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Rapport | Doc. 15797 | 20 juin 2023

Les conséquences politiques de la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Emanuelis ZINGERIS, Lituanie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: décision du Bureau, Renvoi 4742 du 19 juin 2023. 2023 - Troisième partie de session

Résumé

L’une des principales conséquences politiques de la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine est qu’elle a resserré les liens entre les démocraties qui soutiennent l’Ukraine. Le 4e Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe, qui s’est tenu à Reykjavik les 16 et 17 mai 2023, est l’expression de cette unité et de cette détermination autour de valeurs communes.

Pour le Conseil de l’Europe et ses États membres, soutenir l’Ukraine devrait être un impératif politique. Pour en faire une réalité, quatre priorités sont envisagées:

  • soutenir l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra et accroître l’aide à Kyiv;
  • finaliser et rendre opérationnel un système complet d'établissement des responsabilités de la Fédération de Russie et de toutes celles et tous ceux qui aident le régime de Poutine dans sa guerre d’agression;
  • renforcer la sécurité et la résilience démocratiques de l’Europe contre les menaces extérieures;
  • prendre des mesures énergiques pour combler les lacunes juridiques et les failles du système de sanctions et isoler diplomatiquement le régime agresseur.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 19 juin
2023.

(open)
1. Dix-sept mois après le lancement de l’invasion à grande échelle, le régime de Poutine poursuit sa guerre brutale d’agression contre l’Ukraine. Après la bataille de Bakhmout (août 2022 – juin 2023), la plus longue de cette guerre et au coût humain énorme, la contre-offensive ukrainienne est en cours. À mesure que les Ukrainiens avancent et libèrent des zones de leur territoire illégalement occupées par la Fédération de Russie, il est à craindre que de nouvelles preuves de crimes de guerre soient mises à jour. L’ampleur des conséquences de la destruction du barrage de Kakhovka, le 6 juin 2023, ne sera connue que dans les semaines à venir. Cette attaque, destinée à retarder la contre-offensive ukrainienne, confirme la barbarie de la machine de guerre de Poutine et constitue un crime de guerre et un écocide.
2. Rappelant ses précédentes résolutions et recommandations sur le sujet, l’Assemblée parlementaire condamne de nouveau fermement l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, qui constitue une violation flagrante du droit international et un acte d’une gravité sans précédent, de par sa nature et ses lourdes conséquences politiques, géopolitiques, juridiques, humanitaires, environnementales et économiques, en Europe et au-delà.
3. En défendant la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de leur pays, les Ukrainiens protègent les valeurs du Conseil de l’Europe et les principes fondamentaux inscrits dans la Charte des Nations Unies, qui sont le socle de la coexistence pacifique entre les États. L’une des principales conséquences politiques de la guerre d’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine est qu’elle a resserré les liens entre les démocraties qui soutiennent l’Ukraine.
4. Le 4e Sommet des chefs d’État et de gouvernement du Conseil de l’Europe, qui s’est tenu les 16 et 17 mai 2023 à Reykjavik, est l’expression de cette unité autour de valeurs communes, de la détermination à soutenir l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra et de la volonté de veiller à ce que la Fédération de Russie et ses dirigeants soient tenus de rendre compte de leurs crimes d’agression et d’une multitude d’autres actes répréhensibles. L’Assemblée se félicite de la prise de position ferme des dirigeant·e·s politiques européens à Reykjavik, soutient la Déclaration finale du Sommet et participera à son suivi pour ce qui relève de son mandat, de ses compétences et de son champ d’action.
5. La Déclaration finale de Reykjavik donne clairement le ton: le soutien de l’Ukraine devrait être un impératif politique du Conseil de l’Europe et de ses États membres. Pour concrétiser cet engagement, il est capital d’intensifier l’assistance à l’Ukraine, de finaliser et de mettre en œuvre effectivement un système complet d’établissement des responsabilités de la Fédération de Russie, au niveau international, de combler les lacunes juridiques et les failles du système de sanctions et d’isoler diplomatiquement le régime agresseur.
6. Pour les États membres du Conseil de l’Europe, il est important de soutenir l’Ukraine non seulement pour défendre l’État de droit et la justice internationale, mais aussi pour protéger la sécurité et la stabilité démocratiques en Europe. La Fédération de Russie a non seulement ramené en Europe une guerre d’agression dévastatrice, mais elle a aussi repoussé les limites de ce qui peut servir d’arme: migrants, énergie, leviers économiques, capture des élites, écocide, enlèvement d’enfants ukrainiens et d’autres citoyen·ne·s et passeportisation russe de citoyen·ne·s ukrainiens dans les territoires temporairement occupés.
7. La guerre de la Fédération de Russie contre l’Ukraine a entraîné d’importantes conséquences à l’échelle mondiale – tout d’abord – l’insécurité alimentaire, les prix de l’énergie trop élevés, la pauvreté et la faim. Les ressources dans lesquelles nous ne pouvons pas investir pour atteindre les objectifs de développement durable (ODD) entravent le développement mondial. Plus de la moitié des 17 objectifs sont affectés négativement par la guerre de la Fédération de Russie. À cause de la Fédération de Russie, nous assisterons à des régressions dans la réalisation des ODD, y compris en matière de climat.
8. La guerre hybride de la Fédération de Russie a une portée mondiale et se fait sentir dans toute l’Europe. La République de Moldova, la Géorgie et les Balkans occidentaux sont soumis à des méthodes agressives de guerre hybride soutenues par la Russie et conçues pour déstabiliser leurs démocraties. L’Assemblée est vivement préoccupée par le recours massif et sans scrupules à la désinformation, au chantage à l’énergie, aux leviers économiques et à la mésinformation de la Russie pour aggraver les tensions et les fractures existantes dans les sociétés démocratiques.
9. De plus, l’agression et le nouveau contexte géopolitique qui en découle amplifient les risques pour la sécurité en raison de leur incidence sur le fonctionnement des mécanismes multilatéraux visant à prévenir et à résoudre les conflits, notamment ceux créés sous les auspices de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE).
10. Dans le même temps, la sécurité «dure» est très préoccupante. Les dirigeants russes ont brandi des menaces inconsidérées de guerre nucléaire et ont augmenté le risque d’accidents nucléaires liés à la centrale nucléaire de Zaporijjia, qui est illégalement sous contrôle russe. L’Assemblée note avec satisfaction qu’une délégation de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) s’est rendue sur le site le 15 juin 2023 et demande que ses recommandations soient pleinement mises en œuvre.
11. L’Assemblée est extrêmement préoccupée par le déploiement d’armes nucléaires tactiques russes au Bélarus, qui a débuté en mai 2023, et par les informations selon lesquelles le déploiement d’armes stratégiques serait envisagé. De même, l’Assemblée déplore le retrait de la Fédération de Russie du Traité sur les forces armées conventionnelles en Europe (FCE), pierre angulaire de la sécurité et de la stabilité européennes et de l’architecture de maîtrise des armes conventionnelles.
12. L’Europe ne peut connaître une paix durable que si la Russie devient une démocratie et perd son potentiel militaire d’attaque contre ses voisins. Il faut par conséquent renforcer la participation active et la coopération avec les forces et la société civile russes qui aspirent à un changement démocratique en Russie, qui partagent les valeurs du Conseil de l’Europe et qui soutiennent la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine. De même, les forces démocratiques du Bélarus et leur leader, Sviatlana Tsikhanouskaya, ainsi que d’autres forces prêtes à se soulever contre le régime de Loukachenka au Bélarus méritent le soutien sans réserve du Conseil de l’Europe et de ses États membres.
13. Un certain nombre d’initiatives de paix ont été lancées depuis le dernier débat de l’Assemblée sur la guerre d’agression. À cet égard, l’Assemblée réaffirme la position énoncée dans sa Résolution 2463 (2022) «Nouvelle escalade dans l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», selon laquelle des pourparlers de paix peuvent avoir lieu uniquement aux conditions fixées par l’Ukraine. Elle souligne à ce sujet que la Déclaration de Reykjavik appuie pleinement les principes d’une paix juste et durable tels qu’ils sont énoncés dans la Formule de paix du Président Zelensky.
14. Comme le souligne la Déclaration de Reykjavik, il ne peut y avoir de paix sans obligation de rendre des comptes. L’Assemblée se félicite par conséquent de la création du Registre des dommages causés par l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine. Elle poursuivra ses efforts en vue de la mise en place d’un mécanisme international d’indemnisation et d’un tribunal spécial pour le crime d’agression chargé de poursuivre les dirigeants politiques et militaires de la Fédération de Russie, comme elle l’a demandé dans plusieurs textes et, plus récemment, dans la Résolution 2482 (2023) «Questions juridiques et violations des droits de l’homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine». L’Assemblée se félicite du lancement du Centre international pour la poursuite du crime d'agression contre l'Ukraine (ICPA).
15. L’Assemblée précise que l’obligation internationale de rendre des comptes doit s’étendre à toutes les sociétés militaires privées, aux intermédiaires et aux alliés de la Fédération de Russie qui commettent des crimes et des actes illégaux sur le territoire ukrainien, en particulier le groupe Wagner et les forces militaires de Ramzan Kadyrov. Une notice rouge (mandat) devrait être émise par les États membres du Conseil de l’Europe à l’encontre des dirigeant·e·s et des membres de ces groupes terroristes internationaux.
16. Pour soutenir l’Ukraine, il faut aussi restreindre la capacité du Kremlin à financer sa guerre d’agression. Une large coalition de pays et l’Union européenne ont imposé à la Fédération de Russie une série sans précédent de mesures restrictives d’ordre diplomatique, financier et économique et devrait continuer à déployer des efforts conjoints pour accroître la pression des sanctions et l'isolement international de l'État contrevenant. Toutefois, l’existence de failles dans le système de sanctions et la mise au point par la Fédération de Russie et des sociétés privées de diverses techniques permettant d’éviter les sanctions, notamment en impliquant des pays tiers, ont considérablement réduit l’efficacité de ce système. L’Assemblée est d’avis que la communauté internationale devrait s’attaquer à ce problème avec détermination et sans plus tarder. La question des États membres du Conseil de l’Europe qui aident la Russie à contourner les sanctions devrait être examinée par la Commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi) de l’Assemblée dans ses travaux. En outre, aider la Russie à contourner les sanctions devrait être un motif permettant d’exclure les futurs candidats de l’adhésion au Conseil de l’Europe.
17. L’Assemblée condamne les discours tendancieux et trompeurs diffusés par la Fédération de Russie, et amplifiés par certains pays concernant la guerre d’agression et les mesures restrictives prises contre le régime de Poutine. L’Assemblée estime que les États membres du Conseil de l’Europe devraient prendre davantage d’initiatives pour lutter contre cette désinformation et cette mésinformation généralisées.
18. Compte tenu de ce qui précède, pour ce qui concerne l’obligation de rendre des comptes, l’Assemblée:
18.1. se félicitant que 45 États et l’Union européenne aient déjà adhéré ou fait part de leur intention d’adhérer à l’Accord partiel élargi sur le Registre des dommages causés par l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine, invite le plus grand nombre possible de pays à adhérer à cet accord;
18.2. appelle les pays représentés à la Conférence des Parties au Registre des dommages à préciser, dans les règles du Registre sur la recevabilité, que celui-ci s’applique également aux actes commis par des groupes militaires privés, des groupes paramilitaires et d’autres groupes militaires combattant pour la Fédération de Russie, notamment le groupe Wagner et les forces de Kadyrov;
18.3. invite les États membres et les autres États ayant la garde d’avoirs de la Fédération de Russie à mettre en place sans délai un mécanisme international d’indemnisation, en utilisant ces avoirs confisqués pour payer les dommages de guerre causés à l'Ukraine sans délai;
18.4. appelle les États membres du Core Group pour la création d’un tribunal spécial chargé de juger le crime d’agression contre l’Ukraine à accélérer leurs négociations en vue de la création d’un tribunal pénal international spécial pour le crime d’agression contre l’Ukraine, et appelle d’autres États à rejoindre le Core Group;
18.5. se félicite du lancement du Centre international pour la poursuite du crime d'agression contre l'Ukraine;
18.6. invite les parlements des États membres du Conseil de l’Europe à désigner le groupe Wagner et les forces de Kadyrov comme organisations terroristes et à demander que tous les groupes militaires et paramilitaires qui participent à l’agression du Kremlin contre l’Ukraine rendent pleinement compte de leurs actes;
18.7. soutient l’enquête menée par la Cour pénale internationale sur la situation en Ukraine et demande à tous les États parties au Statut de Rome d’exécuter les mandats d’arrêt émis par la Cour; demande à la Cour d’émettre des mandats d’arrêt à l’encontre des membres et des dirigeant·e·s des groupes Wagner et Kadyrov susmentionnés;
18.8. soutient l'appel visant à permettre l’approvisionnement de ressources supplémentaires, y compris par le biais de la réexportation, à des fins d'autodéfense de l'Ukraine.
19. Pour renforcer la sécurité et la résilience démocratiques de l’Europe face aux menaces indirectes et hybrides qui pèsent sur la sécurité, l’Assemblée appelle les États membres du Conseil de l’Europe:
19.1. à renforcer la coopération et le dialogue politique avec les pays et les régions particulièrement exposés à l’ingérence de la Fédération de Russie, au niveau bilatéral et par l’intermédiaire du Conseil de l’Europe et des plateformes internationales dont ils sont membres;
19.2. à redoubler d’efforts pour promouvoir la poursuite de l’intégration européenne de l’Ukraine, de la République de Moldova, de la Géorgie, de l’Albanie, de la Bosnie-Herzégovine, du Monténégro, de la Macédoine du Nord, de la Serbie et du Kosovo* 
			(2) 
			*Toute référence au
Kosovo dans le présent document, qu’il s’agisse de son territoire,
de ses institutions ou de sa population, doit être entendue dans
le plein respect de la Résolution 1244 du Conseil de sécurité de
l’Organisation des Nations Unies, sans préjuger du statut du Kosovo.;
19.3. à intensifier la coopération internationale pour faire face à l’ingérence de la Fédération de Russie dans leurs processus démocratiques et à adopter une approche mobilisant l’ensemble de la société pour renforcer sa résilience face à la désinformation et à la mésinformation;
19.4. à intensifier les efforts diplomatiques pour isoler la Fédération de Russie et le Bélarus en tant que complice de la guerre d’agression contre l’Ukraine au niveau international et les priver de tout soutien;
19.5. à lutter contre les discours trompeurs sur la guerre d’agression et le système de sanctions diffusés par la Fédération de Russie, ses alliés et ses partenaires;
19.6. à mettre en place une plateforme pour mener une réflexion sur les mécanismes de prévention et de règlement des conflits en Europe, en tenant compte du nouveau contexte géopolitique.
20. L’Assemblée appelle également les États membres du Conseil de l’Europe qui sont des membres de l’OTAN à soutenir l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN.
21. Pour ce qui concerne l’aide à la reconstruction et à la gouvernance démocratique de l’Ukraine, l’Assemblée:
21.1. appelle tous les États membres de la Banque de développement du Conseil de l’Europe à souscrire rapidement à l’augmentation de capital, approuvée en 2022, pour doter la Banque des moyens de poursuivre son soutien à l’Ukraine et aux pays voisins qui accueillent des réfugié·e·s ukrainiens;
21.2. appelle le plus grand nombre possible de pays et l’Union européenne à contribuer au plan d’action pour l’Ukraine «Résilience, relance et reconstruction» 2023-2026 et à affecter les ressources nécessaires pour garantir sur le long terme la résilience démocratique de l’Ukraine.
22. Saluant en outre le fait que le 11e train de sanctions que l’Union européenne doit adopter vise à renforcer l’efficacité du système de mesures restrictives, l’Assemblée:
22.1. appelle les pays qui aspirent à adhérer à l’Union européenne, notamment ses propres États membres, à se mettre pleinement en conformité avec les décisions prises dans le cadre de la Politique étrangère et de sécurité commune de l’Union européenne;
22.2. appelle les États membres de l’Union européenne à soutenir, au cours de ces négociations, la mise en place de mesures dissuasives rigoureuses et de sanctions secondaires;
22.3. invite l’Union européenne à intensifier les efforts visant à priver d’aide financière celles et ceux qui soutiennent le Kremlin dans sa guerre d’agression. Cette mesure devrait aussi s’appliquer à l’aide financière apportée à des pays tiers, notamment dans le cadre des accords de partenariat et de coopération;
22.4. invite les parlements des États membres du Conseil de l’Europe à se retirer de la ratification en cours de l’accord de libre-échange entre l’Union européenne et la République de Cuba;
22.5. encourage les États membres du Conseil de l’Europe à introduire des sanctions politiques et économiques à grande échelle contre le régime iranien;
22.6. soutient les sanctions contre la Fédération de Russie introduites par les États-Unis d’Amérique.
23. Estimant qu’un cadre efficace de lutte contre le contournement des sanctions devrait reposer sur les éléments ci-après, l’Assemblée invite les États membres et les États observateurs du Conseil de l’Europe et l’Union européenne à tenir compte de ces éléments:
23.1. création d’une autonomie économique stratégique européenne vis-à-vis du pétrole et du gaz russes utilisés à des fins géopolitiques impérialistes russes;
23.2. mise en place de mesures visant à réduire la revente du pétrole et de gaz russes à l’Europe par le biais de pays tiers;
23.3. élargissement de la liste des personnes et des entités visées par les mesures restrictives en Fédération de Russie et dans les pays tiers;
23.4. définition des grandes catégories d’entités et de personnes qui jouent un rôle significatif dans le contournement des sanctions, telles que les banques, les compagnies d’assurance, les conseillers financiers, les institutions financières, les entreprises de transport et de logistique, les ports et les sociétés de services;
23.5. mise en place de mécanismes efficaces pour contrôler le respect des sanctions, par exemple d’une Task Force spécialisée;
23.6. mise en place et application de sanctions secondaires et suivi du respect de ces sanctions;
23.7. création d’un Registre public des entreprises et des personnes au service d’intérêts russes;
23.8. création d’un Registre public des entreprises et des personnes impliquées dans le contournement des sanctions;
23.9. introduction de lignes directrices internationales pour que les institutions financières évaluent soigneusement les risques liés aux clients et aux transactions susceptibles d'échapper aux sanctions. Ces lignes directrices devraient fournir un examen plus approfondi lorsqu'elles traitent de personnes ou d’entités opérant dans des juridictions connues pour leur capacité à se soustraire aux sanctions;
23.10. renforcement de la coopération et harmonisation des efforts en matière de sanctions entre les pays partageant les mêmes valeurs afin d’éviter les lacunes;
23.11. mise en œuvre de systèmes de suivi et de vérification solides afin d'empêcher les biens et matériaux sanctionnés d'entrer sur les marchés mondiaux par des voies indirectes., y compris en procédant à des audits réguliers et en collaborant avec les partenaires de l'industrie pour garantir le respect des règles tout au long de la chaîne d'approvisionnement;
23.12. mise en place de sanctions financières significatives en cas de contournement des sanctions;
23.13. établissement de la responsabilité pénale des personnes et des groupes de personnes qui apportent une aide intentionnelle en vue d’échapper aux sanctions;
23.14. possibilité de création d’une structure paneuropéenne dotée d’un pouvoir d’enquête et de poursuivre à l’encontre des personnes impliquées dans le contournement des sanctions. Une telle structure (Task Force), comme le Registre des États et entités, banques et entreprises qui contournent les sanctions, devrait être créée dès que possible et devrait travailler en parallèle avec le Registre des dommages;
23.15. mise en place d’incitations financières pour les lanceurs d’alerte qui communiquent des informations détaillées concernant le contournement des sanctions.
24. Pour ce qui concerne ses propres activités, l’Assemblée:
24.1. est déterminée à établir des canaux de dialogue et de coopération avec les forces et les acteurs de la société civile russes qui aspirent à un changement démocratique en Russie, partagent les valeurs du Conseil de l’Europe et soutiennent la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de l’Ukraine, notamment le Comité d’action russe;
24.2. encourage la poursuite de la réflexion sur la question des sanctions contre la Fédération de Russie.

