FR17CR35

AS (2017) CR 35

SESSION ORDINAIRE DE 2017

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(Quatrième partie)

COMPTE RENDU

de la trente-cinquième séance

Jeudi 12 octobre 2017 à 16 h 30

Dans ce compte rendu:

1.       Les discours prononcés en français sont reproduits in extenso.

2.       Les interventions dans une autre langue sont résumées à partir de l’interprétation et sont précédées d’un astérisque.

3.       Le texte des amendements est disponible au comptoir de la distribution et sur le site internet de l’Assemblée.
Seuls sont publiés dans le compte rendu les amendements et les sous-amendements oraux.

4.       Les interventions en allemand et en italien, in extenso dans ces langues, sont distribuées séparément.

5.       Les corrections doivent être adressées au bureau 1035 au plus tard 24 heures après la distribution du compte rendu.

Le sommaire de la séance se trouve à la fin du compte rendu.

La séance est ouverte à 16 h 35 sous la présidence de M. Ghiletchi, Vice-Président de l’Assemblée.

LE PRÉSIDENT* – La séance est ouverte.

M. PSYCHOGIOS (Grèce)* – Rappel au Règlement! Je tiens à signaler une erreur: mon vote sur le projet de résolution intitulé «Poursuivre et punir les crimes contre l’humanité voire l’éventuel génocide commis par Daech» a été comptabilisé comme une abstention alors que j’ai voté pour.

LE PRÉSIDENT – Mon cher collègue, il sera tenu compte de votre observation.

1. La nécessité d’une solution politique à la crise en Catalogne
(Débat d’actualité)

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle notre débat d’actualité sur «La nécessité d’une solution politique à la crise en Catalogne».

Je vous rappelle que le débat d’actualité est limité à une heure et demie. Le temps de parole de chaque intervenant est fixé à 3 minutes, à l’exception du premier orateur, désigné par le Bureau, M. Hunko, qui dispose de 10 minutes. Notre débat devra s’achever à 18 heures.

M. HUNKO (Allemagne)* – Monsieur le Président, chers collègues, nous évoquons cet après-midi la nécessité de parvenir à une solution politique à la crise en Catalogne, ce qui signifie qu’il faut faire usage de moyens politiques, au premier rang desquels la parole, comme nous le montrons ici.

L’Espagne fait partie de notre Organisation depuis 40 ans, depuis son adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme. Sa Constitution a été promulguée en 1978, précédant de peu les négociations d’adhésion à l’Union européenne. Au cours de ces quatre décennies, le pays a connu de nombreuses difficultés, notamment des crises économiques. Néanmoins, le bilan est positif: l’Espagne a connu un développement qui était très difficile à prévoir il y a 40 ans. La population, y compris en Catalogne, a participé à ce développement social, économique et politique. Nous pouvons donc féliciter tous les Espagnols pour l’évolution de leur pays depuis 40 ans.

Le 1er octobre 2017, j’ai participé, dans le cadre d’une délégation internationale, à l’observation du vote. Ce n’était pas une observation officielle, comme en conduisent l’OSCE ou le Conseil de l’Europe; elle n’a pas non plus été déclarée telle par les autorités en Catalogne. Par conséquent, elle ne peut rien dire sur la légitimité ni sur la légalité de ce vote ni sur ce que signifient les résultats. Néanmoins, je peux parler en tant que témoin des événements. La Guardia civil a pris de force 400 locaux de vote pour confisquer les urnes. J’ai été témoin d’une telle action dans une école constituée en local de vote tout près de la Sagrada Família, à Barcelone. J’ai vu voir de mes propres yeux que des tirs de balle en caoutchouc avaient lieu contre de simples civils qui ont dû être évacués en ambulance. Le recours à des balles en caoutchouc contre des civils est inacceptable. L’usage de ces armes est d’ailleurs interdit, y compris en Catalogne, à l’occasion de manifestations pacifiques parce qu’elles peuvent entraîner des blessures, et je suis favorable à une interdiction généralisée en Europe de ce type d’actions contre les civils. Or, plus de 800 personnes ont été blessées en Catalogne.

J’aimerais remercier Sir Roger Gale, qui a condamné dès le 1er octobre ces violences policières, ainsi que notre Commissaire aux droits de l’homme, Nils Muižnieks, qui demande une enquête indépendante à ce sujet. Cependant, je ne parlerai pas seulement des faits de violence qui se sont produits le 1er octobre 2017.

Ces dernières années, j’ai participé pour le Conseil de l’Europe à vingt observations d’élections dans des pays très différents, mais jamais je n’ai vu un tel cœur, une telle volonté, une telle passion pour un processus démocratique. Certes, la Catalogne est divisée quant à la question de l’indépendance, mais le chiffre de 90 % des suffrages exprimés en faveur de l’indépendance, compte tenu des difficultés de la journée, a tout de même un caractère représentatif. Il va sans dire que la Catalogne aurait souhaité la tenue d’un référendum comme au Québec ou en Écosse.

J’ai vu des femmes et des hommes avec un drapeau espagnol dans les locaux de vote. Ils étaient contre l’indépendance. Cependant, ils ont été applaudis par ceux qui soutenaient l’indépendance parce que justement ils exerçaient leur droit de dire non. Comme aurait dit Voltaire: «Je ne suis pas d’accord avec ce que vous dites, mais je me battrai pour que vous ayez le droit de le dire.» L’énergie que j’ai pu voir en Catalogne est l’une des manifestations les plus démocratiques qu’il m’ait été donné d’observer. C’est une réalité politique que l’on ne saurait ignorer. Elle ne fait pas partie du problème mais probablement de la solution, quelle qu’elle soit.

Le Conseil de l’Europe n’a pas de mandat, pas plus qu’aucune autre institution internationale, pour décider quelle doit être cette solution. Toutefois, un point me paraît clair: la situation actuelle est la conséquence de l’insuccès du statut d’autonomie de 2004. Si le Parlement catalan tout comme le Parlement espagnol l’ont adopté, il a été confirmé en 2006, dans un référendum contraignant, par 80 % de «Oui» en Catalogne. Ce statut d’autonomie a néanmoins été remis en question à l’initiative des autorités actuelles de l’Espagne alors que la Catalogne voulait justement que sa société se voie accorder plus d’indépendance.

Une Constitution est écrite par des femmes et des hommes. Quand celle-ci ne leur paraît plus conforme à la réalité, ils veulent l’amender. C’est pourquoi que je me félicite que le chef du gouvernement, M. Rajoy, ainsi que le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, M. Jagland, aient tout au moins signalé la possibilité d’avoir recours à des amendements constitutionnels.

Il est clair que la violence n’est pas une solution. C’est pourquoi l’attitude d’un porte-parole du Parti populaire, qui, lors d’une conférence de presse, a fait peser des menaces sur l’avenir des Catalans en faisant référence à Lluís Companys, me paraît tout à fait irresponsable. Lluís Companys a participé pendant trente ans à l’appel à une Espagne pacifique; il a dû fuir le franquisme en partant pour la France; il a ensuite été arrêté par les nazis et renvoyé en Espagne franquiste où il a été torturé avant d’être exécuté.

La crise actuelle ne peut trouver de réponse que dans le dialogue. La communauté internationale et le Conseil de l’Europe ont ici une responsabilité toute particulière. En effet, la Convention européenne des droits de l’homme nous oblige à considérer que cette crise est un problème commun. L’espace pour le dialogue existe bel et bien.

Le Conseil de l’Europe dispose de nombreux instruments pour apporter son concours. J’appelle la Commission de Venise dont on connaît l’expertise en matière constitutionnelle, le Commissaire aux droits de l’homme, le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, ainsi que le Comité des Ministres, à suivre la situation et à offrir leur concours.

Cependant, le dialogue institutionnel ne suffit pas: il est nécessaire que la société civile participe aux décisions. Il est très encourageant de voir qu’il y a quelques jours, à l’initiative de jeunes de Madrid et de Barcelone, 10 000 personnes habillées de blanc ont affirmé: «¡ Hablamos!» – «Parlons!». Ils ne manifestent ni pour ni contre l’indépendance de la Catalogne, mais pour une solution pacifique par le dialogue.

Pour conclure, j’aimerais exprimer le souhait que l’Espagne et la Catalogne, quelle que soit la forme de la solution, trouvent dans les prochaines 40 années un développement positif, comme on peut encore l’espérer à l’heure actuelle.

LE PRÉSIDENT* – Nous en venons aux autres orateurs en commençant par les porte-parole des groupes.

M. DAEMS (Belgique), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Les principes fondamentaux du Conseil de l’Europe sont les droits de l’homme, la démocratie et l’État de droit. Or les droits de l’homme, en particulier la liberté d’opinion, d’expression et de réunion, ne sont pas compatibles avec les violences policières dont nous avons été les témoins. C’est pourquoi je regrette que le Premier ministre espagnol n’ait pas publiquement regretté ces violences.

Toutefois, nous ne pouvons pas accepter non plus les menaces qui pèsent sur les deux camps en Catalogne. La liberté d’opinion n’est pas compatible avec une sorte de dictature d’une majorité potentielle. Il n’est pas acceptable que l’on divise la société entre les bons et les mauvais. Or il n’est pas vrai que la Catalogne, dans sa totalité, soit favorable ou défavorable à l’indépendance. Le Conseil de l’Europe doit reconnaître l’existence des deux positions.

L’État de droit garantit la démocratie, aussi nous ne pouvons pas tolérer qu’il soit ignoré ou violé. Cependant, maintenir l’État de droit, ce n’est pas rester immobile! Dans nos parlements, nous passons notre temps à amender des lois, à en approuver de nouvelles et à changer nos Constitutions, afin de combler le fossé entre l’évolution de la société et la législation. C’est ce qu’il faudrait faire en Catalogne.

Le Conseil de l’Europe n’a pas à prendre parti. Il doit être aux côtés de tous les Catalans. Les leaders politiques de Madrid et de Catalogne doivent trouver une solution politique à travers le dialogue et la négociation et devraient laisser de côté leurs ego personnels et leurs petits calculs politiciens.

Peut-être faut-il revenir au discours de Lincoln à Gettysburg prônant «Le gouvernement du peuple, pour le peuple et par le peuple», soit en espagnol: «Gobernar el pueblo, para el pueblo, por el pueblo» et en catalan: «Govern del poble, per poble i per al poble»? Tel est le message qu’il conviendrait de retenir!

M. KOX (Pays-Bas), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je remercie l’Assemblée d’avoir autorisé la tenue de ce débat des plus pertinents au sujet de la nécessité de trouver une solution politique à la crise en Catalogne et je félicite M. Hunko pour son introduction équilibrée au débat.

Nous sommes nombreux à avoir été choqués par la violence brutale et inattendue des autorités espagnoles envers des citoyens qui exerçaient un droit démocratique octroyé par la Constitution et par les règles de la Communauté autonome de Catalogne. Ce ne sont pas des images que nous voudrions voir dans nos États membres, ni en Espagne, ni aux Pays-Bas, ni en Fédération de Russie, ni en Turquie.

Nous avons entendu l’argument des autorités espagnoles justifiant le recours excessif à la violence contre ses propres citoyens: le référendum était anticonstitutionnel. Il ne revient pas à mon groupe ni à l’Assemblée d’en décider, mais aux institutions démocratiques espagnoles. Pour autant, fallait-il empêcher physiquement les personnes de voter démocratiquement? Il suffisait de dire que l’on n’acceptait pas le résultat de ce référendum. Tout aurait été clair, et le débat se serait poursuivi.

M. Hunko a rappelé que l’Espagne est membre du Conseil de l’Europe depuis 40 ans, ce qui a signifié l’adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme, après tant d’années de franquisme, d’autoritarisme, de fascisme. C’était l’entrée dans un espace démocratique et un moment célébré. Or, voilà que l’année du quarantième anniversaire, on voit un gouvernement réagir par un recours excessif, abusif à la violence, alors que les personnes visées devaient être protégées par la Convention européenne des droits de l’homme. J’espère que, dans un proche avenir, nous n’aurons plus à voir de telles violences. Quant au recours à l’article 155 visant à retirer à la Catalogne tous ses pouvoirs, cela ne serait pas sensé.

Lundi, les autorités catalanes ont pris la sage décision de ne pas demander immédiatement l’indépendance et je suis heureux de voir que non seulement M. Rajoy, mais également les représentants de l’opposition, ont appelé à un débat sur la possibilité d’amender la Constitution, ce qui n’a rien d’étonnant après quarante ans. Comme l’a dit M. Hunko, la violence ne doit pas faire partie de la solution, quel que soit l’État membre du Conseil de l’Europe concerné. Je demande à notre Organisation d’apporter tous ses bons services à l’Espagne.

J’ajouterai que notre Assemblée doit assurer un suivi approfondi de ce qui se passe en Espagne et de ce que font les autorités espagnoles.

M. DIVINA (Italie), porte-parole du Groupe des démocrates libres* – Notre groupe n’entend pas traiter au fond la question de la légalité ou non de la tenue d’un référendum, ni celles du droit de sécession ou de l’importance de l’intégrité territoriale d’un État. Nous voulons plutôt appeler l’attention sur la réponse qui a été fournie par le Gouvernement espagnol, qui, à mon sens était erronée et disproportionnée. Envoyer la police, les gardes civils pour empêcher une consultation me semble être une aberration totale. Il y a eu des violences à l’encontre de femmes et de personnes âgées qui voulaient simplement voter, exprimer leur avis. Tout cela est contraire aux principes démocratiques de notre Assemblée qui protègent la liberté d’expression et la liberté d’opinion.

La violence en tant qu’instrument politique est le fait des dictatures et non des démocraties. Si ce référendum n’était pas constitutionnel, on pouvait le laisser se tenir puis le déclarer illégal, nul et non avenu, mais on ne devait pas l’empêcher, par le biais de l’armée et des forces de l’ordre. Il s’agit non seulement d’une règle écrite mais aussi de bon sens que l’on retrouve dans le football: s’il y a des problèmes dans les tribunes ou sur le terrain, l’arbitre peut décider de laisser le match se poursuivre et à la fin, le déclarer nul. Cela permet d’éviter des violences inutiles.

Nous lançons un appel pour que tous les instruments dont dispose notre Assemblée soient utilisés pour condamner le comportement du Gouvernement central espagnol qui n’a pas donné un exemple de maturité politique en tant que pays démocratique européen.

M. ROCA (Espagne), porte-parole du Groupe du Parti populaire européen* – La démocratie espagnole vit, ces jours-ci, l’une des périodes les plus graves de son histoire récente. Ce que nous vivons en Catalogne n’a rien à voir avec les débats politiques habituels dans les pays démocratiques. Cela va bien au-delà des différences politiques propres aux démocraties. Nous sommes devant des défis posés à l’État de droit, nous sommes face à une rupture délibérée de la concorde entre les citoyens, à une remise en cause sans précédent des fondements d’une société démocratique moderne et mûre fondée sur la liberté, le pluralisme politique, la légalité et l’État de droit qui ont été remis en cause.

Ce qui s’est produit au Parlement catalan, le 6 septembre, était une fraude à la loi. Et, dans ce qui n’était pas une session normale, un projet de loi y a été déposé visant à servir de constitution de transition, cela sur la base d’un référendum qui n’avait pas encore eu lieu, qui était illégal et dont on ne connaissait pas le résultat! On a, à cette occasion, modifié l’ordre du jour. On a privé les partis d’opposition du droit d’amendement. On a expulsé la moitié des représentants au parlement. Tout cela pour une loi qui concentre tout le pouvoir exécutif et législatif, y compris celui de nommer les juges, entre les mains d’une seule et même personne, sans contrôle démocratique!

La loi sur l’organisation du référendum et la loi sur la constitution de transition ont été adoptées contre l’avis du Conseil des garanties statutaires chargé de veiller à la constitutionnalité des textes. Ces deux lois, contraires à la Constitution et aux statuts de la Catalogne, ont été suspendues par le Tribunal constitutionnel, et la Commission de Venise a souligné que ce référendum ne répondait pas aux normes du Conseil de l’Europe. Pour sortir de cette situation, le Gouvernement central espagnol a proposé le dialogue, mais seulement dans la mesure où le gouvernement catalan reprendrait la voie légale. Sans application de la loi, il n’y a pas de démocratie.

Je suis catalan, mais je suis surtout démocrate, et je sais que la loi est seule capable de protéger l’Europe du totalitarisme.

M. TORNARE (Suisse), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts – Certains ont rappelé tout à l’heure les fondamentaux qui ont présidé à la création du Conseil de l’Europe. Pour tous ceux qui sont attachés à ces fondamentaux – et c’est mon cas –, le spectacle que donne aujourd’hui l’Europe, de l’Atlantique à l’Oural, est affligeant. Pour nombre d’entre nous, c’est une grande souffrance.

C’est une grande souffrance pour ceux qui croient en la démocratie, au respect des droits de l’homme, au respect des minorités, des cultures et des religions, et au respect du pluralisme. La question que nous devons nous poser ici est la suivante: comment vivre mieux ensemble et pacifiquement sous le toit de cette grande maison qu’est l’Europe? Or, mes chers collègues, débat après débat, on entend ici des reproches adressés les uns aux autres; on trouve des coupables sans investigations; on entend des discours sans ouverture, sans perspective, parfois même haineux. Quel repli sur soi! On confond souvent ici nationalisme et patriotisme. François Mitterrand l’avait pourtant dit ici même à Strasbourg: «Le nationalisme, c’est la guerre!»

