1. Les femmes en milieu rural et le Conseil
de l’Europe
1. En déposant à l’Assemblée parlementaire une proposition
de résolution sur la véritable situation des femmes en milieu rural
en Europe (
Doc. 11773),
j’étais motivée par mon expérience personnelle et mon engagement
en tant que présidente d’Afammer (Association des familles et des
femmes en milieu rural), organisation non gouvernementale espagnole
qui, depuis 1982, soutient la place centrale des femmes dans le
développement des zones rurales et défend leurs droits
.
2. Par le présent rapport, ce n’est pas la première fois que
l’Assemblée consacre son attention à la situation des femmes en
milieu rural: en 1997, à l’initiative de ce qui était alors la commission
de l’agriculture et du développement rural, l’Assemblée a adopté
la
Recommandation 1321 (1997) sur
l’amélioration de la situation des femmes dans la société rurale.
Malheureusement, en répondant à ce texte, le Comité des Ministres
a décidé de n’inclure aucune activité spécifique des femmes en milieu
rural dans son programme de travail, arguant qu’il ne souhaitait
pas répéter inutilement les travaux des Communautés européennes,
du Parlement européen et de l’Organisation des Nations Unies pour
l’alimentation et l’agriculture (FAO)
.
3. Je suis au regret de constater que, de mon point de vue, cette
décision manquait d’anticipation: le milieu des années 1990 a représenté
les principales années de transition politique et économique dans
plusieurs pays européens qui ont adhéré au Conseil de l’Europe à
cette période ou immédiatement après. Ce processus de transition
a eu des incidences particulièrement négatives pour les femmes en
milieu rural: auparavant, elles avaient le même accès à la privatisation
des terres et d’autres propriétés que les hommes, mais elles étaient exclues de facto; leur situation s’est dégradée
sous l’effet des restrictions budgétaires qui ont ramené au minimum
les services à la campagne – transport, écoles, structures de garde
d’enfants et hôpitaux. De nombreuses femmes ont subi un retour aux
valeurs culturelles et religieuses traditionnelles, qui les a confinées à
la maison pour garder les enfants, les privant de tout rôle public
en société et de toute possibilité d’émancipation économique.
4. En résumé: les femmes en milieu rural ont été les principales
victimes du manque d’attention portée à l’égalité entre les femmes
et les hommes durant le processus de transition économique des années 1990,
et de son impact différent selon le genre. Malheureusement, à l’époque,
le Conseil de l’Europe n’a pas identifié les femmes en milieu rural
comme étant un groupe très exposé à l’exclusion sociale et économique,
à la discrimination et aux violations des droits humains, et n’a
donc pas mis en place des projets adéquats pour remédier à cet état
de fait.
5. Dans les mêmes années, le conflit le plus meurtrier en Europe
depuis la seconde guerre mondiale a dévasté les pays de l’ex-Yougoslavie.
Les zones rurales ont été les plus touchées: la guerre n’a pas épargné un
seul village et a entraîné une pauvreté généralisée, des destructions
et des pénuries alimentaires; les habitants ont abandonné terres
et exploitations pour chercher refuge dans les montagnes, dans d’autres parties
du pays ou à l’étranger. Les femmes en milieu rural ont été victimes
de violence sexuelle durant le conflit, nombre d’entre elles ont
perdu leur mari, d’autres ont été victimes de la traite. D’une manière
générale, la place de la femme dans la société et le souci d’égalité
entre les femmes et les hommes ont enregistré un net recul, en raison
d’une mentalité typique en situation de guerre, favorisant la suprématie
de l’homme dans la sphère privée et publique.
6. Depuis le milieu des années 1990, la situation a évolué. L’Union
européenne a réellement joué un rôle essentiel pour faire progresser
ses nouveaux Etats membres: pendant que les nouveaux arrivants devaient s’adapter
aux acquis de l’Union sur l’égalité entre les femmes et les hommes
en matière d’emploi, l’Union européenne étendait dans le même temps
cette approche égalitaire à d’autres domaines comme l’agriculture. Dans
cette optique, l’organisation a engagé un travail de réflexion sur
les effets différenciés que les fonds structurels avaient sur les
femmes et sur les hommes, et lancé des initiatives ciblant spécifiquement
les femmes.
7. En dépit de ces avancées, la situation des femmes en milieu
rural dans les pays de l’Union européenne continue de varier considérablement,
non seulement d’un pays à l’autre, mais aussi d’une région à l’autre.
Si nous observons la situation des femmes en milieu rural dans la
zone du Conseil de l’Europe – où l’Union européenne n’a ni exercé
la même influence, ni consacré le même volume de ressources – ces
disparités sont encore plus frappantes. Quoi qu’il en soit, il est
certain que, du fait de certaines conditions objectives spécifiques
qui prédominent dans les zones rurales et de la persistance des
mentalités traditionnelles, les femmes en milieu rural sont confrontées
à des défis majeurs pour obtenir l’égalité entre les sexes et la
pleine jouissance de leurs droits.
8. En l’état actuel des choses, l’effet combiné de la mondialisation
et de la crise financière et économique risque d’aggraver les inégalités
existantes entre les femmes et les hommes, et de détériorer la situation
des femmes vivant dans les zones rurales, à moins que les Etats
membres du Conseil de l’Europe n’agissent avec anticipation et réactivité.
9. Dans le présent rapport, je décrirai l’état des lieux dans
certains Etats membres du Conseil de l’Europe choisis pour présenter
d’une manière générale la situation complexe des femmes en milieu
rural en Europe. J’examinerai les choses sous l’angle de l’égalité
entre les femmes et les hommes, et de l’émancipation économique
des femmes, telles que les prescrit le mandat de la commission sur
l’égalité des chances pour les femmes et les hommes dont je suis
la rapporteuse. Je suis heureuse d’indiquer que la commission de l’environnement,
de l’agriculture et des questions territoriales viendra compléter
mon analyse avec toute son expertise, et émettra un avis.
10. Pour achever cette introduction, je souhaiterais préciser
que le présent rapport s’appuie largement sur l’audition intitulée
«La véritable situation des femmes en milieu rural en Europe», qui
a été organisée par la commission sur l’égalité des chances pour
les femmes et les hommes le 26 mars 2010
,
et sur des rapports et des conclusions de l’instance de surveillance
établie en vertu de la Convention sur l’élimination de toutes les
formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), notamment
son article 14. J’ai également suivi de près les travaux entrepris
par l’Union européenne sous la présidence espagnole, qui a placé
l’amélioration de la situation des femmes en milieu rural au premier
rang de ses priorités.
2. Les femmes rurales: une force essentielle
mais invisible dans le monde
11. Les femmes constituent une force motrice pour l’entretien,
la sauvegarde et le développement des zones rurales, tant au plan
culturel qu’au plan économique: non seulement elles contribuent
à préserver un patrimoine culturel riche et diversifié ainsi qu’à
transmettre les traditions, mais elles représentent aussi une proportion
non négligeable de la main-d’œuvre agricole et participent à soutenir
le dynamisme du secteur rural face à une dépopulation constante.
12. Malheureusement, les femmes en milieu rural constituent aussi
une force invisible: leur présence et leur rôle n’apparaissent pas
clairement dans les statistiques; la plupart de celles qui participent
aux travaux agricoles ne perçoivent pas un revenu distinct de celui
de leur mari ou d’autres membres masculins du foyer; en tant que
simple auxiliaire de leur mari agriculteur ou travailleur indépendant
d’un autre secteur, elles n’ont droit à aucune couverture sociale
qui leur soit propre; souvent, elles n’ont aucun droit de propriété
sur la terre ou sur l’exploitation agricole.
