1. Les droits des migrants dans
les pays d’accueil
1. La première réaction des Etats face au «problème»,
tel qu’il est perçu, des migrations en provenance de pays en développement
a été d’appliquer des pratiques migratoires de plus en plus restrictives
et de renforcer les contrôles aux frontières
. Ces politiques
n’ont toutefois pas permis d’atteindre leurs objectifs déclarés
et ont eu des résultats contre-productifs: par exemple, augmentation
des migrations clandestines, menaces accrues d’atteintes à la vie
et aux normes relatives aux droits de l’homme
. Pour ce
qui est de ces derniers, les droits en matière de sexualité et de
reproduction concernent les réfugiés et d’autres personnes, comme
les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, les migrants
en situation irrégulière et les minorités ethniques. Or ces personnes
sont fréquemment non seulement victimes de discrimination, mais aussi
privées de l’accès aux soins de santé en général, et plus particulièrement
aux services liés aux droits sexuels et reproductifs. Dans le cas,
par exemple, des femmes roms, des allégations troublantes concernant des
stérilisations forcées effectuées sans le consentement plein et
éclairé
de
ces femmes ainsi que des brutalités policières donnant lieu à des
fausses couches
ont été formulées. De plus, dans
11 des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, quelque 390 000 personnes
déplacées à l’intérieur de leur pays vivent dans des centres collectifs,
sans avoir accès aux services de base, y compris à des soins de
santé appropriés
. Les Etats doivent faire preuve d’équité
au niveau des services sociaux et des services de santé et d’éducation
(y compris des programmes sur les droits en matière de sexualité
et de reproduction) qu’ils offrent aux migrants et aux citoyens.
2. Les migrants placés en rétention (y compris les demandeurs
d’asile et les migrants en situation irrégulière) ont rarement accès
aux services sociaux et aux services de santé de base. Par exemple,
les femmes migrantes enceintes retenues au Royaume-Uni ont signalé
l’indifférence systématique dont elles faisaient l’objet et l’incapacité
des institutions à leur apporter les ressources vitales et les soins
de santé essentiels auxquels elles ont droit, et, selon certaines
indications, des femmes auraient fait des fausses couches alors
qu’elles se trouvaient dans des centres de rétention
. Il n’existe
pas non plus de règles communes sur les normes minimales applicables
aux centres de rétention. Le droit fondamental à bénéficier d’un
traitement médical devrait être garanti et les migrants qui arrivent,
quels qu’ils soient, devraient (dans la mesure du possible) être
assujettis à un dépistage précoce pour que les maladies puissent
être traitées rapidement, et que les personnes soient orientées
vers des services complémentaires et soient aidées. Un mécanisme
amélioré de dépistage des maladies et des pathologies, dont la tuberculose,
le VIH/sida et les troubles psychiatriques, présente une importance
évidente pour la santé publique au sens large
.
2. Améliorer les conditions dans les pays d’origine
3. Si les processus de migration et de développement
sont liés, l’aide au développement et l’amélioration des conditions
dans les pays d’origine des migrants ne devraient pas être considérées
comme un remède contre les migrations. Au niveau européen cependant,
des propositions ont été faites pour ne plus aider les pays d’origine
de migrants qui ne participent pas aux efforts visant à endiguer
les migrations clandestines. L’aide au développement ne représente
en outre qu’une infime partie du budget global de l’Union européenne, d’autres
organes régionaux et d’Etats membres
. La
crédibilité et l’utilité des programmes d’aide sont remises en cause,
et l’on se pose la question de savoir si les fonds vont ou non aux
personnes qui en ont besoin.
4. La Cour européenne des droits de l’homme a établi que la responsabilité
des Etats membres du Conseil de l’Europe n’est engagée que très
rarement, dans les cas exceptionnels où des demandeurs d’asile atteints du
VIH/sida rentrent dans leur pays d’origine
. Parallèlement, les
Etats ne respectent pas les obligations qu’ils ont contractées dans
le cadre de la CIPD + 15 en ce qui concerne les dons visant (notamment)
à lutter contre le VIH/sida. Si les pays en développement devaient
être au premier chef responsables de leur propre développement,
les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient prendre des mesures
à long terme pour aider les pays d’origine à garantir un accès gratuit
et universel à un traitement contre le VIH/sida, afin de réduire les
migrations dont le but est de suivre un traitement curatif à l’étranger
. De
plus, si l’aide au développement a augmenté en ce qui concerne le
traitement du VIH/sida, elle a baissé
pour les mécanismes de
prévention. Les
Etats devraient donc s’assurer que les dons consacrés au développement
se rapportent aux questions liées aux migrations et couvrent en
particulier les coûts du traitement et de la prévention des maladies,
sous forme de planification familiale effective, d’éducation sexuelle
et de campagnes de sensibilisation.
