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Rapport | Doc. 12264 | 25 mai 2010

Le développement du potentiel socio-économique de la région de la mer Baltique

(Ancienne) Commission des questions économiques et du développement

Rapporteur : M. Antti KAIKKONEN, Finlande, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11678, Renvoi 3483 du 29 septembre 2008. 2010 - Quatrième partie de session

Résumé

Le rapport dresse un état des lieux des tendances en matière de développement socio-économique et de coopération dans la région de la mer Baltique. En capitalisant sur des échanges régionaux fructueux visant à résoudre des problèmes écologiques, des questions liées à l’éducation et des défis économiques, les pays de la région doivent maintenant repenser leurs orientations en termes de développement stratégique à la lumière du contexte mondial évolutif et de la crise économique actuelle, qui a révélé de multiples vulnérabilités nationales.

Le lancement de la Stratégie de l’Union européenne pour la mer Baltique, en 2009, impartit une dynamique forte en faveur de projets au service de la durabilité écologique, d’une compétitivité accrue grâce aux petites et moyennes entreprises et à l’innovation, à de meilleures interconnexions au niveau régional et à de meilleures stratégies de prévention des risques. Il est important que les parlements nationaux et les assemblées parlementaires régionales dans le secteur jouent un rôle majeur pour préparer des projets dans ce sens et en superviser la réalisation.

Le rapport insiste également sur l’importance d’un dialogue rapproché et constructif avec la Fédération de Russie, en particulier concernant la région de Kaliningrad, et avec le Bélarus voisin en vue de soutenir l’esprit d’entreprise sur le terrain et la construction de la démocratie. Le rapport invite instamment les pays de la région à faire preuve de plus de solidarité pour élaborer des mécanismes de participation conjointe en vue de la conception et de la réalisation de projets mus par leurs intérêts communs, notamment pour ce qui est de l’approvisionnement énergétique, de la mobilité de la main-d’œuvre, des partenariats transfrontaliers et de la mise en commun de savoir-faire.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 27 avril
2010.

