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Rapport | Doc. 13228 | 10 juin 2013

La corruption: une menace à la prééminence du droit

Commission des questions juridiques et des droits de l'homme

Rapporteure : Mme Mailis REPS, Estonie, ADLE

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 3915 du 5 octobre 2012. 2013 - Troisième partie de session

Résumé

La corruption reste un problème majeur, qui constitue une grave menace pour la prééminence du droit. Dans le secteur public, cela peut prendre plusieurs formes: des ministres qui abusent de leurs pouvoirs, des membres des forces de police ou d'autres agents publics qui reçoivent des pots de vin, des élections qui sont «achetées», des juges véreux, le blanchiment d'argent, des parlementaires invoquant de fausses dépenses, ou encore des formes illégales de lobbying. Cinq Etats membres du Conseil de l’Europe sont classés au-delà de la centième place sur 174 pays étudiés dans l'indice de perception de la corruption élaboré en 2012 par Transparency International et beaucoup de cas de corruption ou de corruption présumée démontrent clairement que l’Europe n’est pas une exception à ce constat.

La corruption pervertit les institutions publiques, affaiblit le droit et sape la confiance des citoyens dans leurs gouvernements. Elle a également un effet dévastateur sur les droits de l'homme. Les Etats devraient adopter des lois plus pointues contre la corruption et faire pression pour une plus grande transparence dans le secteur financier, en s’entraidant afin de remonter les «sentiers de l'argent» et de poursuivre les banques qui cachent ou blanchissent de l'argent sale. Les juges devraient être nommés et promus de manière transparente et faire l'objet de mesures disciplinaires non-politiques. Il devrait y avoir des règles rigoureuses relatives aux déclarations d’intérêts, des codes de conduite stricts pour les agents publics et une meilleure réglementation du lobbying. Parallèlement, les parlements pourraient faire davantage pour examiner dans quelle mesure les gouvernements appliquent les recommandations du GRECO et de MONEYVAL, les organismes anti-corruption du Conseil de l’Europe.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 27 mai 2013.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire reconnaît que la corruption reste un problème majeur en Europe, qui menace gravement la prééminence du droit.
2. La corruption compromet le bon fonctionnement des institutions publiques et détourne l’action des pouvoirs publics de son but, qui est de satisfaire l’intérêt général. Elle perturbe le processus législatif, porte atteinte aux principes de légalité et de sécurité juridique, introduit une part d’arbitraire dans le processus décisionnel et a un effet dévastateur sur les droits de l'homme. La corruption mine par ailleurs la confiance des citoyens dans les institutions.
3. Le Conseil de l'Europe, son Assemblée parlementaire et ses Etats membres doivent être le fer de lance de la lutte contre la corruption.
4. L’Assemblée, rappelant notamment ses recommandations et résolutions relatives à la lutte contre la corruption (Résolution 1214 (2000)), à la bonne conduite en matière électorale, à celle des partis politiques (Résolution 1264 (2001) et Résolution 1546 (2007)), au conflit d’intérêts (Résolution 1554 (2007)), à la situation des droits de l'homme et de la démocratie en Europe (Résolution 1547 (2007) et Recommandation 1791 (2007)) et au lobbying dans une société démocratique (Code européen de bonne conduite en matière de lobbying) (Recommandation 1908 (2010)), salue les initiatives prises par le Conseil de l'Europe dans ce domaine. Elle se félicite notamment de l’intensification de la mise en œuvre de la Convention pénale sur la corruption (STE n° 173), de son protocole additionnel (STE n° 191) et de la Convention civile sur la corruption (STE n° 174). Elle appelle les Etats membres du Conseil de l'Europe qui n’ont pas encore signé ou ratifié ces instruments juridiques à le faire sans tarder.
5. L’Assemblée se félicite également des travaux menés par le Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) et le Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL) et invite instamment les Etats membres du Conseil de l'Europe à mettre en œuvre leurs recommandations et à encourager les Etats non-membres et les autres institutions pertinentes à le faire. L'Assemblée invite en outre les parlements à contribuer à la mise en œuvre de ces recommandations en mettant en place des procédures spécifiques de contrôle parlementaire.
6. L’Assemblée invite tous les Etats membres du Conseil de l’Europe à intensifier la coopération internationale en matière de lutte contre la corruption, notamment:
6.1. en coopérant plus efficacement pour suivre les circuits empruntés par les capitaux qui font l’objet de virements électroniques, en vue de s’aider mutuellement à récupérer les fonds générés par les actes de corruption;
6.2. en prenant des mesures énergiques contre les banques, qui continuent à être complices des actes de corruption en aidant leurs auteurs à dissimuler et à blanchir leurs profits illicites;
6.3. en prenant des mesures énergiques contre l’accumulation des gains illicites.
7. L’Assemblée invite également tous les Etats membres à revoir leur législation relative à la lutte contre la corruption, en tenant compte des principes directeurs suivants:
7.1. Tous les actes de corruption active et passive doivent être incriminés. Les infractions liées à la corruption doivent être clairement définies et distinguées des autres infractions, telles que l’abus de pouvoir ou l’abus d’autorité.
7.2. La législation doit garantir l’indépendance du pouvoir judiciaire par des procédures de recrutement et de promotion transparentes et, si besoin est, l’utilisation de mesures disciplinaires adéquates, appliquées par des instances qui échappent à toute ingérence politique et autre influence indue.
7.3. La législation doit garantir le maximum de transparence dans la vie politique, administrative et économique:
7.3.1. en instaurant la publication d’informations sur l’identité des propriétaires et dirigeants de personnes morales ou de structures similaires et sur les transferts de fonds à l’étranger, notamment vers des paradis fiscaux notoires;
7.3.2. en renforçant le droit à l’information des actionnaires minoritaires de sociétés privées et de l’obligation démocratique de rendre des comptes pour la gestion des entreprises publiques;
7.3.3. en adoptant des mesures de répression énergiques contre le délit d’initié et les autres formes d’utilisation abusive des informations confidentielles obtenues par les responsables politiques, les fonctionnaires et les membres des instances de contrôle;
7.3.4. en adoptant et en généralisant la mise en œuvre de dispositions rigoureuses relatives à la déclaration de patrimoine, de revenus et d’intérêts financiers ou autres par les membres du gouvernement et du parlement, par les dirigeants de partis politiques et de mouvements politiques et par les fonctionnaires, les juges et les procureurs, ainsi qu’à la création d’instances de contrôle indépendantes et à la réglementation des activités de lobbying;
7.3.5. en facilitant la confiscation des actifs des personnes physiques ou morales ou des structures similaires incapables de démontrer, sur la base d’éléments solides du point de vue légal, qu’ils ont été obtenus légalement.
8. L’Assemblée souligne que l’amélioration indispensable de la législation doit s’accompagner d’une évolution du comportement culturel général à l’égard de la corruption, qui doit être clairement reconnue comme une pratique intolérable et une grave menace pour la prééminence du droit.
9. L’Assemblée, rappelant sa Résolution 1214 (2000), demande une fois encore à sa commission pour le respect des obligations et engagements des Etats membres du Conseil de l'Europe (commission de suivi) d’évaluer les progrès réalisés dans la lutte contre la corruption, en tenant compte des conséquences négatives de la corruption sur le respect des normes du Conseil de l'Europe par ses Etats membres.
10. Elle reconnaît le rôle important joué par les médias et les organisations non gouvernementales, qui contribuent à faire évoluer l’attitude générale à l’égard de la corruption et qui décèlent et dénoncent ce phénomène.
11. Afin de donner le bon exemple, l’Assemblée décide d’accorder une attention particulière à la mise en œuvre effective de son propre code de conduite.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet
de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 27 mai
2013.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire, se référant à sa Résolution … (2013) «La corruption: une menace à la prééminence du droit», souligne l’importance capitale du renforcement de la lutte contre la corruption, qui menace gravement la prééminence du droit.
2. L’Assemblée recommande au Comité des Ministres d’inviter les Etats membres et les Etats observateurs du Conseil de l'Europe à examiner leur législation en vigueur en matière de lutte contre la corruption et sa mise en œuvre, en vue d’évaluer leur conformité avec les principes directeurs énoncés par la Résolution … (2013).
3. Elle recommande par ailleurs au Comité des Ministres d’établir une série de lignes directrices pour les codes de conduite et d’éthique des agents publics, conformément aux principes directeurs énoncés par la Recommandation 1908 (2010) sur le lobbying dans une société démocratique (code européen de bonne conduite en matière de lobbying).
4. Elle invite le Comité des Ministres à charger le Secrétaire Général du Conseil de l'Europe de veiller à ce que les programmes de formation mis en œuvre par les organes du Conseil de l'Europe comportent des modules consacrés spécifiquement à la lutte contre la corruption.
5. En outre, l’Assemblée invite instamment le Comité des Ministres à adresser une recommandation aux Etats membres, en les invitant à mettre en œuvre sans tarder les recommandations du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO) et du Comité d’experts sur l’évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme (MONEYVAL).

C. Exposé des motifs, par Mme Reps, rapporteure

(open)

1. Introduction

1.1. Procédure

1. Le 5 octobre 2012, le Bureau de l’Assemblée parlementaire a décidé de renvoyer le sujet «La corruption: une menace pour la prééminence du droit» à la commission des questions juridiques et des droits de l’homme pour rapport, afin qu’il soit présenté devant l’Assemblée dans le cadre de son débat de juin 2013 sur «La situation des droits de l’homme en Europe». La commission m’a nommée rapporteure lors de sa réunion du 12 novembre 2012.
2. Le 24 janvier 2013, la commission a tenu, conjointement avec la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles, une audition à laquelle a participé M. Marin Mrčela, président du Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO), dans le cadre du Quatrième Cycle d’Evaluation sur la prévention de la corruption des parlementaires, des juges et des procureurs. Le 19 mars 2013, la commission des questions juridiques et des droits de l'homme a tenu une autre audition au cours de sa réunion à Paris, qui a réuni un certain nombre d’experts et de représentants d’organisations internationales non gouvernementales spécialisés dans les domaines de la corruption et de l’Etat de droit. Parmi les invités figuraient Mme Anne Koch, Directrice régionale pour l’Europe et l’Asie centrale de Transparency International (Berlin), et Mme Valentina Rigamonti, Coordinatrice régionale principale de Transparency International (Berlin), Mme Erica Razook, juriste adjointe sur l’anticorruption à l’Open Society Foundation (New York), Mme Roisin Pillay, Directrice du Programme européen de la Commission internationale de juristes (Genève), et M. Daniel Smilov, Directeur de programme au Centre de stratégies libérales (Sofia) 
			(3) 
			En raison des mauvaises
conditions météorologiques, les deux représentants de Transparency
International sont arrivés trop tard pour prendre la parole lors
de l’audition. Mme Koch et Mme Rigamonti ont néanmoins pu participer
à un déjeuner de travail fructueux et me communiquer ainsi les informations
qu’elles avaient prévu de présenter à la commission lors de l’audition,
en sus d’un document d’information établi par Mme Koch, qui avait
été distribué aux membres de la commission (voir l’annexe au présent
rapport). .

