmettre chaque projet de loi à la Commission de Venise pour avis, nous serions en grande difficulté.

Mme PALLARÉS (Andorre), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – En dépit des tensions récentes, la plupart des réformes entreprises par les autorités ukrainiennes s’inscrivent dans le droit fil des recommandations du Conseil de l’Europe, notamment en matière de justice et de lutte contre la corruption. Réformer n’est jamais simple, surtout dans un contexte difficile. Il importe que les États membres du Conseil de l’Europe en tiennent compte. Le Gouvernement ukrainien a décidé d’améliorer les normes du système éducatif. Les libéraux sont favorables à cette réforme, car l’éducation est la pierre angulaire de toute construction démocratique, mais il importe que les réformes respectent les principes fondateurs du Conseil de l’Europe.

Au sujet des réactions des minorités à la nouvelle loi sur l’éducation, notamment à l’article 7, le Président Porochenko a rappelé hier que celui-ci consiste au contraire à offrir davantage de possibilités aux générations montantes du pays en améliorant l’usage de l’ukrainien dans les écoles dont les élèves sont issus des minorités nationales ou des nations indigènes. Compte tenu de la diversité des points de vue sur ce point, nous félicitons pour notre part le Gouvernement ukrainien d’avoir transmis le texte de loi à la Commission de Venise afin d’en recueillir l’avis sur les moyens de parvenir à une application équilibrée de ses dispositions.

Hier, nous avons également appris de la bouche du Président Porochenko que les autorités ukrainiennes attendront l’avis de la Commission de Venise avant d’appliquer la loi réformant les écoles secondaires. D’ici là, nous approuvons le projet de résolution affirmant la possibilité et la nécessité de parvenir à un équilibre satisfaisant entre l’ukrainien, langue officielle de l’Ukraine, et les langues parlées par les minorités nationales. Une fois l’avis de la Commission de Venise publié, il faudra suivre l’évolution de la situation et encourager la poursuite des réformes.

L’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe estime que l’avenir de l’Ukraine est de former une société ouverte fière de sa diversité et fondée sur la liberté, la tolérance et la démocratie. Nous encourageons les législateurs ukrainiens à conserver cette vision de leur pays à l’esprit lors de l’élaboration des réformes.

Mme JOHNSSON FORNARVE (Suède), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Nous comprenons bien les préoccupations suscitées par la nouvelle loi ukrainienne sur l’éducation. Il s’agit d’un sujet sensible dans un pays multiethnique, multilingue et multiculturel qui compte 130 nationalités et où les minorités nationales représentent 22 % de la population. À eux seuls, les Russes représentent 17 % de la population. Dans ce contexte, nous faisons part de notre déception que la Commission de Venise n’ait pas été consultée avant l’adoption du projet de loi alors même qu’il a des conséquences majeures sur la société ukrainienne. Néanmoins, nous nous félicitons que le texte ait finalement été transmis.

Certaines dispositions semblent contraires à la Constitution ukrainienne, notamment à l’article 10 prévoyant la protection et l’épanouissement des minorités linguistiques, russophones en particulier. Les discriminations visant les minorités ethniques et l’exclusion de leurs langues des affaires de l’État et des médias constituent également des sujets de préoccupation qui doivent être traités en tenant compte de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales. Selon nous, une action prioritaire s’impose.

Les autorités ukrainiennes doivent absolument attendre l’avis des experts du Conseil de l’Europe avant de promulguer la nouvelle loi afin de s’assurer que ses dispositions ne contreviennent pas à la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Nous demandons donc aux autorités ukrainiennes de respecter leurs engagements internationaux. Il importe également que l’avis de la Commission de Venise, attendu pour la fin de cette année, soit pleinement pris en compte. Le projet de résolution dont nous débattons ce matin rappelle à juste titre que la nouvelle loi ukrainienne sur l’éducation doit respecter les droits de tous les citoyens et de toutes les minorités, en particulier leurs droits linguistiques.

M. FISCHER (Allemagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen * – De quoi s’agit-il? Il s’agit de garantir, d’une part, les droits des minorités vivant dans les pays membres du Conseil de l’Europe et, d’autre part, le droit d’un État à assurer l’enseignement dans la langue nationale. La nouvelle loi ukrainienne sur l’éducation – votée mais pas encore promulguée –, est susceptible comme l’ont rappelé M. Herkel et de nombreux orateurs, de nuire aux droits des minorités.

Permettez-moi de prendre un exemple: en Allemagne du Nord, les personnes qui appartiennent à des minorités telles que les Frisons, les Danois, les Sorabes, apprennent l’allemand, mais elles ont également la possibilité d’apprendre la langue qui correspond à leur identité. Des stations de radio financées par l’État diffusent dans ces langues minoritaires. Pour qu’une minorité puisse avoir un siège au Parlement du Schleswig-Holstein, un seuil avait été fixé à 5 %, mais il a été supprimé afin de permettre à la minorité danoise d’être représentée.

Selon moi, il est bon que la loi ait été soumise à la Commission de Venise pour avis, car c’est son rôle de conseiller sur de telles questions. Le débat d’aujourd’hui est certes utile, mais il faut aussi que ces questions soient examinées en commission comme tel est le cas du rapport, en cours d’élaboration, qui traite des langues minoritaires, cela en coordination avec la Commission de Venise.

Je sais que la recherche de l’équilibre entre la protection des langues minoritaires et la construction d’une identité nationale est difficile. Cependant, je suis sûr que si, ensemble, nous menons ces débats sur la base des travaux effectués par M. Herkel et de l’avis de la Commission de Venise, nous déboucherons sur une bonne solution. C’est ce que j’appelle de mes vœux.

M. ARIEV (Ukraine)* – La réforme en question est absolument indispensable pour garantir notre avenir européen. En effet, cette loi s’appuie sur les critères européens tels que l’acquisition de compétences ou encore la liberté pédagogique des enseignants. Nous avons voulu établir une structure d’enseignement moderne, cela en pleine conformité avec les dispositions de notre accord d’association avec l’Union européenne. En effet, nous intégrons les valeurs éducatives de l’Union européenne, notamment les dispositions qui permettent aux minorités nationales d’acquérir leur langue et de l’étudier.

Malheureusement, ce texte de loi a été mal compris, et une interprétation abusive a été faite de l’article 7 sur l’utilisation de la langue d’enseignement. Notre ministre de l’Éducation s’est rendu à deux reprises au Conseil de l’Europe au cours des semaines passées. Il faut en effet le souligner: nous essayons surtout de promouvoir les minorités, de garantir leurs droits. Pourtant, les efforts que nous déployons ne sont pas perçus comme s’inscrivant dans la bonne direction et notre voix n’est pas entendue.

Nous sommes très préoccupés par la situation qui prévaut dans certaines régions occupées par des minorités nationales. En effet, depuis des années, nous constatons qu’existent des écoles où seule la langue minoritaire est enseignée, alors que l’ukrainien n’est enseigné que deux heures par semaine. Il en résulte une absence de maîtrise de la langue ukrainienne qui crée de sérieux obstacles pour ces jeunes qui doivent ensuite trouver un emploi. En effet, sur le territoire ukrainien, c’est la langue ukrainienne qui est utilisée sur le marché du travail. Ne pas apprendre la langue ukrainienne, c’est donc se priver de l’accès à des études supérieures et à de bons emplois.

Selon les statistiques, 60 % des élèves appartenant aux minorités roumaines et hongroises qui passent les tests en mathématiques et en histoire de l’Ukraine dans leur langue échouent à l’épreuve de langue ukrainienne, ce qui leur barre l’accès à l’Université.

La Convention-cadre pour la protection des minorités nationales ainsi que la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires qui a été ratifiée par l’Ukraine consacrent deux idées principales: le droit d’apprendre et de recevoir un enseignement dans sa langue maternelle, à condition que cela n’entraîne pas un préjudice pour l’apprentissage de la langue officielle. Malheureusement, le débat actuel est un débat politique, qui ne s’appuie pas sur les principes sur lesquels reposent ces instruments.

Le Gouvernement ukrainien a soumis ce texte de loi à la Commission de Venise qui est le meilleur arbitre en la matière. Hier, le Président ukrainien, M. Porochenko, a promis de mettre dûment en œuvre les conclusions de la Commission de Venise. Cependant, ce débat fera reposer sur la Commission de Venise une certaine pression, ce qui n’aura que des effets pervers. Il faut dépolitiser ce débat et adopter une approche strictement professionnelle.

M. BADEA (Roumanie)* – Chers collègues, j’avais préparé un discours écrit, mais étant donné ce que vient de dire notre collègue, je ne peux que le déchirer!

Je me préoccupe du sort des Roumains d’Ukraine depuis un quart de siècle. Aujourd’hui, nous sommes face à une situation sans précédent. Si les Ukrainiens voulaient respecter les personnes dont nous parlons ici, ils auraient dû d’abord consulter les minorités et débattre avec la Commission de Venise et ensuite rédiger un projet de loi. Ce n’est pas ce qu’ils ont fait. Pire, deux jours avant l’adoption de cette loi en Ukraine, la commission mixte Ukraine-Roumanie a tenu des discussions bilatérales sur ce sujet sans que les Ukrainiens nous préviennent de ce qui allait se passer. D’où le fait que nous soyons bouleversés.

On dit que les étudiants d’origine roumaine, hongroise ou russe sont très peu nombreux en Ukraine. Mais qu’en est-il des Ukrainiens eux-mêmes? En 1997 ou 1998, M. Constantinescu, qui présidait la Roumanie à l’époque, avait rencontré M. Kuchma, le Président ukrainien – j’en suis le témoin. Le Président ukrainien lui-même ne parlait pas ukrainien!

Pour un responsable politique, la plus grande vertu est d’être pondéré, équilibré. Promulguer une loi doit être un signe de respect de l’État et de ses composantes. Nous sommes d’accord pour que l’on appuie la langue officielle, à condition de respecter aussi les droits des minorités. Pour renforcer la maîtrise de l’ukrainien, langue majoritaire en Ukraine, faut-il pour autant fouler au pied les droits des minorités?

Au Parlement roumain, on compte ex officio 18 minorités. En Roumanie encore, il suffit de trois élèves pour créer un cours dans une langue minoritaire.

Chers collègues, j’ai toute confiance dans votre capacité de comprendre ces sujets et ne pas simplement vous en tenir à ce qui nous a été dit ici hier.

M. BATRINCEA (République de Moldova)* – Au nom de la République de Moldova, je voudrais remercier le rapporteur pour son analyse de cette loi. Hier, dans cet hémicycle, M. Nicoletti a prononcé une phrase très importante: «La politique, c’est l’art du vivre ensemble.» Cet art du vivre ensemble est incarné dans toutes les normes européennes, dans toutes les conventions, notamment dans la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires, dans la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales ou dans la Convention européenne des droits de l’homme. Toutes ces conventions ont été violées quand l’Ukraine a décidé d’adopter une nouvelle loi sur l’éducation.

Plus de 250 000 personnes dont la langue maternelle est le roumain vivent paisiblement en Ukraine depuis des centaines d’années. Ils n’ont jamais posé le moindre problème et ils n’ont jamais exprimé la moindre volonté de déstabilisation. Ils ont leur culture, leurs traditions. Or, le Gouvernement ukrainien refuse d’accorder à cette minorité un enseignement dans sa langue, laquelle est pourtant le fondement de l’identité. Le Gouvernement ukrainien refuse donc de reconnaître leur identité aux quelques 250 000 représentants de la communauté moldave en Ukraine, en violation des principes européens. L’Ukraine parle beaucoup des normes européennes mais, en l’occurrence, on a le sentiment d’être face à une carte de restaurant. Ce sont les langues à la carte: on fait tel ou tel choix en feignant de croire que personne ne s’en apercevra.

Il faut offrir aux minorités la possibilité de défendre leurs identités et de développer leurs cultures. Or, dans les faits, on assiste en Ukraine à une tentative d’assimilation – j’insiste sur ce mot – des minorités. Un nationalisme effréné y a cours, alors que dans ce pays multiculturel il faudrait permettre à toutes les minorités de se développer en conservant leur identité.

En tant que représentant de la délégation moldave, je considère que la loi en question doit être abrogée ou révisée. Sa transmission à la Commission de Venise procède sans doute d’une tentative de détourner l’attention de l’opinion publique. Si l’Ukraine avait vraiment voulu savoir ce qu’il en était, elle lui aurait adressé le projet avant de le soumettre à la Verkhovna Rada. Il s’agit bien d’une tentative de tromper l’opinion publique. Nous demandons donc à l’Assemblée parlementaire de demander à l’Ukraine d’abroger cette nouvelle loi sur l’éducation.

M. PREDA (Roumanie) – J’avais aussi rédigé une intervention mais après le discours du défenseur de cette loi ukrainienne, je me limiterai à poser deux questions à l’Assemblée.

Estimez-vous d’abord normal que le Président d’un pays vienne dire ici qu’il consultera la Commission de Venise sur une loi après avoir promulgué celle-ci?