(open)
1. La région de la mer Baltique, qui regroupe huit Etats membres de l’Union européenne (Danemark, Suède, Finlande, Estonie, Lettonie, Lituanie, Pologne et Allemagne), la Fédération de Russie et quelques-uns de leurs proches partenaires, s’est imposée comme une région européenne spécifique et extrêmement dynamique. Conscients de leur proximité culturelle, de leurs ressources partagées, de leurs préoccupations politiques communes et de leur interdépendance économique, les Etats de la région de la mer Baltique se sont attachés à développer des structures de coopération depuis la création du Conseil nordique dans les années 1950. Toutefois, sur le plan opérationnel, leur coopération s’est heurtée pendant des décennies à la division Est-Ouest, qui a exacerbé les disparités socio-économiques dans la région.
2. Les années 1990 ont vu s’ouvrir une nouvelle ère de coopération lorsque l’économie de marché et la démocratie se sont répandues dans le sud-est de la région. Diverses structures régionales sont apparues, posant des bases solides, propices au développement socio-économique et à la stabilité de la région. Citons notamment la Conférence parlementaire de la mer Baltique (instaurée en 1991), le Conseil des Etats de la mer Baltique (1992), l’Association des chambres de commerce de la mer Baltique (1992), la Coopération subrégionale des Etats de la mer Baltique (1993), l’Union des villes de la Baltique (1991), la Commission de la mer Baltique de la Conférence des régions périphériques maritimes d’Europe (1996) et le Réseau de coopération des sept îles de la mer Baltique (B7, créé en 1989).
3. Ces dispositifs de coopération complémentaires ont stimulé des échanges régionaux particulièrement fructueux concernant les problèmes environnementaux, les questions d’éducation et les enjeux économiques. Il est indispensable que ces réseaux subrégionaux continuent à œuvrer de concert à un développement durable de la région, compte tenu notamment de la crise économique et financière qui a fortement mis à mal les finances publiques et les perspectives de développement dans toute la région. La montée du chômage, la chute spectaculaire des investissements et les carences de la régulation financière révèlent les vulnérabilités nationales dans un contexte mondial en pleine évolution, mais offrent aussi une nouvelle occasion de repenser les orientations stratégiques en matière de développement.
4. L’Assemblée parlementaire accueille favorablement le lancement, en 2009, de la Stratégie de l’Union européenne pour la mer Baltique et reconnaît l’importance de faire bon usage des fonds de l’Union européenne alloués aux projets en faveur d’un environnement durable, d’un renforcement de la compétitivité s’appuyant sur les PME et l’innovation, de l’amélioration des interconnexions dans les secteurs des communications, des transports et de l’énergie et du développement des stratégies de prévention des risques pour la période 2007-2013. L’Assemblée considère que les parlements nationaux et les assemblées parlementaires régionales de la région de la mer Baltique devraient jouer un rôle central dans l’élaboration de projets pertinents et le suivi de leur mise en œuvre.
5. L’Assemblée estime qu’un dialogue suivi et constructif avec la Fédération de Russie est essentiel pour la coopération dans la région de la mer Baltique et contribue, plus largement, à faire progresser la coopération entre l’Union européenne et la Fédération de Russie. Elle rappelle la situation particulière de l’enclave de Kaliningrad et offre de nouveau son aide pour faciliter l’intégration régionale par un soutien à la libre circulation des personnes et des biens. De plus, les pays de la région de la mer Baltique devraient envisager de soutenir plus activement l’entreprenariat local et les projets en faveur de la démocratie dans le Bélarus voisin.
6. L’Assemblée est convaincue que les actions dans le sens d’une plus grande sécurité énergétique et d’un développement «plus vert» se prêtent particulièrement bien à une collaboration pragmatique dans la région de la mer Baltique et offrent d’importantes perspectives en termes de compétitivité. Certes, le rapport coûts-avantages du projet russo-allemand Nord Stream portant sur la construction d’un gazoduc sur les fonds de la mer Baltique est discutable et les consultations qui ont abouti à cet ambitieux projet se sont avérées insuffisantes. Cependant, les pays de la région de la mer Baltique devraient maintenant se montrer plus solidaires en mettant au point des mécanismes de participation conjointe pour réaliser des projets dans le secteur de l’énergie mais aussi dans ceux des transports et de l’innovation. La coopération dans ces domaines devrait dépasser le cadre des accords bilatéraux et être guidée par les intérêts partagés de tous les pays de la région de la mer Baltique.
7. L’Allemagne, placée au cœur de l’Union monétaire européenne, et le Danemark, la Finlande et la Suède qui, dans l’Union européenne, montrent la voie d’une compétitivité mondiale tirée par l’innovation et des institutions publiques de grande qualité, possèdent une vaste expérience qu’il faudrait plus largement diffuser dans la région de la mer Baltique et au-delà. L’Assemblée estime qu’elle pourrait relayer au profit d’autres pays et régions de la Grande Europe les enseignements susceptibles d’être tirés à cet égard.
8. L’Assemblée est convaincue que la région de la mer Baltique, dotée d’un très grand potentiel économique, social et politique, bâtit sa prospérité sur un modèle de coopération ouvert qui pourrait faciliter l’interaction avec d’autres mécanismes de coopération subrégionaux comme l’Organisation de la coopération économique de la mer Noire, l’Union pour la Méditerranée et la Politique de la dimension septentrionale, deux initiatives de l’Union européenne. A cette fin, on pourrait envisager, dans un premier temps, d’augmenter le nombre d’activités conjointes en vue de mettre en place à moyen terme des projets conjoints, concernant notamment l’approvisionnement en énergie et la mobilité de la main-d’œuvre.
9. L’Assemblée souligne l’importance d’une gestion intégrée de la région de la mer Baltique. Un développement axé sur une coopération transfrontalière renforcée, une coordination politique, des moyens financiers suffisants et des partenariats intersectoriels entre les gouvernements, les parlements, les collectivités territoriales, le secteur privé et la société civile sera le gage d’un avenir plus prospère pour toutes les parties prenantes dans la région de la mer Baltique.
10. L’Assemblée invite par conséquent les gouvernements membres de la région de la mer Baltique:
10.1. à œuvrer activement à un partenariat politique et économique plus étroit à tous les niveaux de gouvernance dans la région de la mer Baltique et à promouvoir un renforcement permanent de la confiance et une véritable démocratie participative dans la région et les pays voisins;
10.2. à privilégier les accords multilatéraux pour aborder les enjeux de développement complexes qui se posent à tous les pays de la région dans un esprit de solidarité et de compréhension mutuelle;
10.3. à envisager de jeter les fondements d’une structure régionale unique qui permettrait une coordination plus harmonieuse et plus efficace des initiatives de coopération multilatérale, contribuerait à un sentiment d’unité et pourvoirait à une représentation à haut niveau par un «M./Mme Baltique»;
10.4. à veiller à ce que les fonds européens alloués à des projets prioritaires dans la région de la mer Baltique soient dûment complétés au niveau national;
10.5. à faciliter la coopération économique et le commerce entre les pays de la région par une réduction des barrières commerciales et par une amélioration de la mobilité de la main-d’œuvre et des marchandises;
10.6. à soutenir des projets novateurs de coopération tels que le Baltic Sea Action Group, une structure au sein de laquelle des organisations publiques, privées et de la société civile mettent en commun leurs moyens et leurs contributions pour sauver la mer Baltique.
11. L’Assemblée exprime son soutien à la Stratégie de l’Union européenne pour la mer Baltique et invite instamment l’Union européenne:
11.1. à associer la Fédération de Russie non seulement aux projets relatifs à l’environnement et aux questions maritimes mais aussi à la plupart des programmes et projets qui seront conduits dans le cadre de la Stratégie pour la mer Baltique;
11.2. à envisager d’allouer des fonds supplémentaires aux programmes sociaux qui seront mis en œuvre dans le cadre de la Stratégie pour la mer Baltique, compte tenu notamment de l’érosion des finances publiques due à la récession économique qui touche en particulier la partie orientale de la région;
11.3. à encourager la mise en œuvre de projets de recherche-développement associant des pays de la région de la mer Baltique dans le cadre des programmes de recherche européens;
11.4. à faire en sorte que les projets de centrale nucléaire dans la région de Kaliningrad et au Bélarus près de la frontière de l’Union européenne soient mis en œuvre conformément aux normes et conventions internationales sur la sûreté nucléaire et la protection de l’environnement. Il faudrait prendre les décisions finales concernant les projets nucléaires au terme d’un processus international d’évaluation de l’impact sur l’environnement et tenir compte des craintes que peuvent raisonnablement concevoir les pays voisins.

B. Exposé des motifs, par M. Kaikkonen, rapporteur 
			(2) 
			Le
rapporteur souhaite remercier le professeur Urpo Kivikari et le
chargé de recherches Stefan Ehrstedt, du Pan-European Institute
of the Turku School of Economics, pour leur aide dans l’élaboration
de ce rapport.

(open)

