1. Note introductive
1. Je commencerai par expliquer en quoi il s’agit d’une
question particulière, qui s’inscrit dans un contexte particulier,
et qui mérite donc que notre commission lui accorde une attention
particulière elle aussi.
2. Gökçeada (Imbros) et Bozcaada (Ténédos) sont deux petites
îles au nord de la mer Egée, habitées en majeure partie, depuis
des temps immémoriaux, par des personnes d’origine grecque. Au cours
de leur histoire, elles ont été gouvernées par maintes autorités différentes,
dont l'empire ottoman durant des siècles, et depuis 1923, la République
de Turquie. Les insulaires ont toujours été soumis aux aléas des
relations entre la Turquie et la Grèce, et ils en ont terriblement
souffert, surtout de 1964 aux années 80, lorsque les deux îles ont été
quasiment vidées de leur population d’origine. Grâce à l’initiative
personnelle d’Elsa Papademetriou et Murat Mercan, alors chefs des
délégations grecque et turque auprès de l’Assemblée parlementaire,
qui ont entrepris en 2005 au nom du Bureau de l’Assemblée une visite historique
sur les deux îles et présenté conjointement la proposition de résolution
qui a motivé ce rapport, les insulaires et d’autres espèrent aujourd’hui
vivement que cette initiative pourra devenir pour la Grèce et la
Turquie un exemple de coopération avantageuse pour l’une et l’autre.
3. Du fait même que ces îles n’ont aucune importance particulière,
puisque leur situation « stratégique » à l’entrée des Dardanelles
ne présente plus d'intérêt militaire à l’ère des missiles de longue portée
et des satellites, il faudrait pouvoir dépasser les vieux réflexes
nationalistes et négocier un accord équitable dans le seul intérêt
des populations concernées, c’est-à-dire des insulaires – nouveaux
et anciens, des exilés qui gardent un lien affectif avec leur île d’origine,
et des citoyens turcs qui découvrent depuis peu la beauté de ces
îles et aiment y séjourner ou y prendre leur retraite. Gökçeada
(Imbros) et Bozcaada (Ténédos) permettent d’une certaine manière
de mettre à l’épreuve les bonnes dispositions de la Turquie et sa
capacité à réparer généreusement les injustices passées. Le rôle positif
que Mme Papademetriou et M. Mercan ont joué conjointement, et les
mesures concrètes entreprises par le Premier ministre M. Erdogan
après sa visite sur les îles en avril 2005
, ont fait naître de nombreux
espoirs parmi les insulaires, et parmi ceux au Conseil de l'Europe
qui pensent que de vieilles rivalités comme celles entre Grecs et
Turcs peuvent céder la place à un partenariat et à une coopération
solides.
4. Je tiens à préciser clairement d'emblée que personne parmi
les insulaires d'origine grecque et la diaspora, encore moins parmi
les autorités grecques, n'a de visée « territoriale », et certainement
pas moi ni quiconque au sein du Conseil de l'Europe : les îles sont sous
la souveraineté turque à part entière depuis 1923 en ce qui concerne
la République de Turquie, et depuis de nombreux siècles sous la
domination ottomane, si l'on excepte quelques « intermèdes » britanniques
et grecs, au début du siècle dernier. Toutes les questions de « terres »
ou de biens concernent uniquement des particuliers – des citoyens
turcs mais de culture grecque ou leurs descendants directs – et
des fondations et n'ont aucun rapport avec la souveraineté nationale
sur les territoires en question.
5. De plus, je tiens à reconnaître d'entrée de jeu que je suis
pleinement conscient du fait que les souffrances des habitants d'origine
grecque de Gökçeada (Imbros) et de Bozcaada (Ténédos) font partie
d’un contexte plus large ; les mesures adoptées en 1964 étaient
liées à des attaques dont des Chypriotes turcs avaient été victimes auparavant,
d'autres ont coïncidé avec la résurgence du conflit de Chypre en
1974. Les décisions turques prises à l'encontre des insulaires ont
également pu être influencées par les problèmes de la minorité d'origine turque
de Thrace occidentale, en Grèce. Elles feront l'objet du rapport
de notre collègue Michel Hunault, qui traitera plus globalement
des problèmes de la minorité d'origine grecque en Turquie et de
la minorité d'origine turque en Grèce. Le présent rapport ne vise
pas à « juger » l'attitude des autorités turques envers les insulaires.
Si tel était le cas, il faudrait peut-être aussi prendre en compte
les « provocations » (ou les actes perçus comme tels) du côté grec
pour parvenir à un jugement « équitable ». De fait, mon intention
– et celle de la Commission, qui a décidé de maintenir séparé le présent
sujet du mandat sus-mentionné de M. Hunault – est de proposer des
solutions pratiques aux problèmes rencontrés par les insulaires
et par leurs descendants qui vivent à l'étranger, sans tomber dans
le cercle vicieux des représailles « réciproques ».
6. Pour autant, si l'on veut comprendre la situation actuelle
et proposer des solutions équitables, il est indispensable d'examiner
l'évolution historique de la situation, de la façon la plus objective
possible. Une telle réflexion s'impose, quand bien même elle pourrait
être interprétée comme une critique de certaines mesures prises
par les autorités (de l'époque) : si nous ne tirons pas des enseignements
de l'Histoire, nous sommes condamnés à reproduire les erreurs passées.
Et n'oublions pas que les victimes des violations –dont je ferai
expressément état pour conserver ma crédibilité et celle du Conseil
de l'Europe – étaient tous et sont toujours très majoritairement
des citoyens turcs ; et que les îles, dont nos propositions entendent
améliorer la situation, sont des îles turques. Si ce rapport peut
contribuer à faire de ces deux îles un exemple positif de tolérance,
de respect mutuel et de prospérité, il rehaussera de fait l'image
de la Turquie. C'est mon vœu le plus sincère, en tant qu'ami de
ce pays et ferme partisan de ses ambitions européennes.
7. Dans cet esprit, j'en appelle à nos amis turcs, afin qu'ils
fassent tout leur possible pour éviter que le sort des habitants
de ces deux îlots ne soit soumis à la lutte d'influence incessante
qui oppose les forces « nationalistes » et les partisans d'une orientation résolument
« européenne » de la politique turque. Compte tenu de l'intérêt
stratégique mineur de ces deux îles, une équité élémentaire devrait
pouvoir prévaloir au bénéfice de tous les habitants, sans que des
craintes pour la sécurité nationale entrent en ligne de compte.
Comme je l'ai souligné durant ma visite d'information en Turquie, le
partenaire le plus puissant peut sans danger faire preuve de sagesse
et faire le premier pas.
8. Mon propre intérêt pour cette question provient de ce que
j'ai préparé en 2003, pour la Commission des questions politiques,
un rapport sur les « Expériences positives des régions autonomes
comme source d'inspiration dans la résolution de conflits en Europe
». Je
reste fasciné par la manière dont les îles Åland, dans la mer Baltique,
ont su préserver leur culture suédoise d'origine, bien qu'étant
incontestablement placées sous la souveraineté de la Finlande. Toutefois,
je sais qu'on ne peut pas comparer le problème des deux îles turques
et celui des îles finlandaises, du fait d'un contexte international
radicalement différent.