13. En Europe, on estime que 14,6 millions de personnes travaillent
dans l’agriculture. 41 % sont des femmes, dont 78 % travaillent
en tant qu’épouses aidantes tandis que les autres sont propriétaires
ou copropriétaires. En général, en Europe, la majeure partie des
femmes employées dans l’agriculture sont les épouses des propriétaires,
ce qui rend leur statut de travailleuses invisible.
14. Comme l’explique le Secrétaire général des Nations Unies dans
son rapport sur l’amélioration de la situation des femmes dans les
zones rurales, «les femmes constituent près de 70 % de la main-d’œuvre agricole,
mais la plupart ne possèdent ni ne contrôlent aucune terre. Les
femmes rurales sont propriétaires de moins de 10 % de biens dans
les pays développés et de 2 % dans les pays en développement. Il
est estimé que les femmes d’Afrique reçoivent moins de 10 % de toutes
les subventions octroyées aux petits agriculteurs et seulement 1 %
de l’ensemble des subventions accordées au secteur agricole»
.
15. Le lien entre les femmes, l’agriculture et le développement
explique pourquoi des organismes des Nations Unies comme l’Organisation
des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO)
et des institutions financières
et économiques mondiales comme la Banque mondiale accordent une
attention particulière au rôle crucial des femmes dans les pays
en développement.
16. Ces dernières années, une prise de conscience a émergé dans
la communauté internationale, qui a réalisé que le fait de négliger
les questions d’égalité entre les femmes et les hommes dans le cadre
du développement n’était pas seulement contraire aux droits humains
mais constituait également une occasion manquée d’accroître la productivité
et les revenus agricoles. En particulier dans les pays à faible
revenu pour lesquels l’agriculture représente en moyenne 32 % du
PIB, les femmes forment une proportion importante de la main-d’œuvre
et produisent la majeure partie des aliments consommés localement
.
17. La 4e Conférence mondiale sur les femmes à Beijing, en 1995,
a marqué un tournant dans la reconnaissance de la contribution des
femmes au développement et l’identification des principales préoccupations
concernant la situation des femmes en milieu rural dans le monde.
La Déclaration de Beijing et le programme d’action associé ont énormément
influé sur la façon dont les gouvernements et les organisations
internationales ont abordé la question de l’égalité entre les femmes
et les hommes en suivant une approche intégrée dans les années qui
ont suivi
.
18. A l’issue de la Conférence de Beijing, l’Assemblée générale
des Nations Unies a adopté plusieurs résolutions relatives à la
question des femmes en milieu rural, dans lesquelles elle a souligné
leur extrême vulnérabilité du fait de la récession économique mondiale
ainsi que l’importance de politiques et de stratégies agricoles
qui tiennent compte des différences entre les femmes et les hommes
.
19. Le texte le plus complet et le plus détaillé adopté par l’Assemblée
générale des Nations Unies sur cette question est la Résolution 62/136
sur l’amélioration de la condition de la femme en milieu rural,
qui, entre autres:
- prie les
organismes compétents des Nations Unies, surtout ceux qui s’occupent
de développement, de prendre en considération et d’appuyer l’autonomisation
et la satisfaction des besoins particuliers des femmes rurales dans
leurs programmes et leurs stratégies;
- invite la Commission de la condition de la femme à continuer
d’accorder l’attention voulue à la situation des femmes en milieu
rural en tant que thème prioritaire;
- déclare le 15 octobre Journée internationale des femmes
rurales, afin de renforcer la visibilité de cette question;
- demande aux Etats d’adopter des mesures permettant d’appuyer
l’autonomisation des femmes en milieu rural et de veiller à ce qu’une
attention suffisante soit accordée à leurs priorités, leurs besoins
et leurs contributions, dans les domaines suivants:
- promouvoir la participation des femmes en milieu rural
dans les prises de décisions;
- renforcer l’émancipation économique des femmes en milieu
rural;
- mettre sur pied des services de santé;
- éradiquer la violence à l’égard des femmes dans les zones
rurales;
- répondre aux besoins des femmes en milieu rural en situation
de vulnérabilité (femmes handicapées, autochtones et femmes âgées);
- prie le Secrétaire général de lui présenter un rapport
examinant les activités entreprises par les Etats membres et les
organismes des Nations Unies.
20. Deux ans après l’adoption de la Résolution 62/136 par l’Assemblée
générale des Nations Unies, dans son premier rapport rédigé à la
demande de l’Assemblée générale, le Secrétaire général des Nations
Unies n’a pu que mettre en garde contre le risque que les inégalités
et la discrimination subies par les femmes en milieu rural ne s’accroissent
du fait de la conjonction de la crise financière et économique,
de la menace des changements climatiques, et des crises énergétiques
et alimentaires: «En temps de crise, les femmes entreprennent des
activités supplémentaires afin de procurer à leur famille des substituts
non marchands aux produits du marché devenus trop chers. Compte
tenu de la vulnérabilité climatique, la production agricole devrait
chuter dans les régions tropicales et les régions plus tempérées,
avec un effet négatif direct sur l’agriculture dont les femmes représentent
une grande partie des effectifs. Ces dernières années, les hausses brutales
du prix des aliments et des carburants ont érodé le pouvoir d’achat
des ménages pauvres, en particulier les ménages dirigés par une
femme, qui figurent parmi les plus pauvres. Les crises énergétiques
et alimentaires ont suscité de fortes préoccupations concernant
l’insécurité alimentaire et la malnutrition dans de nombreux pays,
mettant ainsi en danger le bien-être et la santé des femmes rurales
pauvres et de leurs familles.»
3. Portrait général des femmes en milieu rural en
Europe
21. Les zones rurales en Europe sont extrêmement variées
par leur structure sociale et économique, leur géographie et leur
culture. De la même façon, les femmes en milieu rural ne constituent
pas un groupe homogène: elles ont des rôles et des occupations différents
dans des fermes ou des entreprises familiales, peuvent travailler
en dehors du secteur agricole, à la maison ou en communauté. Leurs
besoins et leurs intérêts diffèrent également, surtout selon leur
âge, leur niveau d’études, la taille et la composition de leur famille
et l’âge de leurs enfants.
22. La première difficulté rencontrée pour dresser un portrait
des femmes rurales en Europe réside dans l’absence de statistiques
qui tiennent compte des sexes: les données sont recueillies à d’autres
fins, puis rassemblées pour faire ressortir les disparités entre
les femmes et les hommes dans les zones rurales, et notamment dans
le secteur agricole. En conséquence, les informations disponibles
ne sont ni bien ciblées ni comparables à 100 %.
23. Une source d’information précieuse pour l’Union européenne
est Eurostat, qui compile des statistiques sur les structures agricoles,
ce qui permet de comparer des données sur la main-d’œuvre agricole,
ventilées par sexe. A partir de ces informations, certaines caractéristiques
générales peuvent être relevées dans l’Union européenne:
- les femmes représentent 28,7 %
des exploitants agricoles et le chiffre est en augmentation;
- en moyenne, les exploitations tenues par des femmes sont
inférieures en taille de 40 % de celles dirigées par des hommes;
- le pourcentage d’exploitantes individuelles femmes est
plus élevé dans les nouveaux Etats membres de l’Union européenne
que dans les anciens Etats membres.
24. Même s’il n’existe pas un ensemble uniforme de données ou
de statistiques comparables qui s’appliqueraient à toute la zone
du Conseil de l’Europe, les informations disponibles permettent
d’affirmer:
- qu’une proportion
non négligeable des femmes qui travaillent dans l’agriculture sont
des épouses aidantes ,
c’est-à-dire qui apportent une aide ou une participation à l’exploitation
agricole sans être considérées comme des associées au sens formel
du terme;
- que dans les zones rurales, le taux de chômage est beaucoup
plus élevé que dans les zones urbaines et touche plus les femmes
que les hommes;
- qu’une proportion importante des femmes qui travaillent
dans une exploitation agricole sont embauchées à titre temporaire;
- que de nombreuses femmes travaillant dans les exploitations
ont aussi un emploi occasionnel ou à temps partiel, souvent dans
un secteur non agricole;
- qu’une proportion importante de femmes a un travail saisonnier,
parfois régi par l’économie souterraine; qu’elles sont de plus en
plus nombreuses à être migrantes.
