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Rapport | Doc. 14396 | 15 septembre 2017

Appel pour un Sommet du Conseil de l’Europe afin de réaffirmer l’unité européenne et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Michele NICOLETTI, Italie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Décision du Bureau, Renvoi 4178 du 25 janvier 2016. 2017 - Quatrième partie de session

Résumé

La commission des questions politiques et de la démocratie se déclare préoccupée par les défis qui menacent actuellement le continent européen et son unité. Dans ce contexte, elle estime que le Conseil de l'Europe est aujourd'hui plus nécessaire que jamais.

Afin de préserver et de renforcer davantage le projet paneuropéen dans une Europe qui a profondément changé depuis le dernier sommet tenu à Varsovie il y a 12 ans, la commission demande la tenue d’un quatrième Sommet des chefs d'État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe. Ce sommet devrait être bien ciblé et donner un élan politique à un certain nombre d'actions spécifiques suggérées dans le rapport. Il devrait aussi constituer une nouvelle opportunité pour définir, au plus haut niveau politique, le rôle que le Conseil de l'Europe devrait jouer dans l’ensemble de l'architecture politique européenne et traiter des questions en suspens concernant ses relations avec l'Union européenne, dans l'intérêt des citoyens européens.

Le rapport suggère que, dans le cadre des travaux préparatoires de ce sommet, les deux organes statutaires du Conseil de l'Europe, tout en préservant pleinement leur autonomie, s'engagent dans une procédure visant à harmoniser conjointement les règles régissant la participation et la représentation des États membres en leur sein. L'Assemblée parlementaire devrait poursuivre sa propre réflexion sur son rôle et sa mission en tant qu'organe statutaire du Conseil de l'Europe et en tant que forum paneuropéen de dialogue interparlementaire qui vise à avoir un impact dans tous les États membres du Conseil de l'Europe.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté à l’unanimité par la commission le 6 septembre
2017.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se déclare préoccupée par les défis politiques majeurs, aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur des frontières de l’Europe, qui menacent actuellement le continent et son unité: le risque quotidien d’attentats terroristes, la montée de l’euroscepticisme, du nationalisme, du populisme et de la xénophobie, la persistance de conflits gelés et ouverts, l’annexion ou l’occupation de territoires de pays voisins, la prolongation de mesures prises sous l’état d’urgence et la réapparition de divisions. Des guerres aux portes de l’Europe menacent la sécurité du continent et ont provoqué des afflux massifs de réfugiés et de migrants.
2. L’efficacité et l’autorité du système de protection des droits de l'homme, unique en son genre, fondé sur la Convention européenne des droits de l'homme (STE no 5), sont menacées par diverses tentatives visant à amoindrir l’autorité de la Cour européenne des droits de l'homme, par le manque de volonté politique, de la part de certains États Parties, de mettre en œuvre ses arrêts malgré leur force juridiquement contraignante, ou par des retards dans leur exécution.
3. Des évolutions récentes au sein de l’Union européenne, y compris les procédures en cours d’infraction et de sauvegarde de l’État de droit engagées contre certains de ses États membres, le manque de solidarité dans la gestion de la crise des réfugiés et des migrants, ainsi que la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union, constituent aussi des défis pour le Conseil de l'Europe, puisqu’il offre un cadre unique permettant une coopération entre les États européens qui sont membres de l’Union européenne et ceux qui ne le sont pas.
4. Dans ce contexte, l'Assemblée estime que le Conseil de l'Europe et les valeurs qu'il défend sont aujourd'hui plus nécessaires que jamais: à l’origine de la construction européenne, réunissant la quasi-totalité des États européens sur la base d’une communauté de valeurs et de principes, et donc garant naturel de l’«unité dans la diversité», offrant un espace juridique commun à 835 millions d’Européens, garantissant la protection de leurs droits de l’homme, défendant les droits sociaux et la démocratie et contribuant au développement d’une société civile européenne, le Conseil de l’Europe est aujourd’hui le mieux placé pour aider à relever les défis liés à la montée du nationalisme et éviter de dresser de nouveaux murs.
5. Aux côtés de l’Union européenne, dont l’ambitieux projet d’intégration ne couvrira jamais tout le continent, et de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), qui englobe aussi des États non européens, le Conseil de l’Europe, composé de 47 États européens, demeure la seule organisation paneuropéenne capable de promouvoir et de garantir la sécurité démocratique sur l'ensemble du continent.
6. Afin de préserver et de renforcer davantage ce projet paneuropéen unique, actuellement menacé par des divisions et un affaiblissement de l’engagement des États membres, l’Assemblée appelle à organiser un quatrième Sommet des chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe.
7. Dans une Europe qui a profondément changé depuis le dernier sommet, tenu à Varsovie en 2005, et alors que le monde entier semble en pleine mutation, un sommet offrira aux États membres une occasion unique de réaffirmer, dans les termes les plus forts possible et au niveau politique le plus élevé, leur engagement envers l'idéal d'unité européenne et les valeurs et les principes de démocratie, de droits de l’homme et d’État de droit qui sont défendus par le Conseil de l’Europe. Les États membres devraient exprimer clairement leur volonté de continuer de faire partie d’une seule et même communauté, qui partage des valeurs communes, un ordre juridique commun et une juridiction commune, et qui est capable de faire de ses différences internes un atout.
8. Le quatrième sommet devrait être bien ciblé, et pourrait notamment donner l’élan politique nécessaire:
8.1. pour augmenter l’efficacité et l’autorité du système de protection des droits de l'homme, fondé sur la Convention européenne des droits de l'homme, inverser les tendances actuelles qui visent à amoindrir l’autorité de la Cour européenne des droits de l'homme et améliorer le niveau de mise en œuvre de ses arrêts par les États membres;
8.2. pour renforcer le système conventionnel de la Charte sociale européenne, notamment son système de réclamations collectives, en réaffirmant le fait que seules la jouissance des droits socio-économiques et l’inclusion sociale permettent aux citoyens d’exercer pleinement leurs droits civils et politiques;
8.3. pour encourager les États membres à adopter des mesures efficaces contre les phénomènes croissants de la pauvreté et de l’esclavage moderne et montrer ainsi aux citoyens européens que les institutions européennes ne sont pas indifférentes à leurs problèmes ni aux réalités concrètes de leur vie quotidienne;
8.4. pour reconnaître la contribution précieuse apportée par le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe à la mise en place de politiques durables, axées sur les droits de l'homme, aux niveaux national et local, sur l’ensemble du continent, ainsi que le rôle joué par les organes normatifs et de suivi de l’Organisation;
8.5. pour rehausser la mission du Conseil de l'Europe à la fois comme gardien et comme laboratoire de la démocratie, notamment en renforçant le rôle de l’Assemblée parlementaire en tant que solide pilier du parlementarisme européen, réunissant les représentants des citoyens de la quasi-totalité des États européens, et en consolidant le rôle de la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise) en tant qu’organe expert en droit constitutionnel qui promeut la démocratie à l’intérieur et à l’extérieur des frontières de l’Europe.
9. Le sommet devrait aussi viser à consolider la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques et les valeurs démocratiques et proposer des moyens d’accroître la participation des citoyens et la consultation de la société civile pour trouver des solutions communes à des problèmes communs. Il pourrait ainsi rapprocher l’Organisation des citoyens qu’elle sert et contribuer à l’émergence d’une société civile européenne.
10. Alors que l’Union européenne doit faire face à de nombreux défis et réfléchit, elle aussi, à l’avenir de l’Europe, le sommet donnerait opportunément une nouvelle occasion de définir, au plus haut niveau politique, le rôle que le Conseil de l'Europe devrait jouer dans l’ensemble de l’architecture politique européenne. Dans une Europe de cercles concentriques, les chefs d’État et de gouvernement des 47 États membres du Conseil de l'Europe, qui représentent le cercle le plus large, devraient repenser, de manière novatrice et créative, les moyens d’éviter les doubles emplois, d’assurer la cohérence des normes et d’harmoniser au mieux les différents niveaux de leur coopération, avant tout dans l’intérêt des citoyens européens.
11. L'Assemblée note que, pour être efficace, la préparation du sommet exige des synergies entre tous les secteurs de l’Organisation, et surtout entre ses deux organes statutaires, coordonnées par son Secrétaire Général. Bien que la responsabilité en incombe essentiellement au Comité des Ministres, l’Assemblée, affermie par les récentes réformes, doit s’attendre à jouer un rôle important dans la préparation du sommet, d’autant plus qu’elle promeut cette idée depuis plusieurs années.
12. À cet égard, il y a actuellement une incohérence dans la composition des deux organes statutaires: à la suite de l’annexion illégale de la Crimée par la Fédération de Russie et la décision de l’Assemblée d’appliquer, pour ce motif, des sanctions à l’égard de la délégation parlementaire russe, un des États membres du Conseil de l’Europe, la Fédération de Russie, participe aux activités et se fait représenter dans les instances d’un seul des deux organes statutaires de l’Organisation, à savoir le Comité des Ministres, mais non l’Assemblée, et ce depuis maintenant trois années consécutives. L’Assemblée regrette qu’en réaction à cette situation, la Fédération de Russie ait annoncé, le 30 juin 2017, sa décision de suspendre le versement de sa contribution au budget du Conseil de l'Europe pour 2017 jusqu’au rétablissement complet et inconditionnel des pouvoirs de la délégation de son Assemblée fédérale au sein de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe.
13. L'Assemblée considère que la situation générale au sein de l’Organisation a aujourd’hui un effet contreproductif, notamment en ce qu’elle nuit à son impact global en tant que gardienne des droits de l'homme et de la démocratie sur l’ensemble du continent, ce qui n’est pas dans l’intérêt des citoyens des 47 États membres.
14. L’Assemblée note que le Statut du Conseil de l'Europe (STE no 1), complété par la Résolution statutaire (51) 30, prévoit une synergie entre les deux organes statutaires en ce qui concerne la composition de l’Organisation.
15. Cependant, au fil des ans, et en particulier après l’élargissement de l’Organisation dans les années 1990, l’Assemblée a mis en place des règles régissant les droits de participation des membres des délégations nationales à ses propres activités, ainsi que leurs droits de représentation dans ses propres instances, sans prévoir aucune forme de synergie ou de cohérence avec le Comité des Ministres.
16. En conséquence, l'Assemblée décide d'engager, dans le cadre des préparatifs du sommet, une procédure visant à harmoniser, avec le Comité des Ministres, les règles régissant la participation et la représentation des États membres dans les deux organes statutaires, tout en respectant pleinement l’autonomie de ces organes. Cette cohérence devrait renforcer le sens d’appartenance à une communauté et celui du respect des obligations qui incombent à chaque État membre.
17. Cette réflexion commune pourrait être menée conjointement par l'Assemblée et le Comité des Ministres au sein d'un groupe de travail ad hoc qui serait mis en place par le Comité mixte. Afin de garantir la légitimité et le succès de ce processus, l’Assemblée dans son ensemble et chaque État membre devraient faire le maximum pour que tous les États membres de l’Organisation soient pleinement représentés dans le cadre de ce processus, à la fois du côté parlementaire et du côté intergouvernemental.
18. Dans l'intervalle, et dans le cadre de la préparation du sommet, l’Assemblée décide de poursuivre sa propre réflexion sur son identité, son rôle et sa mission en tant qu’organe statutaire du Conseil de l'Europe et en tant que forum paneuropéen de dialogue interparlementaire qui vise à avoir un impact dans tous les États membres du Conseil de l’Europe. Cette réflexion permettrait aussi à l’Assemblée de donner sa propre vision de l’avenir de l’Organisation.

