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Rapport | Doc. 12539 | 21 mars 2011

Problèmes liés à l'arrivée, au séjour et au retour d'enfants non accompagnés en Europe

Commission des migrations, des réfugiés et de la population

Rapporteure : Mme Mailis REPS, Estonie, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Doc. 11605, Renvoi 3460 du 23 juin 2008. 2011 - Deuxième partie de session

Résumé

Les statistiques sont lacunaires mais on estime à près de 100 000 le nombre d’enfants migrants non accompagnés en Europe, en majorité des garçons de 14 à 17 ans. Ils viennent pour des raisons multiples et complexes, au premier rang desquelles figure le désir d’échapper à la guerre, à la violence ou à l’extrême pauvreté. Toutefois, il est manifeste qu’une fois arrivés en Europe ils sont traités différemment d’un pays à l’autre. Dans de nombreux cas – malgré les engagements pris par l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe, notamment au titre de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant –, ils sont exposés à de mauvais traitements et à la négligence ou deviennent victimes de la traite et d’autres réseaux criminels.

Selon la commission des migrations, des réfugiés et de la population, il faut que la protection de ces enfants, plutôt que le contrôle de l’immigration, soit le point de départ des politiques européennes qui doivent avant tout prendre en considération l’intérêt supérieur de l’enfant. Aucun enfant non accompagné ne doit être privé de l’accès au territoire, ni refoulé par une procédure sommaire; l’enfant doit être placé immédiatement sous la responsabilité d’un tuteur légal indépendant et bénéficier d’une assistance spéciale correspondant à son âge. Il ne doit jamais être maintenu en rétention mais doit être pris en charge de manière appropriée, et faire, de préférence, l’objet d’un placement dans une famille. S’il est hébergé dans un centre, il doit être séparé des adultes. La détermination de l’âge ne doit être effectuée que si la mesure s’impose et, en cas d’incertitude, il convient d’accorder le bénéfice du doute à l’intéressé.

La recherche d’une solution durable doit être l’objectif ultime dès le premier contact et il s’agira notamment de tenter de retrouver, à la demande de l’enfant, des membres de sa famille. La solution en question peut être son intégration dans le pays d’accueil, le regroupement familial dans un pays tiers ou le retour et la réinsertion dans le pays d’origine. Il convient d’élaborer pour chaque enfant un «projet de vie» individuel – comme le Comité des Ministres l’a recommandé en 2007 (Recommandation CM/Rec(2007)9) – et de lui accorder un statut qui lui permette de séjourner légalement dans le pays d’accueil jusqu’à la mise en œuvre dudit projet de vie. Les enfants migrants non accompagnés devraient bénéficier d’un accès à l’éducation, à la formation professionnelle et à des soins de santé sur un pied d’égalité avec les enfants ressortissants du pays d’accueil. Le retour dans le pays d’origine ne doit être envisagé que s’il est dans l’intérêt supérieur de l’enfant, lorsque ce dernier peut bénéficier d’une prise en charge sûre, connue à l’avance, notamment dans les cas où aucun parent ni membre de la famille élargie n’est retrouvé.

La commission propose une série de 15 principes communs que les Etats membres sont invités à mettre en pratique lorsqu’ils traitent les cas d’enfants migrants non accompagnés. Pour sa part, le Comité des Ministres devrait créer un groupe de travail afin d’établir, à l’intention des Etats membres, des lignes directrices fondées sur ces principes.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 25 janvier
2011.

(open)
1. Il y a une prise de conscience croissante de la nécessité de s’occuper des problèmes auxquels sont confrontés les enfants migrants non accompagnés qui arrivent et qui restent en Europe. Il pourrait y en avoir jusqu’à 100 000, bien qu’on ne dispose guère de données fiables sur les flux de ces jeunes, hormis les statistiques de demandes d’asile. Ces enfants, essentiellement des garçons âgés de 14 à 17 ans, arrivent en Europe pour des raisons multiples et complexes. Cependant, une fois sur place, leurs chances d’être protégés et assistés varient fondamentalement d’un pays à l’autre, ce qui crée des disparités de traitement et des différences d’interprétation quant à leur intérêt supérieur. Dans bien des cas, ils sont dans une situation de vulnérabilité extrême, sont exposés à des mauvais traitements et à la négligence et peuvent devenir victimes de la traite et de réseaux criminels.
2. L’Assemblée parlementaire rappelle qu’au titre de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, ratifiée par tous les Etats membres du Conseil de l’Europe, il existe un devoir particulier de protection et d’assistance envers l’ensemble des enfants non accompagnés quels que soient leur nationalité, leur statut d’immigré ou leur apatridie. L’application à ces enfants de la réglementation relative à l’immigration et à l’asile doit se baser sur cette obligation et s’inscrire dans cette perspective.
3. L’Assemblée a déjà exprimé ces préoccupations dans sa Recommandation 1596 (2003) et sa Recommandation 1703 (2005), qui préconisaient, entre autres, la reconnaissance du caractère contraignant de l’intérêt supérieur de l’enfant comme considération primordiale dans toutes les actions entreprises, l’harmonisation des droits nationaux sur la tutelle légale et la mise en place de régimes de protection cohérents et efficaces pour les enfants demandeurs d’asile ou victimes de la traite. Malheureusement, la situation n’a guère progressé sur ces points.
4. A cet égard, l’Assemblée salue la décision de l’Union européenne, dans son Programme de Stockholm 2010–2014, de faire des mineurs non accompagnés une question politique prioritaire et l’adoption d’un Plan d’action de l’Union européenne pour les mineurs non accompagnés. Toutefois, elle souligne qu’il est nécessaire de mettre en œuvre ce plan d’action de façon à respecter pleinement la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant.
5. L’Assemblée est convaincue que la protection des enfants, et non le contrôle de l’immigration, doit être le principe moteur des Etats à l’égard des enfants non accompagnés. Dans cet esprit, elle définit l’ensemble des 15 principes communs suivants que les Etats membres sont invités à observer et à mettre en pratique en œuvrant de concert:
5.1. Les enfants non accompagnés doivent être traités avant tout comme des enfants et non comme des migrants;
5.2. L’intérêt supérieur de l’enfant doit primer dans toutes les décisions prises à son égard quel que soit son statut au regard de la réglementation sur l’immigration ou sur le séjour;
5.3. Aucun enfant ne doit être privé de l’accès au territoire ni refoulé par une procédure sommaire à la frontière d’un Etat membre. Il convient de l’orienter immédiatement vers les services spécialisés qui pourront lui octroyer une assistance et une prise en charge afin de vérifier s’il est mineur, de préciser les circonstances individuelles de son cas, de déterminer ses besoins de protection et de trouver finalement une solution durable dans son intérêt supérieur;
5.4. L’identification, l’accueil et la protection des enfants victimes de la traite des êtres humains doivent se faire selon des procédures particulières qui doivent être adaptées à leurs besoins et assurer leur protection, conformément aux Conventions du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains (STCE no 197) et sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels (STCE no 201);
5.5. Tout enfant non accompagné doit être placé immédiatement sous la responsabilité d’un tuteur légal mandaté pour sauvegarder son intérêt supérieur. Le tuteur doit être indépendant et avoir les connaissances nécessaires en matière de prise en charge d’enfants. Chaque tuteur doit suivre une formation régulière et être soumis à des contrôles/suivis périodiques;
5.6. Une assistance juridique, sociale et psychologique doit être offerte sans délai aux enfants non accompagnés. Il convient de les informer immédiatement après leur arrivée ou leur interpellation, de façon individuelle et dans une langue et sous une forme qu’ils puissent comprendre, de leur droit d’être protégés, d’être assistés et de demander l’asile ou d’autres formes de protection internationale, ainsi que des procédures nécessaires et de leurs conséquences.
5.7. Les enfants non accompagnés doivent être interrogés individuellement sur leur identité personnelle et leurs antécédents par un personnel spécialisé et bien formé, en présence de leur tuteur;
5.8. L’accès aux procédures d’asile et de protection internationale doit être garanti si besoin à l’ensemble des enfants non accompagnés. Il convient de mettre en place un système d’asile harmonisé axé sur l’enfant, qui intègre des procédures prenant en considération les difficultés supplémentaires rencontrées par les enfants pour surmonter leurs traumatismes, exprimer de façon cohérente ce qu’ils ont vécu et leurs expériences de persécution spécifique aux enfants. Les demandes d’asile déposées par les enfants non accompagnés doivent être considérées comme prioritaires et traitées dans le délai approprié le plus court possible tout en leur laissant suffisamment de temps pour comprendre le processus et s’y préparer. Outre le tuteur, les enfants non accompagnés doivent tous être représentés dans les procédures d’asile par un avocat mis à leur disposition gratuitement par l’Etat;
5.9. La rétention d’enfants non accompagnés pour des motifs liés à la migration ne saurait être tolérée. Elle doit être remplacée par des dispositions appropriées de prise en charge, de préférence le placement dans une famille, de manière à assurer aux enfants des conditions de vie appropriées à leurs besoins pendant le laps de temps nécessaire. S’ils sont hébergés dans des centres, ils doivent être séparés des adultes;
5.10. La détermination de l’âge doit être uniquement entreprise en cas de doutes raisonnables laissant penser que la personne n’est pas mineure. Cette démarche doit être fondée sur la présomption de minorité par une autorité indépendante qui procédera dans un certain délai à une évaluation multidisciplinaire. Elle ne peut reposer uniquement sur un avis médical. Les examens doivent seulement être réalisés avec l’accord de l’enfant ou de son tuteur. Ils ne doivent pas être intrusifs ou contraires aux règles d’éthique médicale, et leur marge d’erreur doit être clairement indiquée. Si la minorité de l’intéressé reste incertaine, celui-ci doit avoir le bénéfice du doute. Les décisions liées à l’évaluation doivent être susceptibles de recours administratifs ou judiciaires;
5.11. Dans toutes les procédures pertinentes, il convient d’écouter et d’accorder toute sa place au point de vue de l’enfant selon son âge et sa maturité. L’enfant non accompagné doit avoir accès à une procédure de recours effective contre les décisions administratives et judiciaires;
5.12. La recherche d’une solution durable doit être l’objectif ultime dès le premier contact avec l’enfant non accompagné. Il s’agira notamment de rechercher, à la demande de l’enfant ou de son tuteur, des membres de sa famille, de procéder à une évaluation individualisée de l’intérêt supérieur de l’enfant, en étudiant sur un pied d’égalité toutes les options possibles de solution durable. Cette dernière peut être l’intégration de l’enfant dans le pays d’accueil, le regroupement familial dans un pays tiers ou le retour et la réinsertion dans le pays d’origine. Il importe que les pouvoirs publics, le tuteur légal et l’enfant intéressé définissent conjointement un projet de vie individuel et que ce dernier bénéficie d’un suivi tout au long de sa mise en œuvre, conformément à la Recommandation CM/Rec(2007)9 du Comité des Ministres. Tant qu’une solution durable n’aura pas été arrêtée, l’enfant doit disposer d’un statut qui lui permette de séjourner légalement dans le pays d’accueil. Ce statut doit rester valide pendant toute la durée du projet de vie réalisé dans le pays d’accueil, même si le projet se prolonge après la majorité;
5.13. L’accès à un hébergement approprié, à l’éducation, à la formation professionnelle et à des soins de santé doit être garanti à tous les enfants non accompagnés quel que soit leur statut de migrant, dans les mêmes conditions que les enfants ressortissants du pays d’accueil;
5.14. Les possibilités de regroupement familial doivent être étendues au-delà du pays d’origine et envisagées dans une perspective humanitaire en examinant les relations de famille au sens large dans le pays d’accueil et dans des pays tiers, en se fondant sur le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Le Règlement de Dublin II ne doit être appliqué à un enfant non accompagné que si le transfert vers un pays tiers répond à son intérêt supérieur;
5.15. L’intérêt supérieur de l’enfant doit être pris en compte dans toutes les étapes qui conduisent à son retour dans son pays d’origine. Le retour ne doit pas être envisagé s’il fait courir à l’enfant le risque de voir ses droits fondamentaux violés. Lorsqu’aucun parent ou membre de la famille élargie n’est retrouvé, le retour doit seulement être décidé si l’enfant peut bénéficier d’une prise en charge convenue à l’avance, sûre, concrète et adaptée, assortie de mesures de réinsertion dans le pays d’origine. Le retour en institution ne peut en soi être considéré comme une solution durable. Il appartient à un organe professionnel de la protection de l’enfance d’évaluer les conditions de retour. Un plan de suivi doit être élaboré pour s’assurer de la protection de l’enfant après son retour. Les arguments étrangers aux droits de l’homme comme ceux qui ont trait à la maîtrise générale des migrations, ne sauraient primer sur les considérations liées à l’intérêt supérieur de l’enfant quand des retours sont envisagés. Les retours dans des pays où la sécurité, la protection – y compris contre le refoulement – et le bien-être de l’enfant ne peuvent être garantis ne doivent pas être envisagés.
6. L’Assemblée invite l’Union européenne en particulier:
6.1. à favoriser la pleine mise en œuvre du Plan d’action de l’Union européenne pour les mineurs non accompagnés, conformément à la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant;
6.2. à envisager de proposer de nouvelles normes législatives pour combler les lacunes existantes concernant la protection en droit communautaire de l’ensemble des enfants non accompagnés, qu’ils demandent l’asile ou non;
6.3. à élaborer une méthode harmonisée de collecte des données pertinentes sur les enfants non accompagnés dans toute l’Europe pour permettre une comparaison réelle au niveau européen, tout en veillant à ce que les données à caractère personnel soient protégées; à soutenir les institutions indépendantes nationales, capables de collecter les données et de constituer un centre de ressources approprié portant sur tous les domaines liés à la situation des enfants non accompagnés;
6.4. à adopter et à mettre en œuvre des normes communes et des garanties procédurales sur la tutelle et l’aide juridique de l’ensemble des enfants non accompagnés pour faire en sorte que leurs intérêts et leurs besoins de protection soient préservés tout au long des procédures administratives et judiciaires;
6.5. à soutenir l’adoption d’un protocole commun pour réaliser les déterminations de l’âge dans le plein respect de principes éthiques, médicaux et juridiques afin de trouver un équilibre entre les approches et pratiques divergentes actuelles;
6.6. à continuer d’œuvrer en faveur de la création d’un système harmonisé d’asile pour les mineurs non accompagnés dans le cadre de la directive révisée sur l’asile, ainsi que d’un système harmonisé d’assistance et de protection des enfants victimes de la traite dans le cadre des instruments communautaires relatifs à l’asile et à la traite actuellement en cours de révision; à garantir le respect, par l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne, des obligations qui leur incombent au titre du droit communautaire concernant les enfants non accompagnés;
6.7. à améliorer les mécanismes transnationaux de protection de l’enfance, sachant que des enfants non accompagnés se déplacent dans toute l’Europe, notamment quand ils disparaissent des centres d’accueil;
6.8. à s’abstenir de soutenir ou de financer la construction de structures d’accueil, aux fins de renvoyer les enfants dans les pays d’origine qui ne disposent pas de système adéquat de protection de l’enfance offrant des garanties suffisantes et fonctionnant de façon transparente; à veiller à ce qu’en aucun cas, l’existence de tels centres n’empêche la prise de décisions au cas par cas quant à savoir si le retour est ou non dans l’intérêt supérieur de l’enfant;
6.9. à soutenir davantage les pays d’origine dans leurs efforts visant à encourager les systèmes de protection de l’enfance et donner à tous les enfants des perspectives d’avenir afin de réduire le risque de migrations périlleuses et inutiles; à assurer une coopération avec les pays d’origine afin d’évaluer la situation de l’enfant et de trouver une solution durable au cas par cas;
6.10. à favoriser des bonnes pratiques de processus de retour dans toute l’Europe, y compris la coopération avec des pays tiers, pour assurer une aide appropriée à la réinsertion;
6.11. à assurer une bonne insertion des enfants non accompagnés dans le pays d’accueil lorsque cette option a été jugée conforme à leur intérêt supérieur.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 25 janvier
2011.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à sa Résolution … (2011) sur les problèmes liés à l’arrivée, au séjour et au retour d’enfants non accompagnés en Europe.
2. Elle rappelle le rôle déterminant joué par le Conseil de l’Europe dans le renforcement de la visibilité des droits et de la protection de l’enfance lors des discussions relatives aux politiques migratoires menées en Europe, et dans l’élaboration d’outils pratiques pour répondre à la situation d’enfants non accompagnés, notamment des projets de vie pour les migrants mineurs non accompagnés (Recommandation CM/Rec(2007)9 du Comité des Ministres), instruments uniques en leur genre pour offrir des solutions judicieuses et durables aux enfants non accompagnés.
3. L’Assemblée estime que le Conseil de l’Europe devrait continuer de jouer un rôle prééminent en contribuant à créer un système de protection viable et harmonisé à l’échelle de l’Europe pour les enfants non accompagnés. A cet égard, le Conseil de l’Europe devrait collaborer étroitement avec la Commission européenne afin de contribuer à la mise en œuvre du Plan d’action de l’Union européenne pour les mineurs non accompagnés et d’identifier et combler davantage les lacunes qui nuisent à la protection de ce groupe vulnérable. Le Conseil de l’Europe devrait par ailleurs œuvrer avec d’autres institutions communautaires compétentes à l’harmonisation des systèmes de collecte des données et des procédures d’asile applicables aux enfants non accompagnés en Europe.
4. Compte tenu de ce qui précède, l’Assemblée invite le Comité des Ministres:
4.1. à prendre note des recommandations de l’Assemblée aux Etats membres énoncées dans la résolution précitée et à exhorter les Etats membres à s’y conformer;
4.2. à demander instamment aux Etats membres de se conformer à l’Observation générale no 6 du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, aux grandes orientations adoptées à cet égard par le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR), l’UNICEF, Save the Children, le Programme en faveur des enfants séparés en Europe (PESE) et d’autres organisations internationales, notamment les Principes directeurs du HCR (de 2008) relatifs à la détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant, les Lignes directrices de 2009 du HCR sur la protection des enfants demandeurs d’asile et la quatrième version de la Déclaration de bonne pratique du PESE;
4.3. à charger l’instance compétente du Conseil de l’Europe de créer un groupe de travail comprenant des experts gouvernementaux, des membres de la société civile, et des représentants d’organisations internationales concernées et d’organes du Conseil pour approfondir les 15 principes communs, tels que présentés dans la Résolution…, afin d’élaborer des principes directeurs sur la protection d’enfants non accompagnés;
4.4. à incorporer pleinement les questions liées aux enfants non accompagnés dans le projet transversal «Construire une Europe pour et avec les enfants»; à contribuer dans ce contexte à l’élaboration de lignes directrices communes sur l’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant, sur la tutelle légale des enfants non accompagnés, la détermination de l’âge et sur le recours à une justice adaptée aux enfants dans le cas des enfants non accompagnés;
4.5. à dégager les ressources nécessaires afin de mettre en œuvre les projets de vie pour les mineurs non accompagnés, qui sont des instruments précieux permettant de trouver des solutions durables pour eux; à désigner un interlocuteur unique au sein du Conseil de l’Europe pour assurer la coordination et le suivi du problème des enfants non accompagnés dans l’ensemble des Etats membres de l’Organisation;
4.6. à encourager les Etats membres à soumettre des projets à la Banque de développement du Conseil de l’Europe afin de financer ou cofinancer des projets de vie pour les enfants non accompagnés.