4. La situation dans les pays sélectionnés
25. Dans cette section qui ne prétend pas à l’exhaustivité,
je tenterai de décrire l’état des lieux dans certains pays sélectionnés,
pour présenter d’une manière générale la complexité des enjeux auxquels
les femmes en milieu rural doivent faire face dans différents Etats
membres du Conseil de l’Europe.
4.1. Bosnie-Herzégovine
26. La fin du conflit de 1992-1995 en Bosnie-Herzégovine
a marqué le début d’une double transition: la transition de la guerre
à la paix, et une transition politique et économique. Aujourd’hui,
le produit intérieur brut du pays n’atteint que la moitié de son
niveau d’avant-guerre et les dépenses du secteur social ont été
réduites de façon spectaculaire. Selon Lenyara Khayasedinova, coordinatrice
du programme Intégration de l’égalité hommes-femmes pour l’Europe
centrale et orientale et les nouveaux Etats indépendants pour le
Fonds international de développement agricole (FIDA), après la guerre,
«lorsque les prestations familiales et les services sociaux publics
ont été réduits, la condition sociale des femmes a plongé. Il a
été constaté un retour à des attitudes plus traditionnelles à l’égard
des femmes, qui sont plutôt invitées à rester à la maison pour accomplir
les tâches domestiques, même celles qui occupaient autrefois des
places prestigieuses dans la vie publique».
27. Pourtant, d’après le FIDA, un quart de la totalité des ménages
en Bosnie-Herzégovine sont dirigés par une femme, en raison de la
guerre ou du départ des hommes à l’étranger, à la recherche d’un
travail. Les salariés du pays ne comptent que 35 % de femmes, qui
subissent des discriminations notamment salariales. Outre la difficulté
de concilier travail et obligations familiales, les femmes n’ont
pas suffisamment accès aux terres, à la formation, au crédit et
aux équipements.
28. La situation des femmes est particulièrement difficile dans
les zones rurales, où la guerre a laissé des marques profondes et
où la mentalité de la population n’est pas tournée vers l’égalité
entre les femmes et les hommes; certes, les deux sexes sont égaux
devant la loi, mais, de facto, des
coutumes inégalitaires persistent en matière d’éducation, et de
droits de propriété et d’héritage.
29. Il semble que la couverture sociale (pensions de retraite
et assurance-invalidité) ne pose pas problème pour les travailleurs
agricoles et les membres de leur famille qui ont une activité agricole
comme activité principale; toutefois, seul un nombre réduit de ménages
ruraux bénéficie d’une assurance-maladie.
30. Les femmes qui vivent en milieu rural sont mal informées sur
leurs droits et ont un accès limité à des services de santé, y compris
les services de conseil et de planification familiale, faute de
structures appropriées, de fonds suffisants pour pallier cette lacune,
et du fait des distances à parcourir pour obtenir de tels services.
31. Malgré les difficultés de la situation, le rapport du Secrétaire
général des Nations Unies sur l’amélioration de la situation des
femmes dans les zones rurales énumère plusieurs mesures qui vont
dans la bonne direction, comme: l’implication de plusieurs organisations
de femmes rurales dans l’élaboration du plan d’action national sur
l’égalité entre les femmes et les hommes; les efforts déployés par
le gouvernement pour intégrer la perspective sexospécifique dans
les politiques de développement rural; la participation des femmes entrepreneurs
dans des foires commerciales et agricoles; et le renforcement de
services mobiles concernant la santé génésique et la planification
familiale.
32. Le 15 octobre de cette année, à l’occasion de la Journée internationale
de la femme rurale, des associations féminines de la Republika Srpska,
en coopération avec le Centre gouvernemental du pays chargé de la
promotion de l’égalité entre les sexes, ont lancé la campagne «Egalité
pour les femmes rurales», visant à faire ressortir les problèmes
des femmes en milieu rural, à accroître leur visibilité et à améliorer
leur condition. Les activités de la campagne qui a duré une semaine
englobaient un large éventail de tables rondes, de débats et séminaires,
d’événements culturels, ainsi que des actions de rue et des promotions
dans le cadre desquelles des produits fermiers et des matériels
promotionnels ont été distribués aux citoyens
.
4.2. Finlande
33. La Finlande offre plusieurs caractéristiques qui
en font une étude de cas intéressante pour le présent rapport; il
s’agit de l’un des pays les plus avancés en matière d’égalité entre
les femmes et les hommes, un pays relativement riche, et qui présente
un secteur agricole important et une densité de population au kilomètre carré
très faible, surtout dans les zones rurales.
34. Ce pays a compris depuis des années qu’il est indispensable
d’intégrer l’égalité entre les femmes et les hommes dans les politiques
agricoles et, dans cet esprit, des organes et des plans d’action
spécifiques ont été mis en place sur une base périodique. En 2003,
un groupe de travail sur les femmes, créé dans le cadre du plan
d’action national (nommé «Programme de politique rurale»), a élaboré
un Plan d’action pour les femmes rurales. La Stratégie de développement
rural de la Finlande pour 2007-2013 prévoit différentes mesures destinées
à améliorer la situation des femmes rurales, entre autres groupes
.
35. Le nombre de femmes propriétaires terriennes et entrepreneurs
est relativement élevé, même si les statistiques manquent de précision
pour ce qui est des copropriétés: lorsque les épouses sont copropriétaires, les
statistiques ne prennent en compte que l’un des deux propriétaires,
en général l’homme
. Des organismes gouvernementaux
comme l’Agence de promotion de l’entreprenariat féminin organisent
ou soutiennent des formations destinées à améliorer les talents
d’entrepreneur des femmes. Il n’est pas plus difficile pour les femmes
que pour les hommes de trouver un emploi à la campagne
.
36. Un système intégré d’apprentissage à distance et, plus récemment,
des investissements importants dans les technologies de l’information
et des communications ont permis de renforcer le niveau d’études
des femmes vivant en milieu rural, même dans des zones reculées.
En outre, le modèle nordique de l’éducation des adultes organisée
par des instituts ruraux locaux a donné des résultats particulièrement
probants
.
4.3. Italie
37. L’Italie enregistre les taux d’emploi des femmes
les plus bas (42 %) comparés à la moyenne de l’Union européenne
(55,6 %). Dans les années 1990, du fait de la déréglementation progressive
du marché de l’emploi et de la volonté d’abaisser le taux de chômage
élevé, plusieurs politiques et mesures législatives ont été adoptées
pour stimuler l’esprit d’entreprise, comme la simplification des
procédures de création d’une entreprise, la réduction des charges
afférentes, un accès plus facile au crédit, l’amélioration de la
couverture sociale des travailleurs indépendants, etc.
38. Des mesures spécifiques ont également vu le jour, ciblant
uniquement les jeunes et les femmes, comme la loi 215/92 sur les
actions positives en faveur de l’entreprenariat féminin; cet instrument
jette les bases juridiques permettant d’octroyer des subventions
aux femmes qui créent ou développent une entreprise et vise à lever
les contraintes socio-économiques qui restreignent, voire interdisent,
l’accès des femmes au marché du travail et à l’entreprise, comme
le manque de formation adéquate ou d’information.
39. Selon l’Institut national de la statistique (ISTAT), entre
1999 et 2003, le nombre d’exploitations agricoles tenues par des
femmes a légèrement augmenté (passant de 26,3 à 27,3 %), et même
si ce pourcentage demeure faible par rapport aux hommes, il continue
de grimper.
40. En Italie, le vieillissement de la population rurale est l’une
des principales contraintes qui freinent le développement rural.
