1. Introduction
1. Ce rapport portant sur un projet
de loi qui est encore en discussion au Parlement du Royaume-Uni
a été demandé par le Bureau de l’Assemblée parlementaire le 23 juin
2008. La Commission des questions juridiques et des droits de l'homme
avait exprimé de fortes réserves quant à la préparation d’un rapport
sur un projet de loi en cours d’examen par un Parlement d’un Etat
membre. Le rapporteur partage le sentiment de la Commission mais
il estime que les questions abordées dans le projet de loi revêtent
une importance d’ordre général pour tous les Etat membres du Conseil
de l’Europe et, par conséquent, méritent une attention générale puisqu’elles
sont pertinentes dans le cadre de l’examen de la (future) législation
dans tous les États membres. Pour cette raison, le rapport abordera
ces questions générales, notamment la détention «pré-inculpation»
et la séparation des pouvoirs, en prenant le projet de loi comme
point de référence principal.
2. Eu égard au peu de temps imparti pour élaborer le présent
rapport, le rapporteur est pleinement conscient qu’il ne peut pas
procéder à une analyse approfondie du sujet et qu’il ne pas traitera
peut-être pas de manière satisfaisante tous les aspects de cette
question complexe. Ceci étant dit, même s’il porte sur des questions
extrêmement techniques relatives au Royaume-Uni (R-U) le présent
rapport vise à transmettre un message politique important invitant
instamment l’ensemble des Etats membres du Conseil de l’Europe à
faire en sorte de ne pas réduire ni mettre de côté les garanties
juridiques lorsqu’ils sont confrontés à des menaces ou des actes
terroristes. Le présent rapport doit également être pris comme une
contribution au débat plus général qui anime le Royaume-Uni sur
l’utilité d’une telle législation, alors que la Chambre des Lords
n’a pas encore adopté de position ferme sur le projet de loi. Il
souligne également la nécessité de prendre la mesure – sur une base
comparative – de la «forte» «tentation» des Etats membres «de répondre
au terrorisme par la voie d’un réflexe sécuritaire aboutissant à
privilégier [exagérément?] la sécurité publique au détriment du respect
des droits de l’homme».
3. Le présent rapport présentera d’abord le contexte dans lequel
le projet de loi antiterroriste britannique est examiné (partie
II), puis résumera la position du gouvernement britannique ainsi
que les réactions à ce projet de loi (partie III). La partie IV
évaluera, en s’intéressant à certains aspects, la compatibilité
du projet de loi avec les normes européennes des droits de l’homme,
à la lumière des différentes critiques formulées. Suivront quelques
remarques de conclusion.
2. Objet du rapport: le projet de loi
antiterroriste en discussion au Parlement britannique
4. D’emblée, je tiens à clarifier
les notions relatives à la détention que j’utiliserai dans le présent
rapport:
- Arrestation: L’acte
initial de priver une personne de sa liberté, sans qu’une autorisation
judiciaire soit requise.
- Détention «pré-inculpation»: Détention avant l’inculpation
formelle pour une infraction spécifique (terme semblable à celui
de garde à vue, tel qu’utilisé dans ce rapport).
- Inculpation: Document/déclaration émanant du ministère
public entre l’arrestation et le procès, après enquête préliminaire
par la police, qui communique au suspect les éléments spécifiques
(«chefs» «fondés sur des faits») sur la base desquels il est accusé
d’avoir commis telle ou telle infraction.
5. Le Royaume-Uni applique déjà l’une des durées de détention
«pré-inculpation» (garde à vue) les plus longues (28 jours) en Europe
pour ce qui est des infractions terroristes.
D’après les signataires de ce qui
était à l’origine une demande de débat d’urgence
et
qui a conduit au présent rapport, allonger cette durée à 42 jours
risquerait de porter atteinte à l’un des droits les plus fondamentaux
consacrés par le droit britannique, remontant à la
Magna Carta (1215), codifié dans
la Loi sur l’habeas corpus (
Habeas Corpus
Act) de 1679 et garanti par la Convention européenne
des droits de l’homme (CEDH): le droit, pour toute personne détenue, d’être
traduite rapidement devant un juge, d’être informée des raisons
de sa détention et de contester la légalité de sa détention dans
le cadre d’une procédure contradictoire.
6. En outre, une longue durée de détention peut être préjudiciable
à la personne détenue, notamment pour ce qui est de sa vie privée
et familiale (article 8 CEDH), de sa liberté de circulation et de
sa situation professionnelle. Une telle détention équivaut de fait
à imposer une «peine» à quelqu’un qui ne sera peut-être jamais inculpé
pour aucune infraction.
7. La détention «pré-inculpation» doit pouvoir faire l’objet
d’un contrôle judiciaire approprié, comme n’a cessé de le répéter
la Commission mixte sur les droits de l’homme du Parlement britannique
(CMDH) (voir ci-dessous pour plus de détails). La suggestion d’associer
le Parlement à la procédure de prolongation de la détention «pré-inculpation»
– qui relève par nature des prérogatives de la justice – semble
également être une dérive dangereuse. En effet, le Parlement risque
d’être mis en cause pour toute erreur judiciaire alors qu’il n’a pas
les moyens (en particulier ne disposant pas des informations détaillées
sur les circonstances de l’affaire) de s’acquitter comme il se doit
d’un tel rôle de contrôle.
2.1. Le
contexte
8. Thomas Hammarberg, Commissaire
aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, ainsi que le Comité des
droits de l'homme des Nations Unies, entre autres, ont fait part
de leur préoccupation quant aux propositions du gouvernement britannique
d’autoriser la détention de personnes soupçonnées de terrorisme pour
une durée maximale de 42 jours sans porter d'accusation.
En particulier, le Commissaire
affirme que cette durée serait contraire à celles qui sont appliquées
en Europe pour ce type de détention et exhorte le Parlement britannique
à examiner avec toute l'attention requise le projet de loi du gouvernement.
9. Au vu de ces critiques, il semble nécessaire d'effectuer une
analyse comparative indépendante de la compatibilité des systèmes
juridiques de détention des personnes soupçonnées de terrorisme
en vigueur dans les différents Etats membres du Conseil de l'Europe
avec les obligations découlant de la CEDH, et notamment de son article
5.
La Commission
européenne pour la démocratie par le droit («Commission de Venise») pourrait
s’en charger, en tenant compte notamment des travaux déjà engagés
en la matière par la Commission des questions juridiques et des
droits de l'homme de l'Assemblée (AS/Jur).
10. D'autres Etats parties à la CEDH ont également été pointés
du doigt pour leur récente législation antiterroriste. Ainsi, la
note introductive présentée par M. Valery Grebennikov à la Commission
des questions juridiques et des droits de l'homme en décembre 2006
indique que la loi espagnole exige qu’un détenu comparaisse physiquement
devant un juge dans les cinq jours maximum et note que cette durée
soulève des questions sous l’angle de l'article 5 § 3 CEDH, tel
qu’interprété par la Cour.
Les
mêmes questions se posent pour la législation française, qui autorise
la police à détenir des personnes soupçonnées de terrorisme durant quatre
à six jours avant de les présenter à un magistrat compétent.
L'Espagne a également été critiquée
pour avoir autorisé la prolongation de la détention provisoire de
deux ans supplémentaires (amenant ainsi cette détention à quatre
ans maximum) dans les affaires de terrorisme.
