1. Introduction
1. L’Assemblée parlementaire a
adopté, le 4 octobre 2011, la
Résolution
1830 (2011) par laquelle elle accorde le statut de partenaire pour
la démocratie au Conseil national palestinien (CNP). Elle énonçait
que «l’obtention de progrès sur la voie des réformes est le but
principal du partenariat pour la démocratie et que ces progrès doivent
servir de référence pour évaluer l’efficacité de ce partenariat»
et décidait «d’examiner, au plus tard dans les deux ans à compter
de l’adoption de la présente résolution, les progrès accomplis dans
la mise en œuvre des engagements politiques pris par le CNP, ainsi
qu’à l’égard des questions spécifiques mentionnées au paragraphe
12» de la
Résolution
1830 (2011).
2. Le 28 janvier 2014, l’Assemblée a adopté la
Résolution 1969 (2014) sur l’évaluation du partenariat pour la démocratie avec
le Conseil national palestinien, dans laquelle elle a noté que «la
scission entre la Cisjordanie et la bande de Gaza, et l’occupation
continue par Israël de la plus grande partie des Territoires palestiniens
ont empêché le CNP de satisfaire à certains des engagements politiques
contractés lors de sa demande de statut de partenaire pour la démocratie
et de mettre en œuvre certaines des réformes mentionnées dans la
Résolution 1830 (2011)». L’Assemblée a décidé de réexaminer la situation après
une nouvelle période de deux ans.
3. Le 12 mars 2014, la commission des questions politiques et
de la démocratie m’a nommé rapporteur.
4. Afin de préparer le présent rapport, j’ai effectué une première
visite d’information dans les Territoires palestiniens le 1er décembre
2014, à la suite d’une réunion de la sous-commission sur le Proche-Orient
et le monde arabe de notre commission dans la région du 28 au 30
novembre. J’ai effectué une deuxième visite d’information dans les
Territoires palestiniens les 6 et 7 octobre 2015.
5. Des développements à propos de la réconciliation entre le
Fatah et le Hamas et de la tenue d’élections ayant été annoncés,
y compris par le président Mahmoud Abbas, que j’ai rencontré le
7 octobre 2015, j’ai proposé à la commission, qui a accepté, de
reporter la discussion sur l’évaluation du statut de partenaire
pour la démocratie concernant le CNP, normalement prévue en janvier
2016. Malheureusement, les espoirs ne se sont pas encore concrétisés.
2. Les critères
6. L’Assemblée avait souligné
l’importance d’élections libres et équitables en tant que pierre
angulaire d’une véritable démocratie et fait part de son attente
d’être invitée à observer les élections parlementaires dans les
Territoires palestiniens, et ce dès les prochaines élections générales,
annoncées depuis 2012.
7. Le CNP a réaffirmé que les valeurs qu’il défend sont identiques
à celles du Conseil de l’Europe, à savoir la démocratie pluraliste
et paritaire, l’Etat de droit et le respect des droits de l’homme
et des libertés fondamentales, et s’est engagé tout particulièrement:
7.1. à poursuivre les efforts pour
sensibiliser les autorités publiques et les principaux acteurs de
la vie politique et de la société civile au besoin d’avancer dans
la discussion sur les questions concernant l’abolition de la peine
de mort et pour encourager les autorités concernées à maintenir
le moratoire de fait sur les exécutions mis en place depuis 2005;
7.2. à s’appuyer pleinement, dans ses travaux institutionnels
et législatifs, sur l’expérience de l’Assemblée parlementaire du
Conseil de l’Europe ainsi que sur l’expertise de la Commission européenne
pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), l’Autorité
nationale palestinienne disposant déjà du statut d’observateur auprès
de la Commission de Venise;
7.3. à poursuivre ses efforts pour créer les conditions favorables
à la tenue d’élections libres, équitables et transparentes, conformément
aux standards internationaux pertinents;
7.4. à encourager la participation égale des femmes et des
hommes à la vie publique et à la vie politique;
7.5. à inciter les autorités compétentes de l’Autorité nationale
palestinienne à adhérer aux conventions et accords partiels pertinents
du Conseil de l’Europe pouvant être signés et ratifiés par des Etats
non membres, en particulier ceux traitant des droits de l’homme,
de l’Etat de droit et de la démocratie;
7.6. à informer régulièrement l’Assemblée des progrès réalisés
dans la mise en œuvre des principes du Conseil de l’Europe.