Tant que nous n’aurons pas répondu à cette question, on ne pourra pas influer sur des problèmes comme ceux rencontrés par la Catalogne et l’Espagne. Ce qui s’y passe est une grande souffrance pour nous. En effet, Madrid et Barcelone l’ont dit, c’est une affaire qui concerne toute l’Europe. Alors, parlons-en! Cela a été dit, des erreurs ont été commises des deux côtés. Mais cessons de rabâcher et regardons ce que nous pouvons faire pour calmer le jeu; restons à disposition au besoin. Prônons la raison, pas l’émotion.

De part et d’autre, les discours se raidissent et se figent, se «bétonnisent» même. Ce n’est pas le bon chemin. Certains à Madrid ont une approche quasi théologique de la Constitution: on doit, disent-ils, respecter à la lettre la Constitution et ne faire aucune concession. Montesquieu aurait dit qu’il y a la lettre, certes, mais aussi l’esprit. À Barcelone, les indépendantistes s’accrochent à des symboles, souvent pour satisfaire les extrêmes. Mais trop souvent, ils le font sans méthode ni réflexion. Résultat: les Espagnols souffrent, les Catalans – j’ai du sang catalan – souffrent; nous souffrons tous.

Chers collègues, le Groupe socialiste le dit haut et fort: il faut mettre en place une médiation. Arrêtons de dire que cela n’est pas possible! La situation actuelle peut mener à des dérives extrêmement dangereuses, à des violences, peut-être même un jour à une guerre civile ou à une situation comme le pays basque a connue. L’Europe doit dire à l’Espagne et à la Catalogne: on vous aime, mais venez discuter. Il est toujours plus facile de figer les discours et de s’invectiver que de discuter de ce qui nous unit, nous rapproche et nous rassemble. Comme dans un couple, chacun doit faire des concessions: il y va de l’avenir de la péninsule ibérique et de l’Europe.

La seule issue est une feuille de route menant à la médiation et au dialogue.

Sir Roger GALE (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – J’aimerais féliciter M. Roca pour son excellente intervention: je crois qu’il a dit tout ce qu’il y avait à dire.

Le 2 octobre, après un week-end de violences en Catalogne, j’ai publié une déclaration dont voici la teneur: «À la lecture des rapports, il est clair que, dans une tentative pour contrôler ou empêcher le vote – légal ou non – auquel appelaient les autorités catalanes, une violence excessive a été déployée. Des douzaines de personnes ont été blessées à cette occasion. L’Assemblée parlementaire ne saurait faire de l’ingérence dans les affaires internes d’un État, pas plus qu’elle ne saurait les commenter. Ce n’est donc pas ce que je ferai.

Néanmoins, il est du devoir de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe de chercher à s’assurer que les droits accordés par la Convention européenne des droits de l’homme ne sont pas bafoués dans une région d’un de ses États membres. Le droit à la liberté d’expression et la liberté de réunion pacifique sont le cœur même de la démocratie: il faut les respecter, les garantir, les exercer conformément à la Convention. La violence ne saurait être justifiée et, là où elle a eu lieu, il faut qu’une enquête approfondie soit menée. Les auteurs de ces violences, qu’il s’agisse de manifestants ou des autorités, doivent être poursuivis en justice. Il est nécessaire pour toutes les parties de ramener le calme, l’ordre, le respect de la loi; et de rétablir le dialogue, qui est la seule voie, en démocratie, pour progresser et trouver des solutions.»

Le Royaume-Uni a connu ce problème récemment: le peuple écossais a demandé et obtenu l’autorisation d’organiser un référendum sur son indépendance. Les divergences étaient fortes, mais la décision prise a été équitable et démocratique et le résultat de ce référendum a été reconnu et accepté par toutes les parties à ces discussions. C’est donc bel et bien faisable. Si cela l’est au Royaume-Uni et en Ecosse, cela doit également être possible en Espagne. Je crois que le peuple catalan – que je sois, ou non, d’accord avec leur appel n’est pas le sujet du débat – a tout autant le droit à faire entendre sa voix que le peuple écossais et le peuple anglais ont eu à faire entendre les leurs.

M. GARCÍA HERNÁNDEZ (Espagne)* – Nous avons entendu beaucoup d’apprentis sorciers, cet après-midi. Ils n’ont pas fait preuve de responsabilité politique dans leurs pays et pourtant, ils viennent nous donner des conseils. Un allemand remet en cause le Tribunal constitutionnel; un hollandais nous demande pourquoi nous n’acceptons pas les résultats du référendum. Les conseils que vous nous donnez sont dangereux pour tous. Notre collègue a évoqué le référendum qui a eu lieu en Écosse: mais, Sir Roger Gale, allez-vous tenir un second référendum en Écosse? Ce que je voudrais vous demander, à vous tous ici, c’est pourquoi une personne qui viole systématiquement la loi ne perd pas son droit à défendre son point de vue.

Je vous conseille de regarder l’avis de la Commission de Venise du 2 juin 2017: elle indique que tout référendum doit être organisé selon la législation interne et en respectant les conventions applicables. Le référendum du 1er octobre en Catalogne l’a été en application d’une loi illégale! Et ce n’était ni spontané, ni naïf, ni démocratique, ni pacifique: ce n’était que le dernier développement d’une stratégie politique visant à imposer de manière totalitaire à l’ensemble de la société catalane et à tous les Espagnols une action politique qui n’est pourtant souhaitée que par quelques-uns.

Si les lois en question ont été déclarées anticonstitutionnelles par le Tribunal constitutionnel, le référendum aurait pu être organisé en respectant la Constitution. Mais ses initiateurs ne l’ont pas voulu. Il y avait d’ailleurs eu un précédent, le référendum de novembre 2014. Cette fois-ci, le président de la Generalitat a lui-même reconnu que la loi sur le référendum, qu’il venait pourtant d’approuver, était un système juridique exceptionnel incompatible avec tous les accords sur les financements des référendums en Espagne. Il savait donc parfaitement que l’organisation du présent référendum était une violation de la Constitution. Alors que la Commission de Venise a répété qu’un tel référendum était illégal, toutes les missions électorales que vous envoyez sur le terrain s’en seraient arraché les cheveux! Il n’y avait pas de commission électorale. Même le Venezuela de Maduro n’aurait pas reconnu ce référendum!

Si vous voulez vraiment défendre l’État de droit, faites entendre votre voix. Je ne comprends ce que vous attendez pour le faire.

Mme Kyriakides, Présidente de l’Assemblée, remplace M. Ghiletchi au fauteuil présidentiel.

Mme DE SUTTER (Belgique)* – Les citoyens espagnols et catalans sont perdants les uns comme les autres dans la confrontation qui a suivi le référendum du dimanche 1er octobre: les deux parties sortent blessées de l’épisode. Personne ne saurait gagner dans un conflit tel que celui-ci. Les dirigeants politiques auraient dû y réfléchir à deux fois: au lieu de nourrir le conflit, ils auraient dû ouvrir le dialogue.

C’est la raison pour laquelle je dois dire que Mme Colau, maire de Barcelone, a pris ses responsabilités en essayant de rapprocher les différents partis politiques. Je suis au regret de dire qu’il n’en va pas de même de M. Rajoy, qui porte une responsabilité essentielle dans ce qui s’est passé. À cause de son attitude, le nationalisme est de retour, avec toute son arrogance. Les désaccords sont eux aussi de retour, ce qui aura un impact sur la stabilité de la région catalane, de l’Espagne et, au-delà, de l’Europe dans son ensemble.

Nous nous trouvons piégés dans cette situation où il semble qu’aucun compromis ne soit possible. En l’espace d’une semaine, nous avons vu surgir un monde cruel, dans lequel il n’y a plus qu’ennemis et violences policières contre des citoyens qui souhaitaient exercer démocratiquement leur droit de vote, un monde où le chef du gouvernement espagnol continue de prononcer des paroles menaçantes. Tout cela est regrettable; tout le monde y perd, y compris la majorité des Catalans, qui soit n’ont pas voté soit ont voté non au référendum.

Ce référendum ne peut être qualifié de démocratique car il a été organisé en dehors de la loi et n’est pas compatible avec les règles de la Commission de Venise. Toutefois, n’oublions pas non plus que M. Puigdemont a déclaré ouvertement que le conflit pouvait être résolu dans le calme si chacun agissait de manière responsable. Il peut y avoir une sortie positive à la crise si le dialogue débouche sur une solution politique et non simplement juridique. À cet égard, appliquer l’article 155 de la Constitution espagnole serait le pire que M. Rajoy pourrait faire.

Il semble donc exister une ouverture pour le débat. C’est une bonne chose. Une solution possible serait une révision de la Constitution espagnole afin de permettre d’organiser des référendums contraignants. Mais ce n’est pas la seule issue: si les représentants des peuples espagnol et catalan écoutaient vraiment ce que disent leurs concitoyens, ils sauraient qu’il existe des solutions allant au-delà de la loi – bien entendu, la loi est importante, mais la participation démocratique l’est plus encore.

La communauté internationale peut aider à trouver une solution politique, à partir du moment où les Espagnols et les Catalans acceptent une telle médiation. J’espère que mon propre pays pourra aider lui aussi, si besoin, à trouver une solution: nous avons une longue expérience du dialogue pacifique entre régions. Ce dialogue n’est pas toujours parfait, mais au moins il est pacifique et évite un recours abusif à la force dont les victimes sont les civils.

Mme SANTA ANA (Espagne)* – La Constitution espagnole, qui date de 1978, a été appuyée par 88 % des habitants et même par 91 % des Espagnols de Catalogne. Notre Constitution définit l’Espagne comme une patrie commune et indivisible, qui reconnaît et défend le droit à l’autonomie des différentes régions. La Catalogne est une communauté autonome qui, avec 16 autres régions, constitue l’Espagne.

Notre pays est une démocratie mûre: chacun peut y défendre ses idées, dans le respect de la loi. Mais, sans le respect de la loi, aucune coexistence, aucune démocratie ne sont possibles. Dans un État de droit comme le nôtre, personne – je dis bien personne – ne peut violer la loi. En Espagne, on ne poursuit personne pour ses idées. Les forces de l’ordre espagnoles respectent les valeurs du Conseil de l’Europe: elles garantissent la liberté, la démocratie et l’État de droit, comme l’ont d’ailleurs constaté le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe et le Comité pour la prévention de la torture, qui se sont rendus très souvent en Espagne.

Aucune raison politique, historique, juridique ou économique ne justifie, en Espagne, un référendum sur l’indépendance d’une région. La Constitution espagnole peut être modifiée. Le Gouvernement espagnol a invité à de nombreuses reprises les parlementaires catalans à venir au parlement de Madrid pour engager un dialogue, dans le cadre de la Constitution. Ce sont tous les Espagnols qui décident du présent et l’avenir de l’Espagne, dans le cadre de la Constitution.

Le Conseil de l’Europe respecte la souveraineté des États. La résurgence des populismes et des nationalismes constitue une menace pour toutes les démocraties de l’Europe et du reste du monde. La Commission de Venise a rappelé au président de la Généralité de Catalogne qu’il n’était pas possible d’organiser un référendum en violation de la Constitution espagnole. Tout ce que nous faisons ici a appuyé la décision du Gouvernement espagnol.

Mme RODRÍGUEZ RAMOS (Espagne) – Je ne parlerai ni des droits des territoires ni des droits des peuples, car c’est là le langage employé par les nationalistes. Pour nous, les territoires n’ont pas de droits: ce sont les citoyens qui en ont. Je vous parlerai donc, pour ma part, des citoyens et des citoyennes espagnols et catalans. Nous vivons une situation difficile, et même dramatique, parce que le gouvernement d’une communauté autonome – c’est-à-dire une partie de l’État – a oublié la légalité, est allé à l’encontre de la Constitution, mais aussi du statut et de la législation de sa propre communauté autonome, d’où découle pourtant sa légitimité.

Chers collègues, mon gouvernement a une réponse – une réponse qui existe aussi dans les autres pays d’Europe – pour répondre à un défi de cet ordre: restaurer l’État de droit, car c’est restaurer la démocratie. L’État espagnol a l’obligation, en toute sérénité, mais également avec fermeté, de restaurer la légalité. En effet, les droits des Catalans, les droits des Espagnols sont garantis par la loi et par l’État de droit. Comme vous le savez, ceux qui attaquent l’État de droit attaquent également la démocratie et les libertés.

Nous, peuple espagnol, nous rejetons la violence. La police espagnole a agi sur ordre, comme cela se passe dans tous les États démocratiques. Y a-t-il eu des excès dans l’utilisation de la force? Ce sont les juges qui le diront, comme cela se fait toujours.

Si vous voulez nous aider, il faut encourager les indépendantistes qui gouvernent aujourd’hui la Catalogne à s’asseoir à la table des négociations et à dialoguer, c’est-à-dire à le faire au parlement. Hier, le secrétaire général de mon parti, le Parti socialiste, a annoncé qu’un accord avait été conclu avec le chef du gouvernement, Mariano Rajoy, pour entamer une révision constitutionnelle. Tout le monde participera aux négociations, y compris les indépendantistes, pour voir comment parvenir à une meilleure organisation. Après cela, nous voterons tous: les 46 millions d’Espagnols se prononceront.

Je vous demande d’avoir confiance dans notre État de droit, mais je vous demande surtout d’avoir confiance dans le peuple espagnol, qui a gagné le droit, après 40 ans de dictature et après avoir surmonté une tentative de coup d’État en 1981, de construire une démocratie forte.

M. KÜÇÜKCAN (Turquie)* – L’Europe et notre Organisation sont confrontés à un certain nombre de défis. Nous n’avons pas besoin de nouvelles crises et de conflits. Or, avec l’Espagne, nous sommes confrontés à un nouveau défi. Le gouvernement régional de Catalogne a organisé un référendum le 1er octobre, malgré les controverses, et les développements qui ont suivi méritent toute notre attention.

Nous avons été les témoins de faits importants pour les Espagnols. Ils sont à l’ordre du jour de différentes réunions et ce débat d’actualité nous permet de nous pencher justement sur leur développement dans le cadre de notre Assemblée, et je suis fort heureux d’entendre les interventions des uns et des autres.

L’intégrité territoriale espagnole doit être respectée. Le problème est interne à l’Espagne, qui doit être réglé dans le cadre de la loi constitutionnelle espagnole. J’espère que cela sera possible sans que se développent plus avant les conflits. Il importe de respecter les lois de l’Espagne et d’éviter toute violence dans l’espace public, que ce soit du fait des forces de l’ordre ou des manifestants. La violence en tous genres doit, bien évidemment, être condamnée et j’espère que l’Espagne arrivera à gérer la situation par une approche démocratique et par le dialogue.

En la matière, il est important de rappeler que l’Espagne a vécu sous un régime dictatorial pendant près de 40 ans, et qu’elle a changé de régime en 1978. Depuis, de grands pas en avant ont été réalisés. Comme cela a été dit, la Constitution espagnole a été approuvée par 88 % de la population. Ce sont des chiffres importants, et j’espère que les Espagnols seront à même de faire face aux défis actuels, mais il ne fait aucun doute que tous les Espagnols et tous les citoyens européens condamneront la violence.

Concernant les développements récents, des parties tierces n’aideraient pas à résoudre le problème car, comme je le disais, les institutions et la population espagnoles sont suffisamment mûres pour traiter de cette question. Le dialogue doit être mené de façon bilatérale et tous les acteurs principaux doivent passer de la confrontation au dialogue pour éviter l’escalade et le recours à la force.

Permettez-moi à nouveau de dire qu’il faut respecter la législation espagnole; nous n’avons pas besoin d’un conflit supplémentaire en Europe et dans le monde en général.

Mme RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ (Espagne)* – Chers collègues, je m’exprime au nom du parti leader de l’opposition démocratique en Catalogne. Le 7 septembre dernier, un coup a été porté non seulement à la démocratie en Catalogne, mais aussi au statut d’autonomie de la Catalogne. L’opposition n’a pas pu en décider puisqu’on ne l’a même pas laissé présenter un amendement. Vous savez pourtant tous que quand on présente un projet de loi, on donne à l’opposition la possibilité de déposer des amendements. Ici même, nous votons des amendements tous les jours. En Catalogne, on a fait taire l’opposition tout simplement parce qu’elle pensait différemment.

Nous avons parlé des valeurs défendues par l’Assemblée. L’indépendance n’est possible que si l’on écoute tout le monde et que l’on sait discerner la réalité. Il existe peut-être plusieurs versions de la réalité, mais il n’existe qu’un État de droit. Les nationalistes et les indépendantistes menacent le projet qu’est l’Europe et les valeurs défendues par cette Assemblée parlementaire. Dans cette maison, nous parlons de jeter des ponts et pas d’élever des frontières. Il s’agit ici de défendre l’État de droit parce que c’est ce qui garantit que les droits des citoyens de tous nos pays à s’exprimer et à penser différemment seront protégés.

Ce qui se passe dans mon pays ne plaît à personne. Il n’y a aucun gagnant dans cette affaire. Le mésusage de la politique et l’extrémisme qui se sont faits jour sont allés jusqu’à créer la rupture au sein des familles, la rupture entre des amis, la rupture de la convivialité en Catalogne. Nous devons être responsables dans les actions politiques que nous menons parce que ces décisions que nous prenons ne sont pas prises dans l’abstrait, elles ont des conséquences directes sur la vie de nos citoyens.

Les juges sont là pour décider de ce qui a été bien ou mal fait, mais nous, les politiques, nous sommes là pour établir des règles qui puissent être respectées par tous.