Sachant, ensuite, que si M. le Président Porochenko peut s’exprimer en plusieurs langues minoritaires, il a oublié de parler ici d’une langue importante pour l’Ukraine, la langue tatare. Dans ce contexte, M. Porochenko ne doit-il pas, pour que son pays demeure au sein de notre Organisation, suivre l’engagement de respecter les minorités et les langues minoritaires? Il doit faire tout son possible en ce sens.

M. USOV (Ukraine)* – En dépit de l’agressivité de certains de nos voisins, nous voulons rester diplomates et ouverts. J’ai été surpris par le silence total qui a régné ici lors de la promulgation de l’épouvantable loi soviétique sur l’éducation. Ni la Hongrie, ni la Roumanie, ni la République de Moldova n’ont élevé la voix. Je suis fier d’être l’auteur de l’article 7 de la loi dont nous débattons. Je me rappelle parfaitement la procédure que nous avons utilisée pour obtenir un consensus à la Verkhovna Rada. Le Président a appelé, non seulement, les représentants de deux coalitions de la majorité et de l’opposition, mais également les représentants des districts comportant des minorités nationales, y compris les plus hauts représentants de la minorité des Tatars de Crimée. Il y a eu un débat ouvert et franc. Un parlementaire hongrois de souche est même venu me demander de maintenir l’enseignement en hongrois dans le primaire. Nous avons ainsi décidé en commun d’adopter cette loi calquée sur le modèle européen.

Pour l’Ukraine, il s’agit surtout d’éducation. Pour d’autres qui parlent très fort, il s’agit sans doute de quelque chose d’autre: «Y aurait-il des revendications territoriales cachées? Préparez-vous de futures élections dans vos pays respectifs?» Nous avons déjà entendu de telles insinuations à propos de la Crimée, du Donbass, de la Fédération de Russie concernant leurs minorités en Ukraine. Lorsque des soldats étrangers ont posé le pied sur notre sol souverain, certains politiciens – les mêmes qu’aujourd’hui – ont dit qu’ils défendaient leurs frères ethniques en Ukraine. Quelque 10 000 vies ont été sacrifiées pour adopter cette loi qui nous a écartés en quelque sorte de nos ancêtres soviétiques. Nous sommes prêts à aller encore plus loin dans cette voie.

Une nouvelle fois, je m’adresse à nos voisins. Nous vous respectons, nous vous entendons, nous vous comprenons, nous sommes prêts à vous aider, mais écoutez réellement votre conscience. Est-ce réellement cela que vous ressentez ou s’agit-il simplement d’un écho des tambours de guerre du Kremlin?

M. KORODI (Roumanie)* – Nous ne sommes pas les tambours du Kremlin. Je suis membre de la commission conjointe entre la Roumanie et l’Ukraine au titre de la minorité hongroise. J’ai suivi mes douze années d’études en langue hongroise, j’ai appris la langue roumaine à l’école, mais tout cela ne m’a pas été imposé. Cela m’a beaucoup aidé.

L’Ukraine doit aider les minorités à apprendre la langue ukrainienne mais elles ne doivent pas être contraintes. Les enfants et les jeunes doivent être aidés en ce sens afin qu’ils portent sur l’Ukraine un regard positif. La solution politique doit toujours l’emporter, c’est-à-dire le dialogue apaisé.

La commission conjointe entre la Roumanie et l’Ukraine travaille de façon fructueuse sur la question des minorités, et il faut encourager ce type d’effort. La volonté des parties doit rester manifeste. Nos amis en Ukraine doivent comprendre qu’exercer des pressions sur les minorités n’apporte rien de bon, qu’il est indispensable d’entretenir de bonnes relations avec les pays voisins, la Roumanie, la Hongrie, la Pologne et d’autres.

Nous sommes votre passerelle vers l’Europe: voulez-vous vraiment la faire sauter alors que cette loi aura un effet très important sur le demi-million de membres de ces communautés minoritaires, sur ces jeunes, qui vont perdre la chance d’obtenir un enseignement dans leur langue maternelle?

J’espère que, à l’avenir, un rapport indiquera la voie qui doit être suivie par le Conseil de l’Europe lorsque le droit à l’éducation des minorités nationales est en jeu.

M. NÉMETH (Hongrie)* – Je voudrais appeler l’attention de l’Assemblée sur le fait que nous sommes plus de 100 à avoir soutenu la demande de ce débat d’urgence. Chers amis ukrainiens, c’est un paramètre à prendre en compte sérieusement.

Je m’adresse à vous en tant que chef de la délégation hongroise, mais je vous rappelle que j’ai également été rapporteur, à l’époque, sur l’adhésion de l’Ukraine au Conseil de l’Europe. Le véritable ami de l’Ukraine que je prétends être estime cependant que cette loi va instaurer un monolinguisme, alors même que se côtoient en Ukraine une forte communauté russe, mais aussi des polonais, des roumains, des hongrois, des bulgares, et bien d’autres encore. Les pays proches de ces différentes minorités ont aidé l’Ukraine dans son combat pour préserver l’intégrité de son territoire et soutenu son adhésion au Conseil de l’Europe. Mais là, nous y perdons notre latin!

Vous êtes en conflit avec la Fédération de Russie, et nous sommes à vos côtés; l’ensemble euro-atlantique intervient en votre faveur: alors, pourquoi vouloir déstabiliser vos relations avec vos partenaires occidentaux? Pourquoi vouloir fragiliser les relations entre l’Ukraine et le reste de l’Europe centrale? Pourquoi remettre en cause la stabilité de votre propre pays? Je ne comprends pas quel est l’intérêt!

Qui, ici, défend les intérêts du Kremlin? Nous? Quelle blague! Ne serait-ce pas plutôt ceux qui, justement, remettent en cause la situation actuelle du pays? M. Usov, vu les arguments que vous développez, n’est-ce pas vous plutôt qui représentez peut-être le Kremlin et ses intérêts?

Nous devons malheureusement maintenir la pression sur nos amis ukrainiens pour qu’ils continuent de respecter les engagements qu’ils ont pris. Cela a d’ailleurs déjà été dit par le Secrétaire Général de l’Organisation au Président ukrainien.

Mme FINCKH-KRÄMER (Allemagne)* – Je viens de Berlin, ville où il n’y a pas de minorités nationales au sens que leur donne M. Fischer – les Frisons ou les Danois dans le nord du pays, par exemple. Mais à Berlin, beaucoup de personnes ont des parents ou des grands-parents – quand ce n’est pas eux-mêmes – qui sont arrivés en tant que migrants. Chez beaucoup, on parle en famille une autre langue que l’allemand: le turc, le grec, le polonais, le russe…

Il y a une vingtaine d’années, la ville de Berlin a créé des écoles européennes, qui permettent de dispenser une éducation bilangues jusqu’à la fin du secondaire: allemand et turc, allemand et polonais, allemand et russe, etc. Nous avons également une tradition d’écoles francophones et anglophones, qui remonte à l’époque des trois puissances d’occupation. Ce système d’écoles bilangues facilite la vie des familles et l’apprentissage bilingue des enfants: voilà ce que je souhaite dire à nos amis ukrainiens.

Quelle que soit l’origine des familles – russe, hongroise ou roumaine –, l’objectif devrait être de donner aux enfants la possibilité d’être éduqués dans deux langues. Cela ne veut pas dire qu’une langue est parlée à la maison et une autre à l’école, où une troisième langue vivante peut éventuellement être enseignée en supplément; bilingue, cela signifie que l’on apprend à utiliser les deux langues dans toutes les matières enseignées à l’école et qui permettent d’accéder à l’université. Voilà ce qu’est le bilinguisme. Au final, il permet d’étudier à l’université dans un autre pays, il donne la capacité de s’exprimer dans plusieurs langues et donc de pouvoir s’entretenir avec des personnes de différentes nationalités en utilisant le bon registre. Il me semble que c’est également l’objectif du Conseil de l’Europe.

Aucun des autres éléments figurant dans la loi n’a été critiqué. Sur ce point particulier du bilinguisme, j’invite nos amis ukrainiens à réfléchir à l’objectif de la loi et à s’inspirer du modèle des écoles européennes berlinoises.

M. BEREZA (Ukraine)* – Je voudrais tout d’abord répondre à Mme Finckh-Krämer, qui a fort bien dit qu’elle souhaitait que les citoyens soient bilingues. C’est justement notre désir! Nous voulons que les citoyens ukrainiens soient à tout le moins bilingues, si possible trilingues.

La connaissance de la langue ukrainienne doit être une obligation, car il n’est pas normal qu’un citoyen de l’Ukraine, sous prétexte qu’il suit sa scolarité dans un établissement roumain ou hongrois, doive être accompagné d’un interprète lorsqu’il va chez le médecin, car il ne parle pas l’ukrainien! On ne peut pas étudier uniquement en roumain ou en hongrois. C’est justement bien de bilinguisme qu’il s’agit dans cette loi.

En outre, je crois pouvoir dire que je représente la diaspora européenne: je parle russe, je connais l’ukrainien et l’hébreu, et peux me faire comprendre dans n’importe laquelle de ces trois langues. Kiev compte quelques écoles maternelles et trois écoles primaires où l’on enseigne aussi bien en hébreu qu’en ukrainien. Les familles qui y scolarisent leurs enfants souhaitent pouvoir célébrer les fêtes dans leur langue, mais également que leurs enfants puissent poursuivre une carrière dans la fonction publique.

En tant que membre du Parlement ukrainien, je siège aux côtés de députés d’origine russe, moldave ou bélarusse: toutes ces nations sont représentées, mais pour autant, nous nous exprimons en ukrainien, car il s’agit de la seule langue officielle de notre État. Cela est d’ailleurs inscrit dans la Constitution. Si nous voulons que les Hongrois et les Roumains de souche puissent un jour siéger au parlement, ou même, qui sait, prétendre à la présidence du pays, il faut donner aux enfants la chance d’apprendre notre langue. Ils ont le droit de s’éduquer et de suivre des cours en langue ukrainienne: c’est la possibilité que nous leur donnons. L’obligation de l’enseignement en ukrainien n’intervient d’ailleurs qu’à partir du secondaire, après la quatrième classe, et seulement à raison de deux heures par semaine. Pensez-vous que cela est normal? Si c’est le cas, j’en serais surpris! Chaque citoyen ukrainien a le droit de recevoir un enseignement dans sa langue maternelle, certes, mais aussi d’avoir accès à l’enseignement supérieur et de faire une longue carrière.

LA PRÉSIDENTE* – Il nous faut maintenant interrompre la liste des orateurs.

Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent transmettre, dans les 4 heures, leur intervention dactylographiée au service de la séance, pour publication au compte rendu. Cette transmission doit être effectuée, dans la mesure du possible, par voie électronique.

J’appelle la réplique de la commission.

M. HERKEL (Estonie), rapporteur* – Je remercie tous les intervenants pour ce débat qui a parfois été vif.

Le cœur du problème est le suivant: comment passer d’un enseignement monolingue à un système bilingue – ou multilingue – souple et flexible? Il est vrai que, dans certains cas, la maîtrise de l’ukrainien reste insuffisante. L’objectif de renforcer l’apprentissage de cette langue me paraît donc légitime. Depuis que j’ai été désigné rapporteur, je suis sollicité par les deux parties. On me dit que des écoles vont fermer. Je ne le crois pas: toutes les écoles vont continuer à fonctionner. Encore une fois, il s’agit de passer d’un système à un autre, lequel sera plus souple et mieux accepté, tout en renforçant la maîtrise de l’ukrainien pour tous.

Peut-on mettre en place une réforme aussi ambitieuse en trois ans seulement? Beaucoup en doutent. Je dirai quant à moi à mes amis ukrainiens que, dans le domaine de l’éducation, il faut observer un principe tout à fait fondamental: la préservation de la qualité de l’enseignement. Cela suppose d’avoir des enseignants. Il faudra donc, selon moi, plus que trois ans.

Le problème est de combiner la maîtrise de la langue nationale avec les droits des minorités. Je suis convaincu que c’est possible, comme le montrent d’ailleurs un certain nombre d’exemples.

Plusieurs intervenants ont souligné le rôle de la Commission de Venise. Le Président Porochenko lui-même a promis de mettre en œuvre ses recommandations. J’espère vraiment qu’il en sera ainsi. À ce stade, je me trouve dans une situation délicate, car nous abordons ce sujet sans connaître les conclusions de la Commission de Venise.

M. Howell a dit: «Tout cela, c’est de la politique. Nous devrions faire confiance aux Ukrainiens pour régler leurs affaires intérieures.» D’un certain point de vue, je suis d’accord avec lui: c’est effectivement un sujet politique. Notre mission consiste à élaborer des conclusions équilibrées, en dépit de l’exacerbation des passions des différents côtés – notamment de la part des Hongrois et des Roumains.

Certains amendements nous encouragent à adopter une position très stricte d’un point de vue juridique. Je vous demande pour ma part d’éviter cet écueil: je ne veux pas que nous tranchions de manière aussi catégorique avant que la Commission de Venise ait pu se prononcer.