8. Par ailleurs, l’Assemblée a considéré qu’un certain nombre
de questions spécifiques présentaient une importance essentielle
aux fins du renforcement de la démocratie, de l’Etat de droit et
du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans
les Territoires palestiniens. Elle a inclus leur règlement – en
plus de la mise en œuvre des engagements énumérés ci-dessus – parmi
les critères d’évaluation du partenariat pour la démocratie. Il
s’agissait de:
8.1. la conclusion
rapide des négociations en vue de la formation d’un gouvernement
d’unité nationale et la fixation de dates acceptables par tous en
vue des élections présidentielle, parlementaires et locales;
8.2. la tenue de ces élections conformément aux normes internationales
pertinentes dans l’ensemble des Territoires palestiniens;
8.3. l’adoption de mesures concrètes et significatives au regard
des trois demandes mises en avant par le Quartet: s’abstenir de
toute violence, reconnaître le droit de l’Etat d’Israël à exister
et respecter l’ensemble des accords signés par les représentants
palestiniens au cours des dernières années;
8.4. la réforme de l’organisation du CNP afin d’en faire, dans
la plus grande mesure possible, un organe démocratiquement élu;
8.5. la promotion active de l’égalité des chances entre les
femmes et les hommes dans la vie politique et la vie publique; la
lutte contre toutes les formes de discrimination (en droit et en
pratique) fondées sur le genre; la garantie de l’égalité effective
entre les femmes et les hommes, y compris en ce qui concerne le
mariage, le divorce, la polygamie et le droit successoral, et si
nécessaire l’initiation d’un processus de révision de la législation;
la lutte contre toutes les formes de violence sexiste;
8.6. l’abolition de la peine de mort dans le Code pénal, en
allant au-delà du moratoire de fait sur les exécutions, en vigueur
– au moins en Cisjordanie – depuis 2005;
8.7. le rejet explicite du terrorisme et la lutte active contre
celui-ci par des mesures respectueuses des droits de l’homme et
de l’Etat de droit;
8.8. l’acceptation et la mise en œuvre effective des instruments
internationaux pertinents dans le domaine des droits de l’homme,
y compris la coopération pleine et entière avec les mécanismes spéciaux
des Nations Unies et la mise en œuvre des recommandations issues
de l’Examen périodique universel des Nations Unies;
8.9. la garantie de la liberté et du pluralisme des médias;
8.10. l’éradication et la prévention de la torture et des traitements
inhumains ou dégradants à l’égard des personnes placées en détention;
la lutte contre l’impunité des crimes de torture et des mauvais traitements;
8.11. l’amélioration des conditions de détention, conformément
aux normes et standards des Nations Unies dans le domaine des prisons;
8.12. la lutte contre le racisme, la xénophobie et toutes les
formes de discrimination;
8.13. la lutte contre la corruption;
8.14. le renforcement de la démocratie locale et régionale;
8.15. la garantie du plein respect de la liberté de conscience,
de religion et de conviction, y compris le droit de changer de religion;
8.16. la garantie et la promotion de la liberté d’association
et de réunion pacifique.
9. Comme l’a souligné mon prédécesseur en qualité de rapporteur
sur l’évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le
Conseil national palestinien, le partenariat fait intervenir des
responsabilités pour les deux partenaires et la présente évaluation
devrait également prendre en compte la façon dont le Conseil de l’Europe,
et en particulier l’Assemblée parlementaire, a endossé ses propres
responsabilités.
10. A titre d’exemple, l’Assemblée avait l’espoir que l’octroi
du statut de partenaire pour la démocratie au CNP permettrait d’intensifier
la coopération entre les Palestiniens et le Conseil de l’Europe
et favoriserait, en temps voulu, l’adhésion de la Palestine aux
conventions du Conseil de l’Europe et à d’autres instruments pertinents.