1. Introduction

1. De tout temps, les peuples ont utilisé la mer Baltique comme ouverture pour explorer d’autres régions, exportant par là même leur culture. La mer a servi de lien entre tous les pays riverains, qu’elle a unis en une région distincte. Ultérieurement, le développement régional de la Baltique a subi un coup d’arrêt pendant des décennies du fait du clivage Est-Ouest qui a fait suite à la seconde guerre mondiale. L’antagonisme politique et la différence de systèmes sociaux ont entravé les échanges et autres contacts entre l’Est et l’Ouest, et entraîné d’autres problèmes dans la relation entre ces deux parties du continent. Or, les échanges sont toujours avantageux pour les deux parties et créent une interdépendance. C’était précisément là le nœud du problème dans les échanges Est-Ouest, où l’enjeu était souvent de limiter l’avantage gagné par l’autre partie tout en réduisant sa propre dépendance à l’égard du commerce.
2. Au début des années 1990, lorsque tous les pays riverains de la Baltique ont pris fait et cause pour l’économie de marché et la démocratie, ou du moins ont déclaré aspirer à y parvenir, la région a tourné une nouvelle page de son histoire. Autre fait majeur: l’adhésion de tous les Etats riverains de la Baltique à l’Union européenne – à la seule exception de la Russie.
3. Même si elle a d’autres caractéristiques qui lui sont propres, l’élément central autant qu’unificateur de la région de la Baltique est précisément cette mer intérieure; mais c’est peut-être ce fait de géographie naturelle qui explique pourquoi cette région, malgré des frontières fluctuantes, s’est imposée comme une entité établie sur la carte de l’Europe. La région de la Baltique n’a pas été définie officiellement, sans ambiguïté, ni par des frontières précises. Il en existe plusieurs définitions valables, dont aucune n’est totalement satisfaisante. On peut considérer comme justifiée celle selon laquelle la région comprend les six Etats riverains dans leur entièreté mais englobe les seules zones côtières de la Russie, de l’Allemagne et de la Pologne. En effet, ces trois pays sont souvent inclus dans la région, car ils partagent des caractéristiques «baltiques» avec tous les pays riverains. Dans certains cas, la Norvège et le Bélarus, et parfois même l’Ukraine, voire l’Islande, peuvent être considérés comme appartenant à la région.
4. La région de la Baltique (voir l’annexe), étant l’une des sous-régions de l’Europe, représente une expression nécessaire et bénéfique de l’internationalisme et un pôle de coopération. Tous les problèmes ou phénomènes ne sauraient en aucun cas être confinés à l’intérieur des frontières nationales. Ainsi, l’environnement est une préoccupation d’actualité, aux niveaux tant national qu’international. Il est donc logique de développer des liaisons de transports et une gestion énergétique par le biais de la coopération internationale. Par ailleurs, les échanges peuvent être plus dynamiques avec les voisins transfrontaliers qu’avec ses propres compatriotes. Le fait que tous les Etats riverains de la Baltique, à l’exception de l’Allemagne, ont pour principal partenaire commercial un autre Etat riverain est la preuve de l’existence réelle et des avantages que présente cette région.
5. A mesure qu’augmentait le besoin de coopération transfrontalière dans divers secteurs, les évolutions intervenues dans les domaines de la technologie, des télécommunications et de la production ainsi que l’avancement de l’intégration européenne ont créé de meilleures conditions pour l’instauration d’une sous-région fonctionnelle. La préservation et l’amélioration de la compétitivité des pays, des économies, des secteurs et des entreprises de la région requièrent un fonctionnement en réseau protéiforme. L’intégration régionale peut être incitative pour des entreprises extérieures, mais, avant toute chose, les différents territoires et entreprises de la région ont besoin d’intégration pour être en mesure d’exploiter de nouvelles opportunités et de résoudre les problèmes communs.
6. Dans la région de la Baltique, on l’a vu, il y a une conscience aiguë d’interdépendance. Il reste cependant des possibilités d’articulations insuffisamment exploitées, par exemple entre l’écologie et l’économie, qui sont les deux faces d’une même médaille: toute activité économique pollue l’environnement, et c’est pourquoi pour améliorer la situation, il conviendra de modifier les comportements économiques des individus, des entreprises et des communautés. Or, pour l’instant, il n’est pas courant d’aborder les problèmes environnementaux sous l’angle économique, alors même que l’objectif de développement durable appelle ce type d’approche. Les objectifs recherchés en conjuguant écologie et économie sont une plus grande efficience dans l’utilisation de l’énergie, le plus bas niveau possible de pollution due aux diverses activités économiques, ainsi que la prévention du gaspillage et le recyclage dans l’utilisation des ressources.