B. Exposé des motifs par M. Emanuelis Zingeris, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. On se souviendra du 24 février 2022 comme l’une des heures les plus sombres de l’histoire européenne. Ce jour-là, la Fédération de Russie est passée à la vitesse supérieure, transformant son agression contre l’Ukraine, lancée en 2014, en une invasion à grande échelle. Pour des millions d’Ukrainiennes et d’Ukrainiens, la vie a brutalement changé. Pour l’Europe, ce fut un point de non-retour et le projet d’espace juridique européen unique sans lignes de clivage, auquel les États membres du Conseil de l’Europe avaient consacré tant d’espoir, d’énergie et d’efforts, a été mis en pause.
2. Et pourtant, comme l'a déclaré la Secrétaire Générale du Conseil de l'Europe, Mme Marija Pejčinović Burić, la Russie n'a pas cessé soudainement de ne plus vouloir respecter ses engagements à l’égard du Conseil de l'Europe 
			(3) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/secretary-general/-/conference-on-black-sea-security-of-the-international-crimea-platform'>Conference
on Black Sea Security of the International Crimea Platform</a> – Secrétaire Générale (coe.int) (anglais seulement).. Cela s'est produit petit à petit, au fil des ans. L'agression généralisée lancée en 2022 est le point culminant d'un processus de rejet délibéré des valeurs et des normes du Conseil de l'Europe par le régime de Poutine, sur le plan tant intérieur qu’international. Les démocraties européennes ont mené une politique d'apaisement et de dialogue avec la Russie, dans l'illusion de pouvoir exercer une influence sur un système qui devenait de plus en plus totalitaire. Elles ont assisté avec complaisance à la consolidation du régime autocratique de Poutine, ne comprenant pas à quel point il constituerait une menace pour leur propre sécurité, malgré l'histoire qui a abondamment montré le lien entre la répression intérieure et la volonté de recourir à la force dans les relations internationales.
3. L’Europe a cessé d’être naïve le 24 février 2022. J'ai été fier de voir que, lors d'une session extraordinaire organisée les 15 et 16 mars 2022, l'Assemblée parlementaire a décidé à l'unanimité que la Fédération de Russie ne pouvait plus être membre du Conseil de l'Europe 
			(4) 
			Avis 300 (2022) sur les conséquences de l’agression de la Fédération
de Russie contre l’Ukraine.. Le Comité des Ministres a exclu la Fédération de Russie de l'Organisation le 17 mars 2022.
4. Malgré le courage, la détermination et le sacrifice du peuple ukrainien et la condamnation générale de la communauté internationale, le régime de Poutine persiste à violer le droit international et à commettre des crimes d’agression et de guerre en Ukraine. L'une des principales conséquences politiques de la guerre d'agression menée par la Fédération de Russie contre l'Ukraine est la nouvelle unité entre les démocraties. Le 4e Sommet des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe, qui s'est tenu les 16 et 17 mai 2023 à Reykjavik, est l'expression de cette unité autour de valeurs communes, de la détermination à soutenir l'Ukraine aussi longtemps qu'il le faudra et de la volonté de faire en sorte que la Fédération de Russie soit tenue pour responsable de ses multiples crimes.

2. Portée et procédure du rapport

5. Depuis le 24 février 2022, l'Assemblée a adopté plusieurs textes concernant l'agression de l'Ukraine par la Fédération de Russie qui traitent des différents aspects de cette agression et de ses conséquences ainsi que de la réponse apportée par le Conseil de l'Europe. La plupart de ces textes ont été adoptés à l'unanimité, ce qui montre clairement que les parlementaires nationaux reconnaissent la gravité de cette guerre d'agression et sont d'accord sur la manière de réagir.
6. À la suite du débat sur la Résolution 2463 (2022) «Nouvelle escalade dans l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine» qui s’est tenu pendant la partie de session d’octobre 2022, j’ai été reconduit dans mes fonctions de rapporteur pour un nouveau rapport en janvier 2023. En mai 2023, la Commission des questions politiques et de la démocratie et le Bureau de l'Assemblée sont convenus que ce rapport devait faire l’objet d’un débat d'urgence pendant la partie de session de juin 2023.
7. Malgré les contraintes évidentes liées à la procédure d'urgence, qui ne permet pas de mener des recherches et des analyses approfondies, j'ai pu bénéficier, pour préparer ce rapport, des contributions apportées par un certain nombre d’amis ayant d’importantes compétences spécialisées en la matière. À cet égard, je tiens à remercier M. Sergey Davidis, éminent défenseur des droits humains et Directeur de Memorial, M. Sergueï Gouriev, économiste et doyen de Sciences Po Paris, et Hermitage Foundation dirigée par M. Bill Browder; ainsi que Dossier Center Great Britain dirigé par M. Mikhail Khodorkovski pour leur générosité en matière de conseils, commentaires et suggestions. En outre, je me suis appuyé sur les contributions suivantes:
  • une audition de M. Hugo Acha, chargé de recherche principal, Center for a Secure Free Society (SFS) et directeur de la recherche et de la sensibilisation à la Foundation for Human Rights in Cuba (FHRC), Washington, que la commission des questions politiques et de la démocratie a tenue le 20 mars 2023;
  • un débat d'actualité sur le rôle de la Russie dans la montée des tensions en République de Moldova, organisé le 27 avril 2023 à mon initiative;
  • une audition de Mme Evgenia Kara-Murza, épouse de M. Vladimir Kara-Murza, lauréat du Prix des Droits de l’homme Václav Havel, et de M. Vadim Prokhorov, avocat de M. Kara-Murza, tenue pendant la partie de session d'avril 2023.
8. Le rapport tient également compte des travaux menés par la commission des questions juridiques et des droits de l'homme en vue de mettre en place un système complet d'établissement des responsabilités de la Fédération de Russie, en particulier une audition conjointe organisée avec la Commission des questions politiques et de la démocratie pendant la partie de session d'avril 2023 et la Résolution 2482 (2023) «Questions juridiques et violations des droits de l'homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine» J'ai également eu l’occasion de me rendre à Kyiv en ma qualité de membre du Parlement lituanien, le 16 février 2023, date anniversaire du début de l'invasion à grande échelle, pour faire part de mon plein soutien aux autorités et au peuple ukrainiens. Je me suis également rendu en Ukraine à d'autres occasions, notamment à Boutcha et à Irpin avec la sous-commission ad hoc de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme chargée d'évaluer le niveau des atrocités commises par les forces d'occupation russes, ainsi qu'avec la délégation du Centre d'analyse des politiques européennes (CEPA).
9. Le présent rapport se concentre sur les implications géopolitiques de l'agression, qui est le plus grand conflit armé depuis la seconde guerre mondiale. Il examine les risques plus larges pour la sécurité qui résultent de l'agression, soulignant la nécessité pour l'Ukraine et ses partisans d'intensifier leurs efforts diplomatiques en vue de contrer les propos mensongers de la Fédération de Russie. Le rapport développe également en détail la question des sanctions contre la Fédération de Russie et les moyens d’améliorer leur efficacité. Étant donné que cette question nécessiterait un débat approfondi, ce qui n’est pas possible dans le cadre d’une procédure d’urgence, je n’ai inclus que des recommandations générales à ce sujet dans le projet de résolution. Je pense toutefois que l’Assemblée devrait préparer un rapport spécifique sur ce sujet, et j’ai inclus des recommandations détaillées dans les conclusions de ce rapport, afin de servir de guide pour la poursuite de la réflexion et des délibérations.
10. Inspiré par le sacrifice personnel de milliers d'opposant·e·s à Poutine et de leurs familles, le rapport montre que les Russes qui partagent les valeurs du Conseil de l'Europe et aspirent à un changement démocratique dans leur pays peuvent faire partie de la solution. L'Europe ne peut être en sécurité de manière durable que si la Fédération de Russie devient une démocratie et perd son potentiel militaire d‘attaque contre ses pays voisins.

3. Nécessité impérative de soutenir l’Ukraine

11. En défendant la souveraineté, l’indépendance et l’intégrité territoriale de leur pays, les Ukrainiens et Ukrainiennes protègent les principes essentiels inscrits dans la charte des Nations Unies, qui sont les bases de la coexistence pacifique entre les États. C’est pourquoi l’Ukraine nécessite et mérite le soutien sans réserve de tous les pays qui sont attachés à la paix et refusent le recours à la force pour atteindre leurs objectifs.
12. Les 16 et 17 mai 2023, le 4e Sommet des chefs d'État et de gouvernement des 46 États membres du Conseil de l’Europe a transmis à l’Ukraine un message fort et sans équivoque de soutien au plus haut niveau politique. Il a été réaffirmé lors de la deuxième réunion de la Communauté politique européenne, réunie à Chisinau le 1er juin 2023.