1.2. Définitions

3. Il n’existe aucune définition unique universellement admise de la corruption ou de la prééminence du droit. De plus, malgré l’utilisation très habituelle de ces deux termes, il est assez étonnant de constater que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme n’en retient aucune définition précise. Un certain nombre d’autres institutions et instruments juridiques ont cherché à définir ces deux termes.
4. Plusieurs définitions de travail de la notion de corruption ont été élaborées par divers organes du Conseil de l’Europe 
			(4) 
			Le Groupe multidisciplinaire
sur la corruption (GMC) a retenu la définition de travail suivante:
«La corruption (…) comprend les commissions occultes et tous autres
agissements qui impliquent des personnes investies de fonctions publiques
ou privées, qui auront violé leurs devoirs découlant de leur qualité
de fonctionnaire public, d’employé privé, d’agent indépendant ou
d’une autre relation de ce genre, en vue d’obtenir des avantages
illicites de quelque nature que ce soit, pour eux-mêmes ou pour
autrui» (Programme d'action contre la corruption, adopté par le
GMC lors de sa réunion du 25 au 27 septembre 1995, puis par le Comité
des Ministres lors de la 578e réunion des Délégués des Ministres,
18-21 novembre 1996). La Convention civile sur la corruption a,
par la suite, considéré que la corruption s’entendait comme «le fait
de solliciter, d'offrir, de donner ou d'accepter, directement ou
indirectement, une commission illicite, ou un autre avantage indu
ou la promesse d'un tel avantage indu qui affecte l'exercice normal
d'une fonction ou le comportement requis du bénéficiaire de la commission
illicite, ou de l'avantage indu ou de la promesse d'un tel avantage
indu» (Convention civile sur la corruption, article 2, adoptée le
4 novembre 1999, STE n° 174).. Aux fins du présent exposé des motifs, je me fonderai sur la définition de travail de la corruption retenue par Transparency International: «l’abus d’une position publique en vue d’un intérêt privé» 
			(5) 
			Transparency International, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/evaluations/round4/TIglobalcorruptionreport07_complete_final_EN.pdf'>Global
Corruption Report 2007, Corruption in Judicial Systems</a>, Cambridge University Press, 2007, page xxi. . Cette formule laconique englobe les aspects essentiels d’autres définitions plus précises.
5. La prééminence du droit a été définie par le Conseil de sécurité des Nations Unies comme suit: «Un principe de gouvernance en vertu duquel l’ensemble des individus, des institutions et des entités publiques et privées, y compris l’Etat lui-même, ont à répondre de l’observation de lois promulguées publiquement, appliquées de façon identique pour tous et administrées de manière indépendante, et compatibles avec les règles et normes internationales en matière de droits de l’homme. Il implique, d’autre part, des mesures propres à assurer le respect des principes de la primauté du droit, de l’égalité devant la loi, de la responsabilité au regard de la loi, de l’équité dans l’application de la loi, de la séparation des pouvoirs, de la participation à la prise de décisions, de la sécurité juridique, du refus de l’arbitraire et de la transparence des procédures et des processus législatifs. 
			(6) 
			Conseil
de sécurité des Nations Unies, «<a href='http://www.ipu.org/splz-f/unga07/law.pdf'>Rétablissement
de l’état de droit et administration de la justice pendant la période
de transition dans les sociétés en proie à un conflit ou sortant
d’un conflit</a>», 23 août 2004, section 3, paragraphe 6. » La définition de travail de la prééminence du droit utilisée pour le présent exposé des motifs sera celle de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), qui définit cette notion en énumérant ses composantes:
«Il semble que l’on soit désormais parvenu à un consensus sur les composantes essentielles de la prééminence du droit (…). Ces éléments sont les suivants:
(1) la légalité, qui suppose l'existence d'une procédure d'adoption des textes de loi transparente, responsable et démocratique
(2) la sécurité juridique
(3) l’interdiction de l’arbitraire
(4) l’accès à la justice devant des juridictions indépendantes et impartiales, qui procèdent notamment à un contrôle juridictionnel des actes administratifs
(5) le respect des droits de l’homme
(6) la non-discrimination et l’égalité devant la loi. 
			(7) 
			Commission de Venise,
Etude n° 519/2009, <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD%282011%29003rev-f'>Rapport
sur la prééminence du droit</a>, Strasbourg, 28 mars 2011. »
6. L’Assemblée parlementaire a déjà abordé la question terminologique de la notion de prééminence du droit dans les différents ordres juridiques. Elle a décidé, dans sa Résolution 1594 (2007) sur l'expression «principle of the Rule of Law», d’utiliser exclusivement les termes «the rule of law» et leur équivalent français «la prééminence du droit» (plutôt que la formule «l’Etat de droit»), afin d’éviter tout malentendu sur le sens véritable de cette notion 
			(8) 
			La résolution indique
que «l’Assemblée souligne que les concepts rule of law et «prééminence
du droit» sont des concepts de droit matériel, qui sont synonymes,
et qui devraient être considérés comme tels dans tous les documents publiés
par l’Assemblée dans leurs versions anglaise et française, ainsi
que dans les traductions officielles dans les Etats membres». Pour
de plus amples précisions, et notamment des affaires qui ont donné
lieu à une réflexion sur la prééminence du droit, voir Erik Jurgens,
L’expression «principle of the Rule of Law», Doc. 11343. .

1.3. Objet du rapport

7. Les objectifs prioritaires du Conseil de l’Europe sont le respect de la démocratie pluraliste, des droits de l’homme et de la prééminence du droit. Notre Organisation a par conséquent le devoir de faire tout ce qui est en son pouvoir pour lutter contre toutes les formes de corruption qui mettent en péril la démocratie et la prééminence du droit. Dans bon nombre de pays, la corruption touche tous les niveaux de la société: elle va de l’abus d’autorité presque quotidien des agents de la circulation aux rapports avec des services fiscaux corrompus, sans parler de la nécessité de «graisser la patte» des agents publics ou des personnes qui exercent un pouvoir discrétionnaire pour «faciliter» l’accès à un établissement scolaire ou universitaire, à un hôpital public et même à la fourniture d’un traitement médical d’urgence. De même, à l’échelon local (communal), l’obtention d’un permis de construire et les projets de création d’entreprise, par exemple, sont souvent subordonnés ou liés à des considérations qui reposent sur un mélange de corruption politique et de corruption “ordinaire”, qui passe par un soutien des entreprises aux partis ou aux élites politiques et l’entretien de liens étroits entre eux.
8. Le bon fonctionnement de l’ordre juridique impose de le débarrasser de toute forme de corruption si l’on entend préserver l’équité et la justice dans un Etat régi par la prééminence du droit. L’importance de cette question a été récemment portée à notre attention par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, qui a fait observer dans son allocution prononcée devant l’Assemblée en janvier 2013 que «la première de ces priorités [pour le Conseil de l’Europe] est la lutte contre la corruption et contre toutes les formes d'abus de pouvoir. La corruption est en effet aujourd'hui la menace la plus importante pour la démocratie, car elle sape la confiance des citoyens envers l'Etat de droit. D'après les données de la Commission européenne, près de trois quarts des citoyens européens pensent que la corruption est un problème majeur dans leur pays, et près de la moitié d'entre eux estiment que son niveau a augmenté ces dernières années. Nous rencontrons la corruption dans tous les pays» 
			(9) 
			<a href='http://www.coe.int/fr/web/secretary-general/speeches-2013/-/asset_publisher/gFMvl0SKOUrv/content/session-of-the-parliamentary-assembly?redirect=http%3A%2F%2Fwww.coe.int%2Ffr%2Fweb%2Fsecretary-general%2Fspeeches-2013%3Fp_p_id%3D101_INSTANCE_gFMvl0SKOUrv%26p_p_lifecycle%3D0%26p_p_state%3Dnormal%26p_p_mode%3Dview%26p_p_col_id%3Dcolumn-2%26p_p_col_count%3D2'>Discours</a> de M. Thorbjørn Jagland, Secrétaire Général du Conseil
de l'Europe, première partie de session de 2013 de l'Assemblée parlementaire,
Strasbourg, 22 janvier 2013. .
9. Les travaux préparatoires au présent rapport ont démontré que la corruption existe non seulement au sein des institutions étatiques, mais également dans de nombreuses activités criminelles, comme la traite des êtres humains, la vente des organes humains, le trafic de drogue, le délit d’initié et la contrefaçon, où elle est très répandue. Bien que ce phénomène soit beaucoup plus étendu, l’objet du présent rapport se limitera à la corruption dans le secteur public, notamment dans les milieux judiciaires et politiques (y compris au sein des organes dirigeants, des services répressifs et du parlement) et à la menace que fait peser la corruption sur la prééminence du droit. Ce traitement non exhaustif de la question se justifie à la fois par le manque de temps et de moyens disponibles et par l’existence de travaux antérieurs des divers organes du Conseil de l’Europe – dont l’Assemblée parlementaire – et d’autres organisations internationales en la matière (voir plus loin).
10. Il s’ensuit que certains autres aspects importants de la question, comme le financement des partis politiques, ne sont pas abordés dans ce rapport. Les affaires de corruption liées aux sociétés qui prennent part à l’extraction et/ou à la commercialisation des ressources naturelles, comme le pétrole ou le gaz, ne correspondent pas non plus parfaitement à l’objet du présent rapport, malgré les liens étroits que les personnes qui exercent ces activités entretiennent avec le pouvoir. Les propositions relatives au renforcement de la transparence ne sauraient donc se limiter aux seuls secteurs publics, sans quoi les agents publics corrompus pourraient aisément continuer à dissimuler les actifs qu’ils ont acquis illégalement derrière d’opaques personnes morales privées.
11. Le rapport mettra uniquement en avant certaines situations, qui concernent quelques Etats membres du Conseil de l’Europe. Cette présentation ne doit pas laisser croire que ces pays sont les seuls touchés par la corruption. Bien au contraire, le fait même que ces affaires aient été dévoilées peut conduire à penser que ces Etats disposent d’un «système immunitaire» efficace, qui garantit que les actes de corruption ne sont pas purement et simplement étouffés.

2. Contexte

2.1. Les instruments juridiques internationaux

12. Plusieurs instruments juridiques relatifs à la corruption et à la prééminence du droit ont été élaborés par les Nations Unies. L’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une Convention contre la corruption qui a pour but de «promouvoir et renforcer les mesures visant à prévenir et combattre la corruption de manière plus efficace» 
			(10) 
			<a href='http://www.unodc.org/documents/treaties/UNCAC/Publications/Convention/08-50027_F.pdf'>Convention
des Nations Unies contre la corruption</a>, adoptée par la Résolution 58/4 de l’Assemblée générale
du 31 octobre 2003<a href=''>.</a>. L’article 11, qui traite plus particulièrement des magistrats, est libellé comme suit: «Compte tenu de l’indépendance des magistrats et de leur rôle crucial dans la lutte contre la corruption, chaque Etat Partie prend, conformément aux principes fondamentaux de son système juridique, des mesures pour renforcer leur intégrité et prévenir les possibilités de les corrompre, sans préjudice de leur indépendance. 
			(11) 
			Ibid.» Le 30 novembre 2012, l’Assemblée générale a adopté une Déclaration sur l’état de droit aux niveaux national et international, dont les auteurs se disent «convaincus que la corruption est nuisible» et soulignent «l’importance de l’état de droit en tant que condition essentielle de la prévention et de la répression de la corruption» 
			(12) 
			<a href='http://www.un.org/french/documents/view_doc.asp?symbol=A/RES/67/1'>Résolution
67/1</a> adoptée par l’Assemblée générale des Nations Unies,
30 novembre 2012, paragraphe 25. .
13. Il existe de nombreux autres instruments juridiques nationaux et internationaux relatifs à la corruption, dont certains portent sur des éléments particuliers et d’autres sur des principes généraux, par exemple dans le cadre de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) 
			(13) 
			<a href='http://www.oecd.org/fr/daf/anti-corruption/conventioncontrelacorruption/38028103.pdf'>Convention
de l'OCDE sur la lutte contre la corruption</a>, adoptée par la Conférence de négociations le 21 novembre 1997. , de l’Union africaine 
			(14) 
			<a href='http://www.africa-union.org/Official_documents/Treaties_Conventions_fr/Convention sur la lutte contre la corruption.pdf'>Convention
de l'Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption</a>, adoptée lors de la 2e Session ordinaire
de l’Assemblée de l’Union, Maputo, 11 juillet 2003. et de l’Organisation des Etats américains 
			(15) 
			<a href='http://www.oas.org/juridico/english/treaties/b-58.html'>Convention
interaméricaine contre la corruption</a>, adoptée par les Etats membres de l’Organisation des
Etats américains lors de la 3e session
plénière, le 29 mars 1996<a href=''>.</a>. L’Union européenne a également élaboré des instruments juridiques pour lutter contre la corruption: la Convention relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres de l'Union européenne de 1997 
			(16) 
			<a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:41997A0625%2801%29:FR:HTML'>Convention
relative à la lutte contre la corruption impliquant des fonctionnaires
des Communautés européennes ou des fonctionnaires des Etats membres
de l'Union européenne</a>, adoptée le 26 mai 1997<a href=''>.</a>, la Décision-cadre relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé de 2003 
			(17) 
			Conseil de l’Union
européenne, <a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=CELEX:32003F0568:FR:HTML'>Décision-cadre
relative à la lutte contre la corruption dans le secteur privé</a>, 22 juillet 2003<a href=''>.</a> et le mécanisme de suivi de l’Union européenne en matière de lutte contre la corruption aux fins d’une évaluation périodique de 2011 
			(18) 
			Commission
européenne, <a href='http://ec.europa.eu/dgs/home-affairs/what-is-new/news/pdf/com_decision_c%282011%29_3673_final_fr.pdf'>Décision
instituant un mécanisme de suivi de l’UE en matière de lutte contre
la corruption aux fins d’une évaluation périodique</a>, 6 juin 2011. .