Elle avait ainsi encouragé le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe,
en coordination, le cas échéant, avec l’Union européenne, à mobiliser
l’expertise de l’Organisation, y compris celle de la Commission de
Venise, en vue de contribuer à mettre pleinement en œuvre les réformes
démocratiques dans les Territoires palestiniens.
3. Les constatations
11. Lors de ma première visite,
j’ai rencontré le responsable de la Commission anticorruption, l’actuel
juge président et ancien ministre de la Justice, le ministre de
l’Agriculture et des Affaires sociales, qui est un ancien militant
des droits de l’homme, des représentants d’organisations non gouvernementales
(ONG) et des médias; je me suis également rendu au Bureau de coordination
de l’Union européenne pour le soutien de la police palestinienne
(EUPOL COPPS).
12. J’ai expliqué à tous mes interlocuteurs quel était le champ
exact de ma mission, mais certains avaient des difficultés à voir
au-delà de ce qui, selon eux, était une évidence, à savoir que tout
était la conséquence de l’occupation israélienne et que, pour cette
raison, la seule question qui méritait considération était de savoir comment
mettre fin à cette occupation. Mon mandat porte certes sur la (deuxième)
évaluation du partenariat pour la démocratie concernant le Conseil
national palestinien et non sur le conflit israélo-palestinien ou
le processus de paix au Proche-Orient, mais ces questions sont si
présentes dans la vie quotidienne des Palestiniens que le présent
rapport ne peut les ignorer.
13. Selon le responsable de la Commission anticorruption, le niveau
de démocratie est plus élevé et la liberté d’expression plus grande
en Cisjordanie que partout ailleurs dans la région. Il a confirmé
que des élections étaient nécessaires et indiqué que le Hamas ne
les reconnaîtrait pas. Lorsque j’ai suggéré au commissaire que son
bureau coopère avec le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO),
il m’a répondu que son bureau coopérait déjà avec l’Office européen
de lutte antifraude de la Commission européenne à Bruxelles (OLAF).
14. Certains représentants d’organisations de la société civile
se sont inquiétés de la concentration des pouvoirs entre les mains
du Président. De plus, le Conseil législatif palestinien (CLP) ne
fonctionne pas et le gouvernement n’est pas à même de prendre des
mesures concrètes. L’Europe devrait être prête à reconnaître le
résultat des élections (contrairement à 2007); elle devrait jouer
un rôle plus important et ne pas laisser les Etats-Unis être le
seul acteur dans la région. Les jeunes sont en général plus optimistes
pour l’avenir, tout en soulignant que les choses ne changent pas
assez vite. La police et les services secrets sont accusés de tentatives
d’ingérence dans les médias, y compris les médias sociaux, et il
y a eu des cas d’atteinte à la vie privée. Cette situation conduit
à une perte de confiance dans les institutions. La violence à l’égard
des femmes est également une réalité dans ce qui est encore considéré
par certains comme un système patriarcal/tribal.
15. Les représentants des médias se sont plaints de violations
de la liberté des médias, principalement par Israël, mais également
par le Hamas à Gaza, où il n’y a pas de médias indépendants. Le
fait que le CLP ne fonctionne pas depuis 2007 a eu un impact négatif
sur la société. Sans le CLP, ni le Président ni l’exécutif n’ont de
comptes à rendre. Les journalistes ont confirmé que les élections
étaient nécessaires, sans pouvoir dire si elles seraient possibles.
16. Le juge président, également ancien ministre de la Justice,
a remercié l’Europe pour le soutien qu’elle a apporté en reconnaissant
l’Etat palestinien. La situation des droits de l’homme n’est pas
idéale, principalement en raison de l’occupation. La scission entre
la Cisjordanie et la bande de Gaza, ainsi que le manque de ressources,
notamment de juges, sont également sources de problèmes. Le fonctionnement
du système judiciaire a connu des améliorations récentes. Le code
pénal jordanien de 1960 était toujours en vigueur en Cisjordanie,
tandis qu’à Gaza, c’est le code pénal britannique de 1936 qui est
applicable. Le droit civil date en grande partie de l’Empire ottoman.