C. Exposé des motifs, par Mme Reps, rapporteuse

(open)

1. Introduction

1. L’Europe abriterait en permanence près de 100 000 enfants migrants non accompagnés, principalement dans les pays de l’Union européenne. Un grand nombre de ces enfants ont fui la guerre, la violence ou la pauvreté extrême dans leur pays d’origine; certains ont été victimes de la traite vers l’Europe, d’autres sont envoyés par leurs parents, d’autres encore viennent pour des motivations diverses. Quelles que soient les raisons de leur fuite, une fois en Europe, trop de ces mineurs restent sans assistance et protection adaptées.
2. Il est évident que l’Europe n’a pas la capacité d’absorber tous les migrants en quête d’une vie meilleure. Il est souvent dans l’intérêt supérieur de l’enfant qu’il n’ait pas à quitter son pays. Néanmoins, une fois que des enfants se retrouvent non accompagnés sur le territoire d’Etats membres du Conseil de l’Europe, ces derniers sont tenus de leur offrir une assistance et une protection adéquates et adaptées à leur âge, quel que soit leur statut d’immigré et qu’ils demandent ou non l’asile 
			(3) 
			On ne peut que constater
que la majorité des enfants non accompagnés en déplacement ne déposent
jamais une demande d’asile, parce qu’ils ne le souhaitent pas, qu’ils
ont peur de le faire, qu’ils ne savent pas comment procéder ou parce
que des raisons pratiques ou des obstacles juridiques les en empêchent..
3. Le problème n’est pas nouveau. Ces dix dernières années, de nombreuses recommandations ont été publiées, y compris par le Conseil de l’Europe 
			(4) 
			L’Assemblée a adopté deux recommandations:
la Recommandation 1596 (2003) sur
la situation des jeunes migrants en Europe, et la Recommandation 1703 (2005) sur
la protection et l’assistance pour les enfants séparés demandeurs d’asile.
Depuis 2007, le Conseil de l’Europe a engagé un programme d’action
transversal «Construire une Europe pour et avec les enfants» afin
d’intégrer la perspective des droits de l’enfant dans toutes ses
activités. En 2007, le Comité des Ministres a adopté la Recommandation CM/Rec(2007)9
sur les projets de vie en faveur des mineurs migrants non accompagnés,
qui offre le concept d’une solution durable au problème. Le Commissaire
aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe s’est exprimé à plusieurs
reprises sur les droits des mineurs non accompagnés.. Pourtant, dans la pratique, plusieurs gouvernements européens continuent de prêter une attention insuffisante aux vulnérabilités des enfants non accompagnés et à leurs besoins, et ont en outre des positions divergentes quant à leur intérêt supérieur. Dans certains pays, les enfants non accompagnés sont traités comme des migrants en situation irrégulière qui doivent être rapatriés; seul un faible pourcentage d’entre eux reçoit le statut de réfugié ou une forme de statut plus régulier 
			(5) 
			Le Haut-Commissariat des Nations Unies
pour les réfugiés (HCR) estime que seuls 1 % à 3 % des enfants non accompagnés
se voient accorder le statut de réfugié, contre une moyenne générale
de 13 % à 15 % pour les demandeurs d’asile en Europe de l’Ouest.
Et malgré cela, le nombre de demandes d’asile déposées par des enfants
non accompagnés a augmenté de 13 % entre 2008 et 2009 dans 22 Etats
membres de l’Union européenne. . Ils se retrouvent souvent en situation de détention prolongée, sont enregistrés comme étant des adultes du fait de tests d’évaluation de l’âge peu fiables, rencontrent des obstacles bureaucratiques qui entravent leur accès à l’éducation et aux soins de santé, et ont de moins en moins de chances d’obtenir un permis de séjour régulier une fois parvenus à l’âge adulte. De plus, ce sont des victimes faciles de la violence, de la traite et de l’exploitation.
4. Jusqu’à récemment, le problème touchait surtout l’Europe de l’Ouest et du Nord. C’est aujourd’hui l’Europe du Sud qui subit de plein fouet l’arrivée d’enfants non accompagnés dans le cadre des flux de migration mixte, et le phénomène affecte progressivement de nouveaux membres de l’Union européenne et certains pays traditionnels d’émigration situés hors de l’Union européenne. Le manque de prise de conscience du problème et l’insuffisance des normes de protection qui en découle dans de nombreuses parties de l’Europe placent les enfants non accompagnés en situation de vulnérabilité extrême, ce qui renforce la nécessité pour les Etats membres du Conseil de l’Europe de réagir rapidement.
5. Le fait que l’Union européenne ait placé au premier rang de ses priorités la question des mineurs non accompagnés dans sa stratégie quinquennale 2010-2014 sur l’immigration et l’asile (communément appelée «Programme de Stockholm»), et qu’elle ait récemment adopté un Plan d’action pour les mineurs non accompagnés, souligne la nécessité d’élaborer une réponse politique appropriée dans toute l’Europe.
6. Le présent rapport identifie certains domaines problématiques que votre rapporteuse considère comme particulièrement préoccupants pour les Etats membres, ou pour lesquels elle estime que le Conseil de l’Europe possède les compétences requises ou complémentaires pour contribuer au débat international actuellement mené sur ce thème. Il met également en avant certaines solutions durables potentielles et souligne la manière dont les Etats membres devraient s’y prendre pour parvenir à les mettre en place.
7. Le rapport s’appuie largement sur les récentes publications réalisées sur le sujet par différents organes de l’Union européenne, le Conseil de l’Europe, l’ONU, l’Organisation internationale pour les migrations (OIM), Human Rights Watch (HWR), la Plate-forme pour la coopération internationale sur les sans-papiers (PICUM), Save the Children, ainsi que sur les informations réunies lors de l’audition organisée par la commission des migrations, des réfugiés et de la population le 12 décembre 2008 à Las Palmas (Grande Canarie, Espagne) et d’une récente conférence intitulée «Mineurs isolés étrangers: vers quelle protection européenne?», organisée conjointement par le Conseil de l’Europe et France terre d’asile à Strasbourg, France.
8. Dans le cadre de la préparation du rapport, la rapporteuse s’est rendue dans un centre d’urgence pour mineurs étrangers non accompagnés dans les îles Canaries (DEAMENAC, Grande Canarie) et s’est entretenue avec le Service de l’immigration et de la naturalisation de l’aéroport de Schiphol ainsi qu’avec des représentants du Conseil néerlandais des réfugiés, de la fondation Nidos, de l’organisation Defence for Children et de Samah à Amsterdam, Pays-Bas. Elle a également adressé un questionnaire aux parlements nationaux des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe. Elle exprime ses remerciements aux 21 Etats membres et deux Etats observateurs qui ont répondu. Elle regrette néanmoins que la quasi-totalité des réponses ne soit provenue que d’Etats membres de l’Union européenne, ce qui témoigne de la faible prise de conscience du problème dans les pays extérieurs à l’Union européenne, et souligne une nouvelle fois la nécessité de mesurer l’enjeu de ces questions et d’échanger les bonnes pratiques entre tous les Etats membres du Conseil de l’Europe.