B. Projet de recommandation 
			(2) 
			Projet de recommandation
adopté à l’unanimité par la commission le 6 septembre 2017.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire renvoie à sa Résolution … (2017) «Appel pour un Sommet du Conseil de l’Europe afin de réaffirmer l’unité européenne et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe», dans laquelle elle se déclare préoccupée par les nombreux défis qui menacent actuellement le continent européen et son unité. Dans ce contexte, et pour les raisons données dans sa résolution, l’Assemblée estime que le Conseil de l'Europe et les valeurs qu’il défend sont aujourd'hui plus nécessaires que jamais.
2. Afin de préserver et de renforcer davantage le projet paneuropéen dans une Europe qui a profondément changé depuis le dernier sommet, tenu à Varsovie il y a 12 ans, l’Assemblée appelle le Comité des Ministres à convoquer un quatrième Sommet des chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l'Europe. Ce sommet offrira aux États membres une occasion unique de réaffirmer, dans les termes les plus forts possible et au niveau politique le plus élevé, leur engagement envers l'idéal d'unité européenne et les valeurs et les principes qu’ils partagent en termes de démocratie, de droits de l’homme et d’État de droit et qui sont défendus par l’Organisation.
3. L’Assemblée recommande que le quatrième sommet soit bien ciblé et donne l’élan politique nécessaire à un certain nombre d’actions spécifiques suggérées de manière non exhaustive dans sa résolution. Il devrait aussi constituer une nouvelle opportunité pour définir, au plus haut niveau politique, le rôle que le Conseil de l'Europe devrait jouer dans l’ensemble de l’architecture politique européenne, ainsi que traiter des questions en suspens concernant ses relations avec l’Union européenne, dans l’intérêt des citoyens européens.
4. Bien que la responsabilité de l’organisation d’un sommet incombe essentiellement au Comité des Ministres, l’Assemblée souligne que, pour être efficace, sa préparation exige des synergies entre tous les secteurs de l’Organisation, et surtout entre ses deux organes statutaires, coordonnées par son Secrétaire Général. Par conséquent, l'Assemblée demande au Comité des Ministres:
4.1. d’associer étroitement l’Assemblée à l’élaboration du projet d’ordre du jour et du projet de déclaration du quatrième sommet;
4.2. d’examiner sa proposition – dans le cadre de la préparation du sommet et pour les raisons et selon les modalités décrites dans sa résolution – d’engager une procédure visant à harmoniser conjointement les règles régissant la participation et la représentation des États membres dans les deux organes statutaires, tout en respectant pleinement l’autonomie de ces organes.

C. Exposé des motifs, par M. Michele Nicoletti, rapporteur

(open)

1. Introduction: origine, méthodologie et objectif du rapport

1. L’idée d’un quatrième Sommet des chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe a été lancée par l’Assemblée parlementaire en 2009 
			(3) 
			Résolution 1689 (2009) et Recommandation
1886 (2009) sur l’avenir du Conseil de l'Europe à la lumière de
ses 60 années d’expérience, et réponse du Comité des Ministres, Doc. 12342. puis à nouveau en 2011 
			(4) 
			Résolution 1783 (2011) et Recommandation
1951 (2011) sur le suivi de la réforme du Conseil de l'Europe, et
réponse du Comité des Ministres, Doc. 12835; Résolution
1831 (2011) sur la coopération entre le Conseil de l'Europe et les démocraties
émergentes dans le monde arabe., mais sans qu’aucun suivi n’ait été apporté par le Comité des Ministres. Elle a été reprise par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe dans son rapport de 2014 sur la Situation de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit en Europe, puis une fois encore par l’Assemblée à Sofia, le 27 novembre 2015.
2. Adoptée deux semaines seulement après l'horreur des attentats terroristes de novembre 2015 à Paris, la Déclaration de Sofia 
			(5) 
			<a href='https://pace.coe.int/documents/10643/1766564/AS-PER-2015-08-declaration-FR.pdf/b96b7b88-86fb-4645-95ce-8820bc6db58d'>AS/Per
(2015) 08</a>. a énuméré les nombreux enjeux politiques auxquels l'Europe se trouve confrontée aujourd'hui, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de ses frontières, soulignant que ces défis appellent une réponse commune fondée sur des valeurs et des principes partagés, sur le dialogue et sur la solidarité. La Déclaration appelait les 47 États membres du Conseil de l’Europe à éviter de dresser de nouveaux murs et de tracer des lignes de fracture.
3. À cette fin, et reconnaissant le rôle essentiel que le Conseil de l’Europe peut jouer dans la défense et la promotion de la sécurité démocratique, l’Assemblée, dans sa Déclaration de Sofia, a appelé à la tenue d’un sommet des chefs d’État et de gouvernement afin que les États membres réaffirment, au plus haut niveau politique, leur adhésion aux valeurs et aux principes communs de la démocratie, des droits de l’homme et de l’État de droit prônés par l’Organisation.
4. L’Assemblée a chargé la commission des questions politiques et de la démocratie de rédiger un rapport sur ce sujet, et j’ai été nommé rapporteur en mars 2016. Depuis lors, j’ai lancé un processus de consultation élargi afin de déterminer si l’idée d’un quatrième sommet est appropriée, ainsi que pour discuter des thèmes et des dates possibles.
5. Le 25 mai 2016, j’ai écrit aux présidents de toutes les délégations nationales et de tous les groupes politiques représentés à l’Assemblée, ainsi qu’à quatre organisations non gouvernementales (NGO) internationales avec lesquelles l’Assemblée a établi des relations de travail, à savoir Amnesty International, la Fédération internationale des droits de l’homme, la Commission internationale de juristes et Human Rights Watch. J’ai reçu 31 réponses, qui sont reproduites in extenso dans un document d’information de la commission 
			(6) 
			<a href='https://pace.coe.int/documents/18848/3421624/Fpdocinf16_17.pdf/2a70d292-435c-4c88-a7e3-53f66aad1c9c'>AS/Pol/Inf
(2017) 16</a>.. Elles sont non seulement utiles pour l’élaboration de mon rapport, mais constituent aussi une précieuse contribution à la préparation du futur sommet.
6. Par ailleurs, j’ai rencontré, à plusieurs reprises, le Secrétaire Général de l’Organisation, M. Thorbjørn Jagland, et j’ai discuté de cette idée à Rome avec les autorités de mon pays, à Berlin avec M. Frank-Walter Steinmeier, alors ministre des Affaires étrangères de l’Allemagne, à Paris avec M. Harlem Désir, alors Secrétaire d’État chargé des Affaires européennes, et, à Strasbourg, avec M. Mevlüt Çavuşoğlu, ministre des Affaires étrangères de Turquie. J’ai également discuté de l’idée avec plusieurs ambassadeurs d’États membres du Conseil de l’Europe et j’ai rencontré le Directeur des politiques multilatérales au Bureau des Affaires étrangères et du Commonwealth, M. Paul Williams, à Londres. Le 5 juillet 2017 à Strasbourg, j’ai rencontré Mme Federica Mogherini, Haute représentante de l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité et Vice-présidente de la Commission européenne, et nous avons discuté de l’objet de mon rapport et du rôle général du Conseil de l’Europe dans l’architecture européenne.
7. Le 12 septembre 2016, j’ai présenté la proposition d’un quatrième sommet lors du colloque que la délégation française auprès de l’Assemblée, dirigée par notre collègue M. René Rouquet, a organisé à Paris, à l’Assemblée nationale française, sur «La défense des droits de l’homme en Europe, une idée dépassée? Le Conseil de l’Europe plus indispensable que jamais» 
			(7) 
			Les
discours sont reproduits in extenso en
français dans un rapport d’information publié sur le site de l’Assemblée nationale
française: <a href='http://www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i4050.pdf'>www.assemblee-nationale.fr/14/pdf/rap-info/i4050.pdf</a>.. Plusieurs participants, dont des représentants de l’Assemblée et le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe, se sont exprimés en faveur d’un quatrième sommet. Le colloque a apporté une fort intéressante matière à réflexion concernant aussi bien la nécessité que les thèmes possibles d’un quatrième sommet, et son compte rendu me semble une précieuse contribution au travail préparatoire à cet éventuel événement.
8. Coïncidence ou non, le 11 octobre 2016, quelques semaines seulement après le colloque de Paris, le Président français d’alors, M. François Hollande, a conclu son allocution devant notre Assemblée en annonçant que la France organiserait en 2019, durant sa présidence de l’Organisation et à l’occasion du 70e anniversaire de l’Organisation, le quatrième sommet pour «donner [au Conseil de l’Europe] un nouveau cap».
9. En mai 2017, Mme Dzhema Grozdanova, présidente de la délégation bulgare à l’Assemblée, a déposé une proposition de recommandation sur «Le Conseil de l'Europe dans l’architecture politique européenne» 
			(8) 
			Doc. 14316., que, à la suite de son renvoi par l’Assemblée, j’ai aussi pris en considération dans le cadre de mon rapport.
10. L’objet de mon rapport est de contribuer à la réflexion sur l’opportunité et l’ordre du jour d’un possible quatrième sommet. Je fais aussi quelques propositions concernant les travaux préparatoires que l’Organisation devra mener dans la perspective du sommet. Afin de mieux mettre en évidence le message principal de mon rapport également dans le titre du rapport, j’ai suggéré de le modifier légèrement comme suit: «Appel pour un Sommet du Conseil de l’Europe afin de réaffirmer l’unité européenne et de défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe» (au lieu de «Appel à un sommet du Conseil de l'Europe pour défendre et promouvoir la sécurité démocratique en Europe»).
11. La décision de convoquer un sommet des chefs d’État et de gouvernement, à un moment précis, sera prise par le Comité des Ministres, et le Secrétaire Général de l’Organisation aura aussi un rôle de coordination important à jouer. Il faut également trouver des moyens pour que l’Assemblée reste étroitement associée au processus de préparation d’un possible sommet. J’espère que ce rapport, y compris les contributions que j’ai reçues de diverses sources, constitueront une première étape dans la contribution de l’Assemblée à ce processus. En ma qualité de rapporteur, je continuerai de suivre personnellement et attentivement le processus.