2.2. L’action du Conseil de l’Europe en matière de corruption

14. Le Conseil de l’Europe a joué un rôle majeur en Europe dans ce domaine. A la suite des recommandations de la 19e Conférence des ministres européens de la Justice (La Valette, 1994), le Groupe multidisciplinaire contre la corruption (GMC) a été créé pour élaborer un Programme d’action contre la corruption, ainsi que pour les objectifs suivants:
  • «élaborer en priorité une ou plusieurs conventions internationales destinées à combattre la corruption et un mécanisme de suivi afin de mettre en œuvre les engagements y afférents ou tout autre instrument juridique en la matière
  • [l’]élaboration comme point prioritaire d’un projet de Code de conduite européen pour les agents publics
  • après avoir consulté le(s) comité(s) directeur(s) compétent(s), initier, organiser et promouvoir des projets de recherche, des programmes de formation ainsi que l’échange d’expériences pratiques de lutte contre la corruption aux niveaux national et international
  • mettre en œuvre les autres volets du Programme d’action contre la corruption en tenant compte des priorités y indiquées
  • tenir compte du travail effectué par d’autres organisations et instances internationales, en vue de mettre en place une approche cohérente et coordonnée
  • consulter le CDPC et/ou le CDCJ au sujet de tout projet de texte juridique relatif à la corruption et tenir compte de leur(s) avis. 
			(19) 
			<a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=CM%2898%29134&Language=lanFrench&Ver=original&Site=COE&BackColorInternet=DBDCF2&BackColorIntranet=FDC864&BackColorLogged=FDC864'>Mandat
du Groupe multidisciplinaire contre la corruption</a>, tel que reproduit aux pages 112 et 113 du Programme d’action
contre la corruption (1996). »
15. Le Conseil de l’Europe a en conséquence adopté un certain nombre d’instruments qui traitent de cette question, y compris deux instruments phares, à savoir la Convention pénale sur la corruption (STE n° 173) 
			(20) 
			<a href='http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/Html/173.htm'>Convention
pénale sur la corruption</a>, adoptée le 27 janvier 1999 (ratifiée par 36 Etats)<a href='http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/Html/191.htm'>.
Un Protocole additionnel à cette Convention, qui en étend le champ
d’application aux arbitres en matière</a> commerciale, civile et autre, ainsi qu’aux jurés, <a href=''>a été adopté le 15 mai 2003.</a> et la Convention civile sur la corruption (STE n° 174) 
			(21) 
			<a href='http://conventions.coe.int/Treaty/FR/Treaties/Html/174.htm'>Convention
civile sur la corruption</a>, adoptée le 4 novembre 1999 (ratifiée par 28 Etats).. La Convention pénale sur la corruption porte sur un éventail de formes diverses de corruption à la fois active et passive, dans le secteur privé et dans le secteur public. La Convention civile sur la corruption couvre diverses questions, dont la validité des contrats (elle invalide les contrats qui prévoient des actes de corruption), la protection des employés qui signalent les actes de corruption (les donneurs d’alerte) et le versement d’une indemnisation pour le préjudice subi du fait d’un acte de corruption. Le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe a également adopté une recommandation relative à la corruption associée au financement des partis politiques 
			(22) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/general/Rec(2003)4_FR.pdf'>Recommandation
n° R (2003) 4</a> sur les règles communes contre la corruption dans le
financement des partis politiques et des campagnes électorales.<a href=''></a>, pour renforcer la transparence et diminuer la corruption au sein du système politique, ainsi qu’une recommandation sur les codes de conduite applicables aux agents publics 
			(23) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/documents/Rec(2000)10_FR.pdf'>Recommandation
n° R (2000) 10</a> sur les codes de conduite pour les agents publics.<a href=''></a>, qui vise à préciser les normes d’intégrité exigées pour les personnes qui occupent une fonction publique. Enfin et surtout, la Résolution (97) 24 «portant les vingt principes directeurs pour la lutte contre la corruption» fait l’inventaire des meilleurs éléments stratégiques identifiés par le GMC dans ses travaux antérieurs.
16. En 1999, le Conseil de l’Europe a créé son instance de suivi en matière de lutte contre la corruption, baptisée Groupe d’Etats contre la corruption (GRECO). Cet accord partiel élargi, ouvert aux Etats qui ne sont pas membres du Conseil de l’Europe, regroupe à l’heure actuelle l’ensemble des 47 Etats membres du Conseil de l’Europe, ainsi que les Etats-Unis et le Bélarus. L’objectif du GRECO est d’améliorer la capacité de ses membres à lutter contre la corruption en assurant le suivi de leur conformité avec les normes de lutte contre la corruption du Conseil de l’Europe, grâce à un processus d’évaluation mutuelle et aux pressions exercées par leurs pairs. Il contribue à recenser les défaillances des politiques nationales de lutte contre la corruption, en incitant à mener les réformes législatives, institutionnelles et pratiques qui s’imposent. Le GRECO offre également une plate-forme d’échange des meilleurs usages en matière de prévention et de détection de la corruption.
17. Le GRECO travaille par cycles d’évaluation, chacun d’eux traitant des thèmes particuliers des six instruments adoptés sous l’égide de l’Organisation. Le Premier Cycle d’Evaluation du GRECO (2000-2002) portait sur l’indépendance, la spécialisation et les moyens des instances nationales chargées de prévenir la corruption et de lutter contre elle. Il traitait également de l’étendue et du contenu des immunités des agents publics en matière d’arrestation et de poursuites. Le Deuxième Cycle d’Evaluation (2003-2006) concernait l’identification, la saisie et la confiscation des produits de la corruption, la prévention et la détection de la corruption dans l’administration publique et la prévention de l’utilisation des personnes morales pour dissimuler les actes de corruption. Le Troisième Cycle d’Evaluation (2007-2011) traitait a) des incriminations prévues par la Convention pénale sur la corruption et b) de la transparence du financement des partis politiques. Le Quatrième Cycle d’Evaluation, qui a été lancé en 2012, porte sur la prévention de la corruption au sein de la justice (juges et procureurs) et des parlements et traite notamment des règles de conduite destinées à garantir l’intégrité, de la déclaration de patrimoine et d’intérêts, ainsi que de la gestion des conflits d’intérêts.
18. Tous les membres participent aux procédures d’évaluation mutuelle et de conformité et s’y soumettent sans restriction. Conformément au principe de l’égalité de traitement, tous les membres sont systématiquement évalués au regard des mêmes normes et font l’objet de recommandations visant à renforcer les réformes législatives, institutionnelles et pratiques qui s’imposent et exigent la prise de mesures dans un délai de 18 mois. Une procédure de conformité est par ailleurs prévue pour évaluer précisément les mesures prises par les membres pour mettre en œuvre les recommandations qui préconisent des améliorations et figurent dans les rapports d’évaluation. Si les recommandations n’ont pas été intégralement respectées, le GRECO réexamine les recommandations en suspens dans un nouveau délai de 18 mois. Les rapports de conformité adoptés par le GRECO comportent également une conclusion générale, afin de décider s’il y a lieu de clore la procédure de conformité au titre d’un membre précis ou d’appliquer la procédure spéciale, fondée sur une approche progressive, lorsque les suites données aux recommandations du GRECO sont jugées globalement insatisfaisantes.
19. Le GRECO produit également des rapports thématiques et horizontaux pour aider les pays à réaliser leurs réformes (en leur donnant un aperçu de l’expérience acquise par d’autres pays) et pour offrir une image globale des régions dans lesquelles la situation s’améliore ou pose problème 
			(24) 
			Les
rapports horizontaux les plus récents portent sur les deux thèmes
du Troisième Cycle d’Evaluation. Le premier thème, intitulé «<a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/general/MACAULEY_FR.pdf'>Incriminations</a>», aborde des domaines tels que la corruption d’agents
publics et la corruption dans le secteur privé. Le deuxième thème
traite de la «<a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/documents/2010/Greco(2010)8_RapportYVDoublet_FR.pdf'>Transparence
du financement des partis politiques</a>». .
20. Le Comité d'experts sur l'évaluation des mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme du Conseil de l’Europe, MONEYVAL, est un mécanisme plus spécifique, créé en vue de veiller à ce que les Etats participants disposent de systèmes efficaces de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme et respectent les normes internationales pertinentes, notamment les 40 recommandations 
			(25) 
			Les <a href='http://www.fatf-gafi.org/media/fatf/documents/FATF Standards - quarante recommandations rc.pdf'>40
Recommandations</a> du Groupe d’action financière, adoptées en octobre 2003. du Groupe d’action financière (GAFI) et les recommandations spéciales du GAFI sur le financement du terrorisme 
			(26) 
			<a href='http://www.fatf-gafi.org/fr/documents/documents/lesixrecommandationsspeciales.html'>Recommandations
Spéciales du GAFI sur le financement du terrorisme</a>. . Bien que les normes du GAFI ne visent pas à lutter contre la corruption, il est admis dans les évaluations de MONEYVAL que l’une des caractéristiques sous-jacentes du bon fonctionnement d’un système de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB/FT) est précisément l’ampleur de la répression de la corruption. Les rapports de MONEYVAL décrivent donc brièvement les mesures prises pour lutter contre la corruption, car ce facteur peut nuire à l’efficacité de la mise en œuvre des normes de LCB/FT.
21. MONEYVAL compte à l’heure actuelle 35 Etats et juridictions, qui sont soumis à ses processus et procédures d’évaluation, notamment des rapports d’évaluation et un suivi des progrès réalisés dans le cadre d’un système de «Procédure de conformité renforcée» – une série de mesures progressives destinées à accroître la pression exercée sur un Etat par ses pairs pour qu’il mette en œuvre les recommandations de MONEYVAL. Il entreprend en ce moment un quatrième cycle de visites de suivi, en réévaluant certaines recommandations importantes du GAFI abordées lors du troisième cycle et les recommandations du GAFI qui ont obtenu une mauvaise notation au cours du troisième cycle d’évaluation 
			(27) 
			MONEYVAL
procédera, dans son prochain cycle d'évaluation, à une évaluation
au regard des recommandations du GAFI révisées en 2012.. En matière financière, la mise en œuvre effective de la norme du GAFI relative aux personnes politiquement exposées (PPE) occupe une place importante; son évaluation par MONEYVAL contribue à la lutte contre la corruption. Cette norme prend en compte les garanties obligatoires imposées pour atténuer les risques auxquels les institutions financières et autres peuvent être confrontées lors du traitement des comptes de PPE étrangères sur un territoire national 
			(28) 
			Les recommandations
révisées du GAFI de 2012 étendent cette norme aux PPE nationales
en fonction de l'exposition aux risques.. MONEYVAL produit également des études sur les méthodes de blanchiment des capitaux ou d’utilisation des capitaux pour financer le terrorisme, ainsi que des analyses horizontales de ces évaluations, qui intègrent les informations recueillies à l’occasion de l’évaluation des Etats membres et illustrent les problèmes spécifiques et génériques posés par la mise en œuvre des normes de LCB/FT.
22. Le Comité des Ministres a consacré une quantité considérable de ses travaux à la corruption. Comme nous l’avons déjà indiqué plus haut, il a adopté en 1997 «Les vingt principes directeurs pour la lutte contre la corruption» 
			(29) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/documents/Resolution(97)24_FR.pdf'>Résolution
(97) 24</a>.. Le principe directeur n° 3 vise à «assurer que les personnes chargées de la prévention, des enquêtes, des poursuites et de la sanction des infractions de corruption bénéficient de l’indépendance et de l’autonomie nécessaires à l’exercice de leurs fonctions, soient libres de toute influence incompatible avec leur statut et disposent de moyens adéquats pour l’obtention de preuves, assurer la protection des personnes qui aident les autorités à lutter contre la corruption et sauvegarder le secret de l’instruction». De plus, le principe directeur n° 9 tend à «veiller à ce que l’organisation, le fonctionnement et les processus décisionnels des administrations publiques tiennent compte de la nécessité de lutter contre la corruption, en particulier en assurant un degré de transparence compatible avec l’efficacité de leur action».
23. L’Assemblée et sa commission des questions juridiques et des droits de l’homme ont également traité de nombreuses questions en rapport avec la corruption. Parmi les exemples récents figurent les rapports consacrés au recours abusif à la justice répressive motivé par des considérations politiques 
			(30) 
			Rapport de Sabine Leutheusser-Schnarrenberger
(Allemagne, ADLE), Allégations d'utilisation abusive du système de
justice pénale, motivée par des considérations politiques, dans
les Etats membres du Conseil de l'Europe, commission des questions
juridiques et des droits de l’homme, Doc. 11993. , à la nécessité d’éradiquer l’impunité 
			(31) 
			Herta Däubler-Gmelin
(Allemagne, SOC), La situation des droits de l’homme en Europe :
la nécessité d’éradiquer l’impunité, Doc. 11934. , à la protection des donneurs d’alerte 
			(32) 
			Pieter Omtzigt (Pays-Bas,
PPE/DC), La protection des donneurs d'alerte, Doc. 12006. , au rôle du ministère public 
			(33) 
			Aleksandar Arabadjiev
(Bulgarie, SOC), Rôle du ministère public dans une société démocratique
régie par le principe de la primauté du droit, Doc. 9796 24<a href=''>.</a> et à la corruption judiciaire 
			(34) 
			Kimmo Sasi (Finlande,
PPE/DC), La corruption judiciaire, Doc. 12058. . Ce dernier document soulignait que la corruption judiciaire était «profondément ancrée» dans de nombreux Etats membres du Conseil de l’Europe. Dans sa Recommandation 1908 (2010) sur le lobbying dans une société démocratique (code européen de bonne conduite en matière de lobbying), l’Assemblée recommandait que le Comité des Ministres élabore un code de bonne conduite en matière de lobbying fondé sur les principes suivants:
i. les activités de lobbying devraient être définies très clairement, en faisant une distinction entre les activités professionnelles rémunérées et les activités des organisations de la société civile, sans oublier les entités qui pratiquent l’autorégulation dans différents secteurs économiques;
ii. la transparence dans les activités de lobbying devrait être renforcée;
iii. des normes applicables aux responsables politiques, aux fonctionnaires, aux membres des groupes de pression et aux entreprises devraient être établies, y compris le principe des conflits d’intérêts potentiels et la durée de la période, après la fin de mandat, durant laquelle il est interdit d’exercer des activités de lobbying;
iv. les entités qui exercent des activités de lobbying devraient s’enregistrer;
v. les organisations de lobbyistes devraient être préalablement consultées sur tout projet de texte de loi en la matière;
vi. des activités de lobbying bien définies, transparentes et honnêtes devraient être encouragées afin de valoriser l’image des personnes qui exercent des activités de lobbying.
Bien que le Comité des Ministres ait pris note, dans sa réponse, que le GRECO et la Conférence des organisations internationales non gouvernementales (OING) souscrivaient au principe de l’élaboration d’un tel code 
			(35) 
			Réponse
du Comité des Ministres adoptée à la 1098e réunion
des Délégués des Ministres (17 novembre 2010), <a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp?FileID=12600&Language=FR'>Doc. 12438</a>. , celui-ci n’a toujours pas été établi à ce jour. Dans le cadre de la procédure de suivi établie par l’Assemblée parlementaire, la commission de suivi a, ces dernières années, mis en avant les problèmes posés par les malversations professionnelles ou la corruption dans un certain nombre d’Etats 
			(36) 
			Parmi les exemples
les plus récents figurent l’<a href='http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2012/fmondoc11rev_2012.pdf'>Albanie</a>, l’<a href='http://assembly.coe.int/ASP/XRef/X2H-DW-XSL.asp?fileid=18032&lang=FR'>Arménie</a>, l’<a href='http://assembly.coe.int/ASP/XRef/X2H-DW-XSL.asp?fileid=19451&lang=FR'>Azerbaïdjan</a>, la <a href='http://assembly.coe.int/CommitteeDocs/2012/fmondoc18rev_2012.pdf'>Bosnie-Herzégovine</a>, la <a href='http://assembly.coe.int/ASP/XRef/X2H-DW-XSL.asp?fileid=19402&lang=FR'>Bulgarie</a>, la <a href='http://assembly.coe.int/ASP/XRef/X2H-DW-XSL.asp?fileid=17976&lang=FR'>Géorgie</a>, le <a href='http://assembly.coe.int/ASP/XRef/X2H-DW-XSL.asp?fileid=18947&lang=FR'>Monténégro,</a> la <a href='http://assembly.coe.int/ASP/XRef/X2H-DW-XSL.asp?fileid=19116&lang=FR'>Fédération
de Russie</a>, la <a href='http://assembly.coe.int/ASP/XRef/X2H-DW-XSL.asp?fileid=18065&lang=EN'>Serbie</a> et l’<a href='http://assembly.coe.int/ASP/XRef/X2H-DW-XSL.asp?fileid=18068&lang=FR'>Ukraine</a>. . Il convient de noter qu’en janvier 2012 notre commission a créé une nouvelle sous-commission sur la prééminence du droit.

