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Rapport | Doc. 14298 | 25 avril 2017

Évolutions inquiétantes en Hongrie: projet de loi sur les ONG restreignant la société civile et possible fermeture de l’Université d’Europe centrale

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Mogens JENSEN, Danemark, SOC

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 4285 du 24 avril 2017. 2017 - Deuxième partie de session

Résumé

Deux nouveaux textes législatifs hongrois soulèvent des préoccupations: le projet de loi sur la «Transparence des organisations recevant des fonds étrangers» et la loi portant modification de la loi sur l’enseignement supérieur national. Ceux-ci apparaissent dans un contexte de détérioration dramatique de la situation de la société civile dans certains Etats membres du Conseil de l'Europe.

Ces développements récents méritent l'attention pleine et entière de l'Assemblée ainsi que la mobilisation de l'expertise du Conseil de l'Europe afin d'aider les autorités hongroises à assurer le respect des normes pertinentes du Conseil de l’Europe et des instances internationales dans le domaine de la liberté d'association et d'expression.

Les autorités hongroises sont invitées à suspendre le débat parlementaire sur le projet de loi sur la «Transparence des organisations recevant des fonds étrangers et la mise en œuvre de la loi portant modification de la loi sur l’enseignement supérieur national, dans l'attente de l'avis de la Commission de Venise et à engager un dialogue ouvert avec la société civile et les ONG internationales de défense des droits de l'homme, ainsi qu'avec le Conseil de l'Europe et d'autres organisations intergouvernementales.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 25 avril 2017.