9. Les actions entreprises à ce jour sont les suivantes : la
proposition (Doc 10536 du 29 avril 2005) a été déposée ; elle a
été transmise pour rapport à la Commission des questions juridiques
et des droits de l'homme le 27 janvier 2006. Lors de sa réunion
du 13 mars 2006, la Commission m'a nommé en tant que Rapporteur :
le 15 septembre 2006, elle m'a autorisé à effectuer des visites
d'information dans la région. J'ai effectué le 22 novembre 2006
une brève visite à Athènes, où j'ai pu rencontrer des représentants
du ministère grec des Affaires étrangères et des représentants de
la diaspora originaires de Gökçeada (Imbros) et de Bozcaada (Ténédos) ;
le 17 mai 2007, j'ai rencontré le patriarche œcuménique d'Istanbul,
qui est lui-même né à Gökçeada (Imbros), et j'ai pu discuter avec
les autorités turques à Ankara. Enfin, j'ai visité les îles elles-mêmes, puis
de nouveau établi le dialogue à Ankara, du 28 avril au 2 mai 2008
.
2. Bref
aperçu historique
10. Comme le montre l'introduction, mon objectif n'est pas
dans ce rapport d'enquêter sur les violations des droits de l'homme
qui ont pu être commises par le passé, ni de dénoncer leurs auteurs.
Néanmoins, si l'on veut élaborer et proposer une solution équitable
pour l'avenir, il est nécessaire de comprendre les fondements historiques
de la situation présente – aussi peu flatteurs soient-ils pour les
instances qui dirigeaient la Turquie dans les années 60, 70 et 80,
et pour les gouvernements grecs de l’époque et la communauté internationale.
En effet, cette dernière ne s'est pour ainsi dire jamais opposée
à ces politiques, obéissant à des impératifs stratégiques – liés
à la Guerre froide – ou plus largement aux intérêts nationaux ou
économiques, ou se désintéressant tout simplement du sort d'une
si petite communauté.
11. Appartenant jusqu’alors à l’Empire byzantin, les îles sont
rattachées à l’Empire ottoman en 1455-1456, leur composition ethnique,
religieuse et culturelle restant très largement inchangée sous le
régime généralement tolérant des Ottomans. En 1912, l’île de Gökçeada (Imbros)
compte 9 456 habitants, dont 9 357 d’origine grecque et 99 d’origine
turque ; l’île de Bozcaada (Ténédos) présente une répartition plus
équilibrée, avec 5 420 Grecs et 1 200 Turcs, soit un total de 6 620 habitants.
12. Entre 1912 et 1923, les deux îles sont entraînées dans le
conflit gréco-turc ainsi que dans la Première Guerre mondiale, et
elles changent plusieurs fois de mains. Le Traité de Sèvres de 1920,
qui n’a jamais été ratifié par la Turquie, les place sous la souveraineté
de la Grèce, mais en 1923 le Traité de Lausanne, négocié après les
victoires militaires remportées par la Turquie lors de la Guerre
anatolienne, les restitue à la Turquie. L’article 14 du Traité de
Lausanne prévoit toutefois un haut degré d’autonomie locale en faveur
des habitants d’origine :
« Les
îles d'Imbros et Ténédos, demeurant sous la souveraineté turque,
jouiront d’une organisation administrative spéciale composée d’éléments
locaux et donnant toute garantie à la population indigène non musulmane,
en ce qui concerne l’administration locale ainsi que la protection
des personnes et des biens. Le maintien de l’ordre y sera assuré
par une police qui sera recrutée parmi la population indigène par
les soins et placée sous les ordres de l’administration locale ci-dessus
prévue. Les stipulations conclues ou à conclure entre la Grèce et
la Turquie concernant l’échange des populations grecques et turques
ne seront pas applicables aux habitants des îles d'Imbros et Ténédos. »
13. Après 1923, comme le redoutaient les insulaires, le Gouvernement
turc se montre peu disposé à remplir l’engagement contenu dans l’article 14
du Traité de Lausanne
. D'ailleurs, l'article
14 de la loi no 1151 de 1927 établissant le « statut spécial » des
îles abolit l'éducation publique en langue grecque.
14. En 1946, le Gouvernement turc fait venir sur l’île le premier
groupe de citoyens turcs musulmans. Les années 50, durant lesquelles
la Turquie est gouvernée par le Parti démocrate, sont considérées
par les Imbriotes et les Ténédiens d’origine grecque comme une période
de tranquillité et de liberté. L’article 14 de la loi n° 1151 (1927)
est abrogé par la loi No. 5713 (1952) et l’éducation sur les deux
îles retrouve un statut semi-autonome.
15. Après le coup d’Etat militaire de 1960, en Turquie, la situation
des insulaires se dégrade de manière dramatique. En 1964, alors
que des affrontements intercommunautaires éclatent à Chypre, l’article 14
de la loi n° 1151 est de nouveau remis en vigueur par la loi No. 502
(1964) et les écoles hellénophones sont fermées. La plupart des
propriétaires de terres cultivables sont expropriés, pour construire
un aéroport et une base militaire, et créer une « prison ouverte »
(prison agricole) sur la côte sud-ouest de Gökçeada (Imbros) en
1965, ainsi qu'une entreprise d'Etat de production agricole (TIGEM)
en 1966. D'après les témoignages recueillis par un chercheur turc
et par certains insulaires que j'ai rencontrés
lors de ma visite, les détenus de cette « prison ouverte » commettent
de nombreux actes criminels à l'encontre des habitants (pour la
plupart encore d'origine grecque à l'époque), qui émigrent dès lors
en masse, sans intervention effective des autorités. Les instances locales
turques maintiennent que les détenus étaient correctement surveillés ;
s'ils nient la réalité de tels actes durant les dernières années
d'existence de la prison, ils ne parviennent pas à exclure qu'ils
aient pu survenir durant les premières années.
16. Les autres facteurs qui encouragent l'exode des insulaires
d'origine grecque sont d'ordre économique ; les autorités turques
soulignent à juste titre que dans la même période, de nombreux habitants
des îles égéennes – qui se trouvent sous la souveraineté grecque –
partent chercher meilleure fortune à Athènes, voire dans d'autres pays
comme travailleurs étrangers, comme beaucoup de citoyens turcs du
continent.
17. Toutefois, je me refuse à croire que ce départ précipité d'une
grande partie de la population d'origine grecque soit le seul fruit
des facteurs migratoires d'« attraction » qui prévalaient à l'époque.
Les habitants de Gökçeada (Imbros) et de Bozcaada (Ténédos) d'origine
grecque sont aussi clairement poussés par des facteurs locaux d'« expulsion »,
liés aux politiques engagées depuis 1964, qui ont dû les convaincre
qu'eux-mêmes et leurs enfants n'avaient plus aucun avenir sur les
îles.
18. Le principal « facteur d'expulsion » cité par les représentants
de la communauté d'origine grecque est la fermeture des écoles hellénophones
en 1964, qui entraîne – associé aux autres facteurs décrits dans
les paragraphes 19-21 ci-dessous – le départ immédiat de la plupart
des familles ayant des enfants d'âge scolaire. Les autorités turques
remettent en cause la portée de ce facteur, arguant qu'en 1927,
une mesure similaire n'a pas provoqué cet exil en masse. Mais les
représentants de la diaspora grecque expliquent qu'entre les années
20 et les années 60, l'éducation des enfants a pris une place de plus
en plus importante pour les insulaires.