Pour conclure, je remercie les différentes délégations qui sont venues me trouver et avec qui j’ai pu dialoguer. Nous avons parfois eu des désaccords mais nos échanges ont eu lieu dans le respect mutuel.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), vice-président de la commission de la culture, de la science, de l’éducation et des médias* – La question dont nous avons débattu et qui concerne l’éducation des personnes appartenant à des minorités nationales en Ukraine n’est pas simple: il faut protéger le droit de ces personnes, conformément à nos conventions, et il est vrai que la nouvelle législation ukrainienne peut avoir un impact négatif sur la vie de ces communautés. Toutefois, il convient de tenir compte aussi des motivations des autorités ukrainiennes et des explications qu’elles ont fournies – hier, le Président de l’Ukraine, M. Porochenko, nous les a exposées en personne.

Comme le souligne le rapport, le fait de parler la langue officielle d’un pays est un élément fédérateur et favorise le vivre-ensemble. La loi visée soulève des questions juridiques complexes que la Commission de Venise est actuellement en train d’examiner. Ce serait une erreur d’anticiper son avis.

L’approche proposée par le rapport, et acceptée par la commission, me semble donc la plus constructive: concentrons-nous sur le vivre-ensemble. Nous formulons à cet égard une proposition qui vise à rassembler les différentes parties prenantes. Nos normes juridiques doivent être respectées: les autorités devront donc se conformer à l’avis de la Commission de Venise et aux recommandations émanant du Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales et du Comité d’experts sur l’application de la Charte européenne des langues régionales ou minoritaires. Mais la question ne saurait se limiter à une dimension purement juridique: toutes les parties doivent être ouvertes à des discussions autour de solutions permettant de renforcer le vivre-ensemble. Le rapporteur et la commission vous invitent à vous associer à cette démarche. Nous ne voulons pas nous ranger d’un côté plutôt que d’un autre: nous sommes du côté du vivre-ensemble. Je vous demande donc de soutenir cette approche et d’adopter le projet de résolution.

LA PRÉSIDENTE* – La discussion générale est close.

La commission de la culture a présenté un projet de résolution sur lequel 14 amendements ont été déposés.

J’ai cru comprendre que le président de la commission proposait de considérer les amendements 1 et 5, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le vice-président?

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), vice-président de la commission* – Oui, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont déclarés définitivement adoptés.

Nous en venons à la discussion des autres amendements.

Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

La présidence a été saisie par M. Ariev de l’amendement oral suivant:

«Au paragraphe 1, après les mots: “préoccupée par”, insérer les mots: “les articles relatifs à l’instruction dans des langues minoritaires de”. En conséquence, le paragraphe 1 serait ainsi rédigé: “L’Assemblée parlementaire est préoccupée par l’article relatif à l’instruction dans des langues minoritaires de la nouvelle loi sur l’éducation… (le reste sans changement)”».

Je considère cet amendement oral comme recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en compte si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

M. ARIEV (Ukraine)* – Cet amendement oral a pour objet d’exprimer notre préoccupation majeure qui porte sur les langues minoritaires, mais sans viser l’ensemble du texte. Un article en particulier pose problème. Nous n’avons pas d’objection sur les autres articles de cette loi relative au système éducatif, qui sont pleinement conformes aux normes européennes et aux recommandations de l’Union européenne. Je vous demande donc d’apporter votre soutien à cet amendement oral.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), vice-président de la commission* – La commission a approuvé cet amendement à l’unanimité.

L’amendement oral est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 2.

Mme GORGHIU (Roumanie)* – Dans le paragraphe 2 du projet de résolution, nous souhaiterions supprimer l’expression «à ce sujet» et insérer la phrase suivante: «l’Assemblée déplore qu’il n’y ait pas eu de véritable consultation avec les représentants des minorités nationales en Ukraine sur la nouvelle version de l’article 7 de la loi adopté par le Rada suprême.»

M. USOV (Ukraine)* – Je suis contre cet amendement qui ne reflète pas la vérité. Dans la version initiale de l’article 7 de la loi, il était prévu que l’enseignement se fasse en ukrainien. Puis un compromis est intervenu. Pour avoir rencontré un parlementaire qui était directeur d’une école de langue minoritaire roumaine avant d’être élu, ainsi que des hongrois de souche ayant participé à ce débat, je puis vous assurer que cela ne reflète pas la réalité.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), vice-président de la commission* – La commission a adopté cet amendement par 7 voix contre 6.

L’amendement 2 est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 3.

M. CORLĂŢEAN (Roumanie)* – Cet amendement a fait l’objet d’un partage à égalité des voix en commission :7 contre 7. Il fait référence à la Résolution 2145(2017) de l’Assemblée sur le fonctionnement des institutions démocratiques en Ukraine.

M. HERKEL (Estonie), rapporteur* – Pour ma part, je suis contre cet amendement. La référence au rapport précédent n’est pas pertinente car il ne portait pas uniquement sur la question de l’éducation; le sujet était plus large. Plus important encore, nous ne voulons pas anticiper sur la réponse de la Commission de Venise et nous voulons rester strictement conformes au cadre juridique.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), vice-président de la commission* – La commission n’a pas adopté l’amendement puisqu’il y a eu égalité des voix.

L’amendement 3 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 4.

M. CORLĂŢEAN (Roumanie)* – Nous estimons qu’il convient d’indiquer dans le rapport que l’Assemblée parlementaire prend note des sérieuses préoccupations exprimées sur un certain nombre de questions juridiques. Il s’agit d’une référence factuelle, mais importante.

M. HERKEL (Estonie), rapporteur* – Non, ce n’est pas factuel. Avec cet amendement, on empiète à nouveau sur les compétences de la Commission de Venise. J’y suis donc défavorable.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), vice-président de la commission* – La commission a exprimé un avis favorable sur cet amendement par 8 voix contre 7.

L’amendement 4 est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 11.

Mme KOVÁCS (Serbie)* – Ce rapport ne porte pas sur l’enseignement de la langue officielle en Ukraine, mais sur l’enseignement des langues des minorités nationales. Nous suggérons de nous référer non seulement aux principes et aux obligations juridiques, mais aussi à l’article 8 de la Charte des langues régionales minoritaires, ratifiée par l’Ukraine et dans laquelle figure un certain nombre d’obligations. D’ailleurs, d’après la constitution ukrainienne, on ne peut réduire les droits acquis des minorités.

LA PRÉSIDENTE* – La présidence a été saisie par la commission de la culture d’un sous-amendement oral, présenté par M. Herkel, qui tend à rédiger ainsi le premier alinéa de l’amendement 11:

«Dans le projet de résolution, après le paragraphe 4, insérer le paragraphe suivant:»

Je considère que ce sous-amendement oral est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en compte si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Je constate que 10 représentants ou suppléants au moins se sont levés pour s’opposer à la prise en compte de ce sous-amendement oral. Nous ne l’examinerons donc pas.

M. HERKEL (Estonie), rapporteur* – Mes chers collègues, je regrette que la recherche de la conciliation qui caractérisait ce sous-amendement oral n’ait pas été comprise, car l’amendement 11 détruit la logique même de notre rapport. À mon sens, le statut de la langue officielle doit être maintenu; les autres dispositions concernent les droits des minorités nationales et l’enseignement dans leurs langues en tant qu’outil identitaire. Je m’oppose donc à cet amendement.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), vice- président de la commission* – La commission n’a pas d’avis sur cet amendement.

L’amendement 11 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 12.

Mme KOVÁCS (Serbie)* – Rappel au Règlement! En commission, ce matin, le sous-amendement oral à l’amendement 11 a été présenté et, non seulement les auteurs de l’amendement s’y sont opposés, mais également la majorité des membres de la commission.

LA PRÉSIDENTE* – Désolée, le débat est clos sur cet amendement, Madame Kovács.

Je suis saisie de l’amendement 12.

M. CORLĂŢEAN (Roumanie)* – Cet amendement devrait être présenté par nos collègues de la délégation hongroise qui l’ont déposé.

LA PRÉSIDENTE* – Personne ne veut défendre cet amendement?

Mme KOVÁCS (Serbie)* – Nous souhaitons supprimer la dernière phrase du paragraphe 9 du projet de résolution qui indique que «l’enseignement exclusivement dans la langue minoritaire peut désavantager les enfants appartenant aux minorités nationales». Si c’était le cas, c’est l’ensemble de l’enseignement ukrainien qu’il conviendrait de réformer car il désavantage les minorités.

M. ARIEV (Ukraine)* – Cet amendement est totalement en contradiction avec l’article 8 de la Charte des langues régionales et minoritaires. Il est simplement évoqué ici le préjudice qui pourrait découler d’un enseignement exclusivement délivré dans une langue minoritaire.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), vice-président de la commission* – La commission a émis un avis favorable sur l’amendement, par 9 voix contre 6.

L’amendement 12 est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 13. S’il est adopté, les amendements 6 et 7 n’ont plus d’objet.

Mme HOFFMANN (Hongrie) – Nous souhaitons supprimer le paragraphe 10: d’une part, parce qu’il n’existe aucun argument scientifique déterminant la bonne proportion entre les langues; d’autre part, parce que l’Ukraine s’est engagée, en ratifiant la Charte, à renforcer non seulement l’éducation bilingue, mais également dans la langue maternelle.

M. HERKEL (Estonie), rapporteur* – Un autre amendement propose de supprimer la deuxième phrase du paragraphe et, personnellement, je préfèrerais sacrifier cette dernière. En effet, qui peut s’opposer à la première phrase, qui recommande la mise en place d’un modèle flexible d’instruction bilingue pour toutes les personnes appartenant aux minorités? Je ne comprends pas. Je suis contre cet amendement.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), vice-président de la commission* – La commission a exprimé un avis favorable, par 7 voix contre 6, sur cet amendement.

L’amendement 13 est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Les amendements 6 et 7 n’ont plus d’objet.

Je suis saisie de l’amendement 8.

M. CORLĂŢEAN (Roumanie)* – Avec cet amendement très important, nous proposons de supprimer le paragraphe 13.

LA PRÉSIDENTE* – La présidence a été saisie, par la commission de la culture, du sous-amendement oral suivant:

«Rédiger ainsi l’amendement 8:

Substituer au paragraphe 13 le paragraphe suivant:

‟ L’Assemblée recommande que les autorités des autres pays, qui appellent de manière légitime à la protection de leurs minorités, se montrent prêtes à proposer aux communautés ukrainiennes résidant dans leurs pays respectifs des arrangements similaires à ceux qu’elles réclament pour leurs propres minorités. ˮ»

Je considère que ce sous-amendement oral est recevable au regard des critères du Règlement. Il ne peut toutefois être pris en compte si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Je constate que 10 représentants ou suppléants au moins se sont levés pour s’opposer à la prise en compte de ce sous-amendement oral. Nous ne l’examinerons donc pas.

Nous revenons à l’amendement 8.

M. HERKEL (Estonie), rapporteur* – Mon approche constructive a été mise à mal par ceux qui se sont levés. Revenons donc au paragraphe en l’état. La question de la réciprocité me semble très importante, mais je suis contre l’amendement.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), vice-président de la commission* – La commission ne s’est pas prononcée.

L’amendement 8 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 9.

M. CORLĂŢEAN (Roumanie)* – Cet amendement propose à la commission de suivi de suivre de près les développements en Ukraine s’agissant de la protection et de la promotion des langues régionales et minoritaires, et d’en faire un volet spécifique de l’actuelle procédure de suivi appliquée à l’Ukraine.

M. ARIEV (Ukraine)* – Vous avez déjà adopté certains amendements qui déséquilibrent le rapport, ce qui est fâcheux. S’agissant de cet amendement, vous n’avez pas à donner des instructions à la commission de suivi sur la façon dont elle doit faire son travail.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), vice-président de la commission* – La commission a émis un avis défavorable par 8 voix contre 7.

L’amendement 9 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 10.

Mme GORGHIU (Roumanie)* – Par cet amendement, l’Assemblée demande aux autorités ukrainiennes de mettre pleinement en œuvre les prochaines recommandations et conclusions de la Commission de Venise. Il s’agit d’une demande habituelle, adressée à tout État membre. Je regrette que cela n’ait pas été fait avant l’adoption de la loi.

LA PRÉSIDENTE* – La présidence a été saisie par M. Ariev du sous-amendement oral suivant:

«À l’alinéa 2 de l’amendement 10, après le mot: ‟ Venise ˮ, supprimer la fin de l’alinéa.»

Je considère que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement. Il ne peut toutefois être pris en compte si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Je constate que 10 représentants ou suppléants dûment désignés au moins se sont levés pour s’opposer à la prise en compte de ce sous-amendement oral. Nous ne l’examinerons donc pas.

Nous revenons à l’amendement 10.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), vice-président de la commission* – La commission a exprimé un avis favorable par 10 voix contre 7.

L’amendement 10 est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Je suis saisie de l’amendement 14.

M. NÉMETH (Hongrie)* – Si nous soutenons l’objectif de renforcer la connaissance de la langue nationale, nous ne sommes pas favorables à la destruction de l’enseignement dans les langues minoritaires. Il n’est pas nécessaire de modifier le système pour proposer un meilleur enseignement dans la langue d’État, enseignement qui pourrait très bien se faire de manière plus professionnelle dans le système des langues minoritaires.