(open)
1. Préoccupée par les récents développements en Hongrie, l’Assemblée parlementaire rappelle sa Résolution 2096 (2016) «Comment prévenir la restriction inappropriée des activités des ONG en Europe?» et réaffirme l’importance du rôle d’une société civile dynamique pour le bon fonctionnement de la démocratie.
2. La liberté d’association, la liberté d’expression ainsi que le droit au respect de la vie privée constituent des libertés et droits fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) essentiels au bon fonctionnement de la société civile. Le respect de ces droits et libertés devrait être effectivement garanti par tous les États parties à la Convention, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, à la Recommandation du Comité des Ministres CM/Rec(2007)14 sur le statut juridique des organisations non gouvernementales en Europe et aux Lignes directrices conjointes sur la liberté d’association adoptées en décembre 2014 par la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) et par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH).
3. Ces dernières années, l’Assemblée n’a cessé de dénoncer la profonde dégradation de la situation de la société civile dans certains États membres du Conseil de l’Europe, notamment à la suite de l’adoption de lois et de réglementations restrictives en matière d’enregistrement, de fonctionnement et de financement. Dans sa Résolution 2096 (2016), l’Assemblée critique expressément la «loi relative aux agents étrangers», qui modifie la législation russe applicable aux organisations à but non lucratif, ainsi que les modifications apportées à la législation relative aux organisations non gouvernementales (NGO) en Azerbaïdjan, qui impose des restrictions inappropriées aux activités de ces organisations.
4. Cette tendance alarmante semble malheureusement se propager en Europe. L’Assemblée est ainsi aujourd’hui préoccupée par l’évolution de la situation en Hongrie et en particulier par le dépôt d’un projet de loi sur la transparence des organisations recevant des fonds étrangers. Si elle convient que les ONG doivent faire preuve de transparence en ce qui concerne leurs sources de financement, elle ne saurait accepter les allégations selon lesquelles les organisations de la société civile serviraient des intérêts étrangers et non l’intérêt général et représenteraient un risque pour la sécurité nationale et la souveraineté d’un pays, simplement du fait qu’elles reçoivent des fonds étrangers au-delà d’un certain seuil annuel.
5. L’Assemblée relève que le projet de loi hongrois s’inspire de la loi équivalente russe sans toutefois reprendre certains des éléments de cette dernière qui ont suscité les critiques de la Commission de Venise, tels que le recours au terme controversé d’«agents étrangers» ou la référence expresse et donc discriminatoire aux ONG qui œuvrent en faveur des droits de l’homme. Elle observe en outre que le projet de loi prévoit un contrôle judiciaire plutôt qu’administratif.
6. Cela étant, l’Assemblée est préoccupée par un certain nombre de questions soulevées par le projet de loi hongrois en matière de liberté d’association, de liberté d’expression et de droit au respect de la vie privée, notamment en ce qui concerne:
6.1. l’absence de consultation publique avant le dépôt du projet de loi au parlement;
6.2. l’obligation, pour les ONG recevant des fonds étrangers, de mentionner ce fait sur tous les supports qu’elles publient ou diffusent;
6.3. l’obligation, pour les ONG, de communiquer des informations personnelles détaillées sur les donateurs étrangers, y compris les particuliers;
6.4. la gravité des sanctions prévues par le projet de loi, notamment, en dernier ressort, la dissolution de l’association pour non-respect des obligations administratives;
6.5. le champ d’application du projet de loi, qui s’applique à certaines associations mais pas à d’autres, par exemple les organisations sportives et religieuses.
7. L’Assemblée déplore également que l’élaboration et l’examen du projet de loi s’inscrivent sur fond de discours globalement accusateurs et dénigrants des responsables publics hongrois, suscitant des doutes quant aux objectifs réels de la législation proposée.