En effet, dans l’agriculture, il existe un pourcentage élevé de
femmes entrant dans le groupe d’âge 35-54 ans (59,4 %), un petit
pourcentage de femmes âgées de 15 à 34 ans (22,9 %), et les femmes
de plus de 50 ans totalisent 33,9 %. Cette répartition des âges
n’est pas la même chez les femmes qui travaillent dans les secteurs
secondaire et tertiaire, où le pourcentage des femmes de 15 à 34 ans
est plus élevé (39,2 %), et celui des femmes de plus de 50 ans moins
élevé (17,8 %).
41. En général, le niveau d’études des femmes qui travaillent
dans l’agriculture est inférieur à la moyenne nationale: selon les
données 2001 de l’ISTAT, seules 1,7 % d’entre elles ont un diplôme
universitaire, 16,6 % sont diplômées du secondaire, 36,5 % ont achevé
la scolarité obligatoire, et 5,6 % ne sont pas allées au bout de
la scolarité obligatoire.
42. Les femmes vivant en milieu rural ont un nombre d’heures de
travail plus important que d’autres travailleuses féminines; 27,5 %
d’entre elles travaillent à temps partiel. La majorité des exploitations
agricoles dirigées par des femmes conjuguent efficience, innovation
et diversification, par exemple en privilégiant la vente directe
des produits fermiers et le tourisme agricole.
43. En 1997, le Gouvernement italien a créé un Observatoire national
pour les femmes entrepreneurs et le travail des femmes dans l’agriculture
(ONILFA), qui, sous l’égide du ministre de l’Agriculture et avec
l’aide de représentants des autres ministères concernés, a pour
vocation d’évaluer les possibilités réelles d’emploi pour les femmes
dans le secteur rural et d’élaborer la stratégie requise pour améliorer
ces possibilités.
4.4. Pologne
44. Depuis 1989, la Pologne, ainsi que d’autres pays
de la région, a entrepris des transformations socio-économiques
radicales qui se sont répercutées dans les zones rurales. Malheureusement,
malgré l’importance du secteur agricole dans l’économie polonaise,
les questions liées à la vie dans les zones rurales et à leurs habitants
figurent toujours parmi les domaines de recherche les plus négligés;
les spécialistes de l’agriculture ou de la condition féminine orientent
rarement leurs recherches vers les femmes qui vivent en milieu rural.
45. De nos jours, l’économie rurale polonaise s’appuie sur de
petites exploitations produisant surtout des aliments destinés à
leur propre usage; y prédominent également de petites entreprises
familiales dont les gains négligeables ne font que refléter une
faible demande en biens et services, en raison du chômage et de
la pauvreté des zones rurales. Cette situation est aggravée par
le fait que de nombreuses exploitations sont tenues par des personnes
âgées et solitaires, dont les principales ressources financières
sont des prestations sociales, et qui n’ont ni les moyens ni l’esprit
d’initiative requis pour changer leur mode d’exploitation ou adopter
une approche innovante.
46. La population rurale représente 38,6 % de l’ensemble de la
population polonaise, les femmes atteignant 50,2 % dans les zones
rurales. Le peuplement rural est fragmenté et se compose de 53 000 localités,
dont 15 % sont occupées par moins de 100 habitants, 66 % par une
population allant de 100 à 500 habitants, 13 % par une population
enregistrant 500 à 1 000 habitants, et seules 6 % comptent plus
de 1 000 personnes.
47. Dans les années 2000-2005, le pourcentage de la population
en âge de travailler est passé de 56,8 % à 60,7 % dans les zones
rurales (contre 66,1 % dans les zones urbaines). D’après les prévisions,
d’ici à 2015, ce pourcentage atteindra 63,7 % dans les zones rurales
et descendra à 63,2 % dans les zones urbaines. Cette augmentation
dans les zones rurales s’explique, d’une part, parce que les familles
rurales ont plus d’enfants et, d’autre part, parce que durant quinze
ans un processus de «retour aux sources» s’est peu à peu engagé: une
part croissante de citadins polonais – principalement des entrepreneurs,
riches et dotés d’un bon niveau d’études – s’installent à la campagne,
à proximité des villes; dans le même temps, l’exode rural des habitants à
la recherche d’un emploi a cessé, et ils regagnent les campagnes.
48. Le vieillissement constitue un grave problème en Pologne,
surtout dans les zones rurales, où le pourcentage d’habitants d’âge
postproductif au plan économique est supérieur à celui des villes.
En ce qui concerne la structure des âges dans les zones rurales,
les hommes sont plus nombreux que les femmes en dessous de 54 ans,
et les femmes sont plus nombreuses que les hommes au-dessus de 54 ans.
49. Les statistiques ne distinguent pas la situation des femmes
rurales au regard de l’emploi, mais des recherches et des enquêtes
montrent que les femmes en milieu rural sont plus souvent au chômage
que les hommes et que les citadines. Le phénomène est principalement
dû à la pénurie d’offres d’emploi dans leur zone de résidence, à
la distance par rapport aux grandes villes, à l’insuffisance des
transports locaux, à la mauvaise qualité des routes et au manque
d’infrastructures sociales (garderies, maisons de retraite ou services
sociaux).
50. Le Fonds agricole d’assurance sociale (KRUS) couvre 4,5 millions
d’agriculteurs et est également accessible aux femmes et aux hommes;
les prestations de sécurité sociale et les règles sont les mêmes
pour les deux sexes, à l’exception d’un âge de départ à la retraite
plus bas pour les femmes. De plus, les femmes en milieu rural peuvent
bénéficier de primes de naissance (trois pensions de base) et d’allocations
de maternité (l’équivalent de huit semaines d’indemnité de maladie).
Toute femme assurée depuis au moins un an peut bénéficier de ces
prestations
.
51. Même si la Pologne est membre de l’Union européenne depuis
2004, les enquêtes montrent que les femmes en milieu rural ne songent
pas à recourir aux fonds structurels de l’Union européenne, en grande partie
parce qu’elles ne connaissent pas les procédures administratives
à suivre. Elles sont également réticentes à changer de modèle d’agriculture
pour adopter des approches innovantes qui se sont avérées fructueuses
dans d’autres Etats membres de l’Union, comme le tourisme agricole;
de la même façon, rares sont les femmes vivant en milieu rural qui
envisagent de travailler à la maison (télétravail).
52. Il existe toutefois des signes de changement positifs: les
femmes qui apportent leur contribution aux revenus familiaux sont
plus fréquemment traitées comme des partenaires égaux pour ce qui
est de la prise de décisions, et l’autorité des femmes se renforce
au sein de la famille
.
4.5. Fédération de Russie
53. En Fédération de Russie, la population rurale compte
38 millions de personnes dont 20 millions de femmes; 9 millions
d’entre elles sont en âge de travailler. Le pourcentage de femmes
occupant des postes à responsabilité en tant qu’agricultrices, chefs
d’entreprise ou au sein de moyennes et grandes entreprises est de
19 %. Le nombre de femmes en milieu rural ayant une formation professionnelle
supérieure est 1,6 fois supérieur à celui des hommes ruraux. Proportionnellement,
cependant, le taux de chômage des femmes est supérieur.
54. Les principaux problèmes sociaux qui touchent les zones rurales
sont la pauvreté et le bas niveau de vie: le revenu moyen est de
235 euros par mois, ce qui représente 47 % d’un salaire en milieu
urbain. Le chômage est deux fois plus élevé que dans les villes.
55. Sur la période 2000-2008, la fourniture de services essentiels
tels que les écoles maternelles, les écoles, les hôpitaux et les
transports en commun a été réduite de 18, 24, 22 et 20 % respectivement.
En même temps, 34 % des villages ruraux n’ont pas de routes à revêtement
dur.