19. La plupart des insulaires vivent alors de la pêche ou de l'agriculture,
souvent associée à l'élevage. En 1964, la pêche est systématiquement
interdite autour de Gökçeada (Imbros), pour des raisons environnementales douteuses,
puisque l'activité est maintenue dans les eaux voisines, y compris
autour de Bozcaada (Ténédos), où l'interdiction toucherait également
des pêcheurs d'origine turque.
20. Presque en même temps, l'agriculture est rendue impossible
dans les faits par l'expropriation pour les motifs susmentionnés
(prison agricole, ferme d'Etat, et infrastructures aéroportuaires
et militaires) des terres cultivables les plus fertiles, notamment
des trois grandes plaines que nous avons vues à Gökçeada (Imbros),
le reste de l'île étant montagneux et rocailleux et donc peu exploitable,
quoique l'on nous ait affirmé que de nombreuses collines contenaient
des vignobles.
21. Toujours durant la même période, l'exportation de viande vers
le continent – activité fort lucrative – est interdite pour des
raisons sanitaires.
22. A mon avis, ces facteurs migratoires locaux d'expulsion, imputables
ou pas à une volonté délibérée
, ont
objectivement joué un rôle majeur – à dessein ou par inadvertance –
dans le départ de la grande majorité des premiers habitants des
îles, qui étaient d'origine grecque.
23. Par un décret du 29 juillet 1970
, Imbros (« Imroz » en turque) est rebaptisée
Gökçeada, et les toponymes grecs sont remplacés par des toponymes turcs.
Dans les années qui suivent, des villages entiers sont transplantés
du continent (l'Anatolie) vers les îles : en 1973, de la région
de la mer Noire (Trabzon) ; en 1984, d'Isparta, Burdur et Mugla ;
en 2000, de Canakkale et Biga. Ces exodes sont souvent organisés
à la suite de catastrophes naturelles ou dans le cadre de grands chantiers
hydroélectriques au cours desquels des villages sont engloutis.
24. La « prison ouverte » est fermée en décembre 1991, après le
départ de la plupart des habitants d'origine grecque. Les insulaires
d'origine grecque pensent qu'elle est fermée lorsque les personnes
nouvellement arrivées d'Anatolie sont elles aussi victimes des violences
de la part des détenus, mais les autorités turques affirment que la
fermeture, comme l'ouverture de la prison en 1965, s'inscrivait
dans le prolongement d'une politique carcérale nationale.
25. L'exode des insulaires d'origine grecque atteint son sommet
en 1974, à la suite des troubles déclenchés par la résurgence du
conflit de Chypre. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : en 1960, l'île
de Gökçeada (Imbros) compte 5 487 habitants d'origine grecque et
289 d'origine turque ; en 1970, ces chiffres sont respectivement
de 2 571 et 4 020 ; en 1985, de 472 et 7 138 ; en 1990 enfin, de
300 et 7 200 respectivement
. Aujourd'hui, selon l'estimation des
autorités et de la communauté d'origine grecque, environ 250 insulaires d'origine
grecque vivent sur l'île toute l'année (principalement des personnes
âgées), et 2000 à 4000 y séjournent occasionnellement, notamment
lors des fêtes religieuses de Noël, de Pâques, et à la mi-août pour l'Assomption
de la Vierge Marie (Panayia).
26. Vingt-cinq personnes d'origine grecque, âgées pour la plupart,
vivent encore en permanence sur Bozcaada (Ténédos), pour une population
totale de 2274 habitants. Selon les représentants de la communauté grecque,
ce nombre avoisinait 1 700 dans les années 50, et plus de 240 enfants
fréquentaient l'école grecque à l'époque de sa fermeture en 1964.
Le préfet turc n'est pas en mesure de donner des chiffres officiels,
mais après avoir discuté avec des habitants âgés, il évalue à 600 personnes
la population d'origine grecque en 1960, sur un total de 1 350 habitants.
Il indique qu'il est difficile pour les autorités d’inciter la population
actuelle à rester sur l'île. Pour l'heure, l'école primaire turque
n'accueille pas plus de trente-quatre élèves, toutes classes confondues.
27. La plupart des insulaires d'origine grecque se sont exilés
en Grèce, mais ils sont aussi nombreux à avoir émigré dans des pays
aussi éloignés que les Etats-Unis, l'Australie ou l'Afrique du Sud.
Comme j'ai pu le constater par moi-même lors de ma visite à Athènes,
où j'ai rencontré de nombreux représentants de différents groupes
de la diaspora, les exilés des deux îles sont extrêmement soucieux
de se distinguer des autres diasporas grecques et turques, et de
préserver leur identité imbriote et ténédienne unique. J'ai été impressionné
par l'attachement et l'affection qu'ils portent à leur terre d'origine,
ce qui les aide à maintenir le lien avec les îles d'une génération
à l'autre. De nombreux membres de la diaspora étaient présents sur
les îles et ont participé activement aux réunions organisées dans
le cadre de ma visite, qui a eu lieu juste après le week-end de
la Pâque orthodoxe grecque.
28. L'année 1993 a été marquée par une nouvelle orientation politique
concernant les îles. Les conditions spéciales de délivrance des
visas pour se rendre à Gökçeada (Imbros), qui interdisaient jusque-là
aux exilés de retourner visiter leur île d’origine, ont été abrogées,
et le Gouvernement a accordé un financement pour le développement
du tourisme. Depuis 1993, les exilés imbriotes, accompagnés de leurs
enfants, sont chaque année plus nombreux à revenir sur leur île
natale pendant l’été, et en particulier au moment de la Panayia
. Avec cette nouvelle politique,
les anciens habitants sont devenus des touristes, et sont accueillis
comme tels après avoir autrefois été contraints à l'exil. Une certaine catégorie
de Stambouliotes aisés et cultivés viennent aussi sur les îles pour
y trouver un lieu de vacances « à la culture authentique », et sont
souvent aussi critiques que les exilés eux-mêmes vis-à-vis des dommages
infligés à la culture originelle par les politiques appliquées par
le passé
.
3. La situation actuelle
des îles : quels sont les problèmes à résoudre aujourd'hui ?
29. La situation – telle qu'elle se présente aujourd'hui –
et l'évolution historique des deux îles diffèrent considérablement.
Sur Gökçeada (Imbros), une population quasi exclusivement d'origine
grecque a été presque entièrement remplacée par l'arrivée plutôt récente
d'habitants
d'origine turque en provenance du continent. Sur Bozcaada (Ténédos),
une population importante d'origine turque, dotée de ses propres traditions
séculaires, a toujours cohabité avec les insulaires d'origine grecque,
bien que ces derniers aient pour la plupart quitté l'île pour les
mêmes raisons que leurs cousins de Gökçeada (Imbros). Je m'efforcerai
de prendre en compte ces différences pour traiter les trois sujets
ci-après : la préservation du patrimoine culturel et naturel des
îles (i.), la protection des droits de propriété des populations
d'origine grecque et de succession pour les générations suivantes
(ii.), et les problèmes d'infrastructure des îles (iii.).
