1. Introduction
1. Le 28 avril 2010, j’ai présenté avec 34 de mes collègues
une proposition de résolution concernant «Les politiques européennes
de la culture et de l’éducation par les parlements nationaux», qui
a été renvoyée à la commission pour rapport le 22 juin 2010. La
commission m’a nommée rapporteure sur ce sujet lors de sa réunion
à Strasbourg le 22 juin 2010.
2. La commission a tenu le 5 mars 2012, à Paris, une audition
sur les politiques de l’éducation, avec la participation de l’Ambassadeur
Arif Mammadov, président du Groupe de rapporteurs du Comité des
Ministres du Conseil de l’Europe sur l’éducation, la culture, le
sport, la jeunesse et l’environnement, et plusieurs experts
. Cette audition était organisée en
coopération avec l’UNESCO. Après avoir examiné un avant-projet de
rapport à sa réunion du 4 octobre 2012, la commission a décidé de
modifier le titre du rapport, d’où le titre actuel.
3. Le présent rapport prolonge – et a pour objet de pousser plus
avant – les travaux de l’Assemblée parlementaire en faveur de la
mise en œuvre du Livre blanc sur le dialogue interculturel «Vivre
ensemble dans l’égale dignité» (2008)
, lancé par les ministres des Affaires
étrangères du Conseil de l’Europe lors de leur 118e session
ministérielle, et de la Recommandation 1975 (2011) de l’Assemblée
«Vivre ensemble dans l’Europe du XXIe siècle:
suites à donner au rapport du Groupe d’éminentes personnalités du
Conseil de l’Europe».
4. La culture
et
l’éducation sont des facteurs propices au développement personnel
et à une participation pleine et active à la société. Grâce à leurs
expériences culturelles et à leur éducation, les individus forgent
leur personnalité et acquièrent la capacité de nouer des relations
constructives avec les autres. La capacité des citoyens européens
d’accepter les différences et de reconnaître la valeur de chaque
être humain est renforcée par l’éducation et la culture. Les politiques
culturelles et éducatives sont de ce fait au cœur d’une Europe plus forte
et plus cohésive.
5. Le présent rapport examine le rôle joué par les parlements
dans la définition d’une vision stratégique des politiques européennes
de la culture et de l’éducation. Dans un contexte difficile marqué
par la mondialisation, le ralentissement économique, des fractures
sociales grandissantes et de graves enjeux environnementaux, les
parlements nationaux devraient prôner un processus d’évaluation
critique des politiques culturelles et éducatives et jouer un rôle
de premier plan dans le développement d’une vision stratégique prospective.
Ils devraient revoir la conception des politiques dans ces domaines
afin de garantir une approche plus globale et d’engager des politiques
indispensables pour répondre aux grands défis de société actuels.
2. Le rôle
des parlements nationaux dans la refonte des politiques nationales
de la culture et de l’éducation – Lignes d’action
6. Les parlements sont censés identifier les principaux
défis et trouver le meilleur moyen de les relever. Ils ont un rôle
clé à jouer s’agissant de développer une vision de l’avenir, de
définir des stratégies globales et de veiller à leur bonne mise
en œuvre. Pour orienter les réformes systémiques indispensables,
contrôler leur mise en œuvre et évaluer leur impact, les parlements
doivent avant tout faire preuve d’efficacité dans la définition de
la vision stratégique et la fixation des objectifs de ces réformes.
Les parlements y parviennent-ils, et dans la négative, pourquoi
pas? Voici quelques domaines susceptibles de mériter un examen plus
approfondi.
7. Court terme ou long terme? –
A l’instar des soldats du feu, les parlements sont accaparés par
les questions «brûlantes» et à court terme qui constituent leur
quotidien et les empêchent de consacrer du temps à la discussion
(et à la formulation) d’une vision à long terme pour l’avenir de
leurs pays et de l’Europe dans son ensemble. Par conséquent, les
débats parlementaires sont rarement tenus dans une perspective à
long terme et, surtout, soumis à une logique électorale.
8. Etre réactif ou proactif? – Les
parlements engagent souvent des actions sous la pression de l’opinion publique
en réponse à un événement donné ou à une question de société qui
devient «brûlante» et occupe une place prépondérante dans l’ordre
du jour politique. En ce sens, les parlements peuvent sembler plus réactifs
que proactifs. Il peut en résulter une absence de vision et de stratégie.
9. La législation proposée: globale
ou fragmentée? – Les parlements sont souvent invités
à promulguer des législations qui ne couvrent que des domaines restreints.
Ces interventions ciblées peuvent dans certains cas s’avérer nécessaires.
Cependant, le risque est d’aboutir à une législation hétéroclite,
sans image claire de l’ensemble du système et des nouvelles tendances
nécessitant des interventions intégrées. Nous devons nous demander
comment les parlements pourraient développer des politiques et des
législations fondées sur une approche plus globale.
10. Le manque d’infrastructures de
recherche et de services consultatifs – Les infrastructures
de recherche à la disposition des membres des parlements sont rares,
alors que les gouvernements bénéficient de l’appui de services administratifs
spécialisés et d’experts pour réaliser les études dont ils ont besoin.
Cette situation risque de paralyser le débat entre les exécutifs
et les parlements lorsqu’il est question de prendre des décisions stratégiques
et d’affaiblir le rôle des parlements dans la conception des politiques.
11. Les parlements peuvent être à l’initiative du changement et
remanier les politiques culturelles et éducatives nationales. Ceci
suppose une série d’actions, commençant par la reconnaissance de
la nécessité d’une réflexion plus approfondie à propos de ces politiques.
Se fondant sur cette réflexion, les parlements devraient ensuite
engager un débat constructif, fixer de nouveaux objectifs, repenser
le financement et l’allocation des ressources, orienter les réformes
et évaluer leur impact, tout en assurant la participation des principaux
acteurs, notamment les jeunes.
2.1. Engager un débat
constructif sur les politiques de la culture et de l’éducation
12. La culture et l’éducation sont – et devraient être
considérées comme – des vecteurs essentiels pour le développement
personnel et une participation pleine et active à la société. La
culture et l’éducation soutiennent et développent nos valeurs, nos
systèmes démocratiques et la culture démocratique dans son ensemble,
en l’absence de laquelle les institutions démocratiques ne peuvent
fonctionner dans la pratique
. Les décideurs devraient de ce fait engager
un débat constructif sur les politiques concernées.