2. Situation actuelle des enfants non accompagnés en Europe

9. Les enfants migrants non accompagnés (plus couramment appelés «mineurs non accompagnés» 
			(6) 
			Selon votre rapporteuse,
dans les discussions relatives au problème des enfants livrés à
eux-mêmes pour affronter des situations très délicates et souvent
périlleuses, ou parfois accompagnés d’adultes (passeurs) représentant
plus une menace pour eux qu’une protection, le terme «mineurs non
accompagnés» est trop bureaucratique et ne restitue pas une image
appropriée. Aux fins du présent rapport, elle préfère de ce fait
employer le terme moins légaliste et plus humain d’«enfants non
accompagnés».) constituent un groupe d’une grande diversité: il peut s’agir de demandeurs d’asile qui ont fui leur pays d’origine en raison d’un conflit armé ou de persécutions, souvent pour éviter d’être recrutés de force dans des milices ou d’autres groupes armés; certains sont envoyés par leur famille en Europe en quête de meilleures conditions de vie; d’autres sont en fugue; d’autres encore arrivent en Europe pour rejoindre leur famille mais en dehors des programmes officiels de regroupement familial; ou il peut s’agir d’enfants victimes de la traite. Ils arrivent souvent en Europe pour des motivations diverses et/ou basculent d’une catégorie à l’autre.
10. Le problème des enfants non accompagnés est caractérisé par une absence de données statistiques tant quantitatives que qualitatives concernant leur situation dans un grand nombre de pays. L’expérience pratique des organisations non gouvernementales (ONG) œuvrant dans ce domaine et les maigres informations communiquées par les institutions locales et nationales permettent néanmoins de dégager certaines tendances. La plupart des enfants non accompagnés arrivant en Europe sont des garçons âgés d’au moins 14 ans, en provenance de pays comme l’Afghanistan, l’Albanie, l’Algérie, la Chine, l’Erythrée, l’Irak, le Maroc, le Nigeria, la Roumanie, la Russie, la Somalie, la Turquie et la République démocratique du Congo. Une part croissante de ces mineurs tente de rejoindre des membres de leur famille (élargie) qui vivent déjà sur le continent européen 
			(7) 
			Selon la Croix-Rouge française,
près de 10 % des mineurs non accompagnés qui entrent en France par
l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle entendent rejoindre leurs
parents, des proches ou d’autres membres de leur famille dans un autre
pays de l’Union européenne. Source: Croix-Rouge française, document
de travail pour le Séminaire sur la migration: regroupement familial
des mineurs migrants non accompagnés en Europe, 19 et 20 février
2009, Conseil de l’Europe, Strasbourg.. Récemment, l’Union européenne – et plus particulièrement, la Commission européenne et l’Agence des droits fondamentaux de l’Union (FRA) – a publié deux études complémentaires sur la situation de ces enfants dans l’Union européenne. La première étude, menée par le Réseau européen des migrations, porte sur les politiques relatives aux dispositifs d’accueil, de retour et d’intégration pour les mineurs non accompagnés et sur le nombre de ces mineurs 
			(8) 
			Réseau européen des migrations,
«Unaccompanied Minors – an EU comparative study», 14 janvier 2011, <a href='http://emn.intrasoft-intl.com/Downloads/prepareShowFiles.do;?directoryID=115'>http://emn.intrasoft-intl.com/Downloads/prepareShowFiles.do;?directoryID=115</a>.; et la seconde, établie par la FRA à partir de centaines d’entretiens réalisés auprès d’enfants dans cette situation et d’adultes qui en ont la charge, jette une lumière nouvelle sur les aspects sociaux et juridiques de leur vie dans l’Union européenne, de même que sur le respect et la protection de leurs droits 
			(9) 
			Agence
des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA), «Separated,
asylum-seeking children in European Union Member States – Comparative
Report», Conference Edition, novembre 2010, 
			(9) 
			<a href='http://fra.europa.eu/fraWebsite/research/publications/publications_per_year/pub_sep_asylum_en.htm'>http://fra.europa.eu/fraWebsite/research/publications/publications_per_year/pub_sep_asylum_en.htm</a>. .
11. Par ailleurs, une étude récente du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) sur les enfants afghans qui demandent l’asile en Suède révèle que très peu d’enfants avaient au départ l’intention de se rendre en Europe. Dans à peu près la moitié des cas, leur intention première était de gagner un pays voisin comme l’Iran et le Pakistan, où ils pensaient raisonnablement trouver de meilleures chances de survie; il semble que le choix de la destination finale ait souvent été décidé à un stade ultérieur, alors qu’ils se trouvaient déjà en Europe 
			(10) 
			«Voices of Afghan children
– A study on asylum-seeking children in Sweden», HCR Bureau régional
pour les pays Baltes et nordiques, juin 2010..
12. Certains Etats européens sont confrontés chaque année à des arrivées massives, même si les seules données statistiques disponibles concernent les enfants demandeurs d’asile. Selon le HCR, plus de 15 000 enfants non accompagnés et séparés de leur famille ont demandé l’asile au sein de l’Union européenne, en Norvège et en Suisse, en 2009 
			(11) 
			FRA,
«Separated, asylum-seeking children in European Union Member States,
Summary Report», avril 2010.. Or il ne s’agit probablement que de la partie émergée de l’iceberg par rapport à la masse d’enfants non accompagnés qui ont réellement besoin de protection en Europe.
13. Il n’existe pas de définition unique des expressions «enfants non accompagnés» ou «mineurs non accompagnés»; l’emploi de ces termes varie dans les rapports internationaux, les cadres juridiques nationaux, les directives et la bibliographie. L’Observation générale no 6 du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies établit une distinction entre deux types de mineurs – les mineurs non accompagnés et les mineurs séparés – tout comme la Recommandation CM/Rec(2007)9 du Comité des Ministres sur les mineurs migrants non accompagnés.
14. Selon ces définitions, les mineurs non accompagnés sont des enfants âgés de moins de 18 ans qui se trouvent en dehors de leur pays d’origine et ont été séparés de leurs deux parents et d’autres membres de leur famille, et ne sont pas pris en charge par un adulte investi de cette responsabilité par la loi ou la coutume. Les mineurs séparés sont des enfants âgés de moins de 18 ans qui se trouvent en dehors de leur pays d’origine et ont été séparés de leurs deux parents ou des personnes qui en avaient la charge à titre principal, mais pas nécessairement d’autres membres de leur famille. Les enfants séparés peuvent donc être accompagnés par un autre membre adulte de leur famille 
			(12) 
			Valenti S., «The protection of separated
or unaccompanied minors by national human rights structures», compte rendu
d’atelier, Programme conjoint entre l’Union européenne et le Conseil
de l’Europe sur la constitution d’un réseau actif de structures
nationales des droits de l’homme non-juridictionnelles indépendantes,
20-22 octobre 2009, Padoue (Italie)..
15. L’expression «enfants non accompagnés» sera employée tout au long de ce rapport en référence aux enfants de moins de 18 ans vivant dans un pays autre que celui d’origine sans être accompagnés d’un représentant légal.
16. Tous ces enfants peuvent se trouver dans une situation de triple vulnérabilité: en tant qu’enfants avant tout; en tant que migrants ou demandeurs d’asile; et, pour beaucoup, en tant que migrants irréguliers. En fait, les enfants non accompagnés se rangent dans deux grandes catégories: ceux qui sont connus et pris en charge par les pouvoirs publics, et ceux qui sont invisibles aux yeux des pouvoirs publics. Ces derniers sont particulièrement vulnérables; vivant dans la crainte d’être identifiés par les autorités, et de ce fait détenus et expulsés, ils sont exposés à des risques de discrimination, d’exploitation et de mauvais traitements.
17. Le manque de statistiques fiables et d’informations permettant de dresser un profil des enfants non accompagnés se révèle problématique et dangereux dans la mesure où il laisse la porte ouverte aux mythes et généralisations susceptibles d’entraîner des réponses politiques inappropriées et inefficaces. Votre rapporteuse affirme catégoriquement que les pays et les organisations doivent faire tout leur possible pour obtenir un tableau plus réaliste de la situation. Il conviendrait de développer une méthode systématique de collecte de données permettant une comparaison réelle et prenant en considération la dimension transnationale des enfants non accompagnés qui se déplacent ou sont transférés d’un Etat membre de l’Union européenne vers un autre.

3. Principaux motifs de préoccupation

3.1. Cadre législatif et principes directeurs: enfants ou migrants d’abord?

18. En vertu du droit international public, les Etats ont la compétence exclusive d’établir des lois régissant les conditions d’entrée et de séjour des ressortissants étrangers sur leur territoire. Ils doivent néanmoins respecter les traités et normes internationaux réglementant le traitement des personnes au sein de leur juridiction.
19. Il existe une multitude de conventions et de réglementations couvrant un large éventail d’aspects concernant la protection des enfants non accompagnés et de leur intérêt supérieur 
			(13) 
			Tous
les Etats membres du Conseil de l’Europe ont signé le principal
traité des Nations Unies protégeant les droits de l’enfant, la Convention
relative aux droits de l’enfant, qui les oblige à offrir une protection
et une aide spéciales aux enfants privés de leur milieu familial
et à s’assurer que l’intérêt supérieur de l’enfant est la considération
première dans toutes les actions qui le concernent. Ils sont également
parties à la Convention de Genève des Nations Unies signée en 1951
et relative au statut des réfugiés et à ses Protocoles de 1967,
à la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5), à la
Charte sociale européenne (STE nos 35 et 163), et à la Convention
du Conseil de l’Europe sur la lutte contre la traite des êtres humains
(STCE no 197). En outre, 27 Etats membres sur 47 sont également
signataires de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne
et doivent respecter divers règlements et directives de l’Union européenne. 
			(13) 
			De
plus, plusieurs instruments juridiques non contraignants donnent
aux Etats membres des orientations, notamment la Note du HCR sur
les politiques et procédures à appliquer dans le cas des enfants
non accompagnés en quête d’asile (1997), les Principes directeurs
interagences relatifs aux enfants non accompagnés ou séparés de
leur famille émis par les Nations Unies (2004), les Lignes directrices
de l’UNICEF pour la protection des droits des enfants victimes de
la traite en Europe du Sud-Est (2003), l’Observation générale no 6
du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies sur le traitement
des enfants non accompagnés et des enfants séparés en dehors de
leur pays d’origine (2005), les 20 principes directeurs sur le retour
forcé du Conseil de l’Europe (2005), les Directives du HCR sur la détermination
formelle de l’intérêt supérieur de l’enfant (2006) ou les Principes
directeurs du HCR sur la protection internationale: les demandes
d’asile d’enfants (2009). 
			(13) 
			En outre, la Cour européenne
des droits de l’homme et le Comité européen des Droits sociaux ont
produit une jurisprudence considérable sur les droits de l’enfant
et leur jouissance par tous les enfants sans discrimination, y compris les
enfants de migrants clandestins et sans papiers.. Toutefois, ces mesures ne sont pas toujours effectivement transcrites dans les lois nationales ou mises en pratique. Les dispositions de l’Union européenne relatives à la protection des droits des enfants non accompagnés sont prises en compte de manière fragmentée dans différentes lois, d’où certaines lacunes en termes de protection.
20. A quelques exceptions près, aucune législation nationale ne traite complètement la question des enfants non accompagnés. La plupart du temps, cette question est couverte par deux arsenaux législatifs, souvent contradictoires: la législation afférente à l’immigration et à l’asile, et celle afférente à la protection de l’enfant. Trop souvent, les autorités nationales recourent d’abord à la première et ensuite à la seconde, ce qui a des conséquences désastreuses pour les enfants 
			(14) 
			Troller S., In the Migration Trap: Unaccompanied Migrant
Children in Europe, Human Rights Watch World Report 2010, <a href='http://www.hrw.org/en/node/87786'>www.hrw.org/en/node/87786</a>.. Il est important de noter que toutes les réponses, j’insiste, toutes, au questionnaire de votre rapporteuse ont fait d’abord et avant tout référence à la législation relative à l’immigration et à l’asile, et que seules quelques-unes ont également évoqué la législation sur la protection de l’enfant.
21. On relève également d’importantes divergences dans les politiques et les pratiques des Etats membres. Un enfant non accompagné peut être amené à vivre une expérience totalement différente selon le pays européen dans lequel il se trouve. Ces disparités fondamentales dans le traitement qui leur est accordé aggravent les déplacements d’enfants d’un pays à l’autre sans aucune protection réelle 
			(15) 
			Save
the Children, «Addressing the Protection Gap for Unaccompanied and
Separated Children in the EU: The Role of the Stockholm Programme»..
22. Des divergences apparaissent parfois au sein même des Etats membres. A titre d’exemple, certains pays disposent de deux arsenaux législatifs applicables aux enfants non accompagnés, ce qui signifie qu’au moins deux organes gouvernementaux en ont la charge. Les enfants deviennent souvent ainsi des laissés-pour-compte de la bureaucratie. Les ministères des Politiques sociales et ceux de l’Intérieur ou de l’Immigration (les deux types d’organes généralement concernés) ont des approches foncièrement différentes et, souvent, il n’existe pas de système de communication interne entre ces différentes autorités. Parallèlement, il est de plus en plus demandé aux travailleurs sociaux qui aident et protègent ces enfants de se comporter comme s’ils étaient des agents du service de l’immigration, bien que ces rôles soient on ne peut plus incompatibles. Parfois, des problèmes surviennent entre les collectivités régionales et l’administration centrale. Chaque partie rejetant la responsabilité sur l’autre, personne ne s’occupe des enfants, qui sont une nouvelle fois laissés sans la protection requise 
			(16) 
			Troller S., op.
cit..
23. A la lumière de ce qui vient d’être dit, il est évident que les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent s’assurer que leurs politiques n’entravent pas, mais au contraire facilitent, l’exécution des obligations découlant des traités en vigueur concernant les droits de l’homme lorsque ces enfants sont sur leur territoire. Les Etats membres doivent s’acquitter de leurs obligations internationales visant à protéger les enfants, y compris contre les violences, les mauvais traitements ou la négligence; et ils doivent être tenus responsables de leurs actions.
24. Votre rapporteuse estime que, si les gouvernements de l’Union européenne appliquaient sérieusement les priorités définies dans le Programme de Stockholm et le Plan d’action pour les mineurs non accompagnés énoncé en 10 principes, et si les Etats membres du Conseil de l’Europe plaçaient réellement le principe de l’intérêt supérieur de l’enfant au premier rang, leurs politiques et leurs pratiques mettraient le bien-être de l’enfant au cœur de toute décision concernant les enfants non accompagnés, et elles ne seraient plus centrées sur le contrôle de l’immigration et le statut. En bref, un enfant non accompagné devrait être traité d’abord comme un enfant, et seulement après comme un migrant. Un enfant non accompagné doit jouir des mêmes droits que tous les autres enfants.
25. Pour cela, il faudrait opérer un changement radical d’attitude et harmoniser la législation et les pratiques nationales en ce qui concerne la répartition des responsabilités entre les autorités nationales compétentes et les réponses aux besoins et aux vulnérabilités des enfants non accompagnés.