56. Selon les ONG, bien que la Fédération de Russie ait pris de
nombreuses mesures visant à éliminer la discrimination contre les
femmes, dans la réalité la discrimination envers les femmes vivant
en milieu rural persiste sous différentes formes.
57. En premier lieu, aucun cadre juridique spécifique, complet
et actualisé n’aborde leur situation. La disposition législative
la plus récente à cet égard est la résolution du Soviet suprême
RSFSR 11/1/1990 N 298/3-1 intitulée «Mesures urgentes pour l’amélioration
de la situation des femmes, des familles et de la maternité et plaidoyer
pour l’enfance en milieu rural», qui date de 1990. De la même façon,
aucun programme d’action sociale ne couvre la problématique spécifique
des femmes vivant en zone rurale
.
58. En deuxième lieu, les femmes rurales ne connaissent pas leurs
droits. Par ailleurs, les autorités locales et nationales «ferment
les yeux» en ce qui concerne l’application de la loi dans différentes
situations qui les touchent tout particulièrement, comme les violences
sexuelles, les violences au sein de la famille, ou encore l’application
du droit du travail et de la loi sur la non-discrimination (ou «discrimination
passive»).
59. Les conséquences négatives des réformes agraires entreprises
dans les années 1990 ont touché l’ensemble de la population agricole,
mais la situation est encore plus désavantageuse pour les femmes.
Les réformes des exploitations agricoles et leur privatisation ont
été effectuées sans aucune participation des femmes. Cela s’explique
par leur insuffisante représentation au sein des collectivités locales,
mais aussi par le fait que la plupart des femmes n’avaient ni les
moyens ni les compétences nécessaires pour monter leur propre exploitation.
60. En outre, tout comme les femmes urbaines, les femmes rurales
ont été très touchées par la réduction du nombre de centres publics
de santé, d’enseignement et de commerce dans les campagnes, où elles
étaient très nombreuses à travailler comme employées de l’Etat.
61. L’accessibilité des services de santé est un problème majeur.
Dans les zones rurales, la réduction des dépenses du gouvernement
dans les services publics de santé a entraîné la fermeture d’établissements spécialisés
et d’hôpitaux. La plupart des services médicaux sont payants. Les
services de premiers secours sont rares.
62. Des inquiétudes ont été exprimées à propos du manque de confidentialité
des employés des services médicaux dans les zones rurales, en ce
qui concerne les diagnostics de séropositivité au VIH, de toxicomanie et
d’hépatite. Les diagnostics concernant les mères sont également
transmis aux établissements scolaires, car ces informations figurent
sur les fiches médicales des enfants. Cela peut donner lieu à des
discriminations non seulement envers la mère, mais aussi envers
l’enfant
.
63. En milieu rural, le pourcentage de femmes souffrant d’anémie
est élevé en raison de la détérioration de la qualité des aliments
et des conditions écologiques des zones rurales. L’incidence des
maladies professionnelles demeure importante chez les femmes. Les
problèmes les plus courants sont ceux touchant la colonne vertébrale
et les organes respiratoires
.
64. Malgré leur fort taux de chômage et leur pauvreté, les familles
rurales ont généralement beaucoup d’enfants. Cela peut être considéré
comme un résultat positif de la politique du gouvernement visant
à combattre le déclin de la population. Une vaste gamme de mesures
a été mise en place afin d’améliorer la qualité et la disponibilité
de l’assistance médicale et des avantages sociaux pour les mères
et leurs enfants, et de soutenir les familles jeunes et nombreuses,
en particulier celles ayant plus de trois enfants, par des avantages
financiers et des réductions fiscales
.
4.6. Espagne
65. En Espagne, 24 % de la population vit en zone rurale,
dont 5 millions de femmes. L’Espagnole moyenne qui vit en zone rurale
est mariée, a plus de 50 ans, 2,3 enfants, et consacre huit heures
par jour aux tâches ménagères et cinq à des activités extérieures.
66. Moins de 9 % des fermes sont gérées par des femmes. Dans la
plupart des cas, du fait de la petite taille des exploitations (moins
d’un hectare), elles produisent des revenus inférieurs au seuil
de subsistance; 3 % seulement des exploitations de plus de 50 ha
sont dirigées par des femmes. Le niveau de responsabilité de ces
femmes dans la gestion de leur exploitation ne correspond pas à
leur réel pouvoir de décision, car leur époux ou les hommes de leur
famille ont le dernier mot en raison de la persistance d’une mentalité
patriarcale.
67. Un nombre grandissant d’agricultrices sont engagées dans des
activités innovatrices telles que le tourisme rural, la production
d’aliments biologiques, la transformation et le commerce de produits
agricoles, l’artisanat traditionnel, etc. En ce qui concerne les
femmes ayant des droits de propriété sur leur exploitation ou sur
leurs terres, 32 % ont plus de 65 ans, 7,4 % moins de 35 ans et
1,4 % seulement moins de 25 ans. Le vieillissement de la population
est particulièrement marqué en Galice (36 %) et au Pays basque (46 %).
68. 82 % des femmes qui vivent à la campagne aident leur conjoint
ou des membres de leur famille. Leur statut n’est pas clairement
défini dans la législation: elles ne reçoivent pas de salaire et
seules 59 % d’entre elles sont couvertes par les assurances sociales.
On assiste depuis quelques années à une forte augmentation du nombre
de travailleuses migrantes dans l’industrie agroalimentaire qui
sont employées comme ouvrières agricoles temporaires.
69. Au 31 décembre 2006, 463 628 femmes relevaient du régime spécial
agricole de la sécurité sociale (Régimen Especial Agrario de la
Seguridad Social, REASS), dont 81 % de salariées, les autres étant indépendantes.
La part des femmes dans un autre régime de sécurité sociale pour
les travailleurs indépendants (Registro de Inscritos en el Régimen
Especial de Trabajadores Autónomos, RETA) a connu une hausse de
51 % sur la période 1999-2006
.
70. En 2007, le gouvernement a adopté un plan visant à favoriser
l’égalité entre les hommes et les femmes en milieu rural, ainsi
que la loi 45/2007 concernant le développement rural durable, qui
introduisait le principe de transversalité dans les politiques de
développement rural et encourageait une participation active des femmes
ayant des postes à responsabilité, ainsi que l’action positive.
Des appels ont également été lancés afin de mettre en avant le travail
des femmes et leur rôle en tant que propriétaires ou copropriétaires d’exploitations,
et de favoriser le maintien de leur activité agricole ou leur incorporation
à l’agriculture, l’emploi féminin et la diversification des activités,
la formation, la conciliation entre travail et vie familiale, et
l’accès aux nouvelles technologies
.
71. Le ministère de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation
apporte son parrainage à des actions visant à encourager le développement
des capacités entrepreneuriales des femmes ainsi que leur rôle de direction.
C’est là un intéressant exemple de bonnes pratiques. En 2010, le
ministère a décerné le premier prix d’excellence en innovation pour
les femmes rurales
.
72. Un progrès important dans la situation juridique des femmes
rurales a eu lieu en 2009, avec l’entrée en vigueur du décret royal
sur la propriété partagée. Ce décret établit les droits et obligations
découlant de la propriété partagée dans l’agriculture et met en
place des avantages dans des domaines tels que des indemnités de
sécurité sociale, un accès facilité à une assistance financière,
des avantages pour l’emploi des jeunes, etc.
.
4.7. Turquie
73. L’agriculture est une source d’emploi traditionnelle
pour les femmes turques. Ces dernières sont désavantagées dans les
secteurs de l’industrie et des services car elles ont un niveau
d’instruction inférieur, des qualifications professionnelles moins
bien ciblées ou des contraintes familiales et culturelles. 73 %
des femmes qui travaillent sont occupées à des activités agricoles,
contre 40 % des hommes.
74. Comparée à d’autres secteurs, l’agriculture emploie une plus
grande proportion de travailleurs analphabètes. Sur la période 1995-2006,
le taux global d’alphabétisation était de 88,1 % (96 % pour les hommes
et 80,1 % pour les femmes)
.