2. La diversité de la région de la Baltique: un défi et une ressource

7. Une particularité de la région de la Baltique est sa diversité unique parmi les sous-régions européennes. Bien qu’elle ne soit pas particulièrement étendue, on y trouve des exemples de désagrégation étatique après l’effondrement du socialisme (Union soviétique), d’unification (Allemagne) et de continuité territoriale (Pologne). A cela s’ajoute le fait que les neuf Etats riverains ont construit leurs relations avec les organisations internationales de manière différente.
8. Huit des pays qui bordent la Baltique sont membres de l’Union européenne. Au début des années 1990, seuls deux d’entre eux appartenaient à la Communauté européenne, à savoir l’Allemagne réunifiée et le Danemark. La Suède et la Finlande ont adhéré à l’Union en 1995, suivies par la Lettonie, la Lituanie, la Pologne et l’Estonie en 2004. De tous les Etats riverains, seule la Russie demeure en dehors de l’Union européenne. L’ensemble des pays de l’Union européenne, hormis la Finlande et la Suède, sont membres de l’OTAN.
9. Tous les voisins de la Russie qui sont membres de l’Union européenne appartiennent à la région de la Baltique. Ce contact physique offre des opportunités à la région mais lui confère aussi des responsabilités particulières à l’égard de ces deux grands acteurs européens, la Russie et l’Union européenne. Ce défi est rendu plus délicat encore par le fait que les relations entre la Russie et les huit Etats riverains membres de l’Union européenne sont extrêmement contrastées. Les relations qu’entretient la Russie avec les Etats baltes et avec la Pologne sont marquées par le douloureux héritage de l’ère socialiste, que les développements survenus ultérieurement n’ont pas apaisé. L’Allemagne n’est pas voisine de la Russie, mais – étant son principal partenaire commercial – elle a voulu tirer un trait sur les jours les plus sombres de l’histoire. On peut dire que les relations de voisinage entre la Finlande et la Russie sont normales, voire bonnes. L’histoire récente de la Suède et du Danemark ne pèse pas autant sur leurs relations avec la Russie que dans le cas d’autres Etats de la région et la Russie ne revêt pas, pour ces deux pays, la même importance sur le plan commercial que pour d’autres.
10. Le débat suscité par le gazoduc Nord Stream est un excellent exemple des divergences de point de vue et d’objectifs des Etats de la région à l’égard de la Russie. Le projet a pour but d’acheminer du gaz de Vyborg en Russie à Greifswald en Allemagne, grâce à un gazoduc sous-marin. Le gaz ainsi acheminé répondra pour l’essentiel aux besoins de l’Allemagne. A l’évidence, l’évaluation du projet devait avant tout s’appuyer sur des calculs relatifs à la politique énergétique, aux données économiques et aux caractéristiques techniques. Toutefois, les problèmes connexes touchant l’environnement, les considérations politiques et la sécurité, qui intéressent à des degrés divers les Etats riverains de la Baltique, ont également revêtu une grande importance. Le point positif est que les deux poids lourds de la région – la Russie et l’Allemagne – sont capables d’engager une coopération à long terme car, sans les bonnes relations que ces deux pays entretiennent, la région de la Baltique, en tant qu’entité fonctionnelle, n’existerait pas du tout. Bien entendu, un partenariat entre eux ne doit pas laisser à l’écart les autres pays de la région ni léser leurs intérêts, ce que certains semblent craindre.
11. Les relations entre l’Union européenne et la Russie sont régies de façon très détaillée par l’accord de partenariat et de coopération conclu en 1994. Son remplacement par un partenariat stratégique plus étroit ne s’est pas concrétisé à ce jour (pas plus que l’adhésion, envisagée de longue date, de la Russie à l’OMC), malgré les progrès réalisés lors du dernier Sommet Union européenne-Russie à Stockholm. Lorsqu’on veut évaluer les conditions préalables à un partenariat stratégique entre l’Union européenne et la Russie, une question fondamentale se pose: dans quelle mesure l’Union européenne et la Russie présentent-elles des points communs et en quoi sont-elles différentes? Le point essentiel est de savoir si les systèmes socio-économiques des partenaires peuvent être considérés comme suffisamment semblables pour qu’une coopération puisse prendre une dimension stratégique. Est-ce que l’Union européenne et la Russie se voient comme représentant les mêmes valeurs? Même lorsque les socles de valeurs des partenaires ne se recoupent pas suffisamment, la coopération peut malgré tout bien fonctionner sans partenariat stratégique, pour autant que les parties reconnaissent leurs différences. Le retard pris à monter un partenariat stratégique révèle peut-être que les conditions requises pour une relation de cette nature entre l’Union européenne et la Russie ne sont pas encore réunies.
12. Un accord prévoyant un partenariat stratégique, voire une relation plus modeste, entre l’Union européenne et la Russie revêtirait une importance particulière pour la région de la Baltique, dont le rôle dans la promotion de la coopération serait alors comparable à celui que joue l’approfondissement constant de l’intégration de l’Union européenne.
13. La région de Kaliningrad, physiquement séparée du reste de la Russie, est un lien potentiel intéressant entre cette dernière et l’Union européenne, même si le rôle qu’elle pourrait jouer à ce titre n’est toujours pas défini. Moscou évalue depuis longtemps les chances et les problèmes associés au statut spécial de la région de Kaliningrad. On ne sait toujours pas très bien, cependant, si la Russie veut avant tout que cette région accueille des centres commerciaux ou des garnisons. Si la région de Kaliningrad est appelée à jouer un rôle militaire important pour la Russie, il sera difficile de mettre en place un grand corridor de contact entre cette dernière et l’Union européenne, prévu sur le même site qu’une base militaire. Du point de vue des relations économiques, bien entendu, il serait préférable que la région de Kaliningrad soit un canal de communication entre la Russie et l’Union européenne plutôt qu’une épine dans le flanc des pays voisins, membres de l’OTAN.
14. Le clivage hérité de la guerre froide qui perdure dans la région de la Baltique est particulièrement visible dans les revenus par habitant des différents pays mais aussi, par exemple, dans les comparaisons internationales de leur compétitivité. En moyenne, les Etats de la mer Baltique sont très compétitifs: quatre des anciennes économies de marché de la région (Suède, Danemark, Finlande et Allemagne) se classent en général parmi les 10 meilleurs sur une échelle mondiale. C’est là un succès régional remarquable, si l’on considère que les autres pays les plus compétitifs se situent dans d’autres régions du monde. Le relatif affaiblissement de la compétitivité de la Russie et de la Pologne au cours des années 2000 est toutefois une évolution préoccupante.
15. Le même clivage en deux groupes se retrouve dans les comparaisons concernant les niveaux de corruption. Il en va de même pour ce qui est de la recherche-développement. Dans ce secteur, la région de la Baltique, prise dans son ensemble, se situe au-dessus de la moyenne de l’Union européenne.