Je suis fière de mon pays qui, après avoir été déchiré par une guerre civile, a su adopter une constitution démocratique, ratifiée par 88 % des Espagnols et 91 % des citoyens de Catalogne. Certes, il faut évoluer et transformer les choses. Si la politique évolue parfois plus lentement que les citoyens et les sociétés, les réformes doivent s’inscrire dans le cadre de l’État de droit et du respect de tous les citoyens. On ne peut pas faire de chantage aux États.

Dimanche dernier en Catalogne, s’est déroulée une immense manifestation, qui n’a pas été relayée dans les médias internationaux, où nous portions les trois drapeaux – ceux de Catalogne, d’Espagne et de l’Europe – parce que dans un continent où l’on élève des frontières, nous n’avons aucun avenir.

Mme SCHNEIDER-SCHNEITER (Suisse)* – Dans cette enceinte, nous parlons régulièrement de conflits avec des minorités dans un pays. La Suisse a justement choisi le modèle de l’État fédéral, composé de 26 cantons dotés d’une grande autonomie politique. Chacun dispose de ses propres institutions démocratiques, de sa propre Constitution, de son propre parlement, de son propre gouvernement, de ses propres tribunaux. Nous élisons même notre propre Sénat, qui adopte des dispositions cantonales et il arrive que des décisions soient prises par la plupart des cantons quant au refus ou à l’adoption de telle ou telle proposition fédérale.

Ces compétences fédérales sont défendues avec beaucoup de véhémence en Suisse. Chaque fois que possible, les décisions cantonales prévalent. Il existe bien sûr des lois fédérales. Néanmoins, des grands domaines tels que l’éducation, la santé, la police, la procédure pénale et l’exécution des peines sont réglés au niveau cantonal. Et lorsque de grandes différences apparaissent d’un canton à l’autre, nous cherchons des solutions via des accords inter-cantonaux. Ce n’est qu’en cas extrême que nous sommes prêts à envisager d’adopter une loi fédérale, sans pour autant retirer aux cantons la mise en œuvre pratique de ces décisions.

Bien entendu, la qualité du système fédéral suisse suscite toujours des discussions, car il est certain qu’avoir des règlements différents dans 26 cantons n’est pas toujours efficace, cela coûte cher et alimente, bien évidemment, la bureaucratie. Pourtant, c’est à juste titre que la Suisse reste attachée à son système fédéraliste.

Nous avons aussi des minorités. Nous avons quatre régions linguistiques. Nous avons des cantons citadins, d’autres montagnards. Certains sont plus forts sur le plan économique, d’autres plus faibles et, d’un canton à l’autre, les mentalités varient et les ethnies également.

Lorsque des décisions sont prises sans consulter les minorités, cela peut conduire à des frustrations qui peuvent devenir dangereuses. C’est le cas à l’heure actuelle en Catalogne. C’est le cas également dans de nombreuses autres régions minoritaires d’autres pays. Nombre de conflits sont tout simplement nés du fait que l’on n’avait pas pris en considération les minorités, que l’on ne leur avait pas donné d’espace pour plus d’autonomie. C’est là que peut-être le modèle de la Suisse peut aider. En tout cas, la Suisse se met à votre disposition.

Mme Marija OBRADOVIĆ (Serbie)* – Nous sommes ici à l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, la maison des droits de l’homme, et l’un de nos principes fondamentaux est la prééminence du droit. Suivons donc ce principe et notre position sur la Catalogne sera claire.

La position de la Serbie est que nous soutenons sans réserve la souveraineté et l’intégrité territoriale de l’Espagne. Nous estimons que toute ingérence étrangère dans les affaires intérieures espagnoles serait inacceptable.

La Serbie sait très bien quel type de dommages peut entraîner le fait de faire des exceptions à ce principe – lorsqu’on ne respecte pas l’intégrité territoriale et le droit international. Nous le savons en raison du précédent dangereux du Kosovo.

Encore une fois, je voudrais rappeler à chacun que si l’on s’écarte du principe du respect du droit international dans le cas de la Catalogne, nous ouvrirons un chemin vers des crises similaires, en Europe et dans le monde.

LA PRÉSIDENTE* – M. Vovk, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. BILDARRATZ (Espagne)* – Je suis membre du Parti nationaliste basque, je comprends donc, même si la réalité de la Catalogne est différente, ce qui s’y passe. Tout le monde se souvient de ce que nous avons vécu au Pays basque au cours des 50 dernières années.

De nombreux orateurs ont rappelé le principe du respect de la loi, et les uns et les autres ont donné leurs points de vue sur la situation en Espagne. Je souhaiterais pour ma part que vous réfléchissiez à cette question: pourquoi, alors que la Catalogne a voté en faveur de la Constitution à plus de 90 % en 1978, plus de 2 millions de personnes ont voté en faveur de l’indépendance, le 1er octobre dernier?

En 2006, le Parlement de Catalogne a approuvé un statut qui a été confirmé par le Congrès des députés, puis approuvé par le Sénat et enfin ratifié par les autorités de Catalogne. Des millions de personnes ont alors voté pour ce statut. Mais un recours, déposé par ceux qui sont au pouvoir aujourd’hui, auprès du Tribunal constitutionnel, a abouti à ce que ce dernier leur donne raison.

La volonté des citoyens n’a pas été respectée. Or, si la loi est importante, sa légitimité est indispensable; et pour qu’elle soit légitime, elle doit correspondre à la réalité sociale. C’est uniquement dans ce cas que l’on peut parler de démocratie.

LA PRÉSIDENTE* – M. Geraint Davies et M. Herkel, inscrits dans le débat, ne sont pas présents dans l’hémicycle.

M. BUSTINDUY (Espagne)* – Il ne s’agit pas ici de donner notre avis sur l’indépendance de la Catalogne, mais de déterminer comment un État démocratique doit faire face à une crise politique de cette ampleur.

Dans un État démocratique, il n’est pas possible de régler les questions de façon unilatérale. En tout cas, certainement pas par l’usage de la violence et de la répression. La solution doit être trouvée par le dialogue, la négociation, le respect des droits et des libertés fondamentales. Or, ce n’est pas de cette façon que l’État espagnol a réagi face à cette crise.

Nous avons tous vu ces images choquantes des événements qui se sont déroulés le 1er octobre. Le haut-commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, le Premier Vice-Président de notre Assemblée et le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe ont tous exprimé leurs préoccupations et condamné le recours à la violence contre les citoyens pacifiques. À ce jour, en Espagne, personne n’a encore accepté de prendre ses responsabilité à propos de ces événements – personne n’a démissionné.

Nous avons vu les forces de police entrer dans les bureaux de certains médias, fouiller des permanences de partis politiques sans mandats de perquisition. Sept cents maires sont menacés de poursuites judiciaires et des arrestations d’officiers de police et de fonctionnaires ont eu lieu. Il y a tout juste deux jours, le parti au pouvoir a interdit des organisations politiques en appelant à l’indépendance. Ce sont des mesures inacceptables contre l’exercice des droits et des libertés fondamentales.

Certes, la situation politique en Espagne est complexe et difficile, mais notre Constitution et la prééminence du droit ne peuvent être défendues en compromettant notre liberté politique; bien au contraire, en agissant ainsi, nous les mettons en péril.

Le Gouvernement catalan a suspendu, cette semaine, la déclaration d’indépendance et sollicite des négociations et une médiation. Mais le Gouvernement espagnol refuse à ce jour d’engager le dialogue. Il se refuse à trouver une solution à la crise. Il refuse même de reconnaître qu’il a en face de lui un interlocuteur, que 80 % de la population catalane souhaitent pouvoir se prononcer démocratiquement sur son avenir. Le refus d’accepter cette réalité et cette volonté de réprimer par la force vont aggraver et détériorer la situation.

Mes chers collègues, je ne suis pas favorable à l’indépendance de la Catalogne, j’aime mon pays qui est l’Espagne et je suis fier de me considérer comme un patriote. Mais le pays que j’aime est celui qui place la démocratie au cœur de son identité, qui en fait l’essence de son être. L’Espagne est un État qui est fidèle à la Convention européenne des droits de l’homme, un pays où des milliers de personnes ont défilé dans les rues derrière un drapeau blanc et uni derrière une parole simple «¡ Hablamos juntos!» – «Parlons ensemble!»; c’est ce pays-là que j’aime.

Nous devons demander à nos alliés de la communauté internationale de nous aider à régler ce problème démocratiquement, par le dialogue et dans la paix.

M. VAREIKIS (Lituanie)* – Ceux qui me connaissent depuis plusieurs années savent que j’aime les plaisanteries d’ordre politique ainsi que les paradoxes. À cet égard, d’aucuns sont venus me trouver pour me demander qui en l’occurrence allait gagner et si une guerre allait être déclenchée. J’ai répondu que non, qu’il ne peut y avoir de guerre dans une démocratie et que s’il y en avait une, c’est qu’elle aurait été initiée par les forces de l’ordre ou les Catalans, mais qu’à ce moment-là, l’Espagne ne serait plus une démocratie. La situation, vraiment, est paradoxale et je suis très surpris par ce qui se passe.

Lorsque des événements de ce type ont lieu dans un pays non démocratique ou un pays qui fait l’objet d’une procédure de suivi, nous savons quoi faire: nous rédigeons des résolutions, des recommandations, bref nous sommes très malins. Mais, quand de tels événements se déroulent dans un pays démocratique, plus personne ne sait comment réagir.

À ces mêmes personnes qui me demandaient qui allait gagner, j’ai finalement répondu que j’espérais que le seul vainqueur serait la paix: je ne sais pas encore dans le cadre de quel pays, mais nous devons faire en sorte que la paix règne.

Le royaume espagnol est particulier. Son histoire nous apprend qu’il s’agit d’un des pays les plus sensibles en Europe.

Les sympathies et les antipathies envers l’Espagne sont nombreuses. L’histoire du pays et ses aspirations futures sont en jeu.

Il faut réfléchir en termes d’identité. Je m’adresse tout particulièrement à mes collègues espagnols. Est-ce que le royaume d’Espagne est le royaume uni des Catalans, des Castillans, etc., ou l’union de minorités ethniques? Quels sont les liens du pays avec son histoire et avec l’Union européenne? J’espère que vous trouverez une solution intelligente et pacifique, et que vous n’opterez pas pour la guerre.

M. De BRUYN (Belgique)* – Le 1er octobre dernier, le référendum sur l’indépendance de la Catalogne, considéré comme légitime par le Gouvernement catalan, a été jugé anticonstitutionnel par la Cour constitutionnelle espagnole. Nous avons été les témoins d’une escalade de tensions, menaces, sanctions, mesures répressives et intimidations dans les jours qui ont précédé le référendum. Les tensions ont grandi entre les deux gouvernements et nous avons assisté à la montée des troubles et à de grandes manifestations en Catalogne. Le jour du référendum, des milliers de policiers espagnols ont empêché la population de voter. J’ai été choqué par la violence de ces policiers espagnols contre des civils pacifiques. On compte un millier de blessés.

Le Premier ministre de la Belgique a été le premier dirigeant européen à exprimer sa préoccupation, en diffusant sur les réseaux sociaux le message suivant: «La violence ne peut jamais être la réponse». Nous condamnons toutes les formes de violence et réaffirmons notre appel au dialogue politique. Cette préoccupation a été exprimée notamment par le Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies et par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Ils ont tous deux demandé une enquête impartiale sur ces actes de violence, en soulignant que les interventions des forces de police devaient toujours être proportionnées, et que la police ne devait agir que si cela était indispensable.

Nous ne débattons pas aujourd’hui de l’indépendance de la Catalogne, car c’est aux Catalans de décider de leur propre avenir. Cependant, le message adressé à nos collègues catalans et espagnols doit être clair: un problème politique ne peut se régler que par un dialogue politique. Il est essentiel de lancer dès maintenant une procédure de désescalade. La communauté internationale doit faciliter ce processus et les deux camps doivent saluer cette voie pacifique. J’ai entendu un appel à la médiation internationale de la part le Gouvernement catalan; malheureusement, je n’ai pas entendu le même appel de la part du Gouvernement espagnol.

M. XUCLÀ (Espagne)* – Le centriste français François Bayrou a dit récemment que quand on attaque les urnes, ce sont toujours les urnes qui gagnent. La situation dans mon pays est préoccupante. Le recours à la force de la part de la police a été disproportionné. C’est pourquoi le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe est intervenu pour demander une enquête indépendante, tout comme celui des Nations Unies. Human Rights Watch s’est aussi exprimé. L’article de la Convention européenne des droits de l’homme portant sur la liberté d’expression a été violé. Des pressions ont été exercées, la liberté d’association et de réunion a été limitée, pour que les partisans du référendum ne puissent pas se réunir dans les bureaux de vote. Des sites internet ont été bloqués. Cela n’est pas acceptable.

Ce débat est éminemment politique. On constate un manque de propositions de la part du Gouvernement espagnol ces dernières années. La Constitution espagnole a plus de quarante ans. Les citoyens doivent pouvoir dire si cette Constitution leur convient toujours. Il en va ainsi pour l’Écosse ou le Québec. Les Québécois ont pu voter, les Catalans doivent pouvoir s’exprimer dans les urnes. Cependant, le parti au pouvoir et le premier parti d’opposition en Espagne semblent ne pas voir les choses de cette façon. Un dialogue est nécessaire.

Le mouvement est très profond. Il est lié à l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui a restreint le statut d’autonomie de la Catalogne. C’est la première fois en quarante ans qu’une loi a ensuite été retoquée par la Cour constitutionnelle de cette façon, pour restreindre l’autonomie de la Catalogne. Des manifestations ont lieu depuis des années.

Un vote au Parlement catalan demandait un référendum pour que la Catalogne puisse exercer son droit à l’autodétermination. Voilà la réalité; on ne peut l’occulter. Le Président du Gouvernement catalan a demandé le dialogue, les Catalans se sont exprimés, il faut donc dialoguer avec eux.

Mme PASHAYEVA (Azerbaïdjan)* – Nous estimons que les tensions en Catalogne, à la suite du référendum sur l’indépendance, devraient être résolues dans le cadre du respect de l’intégrité territoriale de l’Espagne. Nous appuyons tous les efforts allant en ce sens. Nous défendons l’intégrité territoriale de tous les États membres de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Les problèmes doivent être résolus conformément au droit.

Le renforcement des mouvements séparatistes peut constituer une véritable menace pour l’avenir de l’Europe et du monde. Malheureusement, certains membres de la délégation arménienne, lors des débats dans notre Assemblée, tentent d’exploiter la situation en Catalogne pour servir leurs propres intérêts. Ils ont tenté ainsi de justifier l’occupation par l’Arménie du Haut-Karabakh. Nous sommes très préoccupés par ces tentatives. Nous ne devrions pas les accepter. La situation du Haut-Karabakh n’a rien à voir avec celle de la Catalogne. La situation au Haut-Karabakh est la suivante: l’Arménie occupe le territoire azerbaïdjanais. La Résolution 1416 (2005) de l’Assemblée parlementaire est très claire sur ce point. Nous ne devrions pas accepter le deux poids deux mesures lorsque l’on parle de l’intégrité territoriale des pays. Il faut garder à l’esprit que tout mouvement séparatiste peut avoir des conséquences graves. Nous appuyons pleinement l’Espagne.

Pour ce qui est du référendum en Catalogne, un nombre important de personnes n’ont pas soutenu cette indépendance. Nous devrions entendre leurs voix également. Certains ont manifesté dans les rues. Il est important de résoudre cette question de manière équitable, dans le cadre du respect de l’intégrité territoriale de l’Espagne et conformément au droit international. Il faut trouver une solution pacifique. Notre Assemblée parlementaire devrait jouer un rôle plus actif, ce qui aidera la recherche d’une solution pacifique.

Toute escalade ultérieure de la situation en Espagne résultant du référendum tenu en Catalogne pourrait avoir des conséquences désastreuses. Nous devons donc lancer un appel fort en faveur d’une désescalade et d’un règlement de la crise. Beaucoup de gens nous regardent, en Europe et ailleurs, y compris les membres des mouvements séparatistes. Nous devons donc émettre le message adéquat: il faut respecter le droit de chacun comme l’intégrité territoriale de chaque pays, faute de quoi nous serons confrontés à des problèmes épineux.

M. SIMMS (Canada, observateur)* – Je n’avais pas l’intention d’intervenir dans ce débat, le Canada ayant dans cette enceinte un statut de pays observateur. Néanmoins, les événements survenus dimanche en Espagne m’incitent à prendre la parole, non pas au nom du Gouvernement canadien, ni même de la délégation canadienne, mais à titre strictement personnel.

J’évoquerai deux expériences d’autodétermination, sachant qu’une expérience d’autodétermination consiste à répondre aux questions suivantes: Qui sommes-nous? À qui nous identifions-nous au sein des communautés dans lesquelles nous vivons?

En 1949, un référendum a été organisé sur l’île du Newfoundland, au large de la côte est du Canada. Ses habitants devaient choisir entre l’indépendance dans le cadre du Commonwealth ou l’intégration au Canada. Mon grand-père, disparu il y a quelques années, ne voulait rien avoir à faire avec le Canada, pays épouvantable selon lui, auquel il était absolument hostile. Il voulait vivre dans un pays indépendant. Aujourd’hui, son petit-fils se trouve ici, à Strasbourg, en tant que membre du Parlement du Canada, pays qu’il abhorrait. Lors du référendum, l’appartenance au Canada l’a emporté à 51 %. Mon grand-père voulait partir, mais il a dû rester pour le bien de sa famille et de son entourage.

