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Rapport | Doc. 14435 | 30 octobre 2017

Les litiges transnationaux de responsabilité parentale

Commission des questions sociales, de la santé et du développement durable

Rapporteure : Mme Martine MERGEN, Luxembourg, PPE/DC

Origine - Renvois en commission: Doc. 13630, Renvoi 4095 du 26 janvier 2015. 2017 - Commission permanente de novembre

Résumé

En cas de séparation de parents ressortissants de pays différents, le partage de la responsabilité parentale est complexifié par des systèmes législatifs et judiciaires différents. Elle conduit parfois à des litiges transnationaux, voire à des enlèvements d’enfants. Si les instruments juridiques internationaux paraissent suffisants, la situation peut se révéler dramatique en pratique: complexité du droit national et international, conflits de juridictions, lenteur et coûts des procédures, rupture du lien d'un des parents avec ses enfants.

L’Assemblée parlementaire devrait recommander aux États membres de faire prévaloir l’intérêt supérieur de l’enfant pour prévenir ou résoudre ces cas conflictuels en rendant l’exécution d’une décision relative à la responsabilité parentale à l’étranger plus simple, plus rapide et moins coûteuse, en contribuant à élargir la portée géographique des principaux instruments juridiques internationaux, en simplifiant le traitement des affaires d’enlèvement ou de non-retour d’enfant, en veillant à la spécialisation des professionnels concernés et à une bonne coopération entre «l’autorité centrale» d’un pays et les autres autorités nationales.

L’Assemblée devrait aussi leur demander de garantir que le point de vue du ou des enfants concernés soit entendu et pris en compte et, enfin, encourager le recours à des services de médiation et à des accords valablement reconnus sur le plan international.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet de résolution adopté à l’unanimité
par la commission le 19 septembre 2017.

(open)
1. En Europe, les couples binationaux sont de plus en plus nombreux. Ceci constitue un développement favorable sauf en cas de séparation. Lorsqu’un couple a un ou plusieurs enfants, la situation déjà difficile du partage de l’autorité parentale à la suite d’une rupture devient plus compliquée encore du fait de la différence des systèmes juridiques nationaux, des cultures et des attentes, ce qui peut donner lieu à des litiges transnationaux de responsabilité parentale, voire à des enlèvements d’enfants.
2. Les instruments juridiques internationaux et européens qui régissent ces situations reposent sur l’idée de la recherche d’un juste équilibre entre des intérêts concurrents (ceux de l’enfant, des deux parents et de l’ordre public), tout en garantissant la primauté de l’intérêt supérieur de l’enfant. À ce propos, la Cour européenne des droits de l’homme estime que les objectifs poursuivis par la prévention de l’enlèvement d’un enfant et le retour immédiat de l’enfant enlevé correspondent à une conception déterminée de «l’intérêt supérieur de l’enfant».
3. Les Conventions de La Haye de 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants et de 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants, ainsi que la réglementation de l’Union européenne applicable aux États membres de l’Union européenne, visent ainsi à protéger les enfants des effets préjudiciables de leur non-retour ou déplacement illicite dans un État autre que l’État où ils résident habituellement et prévoient à cette fin des dispositions communes en matière de compétence, de droit applicable, de reconnaissance et d’exécution dans le domaine de la responsabilité parentale et de la protection de l’enfance. Ces instruments juridiques établissent un système de coopération étatique entre les «autorités centrales», qui aident les intéressés de chaque État Partie à régler les litiges familiaux transnationaux, et fixent des délais de procédure judiciaire courts pour le retour de l’enfant dans l’État où il réside habituellement.
4. Mais dans les faits, ces délais sont rarement respectés et l’exécution des décisions rendues peut s’avérer difficile et coûteuse. La portée géographique des principaux instruments juridiques reste limitée et ceux-ci ne sont pas toujours convenablement appliqués, même dans les États qui sont liés par ces textes (comme en attestent plusieurs arrêts de la Cour européenne des droits de l’homme). Le point de vue de l’enfant, par exemple, n’est pas toujours entendu et/ni suffisamment pris en compte. De plus, les affaires dans lesquelles la personne qui a la charge principale ou exclusive de l’enfant enlève ce dernier sont particulièrement difficiles, car il arrive que le parent auteur de cet enlèvement ne soit pas en mesure de ramener l’enfant dans l’État où celui-ci réside habituellement, ce qui crée de fait une situation susceptible de porter atteinte au droit de l’enfant de ne pas être séparé de ses parents et d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents.
5. L’Assemblée parlementaire recommande par conséquent aux États membres du Conseil de l’Europe de rendre l’exécution d’une décision relative à la responsabilité parentale à l’étranger plus simple, plus rapide et moins coûteuse:
5.1. en contribuant à élargir la portée géographique des principaux instruments juridiques et à veiller à leur bonne application dans tous les pays liés par ces textes, y compris dans leur propre pays (par exemple en rendant l’information largement accessible au grand public et aux professionnels concernés);
5.2. en simplifiant le traitement des affaires d’enlèvement ou de non-retour d’enfant dans les litiges transnationaux de responsabilité parentale, notamment en limitant le nombre de recours possibles et en supprimant les exigences coûteuses d’exequatur pour l’exécution des décisions rendues;
5.3. en trouvant le moyen d’assurer un meilleur traitement des affaires dans lesquelles le parent auteur de l’enlèvement ou du non-retour a la charge principale ou exclusive du ou des enfants concerné(s), en accordant une importance particulière au point de vue du ou des enfants concernés en pareil cas;
5.4. en s’appliquant à garantir que le point de vue du ou des enfants concerné(s) soit entendu et pris en compte de manière satisfaisante dans l’ensemble des affaires;
5.5. en veillant à la spécialisation adéquate des professionnels concernés et à une bonne coopération entre l’autorité centrale et les autres autorités nationales;
5.6. en encourageant le recours à des services de médiation valablement reconnus (sur le plan international) et à des accords dans les litiges transnationaux de responsabilité parentale.