3. Conditions préalables à une intégration régionale

16. La compétitivité de la région, des pays qui la composent et de leurs entreprises bénéficie grandement du fait que les marchés de la région économique de la mer Baltique sont encore en phase d’intégration. En effet, au moins jusqu’à l’actuelle récession, il était possible d’opérer dans la région dans un contexte marqué par une disparition des obstacles au commerce, une intégration croissante et une mondialisation en marche. Les marchés intérieurs nationaux ont laissé la place à de nouveaux marchés s’étendant à la région tout entière, qui ont été soumis à des pressions concurrentielles croissantes de l’extérieur.
17. En définitive, ce sont les entreprises et les individus – entrepreneurs, employés, touristes, étudiants, etc. – qui réalisent ou non l’intégration. Dans l’optique des échanges, l’élément essentiel est que les Etats ont éliminé les obstacles et les frais inutiles grevant les opérations commerciales internationales. Une étude menée en Suède en 2007 a révélé que, si les obstacles qui subsistent et les autres facteurs empêchant l’établissement de liens économiques internationaux étaient totalement éliminés, le PIB de la région pourrait augmenter de 1 %. Cette estimation indique que, par rapport à la plupart des autres régions, la région de la Baltique est déjà très proche de l’idéal du libre-échange.
18. Ainsi, les frontières nationales n’empêchent plus l’internationalisation des activités dans la région de la Baltique et, de manière générale, n’entraînent pas de frais excessifs. En conséquence, l’offre et la demande dans ces économies de marché proches les unes des autres se combinent, alors que les entreprises recherchent des produits qui sont chers à la vente, peu chers à l’achat ou avantageux du fait de l’emplacement des opérations. De plus en plus d’entreprises ont annoncé des stratégies dans lesquelles la région de la Baltique constitue leur marché intérieur. A l’heure actuelle, seuls deux pays de la région, l’Allemagne et la Finlande, sont membres de l’Union économique et monétaire (UEM) de l’Union européenne. Le caractère de la région en tant que marché intérieur pour les entreprises locales va se renforcer considérablement dès lors que d’autres membres locaux de l’Union européenne adhéreront à l’UEM.
19. Les entreprises ont dû rechercher de nouveaux concepts opérationnels sur des marchés intérieurs étendus à la région de la Baltique, ce qui veut dire qu’elles affrontent déjà la mondialisation. La région est devenue, dans sa quasi-totalité, un marché ouvert et unique pour les concurrents et partenaires de l’extérieur. Dans la nouvelle géographie économique, cette situation et les possibilités qu’elle offre aux entreprises sont le point de départ pour examiner le «potentiel de marché» de la région, qui est déterminé par le nombre et la proximité des clients, partenaires commerciaux et concurrents. En effet, la présence de clients et de partenaires rend attrayante l’éventualité de se positionner dans la région. En revanche, si les concurrents sont nombreux, ils laminent les marges, ce qui provoque l’effet inverse.
20. La conjonction d’un grand nombre de clients et de partenaires commerciaux attire davantage d’entreprises, de même que les effets externes positifs d’une masse importante de clients et d’entreprises. En revanche, les prix et les coûts élevés dus à la concentration des clients et de la production, la forte concurrence ainsi que les problèmes liés aux transports, à l’environnement et à la criminalité produisent l’effet inverse. Les avantages et les inconvénients de la concentration semblent différents selon les secteurs de production. Ordinairement, les facteurs qui favorisent la concentration sont les suivants: exploitation des économies d’échelle, de manière générale position forte sur le marché, liens solides entre les moyens de production et les biens produits, rôle essentiel des facteurs mobiles de production (y compris des ressources humaines qualifiées), introduction à un rythme rapide de nouveaux produits.
21. Dans l’ensemble, les appréciations faites jusqu’ici des perspectives d’intégration de la région de la Baltique sont contradictoires. Le potentiel d’intégration régionale est considéré comme étant à son maximum lorsque les pays ont des niveaux de développement, des contextes politiques et des cultures similaires. Il s’ensuit donc que l’hétérogénéité de la région de la Baltique pourrait être pénalisante pour le commerce. Le fait que les économies des plus grands pays de la région, à savoir la Russie, l’Allemagne et la Pologne, ont leur centre de gravité à l’extérieur de celle-ci n’est pas un élément constructif du point de vue de l’intégration. En revanche, les nombreuses initiatives visant au bien commun de la région et les organisations créées à cette fin, ainsi que les statistiques relatives au commerce et à l’investissement, laissent apparaître une intégration qui s’approfondit et qui a apporté la preuve qu’il est possible de transformer la diversité en un catalyseur des possibilités de la région. Ce constat est une des conclusions auxquelles est parvenu le Séminaire de haut niveau «Contribution à une stratégie économique paneuropéenne pour la région de la mer Baltique», organisé par le Parlement finlandais à Helsinki, en mai 2009, à l’occasion de la réunion de la commission des questions économiques et du développement de l’Assemblée parlementaire.