Le deuxième exemple est celui du Québec. J’y vivais en 1995 et j’ai voté contre l’indépendance. Au lendemain du référendum, des familles se sont déchirées, des amis ont rompu et ne se sont plus adressé la parole pendant longtemps. Néanmoins, nous nous traitions mutuellement avec respect et le dialogue entre les deux camps n’a jamais été interrompu. De nombreuses exigences émanant du Québec en tant que nation ont été satisfaites. Nous avons élaboré des solutions consistant à décentraliser pacifiquement les pouvoirs dans le cadre de notre État fédéral. La diversité des opinions n’a jamais aboli le respect mutuel.

Ce discours fait-il preuve de naïveté? Sans doute. Je ne préconise pas la tenue d’un référendum, mais je pense qu’il est important de répondre à la question fondamentale de savoir qui l’on est. Je fais toute confiance aux autorités espagnoles, comme vous tous, chers collègues, pour prendre la bonne décision et je leur recommande de faire confiance à leurs citoyens, car ils feront le bon choix. Selon certains propos tenus dans cet hémicycle, «le compromis n’est pas possible», «la médiation n’est pas possible», «on a eu recours à une violence excessive», «on a brisé des familles et des amitiés». Ne cessez jamais de vous parler, Catalans vivant en Espagne et Espagnols vivant en Catalogne! Notre responsabilité consiste à maintenir le dialogue ouvert, pour le bien de chaque communauté. J’ajoute que mon grand-père est mort fier d’être Canadien.

M. Rafael HUSEYNOV (Azerbaïdjan)* – Tenter de modifier la carte politique du monde équivaut à exciter un volcan et provoque des tragédies malvenues. Ce qui se passe actuellement en Espagne impose aux principaux États du monde et aux organisations internationales influentes d’intervenir sans délai en prenant des mesures susceptibles d’éviter une tragédie. L’attentisme, en pareil cas, a inévitablement des conséquences néfastes.

La Catalogne réclame son indépendance. Simultanément, on observe d’inquiétantes activités visant à l’indépendance du Kurdistan. En apparence, Catalans et Kurdes ont décidé de leur propre chef de faire sécession afin de créer leur propre État mais, en coulisses, la main des grandes puissances est à l’œuvre et attise le feu. N’oublions pas ces forces, habiles chefs d’orchestre œuvrant en coulisses pour leurs intérêts mondiaux, en divisant les nations et en créant des conflits de toutes pièces.

La situation qui prévaut actuellement en Catalogne, nous la connaissons en Azerbaïdjan depuis trente ans. Nous savons donc comment elle va évoluer. À la fin des années 1980, le district autonome du Haut-Karabakh jouissait des meilleures conditions de vie d’Azerbaïdjan. La Catalogne d’aujourd’hui, dotée d’un statut d’autonomie, bénéficie aussi du meilleur niveau de vie d’Espagne. Au début des années 1990, le mouvement séparatiste du Haut-Karabakh a fait éclater un conflit sanglant entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Des milliers de vies ont été perdues et des millions de personnes ont vécu une tragédie sans fin.

Le Haut-Karabakh n’est pas devenu indépendant pour autant. L’Arménie et ses protecteurs n’ont pas réussi à créer un deuxième État arménien artificiel dans le sud du Caucase. En revanche, le Haut-Karabakh, comme l’Arménie, se sont ainsi mis à l’écart de tout développement pour des décennies. Comme l’Histoire nous l’enseigne, le séparatisme qui, loin de faiblir, est encouragé, est un exemple qu’il est dangereux de suivre. Une étincelle peut facilement embraser les pays voisins et allumer des incendies.

La Catalogne est le fruit indésirable de la graine toxique plantée jadis. Le séparatisme n’est pas une maladie dont on peut guérir au moyen d’un traitement approprié. Il faut opérer, c’est-à-dire adopter des mesures drastiques issues d’un effort conjoint des membres de la communauté internationale.

M. AGRAMUNT (Espagne)* – Ce débat, nous le tenons aujourd’hui au sein de la maison de la démocratie et de l’État de droit. Ce qui se passe en Catalogne depuis le 6 septembre est une mascarade et le référendum du 1er octobre une farce. Nous assistons à une rébellion contre l’État de droit, la démocratie, la liberté et le respect de la légalité. Le débat que nous tenons cet après-midi porte tout simplement sur le respect de l’État de droit.

Le Gouvernement espagnol a agi comme aurait agi tout gouvernement d’un État démocratique, membre ou non du Conseil de l’Europe. Il s’agit de défendre les valeurs européennes contre les populistes et les nationalistes qui s’opposent à la primauté du droit. À cet égard, je tiens à remercier la police espagnole de son engagement et de son professionnalisme lorsqu’il s’est agi de défendre la légalité et le bien commun.

Le respect de la légalité est au fondement de la coexistence des communautés en Espagne comme des peuples en Europe. La semaine dernière, un débat similaire a été mené au Parlement européen, à la demande de l’extrême droite, et celui que nous tenons aujourd’hui a été réclamé par l’extrême gauche. Les indépendantistes catalans ont décidément des compagnons de lutte dans toute l’Europe!

Le nationalisme conduit à l’impérialisme, au racisme et à la xénophobie. Cet après-midi, on a beaucoup dit qu’il fallait négocier. Que les choses soient claires, chers collègues, on ne peut pas négocier lorsque l’unité de l’Espagne est menacée! S’il doit y avoir une médiation, elle doit se faire par le biais de l’ensemble des Espagnols, du gouvernement démocratiquement élu et des représentants de la souveraineté nationale.

Le 8 octobre, un million de citoyens ont manifesté de manière pacifique à Barcelone contre l’indépendance, brandissant le drapeau espagnol et non le drapeau blanc de l’extrême gauche. Il faut le dire aussi!

Comme d’autres l’ont déjà affirmé, le 1er octobre, l’Espagne n’a fait que respecter les décisions de la Cour constitutionnelle. Il était absolument nécessaire d’agir pour défendre l’État de droit en Espagne.

LA PRÉSIDENTE* – M. Amraoui, inscrit dans le débat, est absent de l’hémicycle.

La liste des orateurs est épuisée.

Je vous rappelle qu’à l’issue du débat d’actualité, l’Assemblée n’est pas appelée à voter. Ce débat aura néanmoins permis un échange de vues intéressant entre les membres de l’Assemblée. Le Bureau peut, à un stade ultérieur, proposer que la question traitée soit renvoyée à la commission compétente pour rapport.

M. Corlăţean, Vice-Président de l’Assemblée, remplace Mme Kyriakides au fauteuil présidentiel.

2. Le recours aux nouvelles technologies génétiques chez les êtres humains

LE PRÉSIDENT* – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de Mme De Sutter, au nom de la commission des questions sociales, sur «Le recours aux nouvelles technologies génétiques chez les êtres humains» (Doc. 14328).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes. Nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 19 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 18 h 50, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Madame la rapporteure, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

Mme DE SUTTER (Belgique), rapporteure de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Les technologies médicales, et en particulier les technologies génétiques, se développent à un rythme rapide. À l’heure actuelle, un couple qui risque d’avoir un enfant atteint d’une maladie génétique dispose de plusieurs possibilités: il peut demander un diagnostic prénatal et interrompre la grossesse ou faire tester des embryons et sélectionner ceux qui ne sont pas touchés. Demain, il sera possible de procéder au dépistage d’autres maladies qui sont moins graves ou qui n’ont un impact que plus tard dans la vie, comme le diabète ou le cancer du côlon, ce qui prête davantage à controverse. Après-demain, nous pourrons aller encore plus loin. Le philosophe australien Julian Savulescu évoque la renaissance de l’eugénisme dès lors qu’il s’agit maintenant de concevoir des bébés sur mesure. Il estime que cela sera nécessaire pour assurer la survie de l’humanité. Je pense que la plupart d’entre vous ne partagez pas plus que moi son point de vue.

Alors, où fixer les limites? Les technologies génétiques sont entrées récemment dans une nouvelle ère. Non seulement on peut sélectionner les embryons après avoir procédé à un dépistage, mais on peut également les modifier. La nouvelle technologie CRISPR-Cas9 permet d’extraire une partie de l’ADN et de la remplacer par une autre. Cette technologie est rapide, facile et peu onéreuse. De nombreuses applications sont actuellement élaborées dans différents domaines médicaux. Elles soulèvent des questions éthiques parce qu’elles portent sur des cellules somatiques telles que le sang ou certains tissus. La question est encore différente lorsqu’il s’agit de sperme, d’ovules ou d’embryons. En effet, il ne s’agit alors pas uniquement de modifier l’embryon lui-même, mais également tous les descendants qui naîtront de cet individu.

Cela vous fait-il peur? Voyons pourquoi nous pourrions effectivement être effrayés à cette pensée. Tout d’abord, les techniques semblent efficaces mais les erreurs sont possibles, voire probables, étant donné le stade de développement de ces technologies. Ces erreurs peuvent consister en un problème de ciblage, et par conséquent avoir un impact sur d’autres parties de l’ADN que celles que l’on souhaitait modifier, avec des effets secondaires non prévisibles. Il n’est pas acceptable d’envisager de transférer un embryon génétiquement modifié dans un utérus - tout le monde est d’accord sur ce point aujourd’hui.

Cependant, il existe une autre raison pour laquelle on ne souhaite pas que ces technologies soient développées sans réglementation. Même si ces technologies étaient sûres, qui déciderait de ce qui peut être modifié dans le génome d’un embryon en particulier et ce qui ne peut pas l’être? Des organismes tels que l’Académie nationale des sciences américaine ou la Société européenne de génétique humaine estiment que tout ce qui a un impact sur les cellules germinales peut être utilisé à des fins scientifiques, car ces travaux relèvent de la recherche en biologie fondamentale. Cependant, ils affirment également que la recherche fondamentale est nécessaire afin de vérifier la sécurité, la précision et la faisabilité de la modification du génome en tant qu’outil clinique futur. Par conséquent, toute application clinique ne peut être envisagée qu’après un travail de recherche fondamentale. La communauté scientifique affirme que, lorsque, dans certains cas, ces applications peuvent être considérées comme acceptables, elles ne doivent toutefois être mises en œuvre qu’après un véritable débat au sein de la société.

Chers collègues, ne nous faisons pas d’illusions: ces évolutions vont se poursuivre. Des bébés génétiquement modifiés verront le jour dans certains pays, et probablement dans certains États membres du Conseil de l’Europe! En fait, c’est déjà arrivé: un premier enfant ayant trois parents est né au Mexique, un deuxième en Ukraine. Il est temps de réfléchir à ce qui est acceptable et à ce qui ne l’est pas.

Ce que nous faisons ici a un sens. Une publication scientifique récente de l’Organisation européenne de biologie moléculaire regrette que le rapport que je vous présente aujourd’hui, sur lequel l’Assemblée doit se prononcer, réaffirme l’interdiction établie par la Convention d’Oviedo. Les auteurs estiment en particulier que notre paragraphe 5.1 est obsolète et ne correspond pas aux évolutions scientifiques internationales récentes. Je comprends leur avis: les scientifiques sont intéressés par la science. Mais nous, nous devons également nous intéresser aux aspects éthiques. Pour citer Rabelais: «Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.»

Que pouvons-nous faire? Mes chers collègues, c’est clair, puisque nous disposons de la Convention d’Oviedo. Pour ceux d’entre vous qui ne la connaissent pas, je vous encourage à en prendre connaissance. La Convention d’Oviedo est le seul traité international contraignant en matière de bioéthique. Elle dit les choses clairement. Son article 13 stipule que le transfert d’embryon génétiquement modifié, capable de conduire à la naissance d’un humain, est interdit. La recherche fondamentale est possible, mais la ligne rouge est la naissance d’un bébé génétiquement modifié. Toutefois, la possibilité d’amendements à l’article 32 reste ouverte après discussion publique, tel que prévu à l’article 28.

La Convention d’Oviedo, qui célébrera, d’ici quelques semaines, son vingtième anniversaire, n’a été ratifiée que par 29 États membres. Le rapport appelle instamment tous les États membres à ratifier ce texte et, à défaut, à élaborer une législation visant à interdire toute grossesse après modification du génome de l’embryon. Comme vous le constaterez dans le projet de recommandation, le rapport demande également l’élaboration d’un cadre règlementaire et législatif afin de définir quels sont les cas acceptables et quels sont ceux qui ne le sont pas.

Le projet de recommandation identifie trois étapes. Le niveau A est la ratification de la Convention d’Oviedo. Pour les États membres qui refusent de le faire, il y a le niveau B, qui consiste à interdire le transfert d’un embryon génétiquement modifié pour une grossesse. Le cadre proposé dans le rapport au paragraphe 5.4 – devenu 5.2 en raison des amendements – est le niveau C.

Mes chers collègues, nous devrions avoir une discussion incluant toutes les parties prenantes afin de parvenir à une conclusion commune. Ce n’est qu’ainsi que nous éviterons le «tourisme pour modification du génome» de patients qui se rendent dans les pays où il est possible de faire ce qui est interdit dans leur propres pays. Dans le cas du Mexique, ce phénomène concerne des scientifiques qui se rendent dans des pays où ils peuvent faire ce qu’ils ne peuvent pas faire dans leur propre pays aux fins d’étudier différents traitements médicaux. Ce n’est pas ce que nous voulons.

Pour conclure, j’aimerais faire référence à un éditorial récent du magazine scientifique Nature selon lequel les organismes de réglementation, les financeurs de la recherche et les scientifiques doivent continuer de travailler ensemble afin de définir la voie à suivre en matière de d’édition du génome de la lignée germinale. Je souhaite ajouter à cette liste les responsables politiques, car nous avons une responsabilité considérable. Nous devons prendre les bonnes décisions afin de réglementer ce domaine qui évolue extrêmement rapidement.

LE PRÉSIDENT* – Madame De Sutter, il vous restera 3 minutes et demie pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. HOWELL (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* – Comme l’a dit la rapporteure, l’un des grands problèmes auxquels nous sommes aujourd’hui confrontés est l’utilisation de nouvelles technologies génétiques à visée eugénique. La limite est étroite. Quand les nouvelles technologies génétiques ont pour objectif d’atteindre un résultat qui n’est pas désiré par la médecine, il faut être prudent et fixer des règles pour l’éviter.

Le rapport dresse un bilan de la situation et émet des recommandations. Nous ne voulons une réglementation pour le simple fait d’en avoir une. Le rapport évoque le contexte et le souci de garantir la santé des individus soumis à des traitements. Le problème avec le cadre réglementaire et législatif, c’est, comme l’a dit la rapporteure, que l’évolution des technologies génétiques est très rapide. Dès lors, le besoin de réglementation et de souplesse est indispensable.

Le Royaume-Uni a publié un guide sur le génie génétique qui fixe quatre principes au cadre réglementaire. Il faut: établir la confiance; veiller à ce que la recherche corresponde aux besoins de la société; promouvoir des politiques responsables en matière de santé; et enfin faire preuve d’un véritable leadership international.

En tout état de cause, il est préférable d’avancer lentement dans ce domaine. Il convient de partager les résultats à long terme pour veiller à ce qu’il n’y ait pas d’impact sur la vie et sur la santé des individus, et d’adopter le principe de précaution. Pour autant, il ne faut pas nier les avantages et les bénéfices de ces nouvelles technologies. Ne soyons pas bêtement opposés aux progrès de la science, mais replaçons l’humanité au cœur de la science.

M. GRIN (Suisse), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe – Permettez-moi, au nom de mon groupe, de remercier Mme De Sutter pour son rapport très pertinent sur les avancées technologiques génétiques chez les êtres humains, ainsi que ses recommandations en vue d’un cadrage éthique de ces nouvelles avancées.

Le développement des nouvelles technologies génétiques va très vite, je dirai même plus vite que l’élaboration des lois qui sont nécessaires à son cadrage éthique. Pour éviter des modifications intentionnelles du génome humain qui franchiraient les limites jugées éthiquement inviolables, il est nécessaire de développer, en commun, un cadre réglementaire et juridique clair, comme nous le propose le rapport de Mme De Sutter.

La procréation médicalement assistée a déjà fait beaucoup de chemin. La transplantation d’embryons humains permet de résoudre les problèmes de stérilité de certains couples qui sont empêchés d’avoir des enfants de manière normale. Puis le développement de la génétique a permis de trouver dans les gènes l’origine de certaines maladies héréditaires graves.

Dans mon pays, la Suisse, l’année dernière, nous avons eu un débat passionné sur le diagnostic préimplantatoire des embryons humains et sur le projet de loi le permettant. Cette loi a été acceptée en vote populaire.

Mais un débat éthique et religieux, et non politique, a donné lieu à des échanges nourris entre les pour et les contre.

Si le transfert d’un embryon portant des modifications intentionnelles du génome doit être interdit, diagnostiquer avant l’implantation si un embryon est porteur ou non d’une maladie génétique grave doit être possible, et c’est précisément ce que la loi en Suisse permet actuellement à tous les couples qui recourent à la procréation médicalement assistée, de le demander, s’ils le désirent.

Cela permet d’épargner à certains couples qui ont fait une transplantation d’embryon une décision difficile après 12 semaines de grossesse, celle d’avorter ou non un embryon défectueux, alors que médicalement, il est possible de le détecter avant l’implantation.

Voilà une avancée positive du recours aux nouvelles technologies génétiques. Mais il ne doit pas être question de choisir le sexe, la couleur des cheveux ou celle des yeux de son enfant, ni de permettre d’avoir des enfants performants, voire presque parfaits. La loi est très stricte sur ces sujets et prévoit de lourdes peines à ceux qui pourraient y déroger par manipulation génétique.