17. Je me suis rendu au Bureau de l’EUPOL COPPS qui, depuis 2006,
conseille toutes les institutions de la justice. Mes interlocuteurs
ont confirmé que les instruments juridiques étaient obsolètes depuis
bien longtemps et que les droits de l’homme n’étaient pas suffisamment
protégés par la législation.
18. Enfin, le ministre de l’Agriculture et des Affaires sociales,
ancien militant des droits de l’homme, a confirmé les violations
des droits de l’homme par les forces de police et de sécurité. En
Cisjordanie, la presse est libre et les organisations des droits
de l’homme sont fortes. La situation politique s’est dégradée depuis
les accords d’Oslo. Les négociations n’ont jamais abouti à une voie
vers la paix et il ne croit pas que le Gouvernement israélien souhaite
parvenir à un accord. Les instruments internationaux devraient être
utilisés pour protéger les droits des Palestiniens, qui demandent
qu’un calendrier soit établi pour mettre fin à l’occupation. De
l’avis du gouvernement, la réunification avec Gaza devrait avoir
lieu et les problèmes peuvent être résolus. Il a passé une semaine
à Gaza. Sans la pression exercée par l’Europe, Israël se sentirait
protégé et ne changerait pas d’attitude.
19. Lors de ma deuxième visite en Palestine, je me suis rendu
à Ramallah et à Jérusalem-Est afin de rencontrer le Président Abbas;
M. Ziad Abu-Amr, Vice-Premier ministre; M. Saeb Erekat, Secrétaire
général de l’OLP et négociateur en chef; les représentants des factions
et groupes parlementaires du CLP, dont le Hamas; le président et
le directeur exécutif de la Commission électorale centrale; des
responsables du ministère des Affaires étrangères; des intellectuels
et universitaires palestiniens; et des représentants d’ONG, d’organisations
de femmes et de la jeunesse et de médias palestiniens. J’ai également
rencontré les représentants de la police civile et visité le Centre
de détention de Beitunia à Ramallah.
20. Cette visite a eu lieu au moment où des heurts entre des jeunes
Palestiniens et la police, l’armée et des colons israéliens avaient
lieu chaque jour; le risque d’escalade était réel et plusieurs morts
d’Israéliens et de Palestiniens étaient à déplorer. Tout est parti
de la controverse au sujet de l’esplanade des mosquées, le Haram
al-Charif.
21. Il s’agit du troisième lieu saint de l’islam: pour les musulmans,
le prophète Mahomet est monté au ciel depuis cet endroit. Pour les
juifs, c’est le mont du Temple, où se trouvaient autrefois les temples
sacrés de leur religion, et notamment le second Temple, détruit
par les Romains en 70 après J.-C. Le mur occidental (ou mur des
lamentations) est considéré comme un vestige de ce temple.
22. Selon une tradition fort ancienne, seuls les musulmans ont
le droit de prier sur ce site, qui peut néanmoins être visité par
les membres d’autres confessions. Lorsqu’Israël s’était emparé de
la Vieille Ville de Jérusalem au cours de la guerre de 1967, le
contrôle de ce complexe avait été remis à une autorité religieuse islamique
(Waqf), qui continue à l’administrer à ce jour. Selon les termes
du traité de paix conclu entre Israël et la Jordanie, les lieux
saints musulmans à Jérusalem demeurent sous tutelle jordanienne.
23. Ces dernières années, certains juifs orthodoxes ont commencé
à revendiquer un changement du statu quo pour pouvoir être également
autorisés à prier sur ce site. Toute allusion à un tel changement
suscite une profonde colère dans le monde islamique. De nombreux
Palestiniens considèrent la présence israélienne sur le Haram al-Charif
comme une véritable provocation. On estime généralement que la visite
au Haram al-Charif en 2000 d’Ariel Sharon, alors à la tête du Likoud,
accompagné d’un millier de policiers, a été l’élément déclencheur
de la deuxième intifada.