B. Exposé des motifs, par Mme Martine Mergen, rapporteure

(open)

1. Introduction

1. En octobre 2014, M. Pierre-Yves Le Borgn' et plusieurs de nos collègues ont déposé une proposition de résolution sur «Les conflits de responsabilité parentale» (Doc. 13630). La proposition relève que 13 % des couples en Europe seraient binationaux – ce qui est parfait sauf en cas de séparation: «La situation est alors souvent dramatique: complexité du droit, conflits de juridictions, lenteur et coût des procédures, rupture du lien d'un des parents avec ses enfants et parfois justice à charge pour les parents d'une autre nationalité que celle du pays de résidence.» La proposition juge essentiel que dans de tels cas «nous fassions en sorte que l'intérêt supérieur de l'enfant ne reste pas seulement un concept de droit international, mais devienne une réalité reconnue et appréciée de la même manière dans tous nos États membres», et recommande ainsi que l’Assemblée parlementaire contribue à la recherche d’une solution à cette situation qui a une incidence directe sur nos citoyens.
2. En ma qualité de rapporteure désignée par la commission des questions sociales, de la santé et du développement durable, je ne peux que souscrire à ces propos. Comme l’a déjà indiqué clairement notre commission à de précédentes occasions, dont plus récemment dans le cadre de la Résolution 2079 (2015) «Égalité et coresponsabilité parentale: le rôle des pères», l’intérêt supérieur de l’enfant doit toujours prévaloir même en cas de conflits de responsabilité parentale. Notre commission avait conclu à l’époque: «La commission souhaite souligner que le droit d’un parent à la coresponsabilité parentale, à la garde ou à la résidence alternée de son enfant ne saurait en aucun cas prendre le pas sur les droits de l’enfant concerné. Tout enfant a le droit de ne pas être séparé de ses parents et d’entretenir régulièrement des relations personnelles et des contacts directs avec ses deux parents, sauf si cela est contraire à son intérêt supérieur. Un enfant capable de discernement a aussi le droit d’exprimer librement, sur toute question l’intéressant, un avis qui sera dûment pris en considération en fonction de son âge et de son degré de maturité. Il ne suffit donc pas que les parents eux-mêmes ou les tribunaux compétents décident du partage de la responsabilité ou de la garde parentale, ou encore du lieu de résidence – les opinions de l’enfant concerné doivent être prises en compte et c’est son intérêt supérieur qui doit primer 
			(2) 
			Avis
de la commission, Doc. 13896.
3. Beaucoup de nos États membres éprouvent déjà des difficultés à garantir ces droits aux enfants lorsque les conflits de responsabilité parentale concernent exclusivement leurs propres ressortissants; en cas de conflits impliquant des ressortissants de différents États (souvent aussi de pays non membres du Conseil de l’Europe), la situation est habituellement encore plus complexe. Je souhaiterais m’attacher tout particulièrement à ces conflits transnationaux de responsabilité parentale. Je procède, dans le présent rapport, au bilan de la situation et au recensement des outils juridiques dont nous disposons pour résoudre ce type de litiges, en me fondant sur l’excellent rapport d’expert élaboré par Mme Juliane Hirsch 
			(3) 
			AS/Soc/Inf (2017) 03., qu’elle a présenté à la commission réunie à Strasbourg le 25 avril 2017 
			(4) 
			Pour prendre
connaissance du procès-verbal de l’échange de vues, veuillez consulter
le document AS/Soc (2017) PV 03 add., ainsi que sur la visite d’étude très éclairante que j’ai effectuée à Paris le 20 juin 2017, au cours de laquelle j’ai rencontré les représentants de l’autorité centrale française au ministère de la Justice et du Centre de Médiation des Notaires de Paris 
			(5) 
			Je souhaiterais remercier,
en particulier, Mme Christelle Hilpert,
Cheffe du bureau du droit de l'Union, du droit international privé
et de l'entraide civile, Direction des affaires civiles et du Sceau,
ministère de la Justice, et ses collègues, ainsi que Mme Nathalie
Graffagnino, Directrice du «Centre de Médiation des Notaires de
Paris» et Maître Drilhon-Jourdain, notaire et médiateur, d'avoir
pris le temps de me rencontrer..

