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Avis de commission | Doc. 12053 | 01 octobre 2009

Quinze ans après le Programme d'action de la Conférence internationale sur la population et le développement

(Ancienne) Commission des migrations, des réfugiés et de la population

Rapporteur : M. Francis AGIUS, Malte, PPE/DC

Origine - Voir Doc. 11992 déposé par la commission des questions sociales, de la santé et de la famille. 2009 - Commission permanente de novembre

A. Conclusions de la commission

(open)
1. Le Programme d’action (le Programme) de la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) exige qu’un certain nombre d’objectifs fondamentaux soient atteints pour parvenir au développement durable et à la stabilisation de la population dont: l’accès à l’éducation, l’équité et l’égalité entre les sexes, la réduction de la mortalité infantile, juvénile et maternelle, et l’accès aux services de santé de la reproduction, y compris la planification familiale et la santé en matière de sexualité.
2. Outre les objectifs susmentionnés, le programme demande que des mesures soient prises dans le contexte des migrations internationales et des déplacements de personnes à l’intérieur de leur propre pays 
			(1) 
			Programme
d’action de la CIPD, chapitre III, Liens réciproques entre population,
croissance économique soutenue et développement durable; chapitre
IX, Répartition de la population, urbanisation et migrations internes;
et chapitre X, Migrations internationales et développement. . Cette question est extrêmement complexe, car les migrations et les déplacements internes peuvent résulter de divers changements démographiques, sociaux, économiques, environnementaux et politiques dans un pays, et les liens entre les migrations et le développement n’ont pas été suffisamment étudiés. En ce qui concerne le sexe et les migrations, les femmes représentent la moitié des migrants dans le monde. Or, le processus de migration est d’ordinaire plus dangereux pour les femmes que pour les hommes. Des femmes et des petites filles sont contraintes de fuir les diverses formes de mauvais traitements qui leur sont infligés de manière disproportionnée (par exemple viol, violence sexuelle et domestique, exploitation sexuelle et autres pratiques abusives, dont les mutilations sexuelles), elles sont victimes de trafic illicite et de traite 
			(2) 
			Fond des Nations Unies
pour la population (FNUAP), rapport 2006 sur l’état de la population
mondiale: «Vers l’espoir: les femmes et la migration internationale». , et les femmes migrantes qui travaillent rencontrent souvent des obstacles ou se heurtent à une double discrimination, en tant que femmes et en tant que migrantes.
3. La commission se félicite en conséquence du rapport de la commission des questions sociales, de la santé et de la famille «Quinze ans après le Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement», qui est axé sur l’autonomisation des femmes, la santé maternelle et les droits en matière de sexualité et de reproduction. Dans ce contexte, elle note avec satisfaction que bon nombre de ses préoccupations se retrouvent dans le rapport et les projets de résolution et de recommandation, dont les droits particuliers en matière de sexualité et de reproduction des populations vulnérables, y compris des migrants et des minorités, ainsi que la question de la violence contre les femmes et les filles et la traite.

(open)