3. Un phénomène à multiples facettes: vue d’ensemble de certaines affaires de corruption emblématiques survenues récemment dans le secteur public

24. La corruption touche tous les Etats membres du Conseil de l'Europe. Aucun d’entre eux n’en est totalement exempt, mais on ne saurait nier que la corruption est plus institutionnalisée dans certains d’entre eux que dans d’autres. L’Indice de Perception de la Corruption (IPC) de Transparency International publié fin 2012, qui mesure les niveaux ressentis de la corruption du secteur public sur la base d’une série d’expertises, place cinq Etats membres du Conseil de l'Europe au-delà de la 100e place sur 174 Etats énumérés: l’Arménie (105); l’Albanie (113); la Russie (133); l’Azerbaïdjan (139); et l’Ukraine (144) 
			(37) 
			<a href='http://cpi.transparency.org/cpi2012/'>http://cpi.transparency.org/cpi2012/</a>. Voir également en annexes 1 et 2. . D’autres Etats membres du Conseil de l’Europe sont remarquablement classés, comme le Danemark et la Finlande, considérés comme «très propres» et qui se partagent la première place, et la Suède, qui arrive en 4e position. La corruption touche par ailleurs toutes les branches du pouvoir. Les affaires récentes suivantes illustrent ce phénomène de la corruption dans le secteur public.

3.1. La corruption des organes de l’exécutif et des services répressifs

25. Plusieurs affaires de corruption supposée concernent le plus haut niveau de l’exécutif. L’une des plus récentes est celle de M. Jérôme Cahuzac, qui était il y a peu de temps encore ministre français du Budget et a admis, quelques jours après avoir démissionné, qu’il détenait un compte bancaire secret à l’étranger. Les fonds déposés sur ce compte auraient été virés par des sociétés pharmaceutiques à l’époque où M. Cahuzac exerçait la fonction de conseiller auprès du ministre de la Santé. En dehors de cette affaire, plusieurs exemples peuvent être cités, comme celui de l’enquête actuellement ouverte au sujet d’un ancien ministre grec des Finances, supposé avoir rayé certains membres de sa famille de la «liste Lagarde» (sur laquelle figurent les noms d’auteurs supposés d’actes de fraude fiscale commis en Grèce). Il convient également d’examiner l’affaire Woerth, toujours en instance en France. En 2012, Eric Woerth, qui était alors le ministre français du Budget et le trésorier du parti de l’Union pour un mouvement populaire (UMP), a été accusé d’être l’auteur d’infractions de corruption. Les chefs d’accusation portaient sur un trafic d’influence supposé de sa part et sur le versement supposé de dons illicites par l’héritière de L'Oréal, Liliane Bettencourt, à des fins de financement de campagne électorale. Le chef d’accusation de trafic d’influence concerne les allégations selon lesquelles M. Woerth aurait fait attribuer la Légion d’honneur, la plus haute décoration française, au gestionnaire financier de Mme Bettencourt, Patrice de Maistre, en contrepartie de l’emploi que ce dernier aurait assuré à la femme de M. Woerth, chargée de l’aider à gérer la fortune de l’héritière. En Slovénie, le Premier ministre, Janez Jansa, et le dirigeant du principal parti de l’opposition, Zoran Jankovic, ont été la cible des critiques de la Commission de prévention de la corruption du pays pour n’avoir pas déclaré des actifs considérables. Depuis ces révélations, le Premier ministre est pressé de démissionner.
26. La corruption au sein de l’exécutif peut également concerner le bas de l’échelle et toucher chacune de ses composantes, depuis le chef de l’Etat jusqu’à l’agent de la circulation, du fonctionnaire de police au fonctionnaire du cadastre. Le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe a constaté qu’elle était très présente au sein de la police et du système pénitentiaire: «Dans plusieurs pays, les policiers sont mal rémunérés et certains d'entre eux s'efforcent de compléter leurs revenus en demandant des pots-de-vin. La conséquence en est que les gens qui n'ont pas d'argent sont moins bien traités que les autres. J'ai rencontré des prisonniers qui ne reçoivent aucune visite des membres de leur famille parce que ceux-ci ne peuvent payer un “droit” imposé de façon non officielle. 
			(38) 
			Thomas Hammarberg, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/documents/2012/Greco%282012%291_GenActReport2011_FR.pdf'>«La
corruption, facteur d’érosion de la protection des droits de l’homme</a>», article thématique publié dans le Douzième Rapport
Général d’Activités du GRECO (2011), 23 mars 2012, p. 18. » La corruption de la police est illustrée par la condamnation, en janvier 2013, de l’ancien chef de la police ukrainienne, Olexiy Pukach, qui a avoué le meurtre d’un journaliste commis sur instructions de l’ancien ministre de l’Intérieur, Youri Kravtchenko. On ignore à l’heure actuelle si la voie hiérarchique s’arrêtait à cet ancien ministre, qui s’est fort opportunément suicidé (en se tirant deux balles en pleine tête, sous deux angles différents). Le suicide de l’ancien ministre a été fortement mis en doute, en particulier son mode opératoire, qui suppose qu’il se soit tiré deux balles dans la tempe, ce que les médecins ont jugé impossible à réaliser pour l’auteur d’un suicide. Le rapport de Mme Leutheusser-Schnarrenberger fait état de ces préoccupations 
			(39) 
			Sabine  Leutheusser-Schnarrenberger
(Allemagne, ADLE), Les enquêtes sur les crimes qui auraient été
commis par de hauts responsables sous le régime Koutchma en Ukraine
– l’affaire Gongadze: un exemple emblématique, Doc. 11686 (voir le paragraphe 91). .
27. Une autre forme de corruption des services répressifs consiste à utiliser leurs ressources au profit d’un intérêt particulier. Au cours de la campagne des élections législatives de 2011, Transparency International (TI) Russie 
			(40) 
			<a href='http://blog.transparency.org/2011/12/23/civic-activism-heats-up-in-russia/'>http://blog.transparency.org/2011/12/23/civic-activism-heats-up-in-russia/.</a> a constaté que les exemples de ce type d’abus abondaient, notamment l’utilisation manifeste des infrastructures administratives et des fonctionnaires en faveur des candidats du parti au pouvoir, ce qui contrevient nettement à la législation électorale. Les cas d’intimidation des électeurs, dont certains ont été portés devant les tribunaux par TI Russie, n’ont pas abouti à la condamnation satisfaisante de tous les agents publics concernés par ces affaires, qui ont conservé leur poste malgré la preuve de leur infraction à la législation électorale.