2. La situation juridique dans les États membres du Conseil de l’Europe, l’Union européenne et au plan mondial

4. Lorsqu’il est question de conflits transnationaux de responsabilité parentale, plus les pays sont liés par un traité, mieux c’est. Je commencerai donc mon analyse de la situation juridique par les instruments internationaux particulièrement pertinents:
  • La Convention des Nations Unies du 20 novembre 1989 relative aux droits de l’enfant 
			(6) 
			Texte de la Convention: <a href='http://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CRC.aspx'>www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CRC.aspx</a>. énonce des principes fondamentaux en matière de protection des droits de l’enfant et accorde une attention particulière aux droits de l’enfant dans les situations familiales transnationales. Voir en particulier l’article 10.2 sur les relations personnelles et les contacts entre les enfants et les parents qui vivent dans des pays différents, ainsi que l’article 11, relatif à l’enlèvement d’enfants. La Convention compte 196 Parties, dont les 47 États membres du Conseil de l’Europe.
  • La Convention de La Haye du 19 octobre 1996 concernant la compétence, la loi applicable, la reconnaissance, l'exécution et la coopération en matière de responsabilité parentale et de mesures de protection des enfants (ci-après la Convention de La Haye de 1996 sur la protection des enfants) 
			(7) 
			Texte de la Convention: <a href='https://www.hcch.net/fr/instruments/conventions/full-text/?cid=70'>https://www.hcch.net/fr/instruments/conventions/full-text/?cid=70</a>; rapport explicatif: <a href='http://www.hcch.net/upload/expl34.pdf'>www.hcch.net/upload/expl34.pdf</a>; Manuel pratique sur le fonctionnement de la Convention: <a href='https://assets.hcch.net/docs/5eadb8e0-db64-4f0a-98de-a7254837a419.pdf'>https://assets.hcch.net/docs/5eadb8e0-db64-4f0a-98de-a7254837a419.pdf</a>. établit des règles communes en matière de compétence, de loi applicable, de reconnaissance et d’exécution dans le domaine de la responsabilité parentale et de la protection des enfants. Elle instaure un système de coopération entre autorités centrales chargées d’aider les personnes concernées dans chaque Partie contractante à régler des conflits familiaux transnationaux. Tout État peut adhérer à cet instrument international, auquel sont Parties 47 pays (en octobre 2017), dont l’ensemble des États membres de l’Union européenne et 39 des 47 États membres du Conseil de l’Europe 
			(8) 
			Ne sont pas Parties
à la Convention de La Haye de 1996 les États membres suivants du
Conseil de l'Europe: l'Andorre, l'Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine,
l‘Islande, le Liechtenstein, la République de Moldova, Saint-Marin
et «l'ex-République yougoslave de Macédoine»..
  • La Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants (ci-après la Convention de La Haye de 1980 sur l’enlèvement d’enfants) 
			(9) 
			Texte de la Convention:<a href='https://www.hcch.net/fr/instruments/conventions/full-text/?cid=24'> https://www.hcch.net/fr/instruments/conventions/full-text/?cid=24</a>; rapport explicatif: <a href='http://www.hcch.net/upload/expl28.pdf'>www.hcch.net/upload/expl28.pdf</a>. vise à protéger les enfants contre les effets nuisibles d’un non-retour ou d’un déplacement illicites dans un État autre que l’État de leur résidence habituelle. La Convention porte uniquement sur les aspects civils de tels faits et ne traite pas des conséquences pénales qui peuvent en découler. En établissant un cadre juridique international permettant le retour immédiat de ces enfants déplacés ou retenus illicitement, la Convention contribue au maintien d’une relation régulière entre l’enfant et ses deux parents. Elle empêche les décisions de garde contradictoires dans les situations de déplacement ou de non-retour illicites d’un enfant en