13. D’abord, la culture et l’éducation sont étroitement liées;
c’est pourquoi les politiques culturelles et éducatives devraient
être discutées et en fin de compte conçues de manière à ce qu’elles
renforcent mutuellement leur impact. La culture et l’éducation ont
également des liens d’interdépendance avec d’autres domaines d’action,
sur lesquels elles ont une influence. A titre d’exemple, elles peuvent
impulser des progrès dans les politiques de jeunesse et de cohésion
sociale
,
elles sont l’épine dorsale de la recherche et du développement (durable),
et peuvent avoir un impact important en matière de santé, de services
sociaux et de protection de l’environnement.
14. Du fait de cette interdépendance, il convient d’évaluer dans
quelle mesure les politiques culturelles et éducatives contribuent
à la cohésion de la société et à la participation des plus faibles
ou si, au contraire, elles créent de nouvelles fractures et creusent
le fossé entre les membres privilégiés de la société et les groupes marginalisés
.
15. Les modèles de gouvernance dans l’éducation et la culture
évoluent rapidement. Dans le domaine de la culture, en particulier,
les changements s’accompagnent d’une participation croissante d’acteurs
non publics
, y compris du secteur privé et des
organisations de la société civile
. Il
convient d’en tenir compte lors de l’examen des politiques culturelles
et éducatives. Les parlements doivent de ce fait être en mesure
de mener un dialogue constructif avec l’ensemble des parties prenantes.
Par ailleurs, les majorités au pouvoir dans les parlements doivent
être capables d’engager des débats positifs et de décider des politiques susceptibles
d’être développées dans une perspective à plus long terme et enrichies
par la prise en compte des opinions extérieures au parti ou à la
coalition majoritaire.
16. Dernier point et non des moindres, il est indispensable de
veiller à adapter les politiques culturelles et éducatives aux nouvelles
réalités de nos sociétés multiculturelles et à l’émergence de cultures
métissées. La culture et l’éducation peuvent fédérer les peuples
et les conduire vers des objectifs communs. Mais il convient d’avoir
également conscience des tensions entre les cultures et de les combattre.
Une plus grande attention devrait être portée au fait que beaucoup
de jeunes revendiquent des appartenances culturelles multiples.
Cela suppose certainement d’adopter de nouvelles approches de l’enseignement
et de la formation des enseignants, qui doivent être préparés à
soutenir le développement des multiples facettes de l’identité dans un
contexte de cultures métissées.
2.2. Fixer les objectifs
des politiques de la culture et de l’éducation
17. La fixation des objectifs suppose que les parlements
examinent les systèmes culturels et éducatifs dans leur ensemble.
S’agissant de l’éducation notamment, il est nécessaire de déterminer
des priorités stratégiques prenant en compte les enjeux à tous les
niveaux de l’enseignement – primaire, secondaire, supérieur et formation
professionnelle –, y compris l’apprentissage tout au long de la
vie
.
La cohérence doit être le maître mot non seulement dans les programmes
de chaque niveau d’études, mais aussi bien sûr dans tout l’éventail de
connaissances, savoir-faire et aptitudes que les élèves et les étudiants
sont censés acquérir tout au long du cycle éducatif. Cela a été
souligné dans la stratégie «Repenser l’éducation», lancée par l’Union
européenne le 20 novembre 2012
, que notre Assemblée devrait saluer.
La stratégie appelle à une transition fondamentale dans l'éducation,
qui doit se concentrer davantage sur les «acquis de l'apprentissage»,
c'est-à-dire les connaissances, les aptitudes et les compétences
acquises
par l’apprenant. Elle souligne notamment qu’il convient d'investir
pour mettre en place des systèmes d'enseignement et de formation
professionnels de niveau mondial et développer l'apprentissage en
milieu professionnel.
18. Cela dit, il faudrait créer des opportunités d’apprentissage
qui donneraient plus que seulement des compétences visant l’employabilité.
Martha Nussbaum, dans son ouvrage «Les émotions démocratiques. Comment
former le citoyen du XXIe siècle?», plaide
en faveur de l’enseignement des humanités, dans la mesure où elles
sont la base de la démocratie. Une politique de l’éducation fondée
essentiellement sur l’idée d’utilité ne pourra pas répondre aux
besoins des sociétés européennes modernes: «La logique ou la connaissance
factuelle seules ne suffisent pas à mettre les citoyens en rapport
avec le monde complexe qui les entoure.» La conception des politiques
éducatives – et des programmes – doivent de ce fait assurer un équilibre
dans le développement des connaissances et des compétences scientifiques
et humanistes. Ces politiques devraient également s’efforcer d’autonomiser
les apprenants en tant que protagonistes du processus de réalisation
de leur plein potentiel.
19. De même, la conception des politiques culturelles devrait
être menée de manière holistique. En guise d’exemple, lorsqu’on
examine la question de l’accès à la culture et de la participation
à la vie culturelle, il est indispensable d’analyser et de comprendre
la participation (qui, pourquoi et comment) et la non-participation (qui
et pourquoi pas), les facteurs qui entravent et marginalisent et
ceux qui encouragent et autonomisent, la participation quantitative
et la participation qualitative et, au final, de ne pas se cantonner
aux chiffres mais d’étudier l’impact au niveau de l’individu et
de la société.
20. Je voudrais attirer l’attention sur quelques objectifs majeurs
à prendre en compte dans le développement d’une vision stratégique
des politiques nationales de la culture et de l’éducation:
- lutter contre les inégalités
et la marginalisation;
- combattre les clivages qui mènent à l’intolérance et à
l’extrémisme;
- accompagner une croissance socio-économique durable dans
une économie de marché mondialisée et un environnement en péril.
21. Je pense que ces défis ne peuvent être relevés efficacement
sans une stratégie politique globale, comprenant:
- l’autonomisation des individus
et la levée des obstacles posés à l’accès à l’éducation et la culture;
- la conciliation de l’identité et de la diversité dans
les sociétés européennes;
- le renforcement de la compétitivité dans une économie
de marché mondialisée grâce à la créativité et à l’innovation;
- le développement d’une culture sociétale participative,
de la citoyenneté active et d’une démocratie vivante.
2.3. Repenser le financement
et l’allocation des ressources
22. Les politiques culturelles et éducatives supposent
des financements adéquats. Les parlements jettent les fondements
d’une mise en œuvre solide des politiques en approuvant les budgets
nationaux et en examinant la répartition des allocations budgétaires.
C’est pourquoi ils devraient étudier les moyens de faire meilleur
usage des ressources existantes.