2. Bref aperçu des précédents sommets du Conseil de l’Europe

12. Avant d’examiner plus avant l’idée d’un quatrième sommet, il me paraît utile de rappeler brièvement les trois sommets des chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe déjà organisés depuis la création de l’Organisation 
			(9) 
			Voir <a href='http://www.coe.int/fr/web/cm/summits'>www.coe.int/fr/web/cm/summits</a>.. Chacun d’eux a débouché sur des avancées concrètes, notamment la création de nouveaux organes et mécanismes.
13. Le premier sommet a été organisé en 1993 à Vienne, quelques années après la chute du mur de Berlin, alors que l’Organisation était confrontée au défi sans précédent posé par l’élargissement aux démocraties naissantes. Il a permis, entre autres, d’énoncer les critères d’adhésion des nouveaux États membres, de mettre en place des procédures permettant de contrôler le respect des engagements d’adhésion, d’aboutir à la création de la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI) et de proposer la rédaction d’une Convention-cadre pour la protection des minorités nationales.
14. En 1997, les participants au Sommet de Strasbourg ont approuvé la création du Groupe d’États contre la corruption (GRECO) et se sont félicités de l’instauration d’une Cour unique des droits de l’homme et du bureau du Commissaire aux droits de l’homme.
15. En 2005, le Sommet de Varsovie a permis de définir une feuille de route pour l’Organisation suite à son élargissement sans précédent, ainsi que de rédiger un rapport sur les relations entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe, document que M. Jean-Claude Juncker, alors Premier ministre du Luxembourg, a soumis à l’Assemblée un an plus tard, en 2006.
16. Le Sommet de Varsovie a également appelé à un renforcement des synergies avec l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE), à une meilleure efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5, «la Convention»), à la promotion accrue des droits de l’homme grâce à un plus grand soutien au Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT), au Commissaire aux droits de l’homme et à l’ECRI et, enfin, à une plus grande participation des ONG aux travaux de l’Organisation.
17. Entre autres priorités, le sommet de 2005 a également permis de renforcer le rôle du Conseil de l’Europe dans la lutte contre le terrorisme, de lancer un nouveau mécanisme pour combattre la traite des êtres humains et de proposer des mesures pour prévenir la violence à l’égard des femmes.

3. Les défis actuels

18. Aujourd’hui, 12 ans après le dernier sommet de l’Organisation, l’Europe se trouve confrontée à des défis politiques inédits, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de ses frontières: la menace quotidienne d’attentats terroristes, la pression migratoire, la montée de l’euroscepticisme, du nationalisme, du populisme et de la xénophobie, la persistance de conflits gelés et ouverts, et la réapparition de divisions entre États membres du Conseil de l’Europe. Les guerres menées en Syrie et en Libye, aux portes de l’Europe, menacent la sécurité et la stabilité sur le continent et ont provoqué des afflux massifs de réfugiés et de migrants, tandis que, au niveau mondial, le poids géopolitique de l’Europe semble diminuer.
19. De nombreux attentats terroristes ont tué des centaines d’innocents au cours des deux années écoulées dans plusieurs États membres – Allemagne, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Royaume-Uni, Suède – ainsi que dans le voisinage du Conseil de l’Europe. Le terrorisme est, en soi, une attaque directe contre les valeurs mêmes de démocratie et de liberté que défend notre Organisation. La menace quotidienne d’attentats terroristes dans nos États membres a fait surgir un certain nombre de défis, par exemple: la nécessité de trouver un juste équilibre entre le renforcement des dispositifs de sécurité et le respect des droits et des libertés fondamentales, celui-ci étant une condition indispensable à une lutte efficace à long terme contre le terrorisme et ses causes et non, comme d’aucuns le prétendent, une notion antagoniste; la nécessité de renforcer la coopération internationale et d’adopter des stratégies communes centrées non exclusivement sur la répression mais aussi sur la prévention; la question des combattants terroristes étrangers; le financement du terrorisme; et, bien entendu, la protection des victimes du terrorisme.
20. La tentative de coup d’État en Turquie, en juillet 2016, a fait des centaines de victimes et nous a tous stupéfiés. Un an plus tard, la réaction du gouvernement soulève de très graves défis en termes de droits de l’homme et d’État de droit, non seulement pour le pays même mais aussi pour le Conseil de l’Europe, dont la Turquie est l’un des plus anciens États membres 
			(10) 
			Pour plus de précisions,
voir la Résolution 2156
(2017) sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Turquie, adoptée en juin 2017..
21. L'annexion de la Crimée par la Fédération de Russie en 2014 a ajouté à la liste des défis car l'Ukraine et la Russie sont toutes deux membres de l'Organisation. Les violations du cessez-le-feu dans le Donbass se poursuivent et il n'y a malheureusement pas non plus de progrès dans la mise en œuvre des aspects politiques du processus de Minsk. Suite aux sanctions décidées par notre Assemblée à l'égard de la délégation parlementaire russe en 2014 et en 2015, cette délégation a décidé de cesser de participer aux travaux de l’Assemblée. La Fédération de Russie n’a soumis de pouvoirs pour sa délégation parlementaire ni en 2016 ni en 2017. En conséquence, bien que la Fédération de Russie soit membre à part entière de l'Organisation, cela fait trois années consécutives que cet État n’est pas représenté au sein des structures de l’Assemblée et qu’il ne participe pas à ses activités. À la fin juin 2017, la Fédération de Russie a annoncé sa décision de suspendre le versement de sa contribution au budget du Conseil de l'Europe pour 2017 jusqu’au rétablissement complet et inconditionnel des pouvoirs de la délégation de son Assemblée fédérale au sein de notre Assemblée.
22. En outre, l’efficacité et l’autorité du système de protection des droits de l'homme, unique en son genre, fondé sur la Convention européenne des droits de l'homme, sont menacées par diverses tentatives visant à amoindrir l’autorité de la Cour européenne des droits de l'homme, par le manque de volonté politique, de la part de certains États Parties, de mettre en œuvre ses arrêts (malgré leur force obligatoire, qui s’impose à toutes les autorités nationales) ou par des retards dans leur exécution. Quelque 10 000 arrêts n’ont toujours pas été exécutés et l’on a observé récemment une augmentation du nombre d’affaires de référence – concernant des problèmes structurels spécifiques – en attente d’exécution depuis plus de cinq ans.
23. De son côté, l’Union européenne traverse, selon le Président de la Commission européenne, une grave «crise existentielle»: déjà apparents dans la gestion de la crise de la dette grecque, des divisions et un manque de solidarité sans précédent sont apparus clairement avec la crise des réfugiés et des migrations. L’Union européenne a engagé récemment une procédure d’infraction officielle contre trois de ses États membres, la République tchèque, la Hongrie et la Pologne, pour leur refus de prendre leur part en matière d’accueil des réfugiés dans le cadre du plan de solidarité de l’Union européenne, ce qui marque une aggravation supplémentaire du désaccord sur la manière de gérer la crise migratoire dans l’Union européenne. Courant juillet, dans le cadre de la procédure qu’elle avait engagée en janvier 2016, la Commission européenne a adressé aux autorités polonaises une recommandation sur l’État de droit, dans laquelle elle se déclare très préoccupée par la réforme du système judiciaire prévue en Pologne. De plus, une procédure d’infraction a été engagée contre la Hongrie, pour sa loi sur les ONG financées par des fonds étrangers. La Commission européenne a aussi envoyé à la Hongrie un avis motivé (deuxième étape de la procédure d’infraction) au sujet de la compatibilité de sa loi relative à l’enseignement supérieur avec la législation de l’Union européenne.
24. Le référendum de juin 2016, qui a vu le Royaume-Uni voter pour une sortie de l’Union européenne, a fragilisé davantage l’Union européenne et propagé des ondes de choc au-delà du pays et même de l’Union européenne.
25. Ces faits nouveaux au sein de l’Union européenne ont aussi engendré de nouveaux défis concernant la Grande Europe, celle du Conseil de l’Europe, et ont rendu plus urgente que jamais la nécessité d’une réflexion approfondie sur la complémentarité des deux institutions et d’un renforcement mutuel, dans l’intérêt des 835 millions d’Européens.
26. La montée du populisme et le fait que de plus en plus de populistes arrivent au pouvoir ou que les personnes au pouvoir adoptent un discours et une attitude de plus en plus populistes, ne doivent pas simplement nous conduire à des condamnations faciles et abstraites du populisme, mais aussi à une réflexion: pourquoi les populistes jouissent-ils d’un soutien de plus en plus large? La réponse semble résider dans la distance toujours plus grande entre les citoyens et les institutions censées les représenter, soient-elles nationales ou internationales.
27. Un chômage grandissant, des inégalités qui se creusent en raison de la mondialisation, des mesures d’austérité qui semblent ne mener nulle part, autant de facteurs qui ont fait perdre la confiance du peuple dans ses institutions. Comme l’a affirmé le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe lors de la partie de session de l’Assemblée en janvier 2017: «Il est vrai que de nombreuses institutions démocratiques nationales (…) et que les organisations internationales européennes, dont le Conseil de l’Europe, doivent faire davantage pour répondre aux préoccupations des citoyens ordinaires. La réponse réside dans la remise en ordre de nos institutions, leur revitalisation, afin qu’elles représentent et servent mieux nos concitoyens.»

