1. Introduction
1. Je tiens à féliciter les rapporteurs
de la commission de suivi pour leur travail. Je partage leurs points
de vue et leurs inquiétudes en ce qui concerne la mise en œuvre
de la
Résolution 1633
(2008) et souscris à leur analyse de la situation actuelle.
2. Lorsque des conflits dégénèrent en vraie guerre entre deux
Etats membres du Conseil de l’Europe, un certain nombre de questions
se posent au Conseil de l’Europe et à l’Assemblée parlementaire:
pourquoi n’avons-nous pas réussi à empêcher cette guerre? Avons-nous
prêté suffisamment attention aux conflits entre les deux pays concernés?
Avons-nous négligé des développements importants? Sommes-nous incapables d’influencer
nos propres membres pour qu’ils ne cherchent pas à résoudre leurs
conflits par la violence? Existe-t-il d’autres situations en Europe
qui risquent de tourner à l’affrontement violent entre Etats dans l’avenir?
Comment l’éviter?
3. Je traiterai essentiellement, dans cet avis, des moyens d’établir
la paix dans la région et de ce que nous devrions faire aujourd’hui
pour éviter une guerre en Europe demain, et après-demain, en tirant
les enseignements de la guerre entre la Géorgie et la Russie. Pour
ce faire, je m’appuierai sur les discussions intéressantes et de
grande ampleur que le Comité des présidents a eues aussi bien à
Tbilissi qu’à Moscou, qui ont largement dépassé l’analyse de la
situation d’après-guerre pour aborder les chances de parvenir à garantir
la stabilité de la région à l’avenir.
2. La guerre est
terminée, les conflits ne le sont pas
4. Même si les opérations militaires
sont terminées, les conflits entre la Géorgie et la Russie, à l’origine
de l’escalade de la violence en août, sont loin d’être résolus.
Au contraire, comme le montre en détail le rapport de la commission
de suivi, un certain nombre d’incidents impliquant toutes les parties
en présence se sont produits depuis la fin des hostilités. En fait,
ces incidents semblent se multiplier, faisant craindre une escalade qui
pourrait aboutir à un nouveau conflit militaire.
5. Des informations particulièrement inquiétantes ont été rapportées
de Moscou où certaines sources affirment que des éléments portent
à croire que l’armée géorgienne serait en train de se réarmer, ce
qui indiquerait que la Géorgie se prépare à rouvrir la guerre. Nous
devons tout faire pour l’éviter.
6. Bien que les deuxième et troisième cycles de négociations
conduits à Genève sous l’égide de l’Union européenne aient été constructifs
à certains égards, la Russie n’est pas revenue sur sa reconnaissance
de l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, comme le
demandait l’Assemblée dans sa
Résolution 1633
(2008). De plus, des troupes russes restent stationnées à Akhalgori
et dans les zones à peuplement géorgien de Haute Abkhazie, deux
régions qui n’ont pas été touchées directement par les opérations
militaires pendant la guerre. Il va sans dire que la Géorgie refuse
d’accepter une limitation de son intégrité territoriale.
7. L’animosité continue de régner entre les parties. A ce jour,
la Géorgie n’a pas rétabli l’accès aux sites web russes depuis son
territoire. On peut en revanche se féliciter qu’elle ait repris,
le 25 janvier 2009, l’approvisionnement en gaz de la région séparatiste
d’Ossétie du Sud, coupé depuis le début de la guerre. Je crois qu’il
convient de faire remarquer que la Russie n’a jamais cessé ses livraisons
de gaz à la Géorgie depuis le début de la guerre.
8. De son côté, la Russie a voté contre le renouvellement du
mandat de l’OSCE en Géorgie, qui courait depuis 1992. L’OSCE va
donc devoir mettre fin à ses nombreuses activités dans le pays pour
cette année. La Russie a justifié son refus par l’impossibilité
d’accepter que les activités de l’OSCE en Ossétie du Sud soient associées,
d’une manière ou d’une autre, à celles menées dans le reste de la
Géorgie, Moscou ayant reconnu l’indépendance de l’Abkhazie et de
l’Ossétie du Sud.
9. Ces signes inquiétants donnent à penser que les tensions sont
fortes et que la situation est explosive. L’Europe ne peut pas se
permettre une nouvelle guerre dans une région globalement instable
où un certain nombre de conflits ne sont pas résolus.