3.1. Mesures en réaction aux souffrances humaines et aux destruction matérielles

13. À l’heure d’écrire ces lignes, la guerre d’agression à grande échelle menée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine entre dans son 17e mois. Les mots ne suffisent pas pour exprimer les immenses souffrances causées par cette agression. Depuis le 24 février 2022, l’ensemble du territoire ukrainien a été la cible de différents types d’armes qui ont provoqué de nombreuses victimes, des déplacements massifs de population et la destruction de très nombreuses infrastructures essentielles. Les crimes de guerre et atrocités commis massivement par les troupes russes et leurs acolytes ont été bien documentés et l’on peut raisonnablement craindre qu’avec la libération de nouveaux territoires de nouvelles preuves de crimes soient mises à jour. On estime qu’un tiers du pays est contaminé par des mines antipersonnel et par des munitions non explosées.
14. D’après le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme (HCDH), depuis le début de cette invasion massive, 24 425 victimes civiles ont été recensées en Ukraine, dont 8 983 morts et 15 442 blessés 
			(5) 
			Ukraine:
victimes civiles au 5 juin 2023 – HCDH.. Le HCDH pense que les chiffres réels sont nettement plus élevés parce que la transmission d’informations à partir de certaines localités en proie à d’intenses combats a été retardée, et de nombreux rapports doivent encore être vérifiés. Cela concerne par exemple Marioupol (région de Donetsk), Lissitchansk, Popasna et Severodonetsk (région de Lougansk), pour lesquelles de nombreuses victimes civiles sont alléguées.
15. Le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) signale qu’au 23 mai 2023, environ 8,2 millions de citoyennes et citoyens ukrainiens se sont fait enregistrer partout en Europe pour obtenir une protection temporaire ou bénéficier d’un autre régime similaire de protection nationale. De plus, environ 2,8 millions d’Ukrainiens ont été déplacés de force ou sont passés en Fédération de Russie 
			(6) 
			<a href='https://data.unhcr.org/fr/situations/ukraine/location'>Situation
des réfugiés ukrainiens</a> (HCR).. Au 23 janvier 2023, l’on estimait que 5,4 millions de personnes étaient déplacées à l’intérieur de l’Ukraine 
			(7) 
			Ukraine
– <a href='https://dtm.iom.int/fr/node/21236'>rapport</a> sur les personnes déplacées à l'intérieur du pays –
cycle de de suivi démographique général 12 (16-23 janvier 2023)
matrice de suivi des déplacements (iom.int)..
16. Les dommages causés aux habitations depuis le 24 février 2022 sont estimés à 50 milliards de dollars. 36 milliards de dollars supplémentaires de dommages aux infrastructures ont été recensés. Au total, les dommages directs de guerre provoqués en Ukraine sont estimés à 135 milliards de dollars sur la même période 
			(8) 
			<a href='https://www.statista.com/statistics/1303344/ukraine-infrastructure-war-damage/'>Ukraine
infrastructure damage</a> 2023 – Statista.. Pour réparer les dommages aux infrastructures de l’Ukraine, il faudra beaucoup de temps et de moyens financiers. Ajoutons que l’agression a gravement impacté le commerce international de l’Ukraine en coupant les voies d’importation et d’exportation de marchandises, ce qui affecte son économie.
17. La destruction du barrage de Kakhovka, sur le Dniepr, le 6 juin 2023, a eu des conséquences massives pour les collectivités affectées et constitue un risque environnemental et sanitaire majeur. En fait, comme pour d’autres actes d’agression russes aux conséquences environnementales désastreuses, il s’agit non seulement d’un crime de guerre, mais aussi d’un écocide, comme l’ont souligné les autorités ukrainiennes.
18. Au total, 600 km² de la région de Kherson seraient inondés, et environ 70% des localités inondées sont contrôlées par l’armée russe. Le niveau de l’eau aurait atteint un pic de 5,6 mètres le 9 juin, et des milliers de personnes ont de toute urgence besoin d’eau, de nourriture, de produits d’hygiène et d’autres articles essentiels. Le Gouvernement ukrainien a appelé les organisations internationales, dont les Nations Unies et le Comité international de la Croix-Rouge, à porter assistance aux habitant·e·s des zones affectées, tandis que la partie russe a déclaré avoir évacué au moins 40 000 personnes 
			(9) 
			<a href='https://reports.unocha.org/en/country/ukraine/'>Intervention
humanitaire en faveur de l'Ukraine 2023</a>, Situation (unocha.org). bien que la crédibilité de ces données reste discutable.
19. L’ampleur de la catastrophe engendrée par la destruction du barrage de Kakhovka ne pourra pas être évaluée avant plusieurs semaines. Il est probable que l’alimentation en eau potable et la production agricole en soient affectées. Elle augmente aussi le risque d’accidents provoqués par les mines car ces engins explosifs se déplacent sous l’effet des inondations dans des secteurs fortement contaminés. La destruction du barrage augmente également le risque d’accident nucléaire en compromettant potentiellement l’approvisionnement en eau de la plus grande centrale nucléaire d’Europe, à Zaporijjia.

3.2. Soutenir le droit de l’Ukraine à se défendre

20. En juin 2023, l’Ukraine a lancé sa contre-offensive tant attendue. La résilience du pays n’a pas été entamée par les mois d’attaques de drones et de missiles contre des cibles tant civiles que militaires. Malgré les pertes en vies humaines et les efforts intenses pour tenir Bakhmout – où s’est déroulée la plus longue bataille de cette guerre – l’armée ukrainienne a été renforcée par les livraisons d’armes supplémentaires en provenance de pays démocratiques qui soutiennent son droit à l’autodéfense.
21. Les États-Unis sont le principal fournisseur d’assistance militaire à l’Ukraine: ce pays a engagé 18,3 milliards $US en assistance à la sécurité, 23,5 milliards de dollars en armements et 4,7 milliards de dollars en prêts et subventions pour l’achat d’armes et de matériel militaire 
			(10) 
			<a href='https://www.cfr.org/article/how-much-aid-has-us-sent-ukraine-here-are-six-charts'>How
Much Aid Has the U.S. Sent Ukraine? Here Are Six Charts</a>. | Council on Foreign Relations (cfr.org)..
22. Le deuxième donateur par ordre d’importance est le Royaume-Uni, qui a déjà engagé 4,6 milliards de livres en assistance militaire à l’Ukraine (2,3 milliards de livres en 2022 et l’engagement de consentir un financement similaire en 2023). Le Royaume-Uni accueille également un programme de formation (Opération Interflex) auquel contribuent plusieurs alliés afin de former 30 000 militaires ukrainiens (nouveaux et existants) avant la fin de l’année 2023. Le Royaume-Uni a récemment promis de former des pilotes ukrainiens sur des avions de chasse et fournit des missiles de précision et à longue portée 
			(11) 
			<a href='https://commonslibrary.parliament.uk/research-briefings/cbp-9477/'>Military
assistance to Ukraine since the Russian invasion</a> – House of Commons Library (parliament.uk) (anglais seulement)..
23. Par une décision sans précédent, les États membres ont décidé de fournir du matériel militaire à l’Ukraine, y compris des armes létales, par le biais de la Facilité européenne pour la paix. La question de savoir s’il convient de fournir à l’Ukraine des armes lourdes ou des armes légères, voire pas d’armes du tout, a suscité de vifs débats dans les différentes capitales d’Europe. Certains pays comme la République tchèque, la Pologne et la Slovénie ont fourni des armes lourdes, y compris des chars T-72 tandis que d’autres, comme l’Autriche et l’Irlande, ont décidé de fournir exclusivement des armes non létales, dans le respect de leur politique de neutralité. À ce jour, seuls la Hongrie, Malte et Chypre ont décidé de ne fournir à l’Ukraine aucun matériel militaire. Outre le matériel militaire, de nombreux États membres ont apporté une aide militaire conséquente 
			(12) 
			European Parliamentary
Research Service, <a href='https://www.europarl.europa.eu/RegData/etudes/ATAG/2022/729431/EPRS_ATA(2022)729431_EN.pdf'>Russia's
war on Ukraine: Bilateral delivery of weapons and military aid to Ukraine</a>, May 2022 (anglais seulement)..
24. L’Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN), en tant qu’alliance, a clairement démontré son soutien politique à l’Ukraine et approuve pleinement la fourniture d’une assistance militaire bilatérale par les divers alliés. Il aide à coordonner les demandes d’assistance du Gouvernement ukrainien et soutient l’envoi d’aide humanitaire et non létale.
25. Il convient également de prendre en compte un fait nouveau, l’augmentation d’actes de sabotage contre la guerre d’agression sur le territoire russe. Le Corps des volontaires russes, l’Armée nationale républicaine (Russie), la Légion Liberté de la Russie et d’autres formations de volontaires russes combattant aux côtés de l’Ukraine, lancent des incursions transfrontalières dans la région de Belgorod et conduisent d’autres opérations de déstabilisation 
			(13) 
			<a href='https://www.nytimes.com/2023/03/08/world/europe/russia-ukraine-war-groups.html'>The
New York Times, A wide-range of pro-Ukrainian groups operate in
the shadows of the war</a>, 8 March 2023 (anglais seulement).. Ces groupes opposés au régime russe de Vladimir Poutine et à son invasion de l’Ukraine se composent de transfuges de l’armée russe et d’autres volontaires russes, dont certains avaient émigré en Ukraine.
26. Début 2023, l’Association des Forces de sécurité du Bélarus (Bypol), une organisation de militant·e·s du Bélarus opposés au régime d’Alexandre Loukachenka, a revendiqué l’attaque par drone contre un avion militaire russe stationné dans une base militaire située sur le territoire du Bélarus. D’autres actes de sabotage visant à entraver le transport d’armes et de matériel militaire ont été menés au Bélarus depuis le début de l’agression à grande échelle.

3.3. Soutenir la gouvernance et la reprise démocratiques

27. Depuis le 24 février 2022, l’ensemble du territoire ukrainien est soumis à la loi martiale et certaines collectivités sont administrées par des autorités civiles-militaires. Des efforts remarquables ont été consentis pour maintenir le fonctionnement des institutions démocratiques ainsi que les services à la population. La situation reste toutefois délicate dans l’ensemble du pays, avec des particularités qui peuvent être liées à la durée de l’occupation russe ou à la situation des localités, sur la ligne de front ou sur un secteur bien plus éloigné. Malgré cela, l’Ukraine a continué de respecter les normes du Conseil de l’Europe et la Verkhovna Rada a même ratifié la Convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE n° 210, «Convention d’Istanbul»).
28. Une réforme majeure de décentralisation finalisée avant le début de l’invasion massive a été déterminante pour assurer la résilience des collectivités face à l’invasion, et elle continuera de jouer un rôle essentiel pendant la phase de reconstruction.
29. Même si l’Ukraine continue de subir la guerre d’agression, il convient qu’elle jette les bases d’un pays plus fort, plus résilient et plus démocratique. Les principes de l'approche «reconstruire en mieux» devraient s’appliquer à tous les secteurs, de l’énergie au logement, et de l’agriculture à la santé. Ils sont également valables pour la gouvernance démocratique, et le Conseil de l'Europe est particulièrement bien placé pour apporter son aide dans ce domaine.
30. En décembre 2022, le Comité des Ministres a adopté le Plan d’action pour l’Ukraine «Résilience, relance et reconstruction» (2023-2026) 
			(14) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/programmes/ukraine'>Ukraine
– Direction de la coordination des programmes</a> (coe.int).. Son principal objectif est de contribuer à la stabilité, à la sécurité et à la prospérité de l’Ukraine à travers une réponse aux besoins immédiats et à moyen terme liés à la guerre, dans un effort qui se poursuivra à l’issue du conflit, dans les domaines où le Conseil de l'Europe peut apporter son expertise et une valeur ajoutée. Il est vital que les États membres du Conseil de l'Europe apportent leur contribution à ce Plan d'action et affectent les ressources nécessaires pour garantir sur le long terme la résilience démocratique de l’Ukraine 
			(15) 
			<a href='https://coebank.org/fr/about/structure-management/governor/speeches-and-articles/ceb-support-ukraine-italy-ukraine-conference-rome-april-26-2023/'>La
CEB en soutien à l'Ukraine</a>. Conférence Italie-Ukraine (Rome, 26 avril 2023) | CEB
(coebank.org)..
31. En juin 2022, l’Ukraine a officiellement demandé à adhérer à la Banque de développement du Conseil de l'Europe (CEB). Lors de la réunion commune de juillet 2022, les États membres de la CEB ont approuvé à l’unanimité la demande de l’Ukraine et ont décidé, pour marquer de façon tangible leur soutien dans le contexte des circonstances exceptionnelles auxquelles l’Ukraine est confrontée, de dispenser ce pays de tout versement normalement exigé pour l’adhésion. Suite à l’adoption unanime par la Verkhovna Rada de la loi autorisant le pays à adhérer à la CEB, des hauts représentant·e·s du Gouvernement ukrainien ont participé à la réunion commune de cette année, à Athènes.
32. À cette occasion, le Vice-Premier ministre de l’Ukraine, Oleksandr Kubrakov, a insisté sur le rôle déterminant que la CEB pourra jouer dans la restauration des conditions nécessaires au retour des Ukrainiennes et Ukrainiens qui ont été contraints de quitter leur logement. Le Gouverneur de la CEB, M. Carlo Monticelli, a expliqué à la Commission permanente de l’Assemblée, à Riga le 26 mai 2023, que la Banque interviendra en Ukraine en ciblant particulièrement les secteurs sociaux comme la santé et le logement, et en déployant sa longue expertise en qualité de plus ancienne banque de développement multilatérale d’Europe. C’est d’autant plus nécessaire que les besoins ont encore augmenté dans ces secteurs suite aux récentes attaques contre des infrastructures vitales. Le Cadre stratégique 2023-2027 de la Banque prévoit un volume d’opérations d’environ 200 millions € cette année, qui pourrait graduellement passer à environ 400 millions € par an d’ici à 2027.