8. L’Assemblée prend acte des nombreuses réactions de préoccupation que le projet de loi a suscitées au sein de la société civile hongroise et internationale et des organisations intergouvernementales. La Conférence des organisations internationales non gouvernementales du Conseil de l’Europe notamment a, le 24 avril 2017, appelé les autorités hongroises à ne pas adopter le projet de loi sur la transparence des organisations recevant des fonds étrangers, eu égard à son incompatibilité avec les normes européennes et internationales.
9. L’Assemblée est d’autant plus préoccupée par les développements en Hongrie que le parlement hongrois vient d’adopter des amendements à la loi sur l’enseignement supérieur national qui pourraient, selon l’Université d’Europe centrale, fondée par George Soros en 1991, et opérant à Budapest, entraîner la cessation de ses activités.
10. En conclusion, l’Assemblée estime que l’évolution de la situation en Hongrie mérite sa pleine et entière attention ainsi que la mobilisation de la compétence du Conseil de l’Europe afin d’aider les autorités hongroises à se conformer aux normes pertinentes du Conseil de l’Europe et des instances internationales dans le domaine de la liberté d’association et de la liberté d’expression. Par conséquent, l’Assemblée:
10.1. demande à la Commission de Venise de rendre un avis sur la compatibilité du projet de loi hongrois sur la transparence des organisations recevant des fonds étrangers avec les normes du Conseil de l’Europe, ainsi que sur la compatibilité de la loi du 4 avril 2017 portant modification de la loi sur l’enseignement supérieur national;
10.2. invite les autorités hongroises à coopérer avec la Commission de Venise et à suspendre, dans l’attente de l’adoption de l’avis de cette dernière, la mise en œuvre de la loi portant modification de la loi sur l’enseignement supérieur national ainsi que l’examen parlementaire du projet de loi sur la transparence des organisations recevant des fonds étrangers;
10.3. invite le gouvernement hongrois à engager un dialogue ouvert sur ces deux textes de loi avec la société civile et les ONG internationales de défense des droits de l’homme ainsi qu’avec le Conseil de l’Europe et d’autres organisations intergouvernementales, et à s’abstenir de prendre toute mesure qui pourrait porter préjudice au développement de la société civile en Europe.
11. L’Assemblée est déterminée à continuer à suivre de près les développements en Hongrie.

B. Exposé des motifs, par M. Mogens Jensen, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. Le lundi 24 avril 2017, l’Assemblée, en réponse à une demande du groupe socialiste approuvée par le Bureau, a décidé de tenir, durant sa partie de session d’avril 2017, un débat selon la procédure d'urgence intitulé «Évolutions inquiétantes en Hongrie: une nouvelle loi pour les ONG restreignant la société civile et la fermeture d’une université internationale» et a renvoyé cette question à la commission des questions politiques et de la démocratie pour rapport.
2. La commission m’a nommé rapporteur le jour même. Compte tenu du délai extrêmement court, ce rapport est succinct et n’a pour seule ambition que de servir de base de discussion.
3. Pour commencer, je suggère de modifier légèrement le titre du projet de rapport: compte tenu du fait que la loi sur les ONG n’a pas encore été adoptée, l’expression «projet de loi sur les ONG» est plus appropriée; aucune université n’a été fermée mais il y a un risque d’une possible fermeture de l’Université d’Europe centrale. C’est pourquoi, je recommande d’insérer le mot «possible» avant le mot «fermeture» et d’indiquer en toutes lettres le nom de l’université concernée plutôt que de ne se référer qu’à «une université internationale». Ainsi modifié, le nouveau titre serait: «Évolutions inquiétantes en Hongrie: projet de loi sur les ONG restreignant la société civile et la possible fermeture de l’Université d’Europe centrale».

