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Rapport | Doc. 12017 | 14 septembre 2009

L’avenir du Conseil de l’Europe à la lumière de ses 60 années d’expérience

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Jean-Claude MIGNON, France, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: renvoi n° 3578 du 28 mai 2009. 2009 - Quatrième partie de session

Résumé

Le 60e anniversaire du Conseil de l’Europe n’est pas seulement une occasion de célébrer ses réalisations dans la promotion et la protection de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit en Europe, mais c’est également une opportunité d’analyser la position de notre Organisation dans le système institutionnel européen, ses atouts et potentialités, mais aussi ses défaillances, points faibles et limites.

L’objectif de ce rapport est donc de proposer quelques pistes de réflexion sur l’évolution de la mission du Conseil de l’Europe, d’identifier les problèmes liés à son fonctionnement et de suggérer des mesures à prendre afin que l’Organisation puisse rester l’institution clé dans le processus de construction d’une Europe unie basée sur les principes et valeurs de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit et contribuer ainsi à garantir une promotion et une protection effectives de ces principes et valeurs.

A. Projet de résolution

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1. Il y a soixante ans, les Etats fondateurs du Conseil de l’Europe lui ont confié la mission de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes de liberté individuelle, de liberté politique et de prééminence du droit, qui sont leur patrimoine commun et sur lesquels se fonde toute démocratie véritable.
2. Dans l’Europe actuelle, la démocratie, les droits de l’homme et la prééminence du droit font partie intégrante de la vie quotidienne des Européens. La contribution de notre Organisation à ce qu’il en soit ainsi a été décisive. Elle reste le principal garant de la pérennité de ces valeurs. C’est vers le Conseil de l’Europe, en particulier vers la Cour européenne des droits de l’Homme, que les Européens se tournent en dernier ressort lorsqu’ils estiment que leurs droits sont violés.
3. Pour que le Conseil de l’Europe puisse rester l’institution clé de promotion et de protection efficaces des principes et valeurs fondamentaux au service de tous les Européens, sa pertinence, son fonctionnement et son efficacité doivent être constamment améliorés. A cette fin, une analyse critique et honnête des orientations stratégiques de l’Organisation, de ses atouts et potentialités, mais aussi de ses défaillances, points faibles et limites, est indispensable.
4. En soixante ans, la situation géopolitique globale et européenne a connu des transformations bouleversantes. La fin de la guerre froide et l’effondrement des anciens régimes communistes ont rendu possible la réunification de l’Europe sur la base des idéaux et principes que défend le Conseil de l’Europe. Il est tout à fait naturel que notre Organisation ait été la première à accueillir en son sein les Etats de l’Europe centrale et orientale qui se sont engagés à respecter ces valeurs et à mettre à leur disposition son expérience.
5. Aujourd’hui, avec 47 Etats membres, le Conseil de l’Europe représente l’organisation paneuropéenne la plus large. Son rôle se décline en trois volets: institution-cadre pour la défense et la promotion de la démocratie pluraliste, des droits de l’homme et de la prééminence du droit; cadre d’activités normatives et espace juridique européen; laboratoire d’idées et forum large et inclusif de dialogue et de coopération politiques. L’acquis du Conseil de l’Europe dans ces domaines est unique et constitue une contribution indispensable à l’Europe d’aujourd’hui. Il doit être précieusement gardé et renforcé.
6. En soixante ans, le paysage institutionnel européen a également profondément changé. Pionnier de l’unité européenne – qui est son but statutaire – le Conseil de l’Europe s’est spécialisé dans la défense des valeurs fondamentales, et a partagé avec d’autres organisations son rôle en matière d’intégration européenne. En effet, un nombre croissant d’Etats membres du Conseil de l’Europe ont décidé de s’engager dans une coopération plus avancée et approfondie dans d’autres enceintes, surtout au sein de l’Union européenne.
7. Cependant, le projet politique qui vise l’unité européenne dépasse les limites de l’Union européenne. Dans de nombreux domaines, la coopération européenne ne peut être efficace que si elle englobe le continent tout entier.
8. Le Statut du Conseil de l’Europe, ses instruments juridiques, son expérience et sa compétence en font un cadre approprié pour développer la coopération paneuropéenne sur un pied d’égalité. Il est donc primordial, pour l’avenir du Conseil de l’Europe, que son rôle d’organisation politique paneuropéenne soit réaffirmé et revitalisé, et qu’il continue à offrir aux Etats européens qui n’adhéreront pas à l’Union européenne, la possibilité de participer à la construction d’une Europe unie.
9. En même temps, il est nécessaire de parvenir à une complémentarité accrue entre l’action du Conseil de l’Europe et celles de l’Union européenne et l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) basée sur leurs compétences et domaines d’excellence respectifs, ainsi que sur les accords de coopération (Memorandum d’accord) signés avec ces organisations. Sur ce point, l’Assemblée estime qu’un partenariat plus avancé serait souhaitable avec l’OSCE, compte tenu des compétences de cette institution en matière de sécurité.
10. L’un des avantages comparatifs du Conseil de l’Europe est sa fonction traditionnelle de «réservoir d’idées», sa force de s’attaquer aux problèmes de société, à moyen et à long terme, et à œuvrer à l’élaboration de normes et de politiques. Combinée avec le rôle de l’Organisation dans le suivi de la mise en œuvre des normes et du respect des obligations, cette qualité a été le gage de la pertinence du Conseil de l’Europe pour ses Etats membres.
11. Pour qu’il continue d’en être ainsi, le Conseil de l’Europe doit rester ferme dans la défense des valeurs fondamentales tout en étant ouvert au dialogue et prêt à fournir son assistance. Il doit rester vigilant aux transformations de la société européenne sans chercher à éviter des sujets controversés, évaluer leur impact sur les valeurs essentielles et proposer des réponses adaptées. Il doit veiller à la mise en œuvre et au suivi efficaces de ses travaux. Il doit surtout renforcer ses canaux de communication avec les différents niveaux de la société européenne.
12. Les réussites indéniables de l’action du Conseil de l’Europe ne doivent pas empêcher le constat et la réflexion sur certains problèmes et difficultés dans son fonctionnement. A ce propos, l’Assemblée est préoccupée par certaines tendances qui pourraient signifier la baisse de l’engagement des Etats membres en faveur du Conseil de l’Europe: le faible niveau de participation des ministres des Affaires étrangères aux sessions ministérielles du Comité des Ministres; la croissance zéro en termes réels du budget ordinaire de l’Organisation; la réticence parmi les Etats membres à signer et ratifier les instruments juridiques du Conseil de l’Europe; les tentatives de minimiser l’importance des différents mécanismes indépendants du monitoring, voire de les mettre en cause. Ces tendances doivent être renversées, pour que l’engagement des Etats à la cause du Conseil de l’Europe soit confirmé par des actes concrets.
13. L’Assemblée est également préoccupée par une tendance dangereuse dans les activités du Conseil de l’Europe, y compris dans ses propres travaux, de privilégier une approche à travers le prisme d’opportunité politique des problèmes qui relèvent du domaine des principes et valeurs fondamentaux, au détriment de ceux-ci. Cette tendance est particulièrement nuisible à la crédibilité de l’Organisation censée incarner la conscience démocratique de l’Europe.
14. L’Assemblée estime que la tenue régulière de Sommets des Chefs d’Etat et de Gouvernement du Conseil de l’Europe permet de donner l’impulsion nécessaire à l’Organisation et de maintenir un degré élevé de responsabilité des Etats vis-à-vis de leurs obligations envers elle.
15. En matière budgétaire, l’Assemblée se réfère à son Avis 272 (2009) relatif aux Budgets du Conseil de l’Europe pour l’exercice 2010. Les déclarations des Etats membres en faveur du Conseil de l’Europe doivent être traduites en un soutien réel et accru de son action, matérialisé en décisions budgétaires qui permettent à l’Organisation de s’acquitter pleinement de sa mission statutaire.
16. L’Assemblée estime également nécessaire d’attirer l’attention sur le fait que, de plus en plus souvent, les Etats membres de l’Union européenne soutiennent en bloc au Comité des Ministres les positions élaborées entre eux et présentées par la présidence de l’Union. Cette situation officialise en fait un nouveau clivage à l’intérieur même du Conseil de l’Europe et est préjudiciable à son unité et son avenir.
17. L’Assemblée se déclare en faveur du renforcement du rôle des conférences des ministres spécialisés du Conseil de l’Europe et de leur impact sur les travaux quotidiens de l’Organisation. Elle estime qu’il faudrait envisager les arrangements pour que les différents ministères spécialisés nationaux puissent intervenir dans le choix des priorités pour des actions intergouvernementales et contribuer au financement de certaines activités du Conseil de l’Europe.
18. Par ailleurs, l’Assemblée considère que le fonctionnement interne du Conseil de l’Europe, en particulier en ce qui concerne les relations entre ses organes statutaires, doit être mis davantage en conformité avec les principes et valeurs démocratiques qu’il défend. Elle regrette que, jusqu’à présent, ses propositions formulées dans la Recommandation 1763 (2006) sur l’équilibre institutionnel au Conseil de l’Europe, n’ont eu que peu de suivi de la part du Comité des Ministres.
19. L’Assemblée est convaincue qu’un bon fonctionnement du Conseil de l’Europe n’est possible sans un dialogue véritable, substantiel et permanent entre ses deux organes statutaires. Les canaux de dialogue et de consultation entre l’Assemblée et le Comité des Ministres doivent être revitalisés. Dans ce contexte, l’Assemblée salue l’esprit positif dans lequel se sont déroulées les récentes réunions informelles entre son Comité des Présidents et le Bureau du Comité des Ministres.
20. Concernant les activités futures du Conseil de l’Europe, en plus des orientations énoncées dans la Déclaration du Comité des Ministres à l’occasion du 60e anniversaire de l’Organisation (CM(2009)50 final), une attention particulière devrait être réservée à certains autres domaines tels que la prévention des crises, en particulier dans les zones de conflits gelés, l’analyse des causes et la prévention du terrorisme et de l’extrémisme politique, la violence urbaine, le renforcement de la participation des citoyens à la vie politique, et l’impact de la crise économique sur la démocratie et les droits de l’homme.
21. L’Assemblée estime que les différents travaux du Conseil de l’Europe dans le domaine de la démocratie méritent d’être davantage mis en valeur, et qu’il faut créer sur la base de différents mécanismes et structures en la matière, tels que le Forum annuel sur l’Avenir de la Démocratie, les débats bisannuels de l’Assemblée sur l’état de la démocratie en Europe, la Commission de Venise, l’Université d’été de la démocratie et le réseau des Ecoles des études politiques du Conseil de l’Europe, un «Davos de la Démocratie» – un véritable laboratoire d’idées, de réflexion et d’expertise qui pourrait devenir un pôle d’excellence et de référence à haute visibilité internationale.
22. Par ailleurs, compte tenu des effets de la mondialisation, la dimension extra-européenne de tous les problèmes traités au Conseil de l’Europe devrait être prise en compte.
23. Concernant la situation de la Cour européenne des droits de l’homme, l’Assemblée réaffirme son soutien au rôle unique de cette juridiction et sa ferme position sur la nécessité de l’entrée en vigueur du Protocole 14 à la Convention européenne des droits de l’homme, et espère qu’en attendant, l’entrée en vigueur rapide du Protocole 14bis permettra d’améliorer partiellement la situation. Elle rappelle l’obligation de tous les Etats membres de se conformer pleinement à ses arrêts. Ce faisant, elle se réfère à son Avis 272 (2009) relatif aux Budgets du Conseil de l’Europe pour l’exercice 2010, et réitère sa position énoncée aux paragraphes 6 à 16 dudit Avis. Elle attend de la conférence sur le fonctionnement de la Cour prévue au début de 2010 des initiatives fortes afin de trouver une solution politique à l’impasse actuelle qui met en danger la pérennité du système de justice européen en matière de protection des droits de l’homme.
24. L’Assemblée appelle tous les Etats membres:
24.1. à jouer pleinement leur rôle et à assumer leur responsabilité en tant que membres individuels et à part entière du Conseil de l’Europe, quelle que soit leur position par rapport à d’autres organisations;
24.2. à concrétiser leur attachement au Conseil de l’Europe par une participation plus active à ses activités et le renforcement du financement de celles-ci, une adhésion accrue à ses instruments juridiques et un respect plus strict de leurs obligations;
24.3. à éviter la politisation, la relativisation ou l’instrumentalisation des questions qui relèvent du domaine des principes et valeurs fondamentaux au détriment de l’intégrité et du respect de ceux-ci;
24.4. à ne pas considérer les critiques qui peuvent être faites à leur égard dans le cadre du Conseil de l’Europe comme une action adverse ou un moyen de pression, mais comme une démarche ayant pour but d’éliminer des défaillances et d’améliorer le fonctionnement de la démocratie et le respect des droits de l’homme;
24.5. à veiller au strict respect et à la mise en œuvre complète et efficace des instruments juridiques du Conseil de l’Europe, et à garantir un fonctionnement sans entrave des mécanismes indépendants de suivi de l’Organisation et la mise en œuvre complète de leurs recommandations;
25. L’Assemblée appelle les responsables politiques européens de tous les niveaux à faire preuve de volonté politique pour assurer un soutien sans faille du Conseil de l’Europe dans l’accomplissement de ses missions statutaires.
26. L’Assemblée est consciente que ses propres activités et méthodes de travail doivent faire constamment l’objet d’une analyse critique et objective. En particulier, il faut résister aux tentatives d’instrumentaliser ou de relativiser en fonction de l’opportunité politique des problèmes qui relèvent du domaine des principes et valeurs essentiels au détriment de ceux-ci, et faire preuve de courage politique pour sanctionner des comportements incompatibles avec ces principes et valeurs. L’engagement individuel des membres de l’Assemblée à sa cause et la participation à ses activités sont essentiels. La tendance négative de baisse de participation des membres aux travaux de l’Assemblée, qui traduit en fait un désengagement politique, doit absolument être renversée.
27. L’Assemblée exprime sa ferme intention de contribuer encore davantage, par toutes ses activités, à ce que le Conseil de l’Europe reste un élément clé de l’architecture institutionnelle européenne, une institution de référence dans les domaines de ses compétences de base, et un moteur de coopération paneuropéenne pluridimensionnelle dans d’autres secteurs de ses activités.
28. En ce qui concerne ses propres activités, l’Assemblée décide:
28.1. d’appeler instamment ses membres à faire plein usage de leurs mandats législatifs nationaux afin de promouvoir les valeurs du Conseil de l’Europe, d’assurer un plein soutien à ses activités, y compris en ce qui concerne son budget, et de faire connaître ses propres travaux;
28.2. de renforcer ses activités en ce qui concerne le développement de la base normative de la démocratie;
28.3. d’étudier, dans l’esprit positif des récentes réunions informelles entre le Comité des Présidents de l’Assemblée et le Bureau du Comité des Ministres, les moyens de redynamiser le dialogue et de revitaliser les canaux de consultation avec le Comité des Ministres, ainsi que d’améliorer la coopération entre les différentes instances du Conseil de l’Europe sur les questions cruciales relevant de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit;
28.4. d’envisager la mise en place de mécanismes de coopération avec le Comité des Ministres et, le cas échéant, avec d’autres instances du Conseil de l’Europe, pour assurer une réponse coordonnée en matière de prévention des crises et de règlement des conflits;
28.5. d’inviter plus souvent différents ministres spécialisés des Etats membres à intervenir au cours de ses débats;
28.6. de renforcer sa coopération et de viser à établir des relations de véritable partenariat avec les parlements nationaux des Etats membres;
28.7. d’envisager, en coopération avec les délégations nationales concernées, les moyens pour établir un dialogue préalable avec des représentants des Etats qui assumeront la présidence au Comité des Ministres, afin de contribuer à l’élaboration des programmes et à la définition des priorités des futures présidences;
28.8. d’examiner l’opportunité d’associer ex officio à son Bureau les présidents des délégations parlementaires des pays de la Troïka (présidences sortante, courante et à venir du Comité des Ministres) afin de renforcer l’influence parlementaire sur les présidences du Comité des Ministres et assurer une plus grande continuité dans l’action de l’Assemblée;
28.9. de veiller à une plus grande pertinence de ses travaux et à une sélection plus rigoureuse des sujets à traiter de manière à ne pas se laisser instrumentaliser par des intérêts nationaux ou partisans;
28.10. d’envisager les moyens pour renforcer les activités ciblées sur des groupes sociaux spécifiques et, en particulier, d’examiner la possibilité d’organiser régulièrement à Strasbourg des réunions d’une Assemblée européenne des jeunes;
28.11. d’examiner l’opportunité de revenir à une durée de trois ans des mandats de son Président et des présidents des commissions afin d’assurer une plus grande continuité de ses travaux;
28.12. d’intensifier la coopération avec le Parlement européen sur la base de l’accord sur le renforcement de la coopération entre les deux institutions;
28.13. de renforcer ses relations avec des partenaires extérieurs et, en particulier, de promouvoir les liens avec les parlements des Etats voisins de l’Europe dans le cadre du statut de partenaire pour la démocratie.