4. Faire en sorte de rendre des comptes

4.1. Un système complet d’établissement des responsabilités

33. La gravité des crimes commis par la Fédération de Russie est telle que, très peu de temps après le début de l'agression à grande échelle, un consensus s'est dégagé sur la nécessité de mettre en place un système complet d’établissement des responsabilités de l'agresseur en évitant tout vide juridictionnel.
34. Outre les tribunaux ukrainiens, un certain nombre de cours internationales et d'organismes internationaux non judiciaires enquêtent, documentent ou poursuivent ces crimes, et leur travail devrait être soutenu par le Conseil de l'Europe et ses États membres. Ce sont notamment:
  • la Cour européenne des droits de l'homme, qui est compétente pour les actes commis par la Fédération de Russie jusqu'au 16 septembre 2022;
  • la Cour pénale internationale qui, en mars 2023, a émis des mandats d'arrêt à l’encontre du Président Poutine et de Maria Lvova-Belova, commissaire aux droits de l'enfant au sein du cabinet du président de la Fédération de Russie, pour raisons de crime de guerre de déportation illégale de population (enfants) et de transfert illégal de population (enfants) à partir du territoire ukrainien occupé 
			(16) 
			<a href='https://www.icc-cpi.int/news/situation-ukraine-icc-judges-issue-arrest-warrants-against-vladimir-vladimirovich-putin-and'>Situation
en Ukraine: Les juges de la CPI délivrent des mandats d'arrêt à
l'encontre de Vladimir Vladimirovitch Poutine et Maria Alekseyevna
Lvova-Belova</a> – International Criminal Court (icc-cpi.int).;
  • la Cour internationale de Justice, en particulier en ce qui concerne sa procédure pour «Allégations de génocide en vertu de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide» (Ukraine contre la Fédération de Russie) 
			(17) 
			<a href='https://icj-cij.org/fr/affaire/182'>Allégations de génocide</a> en vertu de la Convention pour la prévention et la répression
du crime de génocide (Ukraine (icj-cij.org).;
  • la Commission d'enquête internationale indépendante sur l'Ukraine 
			(18) 
			Voir
son dernier <a href='https://www.ohchr.org/en/press-releases/2023/03/war-crimes-indiscriminate-attacks-infrastructure-systematic-and-widespread'>rapport</a> du 16 mars 2023.;
  • le Mécanisme de Moscou, invoqué pour la dernière fois le 30 mars 2023 par 45 États participants de l’OSCE, face à la déportation d’enfants dans un contexte de violations des droits de l'homme et d'impacts humanitaires de la guerre d'agression de la Russie contre l'Ukraine 
			(19) 
			<a href='https://www.osce.org/odihr/540828'>L'Ukraine nomme trois
experts suite à l'invocation du mécanisme de Moscou de l'OSCE</a> – OSCE..

4.2. Le Registre des dommages

35. La création du Registre des dommages causés par l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine constitue le principal résultat du 4e Sommet des États membres du Conseil de l'Europe et représente une étape importante dans les efforts multilatéraux visant à assurer la responsabilité de la Fédération de Russie. Le fait qu'il prenne la forme d'un accord partiel élargi et soit ouvert à tous les pays du monde ajoute à sa pertinence politique 
			(20) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=0900001680ab2596'>Résolution</a> établissant l'Accord partiel élargi.. Même si 45 États et l’Union européenne ont déjà adhéré ou fait part de leur intention d'adhérer au Registre, l’Assemblée devrait encourager le plus grand nombre possible de pays à les rejoindre.
36. Qualifié par la Secrétaire Générale du Conseil de l'Europe, Marija Pejčinović Burić, d’historique et de «l'une des premières décisions juridiquement contraignantes visant à amener la Russie à répondre de ses actes», ce Registre aidera les victimes à consigner les pertes subies et ouvre la voie à un futur mécanisme international d’indemnisation.
37. L’Union européenne a versé une contribution importante au financement des frais de démarrage. Le Registre aura son siège à La Haye et un bureau satellite en Ukraine. Il sera établi pour une période initiale de trois ans et servira à consigner les preuves et informations relatives aux demandes d'indemnisation pour les dommages, pertes ou préjudices causés par l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine.
38. Le Registre servira à enregistrer, sous forme documentaire, les preuves, réclamations et informations sur les dommages, pertes ou préjudices causés, le 24 février 2022 ou après, sur le territoire de l’Ukraine à l’intérieur de ses frontières internationalement reconnues, s’étendant jusqu’à ses eaux territoriales, envers toutes les personnes physiques et morales concernées, ainsi qu’envers l’État ukrainien (y compris ses autorités régionales et locales et ses entités détenues ou contrôlées par l’État), par les actes contraires au droit international commis par la Fédération de Russie en Ukraine ou contre l’Ukraine.
39. Il me semble évident que les actes illicites à enregistrer ne sont pas seulement ceux commis stricto sensu par l’armée russe, mais aussi ceux commis par tous ses mandataires, y compris les groupes paramilitaires et les entreprises militaires privées impliquées dans l’agression. Je m’attends à ce que cette question, qui n’est pas explicitement mentionnée dans le Statut du Registre, soit clarifiée par la Conférence des Parties lorsqu’elle établira le Règlement du Registre sur la recevabilité. À cet égard, je voudrais également rappeler que les forces militaires de Kadyrov se battent également en Ukraine. Le 31 mai 2023, l’Institut pour l’étude de la guerre a rapporté que les forces de Kadyrov pourraient remplacer le rôle du groupe Wagner en tant que principales «forces de choc» russes dans le Donbass.

4.3. Le Tribunal spécial pour le crime d'agression

40. Même si le Registre des dommages est une réalisation historique, l’Assemblée devrait poursuivre ses efforts pour s'assurer que les dirigeant·e·s politiques et militaires de la Fédération de Russie soient tenus responsables pour leur guerre d'agression contre l'Ukraine.
41. L’Assemblée a systématiquement appelé à la création d'un tribunal spécial pour le crime d'agression dans tous ses textes antérieurs concernant l'agression et, plus récemment, dans une déclaration écrite dont j'ai été le premier signataire 
			(21) 
			Déclaration écrite n° 775.. Ajoutons que le 4e Sommet des chefs d'État et de gouvernement du Conseil de l'Europe s'est félicité des progrès accomplis dans la réalisation de cet objectif et a demandé au Conseil de l'Europe de participer aux consultations et négociations pertinentes et d'apporter son soutien technique et son expertise.
42. Dans son texte le plus complet sur la question, la Résolution 2482 (2023), l'Assemblée a réitéré «son appel unanime aux États membres et aux États observateurs du Conseil de l'Europe pour qu'ils instituent un tribunal pénal international spécial pour le crime d'agression contre l'Ukraine, qui devrait être approuvé et soutenu par le plus grand nombre possible d'États et d'organisations internationales, et en particulier par l'Assemblée générale des Nations Unies» 
			(22) 
			Rés. 2482 – Résolution – texte adopté (coe.int)..
43. Elle a également précisé les caractéristiques de ce tribunal, en abordant la question des immunités et en soulignant que son rôle devait être complémentaire de la juridiction de la Cour pénale internationale et ne devait en aucun cas limiter ou affecter l'exercice par cette dernière de sa juridiction sur les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les éventuels génocides commis dans le cadre de l'agression en cours, ainsi que sa juridiction en général.
44. À l'initiative de l'Ukraine, un Groupe d’Etats (Core Group) œuvrant à la mise en place du Tribunal spécial a été formé et comprend déjà 37 États. Le 9 mai, le Core Group a tenu un sommet, présidé par le Président Zelensky, lors duquel les dirigeant·e·s ont réaffirmé leur soutien politique sans réserve à la création du Tribunal spécial, malgré des divergences de points de vue sur les modalités de sa mise en place.
45. Il est également important que l’activité du Centre international pour les poursuites relatives aux crimes d'agression contre l'Ukraine (ICPA) soit lancée prochainement. Ce sera le premier effort international d’enquête et de poursuites sur le crime d’agression en cas de perpétration depuis la Seconde Guerre mondiale. L’Assemblée et le Conseil de l’Europe soutiendront le lancement de l’ICPA.

4.4. L’obligation du Groupe Wagner de rendre des comptes

46. En mars 2023, M. Markus Wiechel et d'autres membres de l'Assemblée ont déposé une proposition de résolution demandant que le Groupe Wagner soit qualifié d’organisation terroriste 
			(23) 
			Doc. 15720 – Proposition de résolution – Document de travail (coe.int).. Cette proposition a été renvoyée à la commission des questions juridiques et des droits de l'homme pour prise en compte dans le cadre du rapport sur les «Questions juridiques et violations des droits de l'homme liées à l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine».
47. Le Groupe Wagner est une société militaire privée liée à l'État russe, qui a participé à l'agression russe contre l'Ukraine depuis le début. Il est à l’origine de graves violations du droit humanitaire international et doit en répondre.
48. Après le lancement de l’invasion massive, ce Groupe a progressivement recruté et déployé sans formation militaire de plus en plus de condamnés russes, parmi lesquels il y a eu de très nombreuses victimes. Il poursuit le recrutement de mercenaires à l’extérieur de la Russie via des profils sur les réseaux sociaux Facebook et Twitter. Le 31 mai, la société de recherche sur la désinformation Logically, basé au Royaume-Uni, a découvert des offres d’emploi du groupe Wagner ciblant des médecins, des opérateurs de drones et des psychologues pour participer à la guerre en Ukraine et dans d’autres pays. Ces offres sont publiées dans des dizaines de langues dont le français et l’espagnol 
			(24) 
			<a href='https://fr.euronews.com/2023/05/31/comment-wagner-utilise-les-reseaux-sociaux-pour-recruter'>Comment
Wagner utilise les réseaux sociaux pour recruter</a> – Euronews..
49. Tout porte à croire que le régime de Poutine continuera à s'appuyer sur le groupe Wagner et les sociétés militaires privées. Le 31 mai 2023, un projet de loi autorisant les personnes ayant un casier judiciaire à effectuer un service militaire sous contrat a été soumis au parlement russe. Les personnes recrutées verront leur peine annulée ou leur casier judiciaire effacé. Les personnes condamnées pour des délits sexuels contre des mineurs ou pour trahison, terrorisme ou extrémisme ne seront toutefois pas autorisées à s’enrôler dans l’armée 
			(25) 
			<a href='https://www.osw.waw.pl/en/publikacje/analyses/2023-06-02/russian-volunteers-destabilise-belgorod-oblast-russia-day-463-war'>Russian
volunteers destabilise the Belgorod oblast of Russia</a>. Day 463 of the war -| OSW Centre for Eastern Studies (anglais
seulement)..
50. Le Parlement européen, la Verkhovna Rada et d’autres parlements nationaux ont déjà exprimé l’avis selon lequel le Groupe Wagner devrait être considéré comme une organisation terroriste, alors que d’autres envisagent cette possibilité.
51. Le 8 décembre 2022, le Parlement de la Lettonie a adopté une déclaration sur les crimes internationaux de la Russie commis en Ukraine et les poursuites à l’encontre de leurs auteurs, où il appelle l’Union européenne à inscrire le Groupe Wagner sur sa liste des personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme (Liste de l’UE en matière de terrorisme). En mars et en mai 2023, les parlements lituanien et français ont respectivement, par des résolutions non contraignantes, désigné le groupe Wagner comme une organisation terroriste, appelant d'autres pays à faire de même 
			(26) 
			<a href='https://www.lemonde.fr/en/politics/article/2023/05/10/french-parliament-calls-on-eu-to-list-wagner-as-terrorist-group_6026136_5.html'>French
Parliament calls on EU to list Wagner as 'terrorist group</a>' (lemonde.fr); Lithuanian Lawmakers Designate Russia's
Wagner Group As 'Terrorist Organization' (rferl.org) (anglais seulement).. Le 11 mai M. Tobias Billström, ministre suédois des Affaires étrangères, a déclaré que son pays, qui préside actuellement le Conseil de l'Union européenne, est prêt à rechercher un consensus entre les États membres de l'Union européenne sur l’inscription du groupe Wagner sur la liste de l'UE en matière de terrorisme 
			(27) 
			<a href='https://www.pravda.com.ua/eng/news/2023/05/12/7401824/'>Sweden
to seek EU recognition of Wagner Group as terrorist organisation</a> – Ukrainska Pravda (anglais seulement)..
52. En dehors de l'Union européenne, les États-Unis considèrent le Groupe Wagner comme une organisation criminelle internationale, et le Royaume-Uni envisage de le désigner officiellement comme une organisation terroriste. Cela placerait Wagner sur une liste avec 78 autres groupes, y compris ISIS, Al-Qaïda et de nouvelles organisations de suprémacistes blancs. Le fait d'appartenir à Wagner, d'assister à ses réunions, de promouvoir son soutien ou de porter son logo en public constituerait une infraction pénale. Le Groupe s’exposerait à des sanctions financières et cela affecterait la capacité de Wagner à collecter des fonds si ceux-ci passaient par des établissements financiers britanniques 
			(28) 
			<a href='https://www.thetimes.co.uk/article/government-russian-wagner-group-africa-putin-war-2023-rtfjcwjxb'>Britain
to blacklist Russia’s Wagner group as terrorists</a> (thetimes.co.uk) (anglais seulement)..
53. Qualifier le Groupe Wagner d’organisation terroriste enverrait certes un message fort, mais il est nécessaire d’examiner diverses questions juridiques. J'encourage donc le rapporteur de la commission des questions juridiques et des droits de l'homme à se pencher très attentivement sur cette question.

5. Implications pour la sécurité en Europe

5.1. Un contexte à risques

54. La guerre d'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine a plongé le monde dans un nouvel environnement sécuritaire plein de risques. Il est vrai que certains pays et régions sont particulièrement exposés, mais la tension est palpable aux quatre coins de l'Europe. La Russie a non seulement ramené une guerre dévastatrice au cœur de l'Europe, mais également repoussé les limites de ce qui peut être utilisé comme arme et instrument d’ingérence: migrants, énergie, leviers économiques, capture des élites.
55. La sécurité «dure» est une grave préoccupation. Des représentant·e·s de la Fédération de Russie ont brandi des menaces inconsidérées de guerre nucléaire. En mai 2023, la Russie a commencé à déployer des armes nucléaires tactiques au Bélarus et, selon certaines informations, le déploiement d'armes stratégiques est à l’étude 
			(29) 
			<a href='https://www.lemonde.fr/en/europe/article/2023/05/28/belarus-says-russia-has-started-deploying-tactical-nuclear-weapons-on-its-soil_6028273_143.html'>Le
Bélarus affirme que la Russie a commencé à déployer des armes nucléaires
tactiques sur son sol</a> (lemonde.fr).. En mai 2023, la Fédération de Russie et le Kirghizstan sont convenus de développer des installations militaires russes sur le territoire de ce dernier, qui coopère pourtant avec le Conseil de l'Europe, notamment via le statut de partenaire pour la démocratie octroyé à son parlement. Dans le cadre de l'Organisation du traité de sécurité collective, la Russie a conclu une alliance militaire avec l'Arménie, le Bélarus, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan, qui sont tous des États participants de l'OSCE.
56. Dans ce nouveau climat de confrontation, les mécanismes multilatéraux impliquant la Russie et mis en place pour renforcer la sécurité en Europe ne contribuent pas à l'objectif visé. Dans le contexte d'une architecture de sécurité multilatérale en pleine évolution, l'adhésion à l'Union européenne et à l'OTAN apparaît comme un rempart pour garantir la sécurité et la stabilité tant attendues.