3.2. Préoccupations liées à l’arrivée d’enfants non accompagnés

3.2.1. Premier contact avec l’enfant non accompagné: identification initiale et accès au territoire

26. Il existe de grandes disparités dans les pratiques liées à l’accueil et à l’accès au territoire des Etats européens. En Suède, par exemple, les enfants non accompagnés sont autorisés à entrer sur le territoire pour se voir appliquer les procédures de droit commun. Au Royaume-Uni, les mineurs ne sont jamais détenus ni refoulés à la frontière si leur minorité est avérée lors de l’identification initiale. En Espagne et en France, l’accès au territoire peut être refusé pour les étrangers (y compris les enfants non accompagnés), qui sont arrêtés aux frontières aéroportuaires, terrestres et maritimes, et qui ne présentent pas les documents nécessaires pour entrer.
27. La situation est plus délicate dans les zones extraterritoriales, telles que l’aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle en France, où les enfants non accompagnés sont susceptibles d’être refoulés dès leur sortie de l’avion, lors de contrôles à la passerelle, en application du principe de responsabilité des transporteurs. Selon un rapport récent 
			(17) 
			Carlier M. et al. (France terre d’asile), L’accueil et la prise en charge des mineurs
non accompagnés dans huit pays de l’Union européenne, Etude comparative
et perspectives d’harmonisation, Synthèse, octobre 2010., environ 30 % des mineurs non accompagnés arrivant sur le territoire par voie aérienne sont refoulés sans réelle garantie sur les conditions d’accueil dans le pays de retour. Ils sont souvent renvoyés, sans pouvoir exercer leur droit aux procédures appropriées, vers des pays où ils n’ont fait que transiter.
28. Cette pratique a suscité les critiques de nombreuses organisations de réfugiés et de l’Assemblée parlementaire elle-même, qui ont évoqué la violation éventuelle du principe de non-refoulement. Appliquée à des enfants non accompagnés, elle risque d’autant plus de mettre en grave danger leur vie et leur sécurité.
29. Votre rapporteuse est convaincue qu’en aucun cas un enfant non accompagné ne doit se voir refuser l’entrée sur le territoire d’un Etat membre du Conseil de l’Europe. Bien au contraire, dès l’entrée en contact avec une personne susceptible d’être mineure, les autorités aux frontières devraient immédiatement diriger cette personne vers les services spécialisés capables de procéder à son identification, de déterminer les raisons et les circonstances personnelles motivant sa tentative d’entrée sur le territoire d’un Etat membre ainsi que ses besoins de protection et, au final, de trouver une solution durable allant dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Il convient également de prendre de toute urgence les mesures qui s’imposent afin de nommer un tuteur légal et de placer le mineur dans une structure d’accueil et de prise en charge adaptée, à l’instar des procédures prévues pour les enfants ressortissants du pays qui connaîtraient une situation similaire.

3.2.2. Estimation de l’âge

30. La détermination de l’âge constitue un élément essentiel pour accéder à la protection et à l’aide spéciales des enfants non accompagnés. Toutefois, dans la pratique, il n’existe aucun consensus sur les normes et aucune approche commune de l’estimation de l’âge entre les Etats membres ni à l’intérieur des Etats membres eux-mêmes.
31. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a indiqué en 2005 que l’évaluation de l’âge d’un enfant non accompagné ne devait pas se fonder uniquement sur son apparence physique mais aussi sur son degré de maturité psychologique. Cette évaluation doit être menée scientifiquement, dans le souci de la sécurité de l’enfant, de manière adaptée à son statut d’enfant et à son sexe, et équitablement, afin de prévenir tout risque de violation de l’intégrité physique de l’enfant; cette évaluation doit en outre se faire avec tout le respect dû à la dignité humaine, et, en cas d’incertitude persistante, le bénéfice du doute doit être accordé à l’intéressé – qu’il convient de traiter comme un enfant si la possibilité existe qu’il s’agisse effectivement d’un mineur 
			(18) 
			Comité
des droits de l’enfant des Nations Unies, Observation générale no 6
(2005), «Traitement des enfants non accompagnés et des enfants séparés
en dehors de leur pays d’origine», paragraphe 31..
32. Malgré ces dispositions, les pratiques des Etats varient. Certains ont intégré l’évaluation de l’âge dans les pratiques standard, même quand il n’y a réellement aucun doute. Les procédures d’évaluation appliquent un large éventail de méthodes, comme la recherche de preuves documentaires, des entretiens ou des examens médicaux (par exemple, la tomographie par résonance magnétique et l’examen des os et des dents, y compris par radiologie), ou la combinaison de ceux-ci. Les procédures médicales présentant toutefois un certain degré d’incertitude, elles ne peuvent pas être considérées comme absolument déterminantes. Or certains gouvernements (par exemple, l’Espagne, la France, l’Italie et la Roumanie) s’appuient quasi exclusivement sur l’examen médical, encourant ainsi le risque qu’un enfant non accompagné soit arbitrairement déclaré adulte. De plus, certaines anomalies de forme et des écarts dans la qualité même de l’évaluation de l’âge peuvent être constatés. Il existe également des incohérences quant à l’utilisation et l’interprétation des preuves documentaires médicales ou fournies par des experts, dans les procédures d’évaluation de l’âge. Il arrive aussi que différentes autorités nationales (exemple: services de l’immigration, de l’éducation, de la santé et de la protection de l’enfance) aient des avis divergents sur la validité des méthodes d’évaluation employées et de leurs résultats. Enfin, la détermination de l’âge est rarement soumise à un examen indépendant.
33. La plupart des Etats européens prévoient des dispositions juridiques pour la détermination de l’âge et exigent le consentement éclairé de l’individu. Le refus de se soumettre à un test peut avoir des incidences négatives sur la procédure d’asile. En Finlande ou en Allemagne, par exemple, tout refus de se soumettre à des tests médicaux d’évaluation de l’âge sans raison valable entraîne d’être traité comme un adulte. Dans la plupart des autres pays européens, le bénéfice du doute joue en faveur du mineur et le plus jeune âge possible est retenu.
34. Globalement, la plupart des méthodes susmentionnées sont sujettes à controverse et à contestation au sein de la classe politique, du pouvoir judiciaire et de la communauté scientifique.
35. Il semble donc préférable que les Etats membres n’établissent pas l’évaluation de l’âge comme une pratique standard et qu’ils n’y recourent qu’en cas de doute raisonnable laissant penser que l’individu est mineur. Lorsqu’elle se révèle nécessaire, elle devrait supposer une évaluation multidisciplinaire conduite dans la durée (pour bien faire, durant une semaine au minimum) et prendre en compte notamment le comportement de l’enfant, son histoire migratoire et sa manière d’interagir avec les adultes. Les examens médicaux ne doivent être entrepris qu’après avoir obtenu le consentement éclairé de l’enfant ou de son tuteur et après que les conséquences sanitaires et juridiques éventuelles ont été portées à leur connaissance de façon simple, adaptée aux enfants, et dans une langue qui leur soit accessible. Il est également essentiel que l’évaluation de l’âge soit entreprise d’une manière adaptée à l’âge et au sexe du demandeur par des experts indépendants qui connaissent bien le milieu culturel de l’enfant, et dans le plein respect de la dignité de ce dernier. Il convient également de préciser les marges d’erreur possible dans les résultats des examens médicaux. En cas d’incertitude, le bénéfice du doute doit être accordé à l’enfant. Il ou elle doit également pouvoir consulter un avocat et engager une procédure judiciaire pour contester des résultats considérés comme erronés.
36. Enfin, votre rapporteuse souligne l’importance de l’adoption d’une approche commune visant à unifier et harmoniser les approches et pratiques divergentes. Dans cette optique, elle soutient la recommandation récente du Groupe de travail sur les enfants non accompagnés et séparés du Bureau pour l’Europe du HCR, visant à réduire les disparités et à élaborer des normes minimales sur les garanties à respecter pour les procédures d’évaluation de l’âge. Elle salue également le projet de l’Union européenne, dans le cadre du Plan d’action pour les mineurs non accompagnés, de publier des lignes directrices relatives aux meilleures pratiques, en collaboration avec des scientifiques et des juristes experts ainsi qu’avec le Bureau européen d’appui en matière d’asile.

3.2.3. Détention d’enfants non accompagnés

37. Tous les principaux organes nationaux et internationaux de suivi des droits de l’homme plaident depuis des années en faveur de la détention uniquement comme dernier recours et en aucun cas au seul motif qu’un enfant est non accompagné ou qu’il ne dispose pas du statut d’immigrant. La Résolution 1707 (2010) sur la rétention administrative des demandeurs d’asile et des migrants en situation irrégulière en Europe, récemment adoptée par l’Assemblée, souligne explicitement que les mineurs non accompagnés ne doivent jamais être retenus.
38. Quoi qu’il en soit, la détention des enfants non accompagnés reste une pratique courante dans plusieurs Etats membres. Les enfants sont souvent détenus avec des adultes et ne disposent d’aucun conseil juridique ou autre.
39. Le plan d’action de l’Union européenne précise que, «si une rétention est exceptionnellement justifiée, on ne doit y recourir qu’en dernier ressort, pour la période appropriée la plus brève possible, et en faisant prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant». Votre rapporteuse est fermement convaincue que la détention ne peut jamais être dans l’intérêt supérieur de l’enfant. De ce fait, la détention des enfants pour des raisons liées à leur statut de résidence, ou à l’absence d’un tel statut, devrait être purement et simplement abolie. Cette interdiction devrait inclure la détention aux frontières ou en attente d’expulsion, par exemple dans des zones internationales, des centres de rétention, des cellules de commissariats de police ou des établissements pénitentiaires, ou tout autre centre spécialisé.
40. Il convient de la substituer par un placement dans des lieux d’hébergement appropriés, offrant des conditions de vie adaptées aux besoins des enfants (en matière d’alimentation, de santé, d’hygiène, d’éducation, de loisirs, etc.) et pour un laps de temps aussi bref que possible. Les enfants devraient être hébergés dans les centres d’accueil séparément des adultes.

3.2.4. Identification et assistance aux victimes de la traite des êtres humains

41. Les enfants non accompagnés sont particulièrement exposés à la traite et à l’exploitation, qui peuvent prendre la forme de travail forcé, de servitude ou d’esclavage, voire d’exploitation sexuelle. En juillet 2010, la Convention du Conseil de l’Europe sur la protection des enfants contre l’exploitation et les abus sexuels(STCE no 201) est entrée en vigueur, et à ce jour elle a été ratifiée par 10 Etats membres et signée par 31 autres. En décembre 2010, un accord a été conclu en faveur d’une nouvelle directive de l’Union européenne sur la traite des êtres humains, comprenant notamment des dispositions sur la manière dont les enfants non accompagnés victimes de la traite doivent obtenir assistance et protection.
42. Votre rapporteuse appelle à ratifier la convention du Conseil de l’Europe et à mettre pleinement en œuvre les dispositions de l’Union européenne nouvellement convenues, s’agissant notamment de l’introduction de mesures et d’indicateurs spécifiques permettant l’identification précoce des enfants non accompagnés victimes de la traite des êtres humains. Ces derniers devraient bénéficier d’une prise en charge inconditionnelle adaptée à leurs besoins et capable d’assurer leur protection.