B. Projet de recommandation

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1. Au moment du 60e anniversaire du Conseil de l’Europe, nous célébrons les acquis et réalisations incontestables de notre Organisation durant les six décennies de ses activités et le rôle qu’elle a joué dans la transformation démocratique du continent européen. En même temps, cette date offre une occasion de procéder à une analyse et à une réflexion honnêtes et objectives sur le positionnement du Conseil de l’Europe dans le système institutionnel européen, sur ses atouts et potentialités, mais aussi sur ses failles, points faibles et limites. Cela est indispensable pour assurer l’adaptation du Conseil de l’Europe aux nouveaux défis, afin qu’il reste l’institution clé de la construction d’une Europe unie fondée sur les principes et valeurs de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit, et continue à garantir la promotion et la protection efficaces de ces principes et valeurs.
2. L’Assemblée parlementaire et le Comité des Ministres, les deux organes statutaires investis de la responsabilité générale du Conseil de l’Europe, se doivent de mener cette réflexion ensemble. Dans ce contexte, l’Assemblée se réfère à la Résolution …. (2009) relative à l’avenir du Conseil de l’Europe à la lumière de ses 60 années d’expérience, et invite le Comité des Ministres à prendre dûment en considération les idées, préoccupations et propositions contenues dans ce texte.
3. L’Assemblée est convaincue que l’efficacité du Conseil de l’Europe et sa place dans l’architecture institutionnelle européenne dépendent essentiellement du degré d’engagement de ses Etats membres en sa faveur. Elle estime primordial de faire en sorte que cet engagement ne fasse aucun doute et soit vérifié par des actes concrets. A cette fin, elle appelle instamment le Comité des Ministres:
3.1. à renforcer la portée politique des sessions ministérielles du Comité des Ministres, de sorte que chaque session devienne un événement politique majeur où des décisions politiques d’envergure sont prises;
3.2. à étudier l’opportunité de la tenue, à intervalles réguliers, de Sommets du Conseil de l’Europe pour décider des orientations stratégiques, en tenant compte de l’impulsion qu’ils donnent aux activités de l’Organisation;
3.3. à promouvoir plus activement les instruments juridiques élaborés au Conseil de l’Europe, et à encourager la signature et la ratification de ces instruments par les Etats membres;
3.4. à prévenir toute possibilité de nouveaux clivages à l’intérieur même du Conseil de l’Europe en fonction de l’appartenance de ses Etats membres à d’autres organisations, et en particulier à chercher à réduire l’influence de l’Union européenne et de la présidence de celle-ci sur la prise des décisions au sein du Comité des Ministres;
3.5. à revoir la stratégie budgétaire du Conseil de l’Europe pour le doter des moyens à la hauteur de ses missions;
3.6. à renforcer la portée des conférences des ministres spécialisés du Conseil de l’Europe, leur lien avec et leur impact sur les activités de l’Organisation, et en particulier, à envisager la possibilité pour les ministères spécialisés de contribuer au financement de certaines activités du Conseil de l’Europe en contrepartie de la délégation en leur faveur de certaines compétences du Comité des Ministres, notamment en ce qui concerne le choix des priorités pour les actions intergouvernementales du Conseil de l’Europe, comme cela est prévu par la Résolution (89)40 du Comité des Ministres.
4. L’Assemblée estime que les différents travaux du Conseil de l’Europe dans le domaine de la démocratie méritent d’être davantage mis en valeur. Elle recommande au Comité des Ministres d’étudier avec elle la mise en place, sur la base de différents mécanismes et structures en la matière, tels que le Forum annuel sur l’Avenir de la Démocratie, les débats biannuels de l’Assemblée sur l’état de la démocratie en Europe, la Commission de Venise, l’Université d’été de la démocratie et le réseau des Ecoles des études politiques du Conseil de l’Europe, d’un «Davos de la Démocratie», véritable laboratoire d’idées, de réflexion et d’expertise qui pourrait devenir un pôle d’excellence et de référence à haute visibilité internationale.
5. L’Assemblée est convaincue qu’un bon fonctionnement du Conseil de l’Europe n’est possible sans un dialogue véritable, substantiel et permanent entre ses deux organes statutaires. Les canaux de dialogue et de consultation entre l’Assemblée et le Comité des Ministres doivent être revitalisés. Dans ce contexte, l’Assemblée salue l’esprit positif dans lequel se sont déroulées les récentes réunions informelles entre son Comité des Présidents et le Bureau du Comité des Ministres. Elle appelle instamment le Comité des Ministres:
5.1. à revoir ses méthodes de travail en ce qui concerne la préparation des réponses aux recommandations de l’Assemblée afin d’assurer que ces réponses soient établies dans des délais plus courts (en principe, ne dépassant pas les six mois) et avec une plus grande attention sur la substance;
5.2. à prévoir des délais raisonnables (en principe de trois mois au moins) pour la consultation statutaire de l’Assemblée sur des projets de conventions, et à informer régulièrement celle-ci des suites réservées aux propositions d’amendements formulées dans ses Avis statutaires;
5.3. à étudier, conjointement avec l’Assemblée, les moyens de faire du Comité Mixte un véritable cadre de dialogue substantiel et de consultation efficace entre les deux organes, par exemple, en ne le convoquant qu’en cas de besoin et au niveau des décideurs politiques;
5.4. à étudier, conjointement avec l’Assemblée, les moyens de donner plus de visibilité et de substance politique aux échanges de vue traditionnels entre la Commission permanente de l’Assemblée et la présidence du Comité des Ministres;
5.5. à intensifier le dialogue avec l’Assemblée sous toutes les formes qui ont prouvé leur efficacité, tels que les contacts entre le Président de l’Assemblée et le Président du Comité des Ministres, les réunions informelles entre le Comité des Présidents de l’Assemblée et le Bureau du Comité des Ministres, les contacts de travail entre les commissions de l’Assemblée et les Groupes de rapporteurs du Comité des Ministres;
5.6. d’envisager la mise en place de mécanismes de coopération entre l’Assemblée et le Comité des Ministres et, le cas échéant, d’autres instances du Conseil de l’Europe, pour assurer une réponse coordonnée en matière de prévention des crises et de règlement des conflits;
5.7. d’envisager la mise en place d’un cadre approprié pour des échanges de vues entre l’Assemblée et le Comité des Ministres en ce qui concerne les priorités du Conseil de l’Europe pour l’année à venir et les résultats obtenus l’année précédente.
6. L’Assemblée considère donc que le fonctionnement interne du Conseil de l’Europe, en particulier en ce qui concerne les relations entre ses organes statutaires, doit être mis davantage en conformité avec les principes et valeurs démocratiques qu’il défend. Elle réitère ses propositions formulées dans la Recommandation 1763 (2006) sur l’équilibre institutionnel au Conseil de l’Europe, et appelle instamment le Comité des Ministres:
6.1. à poursuivre le dialogue avec elle sur les aspects institutionnels du fonctionnement de l’Organisation;
6.2. à intensifier sa réflexion sur les suites substantielles à donner à l’ensemble des propositions contenues dans la Recommandation 1763 (2006).