3.2. La corruption au sein de la justice

28. Un certain nombre d’incidents de corruption au sein de l’appareil judiciaire ont également été divulgués ces derniers temps. L’affaire Volkov c. Ukraine 
			(41) 
			Cour
européenne des droits de l’homme, <a href='http://hudoc.echr.coe.int/sites/fra/pages/search.aspx?i=001-115871'>Volkov
c. Ukraine</a>, Requête n° 21722/11, arrêt du 9 janvier 2013. dont a été saisie la Cour européenne des droits de l’homme, par exemple, concernait un juge de la Cour suprême ukrainienne révoqué selon des méthodes jugées contraires à la Convention européenne des droits de l’homme et qui emportaient violation du droit à un procès équitable. La Cour, dans un arrêt qui désignait la responsabilité personnelle de certains fonctionnaires, a ordonné à l’Ukraine de réintégrer le requérant dans ses hautes fonctions judiciaires. D’après l’étude consacrée au système national d’intégrité par Transparency International en 2011 en Ukraine, «l’indépendance de la magistrature n’est pas suffisamment garantie, que ce soit en droit ou en fait. Le pouvoir judiciaire n’est pas en mesure de fonctionner efficacement en raison du manque de mécanismes de responsabilité et l’intégrité des juges est fragilisée par l’absence de dispositions relatives au conflit d’intérêts et à la déclaration de patrimoine» 
			(42) 
			L’Ukraine se situe
tout en bas du classement de l’IPC des Etats membres du Conseil
de l'Europe; voir en annexes 1 et 2.. La Commission internationale de juristes (ICJ) a fait une observation similaire à propos de la situation en Fédération de Russie, où «il est signalé que les menaces qui pèsent sur l'indépendance de la justice sont particulièrement aiguës dans les affaires où les intérêts d'acteurs politiques ou économiques puissants entrent en jeu» 
			(43) 
			ICJ, <a href='http://icj.wpengine.netdna-cdn.com/wp-content/uploads/2012/05/Russia-indepjudiciary-report-2010.pdf'>The
State of the Judiciary in Russia</a>, 2010, p. 7. . Un rapporteur de l’Assemblée s’est entendu dire à Moscou, il y a quelques années, que pour lutter efficacement contre la corruption des juges, il était inévitable de restreindre leur indépendance 
			(44) 
			Sabine Leutheusser-Schnarrenberger
(Allemagne, ADLE), Les circonstances entourant l’arrestation et
l’inculpation de hauts dirigeants de Ioukos, Doc. 10368 (voir le paragraphe 61). . En Bulgarie, des personnalités politiques de premier plan, comme le Premier ministre, Boiko Borisov, étaient si convaincues de la corruption de certains membres de la justice qu’ils ont publiquement dénoncé leur incapacité à exercer la fonction de juge et ont proclamé leur inaptitude à ce poste. Les interventions politiques de ce type soulèvent bien entendu également la question de l’indépendance de la justice. La Turquie offre l’exemple d’Erkan Canak, ancien juge de la Haute Cour pénale, qui doit être jugé parce qu’il aurait accepté un pot-de-vin.
29. La corruption des juges, ainsi que l’influence indûment exercée sur la justice, conduit souvent à des injustices. Selon Transparency International, «en Bulgarie, qui se positionne tout à la fin du classement de l’IPC dans les Etats membres de l’Union européenne 
			(45) 
			La Bulgarie occupe
la 34e place parmi les Etats membres
du Conseil de l'Europe. Voir l’annexe 1., plusieurs personnes accusées de faire partie de groupes de la criminalité organisée ont été systématiquement acquittées. Récemment, deux hommes d’affaires, connus sous le nom des frères Galev et qui auraient commis des actes de fraude, de trafic de drogue et d’autres infractions, ont été acquittés en raison de ce qui a été considéré comme une influence indûment exercée sur la justice, malgré l’existence de preuves substantielles contre eux». La corruption du pouvoir judiciaire peut conduire à la fois à acquitter de dangereux criminels et à poursuivre et condamner de parfaits innocents, par exemple lorsqu’un entrepreneur paie des fonctionnaires de police pour monter de toute pièce une affaire judiciaire contre un concurrent ou lorsque les fonctionnaires de police fabriquent un faux dossier à titre de représailles contre des entrepreneurs qui refusent de «partager» leurs bénéfices avec eux 
			(46) 
			Cette
pratique serait habituelle en Fédération de Russie. Des exemples
concrets figurent dans les rapports précités de Mme Leutheusser-Schnarrenberger
et dans le rapport de Christos Pourgourides (Chypre, PPE/DC), «Equité
des procédures judiciaires dans les affaires d’espionnage ou de
divulgation de secrets d’Etat», <a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewHTML.asp?FileID=9149&Language=FR'>Doc. 11031</a>. La liste officieuse des tarifs des actes de corruption
publiée en Russie par la «Commission de lutte contre la corruption»
(korrupciaszfo.ru), intitulée «Tarifs des services administratifs
corrompus (2011)» (<a href='http://newtariffs.ru/blog/tarify-chinovnikov-na-korruptsionnye-uslugi-dlya-biznesa-v-rossii'>http://newtariffs.ru/blog/tarify-chinovnikov-na-korruptsionnye-uslugi-dlya-biznesa-v-rossii</a>), précise sous la rubrique «Services judiciaires» le
coût de «l’engagement d’une procédure judiciaire à l’encontre d’un
concurrent: à partir de 10 000 USD». On trouve également, parmi
les «Services fiscaux», «le contrôle fiscal d’un concurrent avec
descente de police : à partir de 50 000 USD», une «affaire» en comparaison. .
30. La corruption au sein de la justice englobe bien souvent les personnes qui ont un lien avec le processus judiciaire, comme les gardiens de prison et les fonctionnaires de police. Un certain nombre d’affaires survenues en Azerbaïdjan et qui ont fait l’objet d’une enquête menée par Christoph Strässer, rapporteur de l’Assemblée sur le suivi de la question des prisonniers politiques en Azerbaïdjan, associent corruption de la justice et corruption politique: un journaliste, M. Faramaz Novruzoglu, a ainsi été condamné à une lourde peine d’emprisonnement pour «incitation à troubler l’ordre public à grande échelle» à la suite de la publication d’articles qui critiquaient les actes de corruption de personnes liées au gouvernement 
			(47) 
			Christoph Strässer
(Allemagne, SOC), Le suivi de la question des prisonniers politiques
en Azerbaïdjan, Allemagne, SOC, <a href='http://assembly.coe.int/ASP/Doc/XrefViewPDF.asp?FileID=19317&Language=FR'>Addendum
au rapport</a>, Doc. 13079, 22 janvier 2013 (paragraphe 8). .
31. L’existence indéniable d’actes de corruption commis par les juges et les procureurs ne doit pas, à mon sens, servir de prétexte à la limitation de l’indépendance des tribunaux. L’expérience montre que lorsqu’un mécanisme est mis en place pour «contrôler» précisément les activités judiciaires des juges (par opposition à leur situation administrative), ce mécanisme est utilisé, y compris de manière abusive, pour exercer toutes sortes d’influences indues à des fins politiques et, là encore, de corruption. La meilleure garantie contre la corruption judiciaire consiste à instaurer au fil du temps un esprit de corps fier et indépendant au sein des juges et procureurs, dont la tâche importante doit être reconnue à sa juste valeur, notamment sous la forme d’un salaire convenable et d’une auto-administration de la justice par des représentants élus par leurs pairs.

3.3. La corruption au sein du parlement

32. Au Royaume-Uni, le scandale des dépenses des parlementaires, qui a été dévoilé par la presse, offre un autre exemple des pratiques corrompues en politique. Ces actes illicites et de corruption ont entraîné une série de démissions, de mises en accusation et de condamnations à des peines d’emprisonnement de membres des deux principaux partis politiques et d’élus de la Chambre des communes et de la Chambre des lords 
			(48) 
			Pour de plus amples
précisions: <a href='http://news.bbc.co.uk/2/hi/in_depth/uk_politics/2009/mps%27_expenses/default.stm'>http://news.bbc.co.uk/2/hi/in_depth/uk_politics/2009/mps%27_expenses/default.stm.</a>.
33. Au Parlement européen, des journalistes qui s’étaient fait passer pour des lobbyistes auraient proposé des sommes considérables en espèces à des députés pour qu’ils déposent des amendements visant à modifier des textes législatifs portant sur la surveillance des marchés financiers. Trois d’entre eux ont mordu à l’hameçon. Le premier, de nationalité autrichienne, a entretemps été condamné à une lourde peine d’emprisonnement. Le second, de nationalité slovène, a été contraint de démissionner de son siège de député européen. Le troisième, un ancien ministre roumain des Affaires étrangères, nie toute malversation mais doit encore affronter les conséquences éventuelles de cette situation 
			(49) 
			Pour de plus amples
précisions: <a href='http://www.bbc.co.uk/news/world-europe-12880701'>www.bbc.co.uk/news/world-europe-12880701</a>. .
34. Parmi les récents exemples de corruption au sein des parlements figurent également ce que l’on a appelé le «Gulargate» azerbaïdjanais. Le 25 septembre 2012, une vidéo postée sur YouTube montrait apparemment une députée du parti au pouvoir, Mme Gular Ahmedova, qui demandait un pot-de-vin de $US 1,3 million en échange de la garantie d’un siège au parlement à un universitaire nommé Elshad Abdullayev. Le chef de l’administration présidentielle serait impliqué dans ce scandale. Mme Ahmedova a démissionné de son siège de députée et a été exclue du parti. De nouveaux extraits de cette vidéo ont été publiés régulièrement sur internet par Elshad Abdullayev, ce qui a encore accru l’étendue du scandale.
35. Le lien entre lobbying et corruption est un domaine qui mérite, lui aussi, notre attention. Je partage l’analyse de Transparency International, pour qui le lobbying entrepris de manière intègre et transparente est un moyen légitime de permettre aux groupes d’intérêts de prendre part au processus de délibération qui accompagne l’élaboration de la législation. Cependant, l’étude de cette ONG révèle que, sur 25 pays européens, seuls six ont réglementé d’une quelconque manière le lobbying. Ceux qui disposent d’une telle réglementation manquent bien souvent de mécanismes permettant d’en assurer le respect et de sanctions encourues en cas d’infraction ou ont adopté des mesures inadaptées, qui imposent uniquement l’enregistrement volontaire des lobbyistes, par exemple. La Hongrie, qui connaît aujourd’hui un revirement rapide de son évolution politique positive antérieure, en est un exemple. Elle avait réglementé le lobbying en légiférant de 2006 à 2010, mais a fait marche arrière en 2011. L’absence de transparence du lobbying favorise la corruption et ébranle la confiance des citoyens dans leur parlement, comme le démontre un sondage sur l’Union européenne selon lequel 80 % des personnes interrogées estiment que le lobbying devrait être soumis à une réglementation contraignante, afin de garantir la participation équilibrée des différentes parties prenantes dans la prise de décision 
			(50) 
			Pour
de plus amples précisions sur le projet «Les citoyens dans l’Union
européenne» et le sondage: <a href='http://www.eu-citizens.org/noticia10.php'>www.eu-citizens.org/noticia10.php.</a>.
36. Le Conseil de l'Europe et l’Assemblée parlementaire elle-même n’ont pas été épargnés par les allégations de lobbying déplacé. L’ONG berlinoise «European Stability Initiative» affirme, dans une série de rapports qui évoquent la «diplomatie du caviar» menée par l’Azerbaïdjan 
			(51) 
			European
Stability Initiative, Caviar Diplomacy, <a href='http://www.esiweb.org/pdf/esi_document_id_131.pdf'>How
Azerbaijan silenced the Council of Europe</a>, Berlin, 24 mai 2012 et <a href='http://www.esiweb.org/pdf/esi_document_id_134.pdf'>A
portrait of Deception</a>, Berlin, 22 janvier 2013. Pour de plus amples précisions,
voir également <a href='http://www.economist.com/blogs/charlemagne/2013/03/azerbaijan'>www.economist.com/blogs/charlemagne/2013/03/azerbaijan</a>. , que la délégation azerbaïdjanaise serait parvenue à éviter la formulation de critiques à l’égard de la situation des droits de l'homme, et notamment de la question des prisonniers politiques présumés, en adressant des invitations mirobolantes aux parlementaires et en offrant des cadeaux (notamment sous forme de caviar) aux parlementaires et à leur personnel. Je crois que bon nombre d’entre nous connaissent parfaitement l’intensité inhabituelle du lobbying qui a été déployé autour des deux rapports de notre collègue Christoph Strässer. Je m’abstiendrai de faire d’autres commentaires ici, mais je pense que nous aurions été sujets à critique si nous nous étions contentés d’ignorer ces événements récents.