4. Commerce et circulation des facteurs de production

22. L’élargissement du marché intérieur à l’ensemble des pays de la Baltique revêt plus ou moins d’importance en fonction, principalement, de la taille du pays considéré. Dans le cas de l’Allemagne, l’un des premiers pays pour ce qui est du commerce mondial, les autres pays de la Baltique représentent environ un dixième de ses échanges, alors que, pour la Russie, cette part est d’un cinquième. Pour la Pologne, la Suède, la Finlande et le Danemark, elle est d’environ 40 %, alors que, pour les trois Etats baltes, elle représente environ les deux tiers de l’ensemble de leur commerce extérieur. Même si les échanges avec les autres Etats riverains de la Baltique ne sont pas particulièrement importants pour l’Allemagne, ce pays reste sans conteste le numéro un en ce qui concerne le commerce entre les pays de la région.
23. Les échanges entre les Etats de la région de la Baltique correspondent-ils au niveau que l’on pourrait en attendre au vu de leur PIB, de leur population et de leur proximité? Cette question est souvent examinée à l’aide du modèle «gravitaire», qui s’appuie sur les trois facteurs mentionnés pour prévoir les flux commerciaux. Un résultat étonnant est que le total des exportations de tous les pays en direction de la Russie et de la Pologne est demeuré nettement en dessous du «niveau normal» indiqué par le modèle. Il apparaît donc que ces deux pays offrent aux autres pays de la région des possibilités d’exportation pour l’instant inexploitées. Bien entendu, la réalité est plus complexe que les hypothèses utilisées dans un modèle simplificateur, mais il semble néanmoins probable que le centre de gravité des échanges dans la région va se déplacer vers l’est de l’axe traditionnel Stockholm-Hambourg.
24. Lorsqu’on analyse le commerce extérieur, on fait souvent la distinction entre le commerce intrasectoriel (les exportations et les importations se composent de produits appartenant à une même catégorie) et le commerce intersectoriel (les importations et les exportations entre les partenaires ont des structures différentes en termes de produits). On a constaté que le fait que les pays soient très proches et qu’ils aient un niveau de revenu similaire (élevé) augmente la part du commerce intrasectoriel, ce dernier étant également dû à la division internationale du travail, dont l’incidence sur les processus de production est aujourd’hui très importante.
25. Ces constats s’appliquent également à la région de la Baltique. Le commerce intrasectoriel est particulièrement actif entre les pays qui ont un niveau de revenu élevé. Le pays qui pratique le moins ce type de commerce est la Russie, dont les exportations se composent pour l’essentiel d’énergie et de matières premières, et les importations, de biens manufacturés. Dans le pays ayant la plus petite économie de la région, à savoir l’Estonie, les usines ne produisent généralement pas de produits finis estoniens; leurs activités sont plutôt de l’ordre du commerce intrasectoriel, puisqu’elles contribuent à la fabrication des produits de Nokia, Siemens ou d’autres groupes internationaux. Les normes que la production en Estonie doit respecter sur les plans environnemental, logistique, qualitatif et autres sont alors les mêmes et tout aussi rigoureuses que pour les marques internationales. C’est là une exigence difficile à respecter pour les nouvelles économies de marché, même si, bien entendu, cela permet de développer l’ensemble de leurs économies et de leurs sociétés.
26. Le commerce de l’énergie est important pour les pays de la région; il s’agit d’exportations pour la Russie et principalement d’importations pour les autres. La part totale des importations énergétiques en provenance de la Russie va d’à peine plus de 10 % pour le Danemark à plus de 90 % pour la Lituanie. Pour ce qui est des importations de gaz naturel en provenance de la Russie, ces pourcentages sont encore plus élevés, puisqu’ils sont compris, selon les pays, entre près de 50 % et 100 %.
27. L’investissement direct étranger a considérablement aidé à adapter la production dans les anciens pays socialistes aux conditions actuelles de la division internationale du travail et du commerce. Il a apporté non seulement des capitaux, mais aussi des nouvelles technologies, des compétences managériales, un savoir-faire en matière de gestion des risques et de marketing, tout en ouvrant des voies d’accès vers d’autres marchés. Même du point de vue de l’approfondissement de l’intégration, l’investissement est un moyen beaucoup plus efficace que le commerce de produits. Dans l’ensemble, l’investissement direct étranger dans les pays riverains de la Baltique s’est élevé à plus de 1 000 milliards d’euros. Selon les statistiques, la Suède a été le plus gros investisseur étranger dans la région, avant l’Allemagne.
28. Outre les capitaux, la main-d’œuvre circule également beaucoup plus librement et en plus grand nombre qu’auparavant dans la région de la Baltique. Les investissements étrangers réalisés par des entreprises entraînent déjà une mobilité de la main-d’œuvre, les travailleurs changeant de pays sans changer d’employeur. Toutefois, cela ne représente qu’une toute petite partie de la circulation des travailleurs, certains étant incités à améliorer leur sort ailleurs que dans leur pays d’origine, où leur revenu est bas et où ils risquent le chômage.
29. La mobilité de la main-d’œuvre et l’immigration, sous tous leurs aspects, concernent tous les pays de la région de la Baltique. Si l’on en croit les statistiques de la démographie et de la natalité, ceux-ci vont devoir faire face dans les années qui viennent à un déclin de leur main-d’œuvre, que les migrations ne contribueront qu’en partie à pallier. La région est dotée d’une population bien formée et compétente. La demande en matière de main-d’œuvre étrangère est de nature diverse. Plus le pays d’origine des nouveaux arrivants est proche et plus les cultures du pays d’origine et du pays de destination sont semblables, mieux la main-d’œuvre étrangère et les immigrants en général sont accueillis. C’est pourquoi il serait souhaitable que les pays de la région de la Baltique reçoivent des migrants d’autres pays de la région. Cependant, cela risque d’entraîner, ce qui serait regrettable, une politique du chacun pour soi qu’il serait difficile de poursuivre longtemps à grande échelle. Il est probable qu’à l’avenir la région accueillera davantage de main-d’œuvre venue de bien plus loin, en particulier d’Asie.
30. Il convient de garder à l’esprit, notamment lorsque les migrants viennent de très loin, que l’on a affaire non pas à de simples travailleurs, mais à des personnes qui vivent vingt-quatre heures sur vingt-quatre dans un nouveau pays et qui sont peut-être venues avec leur famille et d’autres proches. C’est pourquoi, lorsqu’on analyse la question, il convient d’étudier d’autres aspects que la mobilité internationale de la main-d’œuvre, en prenant en compte un ensemble bien plus large de facteurs socio-économiques. A moins d’être prêt à traiter la question comme il convient et à veiller à l’intégration des nouveaux arrivants, l’immigration de travailleurs que l’on souhaitait va devenir, plutôt qu’une solution, une source de problèmes pour le pays de destination et les immigrés eux-mêmes.
31. L’immigration depuis des pays extérieurs à la région peut pallier la pénurie de main-d’œuvre, mais elle s’accompagne des problèmes de politique démographique que nous venons d’évoquer. En outre, le vieillissement de la population locale est un défi auquel il faut trouver d’autres solutions que l’immigration. Dans tous les pays concernés, la croissance de la part relative du segment de personnes âgées dans la population nécessitera des mesures permettant d’augmenter la productivité et la participation des personnes âgées à la vie professionnelle. Nous devons également être à même d’améliorer les services publics et privés aux personnes âgées.
32. A bien des égards, la région de la Baltique représente, avant même l’afflux attendu de main-d’œuvre immigrée, un microcosme hétérogène où l’histoire récente, la vision de l’intégration européenne et la vitalité de l’économie varient considérablement d’un pays à l’autre. Cette situation a offert de bonnes possibilités de mettre en œuvre une division internationale du travail dans le cadre de processus de production modernes et de développer le commerce intrasectoriel. La grande diversité des caractéristiques offertes par la région est propice à la circulation des capitaux et de la main-d’œuvre, à la fois dans la région et au-delà. Il n’est pas toujours nécessaire d’aller à l’autre bout de la planète pour trouver des conditions de production mieux adaptées à telle ou telle partie d’un processus. Dans l’ensemble, la nouvelle géographie économique est favorable à la région de la Baltique.