24. Le 18 septembre 2015, le Conseil de sécurité des Nations Unies
a souligné que les fidèles musulmans palestiniens devaient être
autorisés à pratiquer leur culte au Haram al-Charif, le complexe
de la mosquée Al-Aqsa, en paix, sans violences, menaces ni provocations.
Ses membres ont demandé à ce que la sainteté du Haram al-Charif
soit pleinement respectée, en prenant acte du rôle particulier joué
par la Jordanie, comme l’a réaffirmé le traité de paix conclu en
1994 entre la Jordanie et Israël. Les membres du Conseil de sécurité
se sont déclarés «gravement préoccupés» par l’escalade des tensions
à Jérusalem, surtout autour du complexe du Haram al-Charif, et notamment
par les heurts récemment survenus sur le site et aux environs de
celui-ci, et ont demandé aux parties de faire preuve de modération,
de s’abstenir de tout acte ou discours provocateur et de maintenir
sans le modifier le statu quo historique du Haram al-Charif, aussi
bien sur le plan théorique que pratique. Ils ont appelé à un retour
au calme et encouragé le renforcement de la coordination entre Israël
et le Waqf jordanien.
25. Dans son allocution prononcée devant l’Assemblée générale
des Nations Unies le 24 septembre 2015, le roi de Jordanie a évoqué
la situation: «La tutelle hachémite des lieux saints de l’islam
et de la chrétienté à Jérusalem est un devoir sacré et nous nous
associons aux musulmans et aux chrétiens qui refusent partout les
menaces qui pèsent sur les lieux saints et le caractère arabe de
cette ville sainte.»
26. Tous nos interlocuteurs palestiniens étaient profondément
inquiets de cette situation, tout en refusant d’y voir le début
d’une troisième intifada. Le Président Abbas a adressé plusieurs
messages pour tenter d’enrayer l’escalade de la violence.
27. Les représentants des ONG palestiniennes de défense des droits
de l’homme ont souligné le fait que le CLP ne pouvait pas exercer
correctement ses fonctions, ce qui entraînait une absence de freins
et de contrepoids préjudiciable au bon fonctionnement d’une société
démocratique. Le recours à la détention administrative à des fins
politiques se poursuit. De graves problèmes de torture ont été signalés
à Gaza. La corruption n’est pas perçue comme une question importante,
mais ce point de vue ne fait pas l’unanimité. Certaines ONG se plaignent
d’être harcelées par le gouvernement et de la récente dégradation
de leur situation. Elles font également état d’un manque de respect
des droits de l’homme et d’une absence de transparence.
28. Le Vice-Premier ministre était parfaitement conscient de l’importance
du rétablissement de la vie démocratique. L’absence d’obligation
de rendre des comptes et de surveillance est préjudiciable au gouvernement.
Le clivage avec le Hamas a été extrêmement destructeur et tout doit
être fait pour y mettre un terme. La coopération avec le Conseil
de l’Europe est importante et il convient de la renforcer.
29. Les trois intellectuels et universitaires palestiniens de
haut niveau que nous avons rencontrés ont brossé un tableau assez
sombre de la situation: en raison de l’occupation et des divisions
internes, le CLP n’a pas été en mesure d’exercer correctement ses
fonctions depuis 2006. Israël n’est pas prêt à cesser son occupation
et n’a pas fait montre du moindre intérêt de régler le conflit.
Les Etats-Unis se sont révélés incapables de faire pression sur
Israël et l’occupation gagne du terrain. Personne ne semble croire
à une solution à deux Etats; les Palestiniens ont un sentiment de
frustration et leurs dirigeants ont perdu une bonne part de leur
crédibilité. La politique actuelle de colonisation menée par Israël
ne laisse plus de place à un Etat palestinien. L’économie s’effondre,
44 % des diplômés universitaires sont au chômage et, d’une manière
générale, les jeunes ont perdu tout espoir. Les rares personnes
qui sont en mesure de le faire émigrent. La communauté internationale
ne fait rien et la question palestinienne n’est plus guère à l’ordre
du jour, ni à l’échelon international, ni à l’échelon régional.