5.2. L'escalade des tensions en République de Moldova

57. Personne ne peut mieux résumer les défis auxquels est confrontée la République de Moldova que sa présidente, Maia Sandu. S'adressant au 4e Sommet du Conseil de l'Europe à Reykjavik, elle a déclaré: «Nous sommes la cible de méthodes hybrides soutenues par la Russie qui visent à déstabiliser notre démocratie. L'agression déclenchée par la Russie contre l'Ukraine a eu un impact sur notre sécurité nationale et a créé un environnement incertain. Nos citoyen·ne·s et nos entrepreneurs continuent de lutter contre les répercussions économiques de la flambée des prix de l'énergie et de la perturbation des routes commerciales. Notre économie doit se développer pour que la démocratie ait une chance. Nous avons tenu bon face aux efforts de déstabilisation de la Russie et nous continuerons à le faire. Notre démocratie s'appuie sur une forte volonté politique, mais elle ne peut faire face seule à l'ampleur des défis auxquels nous sommes actuellement confrontés. La Russie restera une source d'instabilité pour la région dans les années à venir. Le meilleur moyen de consolider notre démocratie et notre liberté est d'adhérer à l'Union européenne. Continuez à aider l'Ukraine, continuez à aider la Moldova, afin qu'ensemble nous puissions continuer à défendre nos démocraties et les valeurs européennes que nous avons choisies comme notre présent et notre avenir».
58. La République de Moldova est en première ligne pour supporter le poids de l'agression de la Fédération de Russie contre l'Ukraine. Depuis le début de l'invasion à grande échelle, elle a connu l'afflux le plus important par habitant de personnes fuyant la guerre. Plus de 780 000 personnes avaient franchi la frontière entre l'Ukraine et la République de Moldavie en mars 2023, et plus de 107 000 personnes sont actuellement accueillies par le pays. Cet effort d'accueil a des implications budgétaires importantes, qui s'ajoutent aux perturbations des chaînes d'approvisionnement et à l'augmentation des prix des denrées alimentaires et de l'énergie, ce qui pèse sur l'économie et provoque des tensions socio-économiques.
59. La République de Moldova est également confrontée à des défis à long terme. L'Assemblée en a discuté en janvier 2023, lors du débat sur «Le respect des obligations et engagements de la République de Moldova» 
			(30) 
			Résolution 2484 (2023).. Le gouvernement s'est engagé à mettre en œuvre des réformes clés dans les domaines de la gouvernance démocratique et de l'État de droit, y compris la réforme du système judiciaire, la lutte contre la corruption et l'influence des oligarques dans la vie publique.
60. Dans ce contexte déjà compliqué, la Fédération de Russie joue un rôle délibéré dans l'escalade des tensions et l'amplification des fragilités internes du pays par une stratégie agressive de déstabilisation. Les événements de ces derniers mois le confirment, à travers des:
  • manifestations anti-gouvernementales organisées par le Mouvement populaire (lié au parti Shor);
  • informations faisant état de complots visant à renverser le gouvernement et à l'empêcher d'adhérer à l'Union européenne;
  • arrestations de saboteurs présumés, dont le groupe Wagner;
  • expulsions de ressortissants étrangers pour espionnage.
61. Le 10 février 20232, la Fédération de Russie a tiré 71 missiles contre l'Ukraine. Certains d'entre eux ont violé l'espace aérien de la République de Moldova. Le même jour, le gouvernement dirigé par Natalia Gavrilita a démissionné. Suite à un remaniement, un nouveau gouvernement a été formé, avec Dorin Recean comme Premier ministre.
62. Le 21 février 2023, le Président Poutine a abrogé le décret présidentiel de 2012 sur les mesures de mise en œuvre de la politique étrangère de la Fédération de Russie. Il s'agissait d'un geste très important, car ce décret engageait la Fédération de Russie à rechercher des solutions à la situation de la Transnistrie «sur la base du respect de la souveraineté, de l'intégrité territoriale et du statut de neutralité de la République de Moldova dans la détermination du statut spécial de la Transnistrie».
63. Le site web du Kremlin indique que cette décision a été prise pour «assurer les intérêts nationaux de la Russie dans le cadre des changements profonds qui se produisent au sein des relations internationales». Cette décision fait écho au commentaire du ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, selon lequel la Moldova est la «prochaine Ukraine» 
			(31) 
			<a href='https://stirileprotv.ro/stiri/international/serghei-lavrov-spune-ca-occidentul-vrea-sa-transforme-moldova-in-viitoarea-ucraina-maia-sandu-este-dispusa-la-orice.html'>Lavrov:
Occidentul vrea să transforme Moldova în ”viitoarea Ucraină”, iar
Maia Sandu este „nerăbdătoare să intre în NATO”</a> – Stirileprotv.ro..
64. Ces déclarations et événements confirment pleinement l'observation faite en janvier 2023 par l'Assemblée, puis en avril 2023 par le Parlement européen 
			(32) 
			<a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2023-0112_FR.html'>Textes
adoptés – Les défis auxquels la République de Moldavie se trouve
confrontée</a> – Mercredi 19 avril 2023 (europa.eu)., selon laquelle la Fédération de Russie mène une guerre hybride contre la Moldova, en s'appuyant sur:
  • de vastes campagnes de désinformation, basées sur les forces politiques pro-russes dans le pays et les médias qui véhiculent le discours des autorités russes, sur la situation en Moldova ainsi que sur la guerre contre l'Ukraine;
  • le recours au chantage économique et énergétique;
  • les cyber-attaques.
65. Les mécanismes multilatéraux visant à régler pacifiquement la question de la Transnistrie sur la base de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de la République de Moldova sont également affaiblis en raison du nouveau contexte géopolitique. La dernière réunion en format 5+2 s'est tenue en 2019. De plus, le mandat de la mission de l'OSCE en Moldova a été prolongé jusqu’au 30 juin 2023 seulement.
66. La Fédération de Russie maintient illégalement en Transnistrie le Groupe opérationnel des forces russes, qui compte environ 1 500 soldats et contrôle le dépôt de Cobasna où sont stockés 22 000 tonnes de munitions et d'équipements militaires datant de l'époque soviétique. Le maintien de ces troupes et l'absence de démantèlement des munitions sont deux violations graves des obligations internationales de la Fédération de Russie et constituent une menace permanente pour la sécurité – et, dans ce dernier cas, également pour l'environnement – de la République de Moldova et de la région de la mer Noire.
67. Dans le contexte de ces défis majeurs en matière de sécurité, l'approfondissement de l'intégration européenne de la République de Moldova représente un facteur de stabilité. Le Conseil de l'Europe devrait également, par le biais de son Plan d'action 
			(33) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/portal/-/new-council-of-europe-action-plan-for-the-republic-of-moldova-launched-in-strasbourg'>Plan
d'action 2021-2024</a> pour la République de Moldova., renforcer son soutien à la République de Moldova en vue de la faire progresser sur la voie de l'adhésion à l'Union européenne. De même, le soutien des États membres du Conseil de l'Europe devrait être davantage encouragé, par le biais d'initiatives bilatérales ou régionales telles que l'accord de coopération tripartite entre la République de Moldova, la Roumanie et l'Ukraine, signé à l'occasion de la Conférence sur la sécurité de la mer Noire de 2023 
			(34) 
			<a href='https://abcnews.go.com/International/wireStory/ukraine-romania-moldova-boost-ties-security-meeting-98560077'>Ukraine,
Romania, Moldova boost ties at security meeting</a> – ABC News (go.com) (anglais seulement)., ou la Plate-forme de soutien à la Moldova, réunissant l'Allemagne, la France, la Roumanie et les Etats-Unis 
			(35) 
			<a href='https://maisigurinue.md/en/the-moldova-support-platform/'>The
Moldova support platform</a> – Mai sigur (maisigurinue.md) (anglais seulement)..
68. Globalement, en vue de renforcer les capacités de la République de Moldova dans les domaines de la sécurité nationale, de la stabilité et de la résilience, l'Union européenne a engagé 87 millions d'euros depuis la création de la Facilité européenne pour la paix. Le dernier programme d'assistance a été décidé en mai 2023. D'une valeur de 40 millions d'euros sur une période de 36 mois, il financera la formation et les équipements non létaux, notamment la surveillance aérienne, la mobilité et le transport, la logistique, le commandement et le contrôle, ainsi que la cyberdéfense 
			(36) 
			<a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2023/05/04/european-peace-facility-council-adopts-assistance-measures-to-support-defence-sector-of-the-republic-of-moldova-and-georgia/'>Facilité
européenne pour la paix</a>: le Conseil adopte des mesures d'assistance.. Le 24 avril 2023, à la demande des autorités moldaves, l'Union européenne a établi une mission civile à Chisinau, dans le but de contribuer au renforcement des structures de gestion de crise en Moldova, d'améliorer sa résilience face aux menaces hybrides, y compris en matière de cybersécurité, et de contrer la manipulation et l'ingérence étrangères dans le domaine de l'information 
			(37) 
			Moldavie: <a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2023/05/22/moldova-eu-launches-civilian-mission-to-strengthen-the-resilience-of-the-security-sector-in-the-areas-of-crisis-management-and-countering-hybrid-threats/'>l'UE
lance une mission civile pour renforcer la résilience du secteur
de la sécurité dans les domaines de la gestion des crises et de
la lutte contre les menaces hybrides</a> – Conseil de l'UE (Europe.ue)..

5.3. La situation en Géorgie

69. Les chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe, réunis à Reykjavik, ont condamné les violations répétées du droit international par la Fédération de Russie en Ukraine, en République de Moldova et en Géorgie 
			(38) 
			Déclaration de Reykjavík,
Unis autour de nos valeurs, 16-17 mai 2023, 4..
70. L’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine entraîne des conséquences majeures sur la situation en Géorgie. La vulnérabilité face aux menaces militaires russes est évidente, les forces russes stationnant toujours illégalement sur le territoire de la Géorgie à la suite de l’agression de 2008, en violation de la souveraineté et de l’intégrité territoriale de la Géorgie.
71. Tbilissi a souligné à de nombreuses reprises son soutien ferme à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine. Des milliers de personnes sont descendues dans la rue pour protester contre la Fédération de Russie et soutenir l’Ukraine. Dans son rapport annuel soumis au Parlement géorgien le 5 juin 2023, le Gouvernement géorgien rappelle qu’il a exprimé sa solidarité avec l’Ukraine dans les enceintes internationales et apporté une aide humanitaire et financière à ce pays.
72. Depuis le 24 février 2022, plus de 160 000 Ukrainiennes et Ukrainiens sont entrés en Géorgie, qui a servi de pays de transit et de destination; quelque 26 000 Ukrainiennes et Ukrainiens y sont actuellement. Les citoyennes et citoyens ukrainiens peuvent rester sur le territoire de la Géorgie pendant deux ans avant de devoir demander un titre de résident·e ou de demander l’asile, conformément à un décret du Gouvernement géorgien de février 2023 
			(39) 
			Décret 81 «Sur l’approbation
de la liste des pays dont les citoyens peuvent entrer en Géorgie
sans visa» portant modification de la Résolution no 244
du Gouvernement géorgien datée du 5 juin 2015, 24 février 2023..
73. Dans le même temps, beaucoup de citoyennes et citoyens russes sont entré·e·s en Géorgie depuis le début de l’agression contre l’Ukraine. Les entrées en Géorgie ont été particulièrement importantes après l’annonce d’une mobilisation partielle en Fédération de Russie; le ministère de l’Intérieur a renforcé les effectifs au poste-frontière de Dariali pendant une période de 10 jours au cours de laquelle 78 742 personnes en provenance de la Russie sont entrées en Géorgie 
			(40) 
			<a href='https://police.ge/en/shinagan-saqmeta-saministros-gantskhadeba/15448'>Déclaration
du ministre de l’Intérieur</a>, Géorgie, 27 septembre 2022 (en géorgien et en anglais)..
74. Malgré les différents appels internationaux et nationaux lui demandant de s’aligner sur les sanctions occidentales, le Gouvernement géorgien s’est montré réticent à le faire, même s’il a déclaré à plusieurs reprises qu’il les respecte. Depuis le début de son invasion à grande échelle de l’Ukraine, la Russie est devenue le deuxième partenaire commercial de la Géorgie en termes d’importations et le troisième en termes d’exportations en 2023. Certains craignent que cette tendance soit due aux entreprises qui contournent les sanctions occidentales 
			(41) 
			<a href='https://www.nytimes.com/2023/01/13/world/europe/georgia-russia-cargo-border.html'>How
Western Goods Reach Russia: A Long Line of Trucks Through Georgia</a> – The New York Times (nytimes.com).. La reprise des vols directs entre Moscou et Tbilissi en mai 2023, à la suite de la levée d’une interdiction vieille de quatre ans, a également suscité l’émoi de celles et ceux qui s’opposent à tout rapprochement avec la Russie 
			(42) 
			<a href='https://www.euractiv.com/section/europe-s-east/news/moscow-tbilisi-flights-weigh-on-georgia-eu-candidate-status-prospects/'>Moscow-Tbilisi
flights weigh on Georgia EU candidate status prospects</a> – EURACTIV.com (anglais seulement)..
75. La dégradation de la situation en matière de sécurité a aussi eu des répercussions sur les régions géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud. Les efforts déployés par la Russie pour intégrer les régions géorgiennes d’Abkhazie et d’Ossétie du Sud dans les sphères sociale, économique, politique et judiciaire de la Russie se sont poursuivis, notamment par la «reconnaissance» par les autorités de facto des deux régions des «républiques populaires de Donetsk et Louhansk», et leur soutien affiché de l’activité de la Fédération de Russie en Ukraine.
76. L’interruption des travaux du forum chargé d’examiner les conséquences du conflit de 2008 en Géorgie – les Discussions internationales de Genève – est un autre aspect de la détérioration de la situation sécuritaire. Les participants aux Discussions ont souligné le rôle essentiel de ces dernières en tant que plateforme de prévisibilité et de dialogue dans l’intérêt de la sécurité et de la stabilité 
			(43) 
			<a href='https://www.osce.org/chairpersonship/540939'>Communiqué
de presse</a> des coprésidents des Discussions internationales de
Genève, 5 avril 2023 (en anglais).. Prévues quatre fois par an, les Discussions ont été reportées de près d’un an à la suite de l’agression à grande échelle contre l’Ukraine. Selon les coprésident·e·s, cette mesure a été prise pour protéger le processus.
77. Les nouvelles réalités géopolitiques ont également un impact sur l’évolution des relations de la Géorgie avec l’Union européenne. À la suite du conflit de 2008, les relations ont été renforcées avec la mise en place de l’initiative du Partenariat oriental en 2009 afin d’accélérer une plus grande intégration avec l’UE. Le soutien manifeste de la population à l’orientation européenne du pays est un fait bien documenté depuis ces 10 dernières années, avec des niveaux atteignant 89 % en avril 2023 
			(44) 
			Centre for Insights
in Survey Research, <a href='https://www.iri.org/resources/national-public-opinion-survey-of-residents-of-georgia-march-2023/'>National
Public Opinion Survey of Residents of Georgia March 2023</a>, 25 avril 2023 (anglais seulement)..
78. La relation a toutefois subi un certain nombre de revers, notamment l’échec de l’accord politique négocié par le président du Conseil européen en 2021 pour surmonter la crise politique qui avait suivi les élections de 2020. La demande d’adhésion à l’Union européenne introduite par la Géorgie offre aujourd’hui la possibilité de rectifier cette situation. Les mesures continues prises dans le but de remplir les conditions posées par l’Union européenne pour que la Géorgie se voie accorder le statut de pays candidat, à la suite de l’Ukraine et de la République de Moldova, sont cruciales pour l’avenir des relations entre l’Union européenne et la Géorgie.
79. Les actions en faveur de la dépolarisation politique, du renforcement de l’indépendance du pouvoir judiciaire, de l’accroissement du contrôle démocratique, de la réforme du système électoral, de l’indépendance des médias et des droits des groupes vulnérables, devraient figurer parmi les grandes priorités politiques du gouvernement, tout comme la poursuite de l’alignement sur la politique étrangère et de sécurité commune de l’Union européenne, qui semble être tombé de 44 % en 2022 à seulement 31 % en 2023 
			(45) 
			<a href='https://www.euractiv.com/section/europe-s-east/news/moscow-tbilisi-flights-weigh-on-georgia-eu-candidate-status-prospects/'>Moscow-Tbilisi
flights weigh on Georgia EU candidate status prospects</a> – EURACTIV.com (anglais seulement)..