Human Rights
Watch a récemment publié un rapport
incriminant la France pour son système
répressif de lutte contre le terrorisme, relevant notamment l’existence
de critères peu exigeants en matière de preuve lorsqu’il s’agit
de décider de l’arrestation de suspects, l'accès limité à un avocat
et les longues périodes de garde à vue et de détention provisoire.
11. En outre, la note de Grebennikov met également en cause la
législation au titre d'autres articles que l'article 5 ou 6 CEDH:
ainsi, les forces de sécurité turques sont autorisées, lorsqu'une
injonction de se rendre est ignorée, à «utiliser leurs fusils sans
hésitation contre l’objectif» (ce qui est problématique au regard
de l'article 2 CEDH: droit à la vie)
; la législation
de la France, de l'Espagne et de l'Italie autorise les juges à expulser
des ressortissants étrangers à des fins de prévention du terrorisme
et ce même vers des pays où ils risquent d’être torturés et de subir
de mauvais traitements (voir article 3 CEDH: interdiction de la
torture)
;
la législation italienne autorise la surveillance préventive pendant
une durée maximale de 40 jours afin de prévenir la commission d'une
infraction (voir article 8 CEDH: droit au respect de la vie privée
et familiale)
; enfin,
la Russie et la Turquie prévoient des restrictions à la liberté
d'expression et au droit d'association qui sont définies vaguement
et de manière très générale (voir articles 10 et 11 CEDH: liberté
d'expression et liberté de réunion et d'association)
.
12. Compte tenu de l'absence apparente de garanties appropriées
dans les systèmes antiterroristes de plusieurs autres Etats membres,
la question mérite manifestement d'être étudiée plus avant. Cependant,
étant donné que le présent rapport s’intéresse uniquement au projet
de loi britannique, le rapporteur propose d'encourager l'Assemblée
à demander à la Commission de Venise de réaliser une étude comparative
sur ce thème.
2.2. La
phase procédurale
13. En 2005, le gouvernement britannique
a tenté sans succès d’allonger la durée maximale de garde à vue sans
chef d’accusation de 14 à 90 jours (ce qui avait été ramené, par
la suite, à 28 jours). Le gouvernement a ensuite lancé une nouvelle
proposition visant à allonger cette durée de 28 jours. Dans son
Projet
de loi antiterroriste 2008 (
Counter-Terrorism Bill 2008)
, le gouvernement préconise
notamment des mesures pour allonger la durée de détention d'une
personne sans mise en accusation de 28 à 42 jours. Le 11 juin 2008,
la Chambre des Communes ait voté, par 315 contre 306 voix, en faveur
de ce qui est désormais le
Counter-Terrorism
Bill 2008 (de la Chambre des Lords). Il appartient maintenant
à cette dernière de décider si le projet de loi doit être adopté
(avec ou sans amendements) ou rejeté. La question a déjà été débattue
par la Chambre haute début juillet 2008 et sera fort probablement
inscrite à son ordre du jour en octobre
.
2.3. Le
contenu
14. Les points fondamentaux du
Counter-Terrorism Bill 2008, portent
sur une «menace terroriste grave exceptionnelle» («
grave exceptional terrorist threat»),
et sont énoncés dans les articles 23 et 24
et dans la Partie 1 de l’Annexe
2
, qui insère les paragraphes 38 à
41 à l’Annexe 8 de la Loi de 2000 contre le terrorisme (
Terrorism Act 2000). A titre d'exemple,
en Angleterre et au pays de Galles, c'est le Procureur général et
le commissaire de police qui peuvent soumettre un rapport au Secrétaire
d'Etat. Ce rapport doit respecter deux conditions: premièrement,
il doit contenir des motifs plausibles de croire qu’une garde à
vue supérieure à 28 jours est nécessaire pour obtenir, conserver
ou analyser des éléments de preuve. Deuxièmement, il doit affirmer
que l'enquête est conduite avec promptitude et diligence.
15. Par la suite, le Secrétaire d'Etat peut, par un arrêté, déclarer
que les «pouvoirs spéciaux» qui permettent de demander et de prolonger
la détention au-delà de 28 jours s’appliquent.
Il
doit avoir au préalable
sollicité un
avis juridique indépendant lui indiquant qu'il peut être assuré
que
a. une menace terroriste grave
exceptionnelle a existé ou existe,
b. les pouvoirs spéciaux sont nécessaires pour les besoins
de l’enquête et de la traduction en justice des personnes responsables,
c. la nécessité d’exercer ces pouvoirs spéciaux est urgente,
et
d. les dispositions de l’arrêté sont compatibles avec les
droits protégés par la CEDH au sens où l’entend le Titre I de la
Loi de 1998 sur les droits de l'homme (Human
Rights Act).
Dans les deux jours, où le plus tôt possible après émission
de l’arrêté, le Secrétaire d’Etat doit en informer le Parlement. L'arrêté
expire sept jours après notification au Parlement, à moins d’être
approuvé par les deux Chambres, auquel cas il expire 30 jours après
son émission. Cependant, rien n'empêche le Secrétaire
d'Etat de rédiger un nouvel arrêté en cas de refus parlementaire.
Lorsqu'il prend sa décision, le Parlement ne dispose d'aucune information
sur le nom de la personne détenue ni d’aucun document qui pourrait
porter préjudice à l’ouverture de poursuites futures.
16. Une fois que les pouvoirs spéciaux
sont déclarés applicables, le Procureur général notamment peut demander
à ce que la détention soit prolongée au-delà de 28 jours. La demande
doit être présentée à un juge
senior (c’est-à-dire
de la Haute Cour, dans le cas de l’Angleterre et du Pays de Galles),
qui doit vérifier que les deux conditions mentionnées ci-dessus
sont remplies (nécessité de la prolongation compte tenu de l'enquête en
cours d'une part, diligence et promptitude de l'enquête d'autre
part). Dans l’affirmative, il peut proroger l’autorisation de détention
par période renouvelable de sept jours jusqu'à la fin des 42 jours
de détention. Si le juge autorise la détention au-delà de 28 jours,
le Parlement doit en être informé.
3. Arguments
pour et contre le projet de loi antiterroriste 2008 (Counter-Terrorism
Bill 2008)
3.1. Arguments
pour
17. Le gouvernement britannique
s’appuie principalement sur deux arguments pour justifier l’allongement de
la garde à vue (sans inculpation) de 28 à 42 jours. D'abord, il
invoque la gravité de la menace que pose le terrorisme international
et la manière dont cette menace évolue (
Rapport
de la CMDH sur les 42 jours , § 10). Le Premier ministre
Gordon Brown a fait référence au fait que les services de sécurité
enquêtaient actuellement sur 2 000 personnes soupçonnées de terrorisme,
appartenant à quelque 200 réseaux et impliquées dans 30 complots
potentiels (
The
Guardian ).
Cependant, d'après la Commission mixte sur les droits de l’homme
du Parlement britannique (CMDH), on ne sait pas exactement si, pour
le gouvernement, la menace terroriste s'est accrue depuis juillet
2006, date à laquelle la garde à vue avait déjà été allongée à 28 jours
(
Rapport de la CMDH sur les 42 jours , § 26).