10. Il faudra aussi éviter que le statut des deux régions séparatistes
puisse conduire à une escalade de la violence ou même à une guerre.
Leur avenir et leurs relations avec leurs voisins doivent faire
l’objet de négociations diplomatiques.
11. Pour reprendre une idée de mon collègue David Wilshire, je
tiens à dire que pour prévenir de nouvelles violences, il faudra
de la flexibilité sur la question du statut des deux régions. Il
faudra aussi de la flexibilité en ce qui concerne l’accès à ces
deux régions pour pouvoir apporter une réponse humanitaire adaptée
et de l’aide à ceux qui souffrent.
12. L’expression «conflits gelés» est trompeuse: il n’est pas
possible de garantir qu’un conflit «gelé» n’aura pas d’effets. Le
Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a raison de vouloir remplacer
l’expression «conflits gelés» par «volcans en sommeil». C’est ce
à quoi nous sommes confrontés aujourd’hui: les conséquences de l’explosion
d’un volcan en sommeil en Abkhazie et en Ossétie du Sud. Dans le
Haut-Karabakh, l’explosion serait encore plus destructrice et entraînerait
bien plus de souffrances humaines.
3. Progression vers
un règlement du conflit du Haut-Karabakh: une retombée positive
de la guerre entre la Géorgie et la Russie?
13. Loin de s’être propagée dans
le Sud-Caucase, la guerre entre la Géorgie et la Russie semble avoir
eu pour conséquence, entre autres, l’apparition de certains signes
positifs permettant d’espérer que le règlement du conflit du Haut-Karabakh
est à portée de main. Au moins certains des pays concernés semblent-ils comprendre
que le moment est venu pour eux d’être plus proactifs.
14. Au cours de la guerre, l’Azerbaïdjan et l’Arménie ont montré
qu’ils avaient le sens des responsabilités. L’Azerbaïdjan a adopté
une attitude neutre et s’est abstenu de critiquer ouvertement l’intervention
russe. Cette attitude s’explique peut-être par la crainte que la
Russie ne pousse ses reconnaissances à d’autres régions séparatistes,
dont le Haut-Karabakh.
15. L’Arménie de son côté ne s’est pas servie de la reconnaissance
de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud par la Russie pour reconnaître
l’indépendance du Haut-Karabakh.
16. Cette modération s’explique notamment par la vulnérabilité
stratégique et économique de l’Azerbaïdjan et de l’Arménie, mise
en évidence par la guerre entre la Géorgie et la Russie. En effet,
en coupant momentanément toutes les voies d’acheminement du gaz
et du pétrole sur le territoire géorgien, la guerre a nui aux exportations
énergétiques de l’Azerbaïdjan. L’économie arménienne a été encore
plus touchée étant donné que, du fait du blocus que lui imposent
la Turquie et l’Azerbaïdjan, 70 % de ses exportations transitent habituellement
par la Géorgie. Enclavée, l’Arménie s’est retrouvée coupée de la
Russie, son principal allié militaire, avec lequel elle entretient
des liens économiques étroits. La seule voie de communication terrestre entre
l’Arménie et la Russie passe aujourd’hui par l’Azerbaïdjan.
17. Au lendemain de cette guerre, l’Azerbaïdjan et l’Arménie pourraient
donc avoir un intérêt renouvelé pour améliorer leurs relations,
ce qui passe par la résolution du conflit du Haut-Karabakh. En outre,
l’Arménie pourrait avoir de bonnes raisons de normaliser ses relations
avec la Turquie afin de briser son isolement économique. Ce n’est
pas par hasard que, juste après la guerre entre la Géorgie et la
Russie, le Président turc, Abdullah Gül, a lancé une nouvelle initiative
de sécurité régionale, baptisée «Plate-forme de coopération et de stabilité
du Caucase». Auparavant, il s’était rendu en Arménie pour ce qui
a été la première visite présidentielle turque en Arménie. Cette
visite a été suivie de réunions des ministres des affaires étrangères.
18. Parallèlement, la Russie ressent plus impérieusement la nécessité
de parvenir à un règlement rapide du conflit pour tenter d’améliorer
ses relations avec l’Azerbaïdjan, mettre fin à l’isolement de son
principal allié dans la région, l’Arménie, et renforcer son rôle
de bâtisseur de paix dans le Sud-Caucase.