interdisant aux tribunaux de l’État où l’enfant a été déplacé ou retenu de statuer sur le fond du droit de garde tant que la procédure de retour n’est pas achevée. Le système des autorités centrales établi par la Convention aide les parents en cas d’enlèvement mais aussi en cas de visites transfrontalières sans déplacement ni non-retour illicites. La Convention de La Haye de 1980 est ouverte à la signature de tous les pays et est en vigueur dans 98 pays (en octobre 2017). Tous les États membres du Conseil de l’Europe, à l’exception de l’Azerbaïdjan et du Liechtenstein, y sont Parties.
5. Plusieurs instruments de l’Union européenne présentent également un intérêt particulier malgré leur portée géographique plus restreinte, dans la mesure où ils ont tendance à «aller plus loin» et prévoient diverses actions. Par ailleurs, ils sont généralement contraignants pour l’ensemble des 28 États membres de l’Union européenne:
  • La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (2010/C 83/02) 
			(10) 
			Texte de la Charte: <a href='http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:12010P&from=FR'>http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:12010P&from=FR</a>. énonce les droits fondamentaux des citoyens et résidents de l’Union européenne. Proclamée à Nice en décembre 2000, la Charte, dans sa version révisée de décembre 2007, a désormais un caractère contraignant dans l’Union européenne, depuis l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, en décembre 2009.
  • Le Règlement (CE) no 2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale (ci-après le Règlement Bruxelles II bis) 
			(11) 
			Texte du
Règlement: <a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2003:338:0001:0029:FR:PDF'>http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2003:338:0001:0029:FR:PDF</a>; voir également le Guide pratique pour l'application
du Règlement Bruxelles II bis: <a href='http://ec.europa.eu/justice/civil/files/brussels_ii_practice_guide_fr.pdf'>http://ec.europa.eu/justice/civil/files/brussels_ii_practice_guide_fr.pdf</a>. unifie les règles en matière de compétence, de reconnaissance et d’exécution des décisions et accords exécutoires dans le domaine de la responsabilité parentale dans les États membres de l’Union européenne et établit un système de coopération administrative entre les États, chargés de désigner des autorités centrales pour aider les personnes ayant besoin d’assistance dans des conflits transnationaux en matière de responsabilité parentale. Ce règlement est uniquement applicable entre États membres de l’Union européenne (il ne s’applique pas au Danemark). Il importe de relever que le Règlement prime la Convention de La Haye de 1996 pour les questions visées dans son dispositif, à savoir la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions. La Convention de La Haye de 1980 sur l’enlèvement d’enfants demeure pleinement applicable au sein de l’Union européenne, mais est complétée par certaines dispositions du Règlement de Bruxelles II bis. Une proposition de refonte de ce règlement est actuellement à l’étude 
			(12) 
			Voir la Proposition
COM(2016)411 final du 30 juin 2016 relative à la refonte du Règlement
Bruxelles II bis: <a href='http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52016PC0411&from=FR'>http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/PDF/?uri=CELEX:52016PC0411&from=FR</a>..
  • La Directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale 
			(13) 
			<a href='http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:136:0003:0008:Fr:PDF'>http://eur-lex.europa.eu/LexUriServ/LexUriServ.do?uri=OJ:L:2008:136:0003:0008:Fr:PDF</a>. vise à favoriser le règlement amiable des litiges en matière civile et commerciale en encourageant le recours à la médiation et en faisant en sorte «que les parties qui y recourent puissent se fonder sur un cadre juridique prévisible» 