C. Exposé des motifs présenté par M. Jean-Claude Mignon, rapporteur

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1. Introduction

1. Lors de la 119e session ministérielle tenue le 12 mai 2009 à Madrid, le Comité des Ministres a adopté une Déclaration à l’occasion du 60e anniversaire du Conseil de l’Europe, qui contient une série de principes et orientations pour l’action future de l’Organisation.
2. La Commission des questions politiques, réunie le 26 mai 2009 à Paris, a pris connaissance de ce document et a estimé qu’une réflexion plus large et approfondie est nécessaire sur l’avenir du Conseil de l’Europe. Elle a donc proposé au Bureau de tenir, au cours de la partie session d’automne 2009 de l’Assemblée, un débat de politique générale sur Le futur du Conseil de l’Europe à la lumière de ses 60 années d’expérience.
3. Le Bureau a marqué son accord avec cette proposition. La Commission permanente de mai 2009 a renvoyé la question à la commission des questions politiques. Celle-ci a tenu un premier échange de vues sur ce sujet en juin 2009 et m’a désigné en tant que son rapporteur.
4. L’objectif du présent rapport est donc de proposer, pour le débat de politique générale à tenir en octobre 2009, quelques pistes de réflexion sur l’évolution de la mission du Conseil de l’Europe et son adaptation aux nouvelles réalités de l’Europe d’aujourd’hui.
5. Au cours de la préparation du rapport, j’ai eu l’occasion de m’entretenir avec un certain nombre de personnes y compris avec de nombreux collègues de l’Assemblée parlementaire ainsi qu’avec plusieurs Ambassadeurs représentant leurs pays auprès du Conseil de l’Europe. Je tiens à leur exprimer ma gratitude pour leurs contributions précieuses. J’attends également avec intérêt la Conférence sur «Quel avenir pour la démocratie et les droits de l’homme en Europe? Le rôle du Conseil de l’Europe» que notre commission tiendra le 11 septembre 2009 et j’ai l’intention d’annexer la synthèse des débats de cette conférence à mon rapport.

2. Bilan des activités du Conseil de l’Europe et sa place en Europe

2.1. Principales réalisations du Conseil de l’Europe

6. En cette année du 60e anniversaire du Conseil de l’Europe, il est utile de rappeler le chemin parcouru par notre Organisation depuis son établissement, le rôle qu’elle a pu jouer et celui auquel elle est appelée, son positionnement par rapport à d’autres organisations européennes, ses atouts et potentialités mais aussi ses failles, points faibles et limites. Seule une telle analyse, critique et honnête, parfois même douloureuse, permettra une réflexion approfondie sur la situation de cette institution, sur ses perspectives d’évolution et d’adaptation aux nouveaux défis. Un débat ouvert devra aboutir à l’identification des mesures à prendre afin d’améliorer la pertinence, le fonctionnement et l’efficacité de notre Organisation.
7. La création du Conseil de l’Europe en 1949 a été un défi. Dans une Europe où les relations entre Etats étaient déterminées par des rapports de force et par les «intérêts nationaux» contradictoires, voire conflictuels, dans une Europe ravagée par les années de guerre, de haine et d’hostilité qui causèrent tant de souffrances humaines, les fondateurs du Conseil de l’Europe ont clamé haut et fort que la démocratie, la prééminence du droit et les droits de l’homme constituent des valeurs fondamentales sur lesquelles doit se construire une nouvelle Europe, celle de paix et de coopération. La nouvelle Organisation a donc reçu pour mission d’affirmer, de protéger et de promouvoir ces principes et valeurs communs.
8. Aujourd’hui, après soixante ans d’activités, le Conseil de l’Europe est un élément incontournable de la réalité politique européenne et un acteur clé du paysage institutionnel de notre continent. Il a joué un rôle principal dans la transformation démocratique de plusieurs pays sur notre continent. A présent, il réunit la quasi-totalité des Etats européens et grâce aux mécanismes du suivi des obligations juridiquement contraignantes prises au moment de l’adhésion, il surveille la mise en œuvre et le respect des principes de la démocratie et des droits de l’homme dans les Etats membres.
9. La définition, la codification, la protection (y compris par des moyens juridiques) et la promotion des principes et valeurs fondamentaux inscrits dans son Statut – droits de l’homme, démocratie et prééminence du droit – constituent ainsi la mission essentielle du Conseil de l’Europe et se trouvent au cœur de ses activités.
10. Il faut également souligner le rôle du Conseil de l’Europe en ce qui concerne la mise en place d’un espace juridique commun à l’échelle du continent européen basé sur la prééminence du droit. Cet espace est défini par les activités normatives de l’Organisation et ses quelques 200 conventions, dont plusieurs ouvertes aux Etats non membres, y compris ceux situés hors de l’Europe. La Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales y tient une place particulière en tant qu’instrument juridiquement contraignant de l’ordre public européen, et présente de ce fait un caractère quasi-constitutionnel. A cela il faut ajouter la jurisprudence contraignante de la Cour européenne des droits de l’homme qui représente une source majeure du droit européen des droits de l’homme.
11. Le Conseil de l’Europe est aussi un important forum de dialogue et de coopération politiques paneuropéens aux différents niveaux: intergouvernemental, parlementaire, élus locaux, représentants de la société civile. L’un de ses principaux points forts est sa capacité de s’attaquer aux problèmes de société à moyen et à long terme, de servir ainsi de «laboratoire d’idées» et de définir sur cette base des politiques communes. Il offre également un cadre privilégié pour une coopération approfondie entre ministres et experts gouvernementaux spécialisés.
12. De plus, il demeure le forum politique large et inclusif, intégrant les pays membres et non-membres de l’Union Européenne, parmi ces derniers notamment la Russie et la Turquie, et s’ouvrant au dialogue politique et interculturel avec les Etats voisins en Afrique du Nord, au Proche Orient et en Asie Centrale.
13. La dimension parlementaire du Conseil de l’Europe est l’un de ses atouts majeurs. En réunissant les représentants législatifs nationaux, l’Assemblée parlementaire constitue une plateforme de dialogue et ouvre des perspectives de coopération parlementaire sans précédent.
14. Au cours de ses soixante années d’existence, le Conseil de l’Europe a souvent joué le rôle de pionnier dans de nombreux domaines de coopération. En même temps, il a dû s’adapter aux réalités qui évoluent, et réduire certaines de ses activités au profit d’autres institutions. Rappelons à ce propos les décisions des trois Sommets consécutifs des Chefs d’Etat et de Gouvernement des Etats membres du Conseil de l’Europe tenus respectivement en 1993 à Vienne, en 1997 à Strasbourg et en 2005 à Varsovie qui ont recadré les activités de l’Organisation en fonction des développements politiques de manière à contribuer à sa mission essentielle qui est de préserver et promouvoir les droits de l’homme, la démocratie et la prééminence du droit.