1. Les droits des migrants dans les pays d’accueil

1. La première réaction des Etats face au «problème», tel qu’il est perçu, des migrations en provenance de pays en développement a été d’appliquer des pratiques migratoires de plus en plus restrictives et de renforcer les contrôles aux frontières 
			(3) 
			De
Haas, H., «Turning the tide? Why “development instead of migration”
polices are bound to fail», International Migration Institute, University
of Oxford, Working paper 2006 (2).. Ces politiques n’ont toutefois pas permis d’atteindre leurs objectifs déclarés et ont eu des résultats contre-productifs: par exemple, augmentation des migrations clandestines, menaces accrues d’atteintes à la vie et aux normes relatives aux droits de l’homme 
			(4) 
			Ibid.. Pour ce qui est de ces derniers, les droits en matière de sexualité et de reproduction concernent les réfugiés et d’autres personnes, comme les personnes déplacées à l’intérieur de leur propre pays, les migrants en situation irrégulière et les minorités ethniques. Or ces personnes sont fréquemment non seulement victimes de discrimination, mais aussi privées de l’accès aux soins de santé en général, et plus particulièrement aux services liés aux droits sexuels et reproductifs. Dans le cas, par exemple, des femmes roms, des allégations troublantes concernant des stérilisations forcées effectuées sans le consentement plein et éclairé 
			(5) 
			Rapport de l’ECRI
sur la Slovaquie (quatrième cycle de suivi) adopté le
19 décembre 2008, publié le 26 mai 2009. de ces femmes ainsi que des brutalités policières donnant lieu à des fausses couches 
			(6) 
			Petropoulou-Tsakiris
c. Grèce, Requête no 44803/04,
arrêt du 6 décembre 2007, concernant l’absence d’enquête effective
à la suite de brutalités policières présumées ayant provoqué une
fausse couche. ont été formulées. De plus, dans 11 des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, quelque 390 000 personnes déplacées à l’intérieur de leur pays vivent dans des centres collectifs, sans avoir accès aux services de base, y compris à des soins de santé appropriés 
			(7) 
			Doc. 11942, «Les peuples oubliés
de l’Europe: protéger les droits fondamentaux des personnes déplacées
de longue date», rapport de la commission des migrations, des réfugiés
et de la population, M. John Greenway, Royaume-Uni, Groupe démocrate
européen. . Les Etats doivent faire preuve d’équité au niveau des services sociaux et des services de santé et d’éducation (y compris des programmes sur les droits en matière de sexualité et de reproduction) qu’ils offrent aux migrants et aux citoyens.
2. Les migrants placés en rétention (y compris les demandeurs d’asile et les migrants en situation irrégulière) ont rarement accès aux services sociaux et aux services de santé de base. Par exemple, les femmes migrantes enceintes retenues au Royaume-Uni ont signalé l’indifférence systématique dont elles faisaient l’objet et l’incapacité des institutions à leur apporter les ressources vitales et les soins de santé essentiels auxquels elles ont droit, et, selon certaines indications, des femmes auraient fait des fausses couches alors qu’elles se trouvaient dans des centres de rétention 
			(8) 
			Inquiry into the quality of healthcare at Yarl’
s Wood immigration removal centre, 20-24 February 2006,
by HM Chief Inspector of Prisons.. Il n’existe pas non plus de règles communes sur les normes minimales applicables aux centres de rétention. Le droit fondamental à bénéficier d’un traitement médical devrait être garanti et les migrants qui arrivent, quels qu’ils soient, devraient (dans la mesure du possible) être assujettis à un dépistage précoce pour que les maladies puissent être traitées rapidement, et que les personnes soient orientées vers des services complémentaires et soient aidées. Un mécanisme amélioré de dépistage des maladies et des pathologies, dont la tuberculose, le VIH/sida et les troubles psychiatriques, présente une importance évidente pour la santé publique au sens large 
			(9) 
			Voir
les projets de Médecins du monde; de la Medical Justice Foundation..

2. Améliorer les conditions dans les pays d’origine

3. Si les processus de migration et de développement sont liés, l’aide au développement et l’amélioration des conditions dans les pays d’origine des migrants ne devraient pas être considérées comme un remède contre les migrations. Au niveau européen cependant, des propositions ont été faites pour ne plus aider les pays d’origine de migrants qui ne participent pas aux efforts visant à endiguer les migrations clandestines. L’aide au développement ne représente en outre qu’une infime partie du budget global de l’Union européenne, d’autres organes régionaux et d’Etats membres 
			(10) 
			De Haas, H., op. cit.. La crédibilité et l’utilité des programmes d’aide sont remises en cause, et l’on se pose la question de savoir si les fonds vont ou non aux personnes qui en ont besoin.
4. La Cour européenne des droits de l’homme a établi que la responsabilité des Etats membres du Conseil de l’Europe n’est engagée que très rarement, dans les cas exceptionnels où des demandeurs d’asile atteints du VIH/sida rentrent dans leur pays d’origine 
			(11) 
			N c. Royaume-Uni, Requête no 26565/05,
arrêt [GC] du 27 mai 2008.. Parallèlement, les Etats ne respectent pas les obligations qu’ils ont contractées dans le cadre de la CIPD + 15 en ce qui concerne les dons visant (notamment) à lutter contre le VIH/sida. Si les pays en développement devaient être au premier chef responsables de leur propre développement, les Etats membres du Conseil de l’Europe devraient prendre des mesures à long terme pour aider les pays d’origine à garantir un accès gratuit et universel à un traitement contre le VIH/sida, afin de réduire les migrations dont le but est de suivre un traitement curatif à l’étranger 
			(12) 
			Assemblée
générale des Nations Unies, «Dans une liberté plus grande: développement,
sécurité et respect des droits de l’homme pour tous». Rapport du
Secrétaire général soumis aux chefs d’Etat et de gouvernement en
septembre 2005, 21 mars 2005, A/59/2005.. De plus, si l’aide au développement a augmenté en ce qui concerne le traitement du VIH/sida, elle a baissé pour les mécanismes de prévention. Les Etats devraient donc s’assurer que les dons consacrés au développement se rapportent aux questions liées aux migrations et couvrent en particulier les coûts du traitement et de la prévention des maladies, sous forme de planification familiale effective, d’éducation sexuelle et de campagnes de sensibilisation.