5.4. Les Balkans occidentaux sur une ligne de faille géopolitique

80. Dans sa Résolution 2456 (2022), l’Assemblée reconnaît que ces dernières années ont été marquées par une géopolitisation des Balkans occidentaux, la Fédération de Russie étendant son influence politique à travers un ensemble d’outils de soft power, dont les investissements économiques, la présence médiatique, la politique énergétique et la diplomatie vaccinale. Alors que cette influence s’accroît depuis un certain temps, dans le nouveau contexte sécuritaire créé par son agression contre l’Ukraine, la Russie risque encore plus d’utiliser cette influence pour élargir les fractures existantes et conduire à une plus grande déstabilisation, tout en renforçant son profil et en discréditant les institutions européennes.
81. Tous les pays de la région ont exprimé leur soutien à la souveraineté, à l’indépendance et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, mais ils diffèrent dans leurs relations avec la Fédération de Russie et l’Occident. L’Albanie, le Monténégro, la Macédoine du Nord et le Kosovo* 
			(46) 
			*Toute
référence au Kosovo dans le présent document, qu’il s'agisse de
son territoire, de ses institutions ou de sa population, doit être
entendue dans le plein respect de la Résolution 1244 du Conseil
de sécurité de l’Organisation des Nations Unies, sans préjuger du
statut du Kosovo., par exemple, ont adhéré aux sanctions de l’Union européenne contre la Fédération de Russie, contrairement à la Bosnie-Herzégovine et à la Serbie. Cela s’explique par le fait que les candidats ou candidats potentiels à l’adhésion à l’UE sont invités à s’aligner sur les décisions de la politique étrangère et de sécurité commune de l’UE, dont les sanctions, sans y être obligés.
82. En ce qui concerne l’intégration euro-atlantique, l’Albanie, le Monténégro et la Macédoine du Nord sont membres de l’OTAN et de la KFOR, force de maintien de la paix de l’OTAN, stationnée au Kosovo depuis 1999. La Bosnie-Herzégovine est un partenaire de l’OTAN; cependant, toute intégration plus poussée au sein de l’alliance se heurte à l’opposition de la Republika Srpska. La Serbie est membre du partenariat pour la paix de l’OTAN depuis 2009, et parallèlement, son Assemblée nationale a le statut d’observateur auprès de l’Assemblée parlementaire de l’Organisation du traité de sécurité collective (OTSC) depuis 2013.
83. La Russie exerce une influence importante (soft power) sur la Serbie, à travers la culture et la religion. Sur le plan politique, la Russie s’est toujours rangée du côté de la Serbie sur la question du Kosovo. Ces dernières années, la Russie a également renforcé ses liens militaires avec la Serbie et elle est actuellement le principal fournisseur d’armes de la Serbie. En mai 2022, la Serbie a signé un nouveau contrat gazier de trois ans avec la Fédération de Russie. En septembre 2022, les deux pays ont signé un accord pour des consultations mutuelles sur les questions de politique étrangère.
84. Dans sa deuxième résolution sur «l’ingérence étrangère dans l’ensemble des processus démocratiques de l’Union européenne», le Parlement européen fait observer que la Russie utilise son influence en Serbie pour déstabiliser la région et interférer dans les développements nationaux, par exemple en Bosnie-Herzégovine via la Republika Srpska, au Monténégro via les sentiments proserbes du pays et l’Église orthodoxe serbe, et au Kosovo en exploitant et en attisant les différends existants dans le nord et en bloquant les tentatives de normalisation des relations entre Belgrade et Pristina 
			(47) 
			<a href='https://www.europarl.europa.eu/doceo/document/TA-9-2023-0219_FR.html'>Textes
adoptés</a> – Ingérence étrangère dans l’ensemble des processus
démocratiques de l’Union européenne, y compris la désinformation
(europa.eu).. Depuis le lancement de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine, plusieurs manifestations prorusses ont eu lieu en Bosnie-Herzégovine, au Monténégro et en Serbie, à l’initiative de groupes d’extrême droite.
85. Comme l’Union européenne, le Conseil de l’Europe a intérêt à renforcer la résilience démocratique et le respect de l’État de droit et des droits humains, à promouvoir la réconciliation et de bonnes relations de voisinage et à créer les conditions d’un progrès économique et social plus marqué dans les Balkans occidentaux.
86. Le Conseil de l’Europe devrait redoubler d’efforts pour permettre à l’Albanie, à la Bosnie-Herzégovine, au Monténégro, à la Macédoine du Nord, à la Serbie et au Kosovo de réaliser leur aspiration à une intégration européenne plus étroite. Il devrait s’efforcer de promouvoir un alignement plus poussé de la région avec la politique étrangère et de sécurité de l’UE et d’améliorer sa résistance aux menaces hybrides et à la désinformation.

6. La perspective mondiale

6.1. Initiatives pour la paix

87. Alors que la guerre d’agression se poursuit, un certain nombre d’initiatives ont été proposées pour mettre fin aux hostilités. Si nous souhaitons tous la paix, et personne plus que l’Ukraine, je suis fermement convaincu que tout règlement de paix qui reconnaîtrait un changement de frontières en faveur d’un agresseur serait injuste et ne serait pas durable; au contraire, il ouvrirait la voie à de nouvelles agressions et porterait atteinte aux principes fondamentaux qui sont à la base de la paix et de la sécurité internationales.
88. Permettez-moi également de rappeler que, dans sa Résolution 2463 (2022) «Nouvelle escalade dans l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine», pour laquelle j’étais rapporteur, l’Assemblée a appelé les États membres du Conseil de l’Europe à «réaffirmer leur soutien indéfectible à l’indépendance, à la souveraineté et à l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues, et à rappeler que des pourparlers de paix peuvent avoir lieu uniquement aux conditions fixées par l’Ukraine» (paragraphe 13.1) 
			(48) 
			Résolution 2463 (2022)..

La formule de paix en 10 points du Président Zelensky

89. En novembre 2022, le Président Zelensky a lancé la formule de paix en 10 points 
			(49) 
			<a href='https://edition.cnn.com/europe/live-news/russia-ukraine-war-news-11-15-22/h_2000641bc805f27761fb4df811a6870a'>15
novembre 2022 Russia-Ukraine news</a> (cnn.com)., qui appelle à:
  • la sûreté nucléaire, y compris le rétablissement des conditions de sûreté autour de la plus grande centrale nucléaire d’Europe, Zaporijjia, actuellement sous occupation russe;
  • la sécurité alimentaire, y compris la protection et la garantie des exportations de céréales de l’Ukraine vers les nations les plus pauvres du monde;
  • la sécurité énergétique;
  • la libération de tous les prisonniers et déportés, y compris les prisonniers de guerre et les enfants déportés de force;
  • le rétablissement de l’intégrité territoriale de l’Ukraine et sa réaffirmation par la Russie, conformément à la Charte des Nations Unies;
  • le retrait des troupes russes et la cessation des hostilités, le rétablissement des frontières étatiques de l’Ukraine avec la Russie;
  • la justice, y compris la création d’un tribunal spécial;
  • la prévention de l’écocide, la nécessité de protéger l’environnement, en mettant l’accent sur le déminage et la remise en état des installations de traitement de l’eau;
  • la mise en place d’une architecture de sécurité dans l’espace euro-atlantique, y compris des garanties pour l’Ukraine;
  • la confirmation de la fin de la guerre, y compris un document signé par les parties concernées.
90. Il importe de souligner que, lors du Sommet de Reykjavik, les chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe ont déclaré officiellement: «Il ne peut y avoir de paix durable sans obligation de rendre des comptes et nous soutenons les principes d’une paix juste et durable tels qu’ils sont énoncés dans la formule de paix du Président Zelensky».

Position de la Chine sur le «règlement politique de la crise ukrainienne»

91. À l’occasion de l’anniversaire de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine par la Fédération de Russie, la Chine a publié un document sur sa position concernant le «règlement politique de la crise ukrainienne». Loin d’être un plan de paix, ce document donne un aperçu de la manière dont la Chine conçoit son rôle sur la scène mondiale 
			(50) 
			<a href='https://thediplomat.com/2023/03/chinas-plan-for-ukraine-is-no-plan-at-all/'>China’s
Plan for Ukraine Is No Plan at All</a> – The Diplomat.. En utilisant le langage propre à la Chine, voici quelques-uns de ses principaux points:
  • respect de la souveraineté de tous les pays;
  • abandon de la mentalité de la guerre froide, la sécurité d’une région ne devrait pas passer par le renforcement ou l’expansion des blocs militaires;
  • cessation des hostilités et reprise des pourparlers de paix;
  • facilitation des exportations de céréales;
  • suppression des sanctions unilatérales;
  • maintien de la stabilité des chaînes industrielles et d’approvisionnement;
  • promotion de la reconstruction après le conflit.
92. Tout en affirmant que la Chine continuera à jouer «un rôle constructif», le libellé et la teneur du document de position renforcent l’opinion selon laquelle la Chine ne peut être considérée comme un médiateur neutre. Outre les spéculations selon lesquelles la Chine pourrait fournir des armes à la Russie 
			(51) 
			<a href='https://www.bbc.com/news/60571253'>Ukraine war: What
support is China giving Russia</a>? – BBC News., les résultats de ses votes au Conseil de sécurité de l’ONU et à l’Assemblée générale des Nations Unies sont très révélateurs, tout comme les visites officielles que ses dirigeants ont effectuées ou reçues de leurs homologues russes et bélarussiens depuis le lancement de l’invasion à grande échelle de l’Ukraine. Les récents exercices militaires conjoints avec la Chine sont également un signe visible de la position du pays et constituent un sujet de grave préoccupation pour la sécurité mondiale.

La résolution de l’Assemblée générale des Nations Unies du 23 février 2023

93. À ce jour, le cadre de paix qui a reçu le plus large soutien reste celui défini par l’Assemblée générale des Nations Unies dans sa Résolution du 23 février 2023 
			(52) 
			<a href='https://news.un.org/en/story/2023/02/1133847'>UN General
Assembly calls for immediate end to war in Ukraine</a> – UN News., qui souligne que:
  • la seule paix juste, globale et durable est celle qui est fondée sur le respect du droit international;
  • la Fédération de Russie doit retirer immédiatement, complètement et sans condition toutes ses forces militaires du territoire ukrainien à l’intérieur des frontières internationalement reconnues du pays;
  • nulle acquisition territoriale résultant de la menace ou de l’emploi de la force ne sera reconnue comme légale.
94. Au total, 141 membres des Nations Unies ont voté en faveur de la résolution. Sept pays s’y sont opposés (la Russie, le Bélarus, la Corée du Nord, la Syrie, le Mali, l’Érythrée et le Nicaragua) et 32 autres se sont abstenus (notamment l’Arménie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, le Tadjikistan, l’Ouzbékistan, l’Inde, l’Iran et le Pakistan ainsi qu’un certain nombre de pays africains dont l’Afrique du Sud). L’Azerbaïdjan et le Turkménistan n’ont pas pris part au vote.