2. Contexte

4. Le 4 avril 2017, le Parlement hongrois a adopté, sans consultation des organes habilités à exprimer leur opinion, notamment l’Académie hongroise des sciences et la conférence des recteurs de Hongrie, une loi portant modification de la loi sur l’enseignement supérieur national, dont la principale conséquence pourrait être la fermeture de l’Université d’Europe centrale, fondée en 1991 par George Soros et opérant à Budapest.
5. Le 7 avril 2017, le parti au pouvoir Fidesz a soumis au Parlement hongrois le projet de loi T/14967 sur la transparence des organisations recevant des fonds étrangers, imposant aux organisations percevant, de l’étranger, des fonds dépassant un certain seuil annuel de s’enregistrer et de s’identifier elles-mêmes comme «organisations recevant des fonds étrangers». Cette dénomination est à mentionner sur toutes les publications diffusées par les ONG concernées, notamment les communiqués de presse, les brochures, les sites web et les rapports qu’elles produisent, sous peine de fermeture de l’ONG.
6. Les deux textes juridiques sont vivement critiqués par les personnes concernées, mais aussi par de nombreux observateurs internationaux. La Fondation Soros y voit une attaque directe contre elle, ce que semblent confirmer certaines déclarations du Vice-président de Fidesz et du Premier ministre hongrois 
			(2) 
			Voir
paragraphe 22 ci-dessous..

3. La loi portant modification de la loi sur l’enseignement supérieur national

7. La loi introduit de nouvelles règles pour les universités opérant en Hongrie depuis l’étranger, qui ne peuvent exercer leurs activités que si le Gouvernement hongrois a conclu un accord avec l’autre pays où elles sont établies. De plus, les universités opérant en dehors de l’Union européenne devraient disposer d’un campus dans leur autre pays d’établissement, avec des programmes d’études comparables. D’autre part, le personnel universitaire en place ou nouveau, non originaire de l’Union européenne serait tenu de déposer une demande de permis de travail.
8. Les critiques estiment que cette exigence place de fait l’Université d’Europe centrale (UEC) dans une position désavantageuse, puisqu’elle est établie hors de l’Union européenne, ne dispose pas d’un campus dans son autre pays d’établissement (États-Unis d’Amérique) et qu’elle emploie du personnel d’enseignement ne provenant pas de l’Union européenne. Enfin, la loi interdirait également aux deux entités, américaine et hongroise, de partager le même nom.
9. L’UEC prétend que la loi viole les règles du processus législatif car: elle a été adoptée sans consultation des organes habilités à exprimer leur opinion, dont l’Académie hongroise des sciences et la conférence des recteurs de Hongrie; aucune évaluation de l’impact social n’a été entreprise; aucune consultation sociale n’a été menée; et le projet de loi a été présenté au parlement en vertu d’une procédure exceptionnelle, sachant qu’il ne s’est pas écoulé plus de 24 heures entre l’ouverture du débat parlementaire consacré au projet de loi et l’adoption de ce dernier.
10. L’UEC est par ailleurs d’avis que la loi porte atteinte aux libertés de recherche scientifique, d’apprentissage et d’enseignement, telles qu’établies par la Loi fondamentale de la Hongrie; qu’elle va à l’encontre du droit en requérant un accord international contraignant; qu’elle vise de manière disproportionnée les institutions étrangères d’enseignement supérieur en leur imposant de proposer des programmes d’enseignement supérieur dans leur propre pays d’origine; qu’elle est discriminatoire en ciblant l’actuelle structure de coopération entre l’entité américaine de l’UEC (l’Université d’Europe centrale) et son université hongroise (Közép-európai Egyetem); qu’elle viole les garanties de non-discrimination en demandant à l’UEC de changer de dénomination; et qu’elle n’accorde pas suffisamment de temps pour permettre de se mettre en conformité avec les nouvelles dispositions.
11. Il conviendrait d’entendre les arguments des représentants de la majorité et de l’opposition de la délégation parlementaire de la Hongrie sur cette question, et de demander l’avis de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) sur la compatibilité de cette loi avec les normes du Conseil de l’Europe. Notre Assemblée devrait en particulier encourager le dialogue entre les autorités hongroises et l’UEC et contribuer à la recherche de solutions susceptibles d’éviter la fermeture de l’université.