30. Les représentants des médias ont eux aussi évoqué les conséquences
de l’occupation israélienne et des divisions entre Palestiniens:
aucune élection et absence de freins et contrepoids. Le gouvernement
les ignore et ne respecte pas les droits des syndicats. Les forces
de sécurité ont emprisonné des journalistes qui avaient critiqué
le Premier ministre. A l’inverse, certains journalistes manquent
d’éthique. Les citoyens n’ont pas confiance dans les partis politiques.
De nombreux journalistes accusés par le Hamas «d’agir en faveur
de Ramallah» ont quitté Gaza.
31. Les représentants des factions et groupes parlementaires du
CLP ont réaffirmé que le non fonctionnement des institutions était
due à l’occupation et aux divisions internes. La situation des Palestiniens est
catastrophique; les efforts de médiation des Etats-Unis ont échoué
lamentablement; l’Europe demeure leur seul espoir. Le respect des
droits de l’homme et des institutions démocratiques progresse; contrairement
à Israël, les Palestiniens respectent les accords et les engagements
internationaux. L’égalité entre les femmes et les hommes est prise
très au sérieux, tout comme la stratégie de lutte contre la violence
à l’encontre des femmes. Deux membres de la délégation palestinienne
auprès de l’Assemblée parlementaire se sont interrogés sur la compatibilité
de l’occupation israélienne de la Palestine avec le statut d’observateur
auprès de l’Assemblée parlementaire de la Knesset. Certains des
parlementaires présents étaient optimistes à propos des possibilités
de réconciliation, de la formation d’un gouvernement d’unité nationale
et de la tenue d’élections.
32. La Commission électorale centrale a confirmé que, techniquement,
tout était prêt pour les élections, y compris à Gaza. Mais il est
capital qu’une décision politique soit prise sur la tenue des élections.
En attendant, la Commission mène des actions de sensibilisation.
33. J’ai souligné, au ministère des Affaires étrangères, l’importance
que revêtait pour les Palestiniens l’adhésion aux conventions du
Conseil de l’Europe. Nos interlocuteurs nous ont répondu qu’une
délégation de haut niveau s’était rendue récemment à Strasbourg
pour réfléchir à une coopération à l’échelon intergouvernemental
(voir paragraphe 45). J’ai été informé que Mme Amal Jadou, ambassadrice,
avait été nommée «correspondante» pour le Conseil de l’Europe.
34. M. Saeb Erekat a commencé par rappeler que tout le Moyen-Orient
connaissait une profonde transformation. Certaines personnes ne
semblent pas avoir conscience du fait que les idées ne se combattent pas
avec des armes mais avec de meilleures idées. Prôner la «défense
de Dieu» ne fait qu’empirer les choses. Le monde arabe a besoin
de démocratie. L’existence de deux Etats est la seule solution possible
à la question israélo-palestinienne. Mais l’objectif de M. Netanyahou
est de maintenir un double système au sein d’un Etat unique et il
se sert de la religion pour provoquer les Palestiniens. En cela,
ses méthodes ne diffèrent pas de celles de Daech. Les colonies israéliennes
constituent une violation du droit international et tout le monde devrait
refuser de rencontrer les colons. Si les Palestiniens avaient l’espoir
de parvenir à un résultat par des moyens pacifiques, ils ne combattraient
pas, mais en l’absence d’espoir, ils sont prêts à mourir au combat.
M. Erekat se montre optimiste à propos de la conclusion d’un accord
de réconciliation entre Palestiniens dans un proche avenir.
35. Les représentants de la police civile ont évoqué leurs contacts
avec l’Europe en général et avec le Groupe de coopération en matière
de lutte contre l’abus et le trafic illicite des stupéfiants (Groupe
Pompidou) du Conseil de l’Europe en particulier. Un service chargé
du traitement des plaintes a été mis en place en 2009 pour veiller
au respect des droits de l’homme en Palestine, avec le soutien du
Bureau de l’EUPOL COPPS et du Programme des Nations Unies pour le
développement (PNUD). Il y a encore des crimes d’honneur mais leur
nombre baisse. Dans certains domaines, la coopération avec la police
israélienne est effective.