6.2. Des récits et des points de vue divergents

95. Soutenir l’Ukraine ne signifie pas seulement offrir toute l’assistance qui peut aider le pays à reprendre le contrôle de son territoire, fournir une aide humanitaire aux civils et veiller à ce que l’agresseur soit tenu pour responsable de ses crimes, mais aussi apporter un soutien pour contrer les faux récits sur la guerre diffusés par la Fédération de Russie.
96. Lors de l’audition que la commission des questions politiques et de la démocratie a tenue le 20 mars 2023 à Paris, M. Acha a alerté les membres sur le succès des médias russes, chinois, cubains et iraniens à promouvoir l’idée que l’Ukraine et la Russie doivent être considérées comme responsables de la guerre à parts égales, ou que la responsabilité incombe entièrement aux États-Unis et à l’expansion de l’OTAN. Ce point de vue n’est pas rare en Amérique latine 
			(53) 
			<a href='https://thehill.com/opinion/international/596392-lessons-from-russias-latin-america-engagement-over-ukraine/'>Lessons
from Russia’s Latin America engagement over Ukraine</a> – The Hill. et en Afrique 
			(54) 
			Africa Centre for Strategic
Studies, <a href='https://www.africa.com/russiamapping-disinformation-in-africa/'>Mapping
Disinformation in Africa</a>, 2022., cette dernière étant la cible d’une influence croissante de la Fédération de Russie, notamment à cause du rôle du groupe Wagner.
97. En Amérique latine, Cuba est l’un des alliés transatlantiques les plus importants de la Russie dans son agression contre l’Ukraine, si ce n’est le plus important: la Russie s’associe à Cuba pour contester l’influence des États-Unis et de l’Europe, tant au niveau mondial que régional. Cuba sert de plateforme à la propagande russe en diffusant des récits qui rendent l’Ukraine responsable de la guerre et qui décrivent l’Ukraine comme antisémite, corrompue et soumise aux États-Unis. La Russie a aussi mis en place des plateformes financières pour aider Cuba à «éviter une surveillance hostile» et pour créer «des liens qui échappent aux organisations financières d’États hostiles». Ces plateformes sont un moyen idéal, pour la Russie, de contourner les sanctions et de participer à la triangulation des ressources issues du blanchiment d’argent provenant d’activités illicites 
			(55) 
			<a href='https://www.centralbanking.com/central-banks/payments/7954682/russian-payment-system-to-start-operation-in-cuba-soon'>https://www.centralbanking.com/central-banks/payments/7954682/russian-payment-system-to-start-operation-in-cuba-soon</a>..
98. Selon M. Acha, ce soutien au récit russe de la guerre explique les nombreuses abstentions lors du vote des résolutions pertinentes de l’Assemblée générale des Nations Unies. Les États membres du Conseil de l’Europe devraient donc intensifier leurs efforts diplomatiques pour obtenir un soutien encore plus grand en faveur de l’Ukraine dans le monde entier, car la Fédération de Russie n’est pas aussi isolée qu’elle peut le sembler d’un point de vue européen.
99. L’un des messages diffusés par la Fédération de Russie et repris par ses partenaires dans le monde entier est le suivant: les sanctions internationales imposées à la Russie sont responsables de la flambée des prix des denrées alimentaires et des carburants, en plus d’être injustes. Ces messages ont été diffusés en plusieurs langues, en Europe, dans son voisinage et au-delà, et ont été repris par les médias africains et chinois, ce qui a renforcé leur portée mondiale.
100. La Fédération de Russie jouit aussi d’une certaine sympathie pour ses positions au sein des BRICS, une plateforme qui réunit la Fédération de Russie, le Brésil, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud. Ensemble, ces pays représentent 40 % de la population mondiale, 28 % du PIB mondial et 20 % des exportations de marchandises. Leur coopération repose sur trois piliers: la politique et la sécurité, l’économie et la finance ainsi que la culture et les échanges entre les peuples 
			(56) 
			The
Polish Institute of International Affairs, <a href='https://www.pism.pl/publications/the-relevance-of-brics-after-the-russian-invasion-of-ukraine'>The
Relevance of BRICS after the Russian Invasion of Ukraine</a>, 2022.. Les BRICS ressemblent de plus en plus à un bloc géopolitique cohérent, en concurrence avec le G7 et avec un nombre croissant de pays souhaitant les rejoindre 
			(57) 
			<a href='https://amp.dw.com/en/a-new-world-order-brics-nations-offer-alternative-to-west/a-65124269'>A
new world order? BRICS nations offer alternative to West</a> – DW – 04/10/2023..
101. Fait révélateur, bien que le Brésil soit le seul membre des BRICS à soutenir la résolution de l’Assemblée généra le des Nations Unies du 23 février 2023, son Président Lula, récemment réélu, a déclaré à plusieurs reprises, notamment lors d’une visite en Chine 
			(58) 
			<a href='https://www.dw.com/en/brazils-lula-lands-in-china-for-state-visit/a-65296851'>Brazil’s
Lula lands in China for state visit</a> – DW – 04/12/2023., que l’Ukraine était aussi responsable de l’invasion russe et a appelé à une paix négociée. En avril 2023, le ministre russe des Affaires étrangères, M. Lavrov, en visite au Brésil, a remercié les autorités brésiliennes pour «leur excellente compréhension de la situation» 
			(59) 
			<a href='https://www.dw.com/en/brazil-welcomes-russias-lavrov-amid-us-criticism/a-65353778'>Brazil
welcomes Russia’s Lavrov amid US criticism</a> – DW – 04/18/2023..
102. Les BRICS ont exprimé avec force leur inquiétude quant aux conséquences des sanctions imposées à la Fédération de Russie pour l’économie mondiale. En outre, en augmentant leurs achats d’énergie, d’engrais et d’autres produits clés en provenance de Russie, ils aident le régime de Poutine à atténuer les effets des sanctions occidentales 
			(60) 
			<a href='https://www.theglobeandmail.com/world/article-putin-uses-brics-alliance-to-win-support-from-emerging-economies/'>Putin
uses BRICS alliance to win support from emerging economies</a> – The Globe and Mail..
103. Les pays occidentaux ont activé les canaux diplomatiques et d’information pour expliquer que les sanctions internationales imposées à la Russie visent la capacité du Kremlin de financer son agression militaire, qui reste la principale cause de la crise alimentaire, et ne touchent pas les produits agricoles. Il est indéniable que les sanctions imposées à la Russie ont des effets sur l’économie mondiale, en particulier sur le «Sud global», mais c’est l’État agresseur qui est responsable de cette situation. S’il ne se rendait pas coupable de violations graves du droit international, il ne serait pas nécessaire de prendre des sanctions.
104. L’Assemblée aura l’occasion d’examiner cette question de manière plus approfondie lors du débat sur le thème «Mondialisation en temps de crise et de guerre: le rôle de l’OCDE depuis l’agression de la Fédération de Russie contre l’Ukraine» (rapporteur de la commission des questions politiques et de la démocratie: M. George Katrougalos, Grèce, GUE), qui aura lieu en octobre 2023. De plus, un rapport intitulé «Faire face aux effets sociaux et économiques des sanctions» est élaboré actuellement par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable (rapporteure: Mme Sibel Arslan, Suisse, SOC).

7. Renforcer les sanctions et améliorer leur efficacité

7.1. Mesures restrictives

105. Le soutien de l’Ukraine signifie également peser sur la capacité de la Fédération de Russie de financer la guerre d’agression et imposer des coûts économiques et politiques clairs au régime de Poutine. À cette fin, l’Union européenne, le Royaume-Uni, les États-Unis d’Amérique et plusieurs autres pays ont mis en place des sanctions économiques et financières d’une ampleur sans précédent. La Russie est actuellement le pays le plus sanctionné au monde, et la coalition des pays qui imposent des sanctions représente plus de la moitié de l’économie mondiale 
			(61) 
			<a href='https://www.europarl.europa.eu/thinktank/en/document/EPRS_BRI(2023)739366'>EU
sanctions on Russia: Overview, impact, challenges</a> – Think Tank – European Parliament (europa.eu)..
106. Jusqu’à présent, l’Union européenne a adopté 10 trains de sanctions 
			(62) 
			10e train
de <a href='https://www.consilium.europa.eu/fr/press/press-releases/2023/02/25/10th-package-of-sanctions-on-russia-s-war-of-aggression-against-ukraine-the-eu-includes-additional-87-individuals-and-34-entities-to-the-eu-s-sanctions-list/'>sanctions
concernant la guerre d’agression menée par la Russie contre l’Ukraine</a>: l’UE ajoute 87 personnes et 34 entités à la liste des
sanctions de l’UE – Conseil (europa.eu). et un onzième est en cours de négociation. Les restrictions touchent plus de 1 200 personnes et 200 organisations ainsi que divers secteurs de l’économie russe 
			(63) 
			<a href='https://finance.ec.europa.eu/eu-and-world/sanctions-restrictive-measures/sanctions-adopted-following-russias-military-aggression-against-ukraine_en'>https://finance.ec.europa.eu/eu-and-world/sanctions-restrictive-measures/sanctions-adopted-following-russias-military-aggression-against-ukraine_en#overview-of-sanctions-in-place</a>.. Elles relèvent de plusieurs catégories:
  • les sanctions contre des personnes et des entreprises;
  • les sanctions sectorielles;
  • les sanctions contre les exportations de technologie;
  • les sanctions contre les importations de marchandises russes;
  • les sanctions financières.
107. Les sanctions ont eu de profonds effets sur les échanges commerciaux entre la Russie et l’Europe. L’Union européenne a notamment pu réduire la plupart de ses importations d’énergie russe, malgré des années de dépendance. Des secteurs de l’économie russe, comme l’industrie aéronautique, ont été isolés et traversent une grave crise. Dans le même temps, les sanctions n’ont pas encore atteint leur principal objectif: rendre économiquement impossible la poursuite par le Kremlin de sa guerre d’agression contre l’Ukraine. L’économie russe s’est à peine contractée en 2022 et, d’après certaines estimations, elle pourrait connaître, cette année, une croissance 
			(64) 
			<a href='https://www.wilsoncenter.org/blog-post/russias-2022-economic-anomaly'>www.wilsoncenter.org/blog-post/russias-2022-economic-anomaly</a>.. En outre, la Russie continue d’importer des produits occidentaux, dont des produits militaires et à double usage, qu’elle utilise contre l’armée et les civils ukrainiens 
			(65) 
			<a href='https://www.nytimes.com/2023/04/18/business/economy/us-russia-chips-sanctions.html'>www.nytimes.com/2023/04/18/business/economy/us-russia-chips-sanctions.html</a>..
108. Un vaste système de contournement des sanctions et d’importations parallèles déployé par le Kremlin ces 10 dernières années explique cette situation. Un certain nombre de grandes économies et de partenaires commerciaux essentiels de la Fédération de Russie ne font pas partie de la coalition qui applique les sanctions, dont le Brésil, l’Inde et la Chine (les BRICS restants). Parmi les États membres du Conseil de l’Europe, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine, la Géorgie, la République de Moldova, la Serbie et la Türkiye n’appliquent pas de sanctions contre la Fédération, pas plus que les pays d’Asie centrale.
109. La Russie dispose donc d’une large marge de manœuvre pour contourner les sanctions par le biais d’importations de pays tiers, de la réexportation directe ou indirecte et de faux transits. Le Gouvernement et les entreprises russes font preuve d’un grand esprit d’entreprise en inventant différents moyens de contourner les sanctions technologiques (donc des éléments essentiels pour la production d’équipements militaires), voire les sanctions sur le pétrole. Il est intéressant de noter que le commerce de la Russie avec certains des pays susmentionnés s’est considérablement développé depuis le début de l’agression à grande échelle.
110. L’Union européenne a intensifié sa «diplomatie des sanctions» en nommant David O’Sullivan premier envoyé spécial international pour la mise en œuvre des sanctions de l’Union européenne et en le chargeant d’établir des contacts avec les pays tiers pour lutter contre le contournement des sanctions et élargir la coalition, et d’organiser un forum des coordonnateurs des sanctions pour renforcer l’application de ces dernières au niveau international 
			(66) 
			Agence Europe – <a href='https://agenceurope.eu/en/bulletin/article/13083/30'>David
O’Sullivan nommé envoyé spécial international pour la mise en œuvre
des sanctions de l’UE</a> (agenceurope.eu)..

7.2. Lutte contre le contournement

111. L’application des sanctions existantes devrait aussi devenir une priorité des autorités européennes. Dans le 11e paquet de sanctions, proposé en mai 2023, l’UE a commencé à traiter de cette question, mais ses efforts ont jusqu’à présent été limités et il est difficile de trouver un consensus.
112. Les échanges commerciaux avec des pays tiers hors de l’Union européenne sont actuellement le moyen le plus courant d’importer des marchandises et de la technologie en Russie. D’après les calculs effectués par Reuters sur la base des données de l’Office fédéral allemand des statistiques, pour le premier trimestre 2023, les exportations de l’Allemagne vers le Kirghizistan ont augmenté en volume de 949 %, elles ont progressé de 92 % vers la Géorgie tandis que celles vers le Kazakhstan ont augmenté de 136 %, celles vers l’Arménie de 172 % et celles vers le Tadjikistan de 154 %. La progression des exportations vers la Turquie a été de 37 % 
			(67) 
			<a href='https://www.reuters.com/world/german-exports-russias-neighbours-fuel-sanctions-evasion-fears-2023-05-16/'>www.reuters.com/world/german-exports-russias-neighbours-fuel-sanctions-evasion-fears-2023-05-16/</a>..
113. Il est devenu possible de se procurer des marchandises par le biais de pays tiers, car le Gouvernement russe a autorisé les importations parallèles au début de l’année 2022. En outre, certains pays du Caucase et d’Asie centrale, comme l’Arménie, le Kazakhstan et le Kirghizistan, font partie d’une union douanière avec la Russie, ce qui signifie que les marchandises peuvent circuler librement entre les pays.
114. Dans le cadre du 11e paquet de sanctions proposé, l’Union européenne pourrait, si elle soupçonne des réexportations illégales, adresser un avertissement aux pays contrevenants. Elle aurait en outre le droit de restreindre les exportations de certains biens vers ces pays 
			(68) 
			<a href='https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/statement_23_2661'>https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/en/statement_23_2661</a>.. Ces mesures constitueraient une avancée importante. Toutefois, pour les rendre plus efficaces, une task force européenne spécialisée dans la lutte contre le contournement pourrait être créée. Elle collaborerait étroitement avec les gouvernements étrangers pour contrôler les certificats d’utilisation finale, surveiller les entreprises qui réexportent des marchandises vers la Russie et proposer au besoin des sanctions secondaires.
115. Malgré les nombreuses sanctions financières contre la Russie, plusieurs banques occidentales continuent d’opérer dans le pays, notamment la banque Raiffeisen (RBI, Autriche), la banque UniCredit (Italie) et la banque OTP (Hongrie) 
			(69) 
			<a href='https://www.thebanker.com/World/Central-Eastern-Europe/Russia/European-banks-still-in-Russia-Should-they-stay-or-should-they-go'>www.thebanker.com/World/Central-Eastern-Europe/Russia/European-banks-still-in-Russia-Should-they-stay-or-should-they-go</a>.. D’après des chercheurs, au cours des neuf premiers mois de 2022, RBI a tiré la moitié de son bénéfice net du marché russe et a réalisé en 2023 1,4 milliard d’euros de bénéfices en Russie, soit quatre fois plus qu’au cours de la même période de 2022, tout en payant des impôts au Gouvernement russe 
			(70) 
			<a href='https://www.business-humanrights.org/en/latest-news/business4ukraine-coalition-calls-on-raiffeisen-bank-to-close-down-its-business-in-russia-to-avoid-complicity-risks/'>www.business-humanrights.org/en/latest-news/business4ukraine-coalition-calls-on-raiffeisen-bank-to-close-down-its-business-in-russia-to-avoid-complicity-risks/</a>.. La banque Raiffeisen continue en outre de coopérer avec la banque publique russe Sberbank.
116. Le secteur privé devrait assumer la responsabilité juridique et morale de veiller à ce que personne ne profite de la guerre et des souffrances humaines et que personne ne soutienne l’agresseur. Une pression accrue devrait être exercée sur les banques européennes pour qu’elles appliquent les sanctions contre la Russie. Les banques qui restent en Russie devraient être invitées à divulguer des données sur les transactions potentiellement liées au complexe militaro-industriel.
117. La publicité est un outil efficace pour rappeler leur responsabilité à ceux qui compromettent et contournent le régime de sanctions. Je propose donc de créer un registre spécial des entreprises, des banques et des sociétés participant au contournement des sanctions, qui sera mis à jour régulièrement et rendu public. En outre, les États qui contribuent à ce que les sanctions soient évitées et qui créent des conditions particulières pour permettre de les contourner devraient aussi être répertoriés.
118. Enfin, la question de l’achat de produits pétroliers raffinés à base d’énergie russe devrait être examinée. Le Haut représentant de l’UE pour la politique étrangère, Josep Borrell, a récemment souligné le rôle de l’Inde dans la revente de produits pétroliers russes. Selon lui, les exportations de produits pétroliers raffinés de l’Inde vers l’Europe ont été multipliées par sept par rapport à la période qui a précédé la guerre. L’Inde a tout à fait le droit d’acheter du pétrole russe. La revente de produits pétroliers raffinés d’origine russe à l’Union européenne équivaut cependant à contourner les sanctions. Dans le même temps, M. Borrell a tenu les entreprises importatrices européennes responsables de cette situation 
			(71) 
			<a href='https://www.eeas.europa.eu/eeas/some-clarifications-circumvention-eu-sanctions-against-russia_en?etrans=fr'>www.eeas.europa.eu/eeas/some-clarifications-circumvention-eu-sanctions-against-russia_en?etrans=fr</a>..