23. A cet égard, la compréhension des liens d’interdépendance
entre la culture, l’éducation et d’autres domaines d’action nous
montre une première direction; il faut faire en sorte de renforcer
les synergies entre les divers secteurs et d’opérer de manière plus
collaborative, en évitant toute concurrence inutile entre les institutions
publiques concernées (par exemple les ministères).
24. D’autre part, les pouvoirs publics fixent le cadre dans lequel
les financements sont alloués, y compris ceux provenant de sources
non publiques. Les parlements devraient en prendre note lorsqu’ils
examinent d’autres politiques, par exemple les politiques fiscales
ou de mécénat, ou encore les politiques en matière de financement
privé des établissements d’enseignement supérieur, pour lesquels
la conformité avec les cadres de qualifications nationaux est un
critère important
.
Les parlements devraient également examiner s’il convient d’orienter
une bonne part des financements publics vers des domaines intéressants
mais n’attirant que peu de fonds non publics, de compléter les financements
privés, ou de combiner ces deux options. Enfin, les parlements devraient
faire en sorte de consacrer des financements publics suffisants
pour garantir l’égalité des chances et la non-discrimination tant
en ce qui concerne l’accès aux événements culturels en tant que spectateur
que la pleine participation en tant qu’artiste.
25. Il conviendrait également de revoir les politiques relatives
aux grandes infrastructures. De quelles nouvelles infrastructures
avons-nous besoin et où sont-elles le plus nécessaires? Ces infrastructures
ne se limitent pas aux routes, aux hôpitaux, aux installations énergétiques,
aux aéroports, etc. Elles englobent également les institutions culturelles
et éducatives. La contribution que ces institutions peuvent apporter
à la réduction des disparités régionales, au développement, à renforcer
la cohésion sociale et améliorer la qualité de vie est fonction
des circonstances nationales.
26. L’utilisation des infrastructures existantes devrait être
réexaminée à la lumière de leur rôle dans l’accès des individus
à la culture et dans la promotion de l’expression, de la créativité
et de l’innovation culturelles. A titre d’exemple, aujourd’hui,
près de 90 % des budgets publics alloués à la culture
sont consacrés
à l’entretien de grandes infrastructures (opéras, théâtres ou musées)
qui ne profitent qu’à 10 % de la population. Ce constat devrait
nous amener à mieux étudier comment encourager l’accès d’un plus
grand nombre de personnes aux infrastructures culturelles, à réfléchir
à l’intérêt de ces institutions pour nos populations et à adopter
une approche de la politique culturelle axée sur la démocratie.
Il pourrait également s’avérer utile d’évaluer dans quelle mesure
les politiques de l’enseignement supérieur pourraient parvenir à
un meilleur équilibre entre la nécessité de soutenir les centres
d’excellence (par exemple les universités renommées) et celle d’éviter
la polarisation géographique dans l’éducation.
27. La disponibilité de professionnels qualifiés dans l’éducation
et la culture est une autre question très importante. Des possibilités
d’apprentissage tout au long de la vie doivent être offertes et
la formation professionnelle renforcée, afin que tous ceux qui travaillent
dans le domaine de l’éducation et de la culture soient à même d’appliquer
des approches modernes et innovantes. L’éducation et la culture
en ligne sont des secteurs en évolution qui méritent attention et
soutien afin de tirer pleinement profit des nouvelles technologies de
l’information et de la communication.
2.4. Orienter les réformes
systémiques et évaluer leur impact
28. Pour combler le fossé entre la conception des politiques
et leur application pratique, les parlements doivent orienter les
réformes systémiques et évaluer leur impact, dans le cadre de leur
fonction de contrôle. Pour renforcer leurs capacités de surveillance
dans les domaines de l’éducation et de la culture, ils devraient demander
l’instauration d’un commissaire parlementaire ou d’un médiateur
ayant pour rôle d’encourager l’accès aux droits culturels et éducatifs
et leur exercice effectif
. Dans un premier temps,
il conviendrait d’étendre les compétences du médiateur national
afin que son mandat englobe les droits culturels et éducatifs.
29. Les parlements pourraient également mettre en place des procédures
spécifiques pour contrôler les suites données aux instruments de
«droit souple», y compris aux recommandations du Comité des Ministres du
Conseil de l’Europe aux Etats membres et aux résolutions et recommandations
de l’Assemblée parlementaire dans les domaines de la culture et
de l’éducation. En effet, il ne suffit pas d’adopter des recommandations
et des résolutions. Des suites adéquates doivent être données à
ces textes, non seulement par le Comité des Ministres, mais également
par nos autorités nationales, y compris nos parlements.
30. Le Conseil de l’Europe a élaboré d’excellents instruments
politiques, mais ils ne sont pas tous pleinement mis en œuvre. Il
s’agit là d’une tâche ardue, et c’est bien pour cette raison que
les parlements nationaux devraient être appelés à s’en charger.
Chaque parlement pourrait établir une liste de contrôle et fixer une
feuille de route pour la mise en œuvre des instruments politiques
adoptés au niveau du Conseil de l’Europe. Les parlements pourraient
ainsi analyser les politiques des gouvernements et vérifier leur
conformité avec les instruments du Conseil de l’Europe.
2.5. Faire preuve de
proactivité et veiller à garantir un processus de réforme participatif
31. Le rôle des parlementaires en matière de sensibilisation
et de mobilisation ne devrait pas être négligé lorsqu’il est question
de réformes d’envergure dans l’éducation et la culture. Ils devraient
maintenir des contacts étroits avec l’ensemble de la société, mais
également avec les habitants de leurs circonscriptions. Ils devraient
apporter des réponses à leur électorat et prêter attention aux besoins
des citoyens, être proactifs en menant campagne pour les réformes
envisagées: dûment informer les populations locales sur les questions en
jeu, leur faire comprendre l’intérêt des réformes, inciter les citoyens
à participer au débat public, relayer leurs attentes auprès des
assemblées nationales et européennes, et mobiliser la communauté
pour mettre en œuvre les réformes.
32. La participation des jeunes aux processus de réforme au plan
national devrait être appréciée à sa juste valeur et encouragée.
Comme le soulignait l’Assemblée dans sa
Recommandation 1978 (2011) «Vers une convention-cadre européenne relative aux droits
des jeunes», «les parlements nationaux des Etats membres ont une
responsabilité essentielle» à cet égard. L’Assemblée les a appelés
en particulier à «promouvoir la participation des jeunes aux processus
démocratiques et décisionnels réels, notamment en multipliant les possibilités
de dialogue entre représentants nationaux des associations de jeunesse
et commissions parlementaires concernées, et en favorisant la mise
en place de parlements de jeunes» (paragraphe 8.2).