4. Le Conseil de l’Europe plus indispensable que jamais

28. Dans un tel contexte, «plus que jamais» nous avons aujourd’hui besoin du Conseil de l’Europe et des valeurs qu’il défend, ainsi que le Président français nous l’a déclaré, en octobre dernier, en annonçant l’organisation d’un sommet par la France en 2019. Pourquoi?
29. Parce que le Conseil de l’Europe est le garant de l’idéal d’unité européenne. Le Conseil est aujourd’hui la plus ancienne organisation européenne née au lendemain de la Seconde Guerre mondiale: d’une part, il est le fruit du rêve d’unification européenne des générations précédentes; d’autre part, il est le germe de tout projet d’unification à venir aux niveaux économique, juridique, politique et culturel. Parmi les autres organisations ou institutions européennes qui incarnent un projet d’unité – telle l’Union européenne – il a été précurseur et leur a ouvert la voie non seulement d’un point de vue institutionnel mais aussi sur le plan symbolique.
30. Tout le monde ne le sait pas mais le drapeau européen à douze étoiles, qui symbolise l’unité européenne dans le monde entier et qui sert aussi d’emblème à l’Union européenne, fut conçu au Conseil de l’Europe, sur la proposition de l’Assemblée, et adopté à la suite d’un vote de l’Assemblée et d’une décision du Comité des Ministres en 1955. Cela vaut aussi pour l’hymne européen: dans sa Résolution 492 (1971), l’Assemblée proposa que l’Ode à la joie, tirée du quatrième mouvement de la neuvième symphonie de Beethoven, devienne l’hymne de «l’Europe en formation», ce que le Comité des Ministres accepta officiellement en 1972. Réunis à Milan en 1985, les dirigeants de ce qui était alors les Communautés européennes adoptèrent à la fois le drapeau et l’hymne du Conseil de l'Europe, qui sont donc aussi devenus ceux des Communautés européennes. C’est pourquoi le Conseil de l’Europe a la responsabilité spécifique de protéger l’unité européenne, tout particulièrement dans les périodes de crise.
31. Fondé en vue de réaliser «une unité plus étroite entre ses membres afin de sauvegarder et de promouvoir les idéaux et les principes qui sont leur patrimoine commun», le Conseil de l’Europe est la seule organisation européenne qui rassemble la quasi-totalité des États européens (à l’exception notable du Bélarus). Il est donc on ne peut mieux placé pour offrir un forum où l’idéal européen d’«unité dans la diversité» peut se réaliser. Cet idéal n’implique pas de processus d’homogénéisation, au sens où certains États devraient adopter un modèle imposé par d’autres, mais consiste à rechercher ce qui tous les unit tout en respectant ce qui les différencie: de l’Europe occidentale à l’Europe orientale, de l’Europe septentrionale à l’Europe méridionale.
32. À la base de l’unité européenne, telle que protégée par le Conseil de l’Europe, réside l’idée de respect de la personne humaine et de son infinie dignité. Si cette organisation paneuropéenne est la dépositaire de plus de 200 conventions, élaborées au fil des 68 ans de son existence, le «patrimoine commun» de tous ses membres est tout particulièrement incarné par la Convention européenne des droits de l'homme et par les normes et valeurs qu’elle consacre. Ce qui rend cette convention si spéciale, par rapport aux autres conventions ou traités de portée internationale, c’est le dispositif unique de protection des droits individuels dont elle dispose, à savoir la Cour européenne des droits de l’homme, dont les arrêts ont force contraignante. La Convention, pure création de notre Assemblée, est la preuve la plus manifeste que le Conseil de l’Europe est là pour défendre, plus que toute autre chose, les droits des citoyens. Par le biais de ce dispositif, les États membres ont reconnu le fait qu’ils ne peuvent pas disposer de leur patrimoine commun comme ils l’entendent, mais qu’ils acceptent, ensemble, de le placer sous la protection d’un tribunal supranational.
33. Aux côtés de la Convention des droits de l’homme intervient le système conventionnel de la Charte sociale européenne, l’autre instrument juridique fondamental élaboré par le Conseil de l’Europe, pour améliorer la mise en œuvre des droits sociaux et économiques au niveau continental, parallèlement aux droits civils et politiques accordés par la Convention. L’unité de ces deux instruments juridiques représente l’unité et l’indivisibilité des droits de l’homme. Promouvoir la mise en œuvre de la Charte sociale européenne et en rehausser le mécanisme, lequel garantit la prise en compte des besoins quotidiens de l’homme tels que travail, santé, logement, éducation, sécurité sociale ou services de protection sociale, c’est défendre la dignité et la solidarité, contribuer au bien-être individuel et collectif, ainsi qu’avancer sur la voie de la cohésion sociale, de la paix et du développement économique.
34. Ainsi le Conseil de l’Europe ne se contente-t-il pas de promouvoir l’unité politique parmi ses États membres, mais offre aussi un espace juridique commun à 835 millions d’Européens. Sur les 221 conventions déterminant cet espace juridique commun aujourd’hui, plus des deux tiers (environ 161) sont ouvertes à la signature et à la ratification des États non membres, et revêtent une réelle importance à l’échelle mondiale; par exemple, celles qui régissent l’extradition, le transfèrement de personnes condamnées, la Convention pour la protection des données (1985, STE no 108) ou la Convention sur la cybercriminalité (2001, STE no 185). Cette dernière (dite aussi «Convention de Budapest») est le premier instrument juridique international régissant les infractions commises via internet – notamment fraudes informatiques, pornographie infantile et violations de la sécurité des réseaux – et elle a été ratifiée par de nombreux États non européens, tels que les États-Unis et le Japon. La Convention sur la cybercriminalité peut également être très utile de nos jours face aux «fausses informations», autre phénomène venu récemment allonger la liste des défis actuels.
35. Le Conseil de l’Europe continue de démontrer sa capacité à rédiger rapidement des conventions ou d’autres instruments juridiques pour faire face aux enjeux sociétaux du moment. Ainsi, en matière de terrorisme, l’Organisation a récemment comblé une lacune majeure du droit international, criminalisant, pour la première fois, les préparatifs d’actes terroristes afin d’aider ses États membres à faire face à la déferlante des combattants terroristes étrangers, via un protocole additionnel à la Convention pour la prévention du terrorisme (STCE no 217).
36. De surcroît, l’Organisation vient d’élaborer une Convention sur les infractions visant des biens culturels (STCE no 221), ouverte aux États non membres, afin de prévenir et de combattre le trafic illicite et la destruction des biens culturels dans le cadre de l’action menée pour lutter contre le terrorisme et le crime organisé. Cette convention, seul traité international portant spécifiquement sur l’incrimination du trafic illicite des biens culturels, a été ouverte à la signature à Nicosie le 5 mai 2017.
37. Pour prendre un exemple dans un autre domaine, on peut citer la Convention sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique (STCE no 210, «Convention d’Istanbul»), rédigée (en seulement un an) avec le soutien actif de l’Assemblée pour apporter une réponse urgente au problème de la violence domestique.
38. Outre les conventions, le Conseil de l’Europe contribue à l’élaboration de politiques communes parmi ses États membres en proposant des instruments non contraignants tels que recommandations, lignes directrices ou résolutions adoptées par son Comité des Ministres sur la base d’un consensus. Ces instruments peuvent couvrir un vaste éventail de questions et offrir des réponses communes à de nouveaux enjeux sociétaux lorsque l’élaboration d'un traité n'est pas nécessaire. Ainsi, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et parallèlement à l’élaboration d’instruments juridiquement contraignants, l’Organisation a récemment révisé ses lignes directrices pour la protection des victimes de terrorisme.
39. À citer également, la possibilité de coopération à géométrie variable proposée par le Conseil de l’Europe, non seulement via son dispositif conventionnel et la possibilité de réserves, mais aussi via les accords partiels: ceux-ci permettent à certains États membres de s’engager dans une coopération supplémentaire dans certains domaines spécifiques, tout en autorisant des États non membres à y prendre part. Parmi les organes du Conseil de l’Europe les plus importants, au sens de leur composition et de leur impact, il faut mentionner des accords partiels tels que la Commission européenne pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), le Groupe d’États contre la corruption (GRECO) ou Eurimages 
			(11) 
			Pour en savoir plus
concernant l’acquis et les enjeux actuels de la coopération intergouvernementale
au sein du Conseil de l’Europe, voir le rapport de M. Tiny Kox (Pays-Bas,
GUE) pour la commission du Règlement, des immunités et des affaires
institutionnelles, Doc.
14406, qui sera débattu par l’Assemblée conjointement
avec le présent rapport..
40. Par le truchement de son système conventionnel et d’autres instruments juridiques non contraignants ou d’accords partiels, le Conseil de l’Europe a largement contribué à bâtir une société civile européenne où les peuples et les personnes se reconnaissent et se respectent mutuellement dans la dignité. C’est précisément cette «relation entre pairs» qui constitue la pierre angulaire de la liberté et représente le modèle «européen» de vie dans la paix et la justice. Parmi les éléments essentiels de la «relation entre pairs» figure le suivi du respect des droits de l'homme par le Commissaire aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, par les organes de suivi de l’Organisaton et par les rapporteurs de l’Assemblée. De manière analogue, le dialogue intense et permanent avec les organisations non gouvernementales, représentées au Conseil de l'Europe par la Conférence des organisations internationales non gouvernementales (OING), est indispensable à la construction d’une «société civile européenne» commune.
41. Le système conventionnel, qui réside au cœur des travaux et des valeurs du Conseil de l’Europe, aussi précieux qu’il soit, exige cependant un régime politique véritablement démocratique pour fonctionner. Ainsi, l’Organisation protège et promeut les valeurs et les principes de démocratie et d’État de droit par le biais de ses divers comités directeurs ou d’experts ainsi que via son propre organe expert par excellence en droit constitutionnel, la Commission de Venise. Son expertise en matière de démocratie est bien connue non seulement en Europe mais aussi sur d’autres continents.
42. Le Conseil de l’Europe contribue donc aussi au développement d’un gouvernement citoyen dans les États membres, et ce de diverses manières: mécanismes de participation directe mais aussi mécanismes de représentation fondés sur la responsabilité; liberté d’expression; libre partage de l’information et échange d’idées conduisant à des décisions rationnelles issues de la confrontation entre différentes positions et du respect des minorités et des majorités.
43. Dans cette entreprise visant à promouvoir la démocratie sur l’ensemble du continent, l’Assemblée parlementaire joue bien entendu un rôle tout particulier. Elle est en effet le premier forum européen réunissant des membres élus des parlements nationaux et la matrice d’autres institutions parlementaires européennes, créées à sa suite. L’Assemblée a été à l’origine de l’élaboration de conventions majeures du Conseil de l'Europe, à commencer par la Convention européenne des droits de l'homme, et a participé activement à cette élaboration; elle a aussi joué un rôle décisif dans le processus d’élargissement de l’Organisation, au début des années 1990, et dans la mise en place de procédures consacrées au suivi et destinées à faciliter l’intégration des nouveaux membres dans l’Organisation; depuis, elle offre un cadre paneuropéen unique en son genre, qui permet un dialogue politique entre des représentants élus des citoyens de la Grande Europe. En tant qu’organe statutaire du Conseil de l'Europe, elle a pour mission de promouvoir la coopération entre parlementaires, afin de réaliser les objectifs de l’Organisation et de rassembler les démocraties européennes autour de valeurs communes et sur la base de leur patrimoine commun. L’observation d’élections par l’Assemblée est un élément essentiel de cette construction démocratique commune dans les différents États membres, ainsi que dans les États avec lesquels l’Assemblée a établi des relations spécifiques.
44. Le développement de la démocratie n’est pas le seul fait de mécanismes d’assistance et de suivi, mais aussi et bien davantage le fruit d’efforts intenses en matière d’éducation. En effet, l’éducation est le moyen le plus efficace de faire face aux menaces à la démocratie que représentent le racisme, la xénophobie, l’autoritarisme et la violence. Une démocratie stable qui respecte les droits de l’homme est inconcevable sans culture ni éducation. Par le biais d’une éducation démocratique, le Conseil de l’Europe contribue aussi à réduire l’incidence du populisme, l’un des défis sans cesse grandissants à relever par nos sociétés démocratiques, car des citoyens bien informés et éduqués risquent moins de se laisser séduire par des arguments populistes.
45. À l’origine de la construction européenne, réunissant la quasi-totalité des États européens sur la base d’une communauté de valeurs et de principes, et donc garant naturel de l’«unité dans la diversité», offrant un espace juridique commun à 835 millions d’Européens, garantissant la protection de leurs droits de l’homme, défendant les droits sociaux et la démocratie et contribuant au développement de la société civile européenne, le Conseil de l’Europe est aujourd’hui le mieux placé pour aider à relever les défis liés au nationalisme et pour éviter de dresser de nouveaux murs.
46. Aux côtés de l’Union européenne, dont l’ambitieux projet d’intégration ne couvrira jamais tout le continent, et de l’OSCE, qui englobe aussi des États non européens ne partageant pas nécessairement les valeurs européennes communes, le Conseil de l’Europe demeure la seule organisation paneuropéenne capable de promouvoir et de garantir une sécurité démocratique 
			(12) 
			Également
dite «sécurité douce» (soft security) pour marquer le contraste
avec la «sécurité dure» (hard security) promue par l’Organisation
du traité de l'Atlantique nord (OTAN). sur le continent; ce rôle unique, il faut le préserver et le renforcer davantage.