18. En second lieu, le gouvernement souligne la complexité (sur
le plan du matériel saisi ou de l'utilisation de fausses identités
par exemple) et la sophistication croissantes des réseaux terroristes
et des complots terroristes complexes auxquels sont associées d’innombrables
preuves et données revêtant des formes diverses et variées, avec,
souvent, de forts liens internationaux (
Rapport
de la CMDH sur les 42 jours ,
§ 10). Ainsi, Tony McNulty, député et ministre de l'Intérieur, a-t-il
déclaré sans ménagement: «Imaginez qu’il y ait deux ou trois "11
septembre"» (
Daily
Mirror ).
Le gouvernement craint que le temps nécessaire pour examiner un
nombre toujours plus important d'ordinateurs, de DVD, de téléphones
portables, etc., dépasse bientôt la limite des 28 jours. Il cite
à l'appui le fait que récemment, deux suspects ont été inculpés
le 28e jour seulement (
Rapport de la CMDH sur les 42 jours , § 34).
19. Outre l’envergure et la complexité croissantes des affaires
terroristes, le gouvernement a invoqué un autre facteur. D'après
lui, en raison des graves conséquences qu’aurait un attentat terroriste
réussi, la police doit souvent intervenir beaucoup plus tôt dans
les affaires de terrorisme et manque donc souvent de preuves recevables
à ce stade de l'enquête.
20. Au reproche qu’il n'a pas fourni d'éléments convaincants à
la CMDH attestant de la nécessité de prolonger la garde à vue sans
porter d’accusation, le gouvernement répond que le
Counter-Terrorism Bill 2008 n’allongera
pas d'emblée la durée de la garde à vue au-delà de 28 jours mais
permettra à un juge
senior de repousser
cette limite à l'avenir, sous réserve qu’il soit clairement et exceptionnellement
nécessaire de le faire (
Réponse
du gouvernement au 9e rapport de la session 2007-08 , p. 1).
21. Il est également opposé au gouvernement que le Parlement doit
prendre une décision «aveugle», ne pouvant examiner les informations
relatives aux personnes concernées par une prolongation de la détention au-delà
de 28 jours, ce à quoi le gouvernement répond que le Parlement n'a
pas besoin de ces informations pour prendre sa décision, car il
lui est seulement demandé de juger de la nature exceptionnelle de
l'enquête en cours, des informations relatives au complot et à ses
conséquences (probables), ainsi que de la complexité de l'enquête
(
Réponse du gouvernement au 9e
rapport de la session 2007-08 ,
p. 2).
3.2. Arguments
contre
22. La CMDH a, dans différents
rapports
,
vivement critiqué les propositions du gouvernement relatives à la
durée de garde à vue sans chef d’accusation. Elle n'a cessé de demander
des preuves à l'appui des deux principaux arguments avancés par
le gouvernement pour justifier la prolongation de la garde à vue.
Or, d'après elle, le gouvernement n'a pas pu lui fournir de preuves
convaincantes attestant que le terrorisme augmente (
Rapport
de la CMDH sur les 42 jours et les situations de danger public ,§ 9), et
n'a pas non plus été en mesure de démontrer que le temps nécessaire
à la conduite de l'enquête préliminaire était susceptible d'être supérieur
à 28 jours en raison de la complexité croissante du terrorisme (
Rapport de la CMDH sur les 42 jours et les
situations de danger public ,
§ 11). Enfin, toujours d’après la CMDH, le gouvernement ne présente aucun
argument convaincant expliquant pourquoi – compte tenu de la diversité
des mesures existantes (définition large des infractions, possibilité
d’inculper des suspects sur la base de soupçons plausibles, interrogatoires
après inculpation, ordonnances de contrôle et autres formes de surveillance)
– il est nécessaire d'aller encore plus loin et d’allonger la durée
de la garde à vue (
Rapport de la CMDH
sur les 42 jours ,
§ 48).
23. Le fait que cette législation restrictive s’appliquerait probablement
presque exclusivement à la communauté musulmane est également une
grande source de préoccupation.
L’injustice que représente une
détention sans inculpation, pendant six semaines, d'une personne
innocente pourrait, pour reprendre les termes de la Commission des
affaires intérieures de la Chambre des Communes, susciter l'hostilité
de nombre de ceux qui, à l'heure actuelle, reconnaissent la nécessité
de coopérer avec la police.
Mark Durkan, député, exprime la
même crainte, indiquant que le gouvernement risque de porter préjudice
aux membres mêmes de la communauté musulmane avec lesquels il souhaite
collaborer.
Muhammed Abdul Bari,
Secrétaire Général du Conseil musulman de Grande-Bretagne (
Muslim Council of Britain), va plus
loin et prédit que la législation sera «contre-productive et fera
le jeu des groupes extrémistes».
Afin d'éviter une telle situation,
le Comité des droits de l'homme des Nations Unies a exhorté le Royaume-Uni
à «faire en sorte que la lutte contre le terrorisme ne conduise
pas à jeter la suspicion sur l’ensemble des musulmans.»
24. Concernant le contenu du
Counter-Terrorism
Bill 2008, le principal argument contre le texte concerne
la durée de 42 jours de garde à vue sans inculpation, qui pourrait
porter atteinte aux articles 3 et 5 CEDH (
Rapport de
la CMDH sur les 42 jours et les situations de danger public , § 44; au sujet de l’article
3 CEDH, voir particulièrement le
Rapport
du CPT sur le Royaume-Uni: 11-15 juillet 2005 , § 24).
Human
Rights Watch a même évoqué la possibilité de
détentions de 42 jours répétées si le Secrétaire d'Etat autorisait
immédiatement de nouvelles prolongations.
25. Au cours d'une audition devant la CMDH, il a été soutenu qu'une
personne peut être arrêtée si elle est soupçonnée d'être impliquée
dans la commission, la préparation ou l'instigation d'actes terroristes.
Or, le fait que l'instigation ne soit pas une infraction pénale
(article 41 du Terrorism Act 2000;
voir § 34 ci-dessous) crée une situation dans laquelle un agent
de police peut arrêter une personne sans avoir l’intention de la
faire condamner (Rapport de la CMDH sur
les 42 jours, p. Ev 29, Q190-192).
26. Le libellé de l'article 22 du
Counter-Terrorism
Bill 2008 –
«menace terroriste
grave exceptionnelle» – a également été critiqué: cette
formulation ouvrirait la voie à une interprétation large, notamment
car elle englobe les attentats planifiés ou commis en dehors du
Royaume-Uni (Human Rights Watch
).
27. De plus, la CMDH estime que les critères de prolongation de
la détention sont trop peu exigeants et portent donc atteinte à
l'article 5 CEDH. D’après elle, tout suspect possédant un ordinateur
et un téléphone portable aurait des difficultés à se battre contre
une demande de prolongation de sa détention (
Rapport
de la CMDH sur les 42 jours , § 92 et
Rapport
de la CMDH sur le renouvellement des ordonnances de contrôle , §
20).
28. En outre, la CMDH relève l’absence de procédure véritablement
contradictoire. Elle dénonce le fait que le suspect et son représentant
légal peuvent être exclus de n'importe quelle partie du procès par
le juge et que les informations fournies à ce dernier peuvent ne
pas être communiquées au suspect et à son représentant légal si
le juge est convaincu qu'il existe des motifs plausibles de penser
que ces informations pourraient être préjudiciables si elles étaient
divulguées (
Rapport de la CMDH sur les
42 jours ,
§ 79).