3. La dimension européenne
des politiques de la culture et de l’éducation
33. Les mécanismes parlementaires en place au sein de
l’Union européenne et du Conseil de l’Europe peuvent contribuer
à faire avancer les politiques culturelles et éducatives.
3.1. Compétences de
l’Union européenne dans les domaines de la culture et de l’éducation
– fondement juridique
34. Cette section récapitule les principales dispositions
relatives à l’action de l’Union européenne dans les domaines de
la culture et de l’éducation, telle qu’elle ressort des versions
consolidées du Traité sur l’Union européenne (TUE) et du Traité
sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) faisant suite
au Traité de Lisbonne (2009)
. Le Traité de Maastricht (1992)
avait déjà établi le fondement juridique des actions menées par
la Communauté européenne dans les secteurs de l’éducation et de
la culture
.
Toutefois, le Traité de Lisbonne a précisé davantage l’étendue et
la nature de la compétence de l’Union européenne dans ces deux domaines,
qui est subsidiaire à celle des Etats membres.
35. L’article 2.5 du TFUE dispose que «[d]ans certains domaines
(…), l’Union dispose d’une compétence pour mener des actions pour
appuyer, coordonner ou compléter l’action des Etats membres, sans
pour autant remplacer leur compétence dans ces domaines». L’article
6 du TFUE énumère ces domaines d’action qui incluent notamment la
culture (6.c) et l’éducation
(6.e, mentionnant également
la formation professionnelle, la jeunesse et le sport). L’article
165.1 de ce même traité explicite le champ d’intervention de l’Union
européenne dans le domaine de l’éducation: «L’Union contribue au
développement d’une éducation de qualité en encourageant la coopération
entre Etats membres et, si nécessaire, en appuyant et en complétant
leur action tout en respectant pleinement la responsabilité des
Etats membres pour le contenu de l’enseignement et l’organisation
du système éducatif ainsi que leur diversité culturelle et linguistique.
(…)»
36. L’article 165.2 du TFUE présente une liste d’objectifs concrets,
notamment «développer la dimension européenne dans l’éducation;
(…) développer l’échange d’informations et d’expériences sur les
questions communes aux systèmes d’éducation des Etats membres; (…)
encourager la participation des jeunes à la vie démocratique de
l’Europe».
37. De même dans le domaine de la culture, l’article 167.1 du
TFUE dispose que «[l]’Union contribue à l’épanouissement des cultures
des Etats membres dans le respect de leur diversité nationale et
régionale, tout en mettant en évidence l’héritage culturel commun».
L’article 167.2 précise quant à lui que «[l]’action de l’Union vise
à encourager la coopération entre Etats membres et, si nécessaire,
à appuyer et compléter leur action» dans des domaines spécifiés
. Par ailleurs, l’article 167.4
prévoit que «[l]’Union tient compte des aspects culturels dans son
action au titre d’autres dispositions des traités, afin notamment
de respecter et de promouvoir la diversité de ses cultures».
38. La formulation des dispositions susmentionnées du TFUE – en
l’occurrence, l’emploi de termes comme «si nécessaire», «appuyer»,
«coordonner», «compléter», «en encourageant» ou «contribue» – ne
laisse aucun doute quant à la nature subsidiaire de la compétence
de l’Union européenne dans les domaines de l’éducation et de la
culture.
39. Ces dispositions doivent être lues à la lumière de la disposition
générale relative au principe de «subsidiarité» introduit à l’article
5.3, première phrase, du TUE par le Traité de Lisbonne: «En vertu
du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas
de sa compétence exclusive, l’Union intervient seulement si, et
dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent
pas être atteints de manière suffisante par les Etats membres (…),
mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets
de l’action envisagée, au niveau de l’Union (…)». L’article 5.4
introduit une autre limite à l’action de l’Union européenne: «En
vertu du principe de proportionnalité, le contenu et la forme de
l‘action de l’Union n’excèdent pas ce qui est nécessaire pour atteindre
les objectifs des traités.»
40. En des termes simples, ces dispositions visent à exclure toute
intervention de l’Union européenne dès lors qu’une question peut
être réglée de manière efficace par les Etats membres (c’est-à-dire
par les pouvoirs publics au niveau central, régional ou local) et
à permettre à l’Union européenne d’intervenir lorsque les Etats membres
(seuls) semblent dans l’incapacité d’atteindre de manière suffisante
les objectifs des traités. Il est par conséquent clair que l’action
de l’Union européenne dans les domaines de la culture et de l’éducation
n’est pas censée remplacer, mais accompagner et appuyer les politiques
nationales de la culture et de l’éducation, en encourageant les
synergies et en défendant la dimension européenne de ces politiques,
dans la mesure où cette action s’avère nécessaire pour atteindre
les objectifs des traités.
3.2. Rôle des parlements
nationaux dans le cadre juridique de l’Union européenne
41. Le Traité de Lisbonne souligne le rôle joué ou susceptible
d’être joué par les parlements nationaux au sein de l’Union européenne.
L’article 12 du TUE reconnaît explicitement que «[l]es parlements
nationaux contribuent activement au bon fonctionnement de l’Union»
de différentes manières. J’en citerai trois, énumérées dans ce même
article:
«a) en étant informés
par les institutions de l’Union et en recevant notification des
projets d’actes législatifs de l’Union conformément au protocole
sur le rôle des parlements nationaux dans l’Union européenne; b)
en veillant au respect du principe de subsidiarité conformément
aux procédures prévues par le protocole sur l’application des principes
de subsidiarité et de proportionnalité; (…) f) en participant à
la coopération interparlementaire entre parlements nationaux et
avec le Parlement européen, conformément au protocole sur le rôle
des parlements nationaux dans l’Union européenne.»
42. Ces dispositions générales présentent un intérêt
tout particulier pour les deux domaines d’action qui font l’objet
du présent rapport (culture et éducation) et sont d’autant plus
pertinentes dans ce cadre que le Traité de Lisbonne, entre autres,
en limitant formellement la compétence de l’Union européenne dans
les domaines de la culture et de l’éducation aux actions visant
à encourager, appuyer et compléter celles des Etats membres, reconnaît
le rôle fondamental des parlements nationaux en leur qualité de
décideurs politiques et de législateurs dans ces deux secteurs.
Les parlements nationaux sont bien armés pour préserver la compétence nationale
en matière de culture et d’éducation: ils sont habilités à le faire
et en ont la responsabilité.