3.2.5. Assistance et prise en charge initiales pour les enfants non accompagnés dans les pays de transit et de destination

3.2.5.1. Accès à des modes d’information adaptés aux enfants et à une assistance juridique

43. Dans une récente publication, l’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne déplorait le manque criant d’informations adéquates, facilement compréhensibles et adaptées aux enfants sur les procédures judiciaires ou les moyens dont disposent les enfants non accompagnés pour séjourner dans le pays d’accueil. Même lorsqu’ils en sont informés à leur arrivée dans le pays ou à un stade ultérieur, ils ne sont que rarement en mesure de comprendre la teneur de ces informations. C’est pourquoi ils ont souvent tendance à recourir à des sources d’informations peu fiables, par exemple des compatriotes, des pairs, voire leurs passeurs.
44. Le Plan d’action pour les mineurs non accompagnés de l’Union européenne a établi comme le principe suivant: «Les mesures d’accueil et l’accès aux garanties procédurales devraient s’appliquer dès l’instant où un mineur non accompagné est découvert aux frontières extérieures ou sur le territoire de l’UE, jusqu’à ce qu’une solution durable soit trouvée.» La tutelle et la représentation légale de l’enfant sont d’une importance déterminante.
45. Selon votre rapporteuse, les services de protection de l’enfance devraient proposer sans délai aux enfants non accompagnés un soutien juridique, social et psychologique, une médiation interculturelle et un service d’interprétation afin de garantir à tout moment la protection et le bien-être des enfants. Dès leur arrivée ou interception sur le territoire, les enfants devraient être informés personnellement, dans une langue et sous une forme qu’ils sont en mesure de comprendre, de leur droit à bénéficier d’une protection et d’une assistance, y compris de leur droit à demander asile ou d’autres formes de protection internationale, ainsi que des procédures requises et de leurs implications.
46. Il est tout aussi important de désigner au plus tôt un tuteur légal chargé de veiller à l’intérêt supérieur de l’enfant. En outre, l’Etat se doit de fournir à l’enfant une assistance juridique gratuite durant toute la période où son cas est examiné par les autorités judiciaires ou la police. Par ailleurs, dès que l’enfant non accompagné entre en contact avec les services de l’immigration et les services sociaux, et que son intérêt supérieur et ses besoins de protection sont définis, il doit être possible de trouver pour lui des solutions durables (voir également le chapitre 4).

3.2.5.2. Rôle et qualifications du tuteur

47. La mise en place en temps opportun d’une tutelle appropriée est fondamentale pour garantir la protection des droits des enfants non accompagnés. Elle se révèle également essentielle pour le respect dans la pratique de l’intérêt supérieur de l’enfant et joue un rôle central dans la définition de l’action la mieux à même de résoudre la situation de tout enfant non accompagné.
48. En dépit des nombreux efforts visant à harmoniser le système de tutelle, il est regrettable que les fonctions de tuteur ne fassent à ce jour toujours pas l’objet d’une définition commune: les interprétations et compréhensions de son rôle diffèrent et le système présente dans bien des cas des dysfonctionnements. Trop souvent, les personnes qui sont censées défendre l’intérêt supérieur de l’enfant ne disposent pas des pouvoirs ou des compétences nécessaires ou, pire, elles ne contestent pas l’action du gouvernement et manquent donc à leur mission 
			(19) 
			Ibid..
49. Par ailleurs, et bien que ce point soulève de plus en plus de contestations 
			(20) 
			Le droit international passe sous
silence la question de savoir si et quand un enfant doit jouir de
la capacité juridique. Toutefois, la jurisprudence récente (Cour
suprême espagnole et autres juridictions similaires sur les personnes handicapées)
laisse entendre que le fait de déclarer une personne dépourvue de
capacité juridique soulève de sérieuses préoccupations en matière
de droits de l’homme., les enfants ne disposent pas dans plusieurs pays de la capacité juridique de contester la décision d’expulsion, de déposer une demande d’asile ou de faire appel en cas de rejet de la demande. Outre l’absence de capacité juridique, beaucoup d’enfants ne comprennent tout simplement pas la procédure d’immigration engagée et les droits dont ils peuvent se prévaloir. Sans l’assistance d’un tuteur ou d’un avocat, ces enfants ne seront peut-être jamais en mesure d’exercer leurs droits ou de contester des décisions d’expulsion qui les exposent à des mauvais traitements, à l’exploitation et à la négligence 
			(21) 
			Troller S. (HRW),
présentation lors de la réunion de la commission des migrations,
des réfugiés et de la population, le 6 octobre 2010..
50. Votre rapporteuse estime que le Conseil de l’Europe devrait encourager davantage ses Etats membres ainsi que l’Union européenne à adopter des normes communes relatives à la tutelle et à l’aide juridique pour tous les enfants non accompagnés afin que ces derniers puissent défendre leurs droits, notamment lorsqu’ils sont confrontés à des décisions d’expulsion.
51. Ces normes communes devraient établir le principe selon lequel dès qu’un enfant est identifié comme non accompagné, les autorités compétentes sont tenues de désigner un tuteur légal ayant pour mandat de préserver et de représenter l’intérêt supérieur de l’enfant, et ayant voix au chapitre dans toutes les décisions le concernant. Les tuteurs doivent être indépendants des services d’immigration et disposer de l’expertise requise en termes de droits des enfants et des migrants. Ils doivent bénéficier d’une formation régulière et faire l’objet d’un contrôle indépendant et systématique.

3.2.5.3. Accès aux services de base

52. Comme le reconnaît la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant, les Etats membres ont le devoir tout particulier de fournir protection et assistance aux enfants non accompagnés. Ils ont pour obligation immédiate d’assurer la protection de l’intéressé, en l’occurrence de prévoir un lieu d’hébergement sûr, de protéger l’enfant de l’exploitation, de satisfaire à ses besoins médicaux et de lui fournir une assistance juridique. La nécessité de garantir les droits et de répondre aux besoins de ces enfants s’impose souvent avant même que les mesures de protection appropriées ou des solutions à long terme soient définies 
			(22) 
			Document
d’information préparé par Save the Children en vue d’une conférence
sur le «Déficit de protection pour les enfants non accompagnés et
séparés dans l’Union européenne: le rôle du programme de Stockholm»,
Bruxelles, 15 septembre 2009..
53. Selon diverses ONG, dans bien des cas toutefois, les enfants non accompagnés sont exclus de fait des services sociaux mis en place à leur intention et sont confrontés en fin de compte à l’exclusion sociale.
54. Il existe différents modèles d’accueil des enfants séparés. Contrairement aux Principes directeurs du HCR relatifs à la détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant, les pays européens semblent privilégier le placement des enfants séparés dans des centres plutôt que dans des familles d’accueil, s’agissant du moins des enfants de plus de 14 ans. Dans les pays d’Europe centrale et de l’Est, qui comptaient jusqu’à récemment peu de mineurs non accompagnés, les services de prise en charge spécialisés font encore cruellement défaut.
55. Un autre problème, étroitement lié au placement des mineurs non accompagnés dans des centres d’hébergement, est celui des disparitions qui traduit plus qu’autre chose l’absence de solutions durables pour les enfants. De nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe, notamment la Belgique, la Finlande, l’Irlande, l’Italie, les Pays-Bas, la Pologne, la République tchèque, et le Royaume-Uni, ont relevé un nombre inquiétant de disparitions d’enfants des centres d’accueil. La plupart des disparitions surviennent durant les premiers jours d’arrivée au centre et même avant que le tuteur ait été nommé. Certains de ces enfants fuient les centres d’accueil, mais bien d’autres sont probablement interceptés ou kidnappés par des passeurs de clandestins ou des trafiquants. Dans les deux cas, ils sont exposés au risque de privation et de mauvais traitement. La police et les autorités judiciaires sont souvent impuissantes lorsqu’elles tentent de retrouver leurs traces.
56. Certains types d’hébergement provoquent davantage de disparitions. Votre rapporteuse est consciente du paradoxe: tandis que les petites structures plus ouvertes (surveillance assouplie) ont été jugées préférables pour les mineurs non accompagnés, elles tendent aussi à attirer les trafiquants, qui connaissent parfaitement leur emplacement. Cette préoccupation a été exprimée par plusieurs organisations non gouvernementales spécialisées lors de la visite de votre rapporteuse aux Pays-Bas. En 2006-2007, plus de 20 fillettes nigérianes ont disparu des petits centres d’accueil. Craignant que ces disparitions ne soient liées à la traite, la police des étrangers, le Conseil néerlandais des réfugiés, les tuteurs, les centres d’accueil et la Maréchaussée royale néerlandaise se sont associés pour coopérer dans la lutte contre la traite des mineurs non accompagnés. Ces efforts, et notamment la mise en place d’un service d’accueil protégé au début de 2008, semblent avoir porté leurs fruits, car il a été constaté une baisse des disparitions.
57. Votre rapporteuse encourage de ce fait les Etats membres à consacrer davantage de ressources à l’ouverture de structures d’accueil pour mineurs non accompagnés susceptibles de fournir les services juridiques, sociaux ou psychologiques dont ils ont besoin, mais aussi d’assurer la sécurité et la protection physique des enfants contre les réseaux criminels.
58. Les enfants non accompagnés rencontrent également des difficultés d’accès aux soins de santé adéquats. Selon la PICUM, seule l’Espagne a mis en place une législation pleinement conforme aux normes internationales garanties par la Convention relative aux droits de l’enfant. Dans ce pays, tous les enfants, qu’ils aient ou non des papiers, ont accès aux soins de santé au même titre que les enfants espagnols. Dans certains autres Etats, dans les cas où l’enfant non accompagné fait l’objet d’une protection ou a été placé en institution, il bénéficie généralement de soins de santé minimaux gratuits, parfois conditionnés cependant, par exemple à l’assiduité scolaire. Toutefois, la plupart du temps, l’accès aux soins de santé pour les enfants non accompagnés s’apparente fortement à celui des migrants clandestins sur un plan général. En d’autres termes, seuls les soins médicaux d’urgence sont fournis. L’interprétation de l’urgence médicale varie selon les pays, voire d’un médecin à l’autre. L’accès à des services spécialisés, par exemple dentaires ou ophtalmologiques, se révèle particulièrement problématique 
			(23) 
			PICUM, 2010.. Il dépend bien souvent davantage de la bonne volonté des médecins que d’une interprétation correcte de la loi.
59. Votre rapporteuse souhaite insister sur la nécessité de garantir l’accès aux soins de santé à tous les enfants, sans aucune discrimination et indépendamment de leur statut juridique ou autre. Cet accès doit comprendre un service d’interprétation professionnelle obligatoire et une médiation interculturelle. Il convient de procéder au plus tôt, dès que l’enfant entre en contact avec les autorités,à une évaluation approfondie de ses besoins médicaux, tout en veillant à recueillir son consentement éclairé. Les résultats de cette évaluation ne doivent en aucun cas influer ou avoir une incidence négative sur l’issue donnée à la demande d’asile ou de protection de l’enfant.

3.2.6. Accès à l’asile et à la protection internationale

60. De par la loi, tous les enfants entrés sur le territoire d’un Etat membre du Conseil de l’Europe ont accès à la procédure d’asile, que ce soit directement ou par l’intermédiaire de leur tuteur légal. Dans la pratique toutefois, certains enfants continuent de ne pas pouvoir accéder à la procédure d’asile en raison d’obstacles pratiques ou juridiques: ils ne sont pas correctement informés de la démarche à suivre; ils ne s’adressent pas au bon endroit pour déposer leur demande ou ne la déposent pas dans les temps; il leur a été conseillé de ne pas déposer de demande dans la mesure où l’on considère qu’ils sont suffisamment pris en charge par le système de protection de l’enfance; ou encore ils ne disposent pas d’un tuteur légal pour agir en leur nom, en raison de retards administratifs ou de l’absence de législation adéquate.
61. Il est crucial que tous les enfants non accompagnés puissent avoir un accès inconditionnel au processus d’asile, et de supprimer tous les obstacles à l’éligibilité de leur demande. Les Etats membres devraient garantir l’accès aux procédures d’asile dès l’arrivée dans leur pays d’un enfant non accompagné, mais également à un stade ultérieur si l’enfant est intercepté après son entrée sur le territoire national. Les enfants non accompagnés pour lesquels il n’y a pas d’indication de besoin de protection internationale ne devraient pas automatiquement être renvoyés vers les procédures d’asile, mais devraient être protégés en vertu des autres mécanismes pertinents de protection des enfants dépourvus d’un environnement familial.