LA PRÉSIDENTE* – La présidence a été saisie par la commission de la culture du sous-amendement oral suivant:

«À l’alinéa 1 de l’amendement 14, substituer à la référence: ‟ paragraphe 14 ” la référence: ‟ paragraphe 13 ”.»

Je considère que ce sous-amendement est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en considération si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Ce n’est pas le cas. Nous allons donc l’examiner.

M. HERKEL (Estonie), rapporteur* – Je souhaite simplement, avec ce sous-amendement oral, préserver la logique du texte.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), vice-président de la commission* – La commission a donné un avis favorable par 11 voix contre 5.

Le sous-amendement oral est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – La présidence a été saisie par M. Ariev d’un second sous-amendement oral, ainsi libellé:

«À l’alinéa 2 de l’amendement 14, après les mots: ‟ langues officielles ”, supprimer la fin de l’alinéa.»

Je considère que cet amendement est recevable au regard des critères du Règlement.

Il ne peut toutefois être pris en considération si 10 représentants ou suppléants au moins s’y opposent et se lèvent.

Je constate que 10 représentants ou suppléants au moins se sont levés pour s’opposer à la prise en compte de ce sous-amendement oral. Nous ne l’examinerons donc pas.

Nous en revenons à l’amendement, sous-amendé.

M. ARIEV (Ukraine)* – Cet amendement, sous-amendé, recommande à l’Ukraine d’examiner les bonnes pratiques dans les États membres dans le domaine de l’enseignement des langues officielles. Ce n’est ni le lieu, ni le moment de recommander à l’Ukraine la façon de s’y prendre. Je suis contre cet amendement.

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), vice-président de la commission* – La commission n’a pas exprimé d’avis.

Mme KOVÁCS (Serbie)* – Rappel au Règlement! Tous ceux qui étaient à la réunion de la commission ont pu voir que le sous-amendement oral de M. Ariev a été rejeté et que la commission a adopté l’amendement. Tel était l’avis de la commission.

LA PRÉSIDENTE* – Earl of Dundee, maintenez-vous vos propos?

Earl of DUNDEE (Royaume-Uni), vice-président de la commission* – Le secrétariat vient de m’apporter une clarification. En commission, nous avons en effet rejeté le sous-amendement de M. Ariev. La commission a exprimé un avis favorable sur la proposition de M. Herkel, ainsi que sur l’amendement principal. L’avis de la commission est donc favorable.

L’amendement 14, sous-amendé, est adopté.

LA PRÉSIDENTE* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14415, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (82 voix pour, 11 voix contre et 17 abstentions).

3. Poursuivre et punir les crimes contre l’humanité
voire l’éventuel génocide commis par Daech

LA PRÉSIDENTE* – L’ordre du jour appelle la discussion du rapport de M. Omtzigt, présenté par Mme Sotnyk, au nom de la commission des questions juridiques (Doc. 14402), intitulé «Poursuivre et punir les crimes contre l’humanité voire l’éventuel génocide commis par Daech». M. Daems présentera, au nom de la commission des questions politiques, le rapport pour avis de Mme Ævarsdóttir (Doc. 14418).

Je vous rappelle que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 13 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 12 h 35 afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

L’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes.

Madame Sotnyk, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

Mme SOTNYK (Ukraine), rapporteure suppléante de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – J’interviens au nom de mon collègue M. Omtzigt, qui est l’auteur du rapport. Daech a-t-il commis des actes de génocide, et, le cas échéant, comment réagir? Voilà les deux questions qui sont au cœur du rapport. Daech s’est livré à des bombardements systématiques, à des crimes de guerre, ainsi qu’à des crimes contre l’humanité. Nous connaissons tous les attentats de Paris, Istanbul, Bruxelles et Londres. Jusqu’à tout récemment, Daech avait le contrôle de grands territoires en Syrie et en Irak. Il n’y a pas de doutes quant au fait que c’est Daech qui a perpétré ces crimes. Personne ne le conteste.

Dans ce rapport, la question centrale est de savoir si Daech a commis des actes de génocide. Le seuil de qualification du crime de génocide est très élevé. Les auteurs doivent non seulement avoir agressé des membres particuliers d’un groupe, mais ils doivent aussi avoir agi avec l’intention de détruire ce groupe en tout ou en partie. Nous examinons dans le rapport la question de savoir si les crimes perpétrés par Daech atteignent ce seuil de qualification.

Après une analyse approfondie, nous constatons que Daech a perpétré des actes de génocide à l’encontre des minorités yézidie, chrétienne et musulmane non sunnite.

Ce faisant, nous réitérons les conclusions publiées en janvier 2016 par l’Assemblée selon lesquelles Daech a commis des actes de génocide. Nous ne pouvions alors préciser les populations concernées. L’enquête menée par les Nations Unies en juin 2016 sur la situation en Syrie a également conclu que Daech a commis des actes de génocide. D’autres instances parlementaires telles que le Parlement européen sont parvenues au même constat.

Pourquoi importe-t-il d’établir que Daech commet des actes de génocide? Selon la Convention pour la prévention et la répression du génocide adoptée en 1948, dont tous les États membres du Conseil de l’Europe sont signataires, les États ont le devoir de mettre un terme au génocide, de le prévenir et d’en punir les auteurs. Certains États signataires ont refusé de se prononcer sur ce point, arguant que le constat de génocide ne peut être dressé que par une instance judiciaire. Le rapport dont nous discutons ce matin marque respectueusement son désaccord avec cette approche. Attendre l’intervention d’une juridiction, a fortiori d’une juridiction internationale, prend trop de temps, laissant les États dans l’incertitude sur la question de savoir s’ils doivent intervenir, ce qui prive la Convention pour la prévention et la répression du génocide de ses effets pratiques.

Établir l’existence d’un génocide relève de la responsabilité politique que les États signataires de celle-ci ont accepté d’assumer, qui implique de prévenir et punir le génocide. En l’espèce, les preuves de génocide sont nombreuses, les exemples d’activité criminelle pertinents et étayés démontrant l’état d’esprit génocidaire de Daech. La commission des questions juridiques et des droits de l’homme a entendu une victime de ce génocide, Mme Nadia Murad, à laquelle l’Assemblée parlementaire a décerné en 2016 le prix Václav Havel pour les droits de l’homme. Le rapporteur a également pu s’entretenir directement avec les fonctionnaires de la Cour pénale internationale qui recueillent les preuves sur le terrain.

Cette Assemblée, ainsi que les États européens, ont à présent fort à faire. Tout d’abord, nous devrions être vivement préoccupés par le fait que des milliers de combattants de Daech, dont la plupart sont responsables d’actes de génocide, détiennent un passeport émis par un État membre du Conseil de l’Europe. Pour la première fois depuis les années 1940, de nombreux ressortissants européens sont impliqués dans de tels crimes.

Deuxièmement, nous devons en punir les auteurs vivant dans nos juridictions, au premier rang desquels nos propres citoyens. Nous devons avant tout nous assurer que les actes de génocide sont punis conformément à l’obligation prévue par la Convention pour la prévention et la répression du génocide. On ne doit condamner leurs auteurs pour des crimes moins graves, tels que l’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, qu’en dernier recours, uniquement si cela s’avère nécessaire.

Troisièmement, nous devons examiner de très près le profil des demandeurs d’asile afin de nous assurer, d’une part, que les victimes sont dûment identifiées et protégées et, d’autre part, que les auteurs d’actes criminels sont identifiés, privés de toute protection et punis.

Quatrièmement, nous devons protéger nos pays. Les combattants de Daech ont déjà perpétré des crimes dans de nombreuses villes européennes. Nous devons tout mettre en œuvre pour éviter que les combattants rentrant en Europe ne multiplient de telles atrocités. Il est clair à présent que les juridictions nationales, notamment en Irak et en Syrie, ne peuvent ou ne veulent pas agir. Le projet de résolution les encourage vivement à faire bien davantage.

En attendant, l’intervention d’une cour internationale s’impose. Si la Cour pénale internationale (CPI) a d’abord été envisagée, son action a été entravée au titre de l’un des trois critères de compétence prévus par le Statut de Rome. Ni la Syrie ni l’Irak n’en sont signataires et ne sont susceptibles de se soumettre de leur plein gré à la compétence de la CPI. Le projet de résolution les appelle à ratifier le Statut de Rome.

Par ailleurs, la Fédération de Russie et la Chine ont opposé leur veto à la résolution du Conseil de sécurité des Nations unies prévoyant la saisine de la CPI au sujet de la situation en Syrie. Le projet de résolution appelle tous les États membres du Conseil de l’Europe à ne pas faire obstacle aux efforts déployés à l’avenir pour traduire les membres de Daech en justice.

En outre, la procureure de la CPI a refusé d’ouvrir une enquête sur les crimes qu’auraient commis les membres de Daech ressortissants d’un État signataire du Statut de Rome. Le projet de résolution l’invite à revenir sur cette décision. Il propose également d’envisager d’autres voies d’action, telles que l’établissement de mécanismes judiciaires spéciaux. Par exemple, des juridictions spéciales comprenant des juristes étrangers aidant les tribunaux nationaux pourraient être introduites au sein du système judiciaire irakien.

Toutes ces importantes recommandations tendent vers les mêmes buts absolument fondamentaux: que justice soit rendue aux nombreuses victimes des crimes atroces perpétrés par Daech et qu’un signal clair indiquant notre engagement résolu en faveur de la justice internationale, de l’État de droit, de la protection des innocents et de la lutte contre l’extrémisme, soit émis.

M. Ghiletchi, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Kyriakides au fauteuil présidentiel.

LE PRÉSIDENT* – Madame Sotnyk, il vous restera 6 minutes et demie pour répondre aux orateurs.

M. KORODI (Roumanie), rapporteur pour avis suppléant* – Mme Ævarsdóttir, rapporteure de la commission des questions politiques, partage très largement le constat de crime contre l’humanité dressé dans le rapport de la commission des questions juridiques.

Un génocide a bien été perpétré à l’encontre des groupes minoritaires yézidis, chrétiens et musulmans non sunnites, ce qui est d’autant plus insupportable que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe n’a eu de cesse de tirer la sonnette d’alarme à leur sujet, de la Résolution 1878 relative à la Syrie, adoptée en 2012, à la Résolution 2016, adoptée en 2014, après l’encerclement par Daech de la région de Sinjar. La même année, notre ancien président Jean-Claude Mignon écrivait dans son rapport sur la situation à Alep: «L’Assemblée, à juste titre, a souligné que la persécution des communautés religieuses et ethniques s’était graduellement transformée en une attaque meurtrière à grande échelle». Ces mises en garde répétées n’ont pas été entendues et le génocide a eu lieu. Comment obtenir justice? L’idéal aurait été de recourir à une juridiction internationale, mais cet horizon est pour l’instant hors d’atteinte. Il faut donc s’appuyer sur la compétence universelle des juridictions nationales.

Selon un rapport d’Amnesty International, certains pays en ont déjà fait usage. En Allemagne et en Suède, des individus ont été jugés et condamnés sur cette base pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité commis en Syrie. La collecte de preuves est indispensable à son utilité pratique. Il importe donc de poursuivre les travaux de la commission d’enquête internationale indépendante sur la Syrie des Nations Unies, du mécanisme d’enquête international, impartial et indépendant sur la Syrie et de l’équipe d’enquêteurs sur les crimes commis par Daech en Irak, créée en septembre dernier par une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il importe également de les doter de ressources budgétaires fiables allant si possible au-delà de simples contributions volontaires, comme le demandait le Haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme en mars dernier.

Par ailleurs, pour que justice soit faite, il convient que les juridictions nationales n’aient pas exclusivement recours à la législation anti-terroriste pour condamner les membres de Daech, même si c’est parfaitement compréhensible compte tenu des impératifs de sécurité nationale. Elles doivent aussi prendre le temps d’examiner les éventuelles accusations de crimes contre l’humanité ou de génocide. Je rappelle que le génocide inflige une blessure à toute l’humanité. Pour les victimes comme pour nous-mêmes, nous devons punir ceux qui déshumanisent leurs semblables et qui vous tuent parce que votre seul crime est d’être né.

Ces considérations trouvent leur aboutissement dans les six amendements proposés par la commission des questions politiques à l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. BYRNE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Je souhaite soutenir le rapport et adresser mes félicitations au rapporteur et à la commission qui ont soumis ce sujet à notre attention. Il est grand temps que nous nous prononcions. Il est bon que l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe adopte ce texte ce matin.

Nous savions qu’à partir du moment où l’État islamique serait sous pression dans ses principales places fortes, il essaierait d’étendre son action partout. Dans un premier temps, des milliers de combattants étrangers ont rejoint le cœur des combats. Aujourd’hui, ils sont nombreux à vouloir se réfugier en Europe. Les attentats qui ont eu lieu dans différentes villes européennes font partie d’un scénario de propagation de l’horreur qui prolonge l’horreur vécue en Irak ou en Syrie. Parmi ces horreurs, il y a de véritables génocides.