29. Enfin, le rôle qu’est censé jouer le Parlement (voir ci-dessus
§ 15) a été critiqué, notamment par la CMDH (
Rapport
de la CMDH sur les 42 jours et les situations de danger public , § 36). Il est estimé que
le contrôle parlementaire ne constituerait pas une garantie particulièrement
importante, le débat pouvant être fortement limité par le risque
de compromettre les futures procédures. Sinon, comme le signale
Lord Carlile, personnalité indépendante chargée d’examiner la législation
antiterroriste, un débat parlementaire sur une affaire impliquant
une personne non accusée pourrait être inéquitable (
Rapport
de Lord Carlile sur les propositions de mesures à inclure dans un
projet de loi ,
§ 48). De son côté, Lord Boyd de Duncansby soutient qu'un organe
législatif ne devrait pas participer à une procédure de décision
de prolongation ou non de la détention d’une personne.
Décider du bien-fondé
de la détention d’un suspect est une fonction typiquement judiciaire;
les fonctions parlementaires et judiciaires ne devraient pas être
confondues.
La Commission parlementaire
d'enquête sur la Constitution (Chambre des Lords) a récemment consacré
un rapport entier à cette question. Elle qualifie le projet de loi
de «confus» et de «meilleur moyen de semer la confusion» car il risque
d'amalgamer les rôles du Parlement et de la justice, à qui il sera
demandé de répondre à des questions semblables dans un court délai
(
Rapport
de la Commission sur la Constitution , § 39). Le rapporteur est d’avis que
la proposition d’impliquer le Parlement dans une décision portant
sur la garde à vue sans inculpation est en flagrante contradiction
avec le principe de séparation des pouvoirs.
30. Le rapporteur renvoie également vers les documents d’information
d’
Amnesty International et
de
Human Rights Watch.
Ces organisations dénoncent non
seulement l’aspect même de la garde à vue sans inculpation mais
aussi d'autres questions sensibles soulevées par le
Counter-Terrorism Bill 2008, telles
que l'interrogatoire après la mise en accusation, les obligations
de notification, la définition du terrorisme ou les enquêtes «(
inquests» en anglais) secrètes.
4. Compatibilité
avec les normes européennes des droits de l'homme
4.1. La
nécessité de se fonder sur une conception matérielle
31. Maintenant, le rapporteur va
évaluer si une durée de détention «pré-inculpation» de 42 jours,
voire de 28 jours, pourrait être contraire à la CEDH. Pour ce faire,
il convient de se référer à la jurisprudence de la Cour européenne
des droits de l’homme (ci-après «la Cour») concernant l’existence
d’une durée maximum pour «inculper» un suspect. A la grande surprise
des personnes issues d’un pays de Common Law, la jurisprudence de
la Cour ne semble pas indiquer de délai en la matière.
L’absence d’une
définition commune, applicable dans toutes les Parties contractantes
à la CEDH, de ce qui est entendu par «inculpation» pourrait expliquer cet
état de choses. Stefan Trechsel, Président de l’ex-Commission européenne
des droits de l’homme, fait d’ailleurs observer que si les organismes
internationaux s’appuyaient sur la classification adoptée par le
droit interne, les Etats auraient la possibilité d’agir sur la durée
de la procédure en faisant en sorte que l’«inculpation» formelle
intervienne tardivement, par exemple après clôture de l’enquête.
Par conséquent, la Cour
est obligée d’adopter sa propre définition de ce terme, indiquant
qu’il «doit s’entendre au sens de la Convention» et qu’il a une
«portée très vaste» (
Deweer c. Belgique ,
§ 42). Autrement dit, la Convention n’oblige pas à inculper formellement
la personne concernée dans un certain délai; elle énonce seulement
les exigences procédurales qui doivent être respectées lors de toute
détention préalable à une condamnation, comme le dispose l’article
5 CEDH.
32. Cette conception – qui consiste à examiner le contenu matériel
plutôt que de s’en tenir à une notion formelle (comme le fait la
Common law) de l’«inculpation» – met également à mal l’argument
selon lequel il ne sert à rien de comparer les législations nationales
car les systèmes de droit civil et de Common law sont trop différents.
Les règles qui régissent la procédure
pénale dans les Etats parties divergent tellement que la CEDH ne
peut pas établir (et n’a pas été rédigée à cette fin) de norme judiciaire
commune, mais plutôt des «normes minimales applicables»
mutatis mutandis «dans chacun des
systèmes juridiques» liés à la CEDH.
Il est
donc nécessaire de reformuler la question initiale. Sous l’angle
de la CEDH, la question essentielle n’est pas celle de la durée
durant laquelle une personne soupçonnée de terrorisme (ou tout autre
suspect) peut être détenue sans être inculpée, mais plutôt celle
de savoir si les conditions et les circonstances dans lesquelles un
suspect peut être détenu, ainsi que les garanties en place, sont
conformes aux exigences communes minimales en matière de procédure,
en vertu des articles 5 § 1(c), 5 § 2, 5 § 3 et 5 § 4 de la CEDH.
4.2. Vue
d’ensemble de la jurisprudence relative à la Convention européenne
des droits de l’homme (CEDH)
33. Concernant la CEDH, le rapporteur
est d’avis que les questions suivantes méritent une réponse:
- La détention est-elle légale?
- Les raisons de l’arrestation sont-elles communiquées promptement
et de manière suffisamment explicite?
- Un contrôle judiciaire est-il exercé rapidement?
- Est-il possible d’introduire un recours en habeas corpus?
- La procédure est-elle véritablement contradictoire?
- La durée et les conditions de détention pourraient-elles
constituer un traitement inhumain?
- Le contrôle parlementaire est-il compatible avec le principe
de la séparation des pouvoirs?
- Pour invoquer une «menace terroriste grave exceptionnelle»,
faudrait-il exercer le droit de dérogation à la Convention?
Dans la partie suivante, nous tentons de déterminer si, et
sur quelle base, le Counter-Terrorism
Bill 2008 pourrait être incompatible avec la CEDH, telle
qu’interprétée par la Cour.
4.3. Légalité de la détention (article
5 § 1 CEDH)
34. Le
Counter-Terrorism
Bill 2008 ne s’intéresse pas à l’arrestation même puisqu’il
porte uniquement sur la prolongation éventuelle de la détention
d’un suspect déjà détenu depuis 28 jours maximum. En vertu de la législation
existante qui sera également applicable outre le projet de loi,
un agent de police peut arrêter sans mandat uniquement les personnes
qu’il soupçonne raisonnablement d’être des terroristes (
article
41 (1) du
Terrorism Act 2000).
L’article
40 (1) définit un terroriste comme une personne qui a commis
une infraction terroriste ou qui est ou a été impliquée dans la
commission, la préparation ou l’instigation d’actes de terrorisme. Le
fait que l’instigation ne soit pas une infraction pénale aux termes
du droit pénal britannique crée une situation dans laquelle un agent
de police peut arrêter une personne sans avoir l’intention de l’inculper
pour une quelconque infraction pénale (
Rapport
de la CMDH sur les 42 jours ,
p. Ev 29, Q190-192). La Convention, en revanche, dispose qu’une
personne ne peut être arrêtée que s’il existe des soupçons plausibles
qu’elle a commis une infraction. En outre, l’autorité publique doit
avoir l’intention de l’inculper et de la traduire devant l’autorité
juridique compétente (
Brogan et autres
c. Royaume-Uni ,
§§ 52-53). Sur ce point, la législation actuelle et le projet de
loi semblent contraires aux obligations de la Convention.