36. J’ai eu l’occasion de visiter le Centre de détention de Beitunia
à Ramallah, qui compte 248 prévenus et détenus répartis en deux
groupes séparés, selon qu’ils sont considérés comme dangereux ou
peu dangereux. Les détenus peuvent suivre des cours de mathématiques,
d’arabe et de religion. Lors de ma visite, un imam enseignait le
Coran à une classe de 15 détenus.
37. Les représentants des organisations de femmes et de la jeunesse
ont évoqué l’absence de communication entre les responsables politiques
et la population, qui ignore les questions à l’ordre du jour et le
type d’Etat qu’ils projettent de construire. Les jeunes se plaignent
du taux de chômage, qui touche 30 % des 18 à 35 ans. Le marché palestinien
est trop restreint. Un représentant des jeunes nous a indiqué que
le principal défaut des partis politiques, des ONG et des responsables
politiques était qu’ils n’avaient aucune idée de ce que pensait
la jeunesse palestinienne.
38. Le Président Abbas s’est dit préoccupé par les heurts entre
Israéliens et Palestiniens déclenchés par la controverse au sujet
du Haram Al-Sharif; selon lui, ces provocations sont l’œuvre du
Gouvernement israélien. Il est sûr que les divisions entre Palestiniens
pourront être surmontées à brève échéance et que des élections pourront
avoir lieu au cours du premier semestre 2016. Il souhaiterait s’adresser
à nouveau à l’Assemblée parlementaire. L’Europe aide la Palestine
politiquement et financièrement et il espère qu’elle fera davantage pression
sur les Etats-Unis. L’Initiative arabe de paix est au point mort;
pourtant, 57 Etats arabes et musulmans reconnaîtraient Israël du
jour au lendemain si un accord était conclu avec les Palestiniens.
Mais M. Netanyahou ne croit pas en la paix, contrairement à la population
israélienne.
39. A Jérusalem, notre rencontre avec des intellectuels, dont
un militant arménien et un prêtre de l’Eglise catholique romaine,
a confirmé le tableau qui nous avait été brossé à Ramallah: l’occupation,
qui se montre bien plus oppressante à Jérusalem-Est, ne permet pas
à la population de vivre normalement; le rétablissement de l’union
des Palestiniens est capital; Israël ne souhaite pas la fin de la
confrontation; les Palestiniens et les Israéliens sont incapables
de régler le conflit qui les oppose et il importe que l’Europe,
bien plus que les Etats-Unis, leur vienne en aide. Le partenariat
avec l’Assemblée est un élément positif, qu’il convient de poursuivre.
4. Conclusions
40. Plus de deux ans après la première
évaluation faite par l’Assemblée du partenariat pour la démocratie avec
le Conseil national palestinien, la situation sur place n’a pratiquement
pas changé : Israël occupe toujours les Territoires palestiniens
et, malgré l’optimisme affiché par de nombreux responsables politiques palestiniens,
le Hamas continue à ne pas respecter les accords de réconciliation
successifs. Pour cette raison, les conclusions du présent rapport
ne peuvent guère être différentes de celles formulées il y a deux
ans.
41. Il est devenu capital d’organiser des élections: la plus grande
partie de la population palestinienne actuelle n’a pas participé
aux dernières élections, puisqu’elle était trop jeune à l’époque.
Cela signifie que les parlementaires élus en 2006 ne représentent
plus l’électorat d’aujourd’hui.
42. Bien que tous les accords de réconciliation passés entre le
Hamas et les autres groupes du paysage politique palestinien n’aient
pas été respectés, je pense que nous devons garder l’espoir qu’un
jour la situation changera.
43. En revanche, nous devons prendre acte du fait que, malheureusement,
les négociations avec Israël sont au point mort; je ne vois aucune
perspective d’évolution dans un avenir proche. Mais là encore, je
veux croire qu’un jour la situation changera.