3. Contribution positive des migrations au développement
et à la stabilisation de la population
5. Les migrations internationales sont un «moyen idéal»
de promouvoir le codéveloppement, c’est-à-dire l’amélioration coordonnée
ou concertée de la situation économique tant dans les pays d’origine
que dans les pays de destination, compte tenu de leur complémentarité
.
Dans le contexte du développement, les effets positifs des migrations
dans les pays d’accueil et d’origine doivent être reconnus et font
partie de la politique migratoire de ces derniers. Il faudrait donc
s’employer avec plus de vigueur à étudier plus en profondeur les rapports
entre migrations et développement, et assurer une cohérence entre
les politiques relatives aux migrations et celles relatives au développement,
au sens le plus large, que ce soit dans le discours ou dans la pratique.
6. En ce qui concerne les pays de destination, les avantages
des migrations internationales – non seulement pour les migrants
eux-mêmes, mais aussi pour les sociétés d’accueil – dépendent de
la mesure dans laquelle les droits des migrants sont protégés, y
compris de la régularisation des migrants en situation irrégulière,
des droits du travail, et de l’accès aux services relatifs aux droits
sexuels et reproductifs. Premièrement, les femmes ont eu tendance
à émigrer pour suivre leur mari ou leur famille ou en tant que «personnes
dépendantes», mais elles sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses
à migrer à titre individuel, d’où une plus grande autonomie et une
augmentation de la proportion de femmes ayant un emploi rémunéré
. Deuxièmement,
si la population européenne diminue en même temps qu’elle vieillit,
les migrations devraient être considérées comme un élément important
de la croissance démographique. Troisièmement, les femmes migrantes
ont contribué à l’élaboration de politiques dans le domaine des
migrations et du développement; en Allemagne, par exemple, elles
ont défini des politiques visant à lutter contre la traite ou à
combattre le racisme, ou ont fait pression pour obtenir un statut
juridique indépendant
. Les Etats devraient
donc garantir l’autonomie des femmes migrantes et les droits sexuels
et reproductifs dans les pays d’accueil.
7. en ce qui concerne les pays d’origine, les fonds que les femmes
migrantes envoient contribuent à l’éradication de la pauvreté; ils
accroissent les revenus des familles et aident à couvrir les frais
d’éducation et de santé, qui sinon seraient à la charge de l’Etat.
Les transferts sociaux ou le transfert de compétences, de savoir-faire
et de technologie peuvent favoriser le développement socio-économique
et promouvoir la démocratie, les droits de l’homme et l’égalité
des sexes. Par exemple, les Albanais qui ont travaillé en Grèce en
sont revenus avec de nouvelles compétences agricoles, qui leur ont
permis d’améliorer la production
.
Le retour volontaire de migrants qualifiés ou l’acquisition de compétences
pendant une longue période de croissance peuvent combler les écarts
de salaire entre les pays riches et les pays pauvres et atténuer
le sentiment de dénuement relatif, ce qui permettra de réduire les
migrations. Les migrations devaient être intégrées à la politique
de développement, qui devrait disposer des fonds nécessaires pour
renforcer les aspects positifs du processus migratoire.
8. L’intégration des migrants et de leur famille est un enjeu
essentiel pour l’Europe, mais la première réaction des Etats a été
de décourager le regroupement familial, et d’encourager et de préparer
les migrants à rentrer dans leur pays d’origine
.
Les politiques migratoires dans les pays d’origine et d’accueil
ont des conséquences pour les femmes et les hommes lors du processus
migratoire; les femmes migrantes sont cependant beaucoup plus défavorisées
du point de vue de leur épanouissement personnel (qui est parfois contrarié).
Les mesures prises pour améliorer la situation des femmes migrantes
(octroi d’un statut juridique indépendant et autorisation de travailler
lorsqu’elles sont admises au titre du regroupement familial, par exemple)
et la préservation de leurs droits sont essentielles. L’intégration
suppose la prise en considération des préoccupations des migrants
en matière de droits sexuels et reproductifs. Les Etats membres
européens devraient élaborer des politiques d’intégration globales
pour donner aux migrants la possibilité de participer et de contribuer
à la vie de la société qui les accueille.