35. L’article 5 § 1 CEDH n’est pas seulement applicable à l’arrestation
initiale, mais aussi à toute la période de détention. Si – après
analyse des exigences procédurales des articles 5 § 2, 3 et 4 CEDH
– il apparaît qu’une détention qui était à l’origine légale est
devenue arbitraire, la légalité de la détention, telle que définie à
l’article 5 § 1 CEDH, doit être réexaminée. Afin de juger de la
compatibilité de la détention avec notamment les articles 5 § 3
et 4 CEDH, il convient de garder à l’esprit la jurisprudence de
la Cour relative à l’article 5 § 1.
36. L’article 5 CEDH garantit le droit à la liberté et la sûreté.
L’article 5 § 1 CEDH prévoit un nombre limité de motifs de détention.
Dans le cas des infractions terroristes, comme dans les autres cas,
toute arrestation et détention qui s’ensuit doivent être fondées
sur des soupçons plausibles de commission d’une infraction donnée
(article 5 § 1(c) CEDH). Dans
Fox, Campbell
et Hartley c. Royaume-Uni ,
la Cour a reconnu que dans les affaires terroristes, les critères
de plausibilité des soupçons sont moins élevés, car «on ne saurait demander
aux États d'établir la plausibilité des soupçons motivant l'arrestation
d'un terroriste présumé en révélant les sources confidentielles
[…], ou même des faits pouvant aider à les repérer ou identifier»
(§ 34). Cependant, la Cour n’admet aucune atteinte à la substance
même de la garantie prévue à l’article 5 § 1 (c) CEDH. Elle exige
du gouvernement qu’il fournisse «au moins certains faits ou renseignements
propres à la convaincre qu'il existait des motifs plausibles de
soupçonner la personne arrêtée d'avoir commis l'infraction alléguée»
(§ 34).
4.4. Droit d’être informé des raisons de
son arrestation (article 5 § 2 CEDH)
37. Comme observé ci-dessus
,
il n’existe aucune jurisprudence sur la durée pendant laquelle une personne
peut être détenue sans être inculpée. En revanche, on pourrait s’attendre
à ce que la jurisprudence relative à l’article 5 § 2 CEDH, qui exige
que la personne détenue soit rapidement informée des raisons de
son arrestation et de toute accusation portée contre elle, nous
éclaire sur ce point. Or, la Cour n’a jamais interprété cette disposition
dans son sens littéral; elle a plutôt tendance à reprendre son interprétation
dans l’affaire
Fox, Campbell et Hartley
c. Royaume-Uni , dans
laquelle elle résume les principes qui s’appliquent comme suit:
«Le
paragraphe 2 de l'article 5 énonce une garantie élémentaire: toute
personne arrêtée doit savoir pourquoi. Intégré au système de protection
qu'offre l'article 5, il oblige à signaler à une telle personne, dans
un langage simple accessible pour elle, les raisons juridiques et
factuelles de sa privation de liberté, afin qu'elle puisse en discuter
la légalité devant un tribunal en vertu du paragraphe 4 […]. Elle doit
bénéficier de ces renseignements "dans le plus court délai" (en
anglais: "promptly"), mais le policier qui l'arrête peut ne pas
les lui fournir en entier sur-le-champ. Pour déterminer si elle
en a reçu assez et suffisamment tôt, il faut avoir égard aux particularités
de l'espèce.» (§ 40, gras ajouté)
38. Cette interprétation exige du gouvernement qu’il fournisse
suffisamment d’informations au suspect pour que ce dernier puisse
organiser sa défense; on ne peut pas forcément en déduire qu’il
existe une obligation «d’inculper» formellement le suspect dans
un certain délai.
39. Dans l’affaire
Fox, Campbell et
Hartley c. Royaume-Uni, les requérants avaient été arrêtés
car on les soupçonnait de terrorisme, motif insuffisant aux yeux
de la Cour pour justifier l’arrestation (§ 41). La Cour a néanmoins
reconnu que les raisons pour lesquelles ils étaient soupçonnés de
terrorisme avaient été portées à leur attention de manière indirecte,
à travers les questions qui leur avaient été posées au cours de
leur interrogatoire (§ 41). Ces interrogatoires s’étaient achevés
dans les sept heures après l’arrestation, ce que la Cour a accepté
comme étant «prompt». Mais, si ce délai de quelques heures a été
jugé compatible avec l’article 5 § 2 CEDH, il n’en a pas été de
même avec celui de 76 heures (
Saadi c.
Royaume-Uni (Grande Chambre) ,
§ 84). Par conséquent, le seuil du délai acceptable pour être informé
des raisons de son arrestation doit se situer entre 7 et 76 heures.
40. Là encore, le
Counter-Terrorism
Bill 2008 ne traite pas de cette question, car il porte
uniquement sur le prolongement d’une détention en cours. Même si
la législation actuelle n’exige pas expressément que la personne
détenue soit informée des raisons de son arrestation, on ne peut
en conclure qu’il y a violation de l’article 5 § 2 CEDH, la Cour
acceptant que, dans certains cas, les raisons de l’arrestation puissent
également être portées à l’attention de la personne détenue de manière
indirecte, au cours de l’interrogatoire. Cependant, Stefan Trechsel,
l’un des plus grands spécialistes concernant l’article 5 CEDH, a
vivement critiqué cette jurisprudence, indiquant que la substance
même de l’obligation de communication des raisons de l’arrestation était,
à ses yeux, d’éviter que la personne concernée ne doive deviner
pourquoi elle a été arrêtée, en lui fournissant une réponse claire
à cette question
. A
vrai dire, c’est bien là la question, au vu des témoignages recueillis
par la CMDH. Au moment de l’arrestation, le suspect est seulement
informé qu’il est soupçonné de terrorisme ou d’être impliqué dans
la commission, la préparation ou l’instigation d’une infraction
terroriste, ce qui ne lui dit rien, à part «Je pense que vous êtes
un terroriste» (
Rapport de la CMDH sur
les 42 jours ,
§ 85). Le rapporteur suggère que l’Assemblée adopte la perspective
de la CMDH, notamment sa recommandation en faveur de l’imposition
d’exigences plus strictes en matière d’informations devant figurer
dans l’assignation à comparaître (paragraphe 89).
4.5. Droit d’être traduit devant un juge
(article 5 § 3 CEDH)
41. Le droit de bénéficier «aussitôt»
d’un contrôle judiciaire de la légalité de la détention est visé
à l’article 5 § 3 CEDH. Afin de définir ce «aussitôt», l’ex-Commission
européenne des droits de l’homme s’est prononcée pour un délai général
de quatre jours (
Egue c. France , p. 70), tandis que la Cour a retenu
le délai de quatre jours et six heures (
Brogan
et autres c. Royaume-Uni , §§ 61-62). Pour une vue d’ensemble
détaillée de la jurisprudence relative à l’article 5 § 3 CEDH, voir
McKay c. Royaume-Uni ,
§§ 30-47.
42. Concernant le délai de comparution devant un juge, il semble
n’y avoir, à première vue, aucune incompatibilité entre le projet
de loi et l’article 5 CEDH. La personne soupçonnée de terrorisme
doit être traduite devant un juge dans les 48 heures suivant son
arrestation (article 41 du
Terrorism
Act 2000 ). La détention peut ensuite être
prolongée de 7 jours maximum, renouvelables (Partie 1 de l’Annexe
2
du
Counter-Terrorism Bill 2008).