5. Pourquoi un quatrième Sommet?

47. L’analyse ci-dessus montre pourquoi nous avons besoin du Conseil de l’Europe aujourd’hui plus que jamais. Mais suffit-elle à justifier la nécessité d’organiser un nouveau sommet des chefs d’État et de gouvernement? La réponse à cette question dépend largement d’une autre question: que voulons-nous réaliser avec un nouveau sommet?
48. Comme indiqué plus haut, les trois précédents sommets de l’Organisation et, en particulier, le premier, ont bénéficié de la dynamique de la réunification européenne au lendemain de la chute du mur de Berlin. Ils ont servi un objectif clair: définir le nouveau rôle du Conseil de l’Europe en tant que «maison commune» d’une Grande Europe unie et donner à l’Organisation les moyens et les outils nécessaires pour servir la nouvelle réalité.
49. Aujourd’hui, la situation est différente. Comme nous l’avons mentionné, une multitude de risques et de difficultés menacent aujourd’hui, sur différents fronts, le continent européen et son unité. Ils représentent un défi majeur qui éprouve la solidité du projet paneuropéen. Dans ce contexte, les questions fondamentales auxquelles nous devons répondre sont les suivantes. Les conflits et les divergences qui apparaissent auront-ils raison de notre unité? Ou allons-nous faire prévaloir la nécessité de préserver l’unité de l’ensemble du continent et la volonté politique de former, non pas un simple groupement d’États, mais une véritable communauté, qui partage des valeurs communes, un ordre juridique commun, une juridiction commune et des institutions de plus en plus intégrées?
50. À mon avis, un quatrième sommet devrait viser à relever ce défi et nous permettre de nous engager avec courage dans la troisième phase de la vie et de l’histoire de l’Organisation: la phase de la stabilisation et de l’intériorisation, au cours de laquelle le Conseil de l'Europe s’inscrit dans la conscience des citoyens européens et imprègne les institutions nationales, après une phase de fondation (1949-1989), suivie d’une phase d’élargissement (à partir de 1989).
51. Le quatrième sommet doit donc être bien ciblé, et viser essentiellement à relancer la mission essentielle du Conseil de l’Europe, telle que décrite précédemment: celle d’une organisation paneuropéenne, composée de 47 États européens, offrant un espace juridique commun à 835 millions d’Européens et, par là même, capable de promouvoir l’«unité dans la diversité» et la sécurité démocratique sur l’ensemble du continent.
52. Dans une Europe qui a profondément changé depuis le dernier sommet, tenu à Varsovie en 2005, et alors que le monde entier semble en pleine mutation, un sommet offrirait aux États membres une occasion unique de réaffirmer, dans les termes les plus forts possible et au niveau politique le plus élevé, leur engagement envers les valeurs et les principes qu’ils partagent en termes de démocratie, de droits de l’homme et d’État de droit, défendus par l’Organisation et inscrits dans la Convention européenne des droits de l'homme. Les États membres devraient exprimer clairement leur volonté de continuer de faire partie d’une seule et même communauté, capable de considérer ses différences internes comme les manifestations d’une diversité qui constitue un formidable atout, et capable de gérer ses conflits internes de manière constructive, et non pas destructrice.
53. Si son ordre du jour est soigneusement préparé et parfaitement ciblé et que la proposition reçoit l’aval des autorités politiques au plus haut niveau du pays hôte, un quatrième sommet pourrait ralentir les tendances négatives se dessinant dans certains États membres, augmenter la pression sur les États hésitants ou défiants, protéger l’autorité et la crédibilité de l’Organisation et ouvrir la voie à une restauration de l’unité et de la cohésion.
54. Il me semble que, dans les temps difficiles que nous traversons, notre devoir est de lutter contre le nationalisme et les divisions, de préserver et de valoriser notre «maison commune» et, enfin, d’éviter de dresser de nouveaux murs. Ayant hérité du succès politique d’une organisation paneuropéenne, nous nous devons, pour le bien des générations futures, de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour ne pas saper, par peur ou par hésitation à agir, ce que nos prédécesseurs ont construit.
55. Les consultations que j’ai tenues avec des délégations nationales et des représentants du secteur exécutif de plusieurs États membres ainsi qu’avec le Secrétaire Général de notre Organisation confirment ce choix: réaffirmer la mission centrale du Conseil de l’Europe comme principal objectif d’un quatrième sommet.
56. En d’autres termes, nous devons absolument sauvegarder le mécanisme unique de protection des droits individuels qu’il offre. Par conséquent, il faut accorder, dans l’ordre du jour d’un futur sommet, une place prédominante à la nécessité de défendre et de protéger l’autorité de la Cour européenne des droits de l’homme.
57. Défendre l’autorité de la Cour et le mécanisme unique qu’elle constitue pour protéger les droits des citoyens exige avant tout d’assurer une prompte et pleine mise en œuvre de ses arrêts, dont dépendent l’efficacité et l’autorité du système de protection des droits de l'homme fondé sur la Convention européenne des droits de l'homme. De fait, que valent ses arrêts aux yeux des citoyens et de toute personne relevant de la juridiction des États membres si ces arrêts demeurent lettre morte?
58. Ainsi que cela a déjà été indiqué, le niveau de mise en œuvre des arrêts de la Cour devient de plus en plus préoccupant, alors que l’obligation juridique, pour les États Parties, de se conformer aux arrêts de la Cour découle de la Convention elle-même (article 46.1). Dans la mesure où cette situation est principalement imputable au manque de volonté politique de la part des gouvernements de certains États parties, le sommet pourrait créer une dynamique qui favoriserait la mise en œuvre des arrêts et inverserait les tendances actuelles qui visent à amoindrir l’autorité de la Cour.
59. Bien que la surveillance de l’exécution des arrêts incombe au premier chef au Comité des Ministres, l’Assemblée parlementaire contribue au processus depuis sa Résolution 1226 (2000) et encourage notamment la participation active des parlements nationaux. Je renvoie donc aux rapports pertinents et aux propositions qu’ils contiennent, en particulier à la Résolution 2178 (2017) et à la Recommandation 2110 (2017) adoptées par notre Assemblée en juin 2017. Une analyse détaillée des récents efforts accomplis pour améliorer l’efficacité du système de la Convention se trouve dans le rapport sur «L’efficacité de la Convention européenne des droits de l’homme: la Déclaration de Brighton et au-delà» (Doc. 13719), qui a conduit à la Résolution 2055 (2015) et à la Recommandation 2070 (2015).
60. En outre, sur la base des principes d’indivisibilité, d’interdépendance et d’interrelation des droits fondamentaux, un quatrième sommet pourrait offrir l’élan politique nécessaire pour renforcer le système conventionnel de la Charte sociale européenne – notamment son système de réclamations collectives – pour ralentir les actuelles tendances négatives à un recul des garanties des droits sociaux dans les États membres du Conseil de l’Europe et, enfin, pour réaffirmer le fait que seules la jouissance des droits socio-économiques et l’inclusion sociale permettent aux citoyens d’exercer pleinement leurs droits civils et politiques.
61. Cela est d’autant plus important à l’heure où ces droits fondamentaux, autrement dit les besoins quotidiens de l’humanité, se trouvent sous pression, voire en danger, du fait de la crise économique et financière qui sévit depuis 2008 et qui a gravement érodé les structures sociales à travers le continent. Sans compter que le sommet pourrait contribuer à assurer la cohérence entre le Conseil de l’Europe et les systèmes juridiques de l’Union européenne en matière de droits sociaux. Avec la récente adoption par la Commission européenne du Socle européen des droits sociaux, il serait possible d’intensifier l’interaction.
62. Bref, un quatrième sommet serait une occasion supplémentaire de faire progresser, au plus haut niveau politique, les objectifs actuellement promus par le «Processus de Turin». Lancé par le Secrétaire Général du Conseil de l’Europe en octobre 2014, il s’agit d’un processus politique visant à renforcer le système normatif de la Charte et à améliorer la mise en œuvre des droits sociaux et économiques. Pour sa part, l’Assemblée a toujours promu la Charte sociale européenne en tant que norme la plus complète en matière de droits sociaux en Europe et participe activement au Processus de Turin. Pour une analyse et des propositions plus détaillées concernant cette question, je renvoie à la Résolution 2180 (2017) et à la Recommandation 2112 (2017) adoptées le 30 juin 2017, et intitulées «Le “Processus de Turin”: renforcer les droits sociaux en Europe».
63. Plus précisément, parmi les grands défis sociaux qui pourraient être inscrits à l’ordre du jour du quatrième sommet figurent les phénomènes croissants de la pauvreté et de l’esclavage moderne. Une initiative énergique du Conseil de l'Europe sur ce front pourrait encourager les États membres à adopter des mesures plus efficaces pour protéger les personnes les plus faibles et les plus vulnérables. Cela montrerait aussi aux citoyens européens qu’il y a des institutions européennes qui ne sont pas indifférentes à leurs problèmes et aux réalités concrètes de leur vie quotidienne.
64. Comme cela a été indiqué précédemment, le système conventionnel du Conseil de l’Europe, conçu pour protéger les droits fondamentaux (civils, politiques, sociaux et culturels) des peuples en Europe, a besoin d’un régime politique véritablement démocratique pour fonctionner. Un quatrième sommet pourrait réaffirmer et consolider le rôle du Conseil de l’Europe à la fois comme gardien et comme laboratoire de la démocratie, également en renforçant davantage le rôle de la Commission de Venise.
65. Avec l’objectif global de renforcer la sécurité démocratique, le sommet doit contribuer à consolider la confiance citoyenne dans les institutions et les valeurs démocratiques – et ce d’autant plus que l’Europe continue d’être confrontée à de graves crises économiques et sociales qui, à leur tour, font le terreau de phénomènes tels que le populisme, le racisme, la xénophobie, l’extrémisme violent et la radicalisation conduisant au terrorisme. Dans cette optique, le sommet doit aussi renforcer le rôle de notre Assemblée en tant que pilier solide du parlementarisme européen, réunissant les représentants des citoyens de la quasi-totalité des États européens.
66. Dans le même temps, le sommet pourrait contribuer à affermir l’émergence d’une société civile européenne et proposer des moyens d’accroître la participation des citoyens et la consultation du public pour trouver des solutions communes à des problèmes communs. Cette démarche rapprocherait l’Organisation des citoyens qu’elle sert. Le rôle de la Conférence des OING pourrait aussi être revalorisé dans ce contexte.
67. Si le quatrième sommet entend réaffirmer la mission du Conseil de l’Europe en tant que gardien de l’idéal d’unité européenne, il faut absolument que ce rôle soit assumé au sein de l’entière architecture politique européenne. Ce serait d’ailleurs une occasion supplémentaire d’examiner les relations et la coopération avec l’Union européenne et de rappeler que le Conseil de l'Europe est un forum unique où les États membres de l’Union européenne échangent et coopèrent avec des États non membres de l’Union européenne sur la base d’une communauté de valeurs et de principes 