2.2. Points faibles et limites de l’action du Conseil de l’Europe

15. Les réussites indéniables de l’action du Conseil de l’Europe ne doivent pas empêcher le constat et la réflexion approfondie sur certaines difficultés rencontrées au cours de son fonctionnement. Seules l’identification et la reconnaissance des failles permettront de les éliminer. Un débat courageux est indispensable afin de définir les mesures concrètes pour améliorer le fonctionnement de notre Organisation.
16. Les difficultés rencontrées par le Conseil de l’Europe rentrent dans deux catégories: d’une part, il s’agit d’éléments externes, indépendants de l’Organisation elle-même qui relèvent de l’architecture de l’Europe, de sa structure institutionnelle ainsi que de la volonté politique des dirigeants européens.
17. D’autre part, il y a des limites internes ou institutionnelles au sein de l’Organisation qui peuvent s’avérer nuisibles à l’efficacité et à la réussite de l’action du Conseil de l’Europe et l’accomplissement de ses objectifs.
18. S’agissant des éléments externes, la place et l’importance du Conseil de l’Europe dans l’architecture européenne dépendent essentiellement du degré de l’engagement de ses Etats membres en sa faveur. Même si le Conseil de l’Europe est la plus ancienne des organisations européennes existantes, il n’est pas seul sur le terrain. Deux autres organisations, l’Union européenne et l’OSCE sont particulièrement pertinentes, par leur place, leurs champs d’activité et leur composition. On peut constater que ces trois institutions européennes se rapprochent de plus en plus en ce qui concerne leur composition et leurs domaines de compétences. Cela pose à l’ordre du jour plusieurs questions liées à la nécessaire coordination des leurs activités.
19. Suite aux décisions du 3e Sommet de Chefs d’Etat et de Gouvernement des Etats membres du Conseil de l’Europe qui s’est prononcé en faveur d’une complémentarité accrue entre les trois instances basée sur leurs compétences et domaines d’excellence respectifs, des accords de coopération (Memorandum of Understanding) ont été signés respectivement avec chacune de ces organisations. L’évaluation de la mise en œuvre de modalités de coopération est en cours de préparation à l’Assemblée et notre collègue, M. Wilshire nous présentera son rapport prochainement. De mon côté, j’estime qu’il faut travailler plus activement dans le sens d’un partenariat privilégié avec l’OSCE. Même si les activités de nos deux organisations donnent parfois lieu à certains frictions ou malentendus, le Conseil de l’Europe et l’OSCE sont vraiment complémentaires, puisque l’OSCE a des compétences en matière de sécurité que le Conseil de l’Europe n’a pas.
20. Néanmoins, même si les accords sont pleinement mis en œuvre et respectés, la coopération ne peut pas remplacer la volonté politique des dirigeants des pays membres à attribuer au Conseil de l’Europe une place et une importance à la hauteur de sa mission.
21. Certes, les déclarations faisant état d’un soutien sans faille de notre Organisation par ses membres sont nombreuses mais pourtant certains signes ne trompent pas et sont inquiétants. Le faible niveau de participation des ministres des affaires étrangères aux sessions ministérielles est parmi ceux qui sont les plus visibles. Nos ministres, qui composent collectivement l’un des deux organes statutaires du Conseil, se voient beaucoup plus souvent dans d’autres formats (Nations Unies, Union européenne, OSCE) que dans la salle de réunion du Comité des Ministres.
22. Le budget du Conseil de l’Europe, avec croissance zéro de sa partie ordinaire depuis plusieurs années, en dit beaucoup sur la place qu’occupe notre Organisation parmi les priorités des Etats membres. Ce refus de doter le Conseil de moyens suffisants pour mener à bien ses tâches ne signifie-t-il que les gouvernements donnent la préférence à d’autres formats pour la gestion des dossiers prioritaires?
23. La pratique de plus en plus courante selon laquelle les Etats membres de l’Union européenne se tiennent, au moment de la prise de décision au Comité des Ministres, à la position de la Présidence de l’Union, ne traduit-elle pas également cette tendance inquiétante: le déplacement du centre de prise de décisions de Strasbourg vers Bruxelles, un désintérêt croissant pour les affaires du Conseil parmi les membres de l’Union européenne et des tentatives de le marginaliser au profit de l’Union? Cela serait encore plus grave si on tient compte du fait que les candidats et partenaires de l’Union ont tendance à se solidariser avec les positions de celle-ci.
24. Parmi d’autres signes inquiétants, on constate un manque d’entrain chez certains Etats membres lorsqu’il s’agit d’adhérer aux conventions du Conseil, – conventions qui sont pourtant préparées avec leur participation.
25. Enfin, on observe une tendance inquiétante de minimiser l’importance des différents mécanismes indépendants de «monitoring» créés dans le cadre du Conseil de l’Europe (tels que le Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI), la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales (FCNM), la Charte sociale européenne (CSE), et même la Cour et le Commissaire aux droits de l’homme), voire les mettre en cause.
26. Pour sa part, l’Assemblée parlementaire n’est pas sans reproche non plus. Depuis longtemps, nous pouvons observer un taux de participation très bas dans les débats et dans les réunions des commissions. Les mesures introduites afin d’améliorer la participation des membres n’ont malheureusement pas apporté des résultats tangibles et cette situation peut être embarrassante lorsque la presse cite le nombre des votants.
27. La question la plus essentielle et délicate concerne une tendance inquiétante et potentiellement très dangereuse que l’on peut observer depuis un certain temps dans l’action de notre Organisation, à savoir une certaine «politisation» de problèmes qui relèvent du domaine des valeurs fondamentales au détriment de celles-ci. Certains parlent même de «doubles standards», manque de courage ou de volonté politique. Même si l’on considère ces critiques comme excessives, on ne peut pas les ignorer et il faut en discuter.
28. A ce propos, nous nous devons de porter un regard critique sur certaines décisions – ou plutôt l’absence de décisions – de l’Assemblée concernant des dossiers dits «délicats». Avons-nous toujours le courage politique nécessaire pour sanctionner, avec les moyens qui sont à notre disposition, des comportements que nous considérons contraires à nos principes et valeurs? Ne cédons-nous trop facilement à la tentation de faire de la «Realpolitik» au lieu de faire notre devoir de protéger ces principes et valeurs?
29. D’autre part, la deuxième catégorie de limites d’action du Conseil de l’Europe concerne le fonctionnement interne de l’organisation, l’équilibre interinstitutionnel et la dimension démocratique. Même si toutes ces questions relèvent plutôt de la compétence de la Commission chargée des questions interinstitutionnelles (Commission du Règlement), je me sens obligé de les évoquer ici en me référant, inter alia, aux rapports pertinents de la commission compétente sur ce sujet 
			(1) 
			Cf. Recommandation 1763 (2006) sur l’équilibre institutionnel
au Conseil de l’Europe, ainsi que le rapport en cours de
préparation sur Manque de suivi approprié,
par le Comité des Ministres, des travaux de l’Assemblée parlementaire..
30. L’Assemblée parlementaire est, avec le Comité des Ministres, l’un des deux organes statutaires du Conseil de l’Europe. Composée de députés et sénateurs des Parlements nationaux des Etats membres, elle est censée incarner le caractère démocratique de l’Organisation et assurer la représentation des citoyens européens dans le processus politique européen.
31. De ce fait, elle constitue un véritable moteur politique de l’Organisation: les élus nationaux qui en font partie remontent systématiquement au niveau européen les grandes questions de société auxquelles ils se heurtent au niveau national, afin de trouver des réponses communes. Ce caractère représentatif constitue par ailleurs la principale source de légitimité de l’Assemblée; son indépendance politique et ses liens avec les parlements nationaux contribuent à renforcer son positionnement institutionnel au sein de l’Organisation et bien au-delà.
32. Cependant, force est de constater que les pouvoirs statutaires d’influer sur les orientations politiques du Conseil de l’Europe dont dispose l’Assemblée sont assez limitées. Contrairement à l’Union Européenne, aucune procédure de codécision n’est prévue. Le Comité des Ministres, agissant sur les instructions des gouvernements nationaux, est seul habilité à prendre les décisions au nom du Conseil de l’Europe et n’est pas tenu de donner des suites favorables aux recommandations de l’Assemblée.
33. Les réponses du Comité des Ministres aux propositions formulées par l’Assemblée dans ses recommandations sont de moins en moins satisfaisantes. Elles manquent souvent de substance et sont tardives.
34. Par ailleurs, lorsque le Comité des Ministres demande un avis statutaire de l’Assemblée sur un projet de convention, cela se passe de plus en plus souvent au dernier moment. Cette pratique doit être changée pour permettre à l’Assemblée de disposer d’un délai raisonnable pour s’acquitter de ses responsabilités sans être soumise à la pression de temps. De plus, l’Assemblée devrait être informée des suites réservées par le Comité des Ministres aux propositions d’amendements qu’elle formule. Il est à rappeler que ces points étaient mentionnés dans la Recommandation 1763 (2006) sur l’équilibre institutionnel au Conseil de l’Europe.
35. Les récentes frictions dans les relations entre les deux organes statutaires à propos d’élection du nouveau Secrétaire général n’en sont qu’un exemple parmi d’autres qui montre que l’équilibre institutionnel et le fonctionnement démocratique du Conseil de l’Europe devraient être revisités et améliorés. La situation actuelle nuit à la crédibilité du Conseil de l’Europe et n’est pas sans susciter des questions sur le caractère démocratique du fonctionnement de notre Organisation dont la mission est précisément de sauvegarder et promouvoir la démocratie!
36. Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme, organe phare du Conseil de l’Europe en matière de protection des droits de l’homme, a de plus en plus de difficultés à mener à bien sa mission sous la pression croissante des requêtes toujours plus nombreuses. Les espoirs d’obtenir justice en dernier ressort qu’elle suscite auprès du public européen dépassent largement ses capacités. Ses procédures sont marquées par les mêmes défauts de lenteur procédurale qu’elle est censée réparer au niveau des systèmes juridiques nationaux. Cette situation risque de discréditer le système, ce qui aurait des conséquences désastreuses pour les individus.
37. L’absence de l’entrée en vigueur du Protocole n° 14 qui a pour but de simplifier et accélérer certaines procédures à la Cour Européenne des droits de l’Homme peut servir d’illustration des inquiétudes exprimées ci-avant. Il faut espérer que la mise en œuvre rapide du Protocole 14bis permettra de redresser partiellement la situation.
38. La question de l’exécution des arrêts de la Cour constitue un autre point suscitant l’inquiétude. L’Assemblée s’est penchée sur ce problème récemment et notre collègue, M. Pourgourides l’examine au nom de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme.
39. L’augmentation considérable du budget de la Cour n’a pas permis de la désengorger. Tout porte à croire qu’accroître de façon exponentielle les dépenses de la Cour au détriment des autres organes et institutions du Conseil de l’Europe n’est pas en soi une bonne stratégie.

3. Comment renforcer l’efficacité de l’action du Conseil de l’Europe

40. Sur la base des constats faits dans le chapitre précédent, l’Assemblée devrait engager un débat sur les mesures à prendre pour améliorer, tant au niveau institutionnel, que politique, l’efficacité de notre Organisation. Evidemment, certaines démarches ne sont pas dans notre compétence mais de celle du Comité des Ministres, d’autres relèvent de la volonté politique des dirigeants européens, mais je crois qu’il nous appartient d’attirer leur attention, de mettre en évidence le constat fait et de formuler les recommandations.

3.1. Engagement des Etats membres de l’Organisation

41. Il est absolument vital de renverser les tendances dangereuses de désengagement et faire en sorte que l’engagement de nos Etats membres en faveur de l’Organisation ne fasse aucun doute et soit vérifié par des actes concrets. Il s’agit là de l’avenir du Conseil de l’Europe, de la pérennité et de l’efficacité de ses mécanismes.
42. S’agissant des sessions ministérielles du Comité des Ministres, deux aspects peuvent être distingués: la substance à l’ordre du jour et l’emploi du temps trop chargé des ministres. En matière de substance, c’est le devoir de toutes les structures du Conseil de l’enrichir. L’Assemblée doit également y contribuer plus activement. Quant aux agendas trop chargés des ministres, leur participation à d’autres événements au détriment du Conseil de l’Europe traduit clairement le manque d’engagement pour notre Organisation. Pourquoi ne pas introduire des critères clairs du niveau de participation requise, de sorte que le pays qui n’est pas représenté à un niveau nécessaire soit pénalisé?
43. La situation budgétaire du Conseil de l’Europe n’est pas acceptable et certaines décisions stratégiques en matière de budget doivent être revues. L’Assemblée s’est prononcée en ce sens à plusieurs reprises dans ses avis. Cependant, à ce jour le Comité des Ministres n’a pas donné suite à ses recommandations en la matière. Compte tenu du fait que l’Assemblée ne soit pas statutairement en mesure d’intervenir de manière décisive dans le processus budgétaire, ses membres devraient utiliser activement leurs mandats législatifs nationaux afin de l’influencer au niveau de leurs Gouvernements, pour que ceux-ci traduisent leurs déclarations en faveur du Conseil de l’Europe en un soutien réel de ses activités matérialisé en décisions budgétaires.
44. Tous les Etats membres, quelle que soit leur position par rapport à d’autres organisations, doivent jouer pleinement leur rôle et assumer leur responsabilité en tant que membres individuels et à part entière du Conseil de l’Europe.
45. Jusqu’à ce que l’Union européenne ne devienne membre collectif, son influence sur la prise des décisions au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe doit être réduite – sans préjudice aux nécessaires complémentarité et coopération des deux organisations conformément aux dispositions de l’Accord de coopération (Memorandum of Understanding).
46. Compte tenu de l’expérience des trois Sommets du Conseil de l’Europe, qui ont donné des impulsions nécessaires aux activités de l’Organisation, il serait judicieux de proposer la tenue de ces Sommets à intervalles réguliers pour prendre des décisions politiques fondamentales sur les orientations du Conseil de l’Europe. Bien entendu, l’efficacité d’un Sommet dépend de la qualité de la préparation de son ordre du jour politique. Il est donc essentiel que cet ordre du jour ne soit pas de la seule responsabilité des Délégués des Ministres, et qu’il tienne pleinement compte des contributions de l’Assemblée, ainsi que des autres instances du Conseil de l’Europe.
47. Il me semble également souhaitable de renforcer la portée des conférences des ministres spécialisés du Conseil de l’Europe et rendre plus efficace leur lien avec, et leur impact sur les activités quotidiennes de l’Organisation. Les Délégués des Ministres sont en train de revoir les dispositions relatives à l’organisation des conférences de ministres spécialisés. Dans ce contexte, on pourrait envisager que les différents Ministères nationaux puissent contribuer au financement de certaines activités du Conseil dans leurs domaines de compétence, en contrepartie de la délégation en leur faveur de certaines compétences du Comité des Ministres, notamment, en ce qui concerne le choix des priorités pour les actions intergouvernementales du Conseil de l’Europe, comme cela est prévu par la Résolution (89)40 du Comité des Ministres. De son coté, l’Assemblée devrait élargir la pratique d’inviter les différents ministres spécialisés à venir s’exprimer dans le cadre de ses débats pléniers consacrés à des sujets d’actualité qui relèvent de leurs compétences.
48. Par ailleurs, le Conseil de l’Europe renforcerait son positionnement dans les Etats membres et gagnerait un soutien supplémentaire s’il impliquait davantage dans ces travaux des représentants de la société civile au sens large. Il dispose d’un cadre institutionnel unique pour cela – le statut participatif accordé à un nombre important d’organisations non-gouvernementales réunies au sein de la Conférence des organisations internationales non-gouvernementales du Conseil de l’Europe.