43. Toutefois, l’accès à une autorité judiciaire ne suffit pas
en tant que tel. La question essentielle est celle du champ d’application
de l’examen judiciaire, défini par la Cour comme suit (
T.W. c. Malte ):
«L’article 5 § 3, qui
forme un tout avec l’article 5 § 1 c), a essentiellement
pour objet d’imposer l’élargissement du moment où la détention cesse
d’être raisonnable. Les premiers mots de l’article 5 § 3 ne se contentent
pas de l’accès du détenu à une autorité judiciaire; ils visent à
imposer au magistrat devant lequel la personne arrêtée comparaît
l'obligation d'examiner les circonstances militant pour ou contre
la détention, de se prononcer selon des critères juridiques sur
l'existence de raisons la justifiant et, en leur absence, d'ordonner
l'élargissement […]. En d’autres termes, l’article 5 § 3 exige que
le magistrat se penche sur le bien-fondé de la détention» (paragraphe
41, gras ajouté)
44. En vertu du
paragraphe
32 (1) de l’Annexe 8 du
Terrorism Act 2000,
l’autorité judiciaire saisie dans les premières 48 heures est uniquement
tenue d’examiner si la détention est nécessaire pour obtenir ou
conserver des preuves pertinentes et si l’enquête est conduite avec
promptitude et diligence. Il n’est pas certain que ce champ d’examen
réduit soit conforme à celui, largement défini, qui est prévu à
l’article 5 § 3 CEDH, selon lequel le juge doit pouvoir décider
du bien-fondé de la détention, c’est-à-dire de l’existence ou non
de motifs plausibles de soupçonner que la personne détenue a commis
l’infraction alléguée, mais aussi de l’existence ou non de motifs
suffisants justifiant la détention comme mesure restrictive.
4.6. Droit de recours en habeas corpus
(Article 5 § 4 CEDH)
45. L’article 5 § 4 CEDH dispose
qu’une personne détenue a le droit d’introduire un recours en
habeas corpus devant un tribunal
afin qu’il statue sur la légalité de sa détention. Par ailleurs,
un contrôle périodique de la légalité de la détention doit être
possible pour veiller à ce que les objectifs spécifiques du tribunal
ayant ordonné la privation de liberté soient toujours poursuivis.
Au regard de la jurisprudence de la Cour dans l’affaire
Garcia Alva c. Allemagne ,
la procédure judiciaire doit au minimum consister à évaluer:
«non
seulement le respect des exigences procédurales prévues dans le
droit interne mais aussi la plausibilité des soupçons
qui ont motivé l’arrestation, ainsi que la légitimité de l’objectif
poursuivi par l’arrestation et la détention.» (paragraphe 39, gras
ajouté)
46. En vertu de
l’article
40 (1) du
Counter-Terrorism Bill
2008, les paragraphes 31-34 de l’Annexe 8 du
Terrorism Act 2000 s’appliquent
mutatis mutandis. Ainsi, tout comme
l’autorité judiciaire saisie dans les premières 48 heures, le haut
juge qui décide de la prolongation de la détention au-delà de 28
jours est tenu d’examiner si la détention est nécessaire pour obtenir
ou conserver des preuves pertinentes et si l’enquête est conduite
avec promptitude et diligence (paragraphe 32 (1) de l’Annexe 8 du
Terrorism Act 2000). Le gouvernement
est d’avis que le rôle de la Cour n’est pas de statuer sur la pleine
légalité de la détention (
Réponse
du gouvernement au 19e rapport de la session 2006-07 , § 13). Pour
l’essentiel, l’examen judiciaire porte uniquement sur la nécessité
de la détention pour les besoins de l’enquête, et non pas sur les
«raisons plausibles de soupçonner [que la personne détenue] a commis
une infraction» (Article 5 § 1 CEDH), ce qui donne l’impression
que la détention peut être un moyen d’approfondir tranquillement
une enquête. L’examen judiciaire ne consiste donc pas à évaluer
la plausibilité des soupçons de commission d’une infraction et serait donc
contraire aux obligations énoncées à l’article 5 § 4 CEDH.
47. Le gouvernement considère que la personne détenue a à sa disposition
deux voies de recours pour contester la légalité de sa détention:
lors de l’audience de prolongation de sa détention ou en introduisant
un recours en
habeas corpus (
Réponse du gouvernement au 9e
rapport de la session 2007-08 , p. 3). Etant donné que l’audience
ne semble pas conforme aux obligations prévues à l’article 5 § 4
CEDH, reste à déterminer si la procédure d’
habeas
corpus existe «avec un degré suffisant de certitude,
en pratique comme en théorie» (
Öcalan
c. Turquie ,
§ 69). Ceci dit, il n’est même pas certain qu’un recours en
habeas corpus puisse réellement
être introduit dans les affaires concernées par le projet de loi.
Dans
Nabeel Hussain c. Juge Collins , la Haute Cour d’Angleterre et
du Pays de Galles a statué que la procédure d’audience de prolongation
respectait les exigences énoncées à l’article 5 § 4 CEDH (paragraphe
26). En supposant que la Haute Cour adopte la même position pour
le projet de loi sur les 42 jours, la personne détenue ne pourrait
donc pas introduire de recours en
habeas
corpus une fois sa détention prolongée par le tribunal,
car sa requête serait rejetée pour abus de procédure (
Rapport
de la CMDH sur le Counter-Terrorism Bill , § 25). En conclusion, il semble
exister des raisons valables de penser que la voie de recours en
habeas corpus n’existe pas avec
un degré suffisant de certitude et que, par conséquent, aucun contrôle
juridictionnel, tel que prévu à l’article 5 § 4 CEDH, ne semble
envisagé dans la législation actuelle ni dans le projet de loi.
4.7. Droit à une procédure contradictoire
(articles 5 § 3, 5 § 4 et 6 § 3 CEDH)
48. Outre les obligations susmentionnées,
la Cour a statué que l’article 5 § 3 «– comme l’article 5 par. 4
(art. 5-4) – doit s’interpréter comme exigeant une procédure qui
revête un caractère judiciaire» (
Brannigan
et McBride c. Royaume-Uni ,
§ 58), ce qui ouvre un débat plus général sur le droit à un procès
équitable, dont trois aspects – aide juridique, représentation légale
et accès à l’information – sont examinés ci-après.
49. D’abord, depuis l’affaire
John
Murray c. Royaume-Uni ,
il est clair que le droit à une aide juridique, prévu à l’article
6 § 3 CEDH
,
«peut jouer un rôle avant la saisine du juge du fond si et dans
la mesure où son inobservation initiale risque de compromettre
gravement le caractère équitable du procès» (paragraphe 62). Dans
Brennan c. Royaume-Uni , la Cour
réitère: «Si l’article 6 exige normalement que le prévenu puisse bénéficier
de l’assistance d’un avocat dès les premiers stades de l’interrogatoire
de police, ce droit, que la Convention n’énonce pas expressément,
peut être soumis à des restrictions pour des raisons valables. Il
s’agit de savoir dans chaque cas si, à la lumière de l’ensemble
de la procédure, la restriction a privé l’accusé d’un procès équitable»
(paragraphe 45).