			(13) 
			Voir
la proposition de recommandation sur «Le Conseil de l’Europe dans
l’architecture politique européenne», Doc. 14316, déposée par Mme Dzhema Grozdanova,
présidente de la délégation bulgare, et d’autres membres de l’Assemblée..
68. À la suite du référendum sur le Brexit au Royaume-Uni, un membre fondateur du Conseil de l’Europe se retirera tôt ou tard de l’Union européenne. Ceci et d’autres événements récents ont généré au sein de l’Union européenne un débat interne sur son propre avenir et la suggestion d’une série de voies possibles 
			(14) 
			Suite à l’adoption
en février 2016 par le Parlement européen de trois résolutions explorant
les évolutions futures de l’Union européenne et l’appelant à utiliser
pleinement les dispositions du traité de Lisbonne (<a href='http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2017-0049+0+DOC+XML+V0//FR'>L'amélioration
du fonctionnement de l'Union européenne en mettant à profit le potentiel
du traité de Lisbonne</a>; <a href='http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2017-0048+0+DOC+XML+V0//FR'>Les
évolutions et adaptations possibles de la structure institutionnelle
actuelle de l'Union européenne</a>; <a href='http://www.europarl.europa.eu/sides/getDoc.do?pubRef=-//EP//TEXT+TA+P8-TA-2017-0050+0+DOC+XML+V0//FR'>La
capacité budgétaire de la zone euro</a>), la Commission européenne a présenté, en mars 2017,
un <a href='https://ec.europa.eu/commission/sites/beta-political/files/livre_blanc_sur_lavenir_de_leurope_fr.pdf'>Livre
blanc sur l’avenir de l’Europe</a>. La Commission
a aussi présenté une série de documents de réflexion sur des questions
clés pour l’Europe: 1) <a href='https://ec.europa.eu/commission/publications/reflection-paper-social-dimension-europe_fr'>la
réflexion sur la dimension sociale de l'Europe</a>; (2) <a href='https://ec.europa.eu/commission/publications/reflection-paper-deepening-economic-and-monetary-union_fr'>l’approfondissement
de l’Union économique et monétaire</a>; 3) <a href='https://ec.europa.eu/commission/publications/reflection-paper-harnessing-globalisation_fr'>la
maîtrise de la mondialisation</a>; 4) <a href='https://ec.europa.eu/commission/publications/reflection-paper-future-european-defence_fr'>l’avenir
de la défense européenne</a>: et 5) <a href='https://ec.europa.eu/commission/publications/reflection-paper-future-eu-finances_fr'>l’avenir
des finances de l’Union européenne</a>. <a href='http://europa.eu/rapid/press-release_STATEMENT-17-767_fr.htm'>Voir
également la déclaration adoptée le 25 mars 2017 à l’occasion du
60ème anniversaire du traité de Rome.</a>. Le président de la Commission européenne, M. Jean Claude Juncker, reprendra et développera ces idées dans son discours sur l'État de l'Union en septembre 2017, avant que les premières conclusions puissent être tirées à l'occasion du Conseil européen de décembre 2017. Cela aidera à prendre une décision sur la ligne d'action à mettre en œuvre dans les temps pour les élections du Parlement européen de juin 2019. Aussi est-il plus opportun que jamais d’étendre cette réflexion à un débat général, au plus haut niveau politique, sur l’avenir de l’Europe et, dans ce cadre, de renforcer le rôle à jouer par le Conseil de l’Europe.
69. Le Conseil de l’Europe et l’Union européenne ont récemment célébré le 10e anniversaire du Mémorandum d’accord qui régit leur coopération depuis 2007, fruit d’une réflexion de M. Jean Claude Juncker, Premier ministre luxembourgeois d’alors. En effet, en 2005, lors du Sommet de Varsovie, les chefs d’État et de gouvernement de l’Organisation avaient demandé à M. Juncker d’élaborer un rapport sur les relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne; il en présentait les conclusions devant l’Assemblée un an plus tard.
70. Depuis la signature du mémorandum de 2007, de nouveaux défis sont apparus concernant les relations entre les deux organisations européennes, notamment après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en décembre 2009. L’incidence de ce traité sur le Conseil de l’Europe a déjà donné lieu, en 2011, à une analyse approfondie par l’Assemblée 
			(15) 
			Voir la Résolution 1836 (2011) et la Recommandation
1982 (2011) sur l’impact du traité de Lisbonne sur le Conseil de l’Europe,
et la réponse du Comité des Ministres, Doc. 12892..
71. À l’époque, l’Assemblée a considéré que l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne ouvrait de nouvelles perspectives de renforcement du partenariat entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne, sur la base de l’acquis et des atouts propres à chacune des organisations. Selon l’Assemblée, un tel partenariat devait viser à garantir la cohérence entre, d’une part, le projet paneuropéen promu par le Conseil de l’Europe et, d’autre part, le processus d’intégration lancé par l’Union européenne. L’adhésion de l’Union européenne à la Convention européenne des droits de l’homme – dont le Traité de Lisbonne faisait une obligation juridique – ainsi qu’à d’autres conventions du Conseil de l’Europe devait déboucher à terme sur un espace commun de protection des droits de l’homme sur l’ensemble du continent, dans l’intérêt de tous les citoyens européens.
72. Peu de changements sont intervenus à cet égard depuis 2011, notamment du fait que l’adhésion de l’Union européenne à la Convention a été suspendue à la suite d’un avis critique de la Cour de justice de l’Union européenne 
			(16) 
			Voir
aussi le rapport établi par Mme Lundgren
en 2015 sur la mise en œuvre du Mémorandum d’accord entre le Conseil
de l’Europe et l’Union européenne (Doc. 13655), qui a débouché sur l’adoption de la Résolution 2029 (2015) et de la Recommandation
2060 (2015)..
73. Autre problème: le rôle accru de l’Union européenne dans les secteurs d’activité traditionnels du Conseil de l’Europe (justice, liberté et sécurité démocratique). En effet, l’interaction entre l’Union et ses États membres continue de s’en trouver affectée lors de la participation à des comités directeurs du Conseil de l'Europe et lorsque sont négociées de nouvelles conventions du Conseil de l'Europe sur des questions relevant de ces secteurs. Étant donné les difficultés économiques actuelles et pour éviter les risques de double emploi entre les deux organisations, il est plus nécessaire et urgent que jamais de développer des synergies et d’assurer la cohérence des normes 
			(17) 
			Voir
aussi la Recommandation 2027
(2013) sur les programmes de l’Union européenne et du Conseil
de l’Europe en matière de droits de l’homme : des synergies, pas
des doubles emplois et la réponse du Comités des Ministres, Doc. 13432..
74. Une pléthore de textes de l’Assemblée, tant récents que plus anciens, constitue une bonne base de réflexion – dont des propositions concrètes – sur laquelle le quatrième sommet peut s’appuyer. Permettez-moi simplement de conclure en évoquant, une fois encore, une proposition déjà formulée en 2006 par M. Juncker dans son rapport sur les relations entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne 
			(18) 
			<a href='http://www.coe.int/fr/web/cm/summits'>Doc. 10897</a>, Conseil de l’Europe – Union européenne: “Une même ambition
pour le continent européen”, 11 avril 2006.:
«Il résulte de la relation de complémentarité entre le Conseil de l’Europe et l’Union européenne (…) et du renforcement de la coopération entre les deux ensembles, qui s’impose dans l’intérêt de la sécurité démocratique des citoyens du continent, qu’un pas supplémentaire doit être envisagé dans cette relation dès que l’Union européenne aura été dotée d’une personnalité juridique: l’adhésion de l’Union européenne au Conseil de l’Europe d’ici à 2010 (…) Elle pourra ainsi parler directement en son nom dans toutes les instances du Conseil de l’Europe, et ce sur toutes les questions qui touchent aux intérêts de l’Union européenne et qui sont de sa compétence. Le tout dans le cadre d’une dynamique paneuropéenne, que l’Union européenne contribuera à faire avancer dans l’intérêt général du continent.»
75. Je m’interroge: est-ce que le quatrième sommet et les discussions sur le remodelage de l’architecture européenne qui devrait en découler, ne pourraient pas donner un regain d’actualité à la proposition de M. Juncker et à la perspective de l’adhésion de l’Union européenne au Statut du Conseil de l’Europe (STE no 1)?
76. À cet égard, j’approuve également la suggestion faite par Mme Grozdanova, présidente de la délégation bulgare, dans sa proposition de recommandation intitulée «Le Conseil de l’Europe dans l’architecture politique européenne». Mme Grozdanova suggère que, dans le cadre de la préparation d’un quatrième sommet, le Comité des Ministres organise, avec le concours de l’Assemblée et du Parlement européen, un débat sur l’avenir de l’Europe et sur le rôle du Conseil de l’Europe dans l’architecture politique européenne.
77. Toujours au niveau de l’architecture européenne, il est grand temps de faire preuve d’imagination et de courage pour relever les grands défis actuels. Nous devrions mener une réflexion, novatrice et créative, à partir de la réalité qui s’impose à nous et qui est celle d’une Europe faite de cercles concentriques: le cercle le plus large des 47 États membres du Conseil de l'Europe, suivi des cercles de l’Union européenne, de l’espace Schengen et de la zone euro. Il s’agit de réfléchir aux moyens d’éviter les doubles emplois, d’assurer la cohérence des normes, et d’harmoniser les différents niveaux de coopération internationale. Étant donné que ce sont les mêmes États européens qui collaborent entre eux à différents niveaux, il serait paradoxal de ne pas pouvoir harmoniser leur coopération le mieux possible. Le Conseil de l'Europe, qui représente le cercle le plus large dans cette coopération dynamique, est donc le mieux placé pour stimuler une réflexion en ce sens. Cela serait aussi fort apprécié des citoyens, qui reprochent souvent aux institutions internationales de ne pas coopérer efficacement entre elles.
78. Au cours de mes délibérations avec des délégations parlementaires nationales et des représentants gouvernementaux d’États membres, d’autres thèmes ont aussi été portés à mon attention comme points qui pourraient figurer à l’ordre du jour du sommet: par exemple, le rôle du Conseil de l’Europe dans la lutte contre l’extrémisme et la radicalisation conduisant au terrorisme, ou les défis liés aux flux massifs de migrants et de réfugiés en Europe.
79. Quelques délégations et, en particulier, le président de la délégation française, estiment que les problèmes fondamentaux liés au terrorisme et aux migrations ont déjà été examinés à plusieurs reprises et dans divers cadres à l’occasion de sommets de chefs d’État et de gouvernement. Cela dit, parmi les propositions émises durant le débat sur les migrations tenu lors de la partie de session de juin 2017 à l’Assemblée, certaines pourraient être reprises à l’ordre du jour du sommet. Ce pourrait être le cas, par exemple, de la proposition faite par l’Assemblée, à savoir envisager la possibilité de créer, éventuellement sous la forme d’un accord partiel élargi en coopération avec l’Union européenne, «un observatoire européen des migrations et du développement interculturel pour aider les États membres du Conseil de l’Europe à élaborer des stratégies, des cadres juridiques et des plans d’action, ainsi que des projets spécifiques dans le domaine des migrations» 
			(19) 
			Voir la Recommandation 2109 (2017) sur les migrations, une chance à saisir pour le développement
européen et le rapport élaboré par M. Andrea Rigoni pour la commission
des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées, Doc. 14335..