3.2.6.1. Protection contre les formes de persécution spécifiques aux enfants

62. Sur un plan général, une tendance positive se dessine en termes de sensibilisation accrue à la violence, aux mauvais traitements et à la discrimination dont les enfants font l’objet. Les autorités nationales chargées des questions d’asile reconnaissent de plus en plus qu’un enfant peut prétendre au statut de réfugié en son nom propre. Malgré cela, l’accès des enfants, y compris les enfants non accompagnés, à une protection efficace contre le refoulement continue de poser problème dans de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe.
63. Il est largement reconnu que les enfants peuvent être victimes de formes spécifiques de persécution en raison de leur âge, de leur manque de maturité ou de leur vulnérabilité. Le fait qu’un demandeur d’asile soit un enfant peut être l’un des principaux facteurs responsables des préjudices infligés ou redoutés. Cela peut s’expliquer par le fait que la persécution alléguée s’applique uniquement aux enfants, qu’elle a sur eux des effets disproportionnés, ou qu’il y a atteinte à des droits spécifiques de l’enfant. Le Comité exécutif du HCR a reconnu que les formes de persécution spécifiques à l’enfant, qui entrent dans le champ d’application de la Convention de Genève de 1951, peuvent comprendre le recrutement en dessous de l’âge légal, la traite des enfants et les mutilations génitales des femmes. D’autres exemples incluent – mais sans être limitatifs – la violence familiale et domestique, le mariage forcé ou en dessous de l’âge légal, le travail en servitude ou dangereux, le travail forcé, la prostitution forcée et la pornographie enfantine. Ces formes de persécution englobent aussi la violation des droits de survie et de développement ainsi que les discriminations graves à l’encontre des enfants nés en dehors des règles strictes de planification familiale et des enfants apatrides en raison de la perte de la nationalité et des droits y afférents.
64. Si les enfants peuvent subir des formes de préjudice similaires ou identiques à celles subies par les adultes, ils ne le vivent pas de la même façon. Certaines actions ou menaces qui n’atteindraient peut-être pas le seuil de la persécution dans le cas d’un adulte peuvent être considérées comme telles dans le cas d’un enfant pour le simple fait que la victime est un enfant. La façon dont un enfant subit ou redoute un préjudice quelconque peut être directement liée à son immaturité, sa vulnérabilité, ses mécanismes de défense imparfaits et sa dépendance, ainsi qu’aux différentes étapes de son développement et à ses capacités restreintes. Pour évaluer précisément la gravité des actes et leurs conséquences sur un enfant, il convient d’examiner les détails de chaque affaire et d’adapter en conséquence le seuil de la persécution 
			(24) 
			Voir les Lignes directrices du
HCR sur la protection internationale: Application de l’article 1A(2)
de la Convention de 1951 et/ou du Protocole de 1967 relatifs au
statut des réfugiés aux victimes de la traite et aux personnes risquant
d’être victimes de la traite, <a href='http://www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/refworld/rwmain?page=search&docid=462c864e2'>www.unhcr.org/cgi-bin/texis/vtx/refworld/rwmain?page=search&docid=462c864e2</a>..
65. Dans sa Recommandation 1703 (2005) sur la protection et l’assistance pour les enfants séparés demandeurs d’asile, l’Assemblée déplore que «sur le fond, la plupart des Etats membres du Conseil de l’Europe ne reconnaissent pas les formes de persécution affectant spécifiquement les enfants, telles que le recrutement forcé dans les forces armées, le travail forcé, les mutilations génitales des femmes, les mariages ou les grossesses forcés, comme de la persécution aux termes de la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés». La même recommandation encourage le Conseil de l’Europe à adopter un instrument cohérent unique sur la question des enfants séparés demandeurs d’asile, qui permettrait de combler les lacunes susmentionnées.
66. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies a également insisté dans son Observation générale no 6 de 2005 pour que la définition du terme «réfugié» soit interprétée en étant attentif à l’âge de l’intéressé, «en tenant compte des raisons, formes et manifestations spécifiques de persécution visant les enfants». Plus récemment, le concept de persécution spécifique aux enfants a été reconnu dans le cadre juridique de l’Union européenne 
			(25) 
			La Directive
de qualification de l’Union européenne indique que, lors de l’examen
de demandes de protection internationale présentées par des mineurs,
les Etats membres doivent tenir compte des formes de persécution concernant
spécifiquement les enfants. L’article 9(2) précise que les actes
de persécution peuvent prendre la forme d’actes dirigés contre des
personnes en raison de leur sexe ou contre des enfants.. En conséquence, le terme a été transposé dans la législation nationale des pays européens. Pourtant, rares sont ceux qui ont adopté des directives permettant d’aider les décisionnaires à apprécier les demandes de protection des enfants.
67. Malheureusement, les études montrent que la persécution spécifique à l’enfance n’est pas assez prise en compte dans la pratique, et que les enfants obtiennent souvent une protection humanitaire temporaire et non le statut de réfugiés, même quand ils présentent un dossier solide. Dans de nombreux pays, il est probable que l’absence de reconnaissance officielle du statut de réfugié portera atteinte à l’accès de l’enfant aux services, à l’éducation, aux possibilités de séjour à long terme et, au bout du compte, à des solutions durables.
68. Pour améliorer les pratiques actuelles, il est urgent que les Etats membres qui ne reconnaissent pas encore les formes de persécution spécifiques à l’enfance révisent leur approche et cessent d’infliger une double peine à ces enfants qui fuient de tels dangers, en leur refusant jusqu’au droit de chercher refuge dans d’autres pays. Il est également crucial de renforcer les efforts pour promouvoir les directives existantes du HCR et d’autres bonnes pratiques dans ce domaine, en vue de reconnaître les droits des enfants et de leur garantir une protection incluant une solution durable qui leur assure une sécurité et une stabilité dans le long terme.
69. Les Etats membres du Conseil de l’Europe doivent concevoir un système d’asile harmonisé en faveur des enfants, qui intègre des procédures prenant en considération les difficultés particulières qu’ils rencontrent pour surmonter les traumatismes et exprimer ce qu’ils ont vécu de façon cohérente, ainsi que leurs expériences de persécution spécifiques aux enfants.

3.2.6.2. Assistance juridique dans le cadre des procédures d’asile

70. Dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, la représentation et l’assistance juridiques dans le cadre des procédures d’asile sont assurées de manière très diversifiée. Selon la législation pertinente de l’Union européenne 
			(26) 
			Directive 2005/85/CE., un mineur doit, dès que possible, être représenté par un représentant légal ou un tuteur qui sera en mesure de l’informer et d’intervenir durant l’entretien. La désignation d’un représentant légal n’est toutefois pas obligatoire lorsque l’enfant dispose d’un avocat, si le mineur est âgé de 16 ans ou plus et qu’il est capable d’introduire sa demande, ou si le mineur est marié. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies recommande que les enfants non accompagnés soient représentés par un avocat dans toutes les procédures administratives et judiciaires.
71. Les pratiques diffèrent néanmoins selon les pays. En Italie par exemple, la désignation d’un tuteur est obligatoire pour qu’une demande d’asile puisse être examinée, tandis qu’en Grèce les enfants de plus de 14 ans sont en mesure d’introduire eux-mêmes une demande d’asile. Dans quelques rares cas, les tuteurs ont les compétences juridiques requises ou ont suivi une formation sur les formes de persécution spécifiques aux enfants ou sur la détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant. En tout état de cause, les enfants non accompagnés engagés dans une procédure d’asile ou dans une autre procédure juridique ou administrative doivent être représentés par un avocat, fourni à titre gracieux par l’Etat, parallèlement à leur tuteur légal.

3.2.6.3. Traitement des demandes et accueil des enfants demandeurs d’asile non accompagnés

72. Les entretiens de demande d’asile doivent être conduits en ayant comme considération primordiale l’intérêt supérieur de l’enfant, de façon adaptée à son âge et dans un environnement rassurant. Le personnel impliqué dans les procédures de détermination du statut des enfants doit recevoir une formation appropriée, et les informations fournies sur les pays d’origine doivent faire état de la situation des enfants, notamment ceux qui appartiennent à une minorité ou à un groupe marginalisé.
73. Les Etats membres doivent tout mettre en œuvre pour que les demandes d’asile d’enfants non accompagnés soient traitées en priorité et dans les plus brefs délais, n’excédant pas six mois. Ils doivent néanmoins veiller à ce que les procédures accélérées d’examen des demandes d’asile ne s’appliquent pas aux enfants.
74. A la fin du processus, les enfants non accompagnés doivent recevoir une explication claire et adéquate des décisions prises les concernant, dans une langue et d’une façon qu’ils puissent comprendre, y compris une explication des raisons profondes. Ils doivent pouvoir contester la décision eu égard à leur demande d’asile.

3.2.6.4. Mise en œuvre du Règlement de Dublin II

75. Selon le Règlement de Dublin II de l’Union européenne 
			(27) 
			Règlement
(CE) no 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères
et mécanismes de détermination de l’Etat membre responsable de l’examen
d’une demande d’asile présentée dans l’un des Etats membres par
un ressortissant d’un pays tiers. , c’est au premier Etat dans lequel le demandeur est entré qu’il incombe de traiter la demande d’asile. En vertu de ce règlement, certains Etats (principalement ceux qui servent de points d’entrée aux immigrants) éprouvent des difficultés à traiter un nombre de demandes d’asile qui excède leurs capacités ou souffrent de déficiences structurelles et ne parviennent pas à remplir leurs obligations en matière de droits de l’homme.
76. Ainsi par exemple, le HCR conseille aux gouvernements d’éviter de renvoyer les demandeurs d’asile en Grèce dans le cadre du règlement de Dublin ou autre. Plus récemment, le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe a approuvé la proposition faite par la Commission européenne d’introduire un dispositif permettant une suspension momentanée des transferts, afin d’accorder aux Etats en difficulté un bref sursis quant à leurs obligations dans le cadre du règlement de Dublin, et de leur donner la possibilité de trouver une aide financière ou technique pour faire face à la situation.
77. La Résolution 1695 (2009) de l’Assemblée «Améliorer la qualité et la cohérence des décisions en matière d’asile dans les Etats membres du Conseil de l’Europe» invite également l’Union européenne à revoir de toute urgence le Règlement de Dublin II et le mécanisme de «pays sûr», et à promouvoir le partage des responsabilités entre les Etats membres de l’Union européenne pour soulager le fardeau qui pèse sur les Etats faisant face à l’arrivée massive de demandeurs d’asile.
78. Votre rapporteuse partage cet avis et souligne que le Règlement de Dublin II devrait être révisé et devrait s’appliquer aux enfants non accompagnés uniquement si le transfert dans un pays tiers est dans leur intérêt supérieur.

3.3. Préoccupations liées au séjour dans le pays d’accueil

3.3.1. Droit de résidence

79. Conformément à la Convention de Genève de 1951 relative au statut des réfugiés, tous les enfants qui ont exprimé le souhait de bénéficier de l’asile sont autorisés à séjourner sur le territoire de l’Etat membre pendant la durée de l’examen de leur demande. S’agissant d’enfants non accompagnés qui ne demandent pas l’asile, certains Etats leur reconnaissent également un droit de séjour. La France et l’Espagne, par exemple, considèrent que les enfants non accompagnés sont automatiquement en situation régulière sur leur territoire et que l’obligation d’obtenir l’autorisation d’y séjourner ne leur est pas applicable. De même en Italie et en Roumanie, tous les enfants non accompagnés bénéficient d’un droit de résidence automatique. Ce n’est toutefois pas le cas dans certains autres pays comme la Grèce, la Hongrie, le Royaume-Uni et la Suède, dans lesquels un accès restreint à la procédure d’asile ou le rejet d’une demande d’asile peut mettre l’enfant en situation irrégulière.
80. Le droit de résidence est étroitement lié à la recherche de la famille et au regroupement familial. Alors que la récente proposition de remaniement du Règlement de Dublin II renforce l’obligation pour les pays de l’Union européenne de rechercher les membres de la famille d’un enfant non accompagné, le regroupement familial n’aboutit que rarement dans la pratique. Il en va parfois ainsi du fait que le regroupement familial dans le pays d’origine n’est pas considéré comme étant dans l’intérêt supérieur de l’enfant, en raison de mauvais traitements ou de négligences subis dans le passé, ou par crainte que cela ne porte préjudice à la demande d’asile de l’intéressé ou ne porte tort à sa famille. Mais, dans bien des cas, il s’est tout simplement révélé impossible de retrouver la famille. De même, bien que cela soit considéré comme un moyen possible de faire venir ultérieurement au sein de l’Union européenne les autres membres de la famille d’un mineur non accompagné, tout laisse à penser que les demandes de regroupement familial déposées par un mineur non accompagné après qu’il a obtenu le statut de réfugié sont peu nombreuses 
			(28) 
			European
Migration Network (EMN), «Policies on Reception, Return and Integration
arrangements for, and numbers of, Unaccompanied Minors – an EU comparative
study», mai 2010..
81. Selon votre rapporteuse, il serait souhaitable d’harmoniser davantage les pratiques afin d’octroyer aux enfants non accompagnés un droit de résidence sur le territoire jusqu’à leur majorité.