43. Mais la question n’est pas tant pour chaque parlement national
de protéger les intérêts nationaux de son propre pays et de son
domaine de compétence; il s’agit également, et d’après moi principalement,
de savoir comment faire bon usage de cette compétence de manière
synergique, comment travailler dans le cadre de l’Union européenne
afin d’orienter la politique culturelle et éducative au niveau national
et européen. C’est pourquoi j’apprécie la référence faite à l’article
12.f du TUE à la coopération
interparlementaire et suis d’avis que l’on pourrait faire bien davantage
pour améliorer cette coopération dans les domaines de la culture
et de l’éducation.
3.3. Promotion des politiques
de la culture et de l’éducation par les parlements nationaux dans le
cadre du Conseil de l’Europe
44. Au sein du Conseil de l’Europe, les politiques culturelles
et éducatives reposent sur un ensemble de fondements communs: la
promotion des droits de l’homme, de la citoyenneté démocratique
et des attitudes positives en faveur du dialogue et de sociétés
inclusives.
45. Pour que les sociétés européennes puissent évoluer, les individus
devraient être en mesure de nouer entre eux des relations respectueuses.
Or certains éléments de nos sociétés ont tendance à rejeter ceux perçus
comme «différents». Ainsi, en raison de la méfiance entre individus
de cultures différentes, nous ne tirons pas pleinement profit de
la richesse de la diversité.
46. Les politiques de la culture et de l’éducation peuvent contribuer
à changer cette tendance et avoir une influence positive sur le
processus d’édification d’une société plus cohésive. Nous devons
redoubler d’efforts au sein du Conseil de l’Europe et renforcer
de concert les programmes qui ont pour objectif d’offrir à nos peuples
les éléments indispensables à un «dialogue interculturel» constructif
– c’est-à-dire un échange de vues ouvert et respectueux entre des
personnes et des groupes de différentes origines et traditions ethniques, culturelles,
religieuses et linguistiques, dans un esprit de compréhension et
de respect mutuels
. Les parlements
nationaux devraient soutenir et encourager davantage une telle évolution.
47. Le dialogue n’est possible et ne peut être effectif qu’à condition
qu’il y ait un réel désir et une capacité de s’y engager. Le partage
des valeurs universelles défendues par le Conseil de l’Europe en
est une condition préalable. «Le dialogue est en effet impossible
s’il n’y a pas respect de l’égale dignité de tous les individus,
des droits de l’homme, de la primauté du droit et des principes
démocratiques.
»
48. Cependant, nous devrions également nous efforcer d’établir
le contact avec ceux qui ne partagent pas nos valeurs – ou, tout
au moins, nos opinions politiques. Le pouvoir du dialogue de rapprocher
par-delà les différences ne doit pas être sous-estimé. Des conférences
internationales réunissant les Etats membres du Conseil de l’Europe
et des pays non membres de l’Organisation, dont en particulier des
pays musulmans, devraient être régulièrement organisées (à l’instar
de la Conférence des ministres responsables de la culture, tenue
en 2008 à Bakou (Azerbaïdjan)).
49. L’éducation à la citoyenneté démocratique contribue au développement
des compétences favorisant une participation active à la vie sociale
et politique, ce qui n’exclut pas nécessairement un engagement dont le
seul objectif serait de promouvoir un point de vue personnel. L’éducation
aux droits de l’homme peut permettre de comprendre les droits fondamentaux,
sans pour autant garantir leur reconnaissance dans la pratique.
L’environnement ne sera propice au vivre ensemble dans la dignité
qu’à la condition que les individus «aient la volonté de respecter»
les droits des autres. Or cette condition présuppose que le respect
de la dignité et des droits de l’homme d’autrui soit étroitement
lié aux valeurs et convictions personnelles.
50. L’acceptation de la diversité ne va pas de soi. Elle nécessite
un engagement actif qui n’est possible qu’à condition de le vouloir.
Le fait de porter un regard indifférent sur sa vie, en témoin passif
de son propre destin ainsi que de celui d’autrui, empêche le dialogue.
Comme l’écrivait Václav Havel, «[l]a tragédie de l’homme moderne
n'est pas qu’il en sache de moins en moins sur le sens de la vie,
mais que cela ne le dérange presque plus»
. Pour que
les hommes commencent à se préoccuper – et à entrer en contact –
avec les autres, la première étape consiste à développer au plus
tôt les capacités des individus à faire preuve d’empathie. Le développement
de telles capacités facilitera «l’établissement de liens de solidarité
[…] qui à leur tour permettront la cohésion de la société dans son
ensemble»
.
51. L’éducation et la culture doivent jouer un rôle important
en développant des attitudes positives et des capacités telles que
l’empathie. Nos sociétés ont besoin de personnes dotées d’une grande
ouverture d’esprit, fermement attachées aux valeurs démocratiques
et aux droits de l’homme, disposées à interagir de manière constructive
et à accepter de se voir opposer des avis différents, capables de
porter un jugement critique et d’apprécier ce qui peut rapprocher
les gens au lieu d’insister sur les causes potentielles de clivages.
Ces compétences fondamentales, transmises par l’éducation et la
culture, aideront à relever les défis sociaux, culturels, économiques
et environnementaux du XXIe siècle.
3.3.1. Politiques de l’éducation
visant à vivre ensemble dans la dignité
52. Le «Livre blanc sur le dialogue interculturel – Vivre
ensemble dans l’égale dignité» du Conseil de l’Europe met en lumière
l’importance cruciale des compétences interculturelles pour la culture
démocratique et la cohésion sociale. La diversité des cultures devrait
être prise en compte lors de l’élaboration des politiques éducatives.
D’un côté, l’éducation devrait répondre au besoin des membres de
communautés différentes de voir leur culture reconnue et respectée
dans les processus éducatifs. De l’autre, l’éducation devrait aider
les personnes issues de divers milieux culturels à exprimer leur
point de vue et à participer à la vie de la société en tant que
citoyens responsables.
53. Il convient de pratiquer le dialogue interculturel pour qu’il
devienne partie intégrante de la vie quotidienne. Nos politiques
éducatives devraient renforcer les possibilités existantes et favoriser
le développement de nouvelles possibilités de pratiquer ce dialogue:
depuis les échanges au sein de l’école et de la famille jusqu’au
lieu de travail, où les équipes sont composées de personnes d’horizons
culturels différents, ou encore dans le cadre d’activités sportives
où le fait de jouer ensemble devient une expérience interculturelle.