5. Conclusions et recommandations

33. La notion de région de la Baltique est établie, tant dans la région elle-même qu’au-delà. De nombreuses organisations réunissent des acteurs appartenant à divers secteurs de la région. Celle-ci est bien placée dans les comparaisons internationales portant sur la compétitivité et la croissance économique, ce qui a attiré les investissements et les migrants. Sur le long terme, la région devrait être confrontée à une pénurie de main-d’œuvre, avec les énormes difficultés que cela pose pour l’intégration de migrants arrivant d’autres régions du monde. Les entreprises doivent saisir les nouvelles opportunités qui s’offrent dans la région. Celles qui n’en tiendraient pas compte dans leurs opérations prendraient du retard par rapport à leurs concurrents plus réactifs à leur environnement. Dans un marché ouvert, la stratégie de l’autruche n’est pas très porteuse.
34. Les pays de la région de la Baltique ont leur identité propre, dont le caractère baltique n’est qu’un élément, et ils ont également des intérêts dans d’autres sous-régions. De fait, du point de vue de l’identité, il est quelque peu problématique que les plus grands Etats riverains, à savoir la Russie, l’Allemagne et la Pologne, ne se ressentent pas avant tout comme des pays de la Baltique. La Russie est aujourd’hui dotée de zones côtières qui, au fil de l’histoire, se sont réduites comme peau de chagrin, mais qui n’en représentent pas moins beaucoup plus pour le pays que ne le laisseraient supposer leur population ou leur superficie. Les centres de gravité des économies polonaise et allemande ne se situent pas non plus dans les zones côtières, ce qui contribue également à marginaliser ces régions sous l’angle de la géographie économique.
35. Comme nous l’indiquions au début de ce rapport, la région de la Baltique ne peut pas être définie de manière univoque, et cela entraîne bien entendu des difficultés à la fois pour faire émerger une identité et pour consolider son image. Mais il est un élément encore plus important que le fait de donner une définition régionale univoque, qui ne fonctionnerait pas dans tous les contextes: c’est de mettre l’accent sur la fonctionnalité en tant qu’élément central de l’identité régionale. Les intérêts associés aux relations économiques, aux transports, à la protection de l’environnement, aux questions sociales, etc. sont à prendre en compte dans une définition de la région de la Baltique. Celle-ci est une entité fonctionnelle, non une entité administrative. Elle n’aura jamais de roi, de président, de parlement ou de frontières «sacrées» pour consolider son identité ou imprimer son image.
36. L’Union européenne n’a plus ni la nécessité ni la perspective de s’étendre sur les côtes de la Baltique. En revanche, tout progrès dans les relations de voisinage et autres entre l’Union européenne et la Russie fait avancer la coopération dans la région et contribue à son unité. Pour compléter la politique russe commune de l’Union européenne, chaque pays de la région a le droit, mais aussi le devoir, de soigner ses relations bilatérales avec la Russie. L’Union européenne et ses Etats membres peuvent, par leurs propres politiques, influer sur la volonté de la Russie de prendre part à l’intégration de la région de la Baltique et aux autres formes de coopération qui s’y déroulent. Pour sa part, la Russie a une responsabilité particulière en tant que principal producteur et fournisseur d’énergie dans la région: faire en sorte que soient assurés la lumière, la chaleur et les transports.
37. L’Union européenne et la Russie ont besoin d’un partenariat sur les côtes d’une autre mer, fermée elle aussi. En effet, avec l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie en 2007, l’Union européenne s’étend désormais jusqu’aux côtes de la mer Noire. L’importance de cette mer pour l’Union européenne pourrait croître encore à l’avenir, car l’Ukraine et la Géorgie au moins, outre la Turquie, ont fait part de leur souhait de se rapprocher de l’Union. Il ne restera dès lors plus à l’Union européenne et aux autres parties prenantes qu’à développer cette sous-région. L’expérience acquise dans la région de la Baltique pourrait être très précieuse dans ce projet, car cette région a été pionnière dans le développement coopératif de sous-régions européennes dans la période de l’après-guerre froide. Elle englobe des pays qui sont devenus membres de l’Union européenne à différents stades, mais aussi la Russie, Etat riverain de la Baltique, ainsi que la Norvège et le Bélarus, qui partagent une frontière avec des Etats riverains. L’expérience acquise lors du développement de la région de la Baltique devrait être mise à profit ailleurs en Europe, en particulier dans la région de la mer Noire et dans d’autres sous-régions qui comptent des pays membres et des pays non membres de l’Union européenne. Le bassin du Danube et les Balkans occidentaux, notamment, sont aussi des sous-régions qui tireraient avantage d’une coopération plus étroite.
38. Pour ce qui est de l’importance de la région de la Baltique et de sa réputation, il est primordial que les parties concernées ainsi que le reste de l’Europe prennent conscience du fait que son développement et une coopération avec elle leur procureront également des avantages. Il reste encore beaucoup à faire à cet égard, même si les discours sur les bénéfices généraux de la coopération ne manquent pas. Contribuer à la protection de l’environnement, aux réseaux de transport et d’énergie, au bon fonctionnement des relations économiques ainsi qu’à la lutte contre la criminalité sera indubitablement positif pour chacun des pays à titre individuel, pour la région de la Baltique et pour l’ensemble de l’Europe. De bons contacts internationaux en matière de formation et de recherche contribueront au bien-être des populations et à la compétitivité, tout en favorisant la démocratie et le développement d’institutions liées à l’économie de marché. En effet, il est dans les intérêts bien compris de chacun que ses voisins connaissent la prospérité.
39. Bien entendu, la région de la Baltique ne peut pas être exploitée de la même manière qu’une colonie ou qu’un Etat inféodé dont on peut rapatrier les richesses. Il en va de la région comme d’un jardin: si l’on veut récolter, chacun doit prendre soin de son lopin; en d’autres termes, chaque pays doit s’occuper de son propre environnement physique et institutionnel et, en outre, prendre part à une coopération à tous les niveaux avec ses voisins.