			(14) 
			Voir le considérant
(7) de la Directive.. Tous les États membres de l’Union européenne, à l’exception du Danemark, sont liés par la Directive et devaient avoir assuré leur mise en conformité avec ses dispositions avant le 21 mai 2011.
6. Les instruments du Conseil de l’Europe ont l’avantage d’avoir en théorie un champ d’application géographique plus vaste que ceux de l’Union européenne, mais n’ont souvent dans la pratique pas été largement ratifiés (à l’exception, bien entendu, de la Convention européenne des droits de l’homme (STE no 5)). Les instruments suivants présentent un intérêt particulier:
  • Ladite Convention européenne des droits de l’homme du 4 novembre 1950 
			(15) 
			<a href='http://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/005'>www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/005</a>. énonce des libertés et droits fondamentaux, notamment le droit au respect de la vie privée et familiale (article 8). Afin de garantir le respect des engagements contractés par les États Parties, la Convention a établi la Cour européenne des droits de l’homme, à Strasbourg, pour connaître des requêtes individuelles et interétatiques. Les 47 États membres du Conseil de l’Europe ont signé et ratifié la Convention.
  • La Convention européenne du 20 mai 1980 sur la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière de garde des enfants et le rétablissement de la garde des enfants (STE no 105) (ci-après la Convention européenne de 1980 en matière de garde) 
			(16) 
			<a href='http://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/105'>www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/105</a>; Rapport explicatif: <a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016800ca443'>https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016800ca443</a>. protège les droits en matière de garde et de visite dans les situations internationales et crée un système d’autorités centrales pour apporter une assistance rapide, gratuite et non bureaucratique aux parents qui cherchent à localiser leur enfant déplacé illicitement et à rétablir leur droit de garde. La Convention est ouverte à la signature de tous les États membres du Conseil de l’Europe et des États non membres invités à y adhérer (voir les articles 21 et 23). À ce jour, 37 États membres du Conseil de l’Europe ont ratifié la Convention, dont tous les États membres de l’Union européenne, à l’exception de la Slovénie.
  • La Convention européenne sur l'exercice des droits des enfants (STE no 160) du 25 janvier 1996 
			(17) 
			<a href='http://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/160'>www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/160</a>; Rapport explicatif: <a href='http://www.conventions.coe.int/Treaty/en/Reports/Html/160.htm'>www.conventions.coe.int/Treaty/en/Reports/Html/160.htm</a>. vise à protéger l’intérêt supérieur des enfants et à promouvoir l’exercice de leurs droits dans les procédures judiciaires les concernant. La Convention est ouverte à la signature de tous les États membres du Conseil de l’Europe et des États non membres ayant participé à son élaboration. En outre, d’autres États non membres peuvent être invités à y adhérer (voir l’article 22). À l’heure actuelle, 20 États membres du Conseil de l’Europe ont ratifié la Convention 
			(18) 
			À savoir l'Albanie,
l'Allemagne, l'Autriche, la Croatie, Chypre, l'Espagne, la Finlande,
la France, la Grèce, l'Italie, la Lettonie, «l'ex-République yougoslave
de Macédoine», Malte, le Monténégro, la Pologne, le Portugal, la
Slovénie, la République tchèque, la Turquie et l'Ukraine..
  • La Convention du Conseil de l’Europe sur les relations personnelles concernant les enfants (STE no 192) 
			(19) 