3.2. Fonctionnement démocratique interne du Conseil de l’Europe

49. Il est absolument nécessaire que le Comité des Ministres revoie ses méthodes de travail pour fournir des réponses plus rapides (par exemple dans un délai ne dépassant pas six mois) et surtout beaucoup plus substantielles aux textes de l’Assemblée. Je rappelle à ce propos que la Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles a récemment été saisie d’un rapport sur le Manque de suivi approprié, par le Comité des Ministres, des travaux de l’Assemblée parlementaire.
50. Il est incontestable qu’une Assemblée plus forte, plus active et plus écoutée (et entendue) contribuerait à renforcer l’organisation dans son ensemble, sa légitimité démocratique et son efficacité au service des Européens. Il est dès lors important d’envisager des moyens pour renforcer la position, l’autorité et le potentiel politiques de l’Assemblée. Dans ce contexte, les propositions contenues dans la Recommandation 1763 (2006) précitée restent toujours d’actualité. On peut espérer par ailleurs que les récentes réunions informelles entre le Comité présidentiel de l’Assemblée et du Bureau du Comité des Ministres, qui jusqu’à présent ont donné lieu à des échanges de vues constructifs, apporteront des résultats escomptés.
51. Dans ce même contexte, on se souviendra des demandes formulées par l’Assemblée à plusieurs reprises – y compris dans la Recommandation 1763 (2006) précitée – au sujet d’un renforcement nécessaire de son rôle statutaire, notamment en ce qui concerne l’implication de l’Assemblée concernant l’élaboration, l’adoption et l’application des instruments juridiques du Conseil de l’Europe, sa place dans la prise de décision, ses pouvoirs dans la procédure budgétaire, dans le contrôle des activités de l’Organisation et dans certains autres domaines. Je ne peux que regretter que la plupart de ces demandes sont restées sans suites de la part des Délégués.
52. Les canaux de dialogue existants entre l’Assemblée et le Comité des Ministres sont trop formalisés et loin d’être efficaces. Il faut faire preuve d’imagination pour redonner à ce dialogue un caractère permanent, ouvert, dynamique et consistant.
53. Dans ce contexte, les récentes réunions régulières informelles entre le Comité présidentiel de l’Assemblée et le Bureau du Comité des Ministres, ainsi que les contacts entre le Président de l’Assemblée et le Président des Délégués, méritent d’être mentionnés. Ces pratiques devraient être développées, en particulier pour coordonner les positions des deux organes du Conseil, notamment sur les questions d’actualité, en matière de prévention de conflits, ou face à des situations de crise.
54. Il faudrait également donner plus de visibilité et de substance politique aux échanges de vue traditionnels entre la nouvelle Présidence du Comité des Ministres et l’Assemblée dans le cadre des réunions de la Commission permanente.
55. La participation réciproque des représentants de l’Assemblée (par exemple, présidents et rapporteurs des commissions) et des Délégués (par exemple, présidents des Groupes de rapporteurs) dans les travaux des deux organes devrait être encouragée et développée davantage.
56. Il faut également repenser le fonctionnement du Comité mixte. Dans sa forme actuelle, il n’a guère d’utilité en tant que cadre de dialogue et de consultation entre l’Assemblée et le Comité des Ministres. Ne serait-il pas justifié de revenir au principe d’un Comité mixte au niveau ministériel et convoqué uniquement si nécessaire pour permettre un véritable dialogue entre décideurs politiques?

3.3. Rôle de l’Assemblée parlementaire

57. Au-delà des questions interinstitutionnelles, l’importance et la pertinence de notre Assemblée se jouent en son sein. C’est l’engagement de ses membres, des parlementaires, de nous-mêmes collègues, notre courage, notre ténacité et notre détermination qui définissent notre rôle. Il est essentiel de rester fidèles à nos valeurs, sans compromission dans leur protection, il ne faut pas hésiter à sanctionner des abus tout en étant ouverts au dialogue et à la coopération constructifs. L’Assemblée doit rester la conscience de l’Europe. Pour cela, nous ne devons pas permettre que la «Realpolitik» prenne le dessus sur nos principes et valeurs de base.
58. Il est important aussi que l’Assemblée puisse pleinement utiliser la force qu’elle tient des pouvoirs législatifs nationaux de ses membres. A ce propos, je me réfère au rapport présenté il y a quelques mois par notre collègue Lord Tomlinson sur Utilisation par les membres de l’Assemblée de leur double rôle parlementaire – national et européen. En tant que parlementaires nationaux, les membres de l’Assemblée disposent, dans leurs pays, de certains pouvoirs vis-à-vis de leurs gouvernements respectifs. Ils devraient se servir plus activement de leurs mandats nationaux pour promouvoir les valeurs du Conseil de l’Europe, faire connaître les activités et défendre les points de vue de l’Assemblée, et influencer ainsi les positions prises par leurs ministres et agents diplomatiques respectifs au Comité des Ministres.
59. Plus généralement, les relations de l’Assemblée avec les parlements nationaux devraient être intensifiées et se transformer de simples échanges formels en un véritable partenariat. L’Assemblée devrait pouvoir compter sur un soutien puissant de ses initiatives de la part des assemblées législatives nationales, avec réciprocité. Cela contribuerait au renforcement de la démocratie parlementaire en Europe au niveau national et international, et servirait en définitive les intérêts de l’électeur.
60. Il convient d’évoquer à ce sujet les conférences européennes des Présidents de parlements nationaux organisées par l’Assemblée tous les deux ans. Ne faudrait-il pas mener une réflexion sur le renforcement du lien entre ces conférences et les travaux de l’Assemblée, de sorte qu’elles puissent contribuer aussi bien à la définition des priorités de l’Assemblée qu’à leur mise en œuvre?
61. L’autre voie de renforcement de l’influence de l’Assemblée sur les choix politiques et les décisions à prendre au niveau de l’Organisation pourrait passer par une coopération plus active et anticipée avec les présidences tournantes du Comité des Ministres. Ces présidences jouent un rôle essentiel dans la détermination des priorités du Conseil de l’Europe pour les six mois que dure chaque présidence. A présent, l’Assemblée n’est pas consultée par la présidence à venir sur des priorités que celle-ci prévoit de faire avancer, et n’a que des moyens limités d’y réagir une fois que ces priorités sont arrêtées et rendues publiques.
62. Il conviendrait d’envisager des arrangements pour que l’Assemblée (par exemple, par le biais de son Bureau) puisse avoir des échanges de vues avec la délégation parlementaire de la présidence à venir avant que cette dernière n’ait finalisé ses priorités, c’est-à-dire de manière anticipée. Ceci permettrait d’associer la dimension parlementaire et faire entendre des élus dans le choix des orientations pour les activités de l’Organisation, et à la future présidence du Comité des Ministres de tenir compte des suggestions formulées et des préoccupations exprimées par des représentants des citoyens européens. On pourrait aussi réfléchir sur l’opportunité d’associer ex officio à la composition du Bureau des présidents des délégations parlementaires des pays de la Troïka (présidences sortante, courante et à venir). Cela permettrait de renforcer l’influence parlementaire sur la présidence et assurer une plus grande continuité dans l’action de l’Assemblée.
63. Pour accroître la pertinence de son travail et la crédibilité de ses décisions, l’Assemblée devrait procéder plus rigoureusement à la sélection des sujets qu’elle examine, quitte à faire moins de rapports. Actuellement, il n’est pas rare de voir qu’on cherche à utiliser l’autorité de l’Assemblée pour atteindre des objectifs politiques partisans ou nationaux étroits, ou exercer une pression sur tel ou tel Etat, gouvernement, parlement ou parti politique.
64. De telles pratiques nuisent à l’image de l’Assemblée comme dépositaire de conscience collective de l’Europe et risquent d’affaiblir la crédibilité de ses décisions. Il faut donc veiller à ce que la réputation de l’Assemblée ne soit pas instrumentalisée, et que ses travaux portent sur des problèmes politiques européens d’intérêt général et sur les nouveaux défis qui interpellent les sociétés européennes, sans jamais perdre de vue les trois domaines essentiels qui sont les droits de l’homme, la démocratie et la prééminence du droit.
65. Le problème de la faible visibilité des travaux de l’Assemblée, tout comme de l’ensemble du Conseil de l’Europe, a fait l’objet de nombreux rapports et résolutions. Cependant, force est de constater que la situation a très peu évolué et que l’Assemblée reste assez méconnue du grand public. Certes, certaines propositions formulées dans la Résolution 1498 (2006)sur Améliorer la visibilité du Conseil de l’Europe ont été mises en œuvre et ont permis de revoir la stratégie de communication de l’Assemblée. Néanmoins, des efforts complémentaires sont nécessaires en ce qui concerne le contenu de la communication pour mettre en valeur les activités les plus emblématiques de l’Assemblée. Dans ce contexte, l’expérience positive de la récente campagne contre la violence domestique faite aux femmes pourrait servir d’exemple.
66. Il faudrait également développer les activités ciblées sur certains groupes sociaux pour augmenter le rayonnement de l’Assemblée parmi ces milieux. A ce propos, on pourrait envisager de réunir régulièrement à Strasbourg une Assemblée des jeunes du Conseil de l’Europe, ce qui permettrait d’intéresser des représentants de la jeune génération d’Européens à la vie politique et aux travaux de notre Organisation. Une telle Assemblée, avec l’accent mis sur les grandes questions liées au fonctionnement des sociétés démocratiques, pourrait contribuer au renforcement de l’image de Strasbourg en tant que pôle de référence en matière de démocratie – en quelque sorte, une «Davos de la démocratie». J’y reviendrai plus en détail dans le paragraphe 89 ci-dessous.
67. Afin d’assurer une plus grande continuité dans l’action de l’Assemblée, il me semble opportun de revenir sur la récente décision de limiter à deux ans la durée maximale des mandats du Président de l’Assemblée et des Présidents des commissions. Je suis conscient que cette question relève de la compétence de la Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles. Il est cependant de notre devoir de poser le problème en termes politiques. En effet, le Président de l’Assemblée et les Présidents des commissions ont un rôle important dans la définition des priorités et exercent une grande influence sur les travaux de notre Assemblée. Afin qu’ils puissent pleinement exercer ce rôle, il faudrait revenir à la règle de trois ans qui existait auparavant.
68. L’Assemblée bénéficie d’une solide renommée internationale et dispose d’un important réseau de partenariats institutionnels bien au-delà des limites de l’Europe. Son expérience et ses travaux suscitent l’intérêt et servent d’exemple à plusieurs parlements et associations parlementaires des Etats non-membres du Conseil de l’Europe. Elle a des relations suivies et des accords de coopération avec un certain nombre d’Assemblées régionales, aussi bien en Europe que dans d’autres régions du monde.
69. Elle devrait continuer à mettre à profit cet intérêt pour faire répandre les valeurs et principes de l’Organisation. En particulier, la coopération avec des parlements observateurs auprès de l’Assemblée devrait être renforcée.
70. Le nouveau statut de «partenaire pour la démocratie» ouvre des nouvelles possibilités pour intensifier la coopération de l’Assemblée avec les parlements des pays voisins de l’Europe, étendre l’acquis de l’Organisation au-delà des limites de ses Etats membres, et offrir aux nouveaux partenaires l’expertise et l’expérience du Conseil de l’Europe dans ses domaines d’excellence. Il devrait contribuer à conforter davantage sa position en tant qu’institution parlementaire internationale de premier plan.

3.4. La Cour: comment la sortir de l’impasse?

71. J’ai déjà mentionné les problèmes liés à l’absence de l’entrée en vigueur du Protocole 14 et la solution intermédiaire qui serait la mise en œuvre rapide du Protocole 14 bis qui permettrait de redresser partiellement la situation. Dans ce contexte, je tiens à rappeler la position de principe de l’Assemblée sur la nécessité absolue de la ratification du Protocole 14 par la Russie pour permettre son entrée en vigueur. Cependant, il faut reconnaître que le Protocole 14 n’est pas une solution-miracle: le vrai problème de la Cour, c’est la faiblesse des justices nationales des pays membres, l’absence ou l’insuffisance des voies de recours efficaces, les problèmes au niveau de la mise en œuvre des décisions judiciaires, y compris des arrêts de la Cour, et bien d’autres. L’effort principal doit donc être porté sur la réparation des carences systémiques des mécanismes nationaux de justice comme seul moyen pour rétablir la confiance de l’individu. Sans entrer en détail, je me réfère ici aux travaux de la Commission des questions juridiques et des droits de l’homme, notamment au rapport en préparation par notre collègue Mme Bemelmans-Videc sur Garantir l’autorité et l’efficacité de la Convention européenne des Droits de l’Homme.