Il y a eu différentes motions en ce sens au Conseil de l’Europe, au Parlement Européen, comme au sein des parlements britannique, français, autrichien, lituanien et canadien, pour n’en citer que quelques-uns. La commission d’enquête indépendante des Nations Unies a également conclu en ce sens après son étude de la situation en Syrie: elle a constaté des tortures, des violences, en particulier des violences sexuelles envers les yézidis et les musulmans non sunnites.

Daech, ou l’État islamique – peu importe le nom qu’on lui donne –, hait la diversité que nous chérissons. Il cherche à éradiquer autrui. Daech a mis en place de véritables manuels de sauvagerie et de massacre; c’est une impitoyable machine à tuer.

Évidemment, nous ne pouvons pas poursuivre ces crimes devant la Cour pénale internationale parce que ni la Syrie ni l’Irak ne sont parties prenantes au Statut de Rome. En revanche, nous pouvons prendre des dispositions pour punir ceux des combattants qui reviennent chez nous – cela fait partie des mesures que nous préconisons.

Vous savez que nous avons mis en place des juridictions ad hoc afin de poursuivre les crimes commis sur le territoire de l’ex-Yougoslavie, au Rwanda et au Timor oriental. Toute une série de crimes horribles se déroulent à nos portes, aussi devons-nous agir! Certains disent qu’il s’agit d’un conflit de civilisations, mais ce n’est pas vrai. C’est un conflit entre la civilisation et la barbarie. Il faut qualifier ces crimes comme il convient: il s’agit de génocides.

Mme GILLAN (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Je suis heureuse de prendre la parole à la suite de M. Byrne car il s’est exprimé au nom du Groupe socialiste tandis que je m’exprime au nom du Groupe des conservateurs européens, et cependant je peux dire en toute franchise qu’il n’y a pas de différence entre nous dans ce débat et sur ce rapport. C’est pourquoi je voudrais à mon tour féliciter le rapporteur et, au nom de mon groupe politique, me féliciter de ce rapport qui vient à point nommé.

Je pense que tous ceux qui suivent les travaux de cette Assemblée se demandent pourquoi nous n’avons pas été plus efficaces par le passé. Certes, un grand nombre de pays estiment que la question de savoir s’il y a eu ou non génocide doit être tranchée par une décision judiciaire, et non par un gouvernement ou un organe non judiciaire. Cependant, il est tout à fait manifeste, au vu des éléments de preuve qui ont pu être recueillis, qu’il s’agit bien d’un génocide.

Nous devons donc trouver un moyen d’habiliter un mécanisme judicaire international. Il est vrai que ni l’Irak ni la Syrie n’ont signé le Statut de Rome, de sorte que la Cour pénale internationale (CPI) ne peut même pas ouvrir une enquête.

Toutefois, nous nous réjouissons de constater que, le 21 septembre 2017, le Conseil de sécurité des Nations Unies a décidé à l’unanimité d’adopter la Résolution 2379 sur l’obligation redditionnelle et les comptes que Daech doit rendre. Le Secrétaire général des Nations Unies est ainsi invité à mettre en place une équipe d’enquêteurs sous la houlette d’un conseiller spécial afin d’identifier les éléments de preuve des crimes de Daech en Irak. Cette équipe est habilitée à partager des éléments de preuve avec les procureurs de différents pays et non pas seulement avec l’Irak, et à pouvoir ainsi également livrer des éléments de preuve à la CPI ou à d’autres juridictions avec le consentement de l’Irak. D’autres pays pourront également demander à l’équipe d’enquêteurs de les aider, le moment venu.

Je suis heureuse que le Gouvernement britannique ait d’ores et déjà versé un million de livres pour soutenir la mise en œuvre de cette résolution et la mise en place de cette équipe d’enquêteurs. Le conseiller spécial va superviser cette équipe qui a pour charge également d’établir la façon dont on pourra demander à Daech de rendre compte de ses actes.

Il ne fait pas de doute que Daech a perpétré un génocide contre les Yézidis, les minorités chrétiennes et musulmanes non sunnites, mais il a fallu bien longtemps à la communauté internationale pour réagir. Poursuivre les combattants de Daech au plan international uniquement pour des crimes de terrorisme serait échouer à faire répondre de leurs actes les auteurs pour toute l’étendue de leurs crimes. C’est pourquoi je soutiens cette résolution et ce rapport qui ajoutent le poids et l’autorité du Conseil de l’Europe à cette démarche. Il faut trouver une procédure légitime, crédible et visible au plan international pour obliger Daech à rendre compte de ses actes.

M. STEVANOVIĆ (Serbie), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe –La lutte contre Daech est l’une des situations dans lesquelles tous les Européens sont d’accord, quelle que soit l’idéologie à laquelle ils se réfèrent. Nous sommes les témoins de l’effondrement d’un État dans le voisinage immédiat de l’Europe, ainsi que des plus grandes violations des droits de l’homme depuis l’époque de Pol Pot.

(Poursuivant en anglais) Ces derniers jours, dans le cadre des négociations qui se sont déroulées dans certains lieux marqués par le mal, il s’est avéré que nous avons échoué dans notre entreprise. Aurions-nous pu faire davantage afin d’empêcher ce génocide et sauver les vies, les libertés, le patrimoine de tant de nations? Je pense aux yézidis, aux minorités chrétiennes et musulmanes non sunnites. Aurions-nous pu en faire davantage avant que ne commencent les massacres de Kobané? Certains d’entre nous auraient-ils pu intervenir afin d’empêcher les échanges commerciaux avec Daech dans les premières années du conflit? Avons-nous nourri la bête? Avons-nous détourné le regard et échappé à cette honte, ou devons-nous aujourd’hui l’assumer? Il faut comprendre que, face à de tels actes de bestialité, le seul recours possible est l’emploi de la force.

Daech pratique aujourd’hui une forme de justice tribale. Pour empêcher que ne prévalent de telles formes écœurantes de gouvernement à l’avenir, où que ce soit dans le monde, il faut que nous poursuivions les crimes les plus violents qui soient, notamment le crime de génocide. Des images dignes du Moyen Âge nous sont parvenues, qui nous montrent des pratiques qui se déroulent dans notre voisinage immédiat! Tout cela doit nous pousser à défendre nos valeurs avec la plus grande force.

Nous qui sommes au cœur de l’Europe, nous avons enfin agi, mais avec quel retard! Heureusement, nous n’avons peut-être pas agi trop tard. Soyons bien conscients du fait que certaines des bêtes féroces de Daech sont des ressortissants des États européens! Il est donc très important de se pencher sur les processus qui pourraient permettre leur réintégration dans nos sociétés et d’être particulièrement attentifs aux politiques d’accueil les migrants. Nous sommes au cœur de l’Europe, nous avons des valeurs communes. Il faut que nous puissions agir de manière réaliste face à cette tragédie.

M. KÜRKÇÜ (Turquie), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Chers collègues, au nom de la Gauche unitaire européenne, j’aimerais exprimer notre satisfaction à la lecture du rapport et du projet de résolution. Nous remercions le rapporteur pour le travail accompli afin de décrire les atrocités commises par Daech dans le but d’annihiler des minorités et les communautés non musulmanes dans la région et au-delà.

J’ai pu observer les atrocités commises dans la zone d’activité de Daech. Daech prétend les justifier en adoptant une acception étroite du terme «djihad», selon laquelle il exige la destruction de tous ceux qui n’obéissent pas à leur loi.

Les Kurdes, qui sont principalement sunnites, ont d’ailleurs été très tôt des cibles de Daech. Ils ont survécu non parce qu’ils n’étaient pas visés, mais parce que leur niveau d’organisation et leur capacité de combat leur ont permis de se rebeller rapidement à partir du Kurdistan occidental.

Daech ne vise pas des croyances particulières mais toute communauté non musulmane, où qu’elle soit dans le monde.

L’Assemblée parlementaire s’intéresse naturellement à ce sujet et, au moment où la guerre contre Daech touche à sa fin, nous pourrions faire un peu d’autocritique. N’oublions pas que les peuples de Syrie paient le prix de la mauvaise analyse de cette guerre menée par procuration par les Américains. La situation était en apparence encouragée par les États-Unis qui n’avaient ni leadership, ni programme fiable, ni vision d’avenir. En 2013 déjà, l’Assemblée n’était pas indemne de cette approche. Je vous renvoie à la Résolution 1878 qui prévoyait la fin du régime d’Assad. Avoir l’effondrement du régime d’Assad pour seul objectif a conduit à ne pas voir la complicité dans les massacres de «l’armée modérée», en grande partie composée de partisans d’Al-Qaida, d’Al-Nosra et d’autres organisations djihadistes, comme l’indique aujourd’hui le rapport. Le soutien militaire occidental à l’armée libre syrienne a entraîné des collusions qui ont permis l’introduction de la charia dans la région.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Mes chers collègues, j’ai eu l’occasion de rencontrer des gens qui avaient réussi à s’enfuir. Ils m’ont déclaré que les organisations internationales, y compris l’Assemblée parlementaire, avaient échoué à leur apporter un soutien. Ils demandent tous votre aide. Il y a une vingtaine de jours, nous avons pu nous entretenir avec des Syriens qui avaient trouvé refuge en Turquie. Placés dans des camps proches de la frontière syrienne, ils nous ont rappelé que les organisations internationales et les pays européens n’avaient pas joué un rôle actif et avaient besoin de plus d’aide de votre part. Tous les peuples de la région qui ont souffert de l’agression de Daech attendent que vous les aidiez. Leur voisin, la Turquie, est le pays qui leur apporté le soutien le plus tangible. Tous ont loué la Turquie pour cet appui.

Mesdames, Messieurs, Daech est une organisation terroriste. Nous pourrions parler longuement, sans y voir très clair, des intérêts servis par les agissements de cette organisation composée de nombreux criminels. En Turquie, des centaines de personnes ont perdu la vie dans les attentats terroristes perpétrés par Daech. Les pays européens et les organisations européennes doivent impérativement soutenir la Turquie qui lutte pied à pied contre Daech.

Je m’exprime au nom de mon groupe, mais nous devons travailler ensemble. Un effort collectif est requis. Nous devons nous assurer que les responsables de ces crimes soient traduits en justice.

Mon pays, l’Azerbaïdjan, qui est majoritairement musulman, est aussi résolument engagé dans la lutte contre Daech, car il a beaucoup souffert d’organisations terroristes soutenues par les Arméniens. Certains responsables politiques européens prennent prétexte de l’existence de Daech pour mener campagne contre l’islam et les musulmans. Nous devons fermement rejeter tout effort déployé en ce sens. Alimenter l’islamophobie en Europe provoquera des résultats catastrophiques. De telles déclarations irresponsables ne servent que les intérêts de Daech.

M. NÉMETH (Hongrie), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – Les félicitations au rapporteur sont généralement une formule de politesse, mais en l’occurrence, nous remercions de tout cœur M. Omtzigt qui a eu beaucoup de mérite de préparer ce rapport, même s’il ne peut être présent ce matin.

La lutte contre l’État islamique est aujourd’hui le principal conflit en cours. Il a fait des centaines de milliers de victimes d’atrocités, de massacres, de réductions en esclavage, autant de crimes contre l’humanité caractérisés. Malheureusement, en ce XXIsiècle, l’Occident, autrement dit, nous-mêmes, n’a pas vraiment réagi comme il convenait à cette actualité. Nous devons le faire maintenant.

Le rapport évoque à juste titre les yézidis, les chrétiens et les chiites, qui sont les cibles privilégiées de Daech. Il est grand temps de dire la vérité et de dénoncer le véritable génocide dont ces communautés sont victimes. Aujourd’hui, se tient à Budapest une conférence sur la situation des chrétiens persécutés au Moyen-Orient. Cette heureuse coïncidence démontre qu’il s’agit d’un sujet important. Je me réjouis de la tenue de cette conférence dans ma capitale.

En ce début de XXIsiècle, où est la solidarité avec les chrétiens? Beaucoup se demandent s’il est légitime d’en parler. Même certains hiérarques de l’Église considèrent qu’il ne faut pas parler de persécution de chrétiens ou d’un traitement positif des réfugiés chrétiens dans nos pays qui représenterait une discrimination. Est-il vraiment discriminatoire de se déclarer solidaire de ces chrétiens persécutés? Les chrétiens du Moyen-Orient doivent être défendus. Il faut agir de conserve pour réprimer les crimes, juger les coupables et aider à la reconstruction des églises, des écoles, des hôpitaux des organisations chrétiennes. C’est notre mission historique.

M. VAREIKIS (Lituanie)* – Je voudrais revenir sur ce que vient de dire M. Németh. Nous apprenons à nos enfants ce qu’est la guerre, quelle est sa nature; les manuels scolaires parlent de la guerre entre les États, de la guerre pour le pétrole, mais tout cela est faux! Le grand politologue Zbigniew Brzezinski avait calculé que près de 100 millions de personnes ont été tuées non pas pour le pétrole, mais au nom de leurs croyances et de leurs religions. La majorité des guerres sont déclenchées au nom des croyances. Les génocides sont perpétrés au nom de convictions religieuses.

