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Lettre | Doc. 117 | 10 novembre 1949

Lettre adressée par M. Paul-Henri Spaak, Président de l'Assemblée consultative, à M. Gustav Rasmussen, Président du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe

Signataires : M. Paul-Henri SPAAK, Belgique

MONSIEUR LE PRÉSIDENT,

J'ai donné connaissance à la Commission Permanente de l'Assemblée Consultative do la lettre que vous avez bien voulu m'envoyer, le 5 novembre, à la suite de la réunion du Comité des Ministres.

La Commission m'a chargé do vous faire part, en réponse à cette letlro, des observations suivantes, que je vous serais obligé de transmettre au Comité.

1. La Commission Permanente a compris que le Comité n'avait pas eu l'intention d'écarter les recommandations de l'Assemblée tendant à amender divers articles du Statut et qu'il avait adopté, à cet égard, une position temporaire. S'il en est bien ainsi, la Commission ne peut que prendre acte des solutions provisoires que le Comité a adoptées. La Commission maintient cependant toutes les recommandations de l'Assemblée et espère que les décisions définitives interviendront rapidement et que la procédure d'amendement sera engagée aussitôt.

2. La Commission Permanente s'est déclarée, en principe, en favour do l'admission de la République fédérale allemande au Conseil de l'Europe en qualité de Membre associé. Elle s'est résolue à répondre favorablement à la demande d'avis du Comité sur ce point, parce qu'elle est convaincue de la nécessité de ménager une place à l'Allemagne occidentale dans le cadre européen qui est celui du Conseil; mais elle estime essentiel qu'avant qu'il ne soit procédé à cette admission, la République fédérale allemande ait affirmé qu'elle est décidée à se conformer aux dispositions du Statut et en avoir manifesté clairement la ferme volonté.

Elle croit devoir appeler, sur ce point, d'une importance capitale pour une reconstruction harmonieuse de l'Europe, toute l'attention du Comité.

La Commission, après avoir soigneusement pesé les termes de la résolution qui lui a été soumise et les approuvant, a formulé également un avis favorable à l'admission de la Sarre, comme Membre associé, au Conseil de l'Europe.

En ce qui concerne l'Autriche, la Commission Permanente prend acte de la communication que le Comité des Ministres a bien voulu lui faire à ce sujet.

3. Les observations qui suivent visent à la fois les paragraphes 3, 4 et B de votre lettre.

a) La Commission m'a chargé — et je me dois de signaler l'unanimité, de son sentiment — de vous faire part de la déception qu'elle a éprouvée en constatant que les recommandations de l'Assemblée, en matière économique, sociale et culturelle, étaient purement et simplement renvoyées pour étude, soit à des organismes internationaux, soit aux services techniques des gouvernements, sans qu'aucune date limite ait été fixée pour la présentation des rapports et sans qu'il ait été tenu compte des procédures suggérées par l'Assemblée.

La Commission ne peut se défendre de l'impression que le caractère d'extrême urgence des problèmes débattus à Strasbourg a été ignoré et que les méthodes choisies par le Comité tendent, en fait, à vider le Conseil de l'Europe de sa substance.

La Commission Permanente demande, en conséquence, que les réponses du Comité des Ministres lui soient remises dans le plus bref délai possible.

b) D'après les indications qui ont été données par le Secrétaire Général, le Comité des Ministres, tout en se montrant disposé à reconnaître le caractère permanent de la Commission Permanente et des commissions des Affaires Générales et du Règlement, a estimé devoir recommander que les autres commissions créées par l'Assemblée ne se réunissent qu'une fois avant la prochaine session en vue de préparer ladite session. Le Comité semble avoir craint que les travaux de ces commissions ne fassent double emploi avec ceux des organismes gouvernementaux existants, tels que l'O. E. C. E., le B. I. T., l'Unesco.

A ce sujet, la Commission Permanente se permet de faire remarquer que cette altitude du Comité des Ministres provient apparemment d'une conception du rôle des commissions qui s'écarte consi-dérablement de celle de l'Assemblée.

L'Assemblée n'a jamais eu en vue de créer des organismes techniques qui doubleraient effectivement ceux dont il vient d'être question. Organe essentiellement politique, elle a estimé qu'il était absolument nécessaire, étant donné l'urgence des questions à traiter, de donner sans délai à ses commissions le moyen d'évoquer, sur le plan politique, les questions de caractère technique qui font l'objet des éludes des experts. C'est dans cet esprit, qu'elle s'était proposé de faire appel au concours de l'O. E. C. E., du B. I. T., de l'Unesco, etc.

c) Enfin, il est vain de réunir les commissions de l'Assemblée en vue de préparer la prochaine session si la tâche de ces commission est rendue impossible. On ne comprend pas, en effet, comment celles-ci pourront préparer le travail de l'Assemblée, si elles ne sont pas mises à même d'examiner, en temps utile, les rapports des gouvernements, d'en étudier les raisons et de préparer un rapport sur les sujets dont l'étude leur a été confiée.

d) Dans ces conditions, la Commission Permanente ne peut qu'insister pour le maintien de toutes les commissions de l'Assemblée et pour leur droit de se réunir toutes les fois qu'elles le jugeront utile.