6. Vers un quatrième Sommet

80. Le succès d’un futur sommet du Conseil de l’Europe dépendra largement du niveau de participation et du degré d’engagement des responsables européens. En effet, à moins de rassembler les chefs d’État et de gouvernement en personne mais aussi d’assurer, en dépit des différences et des conflits en cours, le solide engagement politique de tous envers l’idéal d’unité européenne et la communauté de valeurs et principes que soutient et promeut le Conseil de l’Europe, le sommet perd de sa pertinence. Certes, dans les conditions difficiles du moment, mobiliser les chefs d’État et de gouvernement ne sera pas tâche facile mais l’enjeu est d’une telle importance pour préserver l’unité du continent et pour éviter de dresser de nouveaux murs, que l’effort en vaut la peine.
81. En un sens, la décision d’organiser un sommet, la préparation minutieuse de son ordre du jour et de la déclaration finale et le niveau final de participation des États membres, voilà autant de questions étroitement liées entre elles. L’expérience montre que, à moins qu’un État membre ne propose d’accueillir un sommet et ne s’investisse, en temps et en énergie, dans sa coordination et sa préparation, le processus est trop complexe pour être pris en charge par la présidence tournante du Comité des Ministres.
82. L’ancien Président français, M. François Hollande, a déjà proposé d’organiser le quatrième sommet durant la présidence française du Conseil de l’Europe, en 2019, à l’occasion du 70e anniversaire de l’Organisation.
83. L’invitation tient-elle toujours? Depuis l’élection du nouveau Président français, M. Emmanuel Macron, la France ne s’est pas encore prononcée. Le profil pro-européen du nouveau Président – qui a choisi la musique de l’hymne européen pour l’accompagner dans sa traversée triomphante de l’esplanade du Louvre lors de sa première apparition face aux citoyens français et au monde entier – augmente les probabilités qu’il se montre disposé à relever le défi.
84. Comme également dit plus haut, la décision ultime de tenir un quatrième sommet, le thème à privilégier et l’organisation même de l’événement reviennent au Comité des Ministres du Conseil de l’Europe – le Secrétaire Général ayant un important rôle de coordination à jouer. De son côté, l’Assemblée, qui rassemble des représentants des citoyens européens, devrait être étroitement associée tant à la détermination de l’ordre du jour qu’à l’élaboration de la déclaration finale. L’Assemblée a été associée, de diverses manières, à tous les précédents sommets.
85. Le travail préparatoire d’un sommet de chefs d’État et de gouvernement est, en soi, un processus assez long et d’une grande importance. Pour être efficace, il exige une synergie entre tous les secteurs de l’Organisation et, surtout, entre ses deux organes statutaires: le Comité des Ministres et l’Assemblée parlementaire.
86. La préparation d’un futur sommet pourrait aussi donner à l’Assemblée une occasion de continuer à réfléchir en profondeur à sa propre identité, à son rôle et à sa mission en tant qu’organe statutaire de l’Organisation et, au sens plus large, en tant que forum européen de dialogue interparlementaire qui vise à avoir un impact dans tous les États membres du Conseil de l’Europe.
87. En l’espèce, l’année en cours s’est révélée particulièrement difficile pour notre Assemblée, laquelle a notamment dû faire face à des situations inédites qui ont nécessité une action courageuse, prompte et innovante: nous avons créé un groupe d’enquête externe indépendant pour examiner les allégations de corruption et de promotion d’intérêts portées à l’encontre de certains membres ou anciens membres de l’Assemblée 
			(20) 
			Cette
décision procède de la conviction qu’elles soient fondées ou fausses,
de telles allégations nuisent à l’image et à la crédibilité de l’Assemblée
en tant qu’institution et, par là même, à la réputation de chacun
de ses membres.; nous avons entamé la révision de notre Code de conduite afin d’empêcher de futures violations possibles par des membres de l’Assemblée et de renforcer la transparence, la responsabilité et l’intégrité de cet organe 
			(21) 
			Un rapport sur le «Suivi
de la Résolution 1903
(2012): La promotion et le renforcement de la transparence,
de la responsabilité et de l’intégrité des membres de l’Assemblée
parlementaire», est actuellement préparé par M. Ian Liddell-Grainger
pour la commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles
et sera débattu lors de la partie de session d’octobre 2017.; nous avons décidé – considérant que le principe de responsabilité comprend un devoir de transparence et une obligation de rendre compte, sans quoi il ne saurait y avoir de confiance de l’Assemblée dans ses élus – de compléter le cadre réglementaire de l’Assemblée en instituant une procédure permettant de mettre en jeu la responsabilité institutionnelle des titulaires d’un mandat électif au sein de l’Assemblée (notamment son président et les présidents de commissions) et de les destituer en cours de mandat 
			(22) 
			Voir
la Résolution 2169 (2017) sur la reconnaissance et la mise en œuvre du principe
de responsabilité à l’Assemblée parlementaire. Conformément à ce
cadre réglementaire, une <a href='http://assembly.coe.int/nw/xml/XRef/Xref-DocDetails-FR.asp?FileID=23996&lang=FR'>proposition
de destitution</a> du Président de l’Assemblée parlementaire du Conseil
de l’Europe, M. Pedro Agramunt, a été présentée, le 30 juin 2017,
par 158 membres composant l’Assemblée et appartenant à 5 groupes
politiques et à 36 délégations nationales. La proposition sera soumise
au vote de l’Assemblée à l’ouverture de la partie de session d’octobre
2017. La démission volontaire du Président de son mandat met fin
à la procédure. Jusqu’à ce que la décision finale soit prise, le
Président cesse de présider les réunions de l’Assemblée..
88. Toutes les mesures susmentionnées visent à améliorer le fonctionnement interne de notre Assemblée et à renforcer sa crédibilité en tant qu’organe statutaire de l’Organisation qui, entre autres, élit les juges de la Cour européenne des droits de l’homme, le Secrétaire Général et le Secrétaire Général adjoint de l’Organisation ainsi que le Commissaire aux droits de l’homme.
89. Affermie par les récentes réformes, à compléter lors de la prochaine partie de session d’octobre avec la révision de son code de conduite, l’Assemblée doit s’attendre à jouer un rôle éminent dans la préparation du sommet, notamment du fait qu’elle est la première à avoir lancé l’idée dès 2009 et qu’elle n’a cessé depuis de la promouvoir.
90. Toutefois, il reste une incohérence qui affecte la capacité de l’Assemblée à participer pleinement à la préparation du futur sommet, en particulier si ce dernier vise à réaffirmer le rôle du Conseil de l’Europe en tant que garant de l’unité européenne et à promouvoir la sécurité démocratique sur tout le continent: cela fait trois années consécutives que l’un des États membres du Conseil de l’Europe, la Fédération de Russie, participe aux activités et se fait représenter dans les instances d’un seul des deux organes statutaires de l’Organisation, à savoir le Comité des Ministres, mais non l’Assemblée.
91. Ainsi que cela a déjà été indiqué, après l’annexion de la Crimée par la Fédération de Russie en février 2014 et le conflit au Donbass, l’Assemblée a décidé d’appliquer des sanctions concernant les droits de participation et de représentation de la délégation parlementaire russe. Ces sanctions ont entraîné la décision de la délégation de ne pas participer du tout aux travaux de l’Assemblée. Depuis janvier 2016, la Fédération de Russie n’a plus soumis de pouvoirs pour sa délégation parlementaire. En conséquence, aujourd'hui, les États membres de l’Organisation ne sont pas tous représentés à l’Assemblée.
92. La décision récente des autorités russes de suspendre le versement de leur contribution au budget du Conseil de l'Europe pour 2017 jusqu’au rétablissement complet et inconditionnel des pouvoirs de la délégation de l’Assemblée fédérale de la Fédération de Russie au sein de notre Assemblée ne contribue sûrement pas à faire avancer les choses.
93. La situation globale au sein de l’Organisation a actuellement un effet contreproductif. Non seulement parce que le fait qu’un État, qui est membre à part entière de l’Organisation, ne participe pas aux activités et n’est représenté qu’à un seul des deux organes statutaires constitue en soi une incohérence, mais aussi parce que cette situation nuit à l’impact global de l’Organisation en tant que gardienne des droits de l'homme et de la démocratie sur l’ensemble du continent. Cela n’est pas dans l’intérêt des citoyens des 47 États membres; ce n’est certainement pas une situation qui peut perdurer si un sommet doit être organisé dans un avenir proche et si nous voulons obtenir des responsables européens un engagement renouvelé vis-à-vis du Conseil de l’Europe.