40. Que pourrait-on bien proposer de neuf pour développer l’identité, l’intégration et d’autres formes de coopération? Etant donné que tous les Etats riverains, hormis la Russie, sont désormais membres de l’Union européenne, il semble naturel que cette dernière devienne un acteur dynamique du développement d’une sous-région présentant de tels atouts. Du reste, l’Union européenne a lancé sa Stratégie pour la mer Baltique le 10 juin 2009, sous la présidence suédoise. Celle-ci a annoncé qu’elle ferait de la promotion de la stratégie une priorité durant son mandat. La Stratégie pour la mer Baltique vise à coordonner l’action menée par l’Union européenne et ses Etats membres, les régions, les organisations panbaltiques, les institutions financières et les organisations non gouvernementales en vue de promouvoir un développement plus équilibré de la région. Les quatre piliers de la stratégie visent à rendre la région plus durable d’un point de vue environnemental (par exemple, réduire la pollution de la mer), plus prospère (par exemple, promouvoir l’innovation dans les petites et moyennes entreprises), plus accessible et plus attractive (par exemple, améliorer les transports), et plus sûre (par exemple, renforcer les secours en cas d’accident).
41. La stratégie s’accompagne d’un plan d’action comprenant 15 domaines prioritaires (chacun de ces domaines sera sous la responsabilité d’un Etat membre de la région de la Baltique, qui sera chargé de le mettre en œuvre avec tous les acteurs concernés). La stratégie et les actions proposées doivent être financées par chaque Etat membre de la Baltique, des ONG, des sources privées, des institutions financières comme la Banque européenne d’investissement (BEI), la Banque nordique d’investissement (NIB) et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), ainsi que par les Fonds structurels de l’Union européenne (55 milliards d’euros pour 2007-2013). La stratégie inclura également de nombreuses actions horizontales destinées à développer la cohésion territoriale, des mesures visant à coordonner la mise en œuvre des directives de l’Union européenne et à surmonter les obstacles bureaucratiques, des mesures visant à encourager le recours à l’aménagement de l’espace maritime, le développement de l’aménagement du territoire dans les Etats membres de la région baltique, des initiatives pour améliorer et coordonner la collecte de données maritimes et socio-économiques dans la région baltique et, enfin, des efforts visant à construire une identité régionale.
42. Le Conseil européen a adopté la Stratégie de l’Union européenne pour la mer Baltique en octobre 2009. Cette stratégie sera mise en œuvre au cours de l’année 2010, avec un forum des parties prenantes prévu du 13 au 15 octobre 2010 à Tallinn, en Estonie. Parallèlement, plusieurs programmes de convergence, de compétitivité et de coopération seront cofinancés par le Fonds européen de développement régional (FEDER) dans la région de la mer Baltique pour la période 2007-2013 
			(3) 
			Voir Avis du Comité
économique et social européen sur la «Coopération macrorégionale
– Etendre la stratégie pour la mer Baltique à d’autres macrorégions
en Europe» (avis exploratoire) (2009/C 318/02) et 
			(3) 
			http://ec.europa.eu/regional_policy/cooperation/baltic/#council2..
43. Certes, dans la conjoncture présente, des problèmes d’actualité affectant de la même manière l’ensemble des pays de l’Union européenne, avec lesquels la Stratégie pour la Baltique sera en concurrence, sont mis actuellement à l’ordre du jour de l’Union européenne. Il n’est pas utile que d’autres acteurs cherchent à élaborer des projets alternatifs venant concurrencer la Stratégie de l’Union européenne pour la Baltique; en revanche, il serait souhaitable de mettre en place des projets en mesure de la compléter. Une meilleure connaissance du contenu de la stratégie et des propositions associées donnera des pistes en vue d’initiatives d’intervenants autres que l’Union européenne en vue du développement de la région de la Baltique.
44. Il est souvent avancé que les capitaux et les infrastructures accélèrent le développement. Il faut de l’argent, et l’on en trouvera certainement pour améliorer l’environnement et pour construire des réseaux de transport et d’énergie. Il faudra également, bien entendu, trouver des financements pour d’autres programmes et projets. Alors que la région de la Baltique est elle aussi touchée par la récession, toutes les sources de financement vont devenir plus rares qu’auparavant dans un proche avenir. Pour faire face à la récession, tous les Etats et bon nombre des institutions de la région auront besoin d’injections considérables de capitaux pour préserver leur existence et leur fonctionnement. C’est pourquoi on ne peut pas s’attendre à ce que des montants importants soient débloqués pour la mise en œuvre de la Stratégie de l’Union européenne pour la mer Baltique ni pour d’autres projets visant de manière générale à consolider la cohésion de la région. Bien entendu, il est souhaitable que, de manière générale, des fonds prévus pour stimuler l’économie servent aussi à favoriser l’intégration et l’identité de la région de la Baltique.
45. L’un des problèmes de la région de la Baltique, évoqué plus fréquemment qu’un manque d’infrastructures, est la pléthore d’organisations dont les champs d’activités se recoupent partiellement. Ce n’est pas pour autant qu’il n’y a pas de bonnes raisons d’en établir de nouvelles. Le Sommet pour une action en faveur de la mer Baltique est un nouveau projet prometteur. Tenu à Helsinki le 10 février 2010, il a réuni des responsables politiques et des dirigeants d’entreprises ainsi que des représentants de la société civile de tous les pays de la Baltique. Derrière ce projet, on trouve le groupe d’action pour la mer Baltique – créé par la Présidente de la République de Finlande, Mme Tarja Halonen, et par le Premier ministre de ce pays, M. Matti Vanhanen –, qui est une structure où des organisations du secteur public, du secteur privé et de la société civile mettent en commun leurs ressources et contribuent conjointement à la sauvegarde de la Baltique.
46. Il pourrait également être utile d’instaurer une nouvelle institution, qui aurait clairement pour mission d’être la gardienne des intérêts de la région de la Baltique. Même si elle n’était pas en mesure de donner à une région aux frontières aussi fluctuantes un organe exécutif, une organisation qui défendrait activement les intérêts de la région et serait dirigée par une personnalité de haut rang pourrait avoir un effet bénéfique pour l’image, le sentiment d’unité et la visibilité de la région. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pourrait prendre l’initiative de proposer la création d’une organisation de ce type – en quelque sorte une «Union de la mer Baltique».

Annexe – La région de la mer Baltique

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