En 2008, le taux d’alphabétisation pour les femmes a augmenté à 86,91 %,
selon l’Institut statistique turc. Malgré cette amélioration, en
moyenne les trois quarts des hommes et la quasi-totalité des femmes
analphabètes font partie de la main-d’œuvre agricole. Lorsque le
niveau d’instruction augmente, tant les femmes que les hommes préfèrent
travailler dans d’autres secteurs de l’économie.
75. La part des femmes est très importante dans les activités
de stockage, entretien, vente et traitement, mais elles ne participent
pas, ou très peu, à la prise de décision à l’échelle de l’exploitation.
Cela est vrai y compris lorsque les femmes assument dans les faits
la responsabilité de l’exploitation, lorsque les hommes partent
en ville en quête de travail.
76. Environ 77 % des femmes travaillant dans le secteur agricole
le font dans des entreprises familiales sans être rémunérées. Malgré
leur contribution à l’agriculture, le rôle important qu’elles jouent
n’est pas bien reconnu: le travail des femmes dans les activités
rurales traditionnelles est souvent non rémunéré et n’est pas considéré
comme du travail mais comme un «mode de vie». Dans les familles
sans terres, la plupart des travailleurs saisonniers sont des femmes.
Ces deux catégories ne sont pas couvertes par le système de sécurité
sociale.
77. La plupart des villages ruraux ont un centre de soins ou un
établissement de santé qui assure les soins de santé primaires et
la prise en charge materno-infantile. Selon les autorités turques
elles-mêmes, cependant, ce système n’est pas suffisant en cas de
problèmes de santé graves, notamment en matière de santé reproductive
(complications de la grossesse, etc.)
.
78. En Turquie, les avortements à risque sont l’une des premières
causes de décès chez les femmes en âge de procréer. Malgré le caractère
libéral de la loi relative à l’avortement, le nombre d’interruptions volontaires
de grossesse (IVG) pratiquées dans le délai légal de dix semaines
a été nettement réduit par l’exigence de ce que l’intervention ne
soit effectuée que par un gynécologue ou sous sa supervision. Ce
facteur est particulièrement important dans la Turquie rurale, où
les médecins spécialistes (quelle que soit la spécialité) sont rares
ou inexistants. Dès lors, beaucoup de centres de soins ruraux non
dotés d’un spécialiste formé ne peuvent assurer cette prestation.
Une femme turque vivant en milieu rural et souhaitant bénéficier d’une
IVG dans les dix premières semaines de grossesse n’en aura donc
pas toujours la possibilité
.
79. La situation des femmes en milieu rural varie considérablement
d’une région à l’autre. Le projet d’aménagement rural le plus complet
à ce jour couvre le territoire le plus pauvre de Turquie. Il s’agit
du projet GAP de développement du Sud-Est anatolien, encore en cours
de réalisation. L’une des initiatives les plus innovatrices lancées
dans le cadre du GAP est la création des ÇATOM (en anglais «
multi-purpose community centres»),
conçus pour faciliter la participation des femmes au processus de
développement et dirigés par des femmes élues par les participantes
elles-mêmes
. Les principales
activités des ÇATOM sont notamment:
- des programmes courts de formation (alphabétisation, informatique,
anglais, économie familiale);
- des programmes portant sur l’hygiène, la santé materno-infantile,
les services médicaux essentiels;
- le renforcement des capacités en matière de gestion et
de direction;
- la formation à des activités génératrices de revenus (artisanat,
couture, coiffure, etc.).
80. En général, ces dernières années, le Gouvernement turc a fait
un grand effort pour améliorer la disponibilité d’assistance médicale
pour les femmes en milieu rural, y compris dans des zones reculées,
en mettant en place des structures dans lesquelles elles peuvent
accoucher et rester pour une certaine période après l’accouchement,
ainsi que des services d’hélicoptères pour les urgences. De la même
manière, des programmes spéciaux et des campagnes ont été menés
afin d’améliorer le taux d’alphabétisme, qui est fondamental pour
l’autonomisation des femmes
.
5. Le rôle de l’Union européenne
81. Grâce à son cadre juridique exhaustif et à la jurisprudence
de la Cour de justice de l’Union européenne sur la non-discrimination
fondée sur le sexe dans le domaine de l’emploi, l’Union européenne
a joué un grand rôle dans l’amélioration de la situation des femmes
en milieu rural dans ses Etats membres, y compris les pays d’Europe
de l’Est qui ont rejoint l’Union au cours des deux derniers cycles
d’adhésion. Il a de fait été demandé à ces pays de s’adapter à l’acquis
communautaire en la matière avant même leur adhésion officielle.
82. Dans les années 1990, l’Union européenne a, de plus, fait
un bond en avant dans le domaine de l’égalité entre les sexes en
s’engageant à appliquer une approche intégrée de l’égalité dans
toutes les politiques de l’Union, y compris dans le cadre des Fonds
structurels
. Le 2 décembre
1996, le Conseil de l’Union européenne a adopté une résolution concernant
l’intégration de la dimension de l’égalité des chances entre femmes
et hommes dans le cadre des Fonds structurels européens
, dans laquelle il invite les Etats
membres à tirer pleinement partie des possibilités existantes en
matière de programmation dans le cadre des différentes formes d’intervention
des Fonds structurels afin de promouvoir l’égalité des chances et
à examiner les possibilités de réorientation des programmes en fonction
des priorités établies, à savoir la lutte contre le chômage et pour
l’égalité des chances. Entre autres mesures, le Conseil a invité
la Commission à systématiser le recensement des exemples de bonnes
pratiques et la diffusion d’informations et d’expériences concernant ces
bonnes pratiques, et à faire le point chaque année, dans le cadre
de son rapport annuel sur les Fonds structurels, sur la mise en
œuvre de la résolution
.
83. Depuis, la dimension de l’égalité hommes-femmes a été systématiquement
prise en compte dans le cadre des Fonds structurels, y compris dans
le cadre de la Politique agricole commune, à toutes les étapes (elle
est explicitement mentionnée dans les objectifs des fonds, et doit
figurer dans la préparation des propositions de programme, dans
la gestion des programmes, dans le suivi et l’évaluation). Cette
approche intégrée est réitérée dans diverses réglementations, directives
et communications de l’Union européenne.
84. Au cours des vingt dernières années, l’Union européenne a
en outre mis en place plusieurs programmes financiers destinés à
favoriser l’application effective du principe de l’égalité entre
les sexes, notamment:
- l’initiative
NOW (New Opportunities for Women), qui vise à appuyer des activités
de formation et des projets de création d’emploi et d’aide aux entreprises,
notamment pour les femmes en milieu rural;
- l’initiative Leader+ (mise en œuvre dans le cadre de la
Politique agricole commune sur la période 2000-2006), axée sur la
création d’emplois pour les jeunes et pour les femmes dans les territoires
ruraux par le biais d’incitations au développement de nouvelles
activités et sources d’emploi;
- le programme Progress (2007-2013) pour l’emploi et la
solidarité, qui couvre des activités en matière de lutte contre
la discrimination, d’égalité hommes-femmes, d’emploi et de lutte
contre l’exclusion sociale.
85. La présidence espagnole du Conseil de l’Union européenne a
tout mis en œuvre pour faire avancer le programme d’action visant
à améliorer l’égalité entre les sexes en milieu rural. Elle s’est
ainsi énergiquement employée à promouvoir un certain nombre de manifestations
ayant un grand retentissement ainsi que des réunions officielles
et informelles
. Enfin,
elle a réussi à faire approuver une nouvelle directive concernant l’application
du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes exerçant
une activité indépendante (Directive 2010/41/EU), finalisée quelques
jours seulement après la fin de la présidence.