Pour l’avenir, ce qui sera important dans l’élaboration de ou des nouvelles lois qui devront régir les différentes possibilités de recours aux nouvelles technologies génétiques chez les êtres humains, ce serait le développement par le Conseil de l’Europe d’un cadre réglementaire et juridique commun, cela pour éviter un certain tourisme médical de procréation ou autre dans certains pays plus permissifs pour ces nouvelles technologies génétiques.

Mais bien sûr pour le groupe ADLE, chaque pays doit instaurer un débat démocratique, pour permettre d’élaborer une position nationale claire sur l’utilisation pratique des nouvelles technologies génétiques. Mais comme le relève justement Mme De Sutter, le temps ne joue pas en notre faveur, car l’avance médicale à ce sujet est plus rapide que les débats parlementaires.

Mme SANDBÆK (Danemark), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Je tiens tout d’abord à féliciter Mme De Sutter car son rapport est excellent et complet. Je reviendrai uniquement sur le principe de précaution, et la raison pour laquelle il est fondamental.

Notre planète est un réseau d’organismes vivants, d’animaux, de plantes: tous sont connectés par des rapports que nous sommes loin de connaître parfaitement et, pour illustrer cela, je prendrai l’exemple de la réintroduction du loup dans le Parc national de Yellowstone.

L’impact écologique de cette réintroduction a été impressionnant: l’augmentation de la population de loups a entraîné la réduction du nombre d’élans, puisqu’ils sont leurs proies, mais également toute une série d’autres conséquences. En effet, en raison de la présence des loups, les populations d’élans se sont déplacées, ont modifié leur nutrition et leur taux de natalité a chuté. La prédation des loups s’est alors tournée vers les coyotes, qui chassent, eux, le renard. La réduction du nombre de coyotes a donc entraîné une augmentation de la population de renards, ce qui a eu des conséquences sur d’autres espèces animales, notamment les petits rongeurs qui étaient des proies pour ces renards.

Ces changements ont également eu des conséquences sur les plantes et les insectes: c’est l’équilibre de toute la flore – jusqu’aux champignons et aux microbes – et de toute la chaîne alimentaire, qui a été remis en cause. La présence du loup a également entraîné une augmentation des populations de ratons laveurs, ce qui a eu des conséquences sur les arbres et les cours d’eaux locaux puisque ces animaux construisent des barrages. Ces barrages réduisent l’écoulement, créant de nouveaux étangs, ce qui, à son tour, a des conséquences sur les poissons et toute la faune amphibie. La réintroduction du loup dans le Parc de Yellowstone a par ailleurs bénéficié à l’ours grizzli, en raison d’une croissance accrue des baies dont ils se nourrissent. Ces ours avaient pour proie d’autres animaux…

Cet exemple montre donc bien que la réintroduction du loup a eu des conséquences en cascade qui n’étaient absolument pas prévues. S’il en est ainsi de la réintroduction du loup dans un parc national, imaginez ce qui pourrait se produire chez l’être humain avec les nouvelles technologies génétiques.

LE PRÉSIDENT – Mme Marković, inscrite dans le débat, est absente de l’hémicycle.

Baroness MASSEY (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts* – Nous débattons d’un rapport important et très riche en informations: je félicite donc notre rapporteure, qui a su rendre ce sujet très clair avec beaucoup de concision.

Elle nous met en garde contre les complications qui pourraient se produire si nous ne prenons pas des mesures pour réglementer ce domaine. Le cœur de ce dilemme, et la source de la confusion qui pourrait surgir, tient à la rapidité de ces avancées technologiques médicales. Ce rapport met en lumière un certain nombre de craintes concernant les abus dont les technologies génétiques pourraient faire l’objet. La Convention d’Oviedo est là pour nous fournir les principes directeurs.

La rapporteure souligne que les progrès réalisés dans les connaissances et la capacité actuelle de passer très rapidement de la théorie à la pratique doivent nous appeler à être vigilants. Le rapport est clair: si, dans un grand nombre de pays membres de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe, les interventions visant à modifier les cellules germinales chez l’être humain sont interdites, rien n’empêche la naissance d’enfants grâce à cette technique dans d’autres pays. Il est donc essentiel d’agir et de réglementer les choses au niveau international. Bien entendu, nous devons tout de même nous réjouir des progrès qui permettent de diagnostiquer, de traiter, voire peut-être d’éradiquer, certaines maladies aujourd’hui incurables.

Je voudrais revenir sur deux aspects du rapport qui me paraissent particulièrement importants. D’une part, notre rapporteure nous dit que ? si la science fournit les connaissances, il ne faut pas pour autant laisser aux seuls scientifiques le soin de décider des politiques de recherche et de l’utilisation de leurs travaux. Des considérations d’ordre moral, éthique, doivent être appliquées à ces domaines complexes et parfois controversés. Un débat public doit accompagner les avancées de nos connaissances et, pour cela, il faut éduquer le public, lui donner les informations qui permettront d’éviter que le dialogue ne soit fondé sur des préjugés ou sur la méconnaissance.

D’autre part, la rapporteure souligne la nécessité d’une réglementation internationale et la nécessité de respecter le principe de précaution. En effet, le rapport indique que le principe de précaution ne doit pas s’effacer devant le principe de prévention, auquel cas le progrès s’en trouverait retardé.

Un rapport sur la modification du génome humain publié aux États-Unis a défini un certain nombre de principes généraux et montré la nécessité d’une réglementation mondiale. Notre rapporteure considère également que cette réglementation devrait être internationale, tout en tenant compte des points de vue nationaux, mais aussi qu’elle devrait se fonder sur le modèle du Conseil de l’Europe: nous sommes tout à fait d’accord. Une telle réglementation pourrait décourager des pratiques contraires à l’éthique.

Certes, des garde-fous sont nécessaires face aux avancées de la science. Les cinq mesures proposées par notre rapporteur sont tout à fait remarquables et le Groupe socialiste la félicite d’avoir abordé cette question de façon très humaine. J’espère que ses recommandations seront acceptées et permettront de progresser rapidement.

LE PRÉSIDENT* – M. Roca, inscrit dans le débat, est absent de l’hémicycle.

M. TILSON (Canada, observateur)* – Les complexités éthiques, juridiques et médicales des modifications génétiques constituent effectivement une question extrêmement importante. La législation canadienne en la matière est tout à fait conforme aux recommandations abordées aujourd’hui.

J’aimerais concentrer mon intervention sur les mesures prises par le Canada dans le cadre de la mise en œuvre de la Convention d’Oviedo. Au Canada, les responsabilités sont partagées entre les provinces et l’État fédéral. En matière de tests génétiques et de recherche scientifique, c’est à ce dernier que revient la responsabilité. En 2004, après de nombreuses années consacrées à la consultation du public et aux débats parlementaires, la loi sur la reproduction a été adoptée. Elle prévoit notamment l’interdiction de modifications génomiques de la lignée germinale, sauf si elles ne modifient pas le génome des descendants. Cette législation interdit également le clonage humain et la sélection des embryons à des fins non médicales.

Cette année, le Parlement canadien a adopté une loi relative à la non-discrimination génétique, qui interdit de demander à une personne de se soumettre à un test génétique – ou interdit la divulgation des résultats d’un test génétique – en vue d’accéder à un emploi, de se faire assurer ou d’accéder à des biens ou à des services.

Toutes les recherches financées au niveau fédéral et impliquant des humains, y compris les recherches portant sur les technologies génétiques, doivent respecter un certain nombre de normes. Ces règles, figurant dans un document, sont très strictes en matière d’éthique et de consentement libre et éclairé. Le document donne également un certain nombre de principes directeurs en matière de recherche sur les embryons. Au Canada, le fait de dispenser des services médicaux est régi par des règles au niveau des provinces. Chaque province doit veiller à la manière dont les tests génétiques sont utilisés, dont les résultats sont communiqués aux patients et vérifier si des conseils sont donnés s’agissant de la génétique. Les services médicaux dépendent des provinces, mais l’État doit s’assurer de l’innocuité et de l’efficacité des différents traitements, y compris les thérapies géniques.

Les thérapies géniques peuvent inclure des manipulations génétiques seulement si ces dernières ne sont pas susceptibles d’être transmises d’une génération à l’autre. Elles ne sont donc pas interdites au Canada, mais c’est au niveau fédéral que leur degré de sécurité, de qualité et d’efficacité est examiné avant qu’elles ne soient autorisées.

Mme Trisse, Vice-Présidente de l’Assemblée, remplace M. Corlăţean au fauteuil présidentiel.

M. De BRUYN (Belgique)* – J’aimerais féliciter Mme De Sutter pour cet excellent rapport qui traite d’une question extrêmement délicate, et le fait de manière tout à fait équilibrée. Ce rapport nous montre à quel point les technologies génétiques progressent et combien les découvertes récentes sur le génome humain ouvrent de nouvelles possibilités fascinantes, mais suscitent également de nouvelles préoccupations sur le plan éthique. La Convention d’Oviedo nous fournit un cadre pour répondre à ces préoccupations. Malheureusement, un nombre trop important d’États membres du Conseil de l’Europe ne l’ont encore ni signée ni ratifiée, et certains ont même dit très clairement qu’ils ne le feraient pas dans un avenir proche. Par conséquent, le plan en cinq étapes qui est défini dans ce rapport représente une approche certes difficile, mais réaliste.

Je ne suis pas médecin, mais je considère que la deuxième de ces mesures sera sans doute la plus importante: «encourager un débat public ouvert et éclairé» sur le potentiel médical et les conséquences, du point de vue de l’éthique et des droits de l’homme, de l’application des nouvelles technologies génétiques aux êtres humains. Pour y parvenir ensemble, et pour concrétiser les autres éléments de ce plan en cinq étapes, je vous appelle tous à soutenir cet excellent rapport.

M. WHALEN (Canada, observateur)* – Comme l’un de mes collègues du Canada s’est exprimé il y a quelques minutes, vous allez tout savoir sur la façon dont le Canada aborde les questions liées aux technologies génétiques applicables aux êtres humains. Nous apprenons beaucoup de choses de la part de l’Europe, mais nous avons aussi des idées à vous faire partager.

Comme mon collègue l’a dit, en matière de clonage et de modification du génome de la lignée germinale, le Canada a lui aussi prononcé une interdiction: nous sommes donc sur la même longueur d’ondes. Les aspects éthiques sont très importants pour nous. D’ailleurs, la dernière loi en date que nous avons votée sur le sujet le montre. Elle interdit notamment la discrimination fondée sur la génétique.

Quelles seront les prochaines étapes? C’est là la question importante pour le monde entier. Nous nous réjouissons donc de l’initiative qu’a prise l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et nous vous remercions de nous donner la possibilité de participer à ce débat.

Que faisons-nous en termes d’éthique au Canada? Depuis les années 1990, toutes les recherches financées au niveau fédéral obéissent à des lignes directrices. Le dernier texte en date, élaboré en 2014, consacre un chapitre à la recherche génétique impliquant les êtres humains. Je remercie la rapporteure pour ses commentaires sur le sujet. Au fil du débat, certains éléments s’ajouteront peut-être.

Nous avons aussi élaboré une loi sur la reproduction humaine assistée. Ce texte date d’il y a plus de dix ans et devrait peut-être être réexaminé et actualisé. On se rend compte, effectivement, qu’au fur et à mesure que la technologie évolue, toute la réglementation doit être réexaminée et actualisée – cela vaut peut-être aussi pour la Convention d’Oviedo.

Dans ce contexte, le Groupe de travail sur la recherche concernant les cellules souches de l’Institut canadien de recherche sur la santé a élaboré des lignes directrices sur les cellules souches humaines pluripotentes. Ces lignes directrices s’appliquent à la recherche sur les cellules souches adultes, fœtales ou embryonnaires. Un rapport, publié en 2016, soit il y a à peine un an, s’intitule «Modification du génome de la lignée germinale: la perspective canadienne». Je vous en recommande la lecture.

Au fur et à mesure que de nouvelles technologies vont se développer, le débat va certainement se poursuivre au Canada – et ici aussi, apparemment. Nous nous réjouissons de pouvoir participer à ce débat global car en l’absence de cadre général, ces technologies continueront à évoluer sans contrôle approprié.

M. WELLS (Canada, observateur)* – Merci de me donner la possibilité de participer à ce débat important sur l’utilisation des technologies génétiques chez les êtres humains. J’aimerais vous présenter rapidement la manière dont le Canada a élaboré sa législation sur le sujet.

Comme beaucoup d’entre vous le savent, nous traitons aujourd’hui d’un sujet soulevant de nombreuses préoccupations d’ordre éthique et biomédical. La mise en œuvre d’un cadre législatif et réglementaire a pris du temps et ce cadre évolue constamment.

Tout a commencé en 1989, lorsque la Commission royale sur les nouvelles technologies reproductives a été créée, avec pour mandat de formuler des recommandations sur les politiques qu’il convenait de mener dans un domaine qui, à l’époque, n’était pas réglementé. La commission a mené une étude approfondie et procédé à des consultations sur ces questions.

En 1993, elle a publié son rapport final, intitulé «Proceed with care». L’approche recommandée dans le rapport consiste notamment à ériger en infractions pénales plusieurs activités. Pour ce qui est des technologies génétiques, le rapport suggère l’interdiction du clonage, mais en n’incluant pas l’altération génétique de la lignée germinale.

En 1995, le Gouvernement canadien a prononcé un moratoire volontaire sur certaines technologies génétiques et de reproduction humaine, tout en procédant à des consultations autour d’un projet de loi. Un premier projet de loi a été présenté en 1996, dont l’objectif était d’interdire les activités qui, à l’époque, entraient dans le champ du moratoire. Toutefois, à la suite de la dissolution du parlement, l’année suivante, le texte n’a pas été adopté.

En 2000, le Gouvernement fédéral a mené des consultations publiques autour d’une approche consistant à interdire certaines activités tout en en régulant d’autres, et à trouver un équilibre entre la juridiction fédérale et les juridictions provinciales. À la suite de ces consultations incluant le public, les différentes parties prenantes et les gouvernements des provinces, un projet de texte a été transmis à la commission de la santé de la Chambre des communes pour examen et consultation en 2001. Un nouveau projet de loi a été déposé en mai 2002.

Finalement, après plusieurs années d’un travail auquel la Commission royale a été associée, après l’échec d’un premier projet de loi, sans oublier la rédaction d’un rapport parlementaire, la réunion de plusieurs commissions consultatives et de nouvelles consultations, la loi relative à la reproduction humaine assistée a été adoptée en 2004. Ce texte interdit plusieurs activités relatives aux technologies génétiques: le clonage humain, la sélection du sexe à des fins non médicales et l’altération génétique de la lignée germinale.

Je vous remercie de m’avoir donné la possibilité de participer à ce débat important et de vous expliquer ce qu’a fait le Canada en matière de technologies génétiques chez les êtres humains.

LA PRÉSIDENTE – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

Mme DE SUTTER (Belgique), rapporteure* – Je tiens à remercier chacun d’entre vous pour sa contribution, même si le débat fut très court sur un sujet qui, pour moi, en tant que scientifique, me semble être l’un des thèmes les plus importants à traiter au sein de cette Assemblée, car il en va de l’avenir de nos enfants, de nos petits-enfants, de l’avenir de l’humanité. J’apprécie toutefois que ce débat ait pu se tenir. Je sais qu’il est tard et je comprends qu’il n’y ait pas eu beaucoup de monde.

Je souhaiterais revenir sur certains aspects qui ont été mentionnés.

L’un des grands dilemmes est le principe de précaution. Vous avez été nombreux à en parler. Mme Sandbæk nous a emmenés vers un autre monde, mais quand on aborde le principe de précaution dans des technologies médicales telles que la modification du génome sur des embryons, c’est comme parler de l’équilibre écologique: on trouve toujours des personnes pour dire qu’en intervenant, on arrête le progrès scientifique. Tout n’est jamais noir ou blanc. Nous avons besoin des progrès médicaux – et d’ailleurs, la médecine ne cesse de progresser –, mais il faut toujours se poser les bonnes questions: tout cela se fait-il pour le bénéfice de l’humanité, des patients? Cela est-il juste ou allons-nous vers un monde dans lequel les modifications génétiques sur les embryons conduiront à créer des bébés sur-mesure pour seulement quelques-uns? Serons-nous tous bioniques d’ici quelques centaines d’années? Allons-nous modifier notre génome pour faire évoluer l’être humain? Ce n’est certainement pas l’avenir de l’humanité que j’appelle de mes vœux!

On peut aussi penser qu’il faut tout arrêter en matière technologique et qu’il ne faut pas s’engager dans cette direction. Mais alors, nous perdrons des opportunités d’alléger la souffrance humaine, parce qu’il y a des indications médicales derrière ces technologies et nous disposerons de nouveaux outils pour remédier aux souffrances. Certains ont parlé du diagnostic préimplantatoire. Il s’agit de la sélection d’embryons sur la base des risques. On pourrait partir du principe que la modification du génome est une bonne chose puisque l’on ne détruira plus d’embryons mais qu’on les guérira. Le sujet est complexe et nous n’allons pas trancher la question aujourd’hui.

Ce n’est pas l’objet du rapport; il s’agit ici de demander un débat politique, un débat public et de veiller à ce qu’un cadre réglementaire et juridique puisse s’appliquer à l’échelle internationale. La science doit aller de pair avec l’éthique. Nous pourrions envisager une législation ou une réglementation à l’échelle des États membres qui obligerait les scientifiques dans le domaine de la recherche sur les cellules souches ou les modifications génétiques à travailler de pair avec des comités d’éthique. Il faudrait toujours mener un débat comme cela s’est fait au Royaume-Uni s’agissant de la technique dite des trois parents. Tout le monde attendait la naissance du bébé, et il est né au Mexique; le second est né en Ukraine. Il faut donc bien prendre en compte le fait que les choses évoluent très rapidement et que la législation arrive toujours après. En tant que responsables politiques, nous devons essayer d’être présents dans le débat alors que la science ne cesse d’évoluer.