Je suis d’accord avec M. Németh: en Europe, on dit toujours que la religion n’est pas si importante. C’est de l’ordre du privé, on n’en parle pas. Mais, en réalité, la religion est très importante! Les personnes qui viennent du Proche-Orient sont absolument stupéfaites de constater que nous ne comprenons pas ce qui se passe: c’est une guerre de croyances. Je pense donc que, si nous voulons comprendre la nature de ces guerres et la raison pour laquelle des génocides sont commis, nous devons changer radicalement d’attitude.

On ne nous demande pas de prendre les armes et d’aller tuer les gens, mais seulement de bien comprendre ce qui se passe. C’est là que je ne suis pas tout à fait d’accord avec mon collègue M. Byrne, qui a dit qu’il fallait lutter pour la diversité. Il ne s’agit pas de lutter pour la diversité: nous ne réussirons que si nous parvenons à construire la paix! Même si lutter pour la paix est une expression quelque peu contradictoire. Je pense donc qu’il faudrait réfléchir à la façon dont le Conseil de l’Europe, qui est censé lutter également pour préserver l’aspect spirituel de la démocratie, pourrait être un faiseur de paix dans ces conflits religieux.

M. MAKHMUDYAN (Arménie)* – Tout d’abord, je voudrais remercier le rapporteur d’avoir traité de ce sujet d’une importance capitale. Il est important pour nous tous, et en particulier pour moi, car je suis membre de l’Assemblée nationale arménienne et porte-parole de la communauté yézidie en Arménie. Le Moyen-Orient est le berceau de nombreuses civilisations et religions. Les événements qui ont eu lieu ces dernières années en Syrie et en Irak sont des crimes contre l’humanité et la civilisation.

Ne nous méprenons pas: des atrocités ont été commises contre une minorité religieuse au nom d’une autre religion; celles commises par l’État islamique, Al-Nosra ou d’autres organisations terroristes, sont des crimes contre le monde civilisé. L’action de ces terroristes, qui ont menacé l’existence de religions et groupes ethniques entiers, a été renforcée par l’arrivée de combattants étrangers et la mainmise sur certains flux financiers: nous devons lutter contre ces terroristes et contre ce qui est un véritable génocide. Que le christianisme soit menacé au Moyen-Orient n’est pas un fait nouveau: il y a déjà eu de nombreux actes de violence dont les minorités chrétiennes ont été victimes.

Je suis fier de pouvoir être ici le porte-parole des yézidis d’Arménie, ce qui a été possible grâce à un processus démocratique irrévocable. L’Arménie a bien entendu condamné sans réserve les atrocités qui ont eu lieu dans le nord de l’Irak, notamment celles qui ont touché les yézidis. Selon un rapport des Nations Unies paru en août 2014, 5 000 yézidis ont été tués par Daech au cours de ce seul mois. Depuis, le nombre de victimes n’a cessé de croître. Et tout cela sous les yeux du monde développé, qui s’est contenté de condamner oralement ces actes, comme il s’était contenté de condamner oralement les génocides du XXe siècle.

C’est pourquoi je suis très heureux qu’en 2016, la survivante et militante des droits de l’homme Nadia Murad ait reçu le prix Václav Havel décerné par notre Assemblée. J’ai eu le privilège d’écouter Nadia Murad raconter son histoire en Arménie: c’était à l’occasion du deuxième forum mondial contre le crime de génocide, et elle s’y exprimait sur le thème «Témoignages de survivants de génocides». Nadia a dit: «Des millions d’arméniens ont été tués dans un véritable génocide, et la douleur perdure plus d’un siècle plus tard.» Je pense que, dans quelques dizaines d’années, quand nous regarderons en arrière et ferons le point sur les génocides commis par Daech, ce sera encore avec un véritable déchirement. Il faut vraiment trouver les moyens de mettre un terme à ce cycle infernal et à ces crimes affreux.

Mme TOPCU (Turquie)* – Daech a détruit des sites culturels et un patrimoine millénaires en Syrie, en Irak, et dans d’autres pays. Daech cible les valeurs occidentales et la culture.

Qu’on l’appelle Daech, État islamique, ou autrement encore, ce groupe menace la vie de chacun d’entre nous, et il est donc de notre responsabilité de condamner ses actes, de renforcer notre coopération et la lutte contre lui. Nous devons protéger notre liberté et ne pas soutenir ceux qui tentent d’exploiter la situation.

Lutter contre le terrorisme est avant tout une question de mentalité: ignorer la cruauté est déjà un acte de cruauté. Le terrorisme est aussi l’ennemi des femmes, sans distinction culturelle, religieuse ou ethnique: on ne peut pas se permettre de marginaliser la terreur.

On ne peut en aucun cas embrasser la cause terroriste: il nous faut une feuille de route, un objectif, et une forte coopération pour lutter contre celle-ci. Il est important d’agir immédiatement et de créer des mécanismes dissuasifs efficaces et des sanctions. Toutes les nations doivent se retrouver dans cet objectif et faire preuve de détermination et de volonté contre la menace terroriste.

Mme FATALIYEVA (Azerbaïdjan)* – Malheureusement, des crimes contre l’humanité se sont déjà produits par le passé, et continuent à se produire aujourd’hui en dépit de tout le droit international et des règles et conventions qui le composent.

Chaque guerre, chaque conflit, a un aspect horrifique. Je viens d’Azerbaïdjan, et notre histoire a été marquée par de tels conflits. L’extermination brutale de centaines d’habitants pacifiques de Khojaly est l’un des crimes les plus sanglants commis par l’Arménie sur notre territoire. Au terme de ce massacre, 613 personnes ont été tuées, uniquement parce qu’elles étaient azéries. Crimes de masse, décapitations, autant d’atrocités relayées par les médias. Si ce massacre avait été évalué correctement, si la communauté internationale s’en était davantage préoccupé et avait réagi immédiatement en poursuivant les auteurs de ces crimes, nous ne serions peut-être pas aux prises avec Daech aujourd’hui.

Malheureusement, nous avons tous pris l’habitude des vidéos qui sont mises en ligne par Daech et immédiatement propagées par les médias, dans lesquelles on voit les soldats de l’organisation inventer de nouveaux types d’exécutions: par exemple, des enfants transformés en soldats procèdent à des exécutions.

Les soldats de Daech commettent de terribles violences sexuelles contre les femmes, les filles et les garçons. Ils enlèvent des familles entières, notamment dans le nord de l’Irak, pour faire subir à leurs membres des violences sexuelles et les transformer en esclaves. Même dans les rangs de ceux qui luttent contre l’État islamique, on voit augmenter le nombre de femmes et d’enfants. Parmi les atrocités sanglantes qui sont commises, les plus terribles sont peut-être celles qui visent les femmes, car celles-ci sont victimes de crimes sexuels.

Daech prétend être une organisation islamique destinée à rétablir le califat. En réalité, elle n’a rien à voir avec l’islam. Il ne s’agit de rien d’autre qu’une nouvelle forme de guerre, encore plus cruelle. Or, on n’accorde pas suffisamment d’attention aux crimes contre l’humanité qui sont commis. Ces atrocités ne donnent pas lieu à des réactions appropriées; elles sont censurées. On a l’impression que les exécutions publiques, meurtres, viols et autres actes sont secondaires par rapport aux aspects militaires du conflit, tels que les offensives et les frappes aériennes. On ne se penche pas sur les problèmes que rencontrent les femmes et les enfants, alors même que ces exactions font partie de la tactique des terroristes. On se limite à condamner ou à justifier les actes terroristes.

Il faut donc débattre ouvertement de ces questions, en même temps que des autres facettes de la guerre et des conflits, et cela d’autant plus que ces violences auront des répercussions à long terme sur les femmes et les enfants qui les ont subies et qui y ont survécu. Il faut donc protéger les victimes sur le plan politique et économique. Nous ne pouvons pas attendre et observer: il faut réagir sans tarder, faute de quoi de tels massacres, de tels génocides, une telle utilisation des femmes et des enfants comme boucliers se poursuivront. Nous savons que les terroristes ne reconnaissent aucune loi.

M. DIVINA (Italie)* – Nous avons tous été frappés par les images que nous avons vues. Nous étions bouleversés, nous ne comprenions pas les atrocités commises en Irak et en Syrie. Nous avons vu des choses absolument atroces, et nous sommes bien obligés de recourir au mot «génocide» pour désigner les crimes dont sont victimes les yézidis, les chrétiens d’Orient, les chiites, ainsi que les Kurdes – lesquels ont été les premiers à réagir, alors que le monde était encore frappé de stupeur, que nous restions les bras ballants et ne comprenions pas vraiment ce qu’il se passait. Du reste, la question kurde n’est pas encore réglée: à la suite du référendum qui a eu lieu, nous allons devoir, ici même, décider si les Kurdes ont le droit de créer leur propre État.

Il paraît absurde que l’on ne parvienne pas à réprimer ces crimes, à poursuivre les responsables de ces atrocités. On n’arrive pas à trouver de juridiction compétente. Parmi les combattants étrangers qui reviennent maintenant dans leur pays, 1 500 au moins sont des Européens et 400 environ des Italiens. Ne me dites pas que l’on ne peut rien faire pour les empêcher de retrouver tout simplement leur foyer. Ne me dites pas qu’aucun procureur ne peut les poursuivre, preuves à l’appui: il doit tout de même y avoir des moyens d’établir des éléments de preuve pour réprimer les crimes terribles qu’ils ont commis. Raisonnons par l’absurde: un citoyen italien risque plus d’être poursuivi s’il dépasse un peu les limitations de vitesse que s’il rentre du Moyen-Orient après y avoir commis des actes atroces. C’est complètement absurde.

Il serait bon que les Nations Unies se dotent d’une cour, sur le modèle de la Cour pénale internationale, ou qu’elles adoptent une solution hybride. Quoi qu’il en soit, il faut que les responsables de toutes ces atrocités soient dûment poursuivis et sanctionnés, de même que toutes les personnes ayant adhéré à des organisations criminelles telles que Daech.

Mme BÎZGAN-GAYRAL (Roumanie)* – Nous devons, ensemble, poursuivre et punir les crimes contre l’humanité, voire le génocide commis par Daech. Cette organisation fait régner l’horreur, et ce sentiment est encore renforcé par le traitement réservé aux femmes et aux filles. Ce que les femmes emprisonnées par l’Etat islamique et qu’il a maintenues en esclavage ont enduré est bien pire que la violence sexuelle: il s’agit d’une tentative de les rayer systématiquement de la surface de la terre, et avec elles tout leur peuple. Celles qui ont survécu et qui témoignent doivent permettre au monde de comprendre que les femmes qui ont été enlevées par Daech n’ont pas seulement été transformées en esclaves sexuels – c’est par trop réduire le traumatisme qu’elles ont subi: entre les mains de leurs bourreaux, elles ont connu des cruautés sans nom. Dans les territoires occupés par Daech, femmes et enfants ont été réduits en esclavage.

Les femmes se voient retirer tous leurs droits humains. Elles sont enlevées à leur foyer, leurs enfants, les autres membres de leur famille sont abattus ou dispersés. Le moindre aspect de leur vie passe sous le contrôle de Daech. L’organisation les viole jusqu’à l’anéantissement; elles disparaissent de leur propre existence.

Comme l’ont souligné des chercheurs et des journalistes, l’un des problèmes essentiels est que la parole des femmes n’est toujours pas considérée comme légitime. On réduit leur vécu au traitement sexuel qui leur a été réservé. D’une façon générale, on n’insiste pas assez sur les violences sexuelles commises dans les zones de conflit; ces actes ne font pas suffisamment l’objet de poursuites. Je vous rappelle qu’en 2008 le Conseil de sécurité des Nations Unies a déclaré que le viol et les autres formes de violence sexuelle pouvaient être considérés comme des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, voire être constitutifs de génocide.

Le viol et les violences sexuelles perpétrés dans le cadre des conflits ne sauraient être minimisés. L’impact des crimes perpétrés par Daech à l’encontre des femmes et des filles est dévastateur: elles subissent des traumatismes physiques et psychologiques et, même quand elles survivent à ces abus, elles sont vouées à en souffrir pendant le reste de leur vie. Qui plus est, elles sont stigmatisées socialement en raison du caractère sexuel des actes dont elles ont été les victimes.

Il est absolument fondamental que nous nous intéressions à la question du viol et des violences sexuelles commises dans le cadre de ce conflit, mais de tels agissements sont tout aussi inacceptables ici, en Europe, dans la vie de tous les jours. Nous devons l’affirmer haut et fort: nous ne voulons plus de violences contre les femmes et les filles.

M. WHALEN (Canada, observateur)* – Je vous remercie de me donner la possibilité de prendre part à ce débat. Je remercie également M. Omtzigt pour son rapport circonstancié, qui aborde de façon honnête et complète les défis que représente la poursuite des crimes atroces perpétrés par Daech en Syrie et en Irak. On lit, dans le préambule du Statut de Rome de la Cour pénale internationale, que les atrocités perpétrées à l’encontre de femmes, d’enfants et d’hommes sont une menace pour la paix, la sécurité et le bien-être du monde.