86. Ce texte abroge la Directive 86/613/CEE du Conseil, du 11
décembre 1986, sur l’application du principe de l’égalité de traitement
entre hommes et femmes exerçant une activité indépendante, y compris
une activité agricole, ainsi que sur la protection de la maternité
, comme cela
avait été demandé à maintes reprises par le Parlement européen
.
87. La Directive 2010/41 devrait être un texte qui fera date,
car il affirme pour la première fois le droit des femmes exerçant
une activité indépendante et des conjoints aidants des travailleurs
indépendants – c’est-à-dire la majorité des femmes travaillant en
milieu rural – à bénéficier d’un congé maternité et de prestations
de maternité, ainsi que le droit des conjoints aidants de travailleurs
indépendants de bénéficier d’une protection sociale autonome.
88. Cependant, il faut aussi rappeler que, même avant la Directive
2010/41, un certain nombre de pays membres de l’Union européenne,
tels que la Belgique, la France et l’Espagne, avaient reconnu le
statut de conjoints aidants dans l’agriculture, en leur garantissant
les mêmes droits que le propriétaire dans le domaine des droits
sociaux, de l’accès à l’assistance financière, etc.
6. Principaux domaines critiques et mesures pour
y faire face
89. Dans ce chapitre, je souhaite résumer les principaux
problèmes auxquels sont confrontées les femmes en milieu rural et
présenter quelques recommandations fondamentales, que je développe
en détail dans le projet de résolution, pour faire face à ces problèmes.
6.1. Conditions économiques
6.1.1. Revenu indépendant
90. Il a déjà été souligné que la grande majorité des
femmes employées dans des travaux agricoles travaillent dans l’exploitation
familiale; elles ne peuvent pas gagner de revenu monétaire indépendamment
de leur conjoint ou de leurs proches. Toutefois, étant donné que
les revenus provenant de l’exploitation agricole sont souvent insuffisants
pour couvrir les besoins de la famille, dans de nombreux pays européens
les femmes rurales exercent aussi une autre activité, habituellement
dans la ville voisine. L’absence de revenus monétaires crée souvent
une situation de dépendance.
6.1.1.1. Recommandations:
91. Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient
établir un registre des femmes et membres de la famille aidants;
ils devraient prévoir la déclaration de la copropriété dans les
documents juridiques et statistiques; ils devraient proposer ou
soutenir la formation professionnelle des femmes dans les régions rurales.
6.1.2. Droits de propriété et de succession
92. Même si les législations des Etats membres du Conseil
de l’Europe ont été remaniées afin d’éliminer les inégalités entre
les sexes en matière de droits de propriété et de succession, la
persistance des coutumes et des pratiques patriarcales altère souvent
la capacité des femmes de jouir de ces droits
.
93. Les obstacles les plus courants sont les suivants:
- au moment de l’enregistrement,
la personne considérée comme le «chef de famille» – en général,
le mari – est indiquée comme étant le propriétaire unique de l’exploitation
ou des terres;
- par conséquent, lorsque le propriétaire unique meurt,
sa femme partage la propriété avec les autres héritiers, sans avoir
le droit de la vendre ou de l’hypothéquer en tant que copropriétaire;
- dans le cadre de la succession, les terres ou l’exploitation
sont cédées aux héritiers masculins, considérés plus aptes à poursuivre
cette activité. Dans certains cas, les femmes laissent leur part d’héritage
aux héritiers masculins, pour la même raison.
94. Cette vulnérabilité des femmes à la discrimination dans l’accès
aux droits de propriété n’a pas été dûment prise en compte dans
le cadre de la réforme agraire, qui a eu lieu au cours des années
1990 dans les pays d’Europe centrale et orientale.
6.1.2.1. Recommandations:
95. Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient
mettre en place des campagnes de sensibilisation ainsi que des services
d’information afin de faire connaître leurs droits aux femmes en
milieu rural; ils devraient en outre empêcher l’application discriminatoire
du droit par les autorités, à tous les niveaux.
6.1.3. Garantir l’accès au crédit et aux autres financements
96. A l’évidence, l’accès limité des femmes rurales aux
droits de propriété se répercute aussi sur leur capacité d’obtenir
des prêts bancaires. Certains pays européens ont ouvert la marche
en introduisant des programmes spéciaux visant à aider les femmes
chefs d’entreprises à créer de nouvelles entreprises: en Norvège,
par exemple, les femmes sont les bénéficiaires d’environ 50 % de
l’aide publique au développement rural.
97. Cependant, la méconnaissance des possibilités de financements
et le manque d’assurance des femmes rurales dans la gestion des
procédures administratives nécessaires constituent un obstacle majeur.
6.1.3.1. Recommandations:
98. Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient
mettre en place des financements spécifiques visant à favoriser
l’emploi des femmes en milieu rural ainsi que leur esprit d’entreprise;
ils devraient diffuser des informations et promouvoir la formation
concernant les procédures permettant d’obtenir ces financements dans
les zones rurales ainsi que les subventions de l’Union européenne
ou d’autres organisations.
6.2. Conditions sociales
6.2.1. Sécurité sociale
99. Alors que les femmes propriétaires ou copropriétaires
d’exploitations agricoles bénéficient de la sécurité sociale en
tant que travailleuses indépendantes, la plupart des femmes en milieu
rural – en raison de leur statut de conjoint «aidant» – n’ont pas
droit à la sécurité sociale à titre personnel, mais sont considérées
comme des adultes à charge. Par conséquent, elles ne peuvent pas
généralement bénéficier de l’aide sociale, des congés de maternité
et des pensions de retraite, à moins que les législations nationales
ne le prévoient spécifiquement. Cette situation devrait changer
dans les Etats membres de l’Union européenne à la suite de l’entrée
en vigueur de la Directive 2010/41, évoquée ci-dessus.
6.2.1.1. Recommandations:
100. L’Union européenne devrait suivre de près la mise
en œuvre de la Directive 2010/41 dans ses Etats membres; les Etats
non membres de l’Union européenne devraient prévoir des dispositions
juridiques concernant la situation des conjoints aidants et reconnaître
le droit aux congés et aux allocations de maternité ainsi que le
droit à une protection sociale indépendante aux conjoints aidants
de travailleurs indépendants.
6.2.2. Conditions de travail
101. Les femmes employées dans l’agriculture peuvent être
exposées aux mêmes risques et dangers que les travailleurs masculins,
mais elles sont, en outre, confrontées à d’autres risques, notamment
en matière de santé reproductive, ceux causés par les pesticides
et les produits phytosanitaires.
102. Le fait que les conjoints collaborateurs n’entrent pas habituellement
dans le champ d’application de la législation en matière de sécurité
et de santé est une source d’inquiétude particulière. Certains Etats
membres du Conseil de l’Europe, comme le Royaume-Uni, ont décidé
de considérer ces travailleurs agricoles comme des employés, aux
fins des règlements de sécurité et d’hygiène, et ont pris en charge
ce problème dans le cadre d’orientations sectorielles.
6.2.2.1. Recommandations:
103. Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient
améliorer les conditions de travail des femmes et des hommes dans
l’agriculture et garantir une approche respectueuse de la différence
entre les hommes et les femmes dans l’évaluation des risques et
la prévention des dangers pour la santé des travailleurs agricoles. Une
attention particulière devrait être accordée à la situation des
femmes enceintes et des mères qui allaitent.
6.2.3. Manque de services, notamment les services de
santé et d’aide maternelle
104. Malgré les différences régionales, les zones rurales
dans l’ensemble des pays du Conseil de l’Europe souffrent d’une
disponibilité limitée de services en matière d’aide maternelle,
d’hôpitaux et de prise en charge des personnes âgées et handicapées,
ainsi que de santé sexuelle et reproductive et de planification
familiale. Dans certaines régions reculées, il existe une différence
marquée entre le nombre de naissances vivantes par femme dans les
zones rurales et celui dans les zones urbaines, différence également
attribuable au fait que les femmes dans les zones rurales tendent
à avoir davantage d’enfants; il en va de même pour le taux de mortalité
maternelle liée à l’accouchement.