M. Geraint DAVIES (Royaume-Uni), vice-président de la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable* – Permettez-moi d’adresser quelques mots de remerciement à notre rapporteure, Mme De Sutter, qui a réalisé un travail remarquable. Elle nous a présenté avec beaucoup de talent un rapport très réfléchi, marqué par une réelle volonté de compromis.

Je souhaiterais également remercier l’ancienne présidente de notre commission, devenue Présidente de notre Assemblée depuis quelques jours, Mme Kyriakides, qui a guidé ces discussions, parfois très animées, pour parvenir à une adoption du rapport à l’unanimité en commission.

Nous savons bien que l’on ne peut pas faire des expériences sur les êtres humains avec ces nouvelles technologies de génie génétique. Le moratoire sur ces activités tient bon pour l’instant, mais nous savons tous que viendra un moment – et je crains qu’il n’arrive très vite – où ces nouvelles technologies seront considérées comme étant suffisamment sûres pour être utilisées. À ce moment-là, il sera trop tard pour dire stop et remettre le génie dans sa bouteille, si j’ose dire s’agissant d’un génie génétique!

Nous devons exhorter les États membres qui n’ont pas encore ratifié la Convention d’Oviedo à le faire dans les meilleurs délais – y compris mon propre pays, le Royaume-Uni – et les inciter à mettre au moins en place une interdiction nationale sur les grossesses avec des embryons humains qui auraient subi des modifications génétiques.

Il faut tenir au plus tôt un débat public, un débat bien informé. Nous devons demander aux experts, notamment au Comité de Bioéthique du Conseil de l’Europe, d’évaluer tous les défis juridiques et éthiques que cela pose afin d’élaborer un cadre réglementaire et juridique commun. Nous devons donc recommander aux États membres de prendre les mesures nécessaires en vue d’élaborer une position nationale claire sur l’utilisation de ces nouvelles technologies génétiques en définissant des limites claires et en encourageant les bonnes pratiques. J’espère que nous pourrons tous nous mettre d’accord et adopter ces recommandations à l’unanimité aujourd’hui afin que l’humanité guide la science plutôt que ce soit la science qui guide l’humanité.

LA PRÉSIDENTE – La discussion générale est close.

La commission des questions sociales a présenté un projet de recommandation sur lequel 5 amendements ont été déposés.

J’ai cru comprendre que le président de la commission proposait de considérer les amendements 1, 4 et 5, qui ont été adoptés à l’unanimité par la commission, comme adoptés par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Monsieur le vice-président?

M. Geraint DAVIES (Royaume-Uni), vice-président de la commission* – Oui, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, ces amendements sont déclarés définitivement adoptés.

Nous en venons à la discussion des autres amendements.

Ils seront appelés dans l’ordre dans lequel ils s’appliquent au texte tel que publié dans le recueil des amendements.

Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisie de l’amendement 2.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Comme l’a expliqué Mme De Sutter, les nouvelles technologies génétiques sont censées permettre de traiter des maladies. Il faut éviter d’ouvrir ces techniques à d’autres fins. Mon amendement va dans ce sens.

Par ailleurs, je suis tout à fait favorable au sous-amendement proposé par Mme De Sutter.

LA PRÉSIDENTE – Je suis en effet saisie d’un sous-amendement.

Mme DE SUTTER (Belgique), rapporteure* – Ce sous-amendement vise à mieux expliquer la technique «des trois parents» dans le projet de recommandation.

Le sous-amendement  est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Nous revenons à l’amendement 2 ainsi sous-amendé.

M. Geraint DAVIES (Royaume-Uni), vice-président de la commission* – L’avis de la commission est favorable.

L’amendement 2, sous-amendé, est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 3 qui fait l’objet d’un sous-amendement de la commission.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – La dernière phrase du paragraphe 4 donne l’impression que la Convention d’Oviedo n’est pas suffisamment efficace dans tous les États membres, mais nous savons bien qu’ils ne l’ont pas tous ratifiée. Néanmoins, si nous gardons le libellé en l’état, nous risquons de donner une mauvaise impression. Je proposais donc de le supprimer, mais Mme De Sutter a, à nouveau, présenté un sous-amendement qui me convient.

LA PRÉSIDENTE – Nous en venons au sous-amendement.

Mme DE SUTTER (Belgique), rapporteure de la commission* – Il ne s’agit effectivement plus de supprimer la dernière phrase, sinon nous aurions perdu la référence à l’interdiction qui existe dans l’Union européenne et dans de nombreux États membres du Conseil de l’Europe. Nous supprimons simplement les derniers mots «n’empêchera pas la naissance ailleurs d’enfants dont le génome aura été modifié».

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Je suis favorable à ce sous-amendement.

M. Geraint DAVIES (Royaume-Uni), vice-président de la commission* – La commission a émis un avis favorable.

Le sous-amendement est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Nous en revenons à l’amendement 3, ainsi modifié.

M. Geraint DAVIES (Royaume-Uni), vice-président de la commission* – La commission a émis un avis favorable.

L’amendement 3, sous-amendé, est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 14328, tel qu’il a été amendé.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation, amendé, est adopté (40 voix pour, 1 voix contre et 0 abstention).

LA PRÉSIDENTE – Félicitations à la rapporteure.

3. Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations
à l’égard des personnes intersexes

LA PRÉSIDENTE – L’ordre du jour appelle la présentation et la discussion du rapport de M. De Bruyn, au nom de la commission sur l’égalité, intitulé «Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des personnes intersexes» (Doc. 14404).

Je vous rappelle que l’Assemblée a décidé, au cours de sa séance de lundi matin, de limiter le temps de parole des orateurs à 3 minutes.

Je vous rappelle aussi que nous devrons en avoir terminé avec l’examen de ce texte, votes inclus, à 20 heures. Nous devrons donc interrompre la liste des orateurs vers 19 h 40, afin de pouvoir entendre la réplique de la commission et de procéder aux votes nécessaires.

Monsieur le rapporteur, vous disposez d’un temps de parole total de 13 minutes, que vous pouvez répartir à votre convenance entre la présentation de votre rapport et la réponse aux orateurs.

M. De BRUYN (Belgique), rapporteur de la commission sur l’égalité et la non-discrimination* – Chaque jour des enfants naissent dans les États membres du Conseil de l’Europe avec des caractéristiques sexuelles qui ne sont pas exclusivement masculines ou féminines. Il s’agit d’un problème très mal connu par le grand public, les décideurs et même par la profession médicale et les fournisseurs de soins de santé. On connaît mal les besoins de ces enfants, on connaît mal la situation des personnes intersexes de manière générale.

Bien que je regrette vivement ce manque de connaissance, car il entraîne directement des violations graves des droits humains de ces personnes, nous ne pouvons blâmer qui que ce soit de cette situation si délicate. Cependant, j’estime que nous ne pouvons plus garder le silence sur cette question. Nous devons prendre une position ferme sur cette question très délicate.

Des rapports ont été publiés par divers organismes internationaux de défense des droits de l’homme, par des commissions nationales d’éthique, par des parlements, mais il s’agit-là du tout premier rapport d’une assemblée parlementaire internationale traitant exclusivement des droits des personnes intersexes et des efforts qui sont nécessaires pour éliminer toute discrimination à leur égard.

Je dois reconnaître, mes chers collègues, que rédiger ce rapport a été difficile. Il a été pour moi un véritable voyage dans un monde que j’ignorais et qui pourtant est une réalité pour des milliers de personnes intersexes dans toute l’Europe et au-delà de ses frontières. Aussi suis-je très heureux, aujourd’hui, de vous présenter ce rapport qui comprend un projet de résolution ainsi qu’un ensemble de recommandations.

La question que nous traitons dans ce rapport est sensible, et la manière dont elle est traitée dans les États membres montre très clairement que nombre d’entre eux doivent progresser rapidement et qu’il est urgent que le Conseil de l’Europe mette au point des normes et des directives dans ce domaine.

Pour bien comprendre les problèmes auxquels se trouvent confrontées, sur une base quotidienne, les personnes intersexes, il est essentiel de prendre un peu de recul, d’avoir une vision globale. C’est la raison pour laquelle le rapport se penche, non seulement sur les préoccupations médicales très importantes qui sont en jeu, mais également sur toute une série de questions relatives aux droits de l’homme, y compris le droit à l’intégrité physique, les questions sur le consentement en toute connaissance de cause, sur la reconnaissance juridique du genre, sur la dignité humaine, etc.

Quand on traite d’un thème délicat, la terminologie peut elle-même être délicate. J’ai choisi d’utiliser le terme «intersexe» dans ce rapport, terme le plus utilisé parmi les militants et les défenseurs des droits de l’homme. Comme le corps des personnes intersexes présente des différences biologiques, elles sont souvent considérées comme ayant des problèmes médicaux qu’il faut résoudre. Dans l’ensemble des États membres du Conseil de l’Europe, des interventions invasives et irréversibles sont souvent pratiquées: stérilisation, traitements hormonaux et actes chirurgicaux. Ces interventions sont pratiquées sur des enfants intersexes en dépit du principe fondamental selon lequel les interventions dans le domaine médical ne peuvent être exécutées sans le consentement libre et bien informé de la personne concernée.

Des actes chirurgicaux de «normalisation» sexuelle et des traitements destinés à élever l’enfant conformément au modèle social du genre qui lui a été attribué entraînent souvent des souffrances physiques et psychologiques, y compris des sentiments de honte. Il est souvent demandé à ces enfants de ne pas parler du fait qu’ils sont différents.

Nous devrions tous être conscients de la situation extrêmement difficile dans laquelle se trouvent les parents des enfants intersexes. Ils sont les représentants légaux de leur enfant et subissent souvent une pression de la société et de la profession médicale pour prendre des décisions urgentes et irrémédiables, au nom de leur enfant. Il n’est que trop fréquent que ces décisions soient prises pour réduire les effets de problèmes sociaux et non de problèmes médicaux.

Le projet de résolution appelle les États membres à interdire des actes chirurgicaux de normalisation sexuelle qui ne sont pas indispensables, ou d’autres interventions sur les enfants intersexes sans leur consentement bien informé. Les traitements qui visent à modifier les caractéristiques sexuelles de l’enfant devraient être reportés jusqu’au moment où l’enfant sera capable de participer à la décision, sur la base de son droit à décider lui-même de son sort, et sur le principe d’un consentement libre et en toute connaissance de cause.

Les États membres devraient être encouragés à proposer des soins de santé à toutes les personnes intersexes, dispensés par des équipes spécialisées multidisciplinaires, conformément à une approche globale centrée sur le patient, et cela pour toute la vie de ces personnes. Simultanément, des mécanismes d’appui psychologique devraient être proposés, non seulement aux personnes intersexes, mais aussi à leurs familles.

Conformément à la préoccupation croissante du respect de la vie privée, y compris des nouveau-nés, les systèmes d’enregistrement des naissances devraient offrir une souplesse suffisante. Les États membres devraient envisager de rendre optionnel l’enregistrement du sexe sur les certificats de naissance, cela pour toutes les personnes. Une procédure transparente et accessible de reconnaissance légale du genre, conforme à la recommandation qui figure dans la Résolution 2048 (2015) du Conseil de l’Europe, est de la plus haute importance pour ces personnes intersexes. Elles pourraient ressentir, à un moment de leur vie, le besoin de mettre en conformité le genre qui a été enregistré avec leur identité de genre. Cela ne devrait jamais interférer avec le droit au respect de la vie privée. Les personnes intersexes ne devraient jamais être empêchées de nouer ou de rester dans un partenariat civil ou un mariage à cause de la reconnaissance légale de leur sexe.

Concernant la lutte contre la discrimination à l’encontre des personnes intersexes, les États membres devraient faire en sorte que la législation en vigueur contre la discrimination s’applique aux personnes intersexes et les protège, soit en spécifiant clairement que les caractéristiques sexuelles sont l’une des bases sur lesquelles toute discrimination est interdite dans la législation, ou en affirmant clairement la possibilité de traiter des problèmes de discrimination que pourraient subir les personnes intersexes pour ces motifs.

Dès le début de notre travail, nous avons ressenti la nécessité de rassembler davantage de données et d’effectuer des recherches supplémentaires sur la situation et les droits des personnes intersexes, y compris sur les conséquences à long terme des interventions chirurgicales de normalisation sexuelle. Les États membres devraient garder des registres de toutes les interventions effectuées pour modifier les caractéristiques sexuelles d’un enfant. Sans vouloir jeter le moins du monde le blâme sur des médecins ou des protocoles médicaux du passé, je pense que les États membres devraient mener un enquête sur le mal que l’on a pu faire en appliquant des traitements de normalisation sexuelle à des personnes sans leur consentement. Il faudrait envisager l’octroi de dédommagements aux personnes qui ont souffert de ces traitements.

Enfin, le projet de résolution suggère aux États membres de mener des campagnes de sensibilisation, pour faire mieux connaître la situation et les droits des personnes intersexes, aux professionnels de la santé comme à l’ensemble de la population.

Le voyage que j’ai réalisé pour présenter ce rapport n’est pas encore parvenu à son terme. En tant que rapporteur général sur les droits des personnes LGBTI, j’estime qu’il faudra assurer un suivi de ce sujet. La première étape devrait consister, aujourd’hui, en l’adoption de ce rapport et des projets de résolution et de recommandation qui l’accompagnent.

LA PRÉSIDENTE – Monsieur le rapporteur, il vous restera 4 minutes pour répondre aux orateurs.

La discussion générale est ouverte.

Nous commençons par les porte-parole des groupes.

M. BEUS RICHEMBERGH (Croatie), porte-parole de l’Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe* – Les efforts déployés par M. De Bruyn pour rédiger ce rapport, ce projet de résolution et ce projet de recommandation sont extraordinaires. Je l’en remercie au nom de mon groupe. Il a enfin attiré l’attention sur un sujet qui, pendant longtemps, a été passé sous silence. Le Conseil de l’Europe sera apparemment la première organisation internationale de haut niveau à parler de ce problème et à proposer des recommandations et des solutions pour ces personnes qui souffrent tant.

Il s’agit ici d’ouvrir un nouveau chapitre du livre des droits de l’homme. Il s’agit de reconnaître les droits des personnes intersexes et de lutter contre les discriminations dont elles souffrent dès leur naissance. Pendant les auditions organisées par la commission pour l’égalité et la non-discrimination, nous avons beaucoup appris, notamment sur les souffrances qu’endurent ces personnes au quotidien. Nous avons beaucoup appris sur les défis que représente pour eux le fait de vivre, au quotidien.

Mon groupe appuie cette résolution. Nous partons du principe que notre devoir est non seulement d’apporter de l’espoir à ces personnes, mais aussi de conseiller à tous les États membres de veiller à la reconnaissance juridique des personnes intersexes et de mettre un terme aux pratiques médicales souvent très invasives et agressives qui leur sont imposées. Agissons pour l’égalité et contre les discriminations à l’égard de ces personnes qui méritent avant tout notre aide et notre compréhension.

M. PSYCHOGIOS (Grèce), porte-parole du Groupe pour la gauche unitaire européenne* – Le débat d’aujourd’hui est extrêmement important, non seulement pour la promotion des droits et des libertés portés par le Conseil de l’Europe, mais également pour la défense des valeurs humanistes de l’Assemblée parlementaire.

Ce débat coïncide également avec une évolution décisive du Parlement grec, qui a récemment adopté une importante loi visant à la reconnaissance des personnes intersexes et des personnes transgenres. Les plaintes et les souffrances des parents de ces enfants ont été entendues. Il en va de la façon dont les personnes intersexes vivent leur identité. Il s’agit de leur permettre de choisir leur vie et de jouir de l’intégralité de leurs droits.

Le rapport que nous examinons cet après-midi repose sur ces principes fondamentaux. C’est pourquoi nous le soutenons sans réserve. Il s’agit de renforcer les droits des personnes intersexes, groupe social qui a subi une marginalisation pendant de nombreuses années. Le Conseil de l’Europe vise à assurer la liberté de chacun. Il ne fait aucun doute que, si ces personnes sont victimes d’insultes, de non-respect de leurs droits, de discrimination et de discours de haine dans les sociétés les plus ouvertes et les plus tolérantes, elles le sont plus encore dans un contexte d’austérité. Nous devons donc démontrer par l’exemple que les idées progressistes peuvent faire évoluer les choses et changer des vies.

Je rappellerai pour conclure que les droits civils et politiques sont aussi essentiels que les droits sociaux et économiques. Nous le savons tous et ne devons jamais l’oublier. Néanmoins, des initiatives comme celle dont nous débattons aujourd’hui constituent, pour nous qui luttons quotidiennement contre l’exploitation de l’homme par l’homme, des petites victoires qui nous rapprochent de notre objectif stratégique: le bien de l’humanité.

M. GHILETCHI (République de Moldova), porte-parole du groupe du Parti populaire européen* – Je remercie M. le rapporteur de sa présentation de la situation méconnue dans laquelle se trouvent les personnes intersexes que nous devons sans conteste soutenir. Nous souscrivons sans réserve à l’idée selon laquelle elles doivent bénéficier, ainsi que leurs familles, du meilleur niveau de soins. Nous pensons également qu’il faut mener davantage d’études et que les États membres du Conseil de l’Europe doivent collecter davantage de données afin de développer la recherche sur ce sujet complexe.