3.1. Protection du patrimoine
culturel et naturel des îles
3.1.1. Patrimoine culturel
30. Le patrimoine culturel des îles est le fruit de leur histoire.
Sur Gökçeada (Imbros), dont la population a été presque exclusivement
d'origine grecque durant des siècles, les bâtiments historiques,
les églises, etc. sont tous « grecs ». Bien qu'aujourd'hui dans
un triste état, les villages historiques abritaient visiblement
autrefois des communautés prospères. Nous avons pu visiter les anciennes
demeures de riches marchands, de docteurs, de pharmaciens, des boutiques,
et de grandes propriétés fermières ou vigneronnes. La capitale historique
de l'île, Kaleköy (Castro), abrite les vestiges d'une grande forteresse
vénéto-byzantine construite sur une ancienne acropole athénienne
(Athènes avait fondé une colonie sur l’île dès le 5ème siècle avant
J-C), un port qui date aussi de la période grecque classique, et
l'ancienne cathédrale Aghia Marina, qui a été vandalisée en 1974,
mais dont la restauration vient d'être approuvée. Les villages de Zeytinliköy
(Aghii Theodori) – lieu de naissance de l'actuel patriarche œcuménique
Bartholomée et de l’ancien patriarche des Amériques Iacovos, Eski
Bademli (Glyky), Tepeköy (Agridia), Dereköy (Schinoudi) et Yeni
Mahalle (Eulampion) ont tous des églises orthodoxes grecques magnifiquement
entretenues.
31. Bozcaada (Ténédos) ayant toujours eu une population mélangée
offre en bonne logique un « mélange » culturel gréco-turc. La forteresse
bien préservée sur le port, alliant les styles vénitien, byzantin et
ottoman, et le clocher de l'église de la communauté grecque récemment
restauré
coexistent harmonieusement
avec des propriétés fermières et vinicoles et des maisons urbaines
de style grec et turc. L'atmosphère sur l'île est généralement plaisante
– une communauté biculturelle dynamique, très peu de bâtiments désaffectés,
et une ambiance détendue et agréable entre les deux populations –
comme l'ont confirmé les quelques habitants âgés d'origine grecque
et les représentants de la diaspora présents lors de notre visite.
32. Durant ma visite sur les îles, j'ai pu observer qu'un certain
nombre de sites culturels « grecs » importants étaient en état de
délabrement ou utilisés à des fins qui vont à l'encontre de leur
vocation initiale culturelle ou religieuse.
33. La destruction du port antique de Kaleköy (Castro) sur Gökçeada
(Imbros) pour construire une marina moderne de béton constitue un
outrage que mes interlocuteurs turcs officiels (le gouverneur et
le maire) déplorent autant que les autres inconditionnels de l'île.
34. La destruction présumée de l'ancien village grec de Pyrgos
en vue de construire une station de villégiature pour le ministère
de la Justice a donné lieu à des versions contradictoires : les
représentants d'origine grecque affirment que le 5 mars 1966, les
villageois ont été sommés de céder les clés de leur maison et de
partir en prenant ce qu'ils pouvaient emporter, le reste étant jeté
à la mer. Ils ont mis à ma disposition des documents et photos qui
montrent que les trente-cinq maisons ainsi que l'église de Sainte
Anne et la douane ont été rasées au début des années 80 pour faire
place à la station. Selon les autorités turques, la station destinée
au ministère de la Justice a été construite en 1985 au-dessus de l'emplacement
d'un ancien village submergé, et certains observateurs m'ont laissé
entendre que les deux versions constituent des éléments de la vérité
pleine et entière : que la construction de la station a affecté
aussi bien un village ancien qu’un village plus récent.
35. L'ancienne école primaire de Zeytinliköy (Aghii Theodori),
dont la communauté d'origine grecque venait d'achever la construction
lorsque les écoles grecques ont été interdites sur l'île, est aujourd'hui
en ruine. L'ancienne école primaire de Dereköy (Schinoudi) aurait
été dans le même temps transformée en discothèque (lors de notre visite,
une peinture fraîche masquait son enseigne commerciale). L'ancienne
école primaire d'Eski Bademli (Glyky) a également été convertie
en hôtel-restaurant, comme l'ancienne école et la maternelle de
la communauté grecque de l'île de Bozcaada (Ténédos).
36. Les villages en ruine de Gökçeada (Imbros) que j'ai mentionnés
offrent une vision désolante. Leur état pitoyable n'est pas seulement
dû au départ massif de leurs habitants, mais aussi à la réglementation bureaucratique
et – disons-le franchement – contre-productive, qui préside à la
délivrance des permis de restauration de ces maisons en vertu du
dispositif dit SIT (protection du patrimoine naturel et culturel).
La quasi-totalité de la superficie des îles relève de ce dispositif,
qui soumet tout projet de réparation et de restauration à l'avis de
comités d'experts basés sur le continent. La procédure s'étend souvent
sur plus de deux ans, et seuls peuvent l'engager les propriétaires
détenteurs d'un titre reconnu dans le cadre du processus d'enregistrement
de la propriété foncière, qui se distingue par sa lenteur (ci-dessous
para. 55 et suivants). Conscientes du problème, les autorités ont
indiqué que les capacités du comité SIT venaient d'être renforcées,
pour que la durée des procédures se rapproche des six mois impartis
par la loi. Naturellement, les habitants s'impatientent car plus
le temps passe, plus les travaux de rénovation coûtent cher, et
ils constatent que dans bien d’autres cas, les autorités se sont
montrées beaucoup moins soucieuses de la protection du patrimoine
naturel et culturel des îles.
37. Durant ma visite, j'ai également pu admirer des monuments
culturels soigneusement préservés. Les églises de Gökçeada (Imbros)
– très bien entretenues – que j'ai mentionnées ci-dessus (à la fin
du par. 29) témoignent, avec l’actuelle cathédrale de l’île située
dans la capitale et le bâtiment voisin du siège du Métropolite, du
respect des traditions religieuses de la minorité d'origine grecque.
L'église de Saint Nicolas (Aghios Nikolaos) dans la zone portuaire
de Kaleköy (Castro) vient d'être restaurée avec des fonds publics
turcs, mais le métropolite craint qu'elle ne soit transformée en
musée – et il s'y oppose fortement. Je suis certain que la restauration
approuvée – et imminente – de l'ancienne cathédrale d'Aghia Marina
à Kaleköy (Castro), de nouveau avec de l’argent public turc, sera
un autre bel exemple de préservation des monuments culturels. Les initiatives
positives de la préservation de ces monuments devraient être associées
à la résolution du statut patrimonial et administratif de tous les
biens de la fondation religieuse grecque orthodoxe de Kaleköy (Castro).
38. Dans le même esprit, la chapelle d'Aghia Paraskevi sur Bozcaada
(Ténédos) sera bientôt rénovée. Cette chapelle tient une place particulière
dans le cœur de la petite communauté d'origine grecque encore présente, car
c'est là que se déroule sa fête d'été traditionnelle en juillet.
Elle a déposé une demande de permis pour la restaurer avec ses propres
subsides. La rénovation déjà mentionnée du clocher de l'église de
la communauté grecque de Bozcaada (Ténédos) a pour sa part été financée
par le Gouvernement turc, grâce à l'initiative personnelle du Premier
ministre.