Ces crimes, graves entre tous, ne sauraient rester impunis. Nous avons vu et continuons de voir dans les médias, nous lisons dans les rapports établis par les gouvernements et les organisations non gouvernementales que les membres de Daech – et en premier lieu ses dirigeants – se sont livrés à de nombreux crimes de guerre, crimes contre l’humanité, voire à un génocide visant des civils innocents et des minorités ethniques et religieuses. Toutes ces exactions sont avérées, notamment grâce aux travaux de la commission d’enquête internationale indépendante des Nations Unies sur la République arabe syrienne, comme le signale M. Omtzigt dans son rapport.

L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et nous, pays observateurs, devons être à la pointe des efforts accomplis pour que la justice soit rendue, que les responsables rendent des comptes.

Le Canada est l’un des premiers États à être devenu partie à la CPI et à avoir intégré le Statut de Rome dans son droit interne, ce qu’il a fait dès l’an 2000, au moyen de sa loi relative aux crimes contre l’humanité et aux crimes de guerre. Ce texte garantit la compétence universelle pour les crimes internationaux commis en dehors des frontières du Canada par des personnes se trouvant sur son territoire.

À la Chambre des communes, le 16 juin 2016, le ministre des Affaires étrangères de l’époque avait affirmé qu’un génocide était en train d’être perpétré à l’encontre des yézidis et il avait demandé au Conseil de sécurité des Nations Unies de prendre des mesures d’urgence.

Un certain nombre de commissions parlementaires ont mené des enquêtes sur les violences commises par Daech. La sous-commission sur le droit international humanitaire de la Chambre des communes a notamment publié un rapport en avril 2017 intitulé « Le jour d’après: programmer la protection des minorités religieuses et ethniques dans l’Irak post-Daech ». Dans ce rapport, des recommandations concernaient l’engagement de poursuites contre ces crimes. Notre gouvernement a également adopté des mesures visant à renforcer la stabilité, à se pencher sur les sources de conflits, à promouvoir la responsabilité dès lors que des crimes internationaux sont perpétrés par le biais de programmes de stabilisation et de pacification.

En tant que parlementaires, nous avons un rôle essentiel à jouer pour inciter nos gouvernements à engager des actions visant à traduire devant les tribunaux les membres de Daech qui se sont livrés à ces atrocités. Justice doit être rendue aux populations civiles qui ont été frappées. Brisons ce cercle de haine et de violence!

Mme KERESTECİOĞLU DEMİR (Turquie)* – Chers collègues, j’aimerais tout d’abord remercier le rapporteur M. Omtzigt pour avoir saisi l’Assemblée de ce sujet important.

Il y a quatre ans, une tragédie terrible a commencé pour les yézidis après le retrait des Peshmergas du Sinja: sous les coups des attaques de Daech, on a assisté à des massacres systématiques des populations au seul motif de leur ethnie ou de leur foi. Les femmes ont été violées, les enfants tués et les jeunes garçons enrôlés comme soldats ou bombes humaines. L’occupation du Sinjar par Daech a vu plus de 5 000 enfants et femmes détenus et vendus sur les marchés à esclaves. Malheureusement, au XXIe siècle, l’humanité a été à nouveau le témoin d’un génocide et le monde entier, ou quasiment, est resté silencieux.

Lorsque Daech a attaqué, des milliers de yézidis ont pu s’échapper grâce au corridor ouvert par les combattants kurdes. Mais des dangers continuent de peser sur cette communauté. De nombreux femmes et enfants sont encore entre les mains de Daech. Ces communautés non musulmanes, quelle que soit leur nationalité, n’ont pas besoin de cérémonies; elles veulent seulement que justice leur soit rendue.

Comme l’a écrit M. Omtzigt, les États doivent demander que des enquêtes judiciaires soient conduites sur ces crimes. Mais, nous le savons, les juridictions internationales sont soumises à des influences politiques, et les dirigeants des États membres de l’Otan et leurs alliés n’auront probablement jamais à répondre devant une juridiction internationale. Ceux qui avaient créé le tribunal pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda semblent réticents aujourd’hui à agir pour les populations d’Irak et de Syrie. Cela tient-il aux conflits d’intérêts autour de ces pays, qui sont loin d’être réglés? Les gouvernements ne pensent-ils qu’à s’enrichir ou à prendre le pouvoir dans la région? Les enquêtes ne pourront être effectives que si nous agissons immédiatement. Il y a urgence. Tout pays qui ignore les crimes de Daech les soutient implicitement et devrait en répondre devant une juridiction internationale.

Je soutiens totalement ce rapport car, pour prévenir l’apparition de nouveaux Daech, tout crime de guerre doit faire l’objet d’enquêtes. Sinon, autant ranger dans les tiroirs la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, parce qu’elle ne vaudra plus rien!

M. WIECHEL (Suède)* – J’ai suivi le combat international mené pour anéantir l’État islamique. À ce titre, je suis très satisfait que M. Omtzigt et la commission des questions juridiques aient entrepris ce travail documentaire très précis des actes horribles perpétrés contre les yézidis, les chrétiens, les chiites et autres groupes musulmans non sunnites en Irak et en Syrie. Ce sont des crimes contre l’humanité.

Notre rapporteur analyse admirablement bien les difficultés que l’on a à conclure officiellement au plan international qu’il y a eu ce que nous ressentons tous, à savoir un génocide, ce qui ferme la porte à un examen par la Cour pénale internationale qui, pourtant, devrait naturellement connaître de ces crimes.

Nos différents États doivent traduire en justice les terroristes pour génocide et faire le nécessaire pour réprimer ces crimes. De nombreux combattants rentrent dans nos pays. Ils sont susceptibles d’avoir commis des crimes horribles et risquent de bénéficier de l’impunité. Ils seront même éventuellement pris en charge par nos systèmes sociaux aux frais de nos contribuables. C’est moralement intolérable! Et cela risque d’avoir un effet dévastateur sur nos sociétés.

Nos pays doivent s’entendre sur le fait que les combattants de Daech ont commis des génocides contre certaines minorités. Nous devons pouvoir les expulser de nos territoires, les emprisonner et les punir pour leurs crimes. Nous devons absolument tout faire pour prévenir d’autres massacres et punir les auteurs de ces atrocités. Nous connaissons la réalité de l’État islamique. Ce dernier non seulement assassine des personnes de manière aléatoire, mais il a aussi organisé des massacres systématiques qui sont vraiment constitutifs d’un génocide contre des minorités religieuses au Moyen-Orient.

M. ABUSHAHLA (Palestine, partenaire pour la démocratie)* – Merci au rapporteur pour ce rapport très circonstancié, merci également pour les amendements qui soulignent que les victimes de Daech sont également des sunnites.

Mes chers collègues, comme Al-Qaida, Daech, c’est la terreur! Tuer des personnes dans les rues des pays européens, arabes ou en Turquie, c’est la terreur! Tuer des innocents aux États-Unis ou ailleurs parce que l’on détient une arme, c’est l’horreur! Brûler les maisons de familles à Jérusalem, c’est également la terreur!

Le terrorisme ne connaît pas de religion. Le terrorisme, c’est l’ennemi du genre humain, où que ce soit.

Le terrorisme a ses causes. Il faut traiter les racines du mal afin d’éviter que ne se propagent des organisations semblables à Daech. Des enquêtes doivent être menées pour essayer d’en comprendre les causes et les éradiquer. L’instabilité au Proche-Orient et le conflit israélo-palestinien toujours sans solution sont parmi les principales causes du terrorisme dans notre région et cela a des répercussions partout dans le monde. La communauté internationale et le Conseil de l’Europe doivent s’attacher à bien comprendre les racines de ce fléau afin de pouvoir éradiquer la terreur.

LE PRÉSIDENT* – Il nous faut maintenant interrompre la liste des orateurs.

Les orateurs inscrits qui, présents pendant le débat, n’ont pu s’exprimer, peuvent transmettre, dans les 4 heures, leur intervention dactylographiée au service de la séance, pour publication au compte rendu. Cette transmission doit être effectuée, dans la mesure du possible, par voie électronique.

J’appelle la réplique de la commission.

Mme SOTNYK (Ukraine), rapporteure suppléante* – Mes chers collègues, la question la plus importante, ici, et je suis persuadée que vous êtes tous d’accord avec moi, est la sécurité nationale. Or la possibilité de poursuivre Daech pour les crimes contre l’humanité et les actes de génocide qu’il a perpétrés participe à cette sécurité nationale.

Un certain nombre d’orateurs ont indiqué que Daech avait également perpétré des crimes en Turquie. Le rapport reconnaît ces faits, qui sont aussi repris dans le projet de résolution. Mais aujourd’hui, le cœur de ce rapport est le suivant: comment faire en sorte que les crimes perpétrés par Daech en Syrie et en Irak soient punis? C’est la raison pour laquelle l’accent est mis sur les actes de génocide perpétrés contre les minorités yézidie, chrétienne et musulmane non sunnite. Que ces crimes soient reconnus est d’une extrême importance. D’ailleurs, la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide nous oblige à reconnaître ces faits. Mais mettre l’accent sur la reconnaissance de ces actes de génocide ne minimise en rien les autres crimes commis par Daech, en Turquie et ailleurs.

Nous devons travailler étroitement avec les Nations Unies, en espérant qu’ensemble nous trouverons une solution.

Vous avez été nombreux à affirmer que nous devions passer à l’action. Or il s’agit justement de l’un des messages principaux de notre projet de résolution. Oui, nous devons surmonter un énorme défi: trouver le moyen pour que Daech rende compte de ses crimes et de ses actes de génocide, et nous assurer que la voie entreprise soit la voie légale, mais aussi la plus efficace.

Ce projet de résolution en appelle également aux États membres pour qu’ils poursuivent certains actes dans leurs juridictions; chacun doit faire son travail. De nombreuses actions peuvent être menées pour assurer la sécurité de nos rues, de nos citoyens et ces mesures doivent être prises dès aujourd’hui. Réagissons, mais agissons aussi. Et c’est de cela qu’il s’agit dans ce rapport.

M. SCHWABE (Allemagne), vice-président de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme* – J’aimerais remercier M. Omtzigt qui a dû s’absenter en raison d’une tentative de formation de gouvernement aux Pays-Bas. Le rapport de la commission est très important et expose une fois de plus les nombreux crimes commis par Daech.

Je me suis rendu en Irak du Nord où j’ai rencontré des réfugiés yézidis qui m’ont beaucoup parlé des atrocités dont ils ont été témoins. Le débat a fait également ressortir qu’un grand nombre d’autres groupes et religions, chrétiennes et musulmanes non sunnites notamment, ont été frappés par Daech.

Quand je suis allé à La Haye, voilà quelques semaines, j’ai pu constater la pression que subit la Cour pénale internationale. Dans les années 90, à sa création, nous vivions une toute autre époque; aujourd’hui, elle ne verrait probablement pas le jour. Ce qui est une bonne raison pour renforcer son rôle.

Il est important que les institutions internationales qui se consacrent à la protection des droits de l’homme, le Conseil de l’Europe et les Nations Unies notamment, coopèrent. Et pour optimiser cette coopération, il est important de bien comprendre comment faire coexister nos systèmes dans l’intérêt des droits de l’homme. Tout cela est évoqué clairement dans le rapport et a été repris au cours du débat.

En commission, nous avons pu nous entendre et des majorités importantes se sont dégagées concernant les amendements. Ce qui prouve notre détermination et notre volonté à faire avancer ce sujet. J’espère que l’Assemblée nous appuiera.

LE PRÉSIDENT* – Merci à la commission pour son excellent rapport.

La commission des questions juridiques a présenté un projet de résolution sur lequel 12 amendements ont été déposés.

J’ai cru comprendre que la présidente de la commission proposait de considérer les amendements 3, 4 et 5, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le vice-président?

M. SCHWABE (Allemagne), vice- président de la commission* – Oui, Monsieur le Président.

LE PRÉSIDENT* – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont déclarés définitivement adoptés.

Nous en venons à la discussion des autres amendements. Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisi de l’amendement 7.

L’amendement 7 n’est pas défendu.

Je suis saisi de l’amendement 8.

L’amendement 8 n’est pas défendu.

Je suis saisi de l’amendement 9.

L’amendement 9 n’est pas défendu.

Je suis saisi de l’amendement 11.

Mme EBERLE-STRUB (Liechtenstein)* – Je retire cet amendement.

LE PRÉSIDENT* – Personne ne souhaite le reprendre. L’amendement 11 est retiré.

Je suis saisi de l’amendement 12.

Mme EBERLE-STRUB (Liechtenstein)* – Je retire cet amendement.

LE PRÉSIDENT* – Personne ne souhaite le reprendre. L’amendement 12 est retiré.

Je suis saisi de l’amendement 10.

L’amendement 10 n’est pas défendu.

Je suis saisi de l’amendement 1.