4. Le projet de loi sur la transparence des organisations recevant des fonds étrangers

12. Le projet de loi entend régler le problème des «groupes d’intérêts étrangers» qui tentent d’exploiter les organisations de la société civile 
			(3) 
			Voir le raisonnement
général de la loi.. On considère que l’outil habituel pour ce faire est le soutien financier apporté pour des motifs légaux divers, qui peut permettre, directement ou indirectement, d’influencer le fonctionnement d’une organisation de la société civile, au point éventuellement d’en modifier significativement les objectifs de base.
13. Pour résoudre ce problème, le projet de loi impose à toute association ou fondation enregistrée comme organisation de la société civile au sens de la loi CLXXV de 2011 relative au droit d’association, à la gestion à but non lucratif, au fonctionnement et au financement des organisations de la société civile, qui reçoit un soutien financier de l’étranger au-delà d’un seuil fixé à l’heure actuelle à € 24 000 par an, de déclarer au tribunal régional compétent le fait qu’elle soit devenue une organisation recevant des fonds étrangers.
14. D’après les informations fournies par le tribunal d’enregistrement, le ministre en charge de la gestion du portail d’information civique dévoilera prochainement les noms, adresses et numéros d’identification fiscale de ces associations ou fondations sur une plateforme électronique développée à cet effet, qui sera accessible publiquement et gratuitement.
15. Par la suite, l’organisation recevant des fonds étrangers devra mentionner sur ses publications (par exemple ses dépliants, ses produits de presse imprimés ou électroniques) sa qualité d’organisation recevant des fonds étrangers, telle que défini dans la loi.
16. Cette loi prévoit des sanctions graduelles et proportionnées en cas de violation des obligations établies par elle. Le ministère public assume une responsabilité particulière à cet effet. Après une demande en deux temps du procureur, le tribunal d’enregistrement peut imposer une amende, conformément aux règles générales de la loi relative à l'enregistrement des organisations de la société civile, et au final, si les mesures précédentes ne suffisent pas à faire respecter la loi, il a la possibilité d’annuler l’enregistrement de l’association ou de la fondation, au terme d’une procédure simplifiée, entraînant ainsi sa dissolution.
17. Avant d’énumérer les préoccupations que soulève ce projet de loi, j’aimerais rappeler la Résolution 2096 (2016) «Comment prévenir la restriction inappropriée des activités des ONG en Europe?» adoptée l’année dernière seulement par notre Assemblée, dans laquelle nous réaffirmions l’importance du rôle d’une société civile dynamique pour le bon fonctionnement de la démocratie. La liberté d’association, la liberté d’expression et le droit au respect de la vie privée constituent des libertés et droits fondamentaux garantis par la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5) et sont essentiels au bon fonctionnement de la société civile. Le respect de ces droits et libertés devrait être effectivement garanti par tous les États Parties à la Convention, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, à la Recommandation du Comité des Ministres CM/Rec(2007)14 sur le statut juridique des organisations non gouvernementales en Europe et aux Lignes directrices conjointes sur la liberté d’association adoptées en décembre 2014 par la Commission de Venise et par le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE/BIDDH).
18. Pour ma part, bien que je convienne pleinement que les ONG doivent faire preuve de transparence en ce qui concerne leurs sources de financement, je ne saurais accepter les allégations selon lesquelles, parce qu’elles reçoivent des fonds étrangers dépassant un certain seuil annuel, les organisations de la société civile serviraient des intérêts étrangers et non l’intérêt général et représenteraient un risque pour la sécurité nationale et la souveraineté d’un pays.
19. Le projet de loi hongrois semble s’inspirer de la loi relative aux «agents étrangers», qui modifie la législation russe applicable aux organisations à but non lucratif en obligeant les ONG bénéficiaires d’un financement étranger à s’enregistrer en qualité d’«agents étrangers». Cette loi a suscité les critiques de la Commission de Venise, dans ses avis nos 716/2013 et 717/2013, adoptés en juin 2014, ainsi que par l’Assemblée dans sa Résolution 2096 (2016). Le projet de loi hongrois ne reprend pas certains des éléments de la loi russe qui ont suscité les critiques de la Commission de Venise, tels que le recours au terme controversé d’«agents étrangers» ou la référence expresse et donc discriminatoire aux ONG qui œuvrent en faveur des droits de l’homme. Elle observe en outre que le projet de loi prévoit un contrôle judiciaire plutôt qu’administratif.
20. Cela étant, le projet de loi soulève de graves préoccupations en matière de liberté d’association, de liberté d’expression ainsi que le droit au respect de la vie privée, notamment en ce qui concerne: l’absence de consultation publique avant la soumission du projet de loi au parlement; l’obligation, pour les ONG recevant des fonds étrangers, de mentionner ce fait sur tous les supports qu’elles publient ou diffusent; l’obligation, pour les ONG, de communiquer des informations personnelles détaillées sur les donateurs étrangers, y compris les particuliers; la gravité des sanctions prévues par le projet de loi, notamment, en dernier ressort, la dissolution de l’association pour non-respect des obligations administratives; le champ d’application du projet de loi, qui s’étend à certaines associations mais pas à d’autres, par exemple les organisations sportives et religieuses.
21. En outre, l’élaboration et l’examen du projet de loi, s’inscrivant sur fond de discours globalement accusateurs et dénigrants des responsables publics hongrois, suscitent des doutes quant aux objectifs réels de la législation proposée. Afin de citer quelques exemples, au début du mois de janvier 2017, le député Szilard Nemeth, Vice-Président du Fidesz, a déclaré que «les organisations non gouvernementales qui servent de couverture à l’empire Soros (…) doivent être réduites par tous les moyens et expulsées d’ici à coup de balai» 
			(4) 
			<a href='http://bbj.hu/politics/government-on-offensive-against-ngos-with-draft-bill_127158'>http://bbj.hu/politics/government-on-offensive-against-ngos-with-draft-bill_127158</a>.. Dans son discours annuel à la Nation prononcé en février 2017, le Premier Ministre Orbán a dit: «En 2017, il nous faudra engager la lutte contre les activistes toujours plus forts des organisations internationales. (…) Le fait que des fonds étrangers soient utilisés de manière secrète pour influencer le débat politique hongrois est un problème (…) Nous parlons des membres d’organisations internationales qui sont payés ainsi que de leurs filiales en Hongrie». Le Premier ministre a également déclaré que «les organisations de George Soros travaillent inlassablement à la venue de centaines de milliers de migrants en Europe» 
			(5) 
			<a href='http://abouthungary.hu/speeches-and-remarks/prime-minister-viktor-orbans-state-of-the-nation-address-full-text-in-english/'>http://abouthungary.hu/speeches-and-remarks/prime-minister-viktor-orbans-state-of-the-nation-address-full-text-in-english/</a>..