54. «Les compétences nécessaires au dialogue interculturel ne
sont pas automatiquement maîtrisées: elles doivent être acquises,
pratiquées et entretenues tout au long de la vie»
; le Livre blanc recommande de
ce fait qu’elles fassent partie de l’éducation à la citoyenneté
et aux droits de l’homme ainsi que de la formation des enseignants.
55. L’apprentissage et la pratique du dialogue interculturel devraient
faire partie du Programme Pestalozzi
du Conseil de l'Europe, qui est
un programme de formation et de renforcement des capacités s’adressant
aux professionnels de l’éducation. Le programme vise à soutenir
les Etats membres dans le passage des politiques à des pratiques
éducatives en accord avec les valeurs du Conseil de l'Europe. Le
Programme Pestalozzi peut aider les professionnels de l’éducation
à acquérir des compétences pour s'engager dans le dialogue interculturel
et pour faciliter le développement de ces compétences chez leurs
élèves.
56. Il convient également de suivre les progrès réalisés en matière
d’acquisition des compétences spécifiques au dialogue interculturel;
à cet effet, il convient de mettre au point des définitions des
compétences spécifiques: «Les autorités publiques compétentes et
les établissements éducatifs devraient se servir, autant que possible,
des définitions des compétences essentielles à la communication
interculturelle pour élaborer et mettre en œuvre les programmes
d’enseignement et les filières d’études à tous les niveaux du système éducatif,
y compris la formation des enseignants et les programmes éducatifs
pour adultes.
»
57. Le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe a proposé que
l’Organisation commence à travailler à l’élaboration d’un cadre
européen des compétences pour l’éducation à la citoyenneté démocratique,
aux droits de l’homme et à la compréhension interculturelle
, en s’inspirant des travaux déjà
réalisés par le Conseil de l’Europe dans ce domaine et en les poursuivant.
Il convient de saluer cette proposition. Le cadre européen aiderait
les éducateurs dans leur tâche d’évaluation des compétences et d’organisation
des activités éducatives afin de garantir une meilleure progression
dans le processus d’apprentissage. En se fondant sur ce cadre, les
Etats membres pourraient revoir le contenu des programmes d’enseignement
nationaux et réfléchir à la conception d’un curriculum européen
commun pour l’enseignement primaire et secondaire dans ce domaine.
3.3.2. Politiques culturelles
visant à vivre ensemble dans la dignité
58. Dans le rapport «Le droit de chacun de participer
à la vie culturelle»
, nous déclarions que «la dignité et
l’intimité de chaque être humain dans sa liberté d'expression, sa
liberté de développer son identité, s'expriment à travers les constructions
culturelles» et que «le culturel est ce qui donne du sens au tissu
social et politique du moment mais aussi ce qui situe l'homme dans
le monde» (paragraphe 35). C’est pourquoi, la culture est l’essence
même de ce que nous sommes en tant qu’individus et en tant que sociétés.
59. La culture nous distingue les uns des autres
; mais c’est également elle qui nous lie,
car elle est porteuse de valeurs qui rapprochent les individus.
C’est bien souvent grâce à la culture que nous engageons le dialogue
en premier lieu. Les activités culturelles favorisent la découverte
d’expressions culturelles diverses et contribuent ainsi à la compréhension
mutuelle et au respect
. Les
citoyens créatifs, engagés dans des activités culturelles, produisent
de nouveaux espaces et possibilités de dialogue. La musique, l’art
et la danse peuvent également s’avérer de puissants outils d’éducation
interculturelle; apprendre à apprécier différentes formes d’expression
de la créativité devrait faire partie de la découverte de l’autre.
60. La conférence 2011 du groupe de réflexion CultureWatchEurope
du Conseil de l’Europe sur le thème de «La gouvernance culturelle:
des challenges aux changements», organisée en coopération avec le
ministère slovène de la Culture, a avalisé six principes fondamentaux
qui doivent régir la conception et la mise en œuvre de la politique
culturelle. Quatre de ces principes sont particulièrement pertinents
s’agissant du débat sur le dialogue interculturel: la culture au
service des droits fondamentaux et de la démocratie; le soutien
aux œuvres créatives et imaginatives; la liberté d’expression culturelle
et de circulation des œuvres d’art; le soutien aux artistes et aux
acteurs de la culture
.
61. L’échange de bonnes pratiques et le réexamen des politiques
dans les Etats membres du Conseil de l’Europe sont un bon point
de départ pour progresser dans ces domaines. Le Compendium des politiques
et tendances culturelles en Europe est un outil fort utile à cet
égard. Il aborde les questions prioritaires et les défis politiques
du moment dans les domaines suivants: droits culturels et éthique;
diversité culturelle; dialogue interculturel; rôle des différents
partenaires dans un système de gouvernance en évolution; soutien
à la créativité; participation à la vie culturelle; aspects économiques,
juridiques et éducatifs des politiques culturelles; coopération
culturelle internationale
.
62. Le Compendium est un système d’information et de suivi en
ligne des politiques culturelles en Europe, régulièrement mis à
jour. De nouveaux indicateurs et données sont régulièrement introduits
pour suivre les développements politiques, les normes et les tendances.
Des experts nationaux mènent des études et rédigent des profils
de pays, y compris des chapitres sur les objectifs et principes
généraux de la politique culturelle, les processus de décision et
l’administration, les questions d’actualité s’agissant de l’élaboration
de la politique culturelle et du débat y afférent, les principales
dispositions juridiques dans le domaine culturel, le financement de
la culture, les institutions publiques et les infrastructures culturelles,
et les politiques spécifiques destinées à encourager la créativité
et la participation.
63. L’Index des Cités interculturelles
du Conseil de l'Europe est un outil
supplémentaire qui peut aider les membres des parlements nationaux
à faire des choix éclairés en ce qui concerne les politiques éducatives
et culturelles. L'Index des Cités interculturelles est une référence
pour les politiques de diversité au niveau local, qui peut être
adapté afin d'évaluer les politiques de diversité au niveau national.
64. Les parlements nationaux devraient exploiter les outils disponibles
au plan européen, tels que le Compendium des politiques et tendances
culturelles en Europe et l’Index des Cités interculturelles du Conseil de
l’Europe, dans leurs travaux relatifs à la politique culturelle.
Ce Compendium peut fournir des idées quant aux actions à entreprendre
pour développer des politiques culturelles visant à vivre ensemble
dans la dignité. Il peut également mettre en lumière des domaines
où il faudrait agir plus énergiquement. A titre d’exemple, l’analyse
des priorités montre que très peu de pays citent le dialogue interculturel
parmi leurs priorités nationales dans le domaine de la culture
. Des actions spécifiques des parlements
nationaux peuvent aider à réviser les priorités politiques pour
placer le dialogue interculturel au premier plan.