4. Les conséquences de la corruption sur la prééminence du droit

37. La corruption compromet le bon fonctionnement des institutions publiques et détourne l’action des pouvoirs publics de son but, qui est de satisfaire l’intérêt général. Comme l’a souligné la représentante de l’Open Society Justice Initiative lors de l’audition de Paris, «lorsqu’ils restent impunis, le blanchiment de capitaux à grande échelle et les actes de corruption connexes commis au moyen d’instruments financiers et d’institutions financières irréprochables en apparence portent atteinte à la prééminence du droit et au respect des droits de l'homme, en permettant à certaines élites fortunées et politiquement puissantes de se servir et de s’entendre entre eux, au détriment de la population, à volonté et bien souvent impunément». Le préambule de la Convention pénale sur la corruption précise que «la corruption constitue une menace pour la prééminence du droit, la démocratie et les droits de l'homme, sape les principes de bonne administration, d’équité et de justice sociale, fausse la concurrence, entrave le développement économique et met en danger la stabilité des institutions démocratiques et les fondements moraux de la société». S’agissant plus particulièrement de la prééminence du droit, il est indéniable que la corruption fait peser sur elle de nombreuses menaces. De fait, la corruption touche chacune des composantes de la prééminence du droit telle que l’a définie la Commission de Venise.
38. La corruption perturbe le processus législatif en profitant de l’absence ou des lacunes de la réglementation des activités de lobbying, des codes de conduite et d’éthique du corps législatif et de dispositions claires destinées à prévenir les conflits d’intérêts; elle entraîne l’adoption de normes favorables aux intérêts particuliers des corrupteurs au lieu de satisfaire l’intérêt général. Le fait que la législation puisse être modifiée ou ne pas être adoptée en fonction des exigences de ceux qui ont les moyens de corrompre n’est pas conforme au principe de légalité, qui suppose l’existence d’un processus transparent, responsable et démocratique d’adoption des lois, ni au principe de la sécurité juridique, qui implique la prévisibilité de la loi.
39. La corruption, lorsqu’elle permet d’échapper au respect de la loi ou impose de payer pour qu’elle soit appliquée, ne supprime pas seulement la sécurité juridique, qui englobe le respect de la loi, mais instaure également l’arbitraire, puisque le processus décisionnel ne repose plus sur l’application uniforme de la législation. En outre, elle porte atteinte à l’égalité devant la loi et entraîne une discrimination au détriment des citoyens qui n’ont pas les moyens de corrompre ni de se défendre contre les actes de corruption commis à l’instigation de certains autres.
40. La Commission de Venise estime qu’il ne peut y avoir de prééminence du droit sans accès à une justice rendue par des tribunaux indépendants et impartiaux, notamment sous la forme d’un contrôle juridictionnel des actes administratifs. Il est indéniable que la corruption entrave l’accès à la justice de plusieurs manières. Elle peut empêcher le dépôt d’une plainte ou la saisine des tribunaux si l’agent chargé d’enregistrer la demande refuse de le faire sans qu’une somme d’argent lui soit versée. Elle peut également annihiler les chances d’obtenir gain de cause devant un juge corrompu par la partie adverse. La discrimination et le déni d’accès à la justice sont, en soi, constitutifs d’une violation de la Convention européenne des droits de l'homme 
			(52) 
			Notamment des articles
6, 13 et 14.. Ils empêchent par ailleurs les tribunaux de sanctionner les auteurs d’autres violations des droits de l'homme, dont les victimes n’ont pas les moyens de verser des pots-de-vin pour obtenir justice. La corruption érode par conséquent la protection des droits de l'homme en général, comme l’a démontré Thomas Hammarberg, ancien Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, qui s’est «rendu dans les 47 Etats membres du Conseil de l'Europe et [a] pu y observer de façon répétée les conséquences désastreuse de la corruption pour les droits de l'homme» 
			(53) 
			Thomas Hammarberg, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/documents/2012/Greco%282012%291_GenActReport2011_FR.pdf'>«La
corruption, facteur d’érosion de la protection des droits de l’homme</a>», article thématique publié dans le Douzième rapport
général d’activités du GRECO (2011), 23 mars 2012, p. 18. .
41. La corruption a, en outre, un effet boule de neige: elle porte atteinte à la prééminence du droit et l’absence de prééminence du droit favorise elle-même la corruption. Comme l’a déclaré Mme Anne Koch, représentante de Transparency International, «lorsque la prééminence du droit s’effondre, le contrat social cesse d’exister et les membres ordinaires de la société considèrent l’ensemble des institutions qui les gouvernent comme les agents d’un système corrompu auquel ils doivent faire face de manière corrompue. Le poison de la corruption et de l’illégalité finit alors par devenir endémique».
42. Outre ses effets sur les éléments constitutifs de la prééminence du droit, la corruption mine la confiance des citoyens dans les institutions. C’est le cas pour la justice, comme le souligne la Commission internationale de juristes, selon laquelle «lorsqu’un juge est capable de se laisser corrompre ou influencer par une partie ou un tiers, on ne peut lui faire confiance pour faire preuve de vigilance à l’égard d’actes de torture ou d’un détenu, pour prendre avant tout en compte, dans un litige sur la garde d’un enfant, l’intérêt supérieur de celui-ci ou pour octroyer une réparation satisfaisante pour un acte de discrimination à caractère raciste». Il en va de même pour le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif. Transparency International estime en effet que «la corruption est désormais de plus en plus révélée, ce qui entraîne proportionnellement une perte de confiance des citoyens dans le système politique et les responsables politiques». Même si la manière dont les citoyens perçoivent la corruption est parfois exagérée, la crise de confiance dans les institutions causée par la corruption est énorme en Europe 
			(54) 
			Selon l’Eurobaromètre
spécial sur la corruption (<a href='http://ec.europa.eu/public_opinion/archives/ebs/ebs_374_en.pdf'>Special
Eurobarometer on corruption</a>) publié en février 2012, 41 % des citoyens de l’Union
européenne estiment que la corruption représente un problème majeur
dans leur pays et 47 % pensent que le niveau de la corruption a
progressé dans leur pays au cours des trois dernières années. et affaiblit gravement ces mêmes institutions. La représentante de Transparency International, Mme Koch, a, par exemple, fait observer que le Gouvernement bulgare avait récemment démissionné après une série de manifestations qui ont rapidement dégénéré et réunissaient des personnes lasses de voir le prix de l’électricité augmenter, les mesures d’austérité se durcir et l’esprit de corruption et le sentiment d’impunité régner au sein de l’élite.
43. L’ancien Commissaire aux droits de l'homme, M. Hammarberg, a souligné à juste titre un autre aspect de la corruption, à savoir son coût extrêmement élevé pour l’ensemble des citoyens: «Des quantités d’argent énormes disparaissent en versements illégaux et sous forme de manque à gagner pour le fisc, réduisant ainsi la capacité de l’Etat à investir dans les infrastructures et les politiques nécessaires pour assurer des conditions de vie décentes et garantir l’égalité des chances à tous les citoyens. 
			(55) 
			Voir note de bas de
page n° 54. » En temps de crise économique, ce coût est encore plus difficile à supporter, précisément parce que la corruption exacerbe la crise. Comme le souligne Transparency International, «un certain nombre de pays d’Europe du sud, notamment ceux dans lesquels la crise financière est actuellement la plus aiguë (Grèce, Italie, Portugal, Espagne et Chypre), présentent un grave déficit de responsabilité publique et des problèmes profondément enracinés d’inefficacité et d’incurie, qui ne sont pas suffisamment réglementés ni sanctionnés».