5. Réactions

22. Depuis l’adoption et la signature par le Président hongrois de la nouvelle loi sur l’enseignement supérieur, des milliers de Hongrois sont descendus dans la rue pour soutenir l’université et le principe de la liberté académique et faire part de leurs préoccupations face à la dérive antilibérale du pays. Plus de 10 000 personnes se seraient rassemblées sur la Place des héros de Budapest mercredi pour défendre l’université et également protester contre le projet de loi relative aux organisations non gouvernementales recevant des fonds étrangers.

5.1. Conseil de l'Europe

23. Le 4 avril 2017, le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a dit qu’en Hongrie, dans un contexte où des membres de la coalition au pouvoir ont publiquement mis en question la légitimité des ONG recevant des fonds étrangers pour mener ce qu’ils considèrent comme des «activités politiques», le gouvernement a récemment annoncé un plan visant à modifier la loi sur les organisations gouvernementales et à préciser qui doit faire les déclarations de patrimoine.
24. La Présidente de la Conférence des organisations internationales non gouvernementales (OING) du Conseil de l'Europe a demandé à son Conseil d’experts sur le droit en matière d’ONG de «publier un avis juridique qui examine la compatibilité du projet de loi sur la transparence des organisations recevant des fonds de l’étranger avec les normes internationales et les meilleures pratiques, en particulier la Convention européenne des droits de l'homme et la Recommandation CM/Rec(2007)14 du Comité des Ministres sur le statut juridique des organisations non gouvernementales en Europe». À l’issue de son examen, le Conseil d’experts a conclu, dans son avis publié le 24 avril 2017, que ce projet de loi soulevait des interrogations quant à sa compatibilité avec la Convention et d’autres normes internationales reconnues et ne montrait pas pourquoi et comment ces ONG représentaient un danger concret pour la société. Dans sa déclaration du 24 avril, la Conférence des OING considère que le projet est largement incompatible avec les normes internationales et européennes et ouvre la voie à d’autres actes de discrimination et/ou de calomnies contre la société civile. Elle a donc demandé aux autorités hongroises de ne pas adopter cette loi au nom du respect de la liberté d’association, droit extrêmement précieux pour les États membres du Conseil de l'Europe 
			(6) 
			<a href='http://www.coe.int/fr/web/ingo/newsroom/-/asset_publisher/BR9aikJBXnwX/content/the-conference-of-ingos-calls-on-hungary-not-to-adopt-draft-law-bill-t-14967-undermining-freedom-of-association?inheritRedirect=false&redirect=http%3A%2F%2Fwww.coe.int%2Fen%2Fweb%2Fingo%2Fnewsroom%3Fp_p_id%3D101_INSTANCE_BR9aikJBXnwX%26p_p_lifecycle%3D0%26p_p_state%3Dnormal%26p_p_mode%3Dview%26p_p_col_id%3Dcolumn-4%26p_p_col_count%3D1'>Déclaration
de la Conférence des OING</a> du Conseil de l’Europe, 24 avril 2017..
25. Le même jour, le 24 avril 2017, le ministre hongrois de la Justice, László Trócsányi, a rencontré le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, Thorbjørn Jagland, et discuté de thèmes d’actualité, dont le projet de loi hongroise relative aux ONG et la situation de l’Université d’Europe centrale à Budapest. Ils «sont convenus de continuer à collaborer dans un esprit d’ouverture et de dialogue constructif» 
			(7) 
			<a href='\\Einstein-Share\home.MOREL_R$\_coe-settings\desktop\Le Secrétaire Général rencontre le ministre hongrois de la Justice'>Le
Secrétaire Général rencontre le ministre hongrois de la Justice</a>, 24 avril 2017..

5.2. Union européenne

26. À l’initiative du Président de la Commission européenne, Jean Claude Juncker, le premier vice-président, Frans Timmermans, a animé un débat le 12 avril 2017 au Collège des commissaires sur l’évolution récente en Hongrie qui a suscité de vastes inquiétudes au sujet de la compatibilité avec la législation de l’Union européenne et les valeurs communes sur lesquelles l’Union repose. Le Collège a notamment examiné la loi hongroise sur l’enseignement supérieur et le projet de loi concernant le financement étranger des ONG. Il a reconnu que là où la nouvelle loi risquait de toucher aux compétences de l’Union européenne et de s’appliquer également aux universités de l’Espace économique européen, il devait effectuer rapidement une analyse juridique approfondie de sa compatibilité avec la libre circulation des services et la liberté d’établissement ainsi qu’avec les règles de l’Union européenne sur l’admission de chercheurs de pays tiers. Il est convenu d’instruire les cas individuels d’infraction pertinents et bien établis juridiquement lors du prochain cycle d’examen des infractions prévu à la fin du mois 
			(8) 
			Voir <a href='http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-17-966_en.htm'>http://europa.eu/rapid/press-release_SPEECH-17-966_en.htm</a>..
27. La Commission procédera aussi sans tarder à une analyse juridique approfondie de la loi sur l’enseignement supérieur et décidera des étapes suivantes lors du prochain cycle d’examen. Pour ce qui est du projet de loi relatif au financement des ONG, elle suivra de près l’évolution et reviendra sur la question sur la base d’une analyse des questions juridiques en jeu. Les questions examinées par le Collège ont trait à la fois au respect de la législation européenne et à celui des valeurs communes de l’Union européenne consacrés par l’article 2 du Traité sur l’Union européenne.
28. Globalement, la situation en Hongrie est un sujet de préoccupation pour la Commission. Le Collège est donc convenu d’engager un dialogue politique avec les autorités hongroises, les autres États membres et le Parlement européen.