8. Dialogue avec les forces démocratiques et la société civile russes partageant les valeurs du Conseil de l’Europe

119. Afin de préparer et de mener sa guerre agressive, le régime de Poutine a détruit les organisations non gouvernementales les plus fortes et les plus visibles parmi celles qui avaient survécu. En 2022-2023, le Groupe Helsinki de Moscou, le Centre d’information et d’analyse SOVA, le Centre Sakharov, le Centre des droits de l’homme Memorial et International Memorial ont pour ainsi dire été liquidés.
120. La liquidation des organisations Memorial et la répression constante des structures et des personnes qui y sont associées reflètent aussi la politique du Kremlin qui vise à détruire la mémoire historique des crimes de l’ère soviétique et de leurs victimes. Ces efforts ont pour but d’établir une idéologie de la toute-puissance et de l’infaillibilité de l’État, de la privation des droits individuels, de l’opposition entre la Russie, l’Occident et le multilatéralisme, justifiant la guerre d’agression.
121. La répression visant à éliminer les opposant·e·s au régime, à intimider et à contrôler la société est devenue le fondement de la guerre d’agression. Selon les données incomplètes de Memorial, la Russie compte aujourd’hui au moins 550 prisonnières et prisonniers politiques, parmi lesquels figurent plusieurs de mes ami·e·s et de ceux du Conseil de l’Europe, dont Vladimir Kara-Murza, Alexeï Navalny et bien d’autres. D’après OVD-Info, 600 personnes au moins ont été poursuivies au pénal pour avoir manifesté contre la guerre. L’ampleur de la répression a atteint les niveaux de l’ère soviétique. Toutes les nouvelles normes punitives, souvent contraires aux principes juridiques fondamentaux, sont destinées à créer les conditions d’une répression encore plus forte.
122. De nombreux Russes ont quitté le pays depuis le début de la guerre d’agression à grande échelle. Il s’agit d’opposant·e·s politiques au régime, de défenseurs des droits humains, de militant·e·s des droits humains, de journalistes, de représentant·e·s d’ONG, de membres de la société civile animés d’un esprit démocratique. De nombreuses personnes sont également parties parce qu’elles désapprouvaient la guerre ou ne voulaient pas y participer.
123. Les Russes en exil ne constituent pas un groupe uniforme et sont divisés sur de nombreuses questions. Il convient toutefois de mentionner que le 20 mai 2022, la deuxième conférence contre la guerre a décidé de la création du Comité d’action russe. En signant une déclaration sur la vision de l’avenir de la Russie, ses membres soutiennent:
  • la libération de tous les territoires ukrainiens occupés et le rétablissement de l’intégrité territoriale de l’Ukraine dans ses frontières internationalement reconnues;
  • l’indemnisation de l’Ukraine au titre des dommages dus à l’agression de Poutine;
  • la création d’un tribunal international chargé de juger le crime d’agression.
124. J’estime que cette plateforme réunit les conditions fixées par l’Assemblée dans sa Résolution 2433 (2022) «Conséquences de l’agression persistante de la Fédération de Russie contre l’Ukraine: rôle et réponse du Conseil de l’Europe», dans laquelle l’Assemblée a décidé d’«intensifier son engagement avec la société civile, les défenseurs des droits humains, les journalistes indépendants, les milieux universitaires et les forces démocratiques du Bélarus et de la Fédération de Russie qui respectent les valeurs et les principes de l’Organisation, y compris l’intégrité territoriale des États membres souverains» (paragraphe 18.2).
125. Au vu également des échanges que le Comité présidentiel a eus, à l’initiative du Président de l’Assemblée, avec certains représentants clés du Comité d’action russe en mars 2023 à Paris, j’espère que l’Assemblée poursuivra le dialogue avec ces interlocuteurs. Seule une Russie démocratique sans potentiel militaire d’attaque contre pays ses voisins peut garantir une paix durable en Europe, et ce jour viendra.

9. Conclusions générales

126. Le Conseil de l’Europe a été bâti sur les cendres de la Seconde Guerre mondiale, avec la conviction que «la consolidation de la paix fondée sur la justice et la coopération internationale est d’un intérêt pour la préservation de la société et de la civilisation». En 2023, 74 ans après sa création, la plus ancienne organisation paneuropéenne fonctionne au sein d’un ordre géopolitique multipolaire dans lequel le multilatéralisme fondé sur des règles est affaibli, la paix et la sécurité internationales sont ébranlées et les valeurs de la démocratie, des droits humains et de l’État de droit sont remises en question, voire, parfois, rejetées.
127. Depuis plus de cinq cents jours, nous assistons à la guerre d’agression illégale et non provoquée menée par la Russie contre l’Ukraine. Malgré les immenses souffrances infligées au peuple ukrainien et des conséquences dévastatrices à l’échelle mondiale, la Russie et ses alliés continuent à violer le droit international humanitaire et relatif aux droits humains, à commettre des crimes de guerre et peut-être des crimes contre l’humanité en Ukraine, et à mettre en péril l’ensemble de l’ordre international fondé sur des règles.
128. Lors de la reprise de la 11e session extraordinaire d’urgence de l’Assemblée générale des Nations Unies, son Président Csaba Kőrösi a déclaré que, dans ce «nouveau chapitre de l’histoire, le monde est confronté à des choix difficiles quant à notre identité en tant que communauté internationale. Ces choix nous permettront de nous inscrire soit sur la voie de la solidarité et de la détermination collective à défendre les principes de la Charte des Nations Unies, soit sur celle de l’agression, de la guerre, des violations normalisées du droit international et de l’effondrement de l’action mondiale.»
129. Je partage entièrement son avis. La manière dont nous répondrons à l’agression menée par la Fédération de Russie contre l’Ukraine déterminera le cours de l’histoire européenne et impactera le système de gouvernance mondiale dans les années à venir. La communauté internationale doit faire preuve de détermination et d’unité en réagissant à la guerre d’agression non provoquée, menée par la Russie, et en se tenant aux côtés de l’Ukraine aussi longtemps qu’il le faudra.

10. Recommandations sur la manière d'améliorer l'efficacité des sanctions

130. Les sanctions ont été déterminantes face à l'agression de la Russie contre l’Ukraine. Elles jouent un rôle important en limitant l'accès de Poutine à l’argent nécessaire pour financer la guerre. La Fédération de Russie continue toutefois d’obtenir de l’argent grâce à la vente de pétrole et de gaz. En outre, de nombreux oligarques russes impliqués dans la corruption et les violations des droits humains échappent aux sanctions, et tout un système a été échafaudé pour les contourner et les éluder.
131. Désireux d’alimenter la réflexion et, le cas échéant, de contribuer à l’élaboration d’un rapport spécifique sur la question, je suggère les options suivantes qui permettraient d’améliorer l’efficacité du dispositif de sanctions:

Réduire la dépendance de l’Europe à l’égard du pétrole et du gaz russes

132. Les mécanismes visant à réduire encore la dépendance de l’Europe à l’égard du pétrole et du gaz russes devraient être renforcés. Il faudrait également instaurer des mesures contre la revente à l’Europe de pétrole et de gaz russes via des pays tiers.

Étendre les sanctions personnelles

133. Il faudrait continuer d’étendre les sanctions afin qu’elles couvrent les personnes (et les sociétés qu’elles contrôlent) soutenant matériellement, financièrement et publiquement la guerre menée contre l’Ukraine par le régime du Kremlin et/ou ne s’y opposant pas.

Contrôler le respect des sanctions et infliger sanctions secondaires

134. Les mécanismes doivent être renforcés pour remédier aux lacunes et au contournement des sanctions, notamment sous la forme de prétendus transits via la Russie vers des pays tiers, de revente de biens russes, y compris de pétrole et de gaz via des pays tiers, de transferts de services et d'actifs bancaires russes vers des pays tiers et d'utilisation de structures de prête-noms pour dissimuler les propriétaires et gestionnaires effectifs d'actifs et d'entreprises russes.
135. Le système de contrôle du respect des sanctions existantes par les tiers (sanctions secondaires) doit être renforcé.
136. Il est vital d’identifier les principales catégories d’entités et de personnes jouant un rôle significatif dans le contournement des sanctions. Ces catégories devraient inclure les banques, les compagnies d’assurances, les conseillers financiers, les établissements financiers, les sociétés de transport et de logistique, les ports et les sociétés de services.
137. Pour lutter efficacement contre le contournement des sanctions, il est nécessaire de proposer des dispositifs qui infligent aux personnes impliquées dans ces activités des dommages plus importants que les avantages potentiels qu'elles peuvent en retirer. Cela peut se faire par des sanctions qui ciblent spécifiquement des individus clés dans chaque catégorie de sanction. Un message clair et dissuasif serait ainsi envoyé aux autres personnes et entités tentées de participer à de telles activités illicites.
138. Il est important de renforcer la coopération et d’harmoniser les efforts en matière de sanctions entre les pays partageant les mêmes idées. La situation actuelle, dans laquelle des personnes peuvent être sanctionnées dans une juridiction mais pas dans une autre engendre des failles propices au contournement des sanctions.

Créer un registre des sociétés/individus travaillant pour des intérêts russes et un registre des personnes aidant à éviter les sanctions

139. Il est conseillé d'exiger que les entités et personnes des États membres du Conseil de l'Europe déclarent tous les travaux effectués pour ou dans l’intérêt d’entités et de personnes russes, sanctionnées ou non. Cette mesure pourrait initialement être déployée sur une base volontaire.
140. Face aux tentatives de contournement des sanctions, la création d’un registre des sociétés aidant les personnes et les entités russes à éviter les sanctions pourrait être envisagée, et des mesures restrictives appropriées pourraient être prises à leur encontre sur le territoire du Conseil de l'Europe, afin d’assurer la transparence et la sensibilisation de l’ensemble des membres.

Infliger des sanctions aux alliés de Poutine et renforcer les mesures contre les manœuvres visant à contourner les sanctions

141. Face l’agression illégale de Poutine contre l’Ukraine, il est essentiel de mettre en place des sanctions contre ses alliés, dont l’Iran, le Bélarus, Cuba et d’autres acteurs clés qui soutiennent la guerre meurtrière de Poutine. L’identification des domaines spécifiques dans lesquels ces alliés soutiennent l’agression de Poutine permettra de mettre en œuvre des sanctions ciblées à l’encontre des individus, institutions ou entités impliqués.

De lourdes sanctions financières en cas de contournement des sanctions

142. Étant donné le coût élevé que peut représenter la réglementation et l’application des mesures de lutte contre le contournement des sanctions, il est indispensable de prévoir un dispositif juridique assorti de lourdes sanctions financières. De telles amendes peuvent servir à financer les efforts pour réglementer et combattre le contournement des sanctions. Les lourdes sanctions financières réduiront également l’attrait de telles pratiques tout en générant les ressources nécessaires pour les combattre efficacement.

Responsabilité civile et pénale en cas de contournement des sanctions

143. Pour dissuader davantage les auteurs de telles pratiques il est important d’envisager que l'aide délibérée apportée par des individus ou des groupes d'individus pour contourner les sanctions soit érigée en infraction pénale. L’instauration d'une responsabilité pénale pour le contournement des sanctions serait très dissuasive et renforcerait la gravité de ces agissements. En outre, les personnes impliquées dans l'aide à le contournement des sanctions devraient se voir interdire l'exercice de certaines activités professionnelles sur le territoire du Conseil de l'Europe.

Création d’une institution paneuropéenne habilitée à enquêter sur les personnes impliquées dans le contournement des sanctions et à les poursuivre

144. Il est conseillé de créer une institution juridique paneuropéenne permanente dotée d’un pouvoir d’enquête et de poursuites à l’encontre des personnes inscrites sur la liste des sanctions et de celles qui sont complices de leurs crimes de guerre. Une telle institution, qui pourrait revêtir la forme d’un tribunal ou d’un parquet spécialisé, devrait être habilitée à émettre des mandats d'arrêt à l'encontre d'individus et à confisquer leurs biens, ainsi qu'à demander l'extradition par des pays tiers. Les décisions prises par cette institution devraient être contraignantes pour tous les États membres du Conseil de l'Europe.

Incitations financières pour les donneurs d'alerte dénonçant des faits spécifiques de contournement de sanctions

145. Les incitations financières en faveur des personnes détenant des informations importantes sur le contournement de sanctions peuvent inciter ces donneurs d’alerte à se manifester et à dénoncer l’assistance ou la complicité de personnes ou entités dans le contournement des sanctions.