19. C’est dans ce contexte que les Présidents russes, azerbaïdjanais
et arménien ont signé la «Déclaration de Moscou» sous les auspices
de la Russie, le 2 novembre 2008. Le texte réaffirme leur volonté
de résoudre politiquement le différend sur le Haut-Karabakh.
20. Il importe maintenant au plus haut point que les parties au
conflit et le Groupe de Minsk de l’OSCE restent sur leur lancée
et fassent tout leur possible pour garantir un règlement durable
du conflit. L’Assemblée, pour sa part, devrait également reprendre
ses activités sur la question dans le cadre de la commission ad
hoc sur la mise en œuvre de la
Résolution 1416 (2005) sur le conflit du Haut-Karabakh traité par la Conférence
de Minsk de l’OSCE.
4. Caucase du Nord
21. La situation tendue et instable
du Caucase du Nord, en particulier en Tchétchénie, au Daghestan
et en Ingouchie, inquiète la Russie mais aussi le Conseil de l’Europe.
22. En Ingouchie notamment, la sécurité s’est dégradée ces derniers
mois malgré le changement de dirigeant (meurtres, enlèvements, attentats
à l’explosif).
23. L’avenir du Caucase du Nord dépend dans une large mesure du
règlement ou de l’aggravation des problèmes et conflits à l’échelle
régionale. S’ils s’aggravent, on assistera inévitablement à une
escalade de la violence, à la multiplication des attentats terroristes
et à une fracture de plus en plus nette avec le reste de la Fédération
de Russie aux plans politique, culturel, religieux et économique.
24. Il se peut que de nombreux observateurs occidentaux aient
sous-estimé les liens de loyauté culturelle et sociale qui unissent
les peuples du Caucase du Nord et du Sud. Ces loyautés expliquent
peut-être en grande partie pourquoi la Fédération de Russie a riposté
aussi rapidement et avec autant de détermination à l’attaque contre
les troupes russes de maintien de la paix à Tskhinvali.
5. Transnistrie
et Ukraine
25. Contrairement à ce que craignaient
dans un premier temps certains experts et médias, Moscou s’est bornée
à reconnaître l’indépendance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud,
en laissant de côté d’autres régions à velléités séparatistes comme
la Transnistrie.
26. Paradoxalement, au lendemain de la guerre entre la Géorgie
et la Russie, les perspectives de solution négociée en Transnistrie
se sont améliorées, le Gouvernement moldove ayant réaffirmé qu’il
était pleinement favorable à une solution négociée non violente
offrant la plus large autonomie possible à la Transnistrie.
27. La Russie devrait être motivée pour faire pression sur les
dirigeants de Transnistrie pour qu’ils acceptent le compromis, ce
qui confirmerait le caractère exceptionnel de son attitude à l’égard
des déclarations d’indépendance unilatérales de l’Abkhazie et de
l’Ossétie du Sud, attitude qui ne marque en aucune manière un nouveau
tournant, plus agressif, de sa politique étrangère vis-à-vis de
ses voisins occidentaux. A cette fin, l’ouverture d’un nouveau processus
de négociation a été planifiée lors de réunions du Président russe Medvedev
avec le Président moldove Voronine à Sotchi (25 août 2008) et avec
le dirigeant transnistrien Smirnov à Moscou (3 septembre 2008).
28. De la même manière, la Russie a donné des arguments très convaincants
montrant qu’il n’était pas dans son intérêt de soutenir la sécession
d’une partie du territoire ukrainien. Cependant, la préservation
de l’unité d’un pays aussi divisé du point de vue social et culturel
est un défi de taille pour ses dirigeants qui sont eux-mêmes très
partagés politiquement.
29. Dans les mois à venir, l’Assemblée devrait suivre avec une
attention particulière l’évolution de la situation politique en
Moldova et en Ukraine. Les rapporteurs de la commission de suivi
concernés se devront d’être proactifs et formuler des recommandations
constructives. L’Ukraine a aussi besoin d’assistance au niveau conceptuel
sur la façon d’intégrer les différents groupes présents dans sa
société et sur le moyen de renforcer l’unité de l’Etat sans mettre
en question les différentes identités de sa population. Les enseignements tirés
de l’expérience d’autres Etats multiethnique seraient utiles.