5.3. Organisation des Nations Unies

29. Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la liberté d’opinion et d’expression, M. David Kaye, a déclaré que le Parlement hongrois devait revoir la législation récemment adoptée qui semble viser à saper l’Université d’Europe centrale de Budapest. Il a mis en garde contre le fait que la loi adoptée le 4 avril et signée par le Président, M. János Áder, le 10 avril, risquait de porter atteinte aux principes essentiels de la liberté académique dans une société libre. Il est d’avis que la nouvelle loi vise la liberté d’opinion et d’expression en Hongrie, la liberté d’activité académique, le rôle que les bourses et la recherche jouent dans l’élargissement des connaissances et le développement de sociétés démocratiques 
			(9) 
			<a href='http://www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=21493&LangID=E'>www.ohchr.org/EN/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=21493&LangID=E</a>..
30. En ce qui le concerne, le Rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des défenseurs des droits de l’homme, M. Michel Forst, a exprimé sa préoccupation à l’égard de la stigmatisation incessante des défenseurs des droits de l’homme ainsi que des effets désastreux qu’ont les discours incendiaires tenus par les hauts fonctionnaires sur la perception que la population peut avoir de ce que vaut la société civile.

5.4. Autres réactions

31. D’après une déclaration de l’ambassade des États-Unis en Hongrie, les États-Unis regrettent l’adoption accélérée de la législation visant l’Université d’Europe centrale malgré les graves préoccupations qu’ils ont formulées aux côtés de centaines d’organisations et d’institutions locales et internationales et de milliers de Hongrois qui attachent de la valeur à la liberté académique et aux très importantes contributions que l’Université d’Europe centrale apporte à la Hongrie 
			(10) 
			<a href='https://hu.usembassy.gov/charge-daffaires-embassy-united-states-budapest-david-kostelancik-issued-following-statement-2/'>https://hu.usembassy.gov/charge-daffaires-embassy-united-states-budapest-david-kostelancik-issued-following-statement-2/</a>..
32. Pour Human Rights Watch, «la loi fait peser un risque sur la liberté d’enseigner et sur l’avenir de l’UEC, qui a formé toute une génération de dirigeants en Europe centrale et orientale». Cette ONG internationale bien connue a appelé le Président hongrois à ne pas signer «une loi qui semble motivée par la volonté de faire taire les voix critiques en Hongrie» 
			(11) 
			<a href='https://www.hrw.org/news/2017/04/04/hungary-law-threatens-independent-universities'>https://www.hrw.org/news/2017/04/04/hungary-law-threatens-independent-universities</a>..

6. Conclusions

33. Compte tenu du peu de temps pour préparer ce rapport, je n’ai pas pu analyser dans le détail les textes de lois en question ni les arguments de toutes les parties mais ai tenté de résumer les principales préoccupations.
34. En conclusion, je pense que les récents développements en Hongrie méritent l’attention pleine et entière de l’Assemblée, ainsi que la mobilisation de la compétence du Conseil de l’Europe afin d’aider les autorités hongroises à se conformer aux normes pertinentes du Conseil de l’Europe et des instances internationales dans le domaine de la liberté d’association et de la liberté d’expression. Par conséquent, je propose que l’Assemblée:
  • demande à la Commission de Venise de rendre un avis sur la compatibilité du projet de loi hongrois sur la transparence des organisations recevant des fonds étrangers avec les normes du Conseil de l’Europe, ainsi que sur la compatibilité de la loi du 4 avril 2017 portant modification de la loi sur l’enseignement supérieur national;
  • invite les autorités hongroises à coopérer avec la Commission de Venise et à suspendre, dans l’attente de l’adoption de l’avis de cette dernière, la mise en œuvre de la loi portant modification de la loi sur l’enseignement supérieur national ainsi que l’examen parlementaire du projet de loi sur la transparence des organisations recevant des fonds étrangers;
  • invite le gouvernement hongrois à engager un dialogue ouvert sur ces deux textes de loi avec la société civile et les ONG internationales de défense des droits de l’homme ainsi qu’avec le Conseil de l’Europe et d’autres organisations intergouvernementale, et à s’abstenir de prendre toute mesure qui pourrait porter préjudice au développement de la société civile en Europe.
35. Notre commission doit se tenir prête à continuer à suivre de près cette question, une fois que l’avis de la Commission de Venise sera disponible.