Cependant, certains aspects du projet de résolution nous préoccupent, tant pour le bien-être des personnes intersexes que pour l’équilibre général de nos sociétés, soit dit sans mettre en doute la bonne foi du rapporteur.

Tout d’abord, le rapport suggère aux États membres d’introduire des procédures permettant aux individus de modifier leur genre de leur propre chef. L’existence de garde-fous encadrant ces procédures, dans les États membres qui s’en sont dotés, procède de bonnes raisons. Un système fondé sur le choix des individus peut donner lieu à des abus. En particulier, il peut encourager les activités criminelles et faciliter l’accès à des lieux réservés aux femmes tels que les vestiaires, ce qui me préoccupe beaucoup en tant qu’époux et père d’une jeune fille. Peu de pays européens se sont engagés sur cette voie. On ne saurait ériger ce choix comme modèle à suivre en l’absence d’études détaillées sur ses conséquences potentielles, notamment en matière de sécurité.

Deuxièmement, le projet de résolution comporte des recommandations relatives aux actes médicaux susceptibles d’être réalisés sur les personnes intersexes. Je comprends que notre rapporteur réagisse à certains cas dont il a eu connaissance, mais la science médicale a beaucoup progressé dans la plupart de nos pays. En général, les décisions sont prises par des équipes pluridisciplinaires dans l’intérêt bien compris de l’enfant après consultation des parents. Tous les médecins qui ont eu à traiter de tels cas affirment que chaque décision est prise au cas par cas et qu’il faut souvent agir rapidement, dans l’intérêt de l’enfant, afin d’éviter qu’il ne subisse des effets à long terme.

Nous devons veiller à ce que les médecins, dont la pratique est déjà encadrée par des codes médical et éthique très stricts, puissent agir dans l’intérêt médical bien compris de leurs patients. Le projet de résolution, tel qu’il est rédigé, tend à leur lier les mains dans certaines situations. Il ne nous incombe pas, à nous responsables politiques, d’imposer des décisions d’ordre médical avant d’avoir bien compris les tenants et les aboutissants de chaque cas individuel. Il faut bien entendu défendre la dignité des personnes intersexes, mais il faut aussi faire en sorte qu’ils puissent bénéficier des soins médicaux adéquats.

Certains amendements au projet de résolution cherchent à résoudre ce problème. J’espère qu’ils bénéficieront d’un large soutien. Tel qu’il est rédigé, le projet de résolution ne résout pas réellement les problèmes des personnes intersexes. Si les amendements ne sont pas adoptés, j’appellerai nos collègues à voter contre. Je suis néanmoins très reconnaissant à M. le rapporteur d’avoir soulevé le problème et de nous offrir la possibilité d’en débattre.

Mme MAURY PASQUIER (Suisse), porte-parole du Groupe des socialistes, démocrates et verts*– «C’est un garçon ou une fille?»: cette question est la première que l’on pose aux nouveaux parents, avant même la naissance de leur enfant. Elle témoigne de la pression sociale visant à inscrire les êtres dans des catégories selon la logique binaire homme-femme et à leur assigner un sexe à tout prix, le plus vite possible, fût-ce parfois au prix de violations de leurs droits humains fondamentaux et de profondes souffrances.

Aujourd’hui encore, en Europe et ailleurs, des enfants dont le sexe ne correspond pas aux normes génétiques, anatomiques ou hormonales féminines ou masculines sont soumis dès leur plus jeune âge à des opérations chirurgicales douloureuses et souvent répétées ainsi qu’à un traitement hormonal à vie. Dépourvues de nécessité médicale et privées du consentement éclairé des patients, dont les parents sont par ailleurs le plus souvent mal informés, ces interventions visant à une forme de normalisation des enfants et parfois à leur stérilisation tranchent dans le vif leur droit à l’intégrité physique et à l’autonomie corporelle. Souvent inhibées par le tabou, les victimes sont confrontées à des souffrances psychologiques graves auxquelles peuvent s’ajouter des effets physiques tels que l’infertilité, l’incontinence, la douleur ou la perte de sensation sexuelle. Les personnes intersexes subissent en outre de multiples discriminations, davantage par ignorance ou méconnaissance que par pure malveillance d’ailleurs.

De nombreuses prises de position à l’échelle internationale, au Conseil de l’Europe comme au sein de plusieurs instances des Nations Unies, ont préconisé le report de ce genre d’opération aux effets mutilants. Dans plusieurs pays, dont la Suisse d’où je viens, elles n’en sont pas moins toujours pratiquées, en l’absence d’urgence médicale, sur de jeunes enfants intersexes qui ne sont pas en mesure de prendre part à la décision.

Le présent projet de résolution incite les États membres du Conseil de l’Europe à s’engager activement en vue de les interdire et d’assurer le suivi médical et psychosocial des personnes intersexes ainsi que de leur entourage. En vue d’assouplir les procédures d’enregistrement des naissances et de changement de sexe, il les incite également à développer la législation réprimant la discrimination, à adopter des mesures de sensibilisation et à envisager d’indemniser les victimes de ces opérations aussi injustifiées que traumatisantes.

Je citerai l’une d’entre elles, Daniela Truffer, cofondatrice d’une organisation suisse de défense des personnes intersexes, opérée plusieurs fois dans son enfance afin d’être transformée en fille sans trop comprendre ce qui se passait: «Pour moi, le problème n’est pas d’avoir été élevée en tant que fille, mais de ne pas avoir été considérée à la naissance comme "suffisante" et d’avoir été mutilée».

Chers collègues, je vous invite au nom du Groupe socialiste à refuser que l’on continue à pratiquer de telles interventions et à adopter pour ce faire le projet de résolution présenté par M. De Bruyn sans l’affaiblir en aucune manière.

M. HOWELL (Royaume-Uni), porte-parole du Groupe des conservateurs européens* - Permettez-moi de féliciter le rapporteur pour cet excellent rapport qui se concentre avant tout sur les droits de l’enfance. Ce rapport parle du secret, de la honte des enfants qui sont nés intersexes. Il évoque également les problèmes que rencontrent les parents de ces enfants. Or ce sont souvent les parents qui décident de ces interventions chirurgicales intrusives, sur les conseils des médecins. Nous devons prendre la mesure des souffrances, mais aussi envisager les questions éthiques que soulève une telle situation et prendre en compte les aspects pratiques.

Laissons de côté, pour quelques secondes, le cadre réglementaire. En tant qu’individus capables de compassion, nous devrions faire beaucoup pour éduquer, essayer de comprendre, assurer un soutien psychologique et permettre les soins médicaux qui peuvent faire beaucoup pour aider les enfants intersexes et leurs parents. Nous pouvons également les aider à faire face aux préjugés auxquels ils sont souvent confrontés, en sensibilisant l’opinion publique à cette question.

Il est bon de se concentrer sur les droits des individus, de veiller à ce qu’ils aient l’âge de comprendre l’impact d’une intervention chirurgicale, d’inscrire ce rapport dans le contexte du renforcement des droits des enfants et de prendre en considération la dimension bioéthique. C’est un aspect important de ce cadre et c’est là-dessus qu’il faut se concentrer.

Nous devons encore faire beaucoup pour veiller à ce que l’intégrité de l’individu soit respectée et pour que les parents bénéficient des conseils nécessaires afin de bien comprendre la situation. Il ne faut pas considérer la situation des enfants intersexes comme un problème médical, mais il faut l’envisager dans un contexte humain. Nous devons tourner le dos à la tradition qui considère l’intersexualité comme un phénomène qui doit être corrigé. Il faut maintenant essayer de comprendre.

Mme DE SUTTER (Belgique)* – Il n’est pas honteux de naître intersexe, de développer des organes génitaux différents ou d’avoir une mosaïque de cellules avec des chromosomes XX et d’autres avec la paire XY, de grandir et de remarquer alors que ses caractéristiques sexuelles deviennent plus masculines ou plus féminines pendant la puberté, voire pendant l’âge adulte. Cela n’a rien de honteux.

En revanche, il est honteux que les parents soient obligés de choisir une opération pour leurs jeunes enfants afin d’en faire une fille ou un garçon, alors qu’il n’y a pas de risque pour leur santé. En effet, les personnes intersexes sont des personnes en bonne santé physique.

Lorsque l’on parle des personnes intersexes, habituellement, on évoque d’abord une opération chirurgicale, alors qu’une aide psycho-sociale serait beaucoup plus appropriée. Human Rights Watch estime à juste titre que les «opérations de normalisation» à un âge trop jeune constituent une violation des droits de l’homme. Les mineurs ne devraient pas être opérés lorsque cela n’est pas nécessaire d’un point de vue médical. C’est vrai pour toutes les opérations, mais en particulier pour la chirurgie génitale car le droit à l’intégrité physique est ici particulièrement bafoué, comme l’a exposé Mme Maury Pasquier.

Nous attendons pour prendre tant de décisions que l’enfant soit capable de participer à la prise de décision, sur la base du droit à l’autodétermination et conformément au principe du consentement libre et éclairé! En revanche, nous ne pourrions pas attendre avant de définir le sexe d’un enfant quand cette identité sexuelle n’est pas claire?

Mesdames et Messieurs, j’appuie totalement cet important rapport, parce qu’il se concentre sur les bonnes recommandations: l’autodétermination, l’auto-identification sont des principes fondamentaux. En outre, la discrimination fondée sur le sexe ou sur l’identité de genre ne devrait pas être autorisée. Il me semble donc important d’adapter les lois de lutte contre la discrimination dans les États membres afin de mettre un terme à la discrimination contre les personnes intersexes.

J’estime également qu’il est important que le Comité international de bioéthique élabore des principes directeurs pour le personnel médical afin de protéger l’intégrité physique des mineurs et afin que le principe de consentement libre et éclairé et l’autodétermination soient respectés.

Ce rapport nous aide non seulement à ne plus réfléchir en mode binaire, mais aussi à élargir nos perspectives et à reconnaître qu’il existe différents genres. Cette pluralité pourrait être reconnue d’un point de vue juridique, comme cela est d’ores et déjà suggéré par la Résolution 2048 adoptée par cette Assemblée en 2015.

Il serait donc inacceptable d’amender le texte afin de supprimer la référence à la Résolution 2048 dans ce rapport, parce que cela constituerait une régression pour cette institution et parce que cela contredirait totalement l’esprit de ce rapport.

Pour conclure, je félicite M. De Bruyn pour son excellent rapport.

M. TORNARE (Suisse) – À mon tour, je tiens à féliciter M. De Bruyn pour avoir permis, en quelque sorte, de libérer cette parole qui était enfouie depuis des siècles. Contrairement à ce que l’on a pu entendre au sein de la commission, cette question n’est pas uniquement contemporaine. Sous le IIIe Reich, ces enfants intersexes étaient soit assassinés dans des lieux bien précis, soit mutilés pour des expériences ou par sadisme. On sait ce que les nazis ont fait aux personnes handicapées et plus généralement à ceux qui n’étaient pas dans la norme.

Par ailleurs, j’ai entendu certains affirmer qu’avec les progrès actuels de la médecine, cette problématique peut être banalisée et qu’elle n’est pas aussi importante qu’on croit. C’est tout simplement faux!

Nous nous heurtons à des stéréotypes ancrés dans l’inconscient collectif depuis des siècles. Il est évidemment difficile de les balayer et de transformer les mentalités.

Les personnes intersexes font souvent l’objet d’un rejet de la part de la société. On n’en parle pas, on refoule cette question dans l’inconscient. La presse évoque rarement cette situation. Cette méfiance, cette peur se retrouvent au niveau politique. Dans certains parlements, certains n’osent pas en parler – je l’ai vécu aussi bien au niveau de mon canton qu’à celui de ma ville ou de la Confédération helvétique. Heureusement qu’existent des personnes comme Mme Liliane Maury Pasquier pour nous rendre attentifs à ces problématiques!

D’un point de vue scientifique, on ne peut pas dire que le corps médical et les institutions internationales dans le domaine de la médecine ou de la science soient toujours à l’avant-garde. Souvenez-vous que l’OMS n’a reconnu qu’au début des années 1980 que l’homosexualité n’était pas, comme on le disait trop souvent, une maladie.

Mesdames et Messieurs, il faut éviter ces mutilations qui sont catastrophiques. Comme plusieurs personnes l’ont affirmé, le bien de l’enfant et le respect de son identité doivent être considérés comme un impératif catégorique. Nous devons y penser avant de tenir compte de son entourage qui est souvent déconcerté et qui prend des décisions inadéquates.

Comme certains de mes collègues l’ont dit également, dans tous nos pays, nous devons adapter la législation de manière à interdire les discriminations. La Convention européenne des droits de l’homme doit également prendre en compte les personnes intersexes.

En conclusion, interdire les manipulations chirurgicales pour les personnes intersexes est un impératif catégorique.

LA PRÉSIDENTE – M. Usov, inscrit dans le débat, n’est pas présent dans l’hémicycle.

M. PARVIAINEN (Finlande)* – Nous avons beaucoup parlé de ce rapport au sein de la commission sur l’égalité et la non-discrimination, et je tiens à remercier la commission ainsi que M. De Bruyn pour son travail en tant que rapporteur.

Si la résolution est adoptée, ce sera une résolution historique qui nous permettra de protéger les droits de milliers d’individus dans nos pays. Cette résolution n’enlève rien à personne: elle ne fait que promouvoir l’égalité de tous les individus, quelles que soient leurs caractéristiques sexuelles.

Cette résolution encourage les États membres à respecter le droit des personnes intersexes à contrôler leur corps. Elle vise à interdire la normalisation sexuelle intrusive et invasive qui est souvent pratiquée sans le consentement libre et éclairé des personnes concernées. En attendant qu’ils aient l’âge de décider, nous respecterons mieux les droits des enfants. En outre, la résolution encourage les États membres à prendre des mesures pour renforcer les droits des personnes intersexes, et à mettre en œuvre le soutien psychologique qui est nécessaire pour les enfants intersexes et pour leurs parents.

Il faut des mesures pour promouvoir les droits des personnes appartenant à des minorités sexuelles. Il faut plus d’informations sur les questions liées aux personnes intersexes et à la diversité sexuelle. Certains pays ont déjà pris de bonnes mesures – Malte a certainement la politique la plus progressiste en la matière. En Finlande, un comité a proposé que les droits des personnes intersexes soient respectés et que soit évitée toute procédure qui leur est préjudiciable.

Madame la Présidente, un enfant, intersexe ou non, est un enfant. Chaque enfant est unique. C’est à ces enfants de décider, à l’âge adulte, s’ils veulent se soumettre à une opération de normalisation. Chacun doit pouvoir choisir sans crainte et sans peur. C’est cela, une société inclusive.

Le projet de résolution doit être adopté en l’état, à l’exception des amendements techniques 1 et 2. Les autres amendements lui ôteraient son sens et ne feraient que renforcer la discrimination à l’encontre des personnes intersexes, ce qui serait contraire à la Convention européenne des droits de l’homme et aux objectifs de cette Assemblée. J’espère donc sincèrement que nous adopterons ce soir ce projet de résolution. Il en va d’un meilleur avenir et de la protection des droits de l’homme.

Mme JOHNSSON FORNARVE (Suède)* – Madame la Présidente, permettez-moi, tout d’abord, de remercier le rapporteur pour son excellent rapport sur les droits des personnes intersexes, sujet important et sensible. Si le texte est adopté, ce sera le premier du genre émanant d’un organe international représentatif dans le monde, ce qui représentera un grand pas dans la bonne direction pour renforcer les droits des personnes intersexes.

Les personnes intersexes sont des personnes dont l’identité et le genre n’entrent pas facilement dans l’une des deux catégories fixes garçon/fille, homme/femme. Les personnes intersexes peuvent avoir des organes génitaux atypiques ou des structures hormonales qui ne correspondent pas exactement à l’un des deux sexes. Certaines variations intersexuelles sont visibles à la naissance, d’autres n’apparaissent que plus tard. Il n’existe pas de données précises sur le nombre de personnes intersexes. On estime que le nombre de cas non enregistrés est élevé. D’après un rapport international datant de 2000, environ 1,7 % des nourrissons naîtraient intersexes.

Un rapport d’Amnesty International montre que, dans certains pays, les enfants qui naissent intersexes sont souvent soumis à des interventions chirurgicales et/ou hormonales, alors que ce n’est pas nécessaire du point de vue médical. Dans de nombreux cas, ces interventions sont à la fois irréversibles et traumatisantes.

Dans certains cas, ces enfants sont obligés de subir des traitements de normalisation sexuelle, afin qu’ils entrent dans l’une des deux catégories garçon ou fille sans qu’il y ait de justification médicale. Cette pratique médicale peut donner lieu à des violations graves des droits des personnes intersexes, en particulier le droit à avoir le meilleur état de santé possible, le droit à l’intégrité physique, le droit à l’autodétermination physique et le droit au respect de la vie privée.

C’est pourquoi ce serait commettre une grave erreur que de supprimer les paragraphes 7.1.1 et 7.1.2, puisqu’ils recommandent aux États membres d’interdire les traitements de normalisation sexuelle forcés et de reporter les traitements visant à altérer les caractéristiques sexuelles des enfants intersexes tant qu’ils ne peuvent pas participer eux-mêmes à la décision. Nous devons donc conserver ces paragraphes, car nous renforçons ainsi le droit des personnes intersexes, notamment les enfants, un groupe marginalisé depuis trop longtemps.

Je suis donc favorable à ce projet de résolution.

LA PRÉSIDENTE – La liste des orateurs est épuisée.

J’appelle la réplique de la commission.

