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Avis de commission | Doc. 12978 | 26 juin 2012

L'utilisation des migrants et des réfugiés pendant les campagnes électorales

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Miltiadis VARVITSIOTIS, Grèce, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 12373, Renvoi 3719 du 8 octobre 2010. Commission saisie du rapport: Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées. Voir Doc. 12953. Avis approuvé par la commission le 25 juin 2012.

A. Conclusions de la commission

(open)
1. La commission des questions politiques et de la démocratie félicite la commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées et sa rapporteure, Mme Daphné Dumery, pour le rapport sur l'utilisation des migrants et des réfugiés pendant les campagnes électorales. Le rapport examine fort pertinemment comment, en période de campagne électorale, certains candidats et partis politiques des Etats membres du Conseil de l'Europe présentent les migrants et les réfugiés comme une menace et un fardeau pour la société. Il met en garde, à juste titre, contre les risques d'extrémisme et de xénophobie et les dangers associés pour la démocratie et les droits de l'homme.
2. Le rapport gagnerait néanmoins à lancer aux partis politiques un appel clair et explicite à respecter la Charte des partis politiques européens pour une société non raciste, signée en 2003 par le Président de l'Assemblée parlementaire et par le Président du Parlement européen.
3. La commission estime qu’en période de campagne électorale, il importe tout particulièrement de faire face, de façon responsable et équitable, aux sujets sensibles se rapportant aux craintes et aux tensions entre groupes d’origines ethniques, nationales, religieuses ou sociales différentes. Par ailleurs, les questions liées à l'immigration devraient être traitées non seulement sous l'angle économique, mais aussi d'un point de vue culturel, en mettant en avant les avantages que présente la diversité en Europe.
4. La Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), notamment par son Conseil des élections démocratiques, pourrait également amener une contribution utile au débat. Tel est le but poursuivi par les amendements proposés par la commission des questions politiques et de la démocratie.

B. Amendements proposés au projet de résolution

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Amendement A (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, paragraphe 5, après les mots «la peur des différences», insérer les mots suivants: «et les craintes liées à l'identité culturelle».

Amendement B (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, après le paragraphe 6, insérer le nouveau paragraphe suivant:

«7. L'Assemblée, se référant à sa Résolution 1754 (2010) et à sa Recommandation 1933 (2010) sur la lutte contre l'extrémisme: réalisations, faiblesses et échecs, condamne les groupes et les responsables politiques qui, s'inspirant d’idéologies racistes et xénophobes, encouragent la violence ou sont prêts à la tolérer, et appelle à renforcer l'éthique en politique pour contribuer à faire diminuer les tendances racistes dans la société. Elle réaffirme qu’une responsabilité particulière incombe aux responsables politiques qui se doivent d’éliminer du discours politique les stéréotypes négatifs et les stigmatisations de minorités ou groupes de migrants, y compris en période de campagne électorale; elle considère que les missions internationales d’observation d’élections devraient prendre en compte la question des dérives racistes et xénophobes pendant les campagnes électorales, et refléter ces préoccupations dans leurs rapports.»

Amendement C (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, après le paragraphe 10.8, ajouter le nouvel alinéa suivant:

«d’inviter instamment tous les partis politiques à adhérer aux principes contenus dans la Charte des partis politiques européens pour une société non raciste, signée par le Président de l'Assemblée parlementaire et par le Président du Parlement européen en 2003, à mettre ces principes en œuvre et à les promouvoir activement;»

Amendement D (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, après le paragraphe 10.8, insérer le nouvel alinéa suivant:

«de diffuser, aux autorités électorales des Etats membres, avant les campagnes électorales, la Déclaration de 2005 de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance sur l'utilisation d'éléments racistes, antisémites et xénophobes dans le discours politique.»

Amendement E (au projet de résolution)

Dans le projet de résolution, après le paragraphe 10, ajouter le nouveau paragraphe suivant:

«11. Par ailleurs, l’Assemblée invite la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), notamment son Conseil des élections démocratiques, à réaliser une étude sur l'utilisation des migrants et des réfugiés pendant les campagnes électorales, en vue d’amender éventuellement le Code de bonne conduite en matière électorale.»