3.5. Renforcer la pertinence du Conseil de l’Europe pour les Etats membres et pour tous les Européens

72. Je suis convaincu que le Conseil de l’Europe reste l’instance la mieux adaptée pour assurer la protection et la promotion des principes et valeurs fondamentaux inscrits dans son Statut, qui sont le patrimoine commun des Européens. Pour qu’il garde le rôle de pionnier en la matière, et développe pleinement son potentiel, le Conseil de l’Europe doit rester vigilant aux transformations qui s’opèrent au sein de nos Etats, déceler les nouveaux phénomènes et tendances de société, mettre en commun les réponses nationales et proposer rapidement les réponses communes adaptées, ne pas hésiter à aborder des sujets controversés, assurer une meilleure mise en œuvre et un suivi plus transparent de ses décisions (par exemple, promouvoir avec plus d’insistance la signature et la ratification des conventions), renforcer de manière cardinale sa visibilité et sa notoriété auprès des décideurs et du public, être à l’écoute et multiplier les canaux de communication à double sens pour améliorer le contact avec toutes les strates de la société, y compris avec les citoyens.

4. Quel avenir pour le Conseil de l’Europe

73. Même si le bilan des 60 ans de l’action du Conseil de l’Europe peut être considéré comme satisfaisant, il n’est pas, à lui seul, la garantie d’un avenir assuré, d’autant plus que l’Organisation est confrontée à de nouveaux défis auxquels elle doit faire face.

4.1. Pertinence

4.1.1. Les valeurs du Conseil de l’Europe sont-elles toujours pertinentes aujourd’hui?

74. L’Europe en 2009 présente une image bien différente de celle de 1949. Les notions de démocratie et des droits de l’homme sont bien enracinées dans les esprits et la vie courante des Européens. Peut-on pour autant considérer que ces principes et valeurs n’ont plus besoin d’être protégés?
75. Je suis profondément convaincu que le combat pour la démocratie et les droits de l’homme ne doit jamais cesser. Tout d’abord, parce que les sociétés humaines sont loin d’être parfaites: leur existence est faite d’une multitude de conflits quotidiens, qui affectent les individus et les collectivités et les opposent les uns aux autres; il n’est pas surprenant que dans ce processus, certains droits puissent être lésés. Il est donc primordial que nos sociétés, qui se sont proclamées attachées à nos valeurs fondamentales, soient en mesure d’en assurer la protection.
76. Il faut également tenir compte du fait que la démocratie et les droits de l’homme ne sont pas des notions figées. Bien au contraire, elles évoluent au rythme de la vie en constante mutation. De nouveaux aspects de la démocratie et des droits de l’homme apparaissent suite aux progrès techniques, aux évolutions de la société, ou encore aux nouveaux défis auxquels elle est confrontée. En conséquence, nos efforts de promotion et de protection des valeurs fondamentales doivent être en phase avec ces évolutions.
77. Enfin, dans un monde de plus en plus globalisé, le caractère universel de nos valeurs humaines telles que les droits de l’homme et la démocratie devient une question d’actualité car il est souvent remis en question; certains pays cherchent à relativiser et vont jusqu’à nier cette universalité et y opposer leur propres «systèmes de valeurs». La protection universelle des droits de l’homme et de la démocratie est un enjeu qui prend de l’importance.

4.1.2. Le Conseil de l’Europe reste-t-il l’enceinte pertinente pour la promotion et la protection de ces principes et valeurs?

78. Il est réconfortant de constater que la protection et la promotion des principes et valeurs fondamentaux ont pris, au fil des ans, une place importante dans les relations internationales. Plusieurs organisations internationales et européennes s’y attachent.
79. Au niveau global, rappelons les efforts au sein des Nations Unies qui ont consacré les droits de l’homme dans les documents de base – la Charte (1945) et la Déclaration universelle des droits de l’homme (1948). Il faut également mentionner les activités du Conseil des droits de l’homme et des différents comités créés pour la mise en œuvre des traités internationaux sur les droits de l’homme, ainsi que du Haut Commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies et des différents rapporteurs spéciaux.
80. En Europe, les principaux partenaires institutionnels du Conseil de l’Europe, à savoir l’Union Européenne et l’OSCE, sont également activement engagés dans ce domaine. Pour l’Union européenne, les droits de l’homme, la démocratie et la prééminence du droit sont des valeurs essentielles inscrites dans le traité fondateur et renforcées par l’adoption d’une Charte des droits fondamentaux (2000). Une Agence européenne des droits fondamentaux a été créée en 2007 pour fournir aux organes de l’Union et aux Etats membres une assistance en matière des droits fondamentaux.
81. Les documents de base de l’OSCE (par exemple l’Acte final d’Helsinki de 1975, la Charte de Paris pour une nouvelle Europe et le Document de Copenhague sur la dimension humaine de 1990) font également référence aux droits de l’homme, à la démocratie et à la prééminence du droit, et engagent les Etats participants de l’OSCE à protéger et promouvoir ces valeurs. Dans ses activités, l’OSCE réserve une place importante à ces domaines. Elle dispose également d’une instance spécialement dédiée à ces activités – le Bureau des institutions démocratiques et des droits de l’homme.
82. Cependant, le Conseil de l’Europe est l’unique organisation paneuropéenne dont le but statutaire est de réaliser une union plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes basés sur les valeurs spirituelles et morales qui sont leur patrimoine commun – la liberté politique, la liberté individuelle et la prééminence du droit – sur lesquels se fonde toute démocratie véritable.
83. Les mécanismes mis en place dans le cadre du Conseil de l’Europe pour promouvoir et protéger ces principes et valeurs sont sans aucun doute les plus développés au monde. Ils couvrent l’ensemble des aspects relatifs aux droits de l’homme, à la démocratie et à la prééminence du droit, sont aptes à s’adapter aux évolutions et répondre aux nouveaux défis, et servent de référence pour d’autres organisations. L’expérience accumulée au sein de ces différents mécanismes, y compris la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, constitue un acquis majeur. Bien entendu, pour que le Conseil de l’Europe garde le rôle de pionnier en la matière, il faut veiller à ce que ses instruments restent pleinement opérationnels, adaptés aux évolutions de la société, et surtout mis en œuvre de manière complète et efficace.

4.2. Nouveaux défis

84. La fin de la guerre froide et l’effondrement des régimes communistes en Europe de l’Est ont permis la réunification pacifique de l’Europe sur la base des principes et valeurs communs et partagés. Les clivages idéologiques du passé ne menacent plus l’unité et la stabilité de l’Europe. Pour autant, on ne peut pas considérer que la paix et la sécurité sur notre continent soient garanties une fois pour toutes. Le Conseil de l’Europe doit rester vigilant afin d’anticiper les nouveaux défis à la démocratie et aux droits de l’homme et intensifier ses efforts pour parer aux menaces «traditionnelles» qui continuent à affecter les sociétés européennes.
85. La guerre dans le Caucase en août 2008 a été un échec du système européen de prévention de crises. Le risque d’affrontement subsiste dans nombre de régions de conflits dits «gelés», mettant en péril la stabilité de toute l’Europe. Le Conseil de l’Europe devrait s’investir beaucoup plus qu’avant dans la prévention de conflits, avec les moyens qui lui sont propres et en coordination avec les autres acteurs européens et internationaux pertinents. Le Forum sur l’alerte précoce dans la prévention des conflits que la Commission des questions politiques organise en septembre 2009 pourrait apporter des idées nouvelles à ce sujet. Les capacités de médiation politique des différents organes et institutions du Conseil devraient être mises en commun et utilisées plus activement. Une réponse coordonnée de ces organes et institutions face à un conflit ou à une crise s’impose.
86. Même si leur nature et leurs causes sont différentes, le terrorisme et l’extrémisme politique (mouvances qui sont prêtes à recourir à la violence ou propagent la haine et l’intolérance) cherchent à abuser des avantages du système démocratique à des fins contraires à ses valeurs fondamentales. Le Conseil de l’Europe a déjà fait des efforts considérables pour trouver des réponses communes et mesurées à ces phénomènes. Ce faisant, il a beaucoup insisté sur la nécessité absolue, lorsqu’il s’agit de combattre ces phénomènes, de strictement respecter les principes et valeurs de base et des normes en matière de droits de l’homme. Il convient de rappeler à ce sujet les prises de position de l’Assemblée dans le cadre des deux rapports présentés par notre collègue M. Marty sur Allégations de détentions secrètes et de transferts interétatiques illégaux de détenus concernant des Etats membres du Conseil de l’Europe (juin 2006) et Détentions secrètes et transferts illégaux de détenus impliquant des Etats membres du Conseil de l’Europe: second rapport (juin 2007). Il faudrait approfondir l’analyse sur les causes de ces phénomènes et consacrer plus d’attention à la prévention, sans toutefois cesser d’être vigilants au respect des droits de l’homme.
87. Beaucoup de villes en Europe ont connu la recrudescence de la violence urbaine et l’apparition de véritables zones de non-droit. Mettre en commun les expériences nationales en matière de prévention et de gestion de ce phénomène social dangereux est une tâche pour le Conseil de l’Europe, compte tenu de son expertise dans les domaines social et de la prééminence du droit. La réflexion sur ces problèmes lancée au Congrès des pouvoirs locaux et régionaux de l’Europe devrait être élargie et approfondie.
88. La baisse de l’intérêt des citoyens pour la vie politique et du taux de participation aux élections, devenue manifeste dans de nombreux pays européens, constitue également un danger pour la stabilité des systèmes démocratiques car elle réduit l’assise sociale de la démocratie et sa légitimité. Le Conseil de l’Europe doit renforcer ses activités relatives aux évolutions de la démocratie, et réfléchir à consolider la base normative commune en la matière.
89. Sur ce point, il faut reconnaître que, si en matière de protection des droits de l’homme, le Conseil de l’Europe bénéficie d’une notoriété publique et d’une image de marque certaines, il n’en est pas encore ainsi pour ce qui est de nos activités relatives à la démocratie. Pourtant, notre Organisation dispose d’une série de mécanismes et de structures adaptés pour consolider sa place de pionnier dans ce domaine: le Forum annuel sur l’Avenir de la Démocratie, les débats biannuels de l’Assemblée sur l’état de la démocratie en Europe, la Commission de Venise, l’Université d’été de la démocratie qui réunit à Strasbourg des jeunes responsables participant au réseau des Ecoles des études politiques du Conseil de l’Europe. L’heure n’est-elle pas venue pour renforcer, coordonner et donner plus de visibilité à toutes ces activités afin d’instituer sur leur base à Strasbourg un véritable «Davos de la démocratie» – un laboratoire d’idées et de débats réguliers de haute visibilité consacré à la démocratie?
90. Dans le même ordre d’idées, j’estime qu’un important travail de fond s’impose sur les valeurs fondamentales défendues par le Conseil de l’Europe. Dans un contexte de plus en plus mondialisé, où des principes et valeurs traditionnellement conçus comme universels (tels que les droits de l’homme...) sont de plus en plus critiqués comme une émanation d’une culture particulière (par la Chine, par l’Iran, par le relativisme occidental lui-même…), il s’agit de les réaffirmer dans des formulations nouvelles, adaptées à notre temps. L’universalité attachée aux valeurs défendues par le Conseil de l’Europe n’exclut évidemment pas la promotion de la diversité culturelle, au contraire. C’est justement l’articulation entre universalité et particularité qui offre le moyen le plus sûr de rendre applicables nos valeurs fondamentales. Pourquoi ne pas faire travailler, sous l’égide du Conseil de l’Europe, un vaste réseau européen de politiques, universitaires, philosophes, théologiens… sur ces questions?
91. L’actuelle crise économique mondiale met à l’ordre du jour de multiples questions sur la responsabilité sociale du monde des affaires, la protection des droits de l’homme et des droits sociaux en période de récession, et plus généralement, l’influence de l’économie sur la démocratie et les droits de l’homme. C’est aussi l’occasion de réaffirmer l’importance de la cohésion sociale en tant que fondement de la stabilité politique de la société. Les travaux visant à combattre l’exclusion sociale et éradiquer la pauvreté devraient être renforcés.
92. La mondialisation n’est pas une menace en soi, mais elle fait de sorte que les différents problèmes à caractère local ou régional affectent de plus en plus les autres régions du monde. On ne peut plus espérer assurer la stabilité en Europe sans que les régions voisines ne soient elles aussi stables. Dans les travaux du Conseil de l’Europe, il faut nécessairement prendre en compte la dimension extra-européenne des questions traitées. Dans le même esprit, il faudrait chercher à étendre les normes juridiques du Conseil de l’Europe au-delà de ses frontières, en premier lieu sur les régions voisines de l’Europe (les rives Sud et Est de la Méditerranée, le Moyen Orient et l’Asie Centrale), entre autres par le biais de conventions et autres instruments ouverts à des pays tiers.
93. Bien entendu, ce n’est qu’une petite partie des défis et menaces auxquels nos sociétés sont confrontées, et où une action commune au niveau du Conseil de l’Europe serait utile. Notre tâche est donc d’assurer que les capacités d’anticipation et de réaction de notre Organisation soient pleinement mises au service de nos Etats membres et surtout de tous les Européens.