			<a href='http://www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/192'>www.coe.int/fr/web/conventions/full-list/-/conventions/treaty/192</a>; Rapport explicatif: <a href='https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016800d3845'>https://rm.coe.int/CoERMPublicCommonSearchServices/DisplayDCTMContent?documentId=09000016800d3845</a>. énonce des principes généraux à appliquer aux décisions relatives aux relations personnelles et établit des mesures de sauvegarde et des garanties appropriées pour assurer le bon déroulement des visites et le retour immédiat de l’enfant à l’issue de celles-ci. La Convention vise en outre à instaurer une coopération entre toutes les instances et autorités compétentes et renforce les instruments juridiques internationaux en vigueur dans ce domaine du droit. Elle est ouverte à la signature de tous les États membres du Conseil de l’Europe, des États non membres ayant participé à son élaboration et des États non membres invités à y adhérer (voir les articles 22 et 23). À ce jour, neuf États membres du Conseil de l’Europe l’ont ratifiée 
			(20) 
			À savoir l’Albanie,
la Bosnie-Herzégovine, la Croatie, Malte, la Roumanie, Saint-Marin,
la République tchèque, la Turquie et l’Ukraine..
7. Par ailleurs, il convient de mentionner, pour leur importance, les recommandations et lignes directrices suivantes (qui, contrairement aux instruments juridiques susmentionnés, ne sont pas contraignantes):
  • Recommandation CM/Rec(2015)4 sur la prévention et résolution des conflits sur le déménagement de l’enfant, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 11 février 2015 
			(21) 
			<a href='https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=09000016805c450f'>https://search.coe.int/cm/Pages/result_details.aspx?ObjectId=09000016805c450f</a>.;
  • Déclaration de Washington sur la relocalisation internationale des familles, du 25 mars 2010 
			(22) 
			<a href='https://assets.hcch.net/upload/decl_washington2010f.pdf'>https://assets.hcch.net/upload/decl_washington2010f.pdf</a>.;
  • Lignes directrices du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe sur une justice adaptée aux enfants, adoptées par le Comité des Ministres le 17 novembre 2010 
			(23) 
			<a href='https://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/cdcj/CDCJ Recommendations/GuidelinesChildrenFriendlyJusticeF.pdf'>https://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/cdcj/CDCJ%20Recommendations/GuidelinesChildrenFriendlyJusticeF.pdf</a>.;
  • Recommandation no R (84) 4 sur les responsabilités parentales, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 28 février 1984 
			(24) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/family/rec.84.4.F.pdf'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/family/rec.84.4.F.pdf</a>.;
  • Résolution 2079 (2015) «L’égalité et la coresponsabilité parentale: le rôle des pères», adoptée par l’Assemblée parlementaire en octobre 2015;
  • Recommandation no R (98) 1 sur la médiation familiale, adoptée par le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe le 21 janvier 1998 
			(25) 
			<a href='http://www.coe.int/t/dghl/standardsetting/family/7th conference_en_files/Rec(98)1 F.pdf'>www.coe.int/t/dghl/standardsetting/family/7th%20conference_en_files/Rec(98)1%20F.pdf</a>.;
  • Principes pour la mise en œuvre de structures de médiation dans le cadre du Processus de Malte, élaborés par le groupe de travail sur la médiation de la Conférence de La Haye en 2010 
			(26) 
			<a href='https://www.hcch.net/fr/publications-and-studies/details4/?pid=5317&dtid=52'>https://www.hcch.net/fr/publications-and-studies/details4/?pid=5317&dtid=52</a>.;
  • Lignes directrices visant à améliorer la mise en œuvre des Recommandations existantes concernant la médiation familiale et en matière civile, Commission européenne pour l'efficacité de la justice (CEPEJ) (CEPEJ(2007)14) 
			(27) 
			<a href='https://rm.coe.int/1680747b9a'>https://rm.coe.int/1680747b9a</a>..