C. Exposé des motifs, par M. Varvitsiotis, rapporteur pour avis

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1. Le rapport de Mme Daphné Dumery (Doc. 12953) donne un aperçu équilibré de la façon dont les migrants et les réfugiés sont utilisés pendant les campagnes électorales. Le présent avis et les cinq amendements formulés au nom de la commission des questions politiques et de la démocratie visent à compléter ce tableau en y ajoutant des considérations d'ordre politique en vue de renforcer l'esprit démocratique des campagnes électorales dans les Etats membres du Conseil de l'Europe ainsi que l'engagement de toutes les forces politiques à faire campagne dans un esprit d'équité, de démocratie et de tolérance.
2. La Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) souligne, dans son rapport annuel 2011, que la réduction des prestations sociales, la diminution des offres d'emploi et l’augmentation de l’intolérance à l'égard des groupes d'immigrés et des minorités historiques plus anciennes sont des tendances inquiétantes dans plusieurs Etats membres du Conseil de l'Europe. L’ECRI note que le discours xénophobe se banalise désormais dans le débat politique et que des opinions extrémistes sont de plus en plus fréquentes dans les médias sociaux, tandis que la discrimination à l'égard des musulmans et des Roms continue d’empirer.
3. Les griefs économiques, en particulier le fort taux de chômage et la dégradation de la protection sociale, ne sont pas les seules sources d'inquiétude à l'égard de l'immigration. Le soutien dont bénéficient les partis extrémistes et l'hostilité de la population à l'égard de l'immigration sont aussi motivés par les craintes d'une menace culturelle. Le motif déterminant est le sentiment que l'immigration et l'augmentation de la diversité menacent la culture du pays, l'unité de la nation et le mode de vie 
			(1) 
			Matthew Goodwin, Right
Response – Understanding and countering populist extremism in Europe,
Chatman House, septembre 2011. . L'amendement A permettrait de préciser cet aspect dans la résolution.
4. En 2010, l'Assemblée a examiné un rapport de M. Pedro Agramunt sur la lutte contre l'extrémisme: réalisations, faiblesses et échecs 
			(2) 
			Résolution <a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewHTML.asp?FileID=17898&Language=FR'>1754
(2010)</a> et Recommandation <a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewHTML.asp?FileID=17897&Language=FR'>1933
(2010)</a> sur la lutte contre l’extrémisme: réalisations, faiblesses
et échecs.. Le rapporteur y pointe notamment les dangers de la stigmatisation de l'immigration. Il reconnaît que les appels à des politiques migratoires restrictives sont une position politique légitime, mais insiste sur le fait qu’ils sont inacceptables s’ils sont motivés par des arguments racistes. Je souscris aux conclusions du rapporteur selon lesquelles la stigmatisation de l'immigration est un problème pour la société. Le fait de relier immigration et insécurité, délinquance, pauvreté et problèmes sociaux est une tendance qui conduit à l'érosion des droits de l'homme des immigrés et des réfugiés. Cette tendance doit être inversée.
5. En 2003, l'Assemblée avait déjà analysé la menace que les partis et mouvements extrémistes en Europe représentaient pour la démocratie. Dans la Résolution 1344 (2003), elle recommandait l'introduction, dans la législation, de sanctions efficaces lorsque des cas de préjudices avérés, émanant d'un parti extrémiste, sont constatés; et de sanctions proportionnées et dissuasives contre l'incitation publique à la violence, à la discrimination raciale et à l'intolérance; la suspension ou le retrait du financement public d'organisations encourageant l'extrémisme; et la dissolution de partis comme mesure d'exception. L'Assemblée incitait les partis politiques à concevoir une nouvelle déontologie, en fondant leurs programmes et leurs actions sur le respect des droits et des libertés fondamentales, en excluant toute alliance politique avec des partis extrémistes, en renforçant si nécessaire les règles de transparence sur le financement des partis et en apportant des solutions crédibles aux problèmes sociaux et économique préoccupant les citoyens.
6. Plus récemment, l'Assemblée s'est dite particulièrement préoccupée par la montée récente, en Europe, du discours sécuritaire au niveau national, en particulier en ce qui concerne les Roms. Dans sa Résolution 1760 (2010) 
			(3) 