6. Un avenir commun
en partenariat avec la Russie
30. Contrairement à ce que prétendent
certains politiques et universitaires, je ne crois pas que la politique étrangère
de la Russie ait changé, qu’elle soit devenue une politique d’affrontement.
Je suis convaincu que ces dernières années, l’«Occident» – c’est-à-dire
les Etats-Unis et les pays européens – a fait plusieurs erreurs,
la première ayant été de sous-estimer l’importance d’agir en réel
partenariat avec la Russie. Pourtant, aucun des grands problèmes
de l’Europe ou du monde ne peut être résolu sans la Russie ou contre
elle.
31. Comme le déclarait récemment Sir Roderic Lyne, ex-ambassadeur
du Royaume-Uni en Russie: «L’affrontement ne répond à aucun besoin
objectif. Le Président Medvedev a déclaré à Evian que "l’affrontement
ne nous intéresse pas du tout". En venir à cette extrémité serait
coûteux et dommageable pour l’ensemble de nos intérêts. La gestion
des problèmes mondiaux est pour nous d’un intérêt vital. La crise
dans le Caucase et celle des marchés financiers ont eu l’effet salutaire
de nous rappeler notre interdépendance et notre aptitude à coopérer
lorsque nous y sommes obligés.»
32. Pour créer les meilleures conditions en vue d’établir un partenariat,
nous devons apprendre à nous mettre les uns à la place des autres.
Un vrai partenariat n’interdit à aucun des partenaires de poser
les questions qui fâchent et de faire des remarques critiques si
nécessaire.
33. En ce sens, je souhaiterais citer l’analyse que fait un expert
russe des événements qui ont conduit à la guerre entre la Géorgie
et la Russie:
«Au tournant du
XXIe siècle, en deux décennies – un grain
de sable au regard de l’Histoire – le monde a connu des bouleversements
dans tous les domaines: l’économie, la politique, le droit, les
technologies de l’information et les échanges culturels et humanitaires.
Les pays sont devenus de plus en plus interdépendants à mesure que
le processus de mondialisation s’intensifiait, ce qui a eu deux conséquences:
de nouvelles perspectives pour une diplomatie multilatérale et la
multiplication des mouvements transfrontières de personnes et de
capitaux.
Au début des années 1990, la nouvelle Russie indépendante
s’est engagée avec empressement sur la voie des réformes internes
et de l’intégration dans l’économie mondiale. Elle a établi des
relations de partenariat avec l’OTAN et l’Union européenne, en s’imposant
à elle-même des restrictions considérables en matière d’armement
conventionnel et de puissance militaire. Il y a encore peu de temps,
la Russie coopérait avec l’OTAN dans le cadre de forces multinationales
de rétablissement de la paix dans les Balkans. L’élargissement de
l’OTAN aux pays d’Europe centrale et orientale et aux pays Baltes
a été relativement pacifique, bien que Moscou ait exprimé clairement
son objection de principe à cette politique occidentale en l’absence
de toute menace militaire à l’Est. Parallèlement, la Russie et l’OTAN
ont mis en place des dispositifs concrets d’action conjointe dans
la perspective d’un partenariat stratégique.
Dès les premières années de la présidence de Vladimir
Poutine, Moscou n’a pas hésité à prêter son concours aux Etats-Unis
après les attentats terroristes de dimension internationale commis
sur leur territoire. La Russie a alors offert une aide qui, loin
de se limiter à de vaines paroles, s’est traduite par des actes,
notamment le sacrifice de certains intérêts touchant à sa sécurité
nationale en Asie centrale.
A cette époque, la Russie et l’Occident entretenaient
encore l’espoir illusoire d’un règlement non conflictuel de leurs
différends, basé sur leurs intérêts communs face aux nouveaux problèmes surgissant
sur la scène mondiale.
Les dirigeants russes se sont montrés disposés à faire
des compromis de taille, étant donné que les pays occidentaux leur
rendaient la pareille et faisaient preuve de discernement dans l’évaluation
des difficultés de la transition démocratique en Russie.