5. Conclusion

94. Les Etats membres ont confié au Conseil de l’Europe la mission d’être le gardien des valeurs qu’ils considèrent fondamentales pour la civilisation européenne – démocratie, droits de l’homme et prééminence du droit.
95. Au cours des soixante années de son existence, notre Organisation s’est montrée à la hauteur de cette tâche. Elle a réussi à définir des normes précises pour transformer les valeurs fondamentales en obligations contraignantes. Elle dispose aujourd’hui d’un vaste éventail de mécanismes pour garantir le respect de ces normes.
96. Grâce aux activités du Conseil de l’Europe, les principes de démocratie, de droits de l’homme et de prééminence du droit font aujourd’hui partie de la vie quotidienne des Européens et constituent les piliers de l’unité européenne. Cependant, dans nos sociétés en constante mutation, ces principes sont en permanence soumis à de nouvelles épreuves et ont toujours besoin d’être redéfinis, réaffirmés et protégés.
97. Voilà pourquoi les Etats et les citoyens européens ont aujourd’hui besoin d’un Conseil de l’Europe vigilant, combatif et flexible, toujours prêt à défendre et consolider les principes qui font le socle commun des sociétés européennes. L’Organisation doit tirer des leçons de l’analyse critique de ses réalisations et de ses opportunités manquées, de ses points forts et de ses faiblesses et défaillances, et continuer son adaptation aux exigences de l’époque pour être à la hauteur de sa mission et servir de son mieux les Européens. L’action du Conseil de l’Europe doit être soutenue et renforcée pour faire face aux nouveaux défis d’aujourd’hui et de demain.
98. En même temps, il est vital pour le Conseil de l’Europe, tout en gardant sa spécificité, d’offrir à des Etats européens qui n’ont pas de vocation ou d’intention d’adhérer à l’Union européenne, la possibilité institutionnelle de participer sur un pied d’égalité au processus de la construction d’une Europe unie.
99. En plus, aussi bien l’Union européenne que l’OSCE font référence, dans leurs actes et activités, aux principes et valeurs de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit – principes et valeurs dont la protection est la mission statutaire et la raison d’être du Conseil de l’Europe.
100. Certes, ces principes et valeurs ne sont pas une propriété exclusive de notre Organisation. Cependant, les mécanismes de protection effective de ces principes et valeurs sur la base des normes bien définies et juridiquement contraignantes crées dans le cadre du Conseil de l’Europe et son expertise dans ce domaine sont uniques et en font un point de référence en la matière. Affaiblir ce rôle porterait un coup grave au système existant de sauvegarde des valeurs fondamentales et aurait des conséquences pour l’équilibre institutionnel en Europe. Notre devoir est donc de veiller à ce que le Conseil de l’Europe reste à la hauteur de sa mission et fidèle à sa vocation de gardien de la démocratie, des droits de l’homme et de la prééminence du droit.

Annexe – Conférence: Quel avenir pour les droits de l’homme et la démocratie en Europe? Le rôle du Conseil de l’Europe

(open)