65. Le dialogue interreligieux est un élément constitutif du dialogue
interculturel: nos politiques devraient également prendre en considération
la nécessité d’encourager les communautés confessionnelles à s’engager activement
dans la promotion des droits de l’homme, de la démocratie et de
l’Etat de droit dans une Europe multiculturelle
. Dans mon rapport sur «La dimension
religieuse du dialogue interculturel», qui a mené à l’adoption par
l’Assemblée de la
Recommandation 1962 (2011), je soulignais qu’il était indispensable que les personnes
de toutes les convictions et de toutes les visions du monde, qu’elles
soient religieuses ou non, acceptent d’intensifier le dialogue en
s’appuyant sur l’affirmation commune de l’égale dignité de toutes
les personnes et sur l’adhésion sans réserve aux principes démocratiques
et aux droits de l’homme. Ce sont là deux conditions essentielles
pour développer une nouvelle culture du vivre ensemble
.
66. L’Assemblée a appelé à une série d’actions spécifiques. Elle
a recommandé par exemple «aux autorités publiques aux niveaux local
et national de faciliter les rencontres organisées dans le cadre
du dialogue interreligieux ainsi que d’encourager et de soutenir
les projets développés en commun par plusieurs communautés, y compris
avec les associations humanistes et non religieuses, qui visent
à consolider les liens sociaux (…)»
. De plus, l’Assemblée a recommandé «aux Etats
et aux communautés religieuses de reconsidérer ensemble, sur la
base des orientations données par le Conseil de l’Europe, les questions
de l’enseignement du fait religieux, de l’enseignement confessionnel
et de la formation des enseignants et des ministres du culte ou
cadres religieux, en suivant une approche holistique»
. Elle a par ailleurs invité les
Etats «à se donner les moyens nécessaires pour passer des déclarations
aux réalisations sur le terrain»
. Nous devrions donner suite à
ces recommandations dans nos parlement nationaux, en commençant
par établir une liste donnant une vue d’ensemble des actions entreprises
pour renforcer le dialogue interculturel et pour planifier les actions
futures.
67. Les parlements devraient créer un cadre institutionnel et
juridique offrant toutes les conditions requises pour la démocratie
culturelle et le dialogue interculturel. Ce cadre devrait bien entendu
inclure une législation antidiscrimination complète et prévoir la
création d’organes indépendants chargés de contrôler sa mise en œuvre
effective, mais également comporter une culture démocratique bien
établie au sein de l’ensemble des autorités publiques et des administrations
(notamment, mais pas seulement, celles œuvrant dans les domaines
de la culture et de l’éducation). Ces dernières devraient s’en tenir
à une stricte neutralité lorsque des questions culturelles et religieuses
sont en jeu, mais faire également preuve de sensibilité et répondre
aux attentes d’une population culturellement diversifiée.
68. En conclusion, j’aimerais souligner que les parlements nationaux
doivent jouer un rôle essentiel dans la formulation des futures
politiques culturelles et éducatives et pour obtenir l’adhésion
aux décisions politiques dans ces domaines.
3.4. Rôle spécifique
de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
69. L’Assemblée parlementaire joue un rôle déterminant
en promouvant des politiques culturelles et éducatives qui reflètent
les valeurs prônées par le Conseil de l’Europe et en dispensant
des orientations sur les améliorations à apporter à la législation
nationale pour traiter des questions brûlantes dans ces domaines.
70. En notre qualité de membres de l’Assemblée parlementaire,
nous avons le devoir de sensibiliser nos parlements nationaux respectifs
à l’importance de l’éducation et de la culture, notamment en diffusant
des informations sur les activités du Conseil de l’Europe. Il nous
appartient, en tant qu’organe parlementaire paneuropéen, d’assurer
la visibilité dans nos pays de nos travaux conjoints. De plus, notre
Assemblée pourrait mettre en œuvre une série d’actions pour soutenir
le développement des politiques de la culture et de l’éducation:
- offrir des services consultatifs
aux parlements nationaux et à leurs commissions, notamment sur la
base des résultats des exercices de suivi gouvernementaux et parlementaires;
- sensibiliser aux politiques et aux initiatives du Conseil
de l’Europe, en les décrivant en des termes plus faciles à comprendre
et à accepter par les parlements nationaux;
- faciliter les échanges d’expériences entre les commissions
de la culture et de l’éducation des divers parlements nationaux;
- organiser des sessions d’information (séminaires, tables
rondes, conférences, etc.) pour les parlementaires, le personnel
des commissions et d’autres agents parlementaires (y compris le personnel
des groupes politiques parlementaires);
- aider à la création de services de documentation et de
recherche parlementaires dans le contexte du renforcement des capacités
des parlements, en favorisant la libre circulation de l'information,
des connaissances et données, par le recours aux outils et sources
d’information existants du Conseil de l’Europe.
71. L’Assemblée parlementaire devrait encourager la mise sur pied
d’un projet collaboratif entre le secteur intergouvernemental du
Conseil de l’Europe et la Commission européenne. Gardant à l’esprit
qu’aux termes des articles 165.3 et 167.3 du TFUE, l’Union européenne
et ses Etats membres sont appelés à favoriser la coopération avec
le Conseil de l’Europe dans les domaines de la culture et de l’éducation,
le Conseil de l’Europe devrait s’employer de façon proactive à renforcer
cette coopération.
72. L’Assemblée devrait saluer les programmes conjoints existants
dans ces domaines, depuis les programmes nationaux
et
régionaux
jusqu’aux programmes thématiques paneuropéens
,
et préconiser la mise en place d’un nouveau programme paneuropéen
visant à mettre en pratique les recommandations du Livre blanc sur
le dialogue interculturel «Vivre ensemble dans l’égale dignité»
et la Recommandation 1975 (2011) de l’Assemblée «Vivre ensemble
dans l’Europe du XXIe siècle: suites
à donner au rapport du Groupe d’éminentes personnalités du Conseil
de l’Europe». Par ailleurs, des programmes spécifiques à certains
pays, consacrés à l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux
droits de l’homme, sur le modèle de celui destiné à la Turquie,
pourraient être envisagés pour d’autres pays d’Europe, voire au-delà.