Hélas, à l’Ouest, des représentants conservateurs de l’OTAN
ont vu dans cette attitude le consentement d’une Russie affaiblie
à jouer le rôle d’un partenaire de second rang et une chance inespérée d’occidentaliser
le monde sous l’égide de structures internationales de coopération
et de sécurité fortement influencées par les Etats-Unis. (…) Les
relations entre la Russie et l’Occident ne sont pas passées en une
nuit de la période postconflit idyllique à l’épreuve de force politiquement
correcte. Les deux parties ont maintenu une coopération commerciale
de façade pendant un certain temps tandis que les divergences sur
les solutions à apporter aux grands problèmes du monde s’accumulaient.
George W. Bush a affirmé à de multiples reprises que les Etats-Unis
ne considéraient pas la Russie comme un ennemi alors que Moscou
affirmait avec conviction que le temps du conflit était révolu et
que l’histoire ne se répéterait pas.»
34. Et voilà une autre citation d’un expert russe à propos de
la politique étrangère de la Russie, que nous devrions prendre en
compte si nous voulons parvenir à développer de nouvelles politiques
communes en partenariat:
«A part
ses ressources naturelles, la Russie d’aujourd’hui n’a rien à offrir
qui mérite le moindre intérêt et encore moins le sacrifice de vies
humaines. Sa diplomatie d’influence (soft
power), sa capacité d’attraction par la persuasion et
son influence morale et idéologique ne représentent plus rien. Elle
n’est animée ni par un idéal démocratique (comparable à celui des
Etats-Unis), ni par un idéal fondamentaliste (comparable à celui
de certains pays et mouvements islamiques). Elle n’est ni un modèle
d’intégration réussie fondée sur la démocratie (comme les Etats-Unis),
ni un modèle de développement rapide (comme la Chine (…)). La Russie
n’est pour aucun pays un allié indispensable (comme le Japon pour
les Etats-Unis), ou un ennemi irréductible (comme l’Iran pour les
mêmes Etats-Unis).
Par ailleurs, la tentative d’intégration de la Russie
à l’Europe a échoué. La Russie doit donc chercher des moyens de
renforcer sa puissance de persuasion et s’interroger sur ce qu’elle
a à offrir au reste du monde, même si cela n’est pas à la même échelle
qu’à la période soviétique.
L’adoption par la Russie d’une nouvelle politique étrangère
passe par un certain nombre de mesures: cerner les intérêts fondamentaux
du pays, comprendre lesquels correspondent aux intérêts d’autres acteurs
internationaux majeurs sur l’échiquier politique mondial, transformer
les centres d’intérêts convergents en lignes de force de la politique
étrangère et, grâce à la coopération dans ces domaines d’intérêt
commun, amener les partenaires à faire des concessions sur les points
où leurs intérêts ne vont pas dans le même sens que ceux la Russie.
Vu la situation actuelle de la Russie, ses intérêts nationaux
fondamentaux ne doivent pas être définis de manière trop large mais
se limiter aux seuls intérêts qui comptent directement pour l’avenir
de la nation, ceux qu’elle doit défendre de toutes ses forces. La
Russie actuelle ne cherche pas à conquérir le monde et à lui imposer
son idéologie à l’instar de l’Union soviétique, c’est pourquoi ses
intérêts sont, aujourd’hui bien davantage qu’hier, nationaux. A
présent, son principal objectif est de s’assurer un développement économique
et social rapide, d’élever la qualité de vie au niveau des pays
les plus avancés et de garantir la stabilité politique et sociale.»
35. Le Conseil de l’Europe a un rôle important à jouer pour reconstruire
un dialogue réel et significatif et la compréhension mutuelle entre
ses Etats membres.
36. Le monde a besoin de mettre au point une nouvelle architecture
internationale pour la sécurité et la coopération afin d’apporter
des réponses aux nouvelles réalités politiques. A cet égard, la
proposition du Président Medvedev relative à un nouveau pacte de
sécurité européen mérite d’être prise en considération attentivement
et appelle une vraie réponse.
37. Mon espoir est que la nouvelle administration américaine fera
preuve de plus d’empathie et de clairvoyance que la précédente.
Dans son discours d’investiture, le Président Obama a fait part
de son intention de recourir au dialogue à la négociation plutôt
que d’imposer les décisions des Etats-Unis.