Paris, 11 septembre 2009, Assemblée Nationale, Salle Lamartine

Synthèse des débats

1. La conférence s’inscrit dans le programme d’activités pour le 60e anniversaire de la création du Conseil de Europe.
2. Il y a 60 ans, en 1949, l’Europe sortait d’un conflit mondial dont elle avait été à l’origine après avoir vu grandir en son sein pendant trois décennies des régimes totalitaires qui violaient systématiquement les droits de l’homme et les libertés fondamentales des citoyens.
3. Il était urgent de rétablir la démocratie et la prééminence du droit dans beaucoup de pays d’Europe et de reconstruire les structures économiques et sociales dans tous.
4. Le Conseil de l’Europe était le fruit de la promesse «plus jamais ça!», la promesse d’éviter à tout prix que l’histoire ne se répète, d’assurer une garantie efficace des droits de l’homme, de la démocratie et de la prééminence du droit. Le Conseil de l’Europe est donc né d’une volonté certaine de défendre et porter des valeurs éthiques fortes, que les pères fondateurs considéraient comme essentielles pour le développement européen et global.
5. L’enthousiasme des pères fondateurs puisait sa force dans la mémoire des horreurs vécues, l’ampleur de la destruction à laquelle il fallait faire face et dans la volonté de construire un avenir solidement ancré dans le respect de tous les hommes et les femmes vivant sur le «vieux continent» quelque soit leur appartenance ethnique, culturelle et religieuse, un avenir à même de leur offrir une vie épanouissante et prospère, de resserrer les liens entre individus et de tirer richesse de leur diversité.
6. A travers les années de la reconstruction, du boom économique, du premier choc pétrolier et de ses suites, de développements scientifiques et technologiques se suivant à un rythme soutenu sans précédent dans l’histoire de l’homme, le Conseil de l’Europe a élaboré des principes solides et reconnus en matière de droits de l’homme, qu’ils soient civils et politiques, économiques et sociaux, ou culturels ainsi que de démocratie et de prééminence du droit.
7. Toutefois pendant 40 ans, les valeurs incarnées par le Conseil de l’Europe n’ont été une réalité que pour la partie occidentale du continent, puisque l’Europe était sortie du conflit mondial profondément divisée en deux camps politiquement et économiquement. Des conflits internes dans sa partie orientale avait fait de nombreuses victimes civiles et les régimes qui s’en sont suivis donnèrent lieu à des périodes très sombres pour les droits de l’homme en Europe.
8. Il est important de mentionner aussi le retour dans l’Organisation de la Grèce en 1974 ainsi que l’entrée dans l’Organisation du Portugal et de l’Espagne en 1976 et1977 respectivement, après la fin des régimes totalitaires là aussi issus de guerres civiles et qui avaient vu une idéologie profondément hostile aux droits de l’homme et à la prééminence du droit s’installer et triompher dans la terre berceau de la démocratie, ainsi que dans la péninsule ibérique.
9. En 1989, la chute du mur de Berlin, suivie par la fin des régimes totalitaires en Europe centrale et orientale ainsi que l’éclatement de l’Union Soviétique, ont permis d’élargir à tout le continent l’application des principes démocratiques sur lesquels se fonde le Conseil de l’Europe et d’entamer la reconstruction de la démocratie dans les pays d’Europe centrale et orientale, comme cela avait été le cas quatre décennies plus tôt dans les états fondateurs et dans ceux qui les avaient rejoint par la suite.
10. La voie était ainsi ouverte pour l’élargissement du Conseil de l’Europe aux 47 Etats membres actuels couvrant la presque totalité du territoire du continent, et allant même au-delà du point de vue strictement géographique, et c’est justement cette étendue qui constitue un avantage comparatif indéniable pour l’application des normes qu’il élabore.
11. Toutefois, cette fin soudaine des régimes communistes en Europe a eu aussi comme conséquence le réveil d’anciens conflits territoriaux, cachés pendant presqu’un demi siècle par des frontières dessinées pour servir la suprématie d’un bloc dans une logique mondiale bipolaire, l’apparition de conflits territoriaux liés aux revendications de minorités nationales longtemps occultées par l’idéologie en place qui, dans sa quête affichée d’égalité économique et sociale, n’admettait pas l’existence d’ambitions d’indépendance et de diversité en son sein.
12. De vieux démons sont alors réapparus, alors que l’Europe était convaincue avoir tenu sa promesse «plus jamais ça!»: Srebrenica, Grozny, Sarajevo mais encore Kosovo 
			(2) 
			Toute référence au
Kosovo mentionnée dans ce texte, que ce soit le territoire, les
institutions ou la population, doit se comprendre en pleine conformité
avec la Résolution 1244 du Conseil de Sécurité des Nations-Unies
et sans préjuger du statut du Kosovo., Haut Karabakh et, plus récemment, Ossétie du Sud, sont autant de noms entrés avec force dans l’actualité évoquant horreur et destruction, violence et arbitraire. Les photos de l’ex-Yougoslavie que les média nous ont montrées ressemblent à s’y méprendre à celles de camps de concentration nazis et les bâtiments détruits par les bombes à Grozny nous rappellent impitoyablement bien de villes européennes en 1945.
13. La question se posait inévitablement: où nous sommes nous trompés? Qu’avons-nous mal compris, mal fait, ou qu’aurions-nous dû faire ou faire autrement? et aussi – pour les moins optimistes – l’Europe a-t-elle encore un sens?
14. Ces questions ont aussi acquis une importance particulière en raison d’événements qui, au cœur même de vieilles démocraties, ont atteint le comble de l’horreur: Madrid, Istanbul, Londres, Beslan. Ce n’était pas la première fois que la religion servait de catalyseur pour soutenir des buts politiques avec des actions violentes: l’Irlande du Nord notamment a été le théâtre d’attentats qui ont fait des morts innocents tout au long du XXe siècle, mais pour la première fois cette violence aveugle trouvait ses origines en dehors du continent et était donc perçue comme étrangère et mal ou pas comprise. Elle a eu comme conséquence immédiate de créer ou révéler des animosités entre différentes minorités ethniques et religieuses présentes dans les pays européens. Nos sociétés s’en sont trouvées profondément déstabilisées.
15. En même temps la composition de nos sociétés a été bouleversée dans une période de temps relativement brève par des importants flux migratoires, conséquence de la chute du mur de Berlin, pour ce qui est de l’Est à l’Ouest ou de la globalisation croissante, pour ce qui est du Sud au Nord, en posant à nos sociétés un défi majeur non seulement sur le plan économique, social et politique, mais aussi culturel.
16. Il est d’importance primordiale que l’Europe – et plus particulièrement le Conseil de l’Europe – relève se défit puisqu’il en va de notre avenir et de nos valeurs, et surtout de l’avenir et des valeurs des jeunes et des chances que nous souhaitons offrir aux générations futures.
17. A la fin de la première décennie du XXIe siècle, l’Europe se doit d’être toujours très vigilante quant au respect des droits de l’homme, de la démocratie et de la prééminence du droit, que menacent des tentations extrémistes et totalitaires, réveillées par l’insécurité suscitée par les grands changements que le continent – et la planète – viennent de vivre ces dernières décennies, poussant les individus et les Etats à l’ostracisme et à la xénophobie, au repli sur soi même, à la négation des diversités et au rejet des autres.
18. Il doit être rappelé avec force que les doctrines prônant la haine, le crime, la violence, le refus de l’Autre sont incompatibles avec le projet européen de société pacifique et démocratique, respectueuse des libertés et des droits fondamentaux de chacun.
19. Il convient tout d’abord de souligner l’importance du partage des valeurs communes universelles des droits de l’homme, de l’idéal démocratique et de la prééminence du droit, valeurs auxquelles il ne saurait être dérogé au nom de particularismes ou spécificités dues à l’appartenance à l’une ou l’autre communauté culturelle, ethnique, religieuse etc.
20. Le partage de ces valeurs communes, mutuellement consenti par tous les individus, et non imposé par l’Etat ou quelconque autre autorité, doit constituer la base de nos sociétés, sur la quelle repose la réalisation d’une véritable citoyenneté démocratique.
21. Par ailleurs, nous nous devons de souligner que le sentiment d’appartenance simultanée à plusieurs traditions culturelles se concilie tout à fait avec une citoyenneté européenne, et il en est même un élément constituant, lors qu’il repose sur la reconnaissance mutuelle de différentes cultures et à l’attachement aux valeurs partagées.
22. Cette multiple appartenance culturelle ne peut se réaliser que si nos sociétés et les individus qui les composent font preuve d’ouverture aux autres cultures et d’une volonté d’échange entre elles, favorisant ainsi la reconstruction des liens sociaux pour autant que des conditions de vie décentes, soient réunies.
23. Dans cette fonction de ciment et de fondation de nos sociétés, l’indivisibilité et la complémentarité des droits de l’homme révèlent toute leur importance pour construire une société équilibrée, inclusive, et porteuse d’espoir pour l’avenir, où les individus se sentent épanouis, respectés et mis en valeurs. Et il en va de même pour les états.
24. En cette période de crise économique, une menace particulière pèse sur les droits de l’homme que certains voudraient considérer comme un luxe que l’Europe ne peut plus se permettre, une extravagance coûteuse pour des sociétés affluentes, qui pèserait sur la concurrence en défaveur de nos économies et empêcherait ainsi la reprise d’une activité productive florissante. Toutefois, une telle lecture strictement financière des conséquences de la crise économique est non seulement potentiellement en violation avec les droits de l’homme mais elle fait aussi preuve d’oubli de notre passée relativement proche et se montre myope sur les dangers qu’elle fait peser sur notre avenir.
25. La venue au pouvoir de régimes d’extrême droite dans les années trente en Europe n’est-elle pas allée de pair avec la détérioration des conditions économiques et sociales dans nos pays suite à la «grande crise»? L’emprise, dans nos sociétés, d’une idéologie exaltant l’appartenance à un groupe ethnique unique, à des traditions et à une culture de l’exclusion, fermée à la diversité, refusant l’Autre parce que différent jusqu’à en prôner son élimination physique, n’a-t-elle pas trouvé son terreau dans le désespoir causé par la pauvreté, dans la détresse qu’un manque total de perspectives pour l’avenir apporte et dans la perte de respect pour soi-même qui s’en suit, poussant ainsi des peuples entiers à chercher refuge dans des promesses rassurantes de sécurité qu’apporte le connu par rapport à l’inconnu, l’uniformité par rapport à la différence?
26. Il est important d’éviter que l’histoire ne se répète. Pour cette raison, le respect des droits de l’homme s’impose encore d’avantage en période de crise économique, afin de limiter les tentations de dérives qui peuvent être porteuses de conséquences extrêmement graves pour le fonctionnement démocratique de nos sociétés puisqu’elles nuisent à la capacité de celles-ci d’offrir à chaque individu des conditions de vie décentes et donc de se reconnaitre en elles.
27. Il faut souligner que la défense des droits de l’homme et les intérêts de la politique des Etats, la «Realpolitik», ne doivent pas être en opposition mais se renforcer mutuellement. Cela n’est pas impossible ou incohérent mais une évidence que le passé a déjà démontré à plusieurs reprises.
28. En outre, seule une relation raisonnée des Etats et des peuples avec leur histoire commune et leur capacité à transcender les conflits du passé permet de vivre ensemble, d’envisager une réconciliation entre ennemis d’hier et reste le plus sûr moyen de prévenir des nouveaux conflits.
29. Il revient aux Etats de créer les conditions nécessaires pour la défense de ces valeurs communes, et de prévenir et condamner les comportements contraires au projet européen de tolérance, d’inclusion, de respect de l’Autre et d’ouverture, et cela quels qu’en soient les origines ou les auteurs.
30. Pour cela, il convient non seulement que les Etats adoptent un cadre juridique traduisant les valeurs communes, notamment telles que définies dans les traités internationaux et européens, dans les textes au niveau national, mais également qu’ils veillent au fonctionnement indépendant et impartial de leurs systèmes judiciaires, qui permet l’application de ce cadre juridique dans l’esprit de ces valeurs mêmes, assurant ainsi à tout individu, grâce au plein respect du principe de la prééminence du droit, la jouissance effective de ces droits fondamentaux.
31. Le soutien de ces valeurs et normes communes ainsi que le souci de leur respect doivent être placés au centre de l’élaboration des politiques nationales dans tous les domaines d’action de l’Etat, favorisant ainsi un enrichissement de la base commune à l’origine de l’émergence d’une citoyenneté démocratique européenne, son évolution et adaptation aux grands défis technologiques, scientifiques et environnementaux, et permettant ainsi l’épanouissement de l’Europe et des européens à la fois sur le continent et sur la scène internationale.
32. La gestion du défi que ces «différentes» identités posent à nos sociétés aujourd’hui nous impose de partir du postulat de l’universalité des droits de l’homme, de leur jouissance sans discrimination aucune par tous les membres de la société; les droits fondamentaux ne peuvent en aucun cas être écartés au nom de la gestion de la diversité culturelle. Bien au contraire, ils doivent en constituer le fondement.
33. Compte tenu de ceci, le Conseil de l’Europe se doit de poursuivre et affirmer son rôle de gardien de ces valeurs, non seulement en les développant, dans le respect du projet fondateur de rapprochement des Etats et des personnes dans le respect de la diversité, perçue comme facteur d’enrichissement, mais également en assurant le respect effectif de ces valeurs par, et en soutenant leur promotion dans, les Etats membres.
34. En particulier, les différents mécanismes du Conseil de l’Europe pour surveiller et évaluer l’application et le respect des normes par les états membres doivent être valorisés et les résultats de leurs travaux doivent être pleinement pris en compte par les autorités nationales compétentes dans l’élaboration et l’application de leurs politiques.
35. Les programmes de coopération technique mis en œuvre par le Conseil de l’Europe ainsi que par les autres institutions internationales et européennes visant l’amélioration des systèmes nationaux de protections des droits de l’homme, de la démocratie et de la prééminence du droit doivent se fonder à la fois sur les normes élaborées par le Conseil de l’Europe ainsi que sur les travaux de ses mécanismes de contrôle.
36. Le Conseil de l’Europe se doit de jouer pleinement son rôle dans l’élaboration du discours historique de la construction européenne en tant que centre porteur des valeurs de démocratie, de liberté et de droits de l’homme. En tant que tel, le Conseil de l’Europe constitue, en effet, un élément incontournable du déroulement de cette dimension historique européenne.
37. Les Etats membres sont invités à veiller à ce que leur action soit cohérente avec les valeurs qu’ils affirment soutenir, notamment en déployant toutes les mesures à leur disposition afin qu’elles soient efficacement respectées en Europe et ailleurs.
38. Les Etats membres doivent s’assurer que le Conseil de l’Europe dispose des moyens politiques nécessaires pour défendre efficacement ces principes et pourvoir intervenir concrètement en cas de violation. Il leur appartient également de s’assurer que le Conseil de l’Europe dispose des moyens matériels et notamment financiers pour assumer pleinement son rôle.
39. L’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe pourrait préparer un rapport sur les valeurs fondamentales, leur pertinence et leur application dans la société européenne actuelle, rapport qui servirait de base pour un large débat à ce sujet.

***

Commission chargée du rapport: Commission des questions politiques

Renvoi en commission: renvoi n°3578 du 28 mai 2009

Projets de résolution et de recommandation adoptés le 10 septembre 2009

Membres de la commission: M. Göran Lindblad (Président), M. David Wilshire (Vice-Président), M. Björn Von Sydow (Vice-Président) (remplaçante: Mme Kerstin Lundgren), Mme Kristina Ojuland (Vice-Présidente) (remplaçant: M. Andres Herkel), Mme Fátima Aburto Baselga (remplaçante: M. Miguel Arias Cañete), M. Françis Agius, M. Alexandre Babakov, M. Viorel Badea (remplaçant: M. Ioan Mang), M. Denis Badré, M. Ryszard Bender, M. Andris Bērzinš, M. Pedrag Boškovic, M. Luc Van den Brande, M. Mevlüt Çavuşoğlu, M. Lorenzo Cesa, M. Titus Corlătean, Mme Anna Čurdová, M. Rick Daems, M. Dumitru Diacov, Mme Josette Durrieu, M. Frank Fahey, M. Piero Fassino, M. Per-Kristian Foss (remplaçant: M. Vidar Bjørnstad), M. György Frunda, M. Jean-Charles Gardetto, M. Marco Gatti, M. Charles Goerens, M. Andreas Gross, M. Michael Hancock, M. Davit Harutiunyan (remplaçante: Mme Naira Zohrabyan), M. Joachim Hörster, Mme Sinikka Hurskainen, M. Tadeusz Iwiński, M. Bakir Izetbegović, M. Michael Aastrup Jensen, M. Miloš Jevtić, M. Emmanouil Kefaloyiannis, Mme Birgen Keleş, M. Victor Kolesnikov (remplaçante Mme Ohla Herasym’yuk), M. Konstantion Kosachev, M. Jean-Pierre Kucheida, Mme Darja Lavtižar-Bebler, M. René van der Linden, M. Dariusz Lipiński, M. Juan Fernando López Aguilar (remplaçante: Mme Meritxell Batet Lamaña), M. Younal Loutfi, M. Gennaro Malgieri, M. Dick Marty, M. Frano Matušić, M. Dragoljub Mićunović, M. Jean-Claude Mignon, Mme Nadezhda Mikhailova, M. Aydin Mirzazada, Mme Lilja Mósesdóttir, M. Joāo Bosco Mota Amaral, Mme Olga Nachtmannová, M. Gebhard Negele, Mme Miroslava Nemcova, M. Zsolt Németh, M. Fritz Neugebauer (remplaçant: M. Franz-Eduard Kühnel), M. Hryhoriy Omelchenko, M. Theodoros Pangalos, M. Ivan Popescu, M. Christos Pourgourides, M. John Prescott (remplaçant: M. John Austin), M. Gabino Puche, M. Amadeu Rossell Tarradellas, M. Ilir Rusmali, M. Oliver Sambevski, M. Ingo Schmitt (remplaçant: M. Eduard Lintner), M. Samad Seyidov, M. Leonid Slutsky, M. Rainder Steenblock, M. Zoltán Szabó, M. Mehmet Tekelioğlu, M. Han Ten Broeke, Lord Tomlinson (remplaçant: M. Rudi Vis), M. Petré Tsiskarishvili (remplaçant: M. Guiorgui Gabashvili), M. Mihai Tudose, M. Ilyas Umakhanov (remplaçant: M. Alexander Pochinok), M. José Vera Jardim, M. Luigi Vitali, M. Wolfgang Wodarg, Mme Gisela Wurm, M. Emanuelis Zingueris.

Ex-officio: MM. Mátyás Eörsi, Tiny Kox

N.B.:Les noms des membres qui ont pris part à la réunion sont imprimés en caractères gras

Secrétariat de la commission: Mme Nachilo, M. Chevtchenko, Mme Sirtori-Milner