3.3.2. Une fois atteint l’âge adulte

82. Aucun instrument juridique n’encadre aujourd’hui le passage des mineurs non accompagnés vers la majorité, et les pratiques nationales divergent. Votre rapporteuse identifie deux grands domaines problématiques qui touchent ces jeunes adultes.
83. En premier lieu, ces enfants non accompagnés, qui sont couverts par des régimes nationaux de protection sociale, ne bénéficient plus des services d’aide primaire, notamment le soutien d’un tuteur et le logement. La responsabilité des pouvoirs publics est transférée des services sociaux/de protection de l’enfance aux services d’immigration, qui seront amenés à déterminer si le jeune adulte a le droit de prolonger son séjour dans le pays. Les aides financières sont réduites ou supprimées, et l’accès à l’éducation diminue, en attendant que soit confirmée une possibilité de régularisation.
84. En second lieu, leur passage à l’âge adulte change complètement les circonstances dans lesquelles leur situation au regard de l’immigration est examinée: les mineurs non accompagnés, une fois qu’ils ont atteint l’âge adulte, ne bénéficient plus de garanties procédurales; ils n’ont plus droit au regroupement familial; ils courent un risque plus grand d’être mis en détention; et leurs garanties concernant le retour disparaissent. En bref, les permis de séjour peuvent uniquement être prolongés au cas par cas, par bienveillance ou pour des motifs humanitaires; s’ils ne le sont pas, les anciens mineurs non accompagnés rejoignent automatiquement le rang des migrants irréguliers, qui sont censés accepter le retour volontaire dans leur pays d’origine ou risquent un retour forcé en tant qu’adultes, en vertu de la Directive européenne sur les retours forcés.
85. Il va sans dire que, lorsque les enfants non accompagnés qui n’ont pas cherché de protection avant leurs 18 ans atteignent la majorité, ils perdent toute garantie qui aurait pu être appliquée en vertu de la clause sur l’intérêt supérieur de l’enfant, et basculent automatiquement dans l’irrégularité 
			(29) 
			PICUM, Enfants sans-papiers en Europe: victimes invisibles
d’une immigration restrictive, Bruxelles, 2008, p. 81..
86. Résultat, la majorité des enfants non accompagnés placés en institution (principalement ceux dont les demandes d’asile ont été refusées mais que les Etats n’ont pas pu renvoyer dans leur pays, et ceux qui sont encore en attente de réponse mais ont la quasi-certitude que leur demande sera rejetée) s’évanouissent «dans la nature» juste avant leur dix-huitième anniversaire. Votre rapporteuse juge déplorable que les Etats n’offrent pas une protection plus efficace et prolongée de l’intérêt supérieur de l’enfant ou des solutions durables, mettant ainsi directement ces jeunes à la merci des réseaux de traite et des gangs criminels, et les exposant donc fortement à l’exploitation et aux mauvais traitements.
87. Mais la situation est plus complexe qu’il n’y paraît. L’enquête de votre rapporteuse sur le sujet met en évidence que le facteur le plus déterminant pour l’avenir des mineurs non accompagnés en Europe, outre l’existence d’un projet de vie, est la possibilité ou non de rester dans le pays après l’âge de 18 ans.
88. Il existe de grandes différences dans la façon dont les Etats membres traitent actuellement cette question. Certains (comme la France) accordent le droit de demander la nationalité aux mineurs non accompagnés que l’Etat a pris en charge de façon continue durant une certaine période de temps, ou qui ont été élevés par un citoyen du pays concerné durant la même période. D’autres offrent la possibilité de demander un séjour permanent (par exemple la République tchèque), chaque demande étant examinée au cas par cas. Le plus souvent, les Etats accordent toutefois la possibilité de prolonger temporairement le séjour (par exemple la Finlande, la France, l’Espagne, le Royaume-Uni), sous réserve de confirmation que la personne continue d’avoir besoin d’une protection internationale ou qu’il existe des motifs bienveillants individuels d’accorder le permis de séjour. En Italie, un permis de séjour peut être accordé à ceux qui ont été confiés à une famille, à ceux qui font l’objet d’une protection, ou à ceux qui sont présents sur le sol italien depuis au moins trois ans et ont participé à un projet d’intégration d’une durée d’au moins deux ans.
89. Par ailleurs, en règle générale, lorsque le permis de séjour n’est pas accordé, l’ancien mineur non accompagné est dans l’obligation de partir (Allemagne, France, Italie, Norvège, Royaume-Uni). Dans certains cas, l’obtention du statut de réfugié reste la seule solution permanente après 18 ans (la République slovaque, Suisse, Turquie).
90. Certains «nouveaux pays de l’Espace Schengen» tels que l’Estonie, la Lettonie ou la Slovénie qui ont peu d’expérience en la matière, affirment de ne pas avoir renvoyé un seul mineur du fait qu’il avait atteint l’âge adulte. En Grèce, à l’inverse, où l’afflux de mineurs non accompagnés se compte par milliers chaque année, les enfants qui deviennent majeurs perdent automatiquement leur protection subsidiaire et sont expulsés ou se retrouvent généralement en situation irrégulière.
91. En ce qui concerne les prestations sociales, la République tchèque et le Royaume-Uni fournissent également à ces jeunes majeurs une assistance faisant suite à la prise en charge en matière de logement et d’assistance financière. En République tchèque, les mineurs non accompagnés peuvent bénéficier d’un logement et de services d’éducation jusqu’à 26 ans. Certains pays (par exemple la Belgique et la Pologne) transfèrent les demandeurs d’asile des structures d’accueil pour enfants dans des centres de réfugiés ou leur accordent à la fois le droit de vivre en dehors du centre et de recevoir une allocation. Il s’agit là de quelques exemples de bonnes pratiques.
92. Globalement, votre rapporteuse estime que l’approche actuelle de nombreux Etats membres, qui consiste à investir considérablement dans l’éducation et les soins d’un enfant non accompagné pour le renvoyer dans son pays quand il atteint 18 ans, ne bénéficie à personne. L’Europe connaît un besoin structurel de migrants, notamment en raison de sa population déclinante; dans ces conditions, la meilleure solution n’est-elle pas d’exploiter le potentiel que représentent ces mineurs qui ont été éduqués et formés dans le pays et qui ont un projet de vie à long terme pour les intégrer dans la main-d’œuvre et les sociétés locales? Comme l’explique le Programme en faveur des enfants séparés en Europe, dans sa déclaration de bonne pratique, la solution ne peut être considérée comme durable si elle se fonde sur la décision d’autoriser uniquement l’enfant à rester jusqu’à son dix-huitième anniversaire, même si son séjour peut être prolongé de façon temporaire.
93. Au moment de décider si un enfant pourra ou non légalement rester dans le pays d’accueil après sa majorité, il apparaît donc hautement pertinent de prendre en compte comme élément clé son potentiel d’intégration à long terme dans la communauté locale. Les critères à considérer doivent inclure: le temps passé dans le pays d’accueil, le projet de vie de l’enfant, le degré d’intégration et les études poursuivies, les liens affectifs de la personne avec la famille ou la société d’accueil, et la vision que la jeune personne a de son avenir.
94. Il faut établir un «âge tampon» entre l’âge de la majorité et l’âge où une solution est trouvée, qui permettrait au jeune – au moins pendant une durée de temps précise – de poursuivre un apprentissage ou une formation, ou de se lancer sur le marché de l’emploi au même titre que la population nationale. L’assistance doit être prolongée jusqu’à ce que cette solution durable soit trouvée, même si cela va au-delà du dix-huitième anniversaire de l’enfant.
95. Les enfants non accompagnés qui deviennent adultes durant la procédure de détermination de l’asile doivent continuer de bénéficier des mêmes conditions spéciales que celles appliquées aux mineurs. Toutefois, les Etats doivent supprimer les délais inutiles qui peuvent entraîner ce type de situation.

3.4. Préoccupations liées au retour dans le pays d’origine

96. Le retour des enfants non accompagnés dans leurs familles ou pays d’origine est considéré comme une solution durable, à condition d’être dans leur intérêt supérieur et de disposer de garanties concernant leur sécurité et leur bien-être une fois rentrés. Et pourtant, le retour des mineurs non accompagnés constitue également l’une des questions les plus controversées où se révèlent les failles de la réglementation applicable, les limites de la liberté d’action des Etats membres et, enfin, la difficulté à appliquer les normes des droits de l’homme.
97. Les problèmes se posent essentiellement dans les domaines pour lesquels il n’existe pas ou peu de pratiques communes et de consensus. Ces manquements portent notamment sur la définition de l’intérêt supérieur de l’enfant, les garanties relatives aux droits de l’homme et à la dignité, la définition de ce que constitue une prise en charge adéquate dans le pays d’origine, et l’applicabilité des décisions de retour.
98. Les Etats adoptent souvent le point de vue selon lequel, en l’absence de demande d’asile, il est quasi systématiquement dans l’intérêt supérieur de l’enfant de réintégrer sa famille; en d’autres termes, ils ne voient pas la nécessité de mener une évaluation approfondie au cas par cas. Votre rapporteuse tient à affirmer que le retour dans la famille peut être mais n’est pas automatiquement dans l’intérêt supérieur de l’enfant, même en l’absence de motifs sérieux laissant penser que ce dernier a besoin d’une protection. Le retour devrait dépendre des conclusions d’une évaluation minutieuse de la situation que l’enfant va trouver à son retour et de la capacité de la famille ou des services de protection de l’enfance à en prendre soin de manière satisfaisante. Lorsque aucun parent ou membre de la famille élargie du mineur n’est retrouvé, le retour doit seulement être décidé si le mineur peut bénéficier d’une prise en charge convenue à l’avance, sûre, concrète et adaptée, et de mesures de réinsertion dans le pays d’origine. L’évaluation des conditions de retour devra être menée par une organisation ou une personne professionnelle et indépendante, et devra être objective, non politique et respectueuse du principe de l’intérêt supérieur de l’enfant. Il convient également de prendre en compte l’avis de l’enfant et de son tuteur.
99. Dans les cas où le retour est considéré être dans l’intérêt supérieur de l’enfant et où les conditions sont garanties, la décision de renvoyer un mineur non accompagné doit être motivée et notifiée à l’enfant et à son tuteur légal par écrit, avec toutes les informations indiquant les possibilités de recours contre cette décision. L’enfant et/ou son tuteur légal doivent avoir le droit de faire appel de la décision de retour devant un tribunal. Un tel appel devrait avoir un effet suspensif et s’étendre à la légalité et au bien-fondé de la décision.
100. Le retour dans le pays d’origine ne peut être envisagé s’il entraîne un risque de violation des droits de l’homme fondamentaux de l’enfant. A cet égard, votre rapporteuse partage les inquiétudes exprimées par les principales organisations et agences internationales concernant la création de centres d’accueil dans les pays d’origine afin de permettre aux pays de l’Union européenne de renvoyer les mineurs non accompagnés s’ils ne retrouvent pas les membres de leurs familles. Des centres de ce type ont été mis en place en Afrique (République démocratique du Congo, Angola), Europe (Roumanie, Bulgarie), Afghanistan et Irak. Selon Save the Children, il y a de sérieuses inquiétudes quant au fait que la simple existence de ces centres d’accueil puisse automatiquement servir de justification du refus de permis de séjour à des mineurs non accompagnés, ceux-ci pouvant toujours être renvoyés vers un lieu sûr et adéquat. D’autres Etats ont signé avec le Maroc, le Sénégal, la Bulgarie ou la Roumanie des accords de réadmission des mineurs, mais qui manquent de transparence et de protection pour les enfants.
101. Les enfants ne devraient jamais être renvoyés vers des lieux pouvant mettre en danger leur sécurité et leur bien-être. Sans garanties de sécurité et de réinsertion adéquates, les centres d’accueil des pays d’origine ne satisfont pas à l’intérêt supérieur de l’enfant. La majorité des pays ayant mis en place ce type de centres sont ont des problèmes de fonctionnement, sont déchirés par des conflits ou, tout simplement, dans l’incapacité de mettre sur pied un système de protection de l’enfance. Sans protection adéquate ni possibilité de réinsertion, il est fort à craindre que les enfants ne disparaissent des institutions et ne tentent à nouveau d’entreprendre de dangereux voyages 
			(30) 
			Ces craintes ont été formulées lors de discussions
entre votre rapporteuse et des représentants d’ONG néerlandaises
concernées, qui ont confirmé que, bien que présentés comme des réussites
par les autorités, les centres récemment créés à Luanda (Angola)
et à Kinshasa (République démocratique du Congo) avec l’aide financière
du Gouvernement néerlandais restaient vides, les enfants amenés
ayant disparu vingt-quatre heures après leur arrivée. En conséquence,
votre rapporteuse demeure très sceptique quant à la capacité de
ces établissements à offrir une solution durable dans l’intérêt
supérieur des enfants non accompagnés..
102. Human Rights Watch affirme également qu’investir ainsi dans le retour des enfants risque non seulement d’être un gaspillage d’argent, puisque les enfants renvoyés dans leur pays s’empressent de le quitter à nouveau, mais aussi une remise en danger des enfants. En outre, en cas de mauvais traitements, de détention ou de disparition de l’enfant à son arrivée, les gouvernements européens restent directement responsables s’ils n’ont pas tenu compte, préalablement au retour, des informations pertinentes ou n’ont rien fait pour éviter ces risques. La Cour européenne des droits de l’homme, dans un arrêt contre la Belgique 
			(31) 
			Mubilanzila Mayeka et Kaniki Mitunga c. Belgique,
Requête no 13178/03, arrêt du 12 octobre 2006., a conclu que les gouvernements sont tenus de prendre des mesures et des précautions contre le traitement inhumain infligé à un enfant renvoyé dans son pays. Le bien-être de l’enfant après son retour devra ainsi être contrôlé par les autorités ou services compétents sur place, qui devront rester en contact avec les autorités du pays d’où l’enfant a été renvoyé et leur rendre compte. Par ailleurs, au lieu de privilégier des solutions apparemment rapides et faciles axées sur les retours, il est nécessaire d’investir davantage dans des services et des institutions accessibles à tous les enfants dans leurs pays d’origine 
			(32) 
			Troller S., In the Migration Trap: Unaccompanied Migrant
Children in Europe, Human Rights Watch World Report 2010, <a href='http://www.hrw.org/en/node/87786'>www.hrw.org/en/node/87786</a>..
103. L’applicabilité des décisions de retour constitue un autre domaine de préoccupation. En dépit des politiques mises en place par l’Union européenne pour encourager le retour d’un plus grand nombre d’enfants non accompagnés pour lesquels la nécessité d’une protection internationale n’est pas avérée, rares sont les Etats à avoir initié le départ, volontaire ou forcé, de mineurs ces dernières années 
			(33) 
			Seuls quelques pays disposent de données
concernant le retour des mineurs non accompagnés. Ainsi, la Suède
a refoulé 53 mineurs non accompagnés vers 29 Etats entre 2007 et
2009; les Pays-Bas ont vu le départ volontaire de 230 mineurs non
accompagnés et le départ forcé de 145 autres entre 2003 et 2006,
puis de 54 en 2008; l’Espagne a renvoyé 292 mineurs non accompagnés
entre 2004 et 2008 sur 4 410 faisant l’objet de décisions de retour.. La principale raison en est que, même s’il y a mesure d’expulsion, elle est rarement exécutable – du fait de l’absence des documents nécessaires (papiers d’identité ou documents de voyage), de la réticence de l’enfant à coopérer au départ, des difficultés à retrouver la famille de l’enfant et de l’impossibilité d’obtenir à temps auprès des pays d’origine les documents voulus. Ainsi de nombreuses décisions restent-elles en souffrance jusqu’à ce que l’enfant atteigne l’âge de 18 ans.
104. Cette «attente de la majorité» ne constitue décidément pas une solution sérieuse ou durable ni pour les Etats, ni pour les enfants concernés dans la mesure où elle engendre souvent des détentions prolongées ou des disparitions et alimente les réseaux de traite, comme nous l’avons déjà évoqué au chapitre 3.3.2.
105. Dès lors qu’il est réalisable, le regroupement familial est généralement considéré comme étant dans l’intérêt supérieur de l’enfant. Une fois la famille retrouvée, les relations familiales vérifiées et après avoir eu confirmation de la volonté tant de l’enfant que des membres de sa famille d’être à nouveau réunis, le processus suit habituellement son cours à moins qu’il y ait un doute raisonnable selon lequel l’enfant risquerait d’être exposé à des mauvais traitements ou à de la négligence. Cependant, il arrive parfois que les chances de regroupement d’un enfant non accompagné avec sa «famille élargie» soient réduites à néant en raison de la définition restrictive de «la famille» appliquée par les autorités de nombreux pays européens. Les possibilités de procéder au regroupement familial au-delà du pays d’origine sont également très minces. Et pourtant, les familles de migrants sont souvent éclatées sur tout le territoire européen, certains membres, y compris l’enfant, étant en situation irrégulière. Lorsque l’enfant non accompagné ou sa famille vit dans la clandestinité, il est quasiment impossible de fournir les services appropriés ou une aide au regroupement familial. En résumé, l’Europe manque d’instruments relatifs au regroupement familial des enfants non accompagnés.
106. A cet égard, votre rapporteuse juge important d’encourager une interprétation plus large du mot «famille» lorsqu’il s’agit d’étudier les possibilités de regroupement familial, et d’étendre les activités de regroupement familial au-delà du pays d’origine, dans la perspective humanitaire d’explorer les liens avec la famille élargie dans le pays d’accueil et dans les pays tiers.