5. Les mesures de lutte contre la corruption

44. La corruption est un phénomène ancien et répandu, mais elle n’est pas inévitable. Je suis profondément convaincue qu’il est primordial de lutter contre elle car, comme le souligne Transparency International, «lorsque les institutions omettent d’adopter et de mettre en œuvre une réglementation adéquate et une culture de l’intégrité, la corruption risque de prospérer, ce qui fragilise la croissance équitable, la cohésion sociale et la prééminence du droit». Il existe plusieurs façons et moyens d’éradiquer ce phénomène et j’aimerais attirer votre attention sur ceux qui me paraissent particulièrement prometteurs.
45. La mise en œuvre des recommandations du GRECO et de MONEYVAL représente un moyen évident de lutter contre la corruption. De nombreux pays ont vu leurs lacunes mises en avant par leurs rapports d’évaluation et leurs rapports de conformité ultérieurs, et ce pour des raisons diverses qui varient d’un pays à l’autre. A propos de la France, par exemple, qui a ratifié la Convention pénale sur la corruption en 2008, le GRECO a souligné, dans la conclusion du Rapport d’évaluation du Troisième Cycle, que «la France a restreint assez fortement sa compétence et ses capacités de poursuite à l’égard des affaires de dimension transnationale, ce qui est fort dommage compte tenu de l’importance du pays dans l’économie internationale et du poids de beaucoup de ses sociétés commerciales» 
			(56) 
			GRECO, Troisième Cycle
d'Evaluation, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/evaluations/round3/GrecoEval3(2008)5_France_One_FR.pdf'>Rapport
d'évaluation sur la France</a> – Thème I, 2009, voir paragraphe 99.<a href=''></a>. S’agissant de la procédure de conformité, le GRECO a estimé, par exemple au sujet de la Fédération de Russie, que le pays avait mis en œuvre de façon satisfaisante ou traité de manière satisfaisante à peine plus d’un tiers des 26 recommandations formulées dans le rapport de conformité des Premier et Deuxième Cycles d’Evaluation conjoints 
			(57) 
			GRECO,
Premier et Deuxième Cycles d’Evaluation conjoints, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/evaluations/round2/GrecoRC1&2(2010)2_RussianFederation_FR.pdf'>Rapport
de conformité sur la Fédération de Russie</a>, 2010, voir paragraphe 132. (le troisième rapport d’évaluation n’étant pas encore achevé). Le GRECO a récemment fait part de sa vive désapprobation des réticences de l’Ukraine à mettre en œuvre ses recommandations: «Le nombre total de recommandations appliquées – un peu moins de la moitié des recommandations émises – n’est pas très élevé et il est notable que plusieurs questions fondamentales comme l’indépendance du système judiciaire, l’existence de processus judiciaires et administratifs parallèles, le contrôle indépendant des finances des collectivités locales, la réforme de la fonction publique, le processus de décision administratif et la responsabilité des personnes morales pour les délits de corruption, pour ne citer que quelques-uns des domaines mentionnés par le GRECO dans le rapport d’évaluation, requièrent encore une attention très importante. 
			(58) 
			GRECO, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/evaluations/round2/GrecoRC1&2(2009)1_SecondAdd_Ukraine_FR.pdf'>Deuxième
Addendum</a> au rapport de conformité sur l'Ukraine des Premier et
Deuxième Cycles d'Evaluation conjoints, 2012, voir le paragraphe
69. » Il reste encore beaucoup à faire en la matière, mais le cas de l’Ukraine, où des mesures de lutte contre la corruption ont été utilisées à des fins politiques, montre également que ces questions doivent être traitées soigneusement et avec circonspection. Le chef d’accusation «d’abus d’autorité» retenu contre l’ancien Premier ministre ukrainien, Ioulia Timochenko, offre un excellent exemple de l’utilisation abusive à des fins politiques de dispositions pénales sévères, destinées à lutter contre la corruption, pour engager de manière sélective des poursuites à l’encontre de hauts responsables de l’opposition 
			(59) 
			C’est
la raison pour laquelle la Commission de Venise recommande de distinguer
la corruption des autres infractions et considère que «les dispositions
pénales nationales relatives à “l’abus d’autorité”, à “l’excès de
pouvoir” et à des formules similaires devraient être interprétées
de manière étroite et appliquées au-delà d’un seuil élevé, de manière qu’elles
puissent uniquement être invoquées en cas d’infractions à caractère
grave, comme par exemple pour les graves infractions commises à
l’encontre des processus démocratiques nationaux ou les atteintes
aux droits fondamentaux, la violation de l’impartialité de l’administration
publique et d’autres cas de ce genre» (voir le rapport <a href='http://www.venice.coe.int/WebForms/documents/?pdf=CDL-AD%282013%29001-e'>CDL-AD
(2013)001</a>). .
46. Pour lutter contre l’impunité dont jouissent très souvent les auteurs des actes de corruption, l’incrimination de l’ensemble des actes de corruption (y compris la corruption active et passive) est essentielle. Le Troisième Cycle d’Evaluation du GRECO a souligné l’importance d’une incrimination claire et précise de ces actes. Selon la synthèse thématique de ce Troisième Cycle d’Evaluation, les rapports d’évaluation du Troisième Cycle du GRECO font état d’un niveau de conformité dans l’ensemble satisfaisant avec les obligations nées de la Convention pénale sur la corruption et de son protocole additionnel. Toutefois, «un ou deux systèmes juridiques ont donné lieu à une critique du fait de leur nature anachronique, qui les rend donc mal équipés pour traiter de la corruption au XXIe siècle. Les rapports concernant les systèmes juridiques de la Grèce et du Royaume-Uni en sont de bons exemples» 
			(60) 
			Voir Roderick Macauley, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/general/MACAULEY_FR.pdf'>Combattre
la corruption, Incriminations</a>, Synthèse thématique du Troisième Cycle d’Evaluation
du GRECO. . En outre, au moment de l’adoption de leurs rapports d’évaluation, deux Etats membres avaient signé, sans la ratifier, la Convention pénale sur la corruption (Allemagne et Espagne), dix Etats membres n’avaient ni signé ni ratifié son protocole additionnel (Andorre, Azerbaïdjan, Bosnie-Herzégovine, République tchèque, Estonie, Finlande, Géorgie, Lituanie, Pologne et Espagne) et six Etats membres avaient signé, sans le ratifier, ce même protocole (Allemagne, Hongrie, Islande, Malte, Portugal et Turquie). Il importe que ces deux instruments juridiques soient rapidement ratifiés par tous les Etats membres et que leurs dispositions soient effectivement mises en œuvre. En matière d’incrimination, il convient également d’accorder une attention particulière à la définition précise des infractions, qui doit notamment comprendre l’obtention d’un avantage personnel.
47. La transparence est l’élément clé de la lutte contre la corruption. Plus les informations sont accessibles au public, plus les ONG et les médias peuvent désigner et fustiger les actes de corruption et contribuer ainsi à mettre un terme à ces pratiques. Comme la corruption du secteur public tend à glisser vers le secteur privé, par exemple lorsque des agents publics corrompus dissimulent leurs actifs dans des personnes morales dirigées pour leur compte par des hommes de paille ou détournent les actifs d’entreprises publiques ou en partie publiques, les exigences en matière de transparence ne sauraient se limiter au seul secteur public. L’obligation de déclaration de patrimoine imposée au début et à la fin du mandat d’un responsable public est un excellent moyen de lutter contre la corruption dans le secteur public. Toute augmentation inhabituelle d’un patrimoine devrait obliger l’intéressé à s’en expliquer. L’évolution récemment survenue en France montre qu’il doit être précisé dès le départ que le fait, pour un haut responsable public, de posséder un patrimoine considérable n’est pas en soi condamnable, mais qu’il doit pouvoir démontrer que ce patrimoine est le fruit d’activités légales et qu’il est convenablement déclaré au fisc. Je serais favorable à la mise en place d’une législation qui autorise, comme c’est déjà le cas dans certains pays qui luttent contre la criminalité organisée, le gel et même la confiscation de tout actif dont le propriétaire se trouve dans l’incapacité de démontrer que les fonds utilisés pour son acquisition présentent un caractère légal. La corruption est une affaire d’argent et d’avidité. Si nous parvenons à confisquer réellement les fruits de la corruption, cette pratique diminuera rapidement.
48. Une réforme judiciaire visant à renforcer l’indépendance des magistrats représente également un élément essentiel de la lutte contre la corruption. Transparency International a constaté que l’immense majorité des pays européens souffraient d’une faible exécution des décisions de justice. A cela s’ajoute bien souvent un manque de transparence, des juges qui ne sont pas totalement indépendants et un pouvoir exécutif capable de contrôler fermement la nomination des juges. Selon cette ONG, «la situation des juges continue à poser problème même dans les Etats membres où l’administration a lutté avec succès contre la corruption. C’est le cas, par exemple, en Géorgie, où malgré les effets importants des réformes destinées à lutter contre la corruption, l’indépendance insuffisante des juges a affaibli de manière déterminante le potentiel de bonne gouvernance du pays. En dépit de l’éradication de la corruption au sein des tribunaux, le pouvoir judiciaire a souffert de l’influence indûment exercée par le parquet et l’exécutif lors de l’attribution des affaires pénales et dans les affaires qui portent sur les intérêts des responsables politiques. Le degré d’indépendance insuffisant du pouvoir judiciaire a également compromis sa capacité à exercer une surveillance sur le pouvoir exécutif» 
			(61) 
			Voir
Transparency International, <a href='http://transparency.ge/nis/'>Georgia NIS Report 2011</a>. . Les réformes récemment entreprises en Hongrie pour restreindre l’indépendance de la justice sont également particulièrement préoccupantes et pourraient entraver la lutte contre la corruption.
49. Le GRECO a par ailleurs déclaré que la corruption était souvent rendue possible par le manque d’indépendance et de moyens des instances chargées de la prévention et de la répression de la corruption et a recommandé d’inverser cette tendance 
			(62) 
			Voir, par exemple,
le <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/evaluations/round2/GrecoEval1-2%282006%292_Ukraine_FR.pdf'>Rapport
d’Evaluation sur l’Ukraine</a> (Premier et Deuxième Cycles d’Evaluation conjoints), 21 mars
2007, p. 11-21. . Les réformes institutionnelles devraient par conséquent garantir l’indépendance des instances chargées de la prévention et de la répression de la corruption; il convient en outre de renforcer les moyens mis à leur disposition.
50. Plusieurs experts invités à l’audition de Paris ont souligné que la corruption dans le secteur public présentait également une dimension culturelle. La Commission internationale de juristes estime que «la principale garantie contre la corruption judiciaire, qui est aussi la plus éphémère et la plus difficile à mettre en place, consiste peut-être à disposer d’une structure de juges qui ont un sens aigu de l’honneur de la justice et de la responsabilité qui doit présider à l’exercice du pouvoir judiciaire». Cette culture déontologique est également primordiale pour les élus, les parlementaires et les fonctionnaires. Elle repose sur une éducation et une formation continue et doit être secondée par un engagement sans ambiguïté du pouvoir politique.
51. La protection des donneurs d’alerte, à laquelle l’Assemblée a consacré un rapport distinct 
			(63) 
			Voir note de bas de
page n° 33., est le complément indispensable de l’indépendance des juges. Transparency International a souligné son importance capitale, en citant l’exemple d’un donneur d’alerte «qui avait communiqué des informations détaillées sur les frais des parlementaires à un quotidien britannique, ce qui a provoqué un scandale retentissant au Royaume-Uni à propos de l’utilisation abusive généralisée des frais et indemnités des parlementaires et a finalement abouti à une série de démissions et de peines d’emprisonnement». D’après les évaluations réalisées par cette ONG, il reste encore beaucoup à faire dans ce domaine: «Même dans les pays qui disposent d’une législation en ce sens, (…) les donneurs d’alerte ne sont pas suffisamment protégés en pratique contre les représailles, sauf en Norvège et au Royaume-Uni où ces garanties sont plus solides. Dans un certain nombre de pays d’Europe, notamment en Europe orientale et dans les Balkans, les donneurs d’alerte sont victimes d’une stigmatisation et risquent parfois leur vie, quand ils ne la perdent pas (comme Sergei Magnitski en Russie).» Sergueï Magnitski avait dénoncé le vol systématique à grande échelle des deniers publics de l’Etat russe par des fonctionnaires russes corrompus. Arrêté, il est mort en prison, ce qui a suscité une vague d’indignation à l’intérieur du pays et sur la scène internationale. Une proposition de résolution a été déposée sur le thème du refus de l’impunité de ses meurtriers 
			(64) 
			«Refuser l’impunité
pour les meurtriers de Sergueï Magnitski», proposition de résolution, Doc. 12909<a href=''>.</a> et, en décembre 2012, notre collègue de la commission, M. Andreas Gross (Suisse, SOC), a été nommé rapporteur pour enquêter plus étroitement sur cette affaire et sur le fait allégué qu’on cherche à l’étouffer en haut lieu. A cet égard, le rôle des acteurs de la société civile et du journalisme d’investigation doit être souligné. Je citerai trois exemples de telles initiatives. En Fédération de Russie, le célèbre blogueur et leader de l’opposition, M. Navalniy, enquête sur les actes de corruption commis dans le cadre des contrats de marchés publics 
			(65) 
			Voir <a href='http://rospil.info/'>http://rospil.info/</a>. M. Navalniy fait actuellement l’objet d’un procès pour
détournement de fonds; voir notamment <a href='www.lemonde.fr/europe/article/2013/04/25/eloquent-plaidoyer-de-l-opposant-alexei-navalny-lors-de-son-proces_3165947_3214.html'>www.lemonde.fr/europe/article/2013/04/25/eloquent-plaidoyer-de-l-opposant-alexei-navalny-lors-de-son-proces_3165947_3214.html.</a>. En Ukraine, des émissions de télévision et des médias en ligne 
			(66) 
			Voir,
par exemple, <a href='http://www.pravda.com.ua/'>Ukrayinska
Pravda</a>. enquêtent et dévoilent la fourberie du monde politique et les détournements de fonds publics ou de l’Etat. Plusieurs enquêtes du même genre ont permis de révéler des scandales de corruption «régionale» dans les Etats baltes.
52. Les réformes proposées devraient permettre de mettre un terme à l’impunité des auteurs d’actes de corruption et de briser ainsi le «cercle vicieux» décrit par Mme Koch, représentante de Transparency International: «Lorsqu’elle est pratiquée avec succès, [la corruption] continue à être utilisée et affaiblit du même coup la prééminence du droit.»
53. L’autre moyen important de lutte contre la corruption consiste à réglementer les activités de lobbying, grâce à l’enregistrement obligatoire du lobbying et à l’application d’un code de conduite aux lobbyistes et à ceux qui les rencontrent. Ces codes de conduite représentent un élément essentiel de la lutte contre la corruption menée par les parlements, car ils imposent des dispositions contraignantes et exécutoires en définissant les actes clairement légaux et acceptables – et ceux qui ne le sont pas – des responsables politiques, des agents publics et de leurs interlocuteurs. Comme le souligne Transparency International, l’adoption de codes de conduite ayant force exécutoire démontre le sérieux de l’engagement des parlementaires en faveur de l’intégrité et permet de gagner la confiance des citoyens à l’égard du processus politique. L’évaluation de 25 pays réalisée par l’ONG précitée révèle que seuls huit d’entre eux disposent de codes de conduite en vigueur à l’heure actuelle, ce qui démontre qu’il reste encore beaucoup à faire en la matière. Le GRECO a déploré à plusieurs reprises le non-respect des recommandations qu’il formule dans ce domaine, par exemple en Hongrie, qui n’avait pas adopté d’instructions claires à l’égard des fonctionnaires qui demandent ou obtiennent des cadeaux 
			(67) 
			GRECO, Deuxième Cycle
d’Evaluation, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/evaluations/round2/GrecoRC2%282008%294_Hungary_FR.pdf'>rapport
d’évaluation sur la Hongrie</a>, 2008, voir les paragraphes 31-34. , ni d’ailleurs de code de conduite de la fonction publique 
			(68) 
			GRECO, <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/greco/evaluations/round2/GrecoRC2(2008)4_Add_Hungary_FR.pdf'>Addendum</a> au rapport de conformité sur la Hongrie du Deuxième
Cycle d’Evaluation, 2010, voir paragraphe 16<a href=''>.</a>. La réglementation du lobbying devrait être mise en œuvre en tenant compte des conclusions formulées dans l’avis de la Commission de Venise sur le rôle des acteurs extra-institutionnels dans le système démocratique 
			(69) 
			Commission
de Venise, Opinion the role of extra-institutional actors in the
democratic system (en anglais), <a href='http://www.venice.coe.int/webforms/documents/?pdf=CDL-AD%282013%29011-e'>CDL-AD(2013)011</a>, 22 mars 2013. Cet avis analyse les divers régimes de
réglementation du lobbying et leurs avantages et inconvénients. , ainsi que des principes directeurs de l’élaboration des codes de conduite énoncés dans la Recommandation 1908 (2010).
54. D’autres mesures peuvent être envisagées au niveau parlementaire. Dans un discours prononcé en mars 2013 devant le Congrès des pouvoirs locaux et régionaux du Conseil de l’Europe, le président de l’ONG Anticor a souligné la nécessité de renforcer les droits de l’opposition parlementaire et a proposé, par exemple, que la législation attribue la présidence de la commission des marchés publics à un membre de l’opposition 
			(70) 
			Voir <a href='http://www.anticor.org/2013/03/26/anticor-au-conseil-de-leurope/'>www.anticor.org/2013/03/26/anticor-au-conseil-de-leurope/</a>. .
55. Le récent scandale provoqué par l’affaire Cahuzac que nous avons évoquée plus haut a ravivé en France et en Europe le débat sur la déclaration de patrimoine des élus. La réforme annoncée des dispositions qui régissent l’établissement et le contrôle de cette déclaration 
			(71) 
			Cette
réforme a été annoncée par le Président français Hollande le 10 avril 2013
(voir <a href='http://www.elysee.fr/assets/pdf/declaration-du-president-de-la-republique-4.pdf'>www.elysee.fr/assets/pdf/declaration-du-president-de-la-republique-4.pdf</a>). a reçu un accueil mitigé dans le monde politique français. Transparency International, ainsi que d’autres ONG comme Anticor, estiment que l’existence d’un solide mécanisme de déclaration de patrimoine représente une garantie importante de l’intégrité dans le secteur public, car elle prévient et révèle les conflits d’intérêts des parlementaires et évite l’enrichissement illicite des responsables publics. Selon Transparency International, «bien que la totalité des pays européens disposent d’une forme de régime de déclaration de patrimoine, d’intérêts et de revenus, leur qualité et leur étendue varient considérablement: 11 pays sur 25 ne prennent pas en compte tous les aspects pertinents des intérêts des parlementaires et/ou communiquent uniquement des informations partielles. L’exemple de la Slovénie et de la France est préoccupant, car les déclarations des parlementaires ne sont pas du tout soumises à l’examen des citoyens, ce qui ôte finalement tout intérêt à un mécanisme visant à obliger de rendre des comptes aux citoyens».
56. La lutte contre la corruption ne saurait être efficace sans une lutte contre un autre phénomène qui facilite la corruption: le blanchiment de capitaux. De fait, comme l’a souligné la représentante de l’Open Society Justice Initiative durant l’audition de Paris, «bien que l’Indice de perception de la corruption de Transparency International désigne plusieurs Etats membres du Conseil de l'Europe parmi ceux qui sont considérés comme «les plus propres», certains de ces Etats, notamment le Royaume-Uni et la Suisse, blanchissent les produits du crime et de la corruption à très grande échelle». La suppression du secret bancaire, qui permet à l’évidence de blanchir les produits de la corruption, ainsi que la mise en place d’un régime déclaratif rigoureux, représentent des moyens efficaces de lutte contre la corruption. La répression du blanchiment de capitaux est un domaine qui exige absolument l’existence d’une coopération internationale. Le circuit emprunté par les capitaux qui font l’objet de virements électroniques, utilisés dans les faits pour toute somme importante d’argent sale, doit pouvoir être suivi sans qu’on en perde la trace ou que celle-ci soit effacée. Il convient tout simplement de la suivre à travers les frontières et tous les méandres et subterfuges imaginés par les auteurs de ces actes, jusqu’à leur bénéficiaire ultime. Cette tâche n’est pas compliquée, elle exige uniquement que tous les pays concernés par le circuit emprunté par ces capitaux aient la volonté politique d’entreprendre réellement et sérieusement cette action.
57. Toutes ces réformes doivent s’inscrire dans une stratégie globale. Les experts invités à l’audition de Paris ont souligné l’importance d’une approche globale de la corruption, y compris sur le plan du cadre juridique et sur celui de la pratique et des résultats des institutions. M. Daniel Smilov a attiré l’attention de la commission sur le fait que plusieurs pays d’Europe orientale présentaient systématiquement un niveau élevé de perception de la corruption, alors que les gouvernements s’étaient saisis de ce problème. Il s’est demandé si cela ne signifiait pas que les mesures de lutte contre la corruption avaient été insuffisantes ou que la stratégie suivie, qui privilégiait essentiellement les réformes institutionnelles, avait été mal perçue, voire contreproductive. Cette deuxième hypothèse conduit à envisager les pratiques institutionnelles et la déontologie professionnelle avec une certaine inquiétude.