50. Dans la législation en vigueur ainsi que dans le projet de
loi, dans son libellé actuel, l’accès à un avocat peut être retardé
pendant 48 heures maximum si la police pense par exemple qu’un tel
accès peut permettre de détruire les éléments de preuve ou d’alerter
quelqu’un (paragraphe 8 de l’Annexe 8 du
Terrorism
Act 2000). A l’heure actuelle, la législation semble
conforme à l’article 6 § 3 de la CEDH tel qu’interprété dans l’affaire
Murray, car elle précise les raisons
pour lesquelles
(«good causes»,
en anglais) l’agent peut retarder le droit d’accès à une aide juridique.
A cet égard, il convient de noter que l’ancienne Commission des
droits de l’homme des Nations Unies a exigé que toute personne arrêtée
ait immédiatement accès à un avocat
,
ce qui s’inscrit dans le droit fil de la tendance générale à reconnaître
le droit à l’accès immédiat à un avocat.
Si la législation actuelle
et le projet de loi ne semblent pas, à première vue, enfreindre
la Convention, on peut néanmoins se demander si des exceptions définies
aussi largement ne conduisent pas à un risque de violation.
51. Deuxièmement, d’après la jurisprudence de la Cour, toute procédure
conduite en vertu de l’article 5 § 4 de la Convention doit, en principe
et dans la mesure du possible, compte tenu des particularités de
l’enquête en cours, respecter également les critères fondamentaux
d’un procès équitable, notamment le droit à une procédure contradictoire
(
Garcia Alva c. Allemagne , § 39). Ainsi, en vertu de
l’article 5 § 4 CEDH, «encore faut-il que l’intéressé ait […] l’occasion
d’être entendu lui-même ou, au besoin, moyennant une certaine forme de
représentation» (
Winterwerp c. Pays-Bas ,
§ 60).
52. Aux termes du paragraphe 33 (1) de l’Annexe 8 du Terrorism Act 2000, qui s’appliquera
également à la détention au-delà de 28 jours (paragraphe 40 [1]
de l’Annexe 2 du Counter-Terrorism Bill
2008), la personne détenue a le droit d’être représentée
– oralement ou par écrit – devant l’autorité judiciaire et a le
droit à un représentant légal. Le juge peut toutefois exclure la
personne détenue ou son représentant de n’importe quelle partie
du procès. La législation contient donc la possibilité de prolonger
la détention sans que le suspect n’ait été entendu, situation qui
est susceptible de constituer une violation de la Convention.
53. Troisièmement, le principe d’égalité des armes n’est pas garanti
si l’avocat se voit refuser l’accès aux documents de l’enquête qui
sont essentiels pour pouvoir réellement contester la légalité de
la détention de son client (
Garcia Alva
c. Allemagne , § 39). La
Cour admet parallèlement que «l'utilisation d'informations confidentielles
peut se révéler indispensable lorsque la sécurité nationale est
en jeu» (
Chahal c. Royaume-Uni ,
§ 131). Elle précise toutefois que «cela ne signifie cependant pas
que les autorités nationales échappent à tout contrôle des tribunaux
internes» et attire ensuite l’attention sur «l'existence de techniques permettant
de concilier, d'une part, les soucis légitimes de sécurité quant
à la nature et aux sources de renseignements et, de l'autre, la
nécessité d'accorder en suffisance au justiciable le bénéfice des
règles de procédure.»
54. Concernant l’accès à l’information, l’article 34 de l’Annexe
8 du
Terrorism Act 2000 cite
divers cas dans lesquels le juge peut ne pas communiquer certaines
informations à la personne détenue et à son représentant. La législation,
en conclusion, semble autoriser une situation dans laquelle aucun
contrôle juridictionnel effectif n’est exercé, ce qui serait inacceptable
compte tenu de l’arrêt rendu dans l’affaire
Chahal
c. Royaume-Uni (voir ci-dessus). Ce même arrêt affirme
que cette insuffisance pourrait être palliée en désignant un représentant spécial
autorisé à défendre, en l’absence du suspect et de son représentant,
les intérêts de la personne détenue et à accéder aux documents confidentiels
(paragraphe 144). Dans le cas des ordonnances de contrôle
, le Royaume-Uni a déjà
opté pour cette solution. Cependant, même si le recours à des avocats spéciaux
peut contribuer à améliorer la justice procédurale, la personne
contrôlée ne connaît pas les allégations qui pèsent contre elle
et ne peut donc pas donner les instructions nécessaires. Une fois
informé de ces allégations, l’avocat spécial ne peut pas les communiquer
à la personne contrôlée ni ne peut solliciter d’instructions sans
permission, ce qui, dans la réalité, supprime toute possibilité,
pour la personne contrôlée, de contester ou de réfuter ces allégations.
Comme l’a fait observer
la Chambre des Lords
(la plus haute juridiction britannique), même avec un avocat spécial,
cette situation porte atteinte à la substance même du droit à un
procès équitable énoncé à l’article 6 CEDH.
4.8. Traitement inhumain en raison de la
durée de la détention (article 3 CEDH)
55. Une très longue période de
garde à vue sans inculpation pourrait, dans certains cas, constituer
un traitement inhumain et dégradant au titre de l’article 3 CEDH.
Déjà lors du débat sur un allongement de la garde à vue au-delà
de 14 jours, la CMDH avait à maintes reprises attiré l’attention
sur le fait que, en raison de la durée de la détention, les personnes
détenues risquaient de subir des traitements inhumains et dégradants, les
commissariats de police étant inadaptés à une telle durée (
Rapport
de la CMDH sur le Counter-Terrorism Bill 2006 , § 86; critiques sur le
Counter-Terrorism Bill 2008 dans
le
Rapport de la CMDH sur les 42 jours , § 78). A cet égard, le CPT
a relevé – après avoir visité un commissariat de police à Londres
– que les conditions ne convenaient pas à de telles durées de détention
(Rapport du CPT sur le Royaume-Uni: 11 au 15 juillet 2005
, § 24). A l’issue de chacune
de ses deux visites suivantes au Royaume-Uni, le CPT a réitéré ces préoccupations
(
Rapport
du CPT sur le Royaume-Uni: 20 au 25 novembre 2005, § 28 et
Flash
Info du CPT sur le Royaume-Uni: 2 au 6 décembre 2007)
.
Si la probabilité d’un traitement inhumain augmente avec la durée de
détention, cette dernière en tant que telle ne peut pas, à première
vue, être considérée comme contraire à l’article 3 CEDH. Par contre,
la souffrance provoquée par la détention même peut être aggravée
par l’absence d’information sur les raisons pour lesquelles une
personne est détenue.
4.9. Contrôle parlementaire
56. Le projet de loi envisage le
contrôle parlementaire comme une garantie supplémentaire et inhabituelle de
la protection du droit à la liberté du détenu
.
Il ne prévoit toutefois pas que ce contrôle soit systématique. Tout
d’abord, compte tenu de l’importance que l’Assemblée attache à la
séparation effective des pouvoirs
, la proposition d’autoriser
un organe législatif à se prononcer sur le bien-fondé des motifs
invoqués par le Secrétaire d’Etat pour déclarer les «pouvoirs spéciaux»
applicables semble déplacée. Ensuite, le projet de loi précise que
cette déclaration ne doit mentionner ni le nom de la personne concernée
ni toute autre information qui pourrait porter préjudice à l’exercice
de poursuites (article 27 [4] [a] du
Counter-Terrorism
Bill 2008). Au vu du peu d’informations fournies à la
législature, le rapporteur doute que le Parlement soit réellement
en mesure d’apporter une garantie supplémentaire à la personne soupçonnée
de terrorisme. Enfin, la soi-disant «garantie parlementaire» n’écourte
en rien la durée de validité de 7 jours de l’arrêté du Secrétaire
d’Etat.