39. Si le patrimoine culturel historique demeure viable, il doit
également être transmis à la génération suivante. L'autonomie culturelle
prévue par l’article 14 du traité de Lausanne
implique
donc la possibilité pour les habitants d'origine grecque de scolariser
leurs enfants dans leur langue maternelle. Comme nous l'avons vu,
la fermeture en 1964 par le régime militaire des écoles hellénophones qui
avaient été autorisées dans les années 50 a sûrement constitué un
facteur d'« expulsion » important pour les ménages d'origine grecque
avec des enfants d'âge scolaire. Si les autorités turques envisagent
sérieusement de s'ouvrir à un renouveau de la culture d'origine
sur les îles, elles doivent garantir l'accès effectif à une scolarisation
en langue grecque, soit en autorisant la communauté d'origine grecque
à rouvrir une école sur les deux îles, soit en intégrant un enseignement
en grec de qualité dans les écoles publiques existantes sur les
îles.
40. Les représentants de la communauté d'origine grecque m'ont
indiqué qu'ils pourraient financer ces écoles, comme cela se fait
actuellement à Istanbul, sans l'aide du Gouvernement turc.
41. Des représentants des autorités turques (les préfets locaux
et des responsables du ministère de l'Education que j'ai rencontrés
à Ankara) m'ont assuré qu'ils seraient prêts à ouvrir une école
pour les insulaires d'origine grecque dès qu'au moins dix enfants
auraient besoin d'être scolarisés sur chaque île. Le métropolite
des îles a affirmé qu'il trouverait des familles comptant le nombre
d'enfants requis et prêtes à revenir dès qu'elles seraient certaines
d'avoir une école.
42. Comme les représentants du ministère de l'Education semblaient
méconnaître la loi de 1964 abolissant les écoles des communautés
grecques sur l'île
,
je leur ai demandé si des obstacles juridiques s'opposaient à l'ouverture
immédiate de ce type d'école. Leur réponse étant négative, je ne
peux que conclure que la loi de 1964 n'est plus en application.
Une telle évolution constituerait une étape importante et très positive.
43. Avec de la bonne volonté de part et d'autre, il devrait également
être possible de résoudre les problèmes de calendrier : bien entendu,
les parents ne s'installeront sur l'île que lorsqu'ils auront la
pleine assurance de pouvoir scolariser correctement leurs enfants
dès leur arrivée. Les autorités doivent donc accepter d'anticiper
les déménagements effectifs, et s'engager fermement à ouvrir un
établissement sur la foi d'une liste fournie par le métropolite,
qui recensera les familles prêtes à s'installer dès l'ouverture
d'une école.
44. De plus, une offre de scolarisation appropriée en langue grecque
bénéficierait grandement à la communauté d'origine turque, qu'il
s'agisse des arrivants récents de Gökçeada (Imbros) ou des habitants
installés depuis longtemps sur Bozcaada (Ténédos). Cela donnerait
à leurs enfants l'occasion d'apprendre le grec et le turc aux côtés
de leurs camarades d'origine grecque, d'où l'émergence d'une population
réellement bilingue, parfaitement adaptée aux emplois générés par
les touristes, qui se pressent de plus en plus pour admirer le patrimoine
naturel et culturel des îles. Cette génération bilingue, aisée et
ouverte sur le monde, pourrait servir de passerelle entre la Turquie
et la Grèce, et l'Europe dans son ensemble.
3.1.2. Patrimoine naturel
45. Comme j'ai pu le constater durant ma visite, les deux
îles disposent d'un patrimoine naturel incomparable : un littoral
éblouissant, de magnifiques plages et des montagnes offrant des
vues imprenables. Outre le patrimoine historique et culturel des
lieux, un tel environnement devrait permettre aux insulaires de développer
un tourisme durable.
46. Malheureusement, j'ai également observé quatre « péchés de
construction » sur Gökçeada (Imbros) auxquels il faudrait remédier
au plus vite :
47. Le premier concerne le dénommé « Club de planche à voile »
au sud-est de l'île, un monstrueux bloc de béton érigé entre la
plage et un lac salé peu profond. Cette bande de terre étroite est
un remarquable sanctuaire d'oiseaux, en plein centre d'une zone
naturelle protégée. Nous avons réellement vu des gens surfer sur le
lac salé en direction de flamands roses. Le propriétaire du club,
à qui j'ai demandé comment il avait pu obtenir l'autorisation de
construire, s'est montré très agressif. Il m'a brandi une photographie
représentant une scène similaire sur une île grecque voisine et
m'a accusé de vouloir détruire les intérêts économiques de la communauté
turque de l'île. Les autorités connaissent les critiques émises
sur ce point dès 2005 par la mission de M. Mercan et Mme Papademetriou.
Elles ont admis que les « établissements touristiques » n'étaient
pas autorisés dans cette zone, mais mettant en avant la fonction éducative
et non touristique de cette école de planche à voile et de plongée,
elles ont certifié que le permis était légal. Sincèrement, je me
permets d'en douter.
48. Le second « péché de construction » est un petit baraquement
militaire en béton, entouré de barrières, perché au sommet d'une
superbe colline sur laquelle se déroulent les festivités estivales
du village de Tepeköy (Agridia) connu sous le nom de Pinarbasi (Spilia). Manifestement,
il est abandonné (depuis 2003, selon les habitants locaux), et une
partie de sa toiture est tombée. Il faudrait le raser aussi vite
que possible ou le transformer en petit café écologique ouvert à
tous, reconstruire la chapelle d’Aghia Marina ainsi que restituer
le terrain exproprié à la communauté locale et rendre à la zone
sa splendeur passée pour accueillir les fêtes traditionnelles du
mois d'août, qui rassemblent les habitants de l'île d'origine turque
et grecque, ainsi que les estivants.
49. Le troisième est la destruction de tout le village de Pyrgos
et
de l’église d’Aghia Anna ainsi que la condition déplorable de la
tour pré-classique. Les deux monuments devraient être restaurés
et au moins une partie de la zone dans laquelle se situe la station
devrait être ouverte au public.
50. Le quatrième est constitué des effets des excavations à l’arrière
des « Rochers de Kaskavalia », un monument naturel unique près du
port de Gökçeada (Imbros), qui a commencé à s’écrouler. Les travaux d’excavation
devraient être arrêtés et les mesures nécessaires devraient être
prises pour restaurer le paysage.
3.2. Questions relatives
aux propriétés
51. Il est clair qu'un développement harmonieux des îles
intégrant les deux groupes ethniques présuppose le juste règlement
des questions de propriété. Je ne formule aucune accusation à l'encontre
des autorités turques actuelles, ni n'entends spéculer sur les intentions
des pouvoirs de l'époque. Je me contenterai de décrire les effets
objectifs des politiques, de la législation et des pratiques administratives
passées et présentes, de les évaluer à la lumière des objectifs
politiques visés dans ce rapport, et d'émettre des propositions
pratiques pour les corriger si nécessaire.