La Commission Permanente se permet de faire observer que la constitution et le fonctionnement des commissions sont de la compétence particulière de l'Assemblée Consultative, en vertu de l'article 24 du Statut. Il y aurait d'ailleurs avantage à laisser l'Assemblée libre d'utiliser les crédits inscrits aux chapitres du budget qui la concernent, sous réserve de l'accord du Comité des Ministres sur l'ensemble des dépenses de l'institution.

4. En ce qui concerne plus spécialement la commission des Questions économiques, la Commission Permanente a estimé que la convocation ne pouvait en être différée. Cette commission poursuivra donc sans délai les travaux qui lui avaient été confiés. Son premier soin sera d'ailleurs de faire le point de la situation économique de l'Europe, à la lumière des événements qui se sont produits depuis la réunion de Strasbourg.

A ce sujet, la Commission Permanente m'a prié de renouveler auprès du Comité des Ministres la demande de faire ce qui est en son pouvoir pour faciliter les rapports des commissions avec les organes techniques qui dépendent des gouvernements, plus particulièrement en ce qui concerne l'O. E. C. E., sur laquelle chacun des Etats Membres du Conseil a une part d'autorité.

La Commission n'a pas de remarque à formuler au sujet de la partie de votre lettre relative à l'envoi aux Etats-Unis d'une délégation du Conseil de l'Europe, sauf à dire que c'est seulement après une délibération de l'Assemblée, lors de sa prochaine session, sur le rapport de la commission des Questions économiques, que cette négociation pourra être envisagée, d'accord avec le Comité des Ministres.

Enfin, en ce qui concerne le projet de création d'un Office européen des Brevets, la Commission croit devoir rappeler que l'Assemblée avait demandé de connaître l'avis de chacun des gouvernements intéressés avant la prochaine session. Elle ne peut que renouveler cette demande.

5. La Commission Permanente n'a rien a ajouter aux observations générales faites au paragraphe 3 ci-dessus, en ce qui concerne les recommandations de caractère culturel. Là, comme ailleurs, la commission de l'Assemblée se trouve dessaisie; le Secrétaire Général est chargé de faire un rapport; le volume des tâches que le Comité des Ministres a l'intention de lui confier est tel qu'on peut se demander s'il est en mesure de les mener à bonne fin sans un accroissement considérable de son personnel que nul ne désire.

Dans ces conditions, la Commission Permanente priera la commission des Questions culturelles de reprendre l'étude de l'ensemble des propositions qu'elle avait, faites, en vue de les faire aboutir.

6. Il en va de même en ce qui concerne la commission des Questions sociales qui réunira ses sous-commissions de la Sécurité sociale, du Logement et des Travailleurs migrants. La Commission Permanente estime d'ailleurs, à ce sujet, qu'il est plus expédient que la commission des Questions sociales prenne un contact direct pour les questions qu'elle a la charge d'étudier avec le B. I. T., qui rassemble régulièrement toute la documentation sur la législation sociale, ainsi qu'avec les autres institutions spécialisées ou d'autres organismes internationaux dont l'activité pourrait servir à l'accomplissement de sa tâche.

7. La Commission Permanente regrette que le Comité des Ministres n'ait pas cru devoir donner son approbation de principe au projet de Convention de garantie collective des Droits de l'homme adopté par l'Assemblée. Elle n'a pas d'objections à ce que la question fasse l'objet d'une étude de la part d'un Comité de juristes mais elle se permet de faire remarquer qu'il serait déplorable de donner à ce Comité le mandat de reprendre tout le problème ab initio, d'autant plus que le projet de l'Assemblée est déjà basé sur les travaux des Nations Unies. La Commission craint que le renvoi à une décision des Nations Unies n'équivaille à un classement, pur-et simple de la proposition. Si ce comité de juristes se réunit, ce qui est souhaitable si l'on lient compte des remarques qui précèdent, il apparaît essentiel qu'il se tienne en étroit contact avec le Président de la commission des Questions juridiques de l'Assemblée.

Un des objets principaux de la convention projetée est de renforcer le sentiment de confiance réciproque avec lequel tous les Membres du Conseil comptent sur le maintien des principes de la démocratie par les Membres présents et futurs. L'étude de cette convention doit donc être considérée comme une affaire urgente.

8. La Commission Permanente prend acte de la décision du Comité des Ministres tendant à renvoyer pour étude aux gouvernements des Pays Membres la recommandation de l'Assemblée visant à l'établissement d'un passeport européen. Elle prie le Comité de lui faire connaître dans quel délai l'Assemblée peut espérer être saisie d'un projet définitif. Elle se permet, en outre, de faire observer que ce projet est compris dans le cadre plus vaste dos questions concernant la condition juridique des étrangers dont la commission juridique a l'intcnlion de poursuivre l'examen.

9. Le paragraphe 8 de votre lettre ne fait aucune mention du désir de l'Assemblée mentionné dans ma lettre du 9 septembre, in fine, de recevoir du Comité des Ministres, conformément aux dispositions de l'article 19 du Statut, des rapports précis et des propositions nettement formulées avec la documentation appropriée. Je crois devoir souligner ici l'importance que l'Assemblée attache à ce point, dont la portée ne semble pas avoir frappé lo Comité. Il est en effet essentiel. Le, ou les rapports du Comité des Ministres constitueront, en effet, la pièce principale de l'ordre du jour de l'Assemblée à chacune de ses sessions.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'assurance de ma haute considération.