105. L’absence de routes et de réseaux de transport efficaces renforce
l’isolement des femmes et des jeunes filles en milieu rural, limite
leurs possibilités de recevoir une éducation et de trouver un emploi
hors de leur foyer et aggrave les contraintes liées à la conciliation
entre travail agricole et obligations familiales.
6.2.3.1. Recommandations:
106. Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient
équiper les zones rurales de services de transport suffisants et
de bonne qualité et leur fournir des services médicaux et de prise
en charge, notamment en matière de santé reproductive et de planification
familiale; ils devraient envisager la création d’unités sanitaires mobiles,
encourager la mise en place de connexions internet ainsi que l’offre
de formation en informatique et promouvoir le télétravail.
6.3. Association et coopération
107. La participation des femmes dans les associations
et les clubs – et, d’une manière générale, leur place dans les sociétés
rurales –, bien qu’en augmentation, reste faible. L’Association
mondiale des femmes rurales (ACWW) est un réseau d’associations
de femmes présent dans 70 pays et comprenant 9 millions de membres individuels.
La plus importante au sein de ce réseau est l’association allemande
Landfrauenverband(Association
de femmes en milieu rural), qui est aussi la plus grande association
de femmes en Europe et compte un demi-million de membres. D’autres
associations d’envergure existent dans les pays qui ont un long passé
lié aux syndicats et aux organisations non gouvernementales, comme
l’Italie, la France, l’Espagne et la Fédération de Russie.
108. A l’échelon international, la coopération et les échanges
de bonnes pratiques sont limités, surtout en dehors de l’Union européenne.
Le Groupe de travail permanent sur le développement rural régional
en Europe du Sud-Est (RRD SWG)
,
organisation internationale, dont le siège est à Skopje et qui assure
la liaison entre les institutions publiques chargées du développement
rural en Albanie, en Bosnie-Herzégovine et dans ses Etats fédéraux
(Bosnie-Herzégovine et Republika Srpska), en Bulgarie, au Monténégro,
en Roumanie, en Serbie, au Kosovo
, en Slovénie et dans «l’ex-République
yougoslave de Macédoine», est un exemple intéressant. Fondé en 2005,
cet organisme encourage l’agriculture durable et le développement
rural en Europe du Sud-Est en promouvant la coopération horizontale
entre les institutions des pays et des territoires membres. Ses
activités comprennent non seulement l’échange de données statistiques,
la protection et la promotion du patrimoine culturel et de l’environnement
durable, mais aussi la promotion de l’égalité entre les femmes et
les hommes et de l’autonomisation des femmes dans les zones rurales.
6.3.1. Recommandations:
109. Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient
encourager la mise en place d’associations de femmes rurales et
les faire participer à l’élaboration des politiques les concernant;
ils devraient promouvoir les échanges d’informations et de bonnes
pratiques entre ces associations, à l’échelon international; ils
devraient établir des mécanismes régionaux afin de promouvoir l’autonomisation
économique des femmes.
6.4. Vulnérabilité à la violence et à la traite
110. En raison d’une situation complexe due à l’isolement,
à la pauvreté, aux mentalités traditionnelles, au manque de connaissances
et à l’exécution des lois, les femmes sont particulièrement exposées
aux risques de violence, notamment les crimes dits «d’honneur»
et la violence
domestique. Malheureusement, le manque d’indépendance économique
des femmes les rend plus prédisposées à accepter une relation violente, étant
donné qu’elles ne disposent d’aucun autre moyen leur permettant
d’assurer leur subsistance et celle de leurs enfants. La violence
contre les femmes, notamment au sein de la famille, est un crime
répandu mais largement non déclaré: les femmes ne sont pas encouragées
à rechercher des solutions légales pour s’y opposer; elles sont,
en fait, soumises à une forte pression sociale visant à leur faire
accepter cette violence comme une «réalité de la vie»
.
111. Dans le même ordre d’idées, les conditions spécifiques des
régions reculées (notamment la pauvreté, l’ignorance et le manque
de services) rendent les jeunes femmes plus vulnérables à la traite
des êtres humains et font en sorte, de surcroît, qu’il leur est
pratiquement impossible de se réinsérer dans la société à leur retour, volontaire
ou forcé. L’exclusion sociale due au discrédit causé par la prostitution,
le manque de perspectives économiques ainsi que l’absence de services
sociaux et de programmes de réinsertion condamnent souvent les victimes
de la traite à sombrer à nouveau dans la prostitution.
6.4.1. Recommandations:
112. Les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient
mettre en place des cadres juridiques de qualité pour faire face
aux phénomènes de la traite des êtres humains et de la violence
contre les femmes, sous toutes ses formes, qui constituent une grave
violation des droits de l’homme; ils devraient veiller à leur mise
en œuvre rigoureuse; ils devraient promouvoir l’organisation de
campagnes d’information afin de donner aux femmes rurales les moyens
de mieux connaître leurs droits ainsi que les dangers qu’elles courent;
ils devraient s’attaquer aux causes profondes de la traite des êtres
humains, notamment la pauvreté et le manque d’opportunités de travail.
7. Conclusions
113. Au cours de l’audition sur la question des femmes
rurales, organisée en mars 2010 par la commission sur l’égalité
des chances pour les femmes et les hommes, j’ai été particulièrement
impressionnée par l’exposé de Mme Merja Siltanen, présidente pour
l’Europe de l’Association mondiale des femmes rurales (ACWW), notamment
lorsqu’elle a déclaré qu’il n’existait qu’un seul moyen pour garantir
l’égalité des chances aux femmes rurales: la législation, la législation…
la législation, encore et toujours.
114. Mme Siltanen souhaitait, non sans raison, provoquer son auditoire
et elle a trouvé un public adapté: en tant que législateurs, les
parlementaires ont pour premier devoir et pour responsabilité de
porter cette question à l’attention de leur parlement et de commencer
à élaborer une législation dans ce domaine. Cependant, n’importe
quel type de législation ne convient pas:
- elle doit être spécifique – et porter sur la situation
des femmes en milieu rural en tant que groupe particulièrement vulnérable
à l’exclusion socio-économique et susceptible de subir une violation
de ses droits;
- elle doit reposer sur une approche intégrée de l’égalité
entre les femmes et les hommes, c’est-à-dire qu’elle doit prendre
en compte les différentes répercussions que peuvent avoir les mesures
sur les femmes et les hommes, et faire directement participer les
femmes à son élaboration, sa mise en œuvre et son évaluation.
115. J’espère que ce rapport contribuera utilement à la présentation
d’exemples de bonnes pratiques concernant la prise en compte des
questions de différences entre les sexes dans le cadre des politiques agricoles,
et fournira une source d’inspiration aux membres de l’Assemblée
et aux gouvernements des Etats membres du Conseil de l’Europe.
116. Toutefois, même lorsqu’une législation convenable est adoptée,
il reste un redoutable défi à relever: faire évoluer la mentalité
patriarcale, qui place les femmes et les hommes dans des rôles stéréotypés
et confine les femmes, en particulier dans les zones rurales, dans
une position de subordination et d’infériorité, dans leur vie privée
comme dans leur vie publique. Malheureusement, l’expérience d’un
certain nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe montre que
l’impact d’une législation évoluée peut être anéanti par les coutumes
et les traditions de la collectivité.
117. Je pense que la meilleure contribution que le Conseil de l’Europe
puisse offrir, en tant qu’organisation internationale, pour améliorer
la situation des femmes en milieu rural et garantir leur pleine
autonomisation, consiste à veiller à ce que la tradition ne l’emporte
jamais sur le droit.