52. Les facteurs historiques d'« expulsion » mentionnés ci-avant
(fermeture des écoles, confiscation des terres agricoles, interdiction
de la pêche et des exportations de viande, prison ouverte), associés
aux facteurs économiques d'« attraction » vers des régions et des
pays plus nantis, ont réduit le nombre de résidents d'origine grecque
à quelques centaines de personnes souvent âgées, tandis que des
villages entiers étaient désertés par leurs habitants. Certaines
terres agricoles confisquées pour créer le TIGEM et la prison ouverte
sont aujourd'hui cultivées par des habitants d'origine turque arrivés
plus récemment ; elles constituent une indemnisation pour les expropriations
dont ils ont eux-mêmes fait l'objet sur le continent, par exemple
en raison de la construction d'une centrale électrique. En même temps,
les grands champs d’oliviers autour du village de Zeytinliköy (Agii
Theodori) qui avaient été expropriés pour la ferme d’Etat (TIGEM)
ont récemment été loués à un homme d’affaires du continent pour
un loyer symbolique, tandis que d’autres terres expropriées sont
en instance d’être louées à long terme à des conditions semblables. Selon
les représentants de la diaspora, tous les villages destinés aux
habitants d'origine turque sur Gökçeada (Imbros) ont été construits
sur des terres expropriées : Yeni Bademli (sur le terrain de la
ferme d'Etat), Sahinkaya, Sirinköy et Ugurlu (sur celui de la prison),
et Eselek (dans la zone d'Aydincik, à Kefalos)
.
53. La plupart des terres expropriées sont restées inexploitées
pour de nombreuses années. Les images satellite que nous ont fournies
les représentants de la diaspora
montrent
avec une précision étonnante comment les trois plaines fertiles
étaient cultivées de façon intensive – jusque dans leur moindre
parcelle – en 1963, juste avant les expropriations, et comment les mêmes
plaines ont été désertées et laissées en friche dix ans plus tard,
après les expropriations. Pendant notre visite, nous avons eu l'impression
qu'aujourd'hui encore, une partie importante de ces terres fertiles
restaient inexploitées, même par les nouveaux arrivants.
54. Les habitants d'origine grecque se sont dits gravement humiliés
par l'indemnité « dérisoire » qu'ils ont reçue pour compenser les
expropriations : 0,14 livre turque par mètre carré de terre fertile
alors qu'un œuf coûtait à l'époque 0,12 livre. Les autorités turques
ont déclaré que les expropriations avaient été faites en conformité
avec la loi, et que les terrains de l'île avaient peu de valeur
en raison de leur manque d'accessibilité. Elles ont également souligné
que les fermiers expropriés pouvaient déposer un recours auprès
des tribunaux turcs s'ils souhaitaient contester les décisions administratives applicables.
55. Les propriétaires et leurs descendants risquent même de perdre
la plupart des propriétés non expropriées officiellement, de par
l'influence de trois facteurs qui seront décrits dans les paragraphes
à venir. Je répète qu'il n'est pas dans mes intentions de formuler des
accusations alléguant que les autorités ont organisé sciemment ces
pertes de propriété que je qualifierais d'expropriations de facto. Les règles en question s'appliquent
à l'ensemble de la Turquie et ne visent pas spécifiquement les îles,
mais étant donné leur situation historique particulière, elles ont
un effet disproportionné sur les insulaires.
56. Le premier de ces facteurs est axé sur le droit foncier en
Turquie, qui a des effets négatifs et probablement imprévus et non
intentionnels sur Gökçeada (Imbros) et dans une moindre mesure,
sur Bozcaada (Ténédos). Par le passé, les titres fonciers étaient
conservés par les autorités ottomanes, en caractères arabes, que
peu de fonctionnaires sont capables de lire aujourd'hui. Pour moderniser
le cadastre, la loi no 2644 de 1934 (« loi cadastrale ») exigeait
que tous les propriétaires fonciers (y compris les propriétaires occupants)
ré-établissent leurs titres en prouvant, par témoins, qu'ils avaient
la possession non équivoque d'une propriété donnée depuis plus de
vingt ans. Etrangement, cette mise à jour du cadastre n'a débuté
sur les îles qu'en 1993, soit quasiment soixante ans après l'adoption
de la loi ; à cette date, la plupart des témoins potentiels avaient quitté
l'île ou étaient décédés. Dans deux villages d'origine grecque,
la révision du cadastre n'est toujours pas achevée, mais les autorités
m'ont assuré qu'elle le serait d'ici la fin de 2008. Pour les habitants
d'origine grecque actuels et passés de Gökçeada (Imbros), il est particulièrement
difficile de prouver leur propriété en vertu de cette réglementation,
car ils ont rarement des voisins ou d'autres témoins pouvant attester
qu'ils possèdent le terrain depuis une période de temps si longue.
Ils sont néanmoins tenus de présenter des témoins capables d'identifier
leur propriété et de la délimiter, même s'ils détiennent d'anciens
titres de propriété ou s'ils peuvent prouver qu'ils acquittent des
taxes foncières pour le terrain depuis des décennies, en s'appuyant
sur une enquête fiscale réalisée sur les îles en 1936.
57. Même lorsqu'ils parviennent à démontrer leur possession constante
de la propriété sur une période de vingt ans
,
et qu'aucune autre partie n'en revendique la possession, leur demande
est rejetée par les autorités lorsque la propriété est jugée « inexploitée »
au moment du dépôt de la demande – sans tenir aucun compte des circonstances
qui ont contraint la plupart des habitants à quitter l'île, rendant
ainsi difficile pour eux l'entretien régulier ou l'exploitation
de leur propriété.
58. Dans la pratique, l'établissement du cadastre ne peut pas
s'appuyer sur les archives de l'ère ottomane pour déterminer la
propriété, car elles n'ont pas été traduites en turc moderne, et
les autorités cadastrales exigent la date d'émission du titre et
le numéro d'ordre, ainsi que la preuve écrite de la relation entre
le demandeur et le propriétaire enregistré pour autoriser l'accès
aux archives
.
La question de l’accessibilité des archives Ottomanes semble aussi
susciter des interrogations auprès de l’Union européenne.
59. Etant donné l'indisponibilité pratique des archives ottomanes,
jointe à un règlement adopté dans le cadre de la loi no 5226/2004
amendant la loi no 2863/1983 sur la « Préservation des richesses
naturelles et culturelles », qui excluait l'usucapion (mode d'acquisition
d'un titre de propriété par la preuve d'une possession non interrompue de
vingt ans) pour les terres relevant du régime de protection de la
loi de 1983 – c'est-à-dire 80 % de l'île, de nombreuses propriétés
d'habitants d'origine grecque de Gökçeada (Imbros) ont été immatriculées
au nom de l'Etat. La loi no 5663/2007 a rétabli la possibilité d'usucapion
pour certaines propriétés relevant du régime de protection, mais
il est difficile d'évaluer dans quelle mesure cela annulera les
effets de la loi de 2004 – il est donc toujours possible que des
maisons qualifiées de « monuments protégés » ne soient pas enregistrées
au nom de leur propriétaire d’origine ou de ses descendants même
si ceux-ci réussissent à prouver par témoins qu’ils les ont construites
eux-mêmes.