44. En mai 2012, lors de la visite en Palestine du Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe, les autorités palestiniennes avaient
fait part de leur intérêt à coopérer à la réforme du système judiciaire,
à la promotion de la bonne gouvernance et à la prévention de la
traite des êtres humains. En accordant le statut de partenaire pour
la démocratie au CNP, puis lors de la première évaluation du partenariat
pour la démocratie avec le CNP, l’Assemblée avait l’espoir que ce
statut contribuerait à intensifier la coopération entre la Palestine
et le Conseil de l’Europe.
45. Les 7 et 8 septembre 2015, une délégation palestinienne composée
du chef de la Cour suprême, du commissaire général de la Commission
indépendante des droits des citoyens, du directeur de l’Institut judiciaire
palestinien et de la vice-ministre aux affaires européennes du ministère
des Affaires étrangères, a rencontré des représentants du Conseil
de l’Europe pour évoquer la coopération. Quatre ans après l’octroi
du statut de partenaire pour la démocratie, les efforts du Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe et des partenaires palestiniens concernés
pour mobiliser toute l’expertise de l’Organisation afin de contribuer
à la pleine mise en œuvre des réformes démocratiques dans les Territoires
palestiniens n’ont pas à ce jour abouti à des résultats concrets.
Il est proposé aujourd’hui d’élaborer un document de type plan d’action,
appelé «Priorités de coopération de voisinage» qui devrait être
approuvé avant la fin de l’année.
46. Tous nos interlocuteurs palestiniens ont souligné l’importance
d’une participation aux activités du Conseil de l’Europe en général
et au partenariat pour la démocratie en particulier. A cet égard,
l’Assemblée souhaite féliciter une nouvelle fois la délégation palestinienne,
dirigée avec une grande compétence par M. Bernard Sabella, pour
la part active qu’elle a pris à ses travaux.
47. Une évaluation détaillée de chacun des engagements souscrits
par le CNP lorsqu’il est devenu partenaire pour la démocratie auprès
de l’Assemblée parlementaire figure dans le projet de résolution.
Comme mon prédécesseur, je suis convaincu que le CNP souhaite satisfaire
à l’ensemble des engagements qu’il a pris lors de la conclusion
du partenariat. Cependant, compte tenu des circonstances, il est
devenu de plus en plus difficile, voire impossible, de satisfaire
à certains d’entre eux. L’occupation israélienne actuelle et l’échec
des accords de réconciliation successifs constituent les principaux
obstacles.
48. Tout en ne partageant pas l’avis de nos interlocuteurs palestiniens
qui estiment que l’occupation israélienne est la cause de tous leurs
problèmes, je dois dire que cette situation rend les solutions beaucoup plus
difficiles, voire impossibles à tenir, pour les Palestiniens.
49. Le fait que la Palestine ne soit pas membre à part entière
des Nations Unies empêche la pleine coopération avec ses mécanismes
spéciaux, dont l’Examen périodique universel des Nations Unies. Cependant,
la non reconnaissance d’un Etat palestinien par la plupart des Etats
membres du Conseil de l’Europe ne l’empêche pas d’adhérer aux conventions
et à d’autres instruments juridiques du Conseil de l’Europe, sous
réserve d’un accord au sein du Comité des Ministres du Conseil de
l’Europe (à la majorité des deux tiers) et des Etats Parties à ces
instruments (à l’unanimité).
50. L’Assemblée devrait continuer d’encourager le Secrétaire Général
du Conseil de l’Europe, en coordination, le cas échéant, avec l’Union
européenne, à mobiliser les compétences de l’Organisation, y compris
celle de la Commission de Venise, en vue de contribuer à mettre
pleinement en œuvre les réformes démocratiques dans les Territoires
palestiniens.
51. En conclusion, l’Assemblée devrait continuer à suivre la mise
en œuvre des réformes politiques en Palestine et à offrir son assistance
au Conseil national palestinien. Enfin, elle devrait effectuer une
nouvelle évaluation du partenariat en temps opportun.