4. Trouver des solutions durables

4.1. Identification des procédures et des outils appropriés à la recherche de solutions durables

107. L’identification des solutions durables les plus appropriées à un enfant non accompagné suppose généralement un équilibre complexe de différents facteurs. Les décisions de rapatriement volontaire, de regroupement familial ou de réinstallation dans un pays tiers, ou encore d’insertion dans la société d’accueil auront probablement un impact considérable et à long terme sur l’enfant. Toutes ces options de solution durables doivent être envisagées sur un pied d’égalité.
108. La recherche de solutions durables doit être engagée immédiatement, dès le premier contact d’un enfant non accompagné avec les services d’immigration et les services spécialisés. Les Directives du HCR sur la détermination formelle de l’intérêt supérieur de l’enfant (2008) stipulent que, avant de prendre une décision quant à l’option à appliquer pour une solution durable pour un enfant non accompagné donné, il convient de procéder à une détermination de l’intérêt supérieur afin de mettre suffisamment l’accent sur les droits des enfants lors du choix de la solution la plus appropriée et du moment opportun de la mettre en œuvre. La détermination doit être menée au cas par cas et se faire avec le consentement de toutes les parties concernées: les services de l’immigration, les services sociaux, le tuteur légal de l’enfant et l’enfant lui-même.
109. Les directives du HCR indiquent également que, s’il n’est pas possible de déterminer quelle solution durable répond aux intérêts supérieurs de l’enfant, il convient de maintenir la disposition de prise en charge temporaire et de réexaminer le cas au plus tard dans l’année qui suit la décision.
110. Lors du processus de détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant, il est essentiel de prendre en considération l’ensemble de ses droits. Outre les normes énoncées dans la Convention relative aux droits de l’enfant, d’autres instruments internationaux et régionaux pertinents sur les droits de l’homme en général, le droit humanitaire international, la législation sur les réfugiés, et des instruments juridiques souples et contraignants spécifiques aux enfants devraient être pris dûment en compte. L’Observation générale no 6 du Comité des droits de l’enfant et les directives de 2008 du HCR sont également de précieuses sources d’interprétation. Toutefois, votre rapporteuse estime que les Etats européens devraient élaborer leurs propres lignes directrices communes sur l’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant afin de définir clairement les procédures, d’établir les responsabilités et d’inclure tous les enfants non accompagnés et pas uniquement les demandeurs d’asile. Ces lignes directrices devraient également inclure des mécanismes visant à garantir l’écoute attentive des avis de l’enfant quant à sa situation et son avenir.
111. L’évaluation de l’intérêt supérieur de l’enfant suppose une connaissance globale et claire du contexte. Il est pour cela essentiel d’identifier autant que possible les besoins et les risques de protection de l’enfant, ses liens affectifs, ses capacités et ses centres d’intérêt mais aussi les capacités des adultes désireux de le prendre en charge. Le processus doit être centré sur l’enfant, sensible au genre, garantir la participation de l’enfant et adopter une approche prospective. Afin de faciliter la collecte d’informations crédibles sur la situation particulière de l’enfant et de son pays d’origine, il est souhaitable de développer un outil commun.

4.2. Mise en œuvre des solutions durables

112. La manière de mettre en pratique les solutions durables est encore plus importante que leur identification.Les projets de vie en faveur des mineurs migrants non accompagnés conçus par le Conseil de l’Europe (Recommandation CM/Rec(2007)9 du Comité des Ministres) offrent une manière constructive d’intervenir aux côtés de l’enfant. Ce sont des outils globaux, personnalisés et flexibles qui permettent aux mineurs d’acquérir et de renforcer les compétences nécessaires pour devenir indépendants, responsables et actifs au sein de la société, et de conjuguer l’intégration et leur épanouissement personnel.
113. Conçu et négocié entre l’enfant et les autorités du pays d’accueil, le projet de vie prend en compte le profil personnel de l’enfant, ses origines et sa situation familiale, les causes de sa migration et l’itinéraire parcouru. Il les relie à la situation présente, à savoir les aspirations et les perceptions du mineur, sa situation juridique dans le pays hôte et les possibilités offertes tant dans le pays d’accueil que dans le pays d’origine. Il cherche à clarifier et à consolider les perspectives d’avenir de l’enfant en veillant à ce que son intérêt supérieur soit respecté, que ses droits soient défendus et qu’il soit aidé afin de développer les aptitudes nécessaires à une participation active à la société 
			(34) 
			Drammeh
L., Projets de vie pour des mineurs non
accompagnés – Manuel à l’usage des professionnels de terrain, Editions
du Conseil de l’Europe, octobre 2010.. Offrant une formation spécialisée et une qualification, le projet de vie prévient les risques, une fois atteint l’âge adulte, de se retrouver à la rue ou de vivre en marge de la société.
114. Les projets de vie peuvent être menés dans le pays d’accueil ou – sous réserve du respect de l’intérêt supérieur, de la sécurité et des droits fondamentaux de l’enfant, y compris le principe de non-refoulement, pour ceux qui demandent l’asile – dans le pays d’origine, ou dans les deux pays. Lorsque le retour se révèle impossible à mettre en œuvre, ce type de démarche aide les jeunes à s’investir dans un véritable projet d’épanouissement personnel plutôt que d’attendre simplement l’âge de la majorité. A titre exceptionnel, lorsque des proches vivent légalement dans un pays tiers, il sera possible d’y envisager un regroupement familial et d’y poursuivre le projet de vie. Si les Etats membres ont mis en place des procédures sûres pour déplacer des mineurs qui relèvent des règles de l’Accord Dublin II, les projets de vie peuvent les suivre par-delà les frontières en Europe, comportant ainsi un élément de planification multiprojets.
115. Il va sans dire que la réussite des projets de vie nécessite un engagement mutuel de l’enfant et des autorités compétentes, définissant les responsabilités. Ces projets comprennent aussi des dispositions pour le suivi de leur déroulement et leur contrôle ou leur révision, à la fois à intervalles réguliers et en cas d’évolution significative de la situation de l’intéressé 
			(35) 
			Ibid..
116. La première phase pilote de mise en œuvre des projets de vie dans huit Etats membres, menée à terme en 2010 par le Comité européen sur les migrations (CDMG), laisse à penser à votre rapporteuse qu’ils constituent un moyen de garantir des solutions durables.
117. Votre rapporteuse est consciente des préoccupations des Etats quant aux coûts additionnels engendrés par l’instauration de systèmes fonctionnels d’identification et de mise en œuvre de solutions durables, compte tenu notamment du climat économique actuel en Europe. Elle entend également l’argument selon lequel une protection et une assistance accrues risquent d’avoir pour conséquence une augmentation des flux migratoires. Votre rapporteuse est néanmoins convaincue que les investissements en faveur du respect des droits de l’enfant ne négligent pas la dimension migratoire et que les efforts pour faire de ces enfants des acteurs positifs de la société dans laquelle ils vivront au final procurent des avantages bien supérieurs aux coûts engendrés.

5. Conclusions et recommandations de la rapporteuse

118. Dans les chapitres précédents, votre rapporteuse s’est efforcée de démontrer la nécessité de prendre dûment et attentivement en compte la réalité, s’agissant des enfants non accompagnés en Europe, ainsi que celle pour les pays européens d’engager une action déterminée commune aux fins de développer des procédures qui prennent en considération les vulnérabilités et les droits des enfants, en veillant à leur offrir des solutions durables.
119. Le plus grand défi à relever par les Etats membres est de comprendre que, pour défendre l’intérêt supérieur de l’enfant, l’approche actuelle doit être entièrement repensée: politiques et pratiques doivent véritablement reposer sur des droits et traiter ces enfants d’abord et avant tout comme des enfants, puis comme des migrants. De plus, cette approche doit s’appliquer à tous les enfants non accompagnés, pas seulement à ceux qui soumettent une demande d’asile ou d’autres formes de protection internationale.
120. Le deuxième défi à relever consiste à améliorer les procédures: les Etats membres doivent s’efforcer d’adopter des procédures saines et transparentes pour garantir à tous les enfants une évaluation équitable, approfondie et individualisée qui soit adaptée à l’âge et au sexe, et qui permette d’aboutir à une solution durable et bénéfique. Au lieu de privilégier le retour de ces enfants vers des pays qui sont souvent dysfonctionnels ou en guerre – ce qui, dans la majorité des cas, est de toute façon impossible avant leur majorité –, les Etats membres devraient rechercher des solutions durables. Face à une procédure de détention, d’expulsion ou de demande d’asile, les enfants doivent pouvoir contester les décisions avec l’aide de tuteurs et d’avocats.
121. Troisièmement, l’harmonisation des politiques et des pratiques européennes s’impose impérativement. A cet égard, le Plan d’action de l’Union européenne pour les mineurs non accompagnés est ambitieux et établit de bons principes, à suivre également par d’autres Etats membres du Conseil de l’Europe. Mais il reste beaucoup à accomplir.
122. Selon votre rapporteuse, le Conseil de l’Europe, compte tenu de son expertise dans les domaines des droits de l’homme et de la protection de l’enfance, peut jouer un rôle majeur en faveur du changement de paradigme, afin que les enfants non accompagnés soient avant tout traités comme des enfants. La reconnaissance des principes selon lesquels ces enfants ont le droit de bénéficier d’une prise en charge et d’une protection spécifiques, que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale dans toutes les décisions le concernant, et que l’opinion de l’enfant doit être écoutée est au cœur de cette démarche. Le Conseil de l’Europe a, par le passé, apporté d’importantes contributions grâce, notamment, à son initiative des projets de vie. C’est pourquoi votre rapporteuse reste persuadée que sa voix continuera d’améliorer le respect des droits de ces enfants.