			Résolution <a href='http://assembly.coe.int/Mainf.asp?link=/Documents/AdoptedText/ta10/FRES1760.htm'>1760
(2010)</a> sur la montée récente en Europe du discours sécuritaire
au niveau national: le cas des Roms. , elle souligne qu'il convient d'établir dans le discours politique une distinction claire entre les individus qui ont commis des infractions et des groupes entiers de personnes, tels que les Roms ou tout autre minorité ou groupe de migrants. Une responsabilité particulière incombe aux responsables politiques qui se doivent d’éliminer du discours politique les stéréotypes négatifs et les stigmatisations de minorités ou groupes de migrants. Il leur appartient de promouvoir un message de non-discrimination, de tolérance et de respect vis-à-vis des personnes d’origines différentes. C'est l'ensemble de ces éléments qui motive l'amendement B.
7. Il n’est pas inutile de rappeler qu’en 2003, le Président de l’Assemblée parlementaire et le Président du Parlement européen ont signé la Charte des partis politiques européens pour une société non raciste. Ce document est une initiative de la société civile qui a reçu le soutien de l’Observatoire européen des phénomènes racistes et xénophobes (EUMC), précurseur de l'Agence de l’Union européenne pour les droits fondamentaux; la charte exhorte les partis politiques à agir de façon responsable dans le traitement des questions relatives à la race, à l'origine ethnique et nationale et à la religion. Bien que la création d'un comité permanent pour superviser la mise en œuvre de la Charte ait été initialement envisagée, aucune suite n’y a été donnée. Comme le souligne également mon collègue, M. Agramunt, la Charte est plus que jamais une base précieuse pour introduire plus d'éthique en politique, tout particulièrement en période de campagne électorale, et j'encourage vivement les groupes politiques et chaque membre de l'Assemblée à la promouvoir davantage au niveau national. C'est l'ensemble de ces éléments qui motive l'amendement C.
8. Pour des raisons analogues, j'estime que la Déclaration de 2005 de la Commission européenne contre le racisme et l'intolérance (ECRI) sur l'utilisation d'éléments racistes, antisémites et xénophobes dans le discours politique, y compris par les partis politiques traditionnels, devrait aussi bénéficier d'une meilleure diffusion dans les partis politiques. L'ECRI est profondément préoccupée par le fait que l'utilisation de discours politiques racistes, antisémites et xénophobes n'est plus confinée à la sphère des partis extrémistes, mais qu'elle contamine de plus en plus les partis politiques traditionnels, avec le risque de rendre ce type de discours, légitime. Ce type de discours véhicule souvent une image déformée de l'islam, destinée à faire percevoir cette religion comme une menace, et l'antisémitisme continue d'être encouragé, de manière ouverte ou codée, par certains partis et dirigeants politiques.
9. L’ECRI a proposé l'introduction de mesures d'autoréglementation par les partis politiques ou les parlements nationaux, visant à sanctionner les membres des partis ou députés qui promeuvent le racisme et la xénophobie. Elle a également préconisé la mise en place d'une obligation de suppression du financement public des organisations qui promeuvent le racisme, y compris le financement public des partis politiques, et a invité les partis à délivrer un message clair en faveur de la diversité des sociétés européennes. La Commission de Venise soutient ce point de vue dans son Code de bonne conduite en matière de partis politiques adopté en 2009. C'est l'ensemble de ces éléments qui motive l'amendement D.
10. Je voudrais également souligner le rôle extrêmement important joué par la Commission de Venise en aidant les Etats membres à améliorer leur législation électorale, y compris par son Conseil des élections démocratiques, auquel notre Assemblée participe. La Commission de Venise pourrait analyser davantage la façon dont les partis politiques utilisent les migrants et les réfugiés pendant les campagnes électorales dans les Etats membres du Conseil de l’Europe, afin d’amender, éventuellement, le Code de bonne conduite en matière électorale. Ce sont les raisons de l’amendement E.
11. Enfin, la commission est sur le point d’examiner un rapport préparé par M. Jean-Charles Gardetto sur les mesures pour améliorer le caractère démocratique des élections, et aura l’opportunité d’analyser cette question plus en détail.