60. Lorsqu'un titre putatif de propriété n'est pas reconnu par
le cadastre, la terre est immatriculée au nom de l'Etat. La décision
peut faire l'objet d'un recours, mais les procédures sont souvent
lentes et d'un coût démesuré par rapport à la petite taille des
parcelles concernées. J'ai entendu parler d'une affaire qui a traîné
trente-huit ans devant la justice, et de nombreuses autres où les propriétaires
putatifs ont été contraints plusieurs fois de recommencer la procédure
du début, juste au moment où elle arrivait à terme. Mais j'ai également
eu connaissance – séparément par le préfet et par la personne concernée –
d'une affaire dans laquelle une femme d'origine grecque qui souhaitait
réintégrer sa maison de famille et l'avait découverte occupée illégalement
avait pu reprendre possession des lieux grâce à l'aide du préfet.
61. Les autorités ont publié des statistiques indiquant que la
vaste majorité des demandeurs obtenaient gain de cause auprès des
tribunaux
. Les insulaires d'origine grecque ont
répliqué que les affaires traitées devant la justice ne représentaient
que la partie émergée de l'iceberg, la plupart des propriétaires
n'ayant tout simplement pas les moyens de faire valoir leurs droits auprès
des tribunaux. Les mêmes statistiques, qui ont été démenties par
certains cas individuels
,
montraient que la plupart des décisions cadastrales étaient fausses
et préjudiciables aux propriétaires d'origine grecque. J'ai entendu
de nombreuses plaintes dénonçant des frais d'avocats exorbitants
par rapport à la valeur de la parcelle concernée – et payables d'avance,
et critiquant l'arrogance des tribunaux. Un grand nombre d'insulaires m'ont
informé que leur affaire était en suspens depuis des années, parce
que l'audition des témoins (kesif) était perpétuellement ajournée.
Une habitante du chef-lieu de Merkez (Panaghia) m'a raconté que
sa propriété ainsi que celle de tous ses voisins d'origine grecque
avaient été immatriculées au nom de l'Etat, alors que des squatteurs – en
provenance de la région de la mer Noire – qui avaient simplement
investi les maisons abandonnées d'insulaires d'origine grecque avaient
obtenu leur titre sans aucun problème. J'ai évoqué ces questions
devant le ministère de la Justice, et ses représentants m'ont affirmé
que la justice turque était indépendante et que les tribunaux appliquaient
la même loi pour tous, indépendamment des origines ethniques. Ils
ont ajouté que les juges qui émettaient des observations perçues comme
partiales seraient sanctionnés et pourraient faire l'objet d'une
plainte de la partie qui s'estimerait lésée.
62. En bref, si la procédure cadastrale n'est pas assouplie au
bénéfice des insulaires, elle causera vraisemblablement la perte
quasi générale des propriétés des habitants anciens et présents
de Gökçeada (Imbros) d'origine grecque qui n'ont pas fait l'objet
d'une expropriation.
63. Il semble que ce problème particulier se pose moins sur Bozcaada
(Ténédos) ; en effet, les habitants d'origine grecque qui ont quitté
l'île dans les années 60, au plus fort des tensions alimentées par
les autorités de l'époque, ont généralement vendu leurs propriétés
à leurs voisins (d'origine turque), bien qu'à des prix dérisoires
qui reflétaient probablement dans quelle extrémité ils se trouvaient.
En revanche, les habitants d'origine grecque qui ont quitté Gökçeada
(Imbros) ont simplement laissé tous leurs biens derrière eux parce
qu'à l'époque, il n'y avait personne à qui les vendre. Mais ceux
qui n'ont pas vendu leur terre semblent confrontés aux mêmes problèmes
que leurs cousins de Gökçeada (Imbros)
.
64. Le deuxième facteur qui menace le droit de propriété des insulaires
d'origine grecque et de leurs descendants est la loi sur la succession,
qui accorde aux seuls citoyens turcs le droit d'hériter d'un bien
en Turquie. La génération qui a succédé aux exilés a souvent perdu sa
nationalité turque, notamment parce que les jeunes hommes qui souhaitent
conserver la citoyenneté turque doivent remplir leurs obligations
militaires. Deux jugements récents de la Cour européenne des droits
de l'homme
ont clarifié la situation en stipulant
que les lois sur la succession ne devaient pas défavoriser les non-citoyens.
J'espère que les affaires encore pendantes devant la justice turque
qui concernent des insulaires exilés seront instruites à la lumière
des jugements clairement énoncés par la Cour européenne des droits
de l'homme, et que les procédures administratives s'en inspireront
également à l'avenir. Dans le cas contraire, la cession des biens
d'une génération à l'autre et partant, le maintien des liens de
la communauté d'origine grecque avec son île, seront sérieusement
compromis. Il en sera de même si les ressortissants étrangers ayant
hérité de terres sur les îles sont de nouveau contraints de les vendre,
pour cause de classement des îles en « zones de sécurité nationale ».
On peut difficilement penser qu'au vingt et unième siècle, la possession
de maisons ou de terrains agricoles sur l'une de ces îles par des
particuliers de n'importe quelle nationalité puisse menacer la sécurité du
transport maritime dans les Dardanelles ou avoir un impact stratégico-militaire
quelconque.
65. Le troisième facteur qui empiète objectivement sur le droit
de propriété des insulaires d'origine grecque est la pratique employée
par les autorités qui considèrent les fondations pieuses comme « mazbut »
et les placent sous l'administration directe de la Direction générale
des Vakifs – sur la base de différents motifs. Ceci ne s'applique
pas seulement aux lieux de culte, mais à tous les biens d'une paroisse
(y compris les églises, les bâtiments scolaires, les maisons et
les champs). Sur Gökçeada (Imbros), la fondation pieuse de Kaleköy
(Castro) a été déclarée « mazbut » après le départ forcé de tous
les habitants orthodoxes grecs en 1974. En outre, la fondation pieuse de
Yeni Mahalle (Eulampio) a également été déclarée « mazbut », alors
que ce village n'a jamais cessé d'avoir des habitants chrétiens
.
66. La conjonction des trois facteurs décrits ci-dessus entrave
de plus en plus gravement le droit de propriété des habitants d'origine
grecque de Gökçeada (Imbros) et – dans une moindre mesure – de Bozcaada
(Ténédos) ; il est urgent que les autorités compétentes prennent
les mesures qui s'imposent. Cette conclusion s'applique autant aux
résidents des îles qu'aux membres de la diaspora qui souhaitent
conserver leur propriété de famille pour y passer les vacances ou
leur retraite (future), voire se réinstaller durablement sur les
îles.
3.3. Problèmes d'infrastructure
67. Comme j'ai pu le constater moi-même, l'absence de
liaison directe entre Gökçeada (Imbros) et Bozcaada (Ténédos) freine
considérablement les relations qui pourraient se nouer et s'entretenir
entre les deux îles qui partagent un destin et une spécificité culturelle
communs. Lors de ma visite d'information, j'ai passé sept heures,
sur trois ferry-boats différents, pour faire le voyage entre les deux
îles, à peine distantes de quelques encablures. Certains propos
du préfet de Bozcaada (Ténédos) donnent à penser que la liaison
pourrait bientôt être établie, les futures horaires au fil des saisons
dépendant aussi des considérations de viabilité commerciale.
68. Aucune liaison ne relie non plus l'une des deux îles aux ports
grecs. Les pouvoirs publics turcs m'ont convaincu qu'ils n'en étaient
pas responsables. La Turquie a pratiquement achevé la construction
d'un bâtiment de douanes dans le port d'Ugurlu (Livounia) sur Gökçeada
(Imbros), qui sera indispensable pour établir une liaison internationale.