73. L’Assemblée devrait également nouer des contacts plus étroits
et travailler en collaboration avec le Parlement européen dans ces
domaines. Je pense que l’Assemblée
est bien placée pour devenir le centre de la coopération interparlementaire
européenne en matière de culture et d’éducation.
74. Enfin, les débats sur les politiques nationales de la culture
et de l’éducation et leur coordination informelle doivent être renforcés
au sein de l’Assemblée parlementaire.
4. Conclusions:
Vers un renforcement des politiques de la culture et de l’éducation
en Europe
4.1. Promouvoir des
politiques de la culture et de l’éducation qui favorisent la citoyenneté démocratique
et le dialogue interculturel
75. Les politiques culturelles et éducatives sont essentielles
pour préserver nos valeurs fondamentales communes, à savoir les
droits de l’homme, la démocratie et l’Etat de droit, et jouent un
rôle capital dans l’instauration d’une société où règne la cohésion
et où les citoyens vivent ensemble dans la dignité. L’éducation et
la culture sont les fondements mêmes de la participation des citoyens.
76. Les politiques de la culture et de l’éducation devraient être
conçues:
- pour garantir à tout
un chacun des possibilités d’éducation appropriées et promouvoir
activement la participation à la vie culturelle;
- pour susciter un profond attachement aux valeurs démocratiques
et aux droits de l’homme et développer la capacité des individus
à faire des choix de manière responsable et en exerçant leur esprit
critique;
- pour valoriser l’interculturalité et promouvoir une attitude
positive vis-à-vis de la diversité, renforçant ainsi les possibilités
de dialogue interculturel et encourageant les échanges culturels
et éducatifs par-delà les frontières, en supprimant les obstacles
administratifs à ces échanges;
- pour favoriser la créativité et l’innovation (individuelles
et collectives) et sensibiliser à la nécessité d’une exploitation
durable des ressources dans le cadre de nos économies mondiales.
77. Dans cette perspective, les programmes et projets visant à
promouvoir une culture démocratique, le dialogue interculturel et
l’éducation aux droits de l’homme et à la citoyenneté démocratique
devraient continuer de bénéficier de notre soutien et faire partie
des priorités du Conseil de l’Europe. Les parlements pourraient en
particulier inviter les gouvernements à faire rapport sur les actions
entreprises pour mettre en œuvre le Livre blanc sur le dialogue
interculturel «Vivre ensemble dans l’égale dignité» (2008), lancé
par les ministres des Affaires étrangères du Conseil de l’Europe
lors de leur 118e session ministérielle,
et la
Recommandation
1975 (2011) de l’Assemblée «Vivre ensemble dans l’Europe du XXIe siècle:
suites à donner au rapport du Groupe d’éminentes personnalités du
Conseil de l’Europe».
78. Par ailleurs, l’Assemblée devrait se féliciter de la proposition
du Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’engager des travaux
sur un cadre européen des compétences pour l’éducation à la citoyenneté démocratique,
aux droits de l’homme et à la compréhension interculturelle et devrait
suggérer de les intégrer au programme d’activités de l’Organisation
pour la prochaine période biennale.
79. Les parlements devraient exploiter les outils disponibles
au plan européen, par exemple le Compendium des politiques et tendances
culturelles en Europe et l’Index des Cités interculturelles du Conseil
de l’Europe, dans leurs travaux politiques, et notamment lors de
la définition des politiques et stratégies culturelles visant à vivre
ensemble dans la dignité.
80. Une attention particulière devrait être portée à l’introduction
de l’apprentissage et de la pratique interculturels dans les programmes
de formation initiale et continue des enseignants et des éducateurs,
ainsi que dans les programmes de formation continue des enseignants
menés par le Conseil de l’Europe, par exemple le programme Pestalozzi.
4.2. Renforcer le rôle
des parlements nationaux et de l’Assemblée parlementaire dans l’élaboration
des politiques éducatives et culturelles
81. Les parlements nationaux devraient réaffirmer leur
attachement à la culture et à l’éducation en tant que piliers essentiels
de nos régimes démocratiques. Ils devraient ouvrir à nouveau un
large débat sur ces politiques et encourager la participation des
citoyens au débat et la contribution des acteurs concernés aux réformes
des politiques. Dans les domaines de la culture et de l’éducation,
les politiques devraient mieux concilier la nécessité d’apporter
des réponses appropriées aux besoins à court terme et les perspectives
à long terme: les parlements devraient proposer une vision et une
stratégie cohérente. La législation proposée devrait reposer sur
une approche plus globale accordant l’attention voulue aux multiples
défis et au contexte mondial.
82. Les parlements devraient également être mieux équipés pour
exercer leur fonction de contrôle, notamment en étant mieux informés
par les gouvernements et en entretenant des contacts étroits avec
les parties prenantes concernées des secteurs de la culture et de
l’éducation, en particulier avec les organisations de la société
civile.
83. Les parlements devraient renforcer la coopération interparlementaire
aux plans régional et européen, ainsi que la coopération entre les
parlements nationaux, d’un côté, et le Parlement européen (s’agissant
des Etats membres de l’Union européenne) et l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe, de l’autre.
84. Les délégations nationales auprès de l’Assemblée devraient
être encouragées à mettre en place, dans leurs parlements respectifs,
les dispositions nécessaires pour informer de manière adéquate les
commissions parlementaires compétentes sur les activités du Conseil
de l’Europe dans les domaines de l’éducation et de la culture. Elles
pourraient établir une liste de contrôle et fixer une feuille de
route pour la mise en œuvre des instruments politiques adoptés au
niveau du Conseil de l’Europe.
85. Notre Assemblée devrait créer de nouvelles possibilités de
dialogue avec les parlements nationaux (leurs commissions compétentes),
en veillant à défendre la responsabilité politique des parlements
nationaux dans les domaines de la culture et de l’éducation et à
renforcer la visibilité des travaux de l’Assemblée et du Conseil
de l’Europe et leur impact sur l’élaboration des politiques nationales.
Outre les conventions applicables du Conseil de l’Europe
,
l’annexe au présent rapport énumère plusieurs textes adoptés par
notre Assemblée ces dernières années et d’autres instruments du
Conseil de l’Europe. Nous devrons nous efforcer de mieux faire connaître
ces textes et instruments et encourager les parlements nationaux
à en tirer un meilleur parti.
86. Enfin, l’Assemblée devrait s’efforcer de renforcer la coopération
avec le Parlement européen en matière d’éducation et de culture,
en impliquant les commissions pertinentes, et, au besoin, développer
des actions communes au plan européen en mettant en avant la dimension
européenne des politiques culturelles et éducatives.