94. Cette question, qui est d’une importance majeure pour la préparation du sommet, ne peut pas être réglée, à mon avis, au moyen d’un simple examen du fonctionnement interne et du règlement de notre Assemblée, comme certains semblent le suggérer, mais nécessite une réflexion commune entre les deux organes statutaires de l’Organisation.
95. Le point de départ de cette réflexion doit être le Statut du Conseil de l’Europe. Celui-ci, tel que complété par la Résolution statutaire (51) 30, prévoit une claire synergie entre les deux organes statutaires en ce qui concerne la composition de l’Organisation.
96. Cependant, au fil des ans, et en particulier après l’élargissement de l’Organisation dans les années 1990, l’Assemblée a mis en place des règles régissant les droits de participation des membres des délégations nationales à ses propres activités, ainsi que leurs droits de représentation dans ses propres instances, sans prévoir aucune sorte de synergie ou de cohérence avec le Comité des Ministres (consultation, discussion, etc.).
97. En conséquence, il me semble que, dans le cadre des préparatifs du quatrième sommet de l’Organisation, il est nécessaire de lancer une procédure visant à harmoniser les règles régissant la participation et la représentation des États membres dans les deux organes statutaires, tout en respectant pleinement, bien entendu, l’autonomie de ces organes.
98. Le but ne doit pas être d’autoriser les États membres à enfreindre le Statut de l’Organisation sans conséquences, mais d’assurer la pleine cohérence entre les deux organes statutaires du Conseil de l’Europe. Cette cohérence devrait renforcer le sens d’appartenance à une communauté et les obligations qui incombent à chaque État membre.
99. Cette réflexion commune serait à mener conjointement et à traiter en priorité par l’Assemblée et par le Comité des Ministres dans le cadre des préparatifs du quatrième Sommet. Elle pourrait être coordonnée par le Comité mixte, «l’organe de coordination» entre les deux organes statutaires, conformément à la Résolution statutaire (51) 30, et confiée à un groupe de travail ad hoc plus restreint – et donc plus souple – qui serait mis en place par le Comité mixte.
100. Si cette proposition est acceptée, le processus devra être mené à terme rapidement, afin que les préparatifs du prochain sommet puissent se dérouler en temps et en heure. En conséquence, le groupe de travail ad hoc devrait commencer ses travaux au début de la session ordinaire de l’Assemblée de janvier 2018, pour les terminer, au plus tard, lors de la partie de session d’automne de la même année.
101. Afin de garantir la légitimité et l’efficacité de ce processus, l’Assemblée dans son ensemble et chaque État membre devraient faire le maximum pour que tous les États membres de l’Organisation soient pleinement représentés dans le cadre de ce processus, à la fois du côté parlementaire et du côté intergouvernemental.
102. Dans l’intervalle, l’Assemblée pourrait décider dès maintenant de poursuivre sa propre réflexion sur son identité, son rôle et sa mission en tant qu’organe statutaire du Conseil de l'Europe, et, dans le cadre de cette réflexion, donner sa propre vision de l’avenir de l’Organisation.
103. Comment l’Assemblée peut-elle conserver son rôle de forum paneuropéen de dialogue interparlementaire tout en continuant à protéger les valeurs et principes de l’Organisation? Après avoir joué un rôle décisif dans le processus d’élargissement de l’Organisation, qui s’est achevé il y a une vingtaine d’années, puis dans le processus consistant à accompagner les nouveaux États membres, ses méthodes de travail et ses outils restent-ils pertinents et peuvent-ils encore être efficaces dans tous les États membres?
104. Afin de poursuivre cette réflexion sur la préparation du quatrième Sommet et le futur de L’Organisation, je propose que le Bureau de l’Assemblée demande à la Commission du Règlement, des immunités et des affaires institutionnelles et à la Commission des questions politiques et de la démocratie de mener une analyse approfondie de ces questions et d’avancer des propositions dans le cadre de rapports pertinents.

7. Conclusions

105. À l’heure où l’avenir du Conseil de l’Europe ainsi que la nécessité de préserver et de renforcer son rôle et sa mission doivent faire l’objet d’une réflexion, il me semble nécessaire de prendre du recul et de se rappeler ses origines ainsi que l’esprit qui a prévalu à sa création.
106. L’unité est sa pierre angulaire, la dignité humaine son principal objectif.
107. Le Message aux Européens a été adopté lors de la dernière session du Congrès européen en 1948 à La Haye, il y a 69 ans. Pourtant, il fait aujourd’hui écho à une actualité extrêmement inquiétante:
«L'Europe est menacée, l'Europe est divisée, et la plus grave menace vient de ses divisions (…) L'heure est venue d'entreprendre une action qui soit à la mesure du danger (…) Entre ce grand péril et cette grande espérance, la vocation de l'Europe se définit clairement. Elle est d'unir ses peuples selon leur vrai génie, qui est celui de la diversité et dans les conditions du vingtième siècle, qui sont celles de la communauté, afin d'ouvrir au monde la voie qu'il cherche, la voie des libertés organisées (…) La conquête suprême de l'Europe s'appelle la dignité de l'homme, et sa vraie force est dans la liberté. Tel est l'enjeu final de notre lutte …»
108. Ces mots, qui ont conduit à la création de notre Organisation, pourraient à juste titre être prononcés aujourd’hui. Les dangers ne sont pas les mêmes, les divisions non plus, mais ils constituent toujours «la plus grave menace». Il en va de même de notre responsabilité «d'entreprendre une action qui soit à la mesure du danger».
109. Nous devons aux générations futures de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour ne pas saper, par peur ou par hésitation à agir, ce que nos prédécesseurs ont bâti, mais, au contraire, d’en défendre les fondations et de les rendre plus solides, avant tout dans l’intérêt des citoyens européens. En ces temps difficiles où le monde semble en pleine mutation, il est de notre devoir de lutter contre le nationalisme, cette plaie des plaies, et d’éviter que de nouveaux murs ne soient érigés.
110. Nous avons hérité d’une organisation pan-européenne, née d’un rêve, celui de l’unité de l’Europe, et dont la finalité même est de faire de ce rêve une réalité. Même si nous devons être critiques quant à nos erreurs passées et prudents face aux risques à venir, nous pouvons être fiers de ce que nous avons aujourd’hui accompli. Si une «Charte des Droits de l’Homme» et une Cour «capable d’appliquer les sanctions nécessaires pour que soit respectée la Charte» constituaient un rêve pour nos pères fondateurs, l’une et l’autre sont aujourd’hui une réalité pour près de 835 million d’Européens et la meilleure preuve que notre Organisation défend d’abord et avant tout les droits des citoyens et non les intérêts politiques et économiques des États.
111. Il en a été de même de ce souhait d’une «Assemblée Européenne, où soient représentées les forces vives de toutes nos nations». L’engagement pris par les Européens en mai 1948 est devenue réalité l’année suivante et notre Assemblée (que l’on qualifiait alors de «Consultative») s’est réunie en août 1949 à Strasbourg en représentante des peuples d’Europe. Après avoir largement contribué aux succès de l’Organisation en matière de fixation de normes et joué un rôle moteur dans le processus d’élargissement des années 90 qui a abouti à la réunification du continent européen, notre Assemblée a aujourd’hui pour tâche principale de défendre et de promouvoir le rôle de l’Organisation dans l’ensemble de l’architecture politique européenne. Elle se doit également de garder un œil sur son passé tout en dessinant son modèle pour demain.
112. C’est dans ce contexte et en réaction à ce que j’ai décrit comme l’actuelle toile de fond que je soumets ma plaidoirie en faveur d’un quatrième Sommet des Chefs d’État et de gouvernement des États membres du Conseil de l’Europe: préservons et renforçons l’unique projet pan-européen, menacé aujourd’hui par les divisions et la montée des nationalismes, en obtenant de tous les États membres qu’ils renouvellent, au niveau politique le plus élevé, leur engagement envers l’idéal d’unité européenne et les valeurs et les principes qu’ils partagent en termes de démocratie, de droits de l’homme et d’État de droit et que défend l’Organisation.