En
outre, si le Parlement refuse d’approuver l’arrêté, rien n’empêche
l’émission d’un nouvel arrêté (article 28 [3] [a] du
Counter-Terrorism Bill 2008) avant
expiration de la première. Ainsi, si, au 28e jour
de détention, le Secrétaire d’Etat émet un arrêté, il doit le soumettre
au Parlement le plus tôt possible
(«as
soon as practicable», en anglais). En supposant que cela
se produise le 29e jour, l’arrêté expirera
7 jours plus tard, c’est-à-dire le 36e jour.
Si un nouvel arrêté est émis ce jour là, une nouvelle période de
7 jours commencera le jour suivant, soit le 37e jour,
et durera jusqu’au 44e jour. Cette procédure
permettrait de détenir une personne soupçonnée de terrorisme jusqu’au
42e jour sans approbation du Parlement
(voir tableau chronologique en annexe). Plutôt que d’instaurer un
contrôle parlementaire quasi-judiciaire qui pourrait de toute façon
être contourné, il conviendrait de consacrer davantage d’attention
et d’énergie à la nécessité de mettre en place un véritable contrôle juridictionnel.
4.10. Dérogation en vertu de l’article 15
CEDH
57. Les pouvoirs spéciaux ne peuvent
être déclarés applicables que s’il existe une «menace terroriste
grave exceptionnelle» (
article
22 du
Counter-Terrorism Bill
2008). Andrew Dismore, député et Président de la CMDH, propose
deux interprétations de cette notion
, qui signifie soit
une menace importante contre la nation (les deux ou trois «11 septembre»
évoqués par le député Tony McNulty, ministre de l’Intérieur, par
exemple)
, soit une attaque
terroriste moins extrême (les attentats de Londres en juillet 2005
par exemple). Dans ce dernier cas, une détention supérieure à 28
jours n’est aucunement nécessaire, les attentats de juillet 2005 ayant
été résolus dans le cadre du système de 14 jours. Par conséquent,
eu égard à ce raisonnement et au fait que le gouvernement britannique
ne cesse de souligner l’envergure et la complexité croissantes de
la menace terroriste, il doit avoir retenu la première interprétation.
Dans ce cas, il serait justifié qu’il exerce le droit de dérogation
prévu à l’article 15 CEDH (de l’article 5 CEDH), et il n’aurait
pas besoin de déclarer les «pouvoirs spéciaux» applicables. Il semble
donc sensé de suivre la suggestion de la CMDH
d’inclure la possibilité de dérogation
dans le projet de loi au lieu de créer un système compliqué, pour
ne pas dire une «monstruosité» juridique, en matière de pouvoirs
spéciaux.
5. Conclusion
58. De l’avis du rapporteur, la
question n’est pas de savoir si une détention de 42 jours, voire
peut-être même de 28 jours, sans mise en accusation est en soi compatible
avec la Convention, mais plutôt si la détention «pré-inculpation»
est assortie de garanties juridiques suffisantes. Il se réfère,
à cet égard, aux lignes directrices du Comité des Ministres sur
les droits de l’homme et la lutte contre le terrorisme de 2002,
qui, fondées sur la jurisprudence constante de la Cour de Strasbourg,
visent à constituer un guide pratique pour la mise en place de politiques,
législations et actions anti-terroristes qui soient à la fois efficaces
et respectueuses des droits de l’homme. Après analyse de des garanties
proposées dans le projet de loi, le rapporteur tire les conclusions
suivantes:
- Contrairement à
l’article 5 § 1 CEDH, la législation actuelle et le projet de loi
prévoient un système de détention qui pourrait être «illégale» au
sens où une personne peut être arrêtée sans qu’il y ait intention de
l’inculper pour une infraction pénale.
- Contrairement à l’article 5 § 2 CEDH, la législation actuelle
ne dispose pas expressément que la personne détenue doit être informée
des raisons de son arrestation. Cette insuffisance pourrait être palliée
en imposant des obligations plus strictes en matière d’informations
devant figurer dans l’assignation à comparaître.
- Par contre, le court délai prévu pour traduire le suspect
devant un juge semble satisfaire aux obligations découlant de l’article
5 § 3 CEDH.
- Ceci étant dit, si une personne est arrêtée ou détenue
sans interruption pour avoir participé à la préparation d’infractions
terroristes graves, le juge doit être en mesure de vérifier si les
faits sous-jacents donnent au moins lieu à des raisons plausibles
de soupçonner qu’elle a commis une infraction. Il ne semble pas
que l’examen judiciaire limité prévu par la législation actuelle
et le projet de loi réponde aux critères énoncés aux articles 5
§ 3 et 5 § 4 CEDH.
- En outre, pour garantir un véritable examen judiciaire
des demandes de (prolongation de la) garde à vue sans chef d’accusation,
la logique voudrait qu’il y ait procès contradictoire devant un
juge (dans le respect de la législation sur l’immunité d’intérêt
public, afin de protéger les informations sensibles). Il semble
que la législation actuelle et le projet de loi autorisent la détention
continue d’une personne sans que celle-ci bénéficie forcément d’un
accès immédiat à un avocat, d’une représentation légale et d’un accès
aux informations pertinentes à une procédure qui concerne son droit
à la liberté. Cette situation soulève de fortes inquiétudes quant
à la compatibilité de cette législation avec les articles 5 §§ 3
et 4 et 6 §§ 1 et 3 CEDH.
- Par ailleurs, la durée durant laquelle une personne peut
être détenue et l’absence de communication d’informations à cette
personne sur les raisons de sa détention accroissent le risque de
constituer un traitement inhumain ou dégradant.
- Ces insuffisances ne peuvent pas être compensées par un
système complexe de contrôle parlementaire qui semble inefficace,
facile à contourner et contraire à la séparation des pouvoirs.
- Au lieu d’envisager une telle «garantie» parlementaire,
discutable, le gouvernement devrait peut-être suivre la récente
recommandation de la CMDH (Rapport
de la CMDH sur le renouvellement annuel des 28 jours 2008 ,
§§ 32-34) et améliorer les garanties judiciaires existantes, tout
en prévoyant la possibilité d’une dérogation à la Convention dans
sa législation antiterroriste, afin d’être en mesure de prévenir
une attaque terroriste grave exceptionnelle.
59. Compte tenu de l’importance des principes soulevés dans les
questions discutées et analysées dans ce rapport, le rapporteur
recommande à l’Assemblée d’inviter la Commission de Venise à examiner
la législation anti-terroriste dans le cadre d’une étude comparative
approfondie. Une telle étude pourrait examiner les différentes questions
évoquées ci-dessus, en plaçant l’initiative de la détention «pré-inculpation»
de 42 jours, qui a donné lieu au présent rapport, dans le contexte
plus large de la nécessité de fournir les garanties juridiques appropriées
fondées sur la CEDH à toutes les personnes détenues, même celles
suspectées de crimes aussi graves que les actes terroristes.