3. Contribution positive des migrations au développement et à la stabilisation de la population

5. Les migrations internationales sont un «moyen idéal» de promouvoir le codéveloppement, c’est-à-dire l’amélioration coordonnée ou concertée de la situation économique tant dans les pays d’origine que dans les pays de destination, compte tenu de leur complémentarité 
			(13) 
			Assemblée
générale des Nations Unies, «Migrations internationales et développement».
Rapport du Secrétaire général, 18 mai 2006, A/60/871.. Dans le contexte du développement, les effets positifs des migrations dans les pays d’accueil et d’origine doivent être reconnus et font partie de la politique migratoire de ces derniers. Il faudrait donc s’employer avec plus de vigueur à étudier plus en profondeur les rapports entre migrations et développement, et assurer une cohérence entre les politiques relatives aux migrations et celles relatives au développement, au sens le plus large, que ce soit dans le discours ou dans la pratique.
6. En ce qui concerne les pays de destination, les avantages des migrations internationales – non seulement pour les migrants eux-mêmes, mais aussi pour les sociétés d’accueil – dépendent de la mesure dans laquelle les droits des migrants sont protégés, y compris de la régularisation des migrants en situation irrégulière, des droits du travail, et de l’accès aux services relatifs aux droits sexuels et reproductifs. Premièrement, les femmes ont eu tendance à émigrer pour suivre leur mari ou leur famille ou en tant que «personnes dépendantes», mais elles sont aujourd’hui de plus en plus nombreuses à migrer à titre individuel, d’où une plus grande autonomie et une augmentation de la proportion de femmes ayant un emploi rémunéré 
			(14) 
			L’Organisation
internationale pour les migrations (OIM) est d’avis que les migrations
peuvent avoir une influence directe et positive sur la réalisation
des objectifs du Millénaire pour le développement (OMD) et en particulier
sur l’OMD3: promouvoir l’égalité et l’autonomisation des femmes.
Voir OIM, «La migration et les objectifs du Millénaire pour le développement»,
avril 2005, Série Migration Research, no 20. . Deuxièmement, si la population européenne diminue en même temps qu’elle vieillit, les migrations devraient être considérées comme un élément important de la croissance démographique. Troisièmement, les femmes migrantes ont contribué à l’élaboration de politiques dans le domaine des migrations et du développement; en Allemagne, par exemple, elles ont défini des politiques visant à lutter contre la traite ou à combattre le racisme, ou ont fait pression pour obtenir un statut juridique indépendant 
			(15) 
			FNUAP, op.
cit. Voir également les objectifs du Millénaire pour
le développement 1, 4, 5 et 6. . Les Etats devraient donc garantir l’autonomie des femmes migrantes et les droits sexuels et reproductifs dans les pays d’accueil.
7. en ce qui concerne les pays d’origine, les fonds que les femmes migrantes envoient contribuent à l’éradication de la pauvreté; ils accroissent les revenus des familles et aident à couvrir les frais d’éducation et de santé, qui sinon seraient à la charge de l’Etat. Les transferts sociaux ou le transfert de compétences, de savoir-faire et de technologie peuvent favoriser le développement socio-économique et promouvoir la démocratie, les droits de l’homme et l’égalité des sexes. Par exemple, les Albanais qui ont travaillé en Grèce en sont revenus avec de nouvelles compétences agricoles, qui leur ont permis d’améliorer la production 
			(16) 
			Assemblée générale
des Nations Unies, op. cit. Rapport
du Secrétaire général, 18 mai 2006, A/60/871. Le retour volontaire de migrants qualifiés ou l’acquisition de compétences pendant une longue période de croissance peuvent combler les écarts de salaire entre les pays riches et les pays pauvres et atténuer le sentiment de dénuement relatif, ce qui permettra de réduire les migrations. Les migrations devaient être intégrées à la politique de développement, qui devrait disposer des fonds nécessaires pour renforcer les aspects positifs du processus migratoire.
8. L’intégration des migrants et de leur famille est un enjeu essentiel pour l’Europe, mais la première réaction des Etats a été de décourager le regroupement familial, et d’encourager et de préparer les migrants à rentrer dans leur pays d’origine 
			(17) 
			De
Haas, H., op. cit.. Les politiques migratoires dans les pays d’origine et d’accueil ont des conséquences pour les femmes et les hommes lors du processus migratoire; les femmes migrantes sont cependant beaucoup plus défavorisées du point de vue de leur épanouissement personnel (qui est parfois contrarié). Les mesures prises pour améliorer la situation des femmes migrantes (octroi d’un statut juridique indépendant et autorisation de travailler lorsqu’elles sont admises au titre du regroupement familial, par exemple) et la préservation de leurs droits sont essentielles. L’intégration suppose la prise en considération des préoccupations des migrants en matière de droits sexuels et reproductifs. Les Etats membres européens devraient élaborer des politiques d’intégration globales pour donner aux migrants la possibilité de participer et de contribuer à la vie de la société qui les accueille.