6. Conclusions et propositions

58. Le sujet de «La corruption: une menace pour la prééminence du droit» est à l’évidence complexe 
			(72) 
			Pour une vue d’ensemble
récente de la question, voir les rapports nationaux sur les pratiques
en matière de droits de l'homme de 2012, publiés par le Département
d’Etat des Etats-Unis, qui offrent de nombreux exemples des différentes formes
de corruption dans plusieurs Etats membres du Conseil de l'Europe: <a href='http://www.state.gov/j/drl/rls/hrrpt/humanrightsreport/'>www.state.gov/j/drl/rls/hrrpt/humanrightsreport/#wrapper.</a>. Le présent rapport ne peut malheureusement proposer toutes les solutions dont nous disposons. Un certain nombre de propositions prioritaires peuvent néanmoins être faites pour éradiquer ce fléau.
59. Le Conseil de l'Europe a élaboré de précieux instruments et mécanismes juridiques pour prévenir et réprimer la corruption. Il convient d’encourager les Etats membres du Conseil de l'Europe à ratifier les conventions pertinentes du Conseil de l'Europe et à mettre en œuvre les recommandations du GRECO 
			(73) 
			Voir la <a href='https://wcd.coe.int/ViewDoc.jsp?Ref=717/10.1&Language=lanFrench&Ver=original&Site=CM&BackColorInternet=C3C3C3&BackColorIntranet=EDB021&BackColorLogged=F5D383'>décision</a> adoptée par le Comité des ministres en conformité avec
l’article 7.2 du statut du GRECO lors de sa 717e séance,
le 13 juillet 2000. et de MONEYVAL. 
			(74) 
			Voir l’article 4.1
de la <a href='http://www.coe.int/t/dghl/monitoring/moneyval/About/Res%282012%2912_fr.pdf'>Résolution
CM/Res(2010)12</a>. Les parlements devraient également contribuer à la mise en œuvre de ces recommandations en mettant en place des procédures spécifiques de contrôle parlementaire. Au niveau de l'Assemblée, outre la représentation dans les réunions du GRECO et de MONEYVAL, la commission de suivi devrait accorder une attention particulière à la mise en œuvre de ces instruments juridiques.
60. Je propose également de promouvoir des stratégies globales de lutte contre la corruption qui comportent les principaux éléments suivants:
i. Le renforcement de l’indépendance et de l’efficacité de la justice. Ceci passe notamment, par des mesures de renforcement de la qualité, de la formation et du statut des professions judiciaires. Il convient de mettre en place des procédures transparentes de nomination, de promotion et de révocation des juges, ainsi que des dispositions disciplinaires adéquates, qui seront appliquées par des instances échappant à toute ingérence politique et influence indue.
ii. Le renforcement de la transparence. Il est légitime que les citoyens souhaitent une plus grande transparence. Pour restaurer la confiance dans les institutions publiques, nous devons mettre en place des dispositions rigoureuses en matière de déclaration de patrimoine, de revenus et d’intérêts des parlementaires, des membres du gouvernement, des hauts fonctionnaires et des juges, ainsi qu’instituer des organismes de contrôle indépendants, qui disposent de moyens suffisants de sanction en cas de non-respect de ces dispositions. Cette transparence passe également par la réglementation des activités de lobbying, grâce à l’élaboration de registres de lobbyistes obligatoires et publics et de codes de conduite applicables aux lobbyistes et à ceux qui les rencontrent. Il convient également que les institutions publient leurs informations financières sur leur site web et que l’accès aux données publiques soit encouragé.
iii. La protection de la liberté et de l’indépendance des médias. Les médias sont essentiels pour la lutte contre la corruption et devraient échapper à toute pression gouvernementale, afin de pouvoir déceler et révéler les affaires de corruption.
iv. L’autonomisation de la société civile, qui a un rôle important à jouer dans la mobilisation des groupes et des médias sur les questions de gouvernance et de démocratie, en vue de déceler et de dénoncer la corruption.
61. Il convient de mettre ces stratégies en œuvre avec souplesse, en tenant compte de la spécificité de la situation de chaque pays. Les problèmes de corruption devraient être traités parallèlement à des questions telles que la démocratie, le constitutionnalisme et la séparation des pouvoirs, comme l’a proposé M. Smilov lors de l’audition. Dans un environnement politique dépourvu de concurrence et dans lequel la séparation des pouvoirs est peu importante, il convient d’envisager les mesures de lutte contre la corruption comme un élément d’un ensemble plus vaste de réformes, qui assure une plus grande séparation des pouvoirs et une concurrence politique plus intense. Dans un cadre politique extrêmement concurrentiel et démocratique, les mesures de lutte contre la corruption devraient être associées à des mesures qui renforcent les freins et contrepoids grâce à une séparation des pouvoirs et restreignent les initiatives d’auto-validation des représentants de la majorité du moment. Il importe en tout état de cause de dissocier les partis politiques de la lutte contre la corruption, afin d’éviter que celle-ci soit soupçonnée d’être uniquement l’expression d’une stratégie de mobilisation des suffrages.
62. L’Assemblée doit également accorder une attention particulière à la mise en œuvre effective de son propre code de conduite. De même, le Conseil de l'Europe devrait faire preuve de vigilance, en s’assurant que les fonds affectés à la mise en œuvre de ses programmes soient utilisés à bon escient et ne soient pas détournés par des fonctionnaires corrompus.
63. Enfin, je propose que le Comité des Ministres participe davantage à la lutte contre le fléau de la corruption, d’une part, en veillant à ce que cette question figure parmi les modules spécifiques des programmes de formation mis en œuvre par les organes du Conseil de l'Europe et, d’autre part, en créant un groupe de travail chargé d’élaborer des lignes directrices sur les codes de conduite et d’éthique destinés aux agents publics et aux juges.

Annexe 1 – Indice de perception de la corruption (IPC) de Transparency International 2012

(open)
Graphic

* Aucune donnée disponible au titre de l’Andorre, du Liechtenstein, de Monaco et de Saint Marin.

Légende:

Note IPC 2012: correspond au niveau de corruption ressenti

Etudes utilisées: reflète le nombre d’études ou d’évaluations utilisées pour calculer la note d’IPC de chaque pays.

En 2012, 13 études et expertises ont été utilisées; la présence de trois d’entre elles au moins était indispensable pour qu’un pays figure dans l’IPC.

Ecart-type: indique les écarts de valeur des sources. Plus l’écart type est faible, plus les sources s’accordent sur leurs estimations.

Fourchette des notes: fourchette maximale – fourchette minimale – donne les valeurs les plus élevées et les plus basses des sources.

Annexe 2 – Transparency International IPC 2012: classement mondial des Etats membres du Conseil de l'Europe

(open)

Légende: Note IPC 2012: Indice de perception de la corruption, qui correspond au niveau de corruption ressenti.

Rang Conseil de l’Europe

Rang Mondial

Pays/Territoire 
			(75) 
			Aucune donnée disponible
au titre de l’Andorre, du Liechtenstein, de Monaco et de Saint‑Marin.

Score CPI 2012

1

1

Danemark

90

1

1

Finlande

90

3

4

Suède

88

4

6

Suisse

86

5

7

Norvège

85

6

9

Pays-Bas

84

7

11

Islande

82

8

12

Luxembourg

80

9

13

Allemagne

79

10

16

Belgique

75

11

17

Royaume-Uni

74

12

22

France

71

13

25

Autriche

69

13

25

Irlande

69

15

29

Chypre

66

16

30

Espagne

65

17

32

Estonie

64

18

33

Portugal

63

19

37

Slovénie

61

20

41

Pologne

58

21

43

Malte

57

22

46

Hongrie

55

23

48

Lituanie

54

24

51

Géorgie

52

25

54

République tchèque

49

25

54

Lettonie

49

25

54

Turquie

49

28

62

Croatie

46

28

62

République slovaque

46

30

66

Roumanie

44

31

69

«L’ex-République yougoslave de Macédoine»

43

32

72

Bosnie-Herzégovine

42

32

72

Italie

42

34

75

Bulgarie

41

34

75

Monténégro

41

36

80

Serbie

39

37

94

Grèce

36

37

94

Moldova

36

39

105

Arménie

34

40

113

Albanie

33

41

133

Russie

28

42

139

Azerbaïdjan

27

43

144

Ukraine

26