M. De BRUYN (Belgique), rapporteur* – Je voudrais d’abord rendre hommage à toutes les personnes intersexes que j’ai eu l’occasion de rencontrer au cours des douze derniers mois. Ce sont des personnes courageuses. Chacune d’entre elles a son propre récit, son parcours personnel. Elles ont toutes beaucoup souffert. Elles ont toutes ressenti de la honte. Elles ont parfois été harcelées. Donc, je leur rends hommage.

Je voudrais aussi vous remercier tous, mes chers collègues, car ce voyage dans ce monde quasi inconnu pour la plupart d’entre nous, a été d’une grande intensité.

Je rappellerai deux principes qui ont déjà été acceptés par notre Assemblée et qui sont au cœur du projet de résolution.

Le premier principe est celui du consentement éclairé. Il n’est pas nouveau; nous l’avons déjà accepté dans la Résolution 9052 relative à l’intégrité physique des jeunes enfants. Nous proposons maintenant de l’appliquer à la situation des personnes intersexes. Nous sommes déjà convenus au sein de l’Assemblée parlementaire de l’importance de ce principe.

Le second, c’est le fait que la reconnaissance légale du genre doit être fondée sur l’autodétermination des personnes. Ce principe a été adopté à une large majorité par l’Assemblée parlementaire dans le cadre de l’adoption de la Résolution 2048 relative à la discrimination à l’encontre des personnes transsexuelles. L’application est un peu différente, mais le principe a déjà été accepté par l’Assemblée et il devrait s’appliquer aussi aux personnes intersexes.

Ces deux principes fondamentaux que nous avons déjà adoptés sont de nature à répondre aux remarques formulées par nos collègues. En adoptant ce projet de résolution, nous ferons un grand pas en avant pour l’application des droits humains pour tous. Nous ne demandons pas des droits spéciaux pour un groupe de personnes spécifiques, nous demandons que tous les droits de l’homme s’appliquent à toutes les personnes, quelle que soit leur situation.

Mme HOFFMANN (Hongrie), vice-présidente de la commission sur l’égalité et la non-discrimination* – Madame la Présidente, chers collègues, en abordant la question de la situation et des droits des personnes intersexes, le rapport que nous présente aujourd’hui M. De Bruyn concerne l’intégrité physique des enfants, la discrimination et la vie privée, questions fondamentales pour tout être humain.

Je tiens à souligner l’importance de ce rapport, le premier de cette envergure présenté dans une enceinte internationale. Je félicite le rapporteur pour l’ampleur de son travail et d’avoir su nous sensibiliser à ces questions méconnues.

Le rapport de M. De Bruyn souligne que les enfants intersexes font l’objet de traitements médicaux irréversibles et lourds de conséquences sans leur consentement et alors qu’ils sont en bonne santé physique.

Les personnes intersexes font face à des violations de leurs droits à la vie privée et à des discriminations dans tous les domaines de la vie.

Que faire pour garantir leurs droits? Comme le souligne le rapporteur, nous devons interdire les interventions irréversibles qui ne sont pas vitales pratiquées sur les enfants intersexes sans leur consentement. Nous devons permettre aux enfants de participer aux décisions concernant leur corps. Nous devons protéger leur vie privée. Nous devons recueillir plus de données sur leur situation, renforcer nos lois anti-discrimination et sensibiliser les professionnels et le grand public aux droits des personnes intersexes.

Cher collègues, les projets qui nous sont présentés ont été adoptés à l’unanimité par notre commission, en septembre. En tant que membres de cette Assemblée qui défend les droits humains, il ne tient qu’à vous de mettre en œuvre les valeurs d’égalité et de non-discrimination pour les personnes intersexes qui ont grandement besoin de notre soutien. Je vous invite à le faire en soutenant les projets de résolution et de recommandation.

LA PRÉSIDENTE – La discussion générale est close.

La commission sur l’égalité a présenté un projet de résolution sur lequel six amendements ont été déposés, ainsi qu’un projet de recommandation sur lequel aucun amendement n’a été déposé.

Nous commençons par examiner le projet de résolution.

J’ai cru comprendre que la présidente de la commission proposait de considérer l’amendement 2, qui a été adopté à l’unanimité par la commission, comme adopté par l’Assemblée.

Est-ce bien le cas, Madame Hoffmann?

Mme HOFFMANN (Hongrie), vice-présidente de la commission – Oui, Madame la Présidente.

LA PRÉSIDENTE – Il n’y a pas d’opposition. En conséquence, cet amendement est déclaré définitivement adopté.

Je vous informe que l’amendement 1 a également été adopté à l’unanimité par la commission. Toutefois, dans la mesure où il n’aurait plus d’objet si l’amendement 6 était adopté, il sera examiné selon les modalités habituelles.

Je vous rappelle que le temps d’intervention pour chaque amendement est limité à 30 secondes.

Je suis saisie de l’amendement 3.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Comme je l’ai déjà dit dans mon intervention, je suis convaincu que l’auto-identification sexuelle à la demande peut être dangereuse et avoir des conséquences terribles sur l’ensemble de la société. Pour éviter ces conséquences, je propose de supprimer la deuxième phrase du paragraphe 5.

Mme HOFFMANN (Hongrie), vice-présidente de la commission – La commission s’est prononcée contre cet amendement à une large majorité.

L’amendement 3 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 6. Je vous rappelle que si cet amendement est adopté, l’amendement 1 n’a plus d’objet.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Je propose de supprimer le paragraphe 7.1.1, qui interdit «d’autres traitements sur les enfants». Pourquoi ne faisons-nous pas confiance aux médecins et au personnel médical? Je crois qu’il ne faut pas limiter leur liberté. Faisons confiance aux médecins et à la science.

M. De BRUYN (Belgique), rapporteur* – Je demande à nos collègues de voter contre cet amendement, qui remet en cause l’essence même de notre rapport. Nous ne devons pas permettre que de tels actes chirurgicaux invasifs soient imposés à de jeunes enfants. Cela n’a rien à voir avec un manque de confiance dans les médecins: c’est tout simplement une mesure de défense des droits de jeunes enfants.

Mme HOFFMANN (Hongrie), vice-présidente de la commission – Avis défavorable de la commission.

L’amendement 6 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 1.

Mme DE SUTTER (Belgique) – Cet amendement vise à remplacer, dans le texte en français de la résolution, «sans indication médicale» par «sans nécessité médicale». Vous conviendrez que les deux formulations n’ont pas la même signification.

Mme HOFFMANN (Hongrie), vice-présidente de la commission – La commission s’est déclarée favorable à l’unanimité à cet amendement.

L’amendement 1 est adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 5.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – Monsieur de Bruyn, tout acte chirurgical qui est invasif comporte des risques. Pourquoi faire une exception, au prétexte qu’il s’agit de la vie d’un enfant? Encore une fois, il faut faire confiance aux médecins; dans l’intérêt de l’enfant, c’est à eux de prendre des décisions, avec les parents et un comité pluridisciplinaire. C’est la raison pour laquelle je vous propose de supprimer le paragraphe 7.1.2.

Mme DE SUTTER (Belgique)* – Monsieur Ghiletchi, il y a eu de nombreux exemples, par le passé, d’erreurs commises par les médecins alors même qu’ils pensaient, à l’époque, faire ce qui était juste. À mes yeux, votre argument n’est pas recevable.

L’essence même de ce rapport est de prendre en compte les droits des enfants, car cela n’a pas toujours été le cas par le passé. Nous ne pouvons donc pas accepter cet amendement.

Mme HOFFMANN (Hongrie), vice-présidente de la commission – La commission s’est prononcée contre cet amendement à une large majorité.

L’amendement 5 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Je suis saisie de l’amendement 4.

M. GHILETCHI (République de Moldova)* – La proposition de simplifier les procédures de reconnaissance juridique du genre doit dépendre des États membres. Respectons le droit qu’ils ont à avoir leur propre cadre réglementaire. Il ne s’agit pas ici de choses simples, donc n’ayons pas une approche trop simple à l’égard de ces questions complexes.

Madame De Sutter, ce que je voulais dire, c’est que l’intérêt suprême de l’enfant est très important, y compris sur le plan médical. Oui, il y a eu des erreurs médicales par le passé, mais elles ont été commises en toute bonne foi, et en se préoccupant de l’intérêt suprême de l’enfant.

Mme DE SUTTER (Belgique)* – Je me dois de répondre. J’ai déjà dit dans mon intervention qu’en 2015, nous avons adopté ici-même, à une large majorité, une résolution qui correspond exactement au contenu du paragraphe 7.3.2. Choisir aujourd’hui de supprimer ce paragraphe serait une décision incohérente, puisqu’elle serait contraire à celle que nous avons prise il y a deux ans. Nous ne pouvons pas revenir sur nos positions. Je ne comprends donc pas pourquoi nous accepterions de supprimer ce paragraphe. Mme HOFFMANN (Hongrie), vice-présidente de la commission – Avis défavorable de la commission à une large majorité.

L’amendement 4 n’est pas adopté.

LA PRÉSIDENTE – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de résolution contenu dans le Doc. 14404, tel qu’il a été amendé.

Le projet de résolution, amendé, est adopté (33 voix pour, 3 voix contre et 0 abstention).

LA PRÉSIDENTE – Nous allons maintenant procéder au vote sur le projet de recommandation contenu dans le Doc. 14404.

Je vous rappelle que la majorité requise est celle des deux tiers des suffrages exprimés.

Le projet de recommandation est adopté (31 voix pour, 1 voix contre et 1 abstention).

4. Prochaine séance publique

LA PRÉSIDENTE – La prochaine séance publique aura lieu demain à 10 heures, avec l’ordre du jour adopté précédemment par l’Assemblée.

La séance est levée.

La séance est levée à 19 h 50.

SOMMAIRE

1. La nécessité d’une solution politique à la crise en Catalogne (Débat d’actualité)

Orateurs: MM. Hunko, Daems, Kox, Divina, Roca, Tornare, Sir Roger Gale, Garcia Hernandez, Mmes De Sutter, Santa Ana, Rodríguez Ramos, M. Küçükcan, Mme Rodriguez Hernandez, Schneider-Schneiter, Marija Obradović, MM. Bildarratz, Bustinduy, Vareikis, De Bruyn, Xuclà, Mme Pashayeva, MM. Simms, Rafael Huseynov, Agramunt

2. Le recours aux nouvelles technologies génétiques chez les êtres humains

Présentation par Mme De Sutter, du rapport de la commission des questions sociales (Doc. 14328)

Orateurs: MM. Howell, Grin, Mme Sandbæk, Baroness Massey, MM. Tilson, De Bruyn, Whalen, Wells

Réponses de Mme la rapporteure et de M. Geraint Davies, vice-président de la commission

Vote sur un projet de recommandation amendé

3. Promouvoir les droits humains et éliminer les discriminations à l’égard des personnes intersexes (Doc. 14404)

Présentation par M. De Bruyn, du rapport de la commission sur l’égalité (Doc. 14404)

Orateurs: MM. Beus Richembergh, Psychogios, Ghiletchi, Mme Maury Pasquier, M. Howell, Mme De Sutter, MM. Tornare, Parviainen, Mme Johnsson Fornarve

Réponses de M. le rapporteur et de Mme Hoffmann, vice-présidente de la commission sur l’égalité

Vote sur un projet de résolution amendé

Vote sur un projet de recommandation

4. Prochaine séance publique

Appendix / Annexe

Representatives or Substitutes who signed the register of attendance in accordance with Rule 12.2 of the Rules of Procedure. The names of members substituted follow (in brackets) the names of participating members.

Liste des représentants ou suppléants ayant signé le registre de présence, conformément à l’article 12.2 du Règlement. Le nom des personnes remplacées suit celui des Membres remplaçant, entre parenthèses.

ÅBERG, Boriana [Ms]

AGRAMUNT, Pedro [M.]

ANDERSON, Donald [Lord]

ARNAUT, Damir [Mr]

BARNETT, Doris [Ms]

BAYKAL, Deniz [Mr]

BEUS RICHEMBERGH, Goran [Mr]

BILDARRATZ, Jokin [Mr]

BİLGEHAN, Gülsün [Mme]

BRASSEUR, Anne [Mme]

BRUIJN-WEZEMAN, Reina de [Ms] (MULDER, Anne [Mr])

BRUYN, Piet De [Mr]

BÜCHEL, Roland Rino [Mr] (FIALA, Doris [Mme])

BUDNER, Margareta [Ms]

BUSHATI, Ervin [Mr]

BUSTINDUY, Pablo [Mr] (BALLESTER, Ángela [Ms])

BYRNE, Liam [Mr] (MEALE, Alan [Sir])

CHRISTOFFERSEN, Lise [Ms]

CORLĂŢEAN, Titus [Mr]

DAEMS, Hendrik [Mr] (BLANCHART, Philippe [M.])

D’AMBROSIO, Vanessa [Ms]

DAMYANOVA, Milena [Mme]

DAVIES, Geraint [Mr]

DE TEMMERMAN, Jennifer [Mme]

DESTREBECQ, Olivier [M.]

DIVINA, Sergio [Mr]

EBERLE-STRUB, Susanne [Ms]

ESTRELA, Edite [Mme] (ROSETA, Helena [Mme])

GAFAROVA, Sahiba [Ms]

GALE, Roger [Sir]

GARCÍA HERNÁNDEZ, José Ramón [Mr]

GERMANN, Hannes [Mr] (HEER, Alfred [Mr])

GHILETCHI, Valeriu [Mr]

GILLAN, Cheryl [Ms]

GOLUB, Vladyslav [Mr] (LABAZIUK, Serhiy [Mr])

GONÇALVES, Carlos Alberto [M.]

GRIN, Jean-Pierre [M.] (MÜLLER, Thomas [Mr])

HAJIYEV, Sabir [Mr]

HEINRICH, Gabriela [Ms]

HERKEL, Andres [Mr] (NOVIKOV, Andrei [Mr])

HOFFMANN, Rózsa [Mme] (VEJKEY, Imre [Mr])

HOWELL, John [Mr]

HUNKO, Andrej [Mr]

JANSSON, Eva-Lena [Ms] (GUNNARSSON, Jonas [Mr])

JOHNSSON FORNARVE, Lotta [Ms] (KARLSSON, Niklas [Mr])

KALMARI, Anne [Ms]

KERESTECİOĞLU DEMİR, Filiz [Ms]

KESİCİ, İlhan [Mr]

KLEINBERGA, Nellija [Ms] (LAIZĀNE, Inese [Ms])

KOX, Tiny [Mr]

KÜÇÜKCAN, Talip [Mr]

LĪBIŅA-EGNERE, Inese [Ms]

LOGVYNSKYI, Georgii [Mr]

LOUHELAINEN, Anne [Ms] (PACKALÉN, Tom [Mr])

MALLIA, Emanuel [Mr]

MARKOVIĆ, Milica [Mme]

MASSEY, Doreen [Baroness] (WINTERTON, Rosie [Dame])

MAURY PASQUIER, Liliane [Mme]

MUNYAMA, Killion [Mr] (HALICKI, Andrzej [Mr])

NISSINEN, Johan [Mr]

OBRADOVIĆ, Marija [Ms]

OBREMSKI, Jarosław [Mr] (MILEWSKI, Daniel [Mr])

OHLSSON, Carina [Ms]

PALLARÉS, Judith [Ms]

PARVIAINEN, Olli-Poika [Mr] (PELKONEN, Jaana Maarit [Ms])

PASHAYEVA, Ganira [Ms]

PSYCHOGIOS, Georgios [Mr] (KAVVADIA, Ioanneta [Ms])

RIBERAYGUA, Patrícia [Mme] (JORDANA, Carles [M.])

ROCA, Jordi [Mr] (BARREIRO, José Manuel [Mr])

RODRÍGUEZ HERNÁNDEZ, Melisa [Ms]

RODRÍGUEZ RAMOS, Soraya [Mme]

SANTA ANA, María Concepción de [Ms]

SCHENNACH, Stefan [Mr]

SCHNEIDER-SCHNEITER, Elisabeth [Mme] (LOMBARDI, Filippo [M.])

SCHWABE, Frank [Mr]

SHARMA, Virendra [Mr]

SILVA, Adão [M.]

SOBOLEV, Serhiy [Mr]

SOTNYK, Olena [Ms]

STELLINI, David [Mr]

SUTTER, Petra De [Ms] (MAHOUX, Philippe [M.])

TORNARE, Manuel [M.] (FRIDEZ, Pierre-Alain [M.])

TRISSE, Nicole [Mme]

UNHURIAN, Pavlo [Mr] (YEMETS, Leonid [Mr])

USOV, Kostiantyn [Mr] (ARIEV, Volodymyr [Mr])

WENAWESER, Christoph [Mr]

WOJTYŁA, Andrzej [Mr]

XUCLÀ, Jordi [Mr] (GARCÍA ALBIOL, Xavier [Mr])

Also signed the register / Ont également signé le registre

Representatives or Substitutes not authorised to vote / Représentants ou suppléants non autorisés à voter

CORREIA, Telmo [M.]

HUSEYNOV, Vusal [Mr]

NAUDI ZAMORA, Víctor [M.]

Observers / Observateurs

SIMMS, Scott [Mr]

TILSON, David [Mr]

WELLS, David M. [Mr]

WHALEN, Nick [Mr]

Partners for democracy / Partenaires pour la démocratie

---

Representatives of the Turkish Cypriot Community (In accordance to Resolution 1376 (2004) of

the Parliamentary Assembly)/ Représentants de la communauté chypriote turque

(Conformément à la Résolution 1376 (2004) de l’Assemblée parlementaire)

Mehmet ÇAĞLAR

Erdal ÖZCENK