B. Propositions d’amendements

(open)

Tout en soulignant qu’elle soutient le projet de recommandation présenté par la commission des questions sociales, de la santé et de la famille, la commission des migrations, des réfugiés et de la population propose les amendements suivants:

Amendement A (au projet de recommandation)

Au paragraphe 9.1.1, après les mots «un personnel d’accouchement qualifié et à des soins», insérer les mots «gynécologiques et».

Amendement B (au projet de recommandation)

Au paragraphe 9.3, supprimer les mots «, y compris les migrations».

Amendement C (au projet de recommandation)

Ajouter, après le paragraphe 9.3, un nouveau paragraphe:

«9.4. Migrations:

Amendement D (au projet de recommandation)

Ajouter un nouveau paragraphe 9.4.1, libellé comme suit:

«en intégrant les migrations (et leurs aspects positifs) dans la politique de développement et la législation nationale, et en veillant à ce que les crédits nécessaires soient prévus pour garantir les droits des femmes migrantes à l’éducation, à l’emploi, aux services de santé et aux services sociaux;».

Amendement E (au projet de recommandation)

Ajouter un nouveau paragraphe 9.4.2, libellé comme suit:

«en améliorant le dépistage des migrants en situation irrégulière à leur arrivée, afin de recenser leurs besoins en matière de santé, en particulier ceux des femmes enceintes, des jeunes et des personnes âgées;».

Amendement F (au projet de recommandation)

Ajouter un nouveau paragraphe 9.4.3, libellé comme suit:

«en garantissant un accès gratuit et non discriminatoire aux services de santé, y compris pour ce qui est des droits sexuels et reproductifs, et un environnement salubre aux migrants en situation irrégulière placés en rétention, aux personnes déplacées dans leur propre pays, et en particulier à celles qui sont dans des centres collectifs, aux Roms et aux autres groupes, y compris ceux qui sont dans des campements; et».

Amendement G (au projet de recommandation)

Ajouter un nouveau paragraphe 9.4.4, libellé comme suit:

«en garantissant l’intégration réussie des migrants et de leur famille, et en élaborant des politiques d’intégration globales pour donner aux migrants la possibilité de participer et de contribuer à la vie du pays qui les accueille;».

Amendement H (au projet de recommandation)

Au paragraphe 9.5.1, après les mots «des politiques», insérer les mots «adaptées à des âges différents»

Amendement I (au projet de recommandation)

Au paragraphe 9.5.2, après le mot «l’exploitation,», ajouter les mots «le trafic,».

Amendement J (au projet de recommandation)

Ajouter un nouveau paragraphe 9.5.3, libellé comme suit:

«en veillant à ce que les dons faits aux pays en vue du traitement et de la prévention du VIH/sida augmentent;».

Amendement K (au projet de recommandation)

A la fin du paragraphe 9.6.3, ajouter les mots «et les dispositifs institutionnels en place pour sa distribution adéquate et efficace».

__________

Commission chargée du rapport: commission des questions sociales, de la santé et de la famille

Commission pour avis: commission des migrations, des réfugiés et de la population

Renvoi en commission: Doc. 11750, Renvoi 3509 du 26 janvier 2009

Avis approuvé par la commission le 30 septembre 2009

Secrétariat de la commission: M. Neville, Mme Odrats, M. Ekström