7. Scénarios pour
le long terme
38. «Il faut penser à après-demain
pour préparer demain», écrivait il y a peu le professeur Egberg
Jahn, de l’université de Mannheim
.Autrement
dit, nous devons nous pencher avec audace, imagination et clairvoyance
sur tous les scénarios possibles pour le long terme, même s’ils
semblent aujourd’hui provocateurs et irréalistes:
- un premier scénario pourrait
être que la reconnaissance du Kosovo et de l’Abkhazie remodèlera
le droit international et que l’indépendance de ces entités sera
aussi acceptée politiquement par la Serbie et la Géorgie, dans le
cadre d’un règlement global qui permette à certains de ces pays
d’atteindre leurs principaux objectifs de politique étrangère, comme
l’intégration à l’Union européenne ou à une structure de sécurité
commune;
- un deuxième scénario pourrait être l’élaboration d’un
nouveau pacte régional pour la paix et la sécurité dans le sud du
Caucase, négocié par l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Géorgie, l’Union
européenne, la Russie, les Etats-Unis et la Turquie, pacte qui pourrait
prévoir la démilitarisation de certaines zones de la région;
- un troisième scénario pourrait être que l’Arménie, l’Azerbaïdjan
et la Géorgie, ainsi que l’Abkhazie et l’Ossétie du Sud, deviennent
des entités et des Etats neutres dont la sécurité commune serait
garantie par l’Union européenne, la Russie et les Etats-Unis, que
cela passe ou non par la création de nouvelles formes de fédération
d’Etats;
- un quatrième scénario pourrait être que l’Ossétie du Sud
et le Haut-Karabakh deviennent des régions administrées conjointement
par la Géorgie et la Russie pour la première, par l’Arménie et l’Azerbaïdjan pour
la seconde, avec des garanties de sécurité de la part des principaux
acteurs de la communauté internationale.
39. Pour que des scénarios qui semblent actuellement aussi irréalistes
deviennent de l’ordre du possible, nous devons nous ouvrir au dialogue
et à la discussion avec tous les groupes, toutes les parties, tous
les pays et toutes les régions.
8. Développer le
rôle du Conseil de l’Europe dans le domaine de la prévention des
conflits
40. Le Conseil de l’Europe a été
créé pour veiller à prévenir et à combattre la violence entre les
pays d’Europe. En août 2008, pour la première fois dans l’histoire
de l’Organisation, deux de ses Etats membres sont entrés en guerre
l’un contre l’autre. L’Assemblée – qui n’a pas été capable de prévenir
cette guerre – a été profondément choquée.
41. L’un des enseignements à tirer de la guerre entre la Géorgie
et la Russie est, me semble-t-il, que le Conseil de l’Europe doit
renforcer son rôle dans le domaine de la prévention des conflits
pour éviter qu’ailleurs les tensions ne dégénèrent en violences
généralisées. Tel que stipulé dans la
Résolution 1633 (2008) sur les conséquences de la guerre entre la Géorgie et
la Russie, «la démocratie, les droits de l’homme et la primauté du
droit ne peuvent être vraiment respectés sans paix».
42. L’Assemblée peut très largement contribuer à ce travail de
prévention en promouvant le dialogue interparlementaire et en pratiquant
une diplomatie parlementaire. En fait, il faudrait qu’une structure permanente
soit chargée, au sein de l’Assemblée, de suivre les situations politiques
sensibles et de tirer le signal d’alarme avant que les violences
n’éclatent. Dans cette optique, la nouvelle sous-commission ad hoc sur
les systèmes d’alerte précoce et la prévention des conflits en Europe
ne devrait pas cesser ses activités après la conférence sur les
systèmes d’alerte précoce.
43. Dans ce contexte, le Conseil de l’Europe devrait envisager
d’être présent sur le terrain, dans ces deux régions, en la personne
d’un médiateur qui serait chargé de traiter les réclamations concernant
les questions relatives aux droits de l’homme et de rendre compte
au Conseil de l’Europe, à Strasbourg, sur ces questions.
___________
Commission chargée du rapport: commission pour le respect
des obligations et engagements des Etats membres (commission de
suivi).
Commission saisie pour avis: commission des questions politiques.
Renvoi en commission: Renvoi no 3496
du 28 novembre 2008.
Avis approuvé par la commission le 27 janvier 2009.
Secrétariat de la commission:
M. Perin, Mme Nachilo, M. Chevtchenko, Mme Sirtori-Milner, Mme Alleon