M. DAEMS (Belgique), rapporteur pour avis suppléant – Le paragraphe 6.2.1 de la résolution recommande aux États membres du Conseil de l’Europe d’utiliser leurs compétences universelles pour traduire en justice les personnes qui auraient commis les crimes visés par le Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Les tribunaux allemands et suédois ont récemment condamné des individus pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité au titre de leurs compétences universelles. Cet amendement vise simplement à faire référence à ce nouvel élément qui conforte le message du paragraphe 6.2.1.

M. SCHWABE (Allemagne), vice- président de la commission* – La commission a émis, à une large majorité, un avis favorable à cet amendement.

L’amendement 1 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 2.

M. DAEMS (Belgique), rapporteur pour avis suppléant – Cet amendement vise à rappeler l’importance de condamner les auteurs de crimes contre l’humanité et d’actes de génocide pour ces crimes-là. Et non pas d’utiliser systématiquement et exclusivement la législation antiterroriste pour les neutraliser.

M. SCHWABE (Allemagne), vice- président de la commission* – La commission a émis un avis favorable à une large majorité sur cet amendement.

L’amendement 2 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Je suis saisi de l’amendement 6.

M. DAEMS (Belgique), rapporteur pour avis suppléant – Il s’agit d’un amendement de coordination qui met à jour le projet de résolution. Il fait référence à l’équipe d’enquêteurs pour l’Irak, créée après la rédaction du projet de résolution par la commission des questions juridiques.

M. SCHWABE (Allemagne), vice-président de la commission* – Avis favorable, à une large majorité.

L’amendement 6 est adopté.

LE PRÉSIDENT* – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14402, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (67 voix pour, 0 voix contre et 4 abstentions).

4. Prochaine séance publique

LE PRÉSIDENT* – La prochaine séance publique aura lieu 16 h 30, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 12 h 50.

SOMMAIRE

1. Modifications dans la composition des commissions

2. La nouvelle loi ukrainienne sur l’éducation: une entrave majeure à l’enseignement des langues maternelles des minorités nationales (Débat selon la procédure d’urgence)

Présentation par M. Herkel du rapport de la commission de la culture (Doc. 14415)

Orateurs: MM. Corlăţean, Howell, Mmes Pallarés, Johnsson Fornarve, MM. Fischer, Ariev, Badea, Batrincea, Preda, Usov, Korodi, Németh, Mme Finckh-Krämer, M. Bereza

Réponses de M. le rapporteur et d’Earl of Dundee vice-président de la commission

Vote sur un projet de résolution amendé

3. Poursuivre et punir les crimes contre l’humanité voire l’éventuel génocide commis par Daech

Présentation par Mme Sotnik, rapporteure suppléante, du rapport de la commission des questions juridiques (Doc. 14402)

Présentation par M. Korodi, de l’avis de la commission des questions politiques (Doc. 14418)

Orateurs: M. Byrne, Mme Gillan, MM. Stevanović, Kürkçü, Mme Pashayeva, MM. Németh, Vareikis Makhmudyan, Mmes Topcu, Fataliyeva, M. Divina, Mme Bîzgan-Gayral, M. Whalen, Mme Kerestecioğlu Demir, MM. Wiechel, Abushahla

Réponses de Mme la rapporteure suppléante et de M. Schwabe, vice-président de la commission des questions juridiques

Vote sur un projet de résolution amendé

4. Prochaine séance publique

Appendix / Annexe

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure. The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement. Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.

ÅBERG, Boriana [Ms]

ALEKSANDROV, Nikolay [Mr] (BOGDANOV, Krasimir [Mr])

ANDERSON, Donald [Lord]

ARIEV, Volodymyr [Mr]

ARNAUT, Damir [Mr]

BADEA, Viorel Riceard [M.] (BRĂILOIU, Tit-Liviu [Mr])

BARTOS, Mónika [Ms] (CSÖBÖR, Katalin [Mme])

BATRINCEA, Vlad [Mr]

BAYKAL, Deniz [Mr]

BEREZA, Boryslav [Mr]

BEUS RICHEMBERGH, Goran [Mr]

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BİLGEHAN, Gülsün [Mme]

BÎZGAN-GAYRAL, Oana-Mioara [Ms] (PRUNĂ, Cristina-Mădălina [Ms])

BOSIĆ, Mladen [Mr]

BRASSEUR, Anne [Mme]

BRUIJN-WEZEMAN, Reina de [Ms] (MULDER, Anne [Mr])

BUDNER, Margareta [Ms]

BUSTINDUY, Pablo [Mr] (BALLESTER, Ángela [Ms])

BUTKEVIČIUS, Algirdas [Mr]

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

CORLĂŢEAN, Titus [Mr]

DAEMS, Hendrik [Mr] (BLANCHART, Philippe [M.])

D’AMBROSIO, Vanessa [Ms]

DAMYANOVA, Milena [Mme]

DAVIES, Geraint [Mr]

DE TEMMERMAN, Jennifer [Mme]

DEMETER, Márta [Ms] (GYÖNGYÖSI, Márton [Mr])

DESTREBECQ, Olivier [M.]

DIVINA, Sergio [Mr]

DURANTON, Nicole [Mme]

DZHEMILIEV, Mustafa [Mr]

EBERLE-STRUB, Susanne [Ms]

ESTRELA, Edite [Mme] (ROSETA, Helena [Mme])

FATALIYEVA, Sevinj [Ms] (MAMMADOV, Muslum [M.])

FILIPOVSKI, Dubravka [Ms] (ZZ...)

FINCKH-KRÄMER, Ute [Ms]

FISCHER, Axel [Mr]

FOULKES, George [Lord] (CRAUSBY, David [Mr])

GAILLOT, Albane [Mme]

GERASHCHENKO, Iryna [Mme]

GERMANN, Hannes [Mr] (FIALA, Doris [Mme])

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GILLAN, Cheryl [Ms]

GIRO, Francesco Maria [Mr]

GODSKESEN, Ingebjørg [Ms] (WOLD, Morten [Mr])

GOLUB, Vladyslav [Mr] (LABAZIUK, Serhiy [Mr])

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GORGHIU, Alina Ștefania [Ms]

GRECH, Etienne [Mr] (CUTAJAR, Rosianne [Ms])

GRIN, Jean-Pierre [M.] (MÜLLER, Thomas [Mr])

GÜNAY, Emine Nur [Ms]

GUZENINA, Maria [Ms]

HAJDUKOVIĆ, Domagoj [Mr]

HAMID, Hamid [Mr]

HANŽEK, Matjaž [Mr] (ŠKOBERNE, Jan [Mr])

HEER, Alfred [Mr]

HERKEL, Andres [Mr] (NOVIKOV, Andrei [Mr])

HOFFMANN, Rózsa [Mme] (VEJKEY, Imre [Mr])

HONKONEN, Petri [Mr] (ANTTILA, Sirkka-Liisa [Ms])

HOPKINS, Maura [Ms]

HOWELL, John [Mr]

HUSEYNOV, Vusal [Mr] (HAJIYEV, Sabir [Mr])

JANSSON, Eva-Lena [Ms] (GUNNARSSON, Jonas [Mr])

JOHNSSON FORNARVE, Lotta [Ms] (KARLSSON, Niklas [Mr])

KALMARI, Anne [Ms]

KERESTECİOĞLU DEMİR, Filiz [Ms]

KESİCİ, İlhan [Mr]

KOÇ, Haluk [M.]

KORODI, Attila [Mr]

KOVÁCS, Elvira [Ms]

KOX, Tiny [Mr]

KRIŠTO, Borjana [Ms]

KÜÇÜKCAN, Talip [Mr]

KÜRKÇÜ, Ertuğrul [Mr]

LAMBERT, Jérôme [M.]

LEITE RAMOS, Luís [M.]

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr]

LOUIS, Alexandra [Mme]

LUCHERINI, Carlo [Mr] (BERTUZZI, Maria Teresa [Ms])

LUPU, Marian [Mr] (BULIGA, Valentina [Mme])

MAHOUX, Philippe [M.]

MAIRE, Jacques [M.]

MAKHMUDYAN, Rustam [Mr] (FARMANYAN, Samvel [Mr])

MALLIA, Emanuel [Mr]

MARKOVIĆ, Milica [Mme]

MAURY PASQUIER, Liliane [Mme]

MEIMARAKIS, Evangelos [Mr]

MERGEN, Martine [Mme] (HETTO-GAASCH, Françoise [Mme])

MUNYAMA, Killion [Mr] (HALICKI, Andrzej [Mr])

NĚMCOVÁ, Miroslava [Ms] (ZELIENKOVÁ, Kristýna [Ms])

NÉMETH, Zsolt [Mr]

OHLSSON, Carina [Ms]

ÖNAL, Suat [Mr]

O’REILLY, Joseph [Mr]

PALLARÉS, Judith [Ms]

PANTIĆ PILJA, Biljana [Ms]

PARVIAINEN, Olli-Poika [Mr] (PELKONEN, Jaana Maarit [Ms])

PASHAYEVA, Ganira [Ms]

PECKOVÁ, Gabriela [Ms] (KOSTŘICA, Rom [Mr])

POCIEJ, Aleksander [M.] (KLICH, Bogdan [Mr])

POPA, Ion [M.] (PLEȘOIANU, Liviu Ioan Adrian [Mr])

POSTOICO, Maria [Mme] (VORONIN, Vladimir [M.])

PREDA, Cezar Florin [M.]

PSYCHOGIOS, Georgios [Mr] (KAVVADIA, Ioanneta [Ms])

RIBERAYGUA, Patrícia [Mme] (JORDANA, Carles [M.])

RIGONI, Andrea [Mr]

ROCA, Jordi [Mr] (BARREIRO, José Manuel [Mr])

RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]

RODRÍGUEZ RAMOS, Soraya [Mme]

RUSTAMYAN, Armen [M.]

SANDBÆK, Ulla [Ms] (JENSEN, Mogens [Mr])

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHNEIDER-SCHNEITER, Elisabeth [Mme] (LOMBARDI, Filippo [M.])

SCHOU, Ingjerd [Ms]

SCHWABE, Frank [Mr]

ŠEPIĆ, Senad [Mr]

SEYIDOV, Samad [Mr]

SHARMA, Virendra [Mr]

SILVA, Adão [M.]

ŠIRCELJ, Andrej [Mr]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

SOTNYK, Olena [Ms]

ȘTEFAN, Corneliu [Mr]

STELLINI, David [Mr]

STEVANOVIĆ, Aleksandar [Mr]

STROE, Ionuț-Marian [Mr]

SUTTER, Petra De [Ms] (THIÉRY, Damien [M.])

TAQUET, Adrien [M.] (SORRE, Bertrand [M.])

TILKI, Attila [Mr] (CSENGER-ZALÁN, Zsolt [Mr])

TOPCU, Zühal [Ms]

TORNARE, Manuel [M.] (FRIDEZ, Pierre-Alain [M.])

TRISSE, Nicole [Mme]

TUȘA, Adriana Diana [Ms]

USOV, Kostiantyn [Mr] (GONCHARENKO, Oleksii [Mr])

VÁHALOVÁ, Dana [Ms]

VAREIKIS, Egidijus [Mr]

VARVITSIOTIS, Miltiadis [Mr] (BAKOYANNIS, Theodora [Ms])

VEN, Mart van de [Mr]

VOVK, Viktor [Mr] (LIASHKO, Oleh [Mr])

WENAWESER, Christoph [Mr]

WIECHEL, Markus [Mr] (NISSINEN, Johan [Mr])

WOJTYŁA, Andrzej [Mr]

YEMETS, Leonid [Mr]

ZINGERIS, Emanuelis [Mr]

ZOHRABYAN, Naira [Mme]

Also signed the register / Ont également signé le registre

Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter

BYRNE, Liam [Mr]

CORREIA, Telmo [M.]

HAJIYEV, Sabir [Mr]

LOPUSHANSKYI, Andrii [Mr]

LOUHELAINEN, Anne [Ms]

MARUKYAN, Edmon [Mr]

MELKUMYAN, Mikayel [M.]

MURRAY, Ian [Mr]

NAGHDALYAN, Hermine [Ms]

NAUDI ZAMORA, Víctor [M.]

THIÉRY, Damien [M.]

Observers / Observateurs

LARIOS CÓRDOVA, Héctor [Mr]

RAMÍREZ NÚÑEZ, Ulises [Mr]

SANTANA GARCÍA, José de Jesús [Mr]

SIMMS, Scott [Mr]

TILSON, David [Mr]

WELLS, David M. [Mr]

WHALEN, Nick [Mr]

Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie

ABUSHAHLA, Mohammedfaisal [Mr]

AMRAOUI, Allal [M.]

BOUANOU, Abdellah [M.]

CHAGAF, Aziza [Mme]

EL MOKRIE EL IDRISSI, Abouzaid [M.]

SABELLA, Bernard [Mr]

Representatives of the Turkish Cypriot Community (In accordance to Resolution 1376 (2004) of

the Parliamentary Assembly)/ Représentants de la communauté chypriote turque

(Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

Mehmet ÇAĞLAR

Erdal ÖZCENK