Les deux communautés d'origine grecque et turque des îles reconnaissent
la nécessité d'une liaison directe avec un port grec, mais selon
mes interlocuteurs turcs sur les îles, les autorités grecques s'y
opposeraient pour l'instant, en invoquant des problèmes liés aux
accords de Schengen. Or ces accords n'ont pas fait obstacle à la
mise en place d’autres liaisons maritimes entre la Grèce et la Turquie.
69. Les insulaires d'origine grecque de Gökçeada (Imbros) déplorent
également le manque d'infrastructures des villages où ils sont majoritaires,
notamment concernant les routes, le transport en commun, et l'enlèvement
des ordures
.
Ces conditions perturbent considérablement leur vie quotidienne,
surtout en hiver. Le préfet a souligné que ses ressources étaient
limitées et que tous les citoyens avaient le même traitement, dont une
allocation d'aide sociale versée aux citoyens démunis de plus de
65 ans (250 livres turques
par
trimestre), y compris à ceux d'origine grecque. Les deux préfets
ont exprimé leur volonté de protéger leurs citoyens d'origine grecque
contre toute menace. Les insulaires d'origine grecque et les représentants
de la diaspora m'ont confirmé qu'ils avaient constaté ces dernières
années un changement positif dans l'attitude des autorités locales,
et que les relations entre les deux communautés étaient au beau
fixe.
4. Conclusions
70. Si l'on veut sauver in
extremis le caractère biculturel de Gökçeada (Imbros)
et de Bozcaada (Ténédos), des mesures d'urgence s'imposent. Les autorités
turques sont maîtresses du jeu : si elles souhaitent que ces deux
îles turques deviennent la vitrine d'une coopération ouverte et
honnête, telle que des partenaires européens peuvent la construire,
elles ont encore la possibilité de créer une situation avantageuse pour
tous les habitants des deux îles, quelle que soit leur origine ethnique.
71. Si les mesures nécessaires sont prises, les insulaires (anciens
et présents) d'origine grecque pourront conserver leur patrimoine
culturel collectif et leurs propriétés familiales personnelles.
Cela favoriserait le retour des émigrés, qu'ils soient touristes,
retraités ou chefs d'entreprise, notamment de la plus jeune génération.
Les dépenses et les investissements qu'ils injecteraient dans l'économie
locale contribueraient à la relancer et généreraient des sources
d'emplois et de revenus, stimuleraient la vie culturelle – y compris
au bénéfice des habitants d'origine turque – et, dernier point mais
non le moindre, augmenteraient les recettes fiscales de l'Etat turc.
72. Pour qu'un tel scénario gagnant-gagnant se réalise, il faudrait
d'abord que le pouvoir turc au plan national adresse un message
politique clair dans ce sens aux insulaires et aux communautés de
la diaspora. Un tel engagement de la part des plus hautes autorités
de l'Etat encouragerait les collectivités locales et régionales
à user de leur pouvoir discrétionnaire pour faciliter la vie de
tous les habitants des îles, y compris les insulaires restants d'origine
grecque et la diaspora.
73. Ce message politique pourrait se fonder sur un train de mesures
concrètes visant à réaliser ce projet commun.
74. Notamment, une éducation valable en grec devrait être proposée
sur les îles ; le mieux serait d'autoriser la communauté d'origine
grecque à rouvrir une école adaptée, comme celles qui existaient
sur les îles avant 1964 et qui existent encore à Istanbul. En attendant
qu'un nombre suffisant de familles avec des enfants d'âge scolaire
décident de déménager sur les îles, des enseignants de langue maternelle
grecque devraient donner des cours de qualité en grec sur la langue
et la culture grecques dans les écoles publiques turques des îles.
Quoi qu'il en soit, tous les enfants turcs des îles devraient pouvoir
bénéficier de cours de grec de haut niveau.
75. Certains bâtiments publics qui appartenaient auparavant à
la communauté d'origine grecque (fondations pieuses et municipalités)
doivent être restitués à leurs anciens propriétaires pour leur servir
de centres culturels et de salles de réunion.
76. Des mesures spéciales doivent être prises d'urgence pour combler
les difficultés auxquelles de nombreux insulaires d'origine grecque
sont confrontés lorsqu'ils tentent de prouver à nouveau leur titre
légal de propriété sur leurs biens familiaux dans le cadre du renouvellement
du cadastre
. Ces difficultés sont dues
à l'exode massif qui a eu lieu dans les années 60 et 90, en raison
des politiques mises en œuvre par les autorités de l'époque
.
Pour prouver de manière convaincante qu'elles n'ont aucune intention
de déposséder les insulaires d'origine grecque de leurs maisons
et de leurs terres, les autorités actuelles devraient leur ouvrir
l'accès aux archives cadastrales de l'ère ottomane et à l'enquête fiscale
de 1936 sur les propriétés pour faciliter la preuve de la propriété,
faciliter la preuve de possession, revoir des cas d’injustices évidentes
et minimiser la nécessité d’entamer des procédures judiciaires..
77. Dans le même esprit, les terres confisquées dans les années
60 – pour construire la ferme d'Etat modèle (TIGEM), la prison agricole,
l'aéroport ou certaines installations militaires – devraient être
restituées à leurs anciens propriétaires, dans la mesure où elles
ne sont pas ou plus utilisées aux fins publiques qui ont motivé
leur expropriation. En cas d'impossibilité, parce que dans l'intervalle,
elles ont été cédées par l'Etat à de nouveaux habitants, l'Etat
doit indemniser correctement les propriétaires d'origine, de préférence
sous forme de l’attribution d’autres terres détenues par l’Etat
sur la même île
.
78. La cession intergénérationnelle des biens familiaux doit être
facilitée d'urgence, en levant les restrictions de nationalité applicables
aux successions, conformément aux récents jugements de la Cour européenne
des droits de l'homme
, sans obliger les héritiers
étrangers à vendre leurs biens insulaires pour des motifs de « sécurité
nationale ».
79. Une autre mesure positive et un message politique clair en
faveur de la réintégration des insulaires exilés – notamment de
la jeune génération – serait la restitution de la citoyenneté turque
à ceux des insulaires qui l’ont perdue par le passé et à leurs descendants.
80. Le patrimoine naturel de l'île doit être protégé pour rendre
possible le développement durable du tourisme, de l'agriculture
et de la pêche, au profit de tous les habitants et de leurs hôtes.
Cela impose la démolition du « Club de planche à voile » situé dans
une zone d'habitat naturel très sensible sur la côte sud-orientale
de Gökçeada (Imbros) et l’interdiction des travaux d’excavation
près des « Rochers de Kaskavalia » près du port de l’île.
81. Des liaisons maritimes doivent être ouvertes aussi rapidement
que possible entre les deux îles, et avec des ports grecs.
82. Le suivi de ces mesures et la résolution des problèmes locaux
seraient grandement facilités par la mise en place d'un dialogue
informel régulier entre les représentants des autorités turques,
et des communautés d'origine turque et grecque des îles.
83. L'Assemblée parlementaire pourra suivre la mise en œuvre de
ses propositions dans le cadre du dialogue post-suivi en cours avec
la Turquie.