3. Les problèmes à résoudre

8. La plupart des couples internationaux qui se séparent ne sont pas formés d’avocats (et tous les avocats ne connaissent peut-être pas très bien le droit privé international et le droit relatif aux droits humains). Comme le faisait remarquer Baroness Massey lors de l’échange de vues tenu en avril avec Mme Hirsch, le premier problème rencontré par les parents «ordinaires» est de savoir vers qui se tourner. Comment obtenir des informations sur les droits qu’ont les différents intéressés (les parents, mais aussi les enfants) et quels sont les meilleurs moyens d’en assurer le respect et la protection dans la pratique?
9. Les instruments juridiques présentés dans le chapitre précédent proposent des outils pour prévenir et résoudre les conflits transnationaux en matière de responsabilité parentale. Tous ces instruments concourent au même objectif: éviter des décisions contradictoires en matière de responsabilité parentale et favoriser la résolution rapide des conflits transnationaux (notamment en cas d’enlèvement ou de non restitution d’enfant) afin de protéger les enfants concernés.
10. Plusieurs outils existent:
10.1. Pour commencer, bon nombre des instruments juridiques prévoient l’établissement d’un «système de coopération entre autorités centrales» qui a pour vocation d’aider les personnes à prévenir et à résoudre des différends familiaux transnationaux. Chaque pays lié par ces instruments devrait avoir mis en place une autorité (nationale) centrale vers laquelle les parents ordinaires (et leurs avocats) peuvent se tourner pour obtenir au besoin des informations et de l’aide. En France, j’ai rencontré les représentants de l’autorité centrale, qui m’ont expliqué qu’ils cherchaient à aider les parties concernées en leur donnant des informations pratiques, par exemple en leur expliquant les différentes procédures et les modalités de leur application et en leur fournissant des listes d’avocats, tout en veillant à ne jamais se substituer aux parties. La coopération entre les autorités centrales des différents pays est généralement satisfaisante; le principal problème concerne les parents qui ne connaissent pas leurs droits et obligations et ne bénéficient pas de conseils juridiques en temps utile: certains parents quittent tout simplement le territoire avec leur(s) enfant(s) sans même réaliser qu’ils sont en infraction, ce qui complique considérablement par la suite la recherche d’un accord amiable entre les parties. L’autorité centrale française dispense des formations aux juges, y compris à des juges étrangers, aux greffiers, aux médiateurs et aux autres professionnels concernés pour faire connaître plus largement les procédures adéquates. Un guide pratique à l’intention des fonctionnaires de police et des avocats est actuellement en cours de rédaction sur l’enlèvement d’enfants dans les litiges transnationaux de responsabilité parentale. L’autorité centrale a traité 280 affaires de ce type en 2016, dont 78 ont abouti au retour de l’enfant à la suite d’une décision de justice et 87 ont obtenu le même résultat sans décision de justice; quant aux autres affaires, soit elles sont encore en cours de traitement, soit le retour de l’enfant a été refusé, généralement en raison d’un «risque grave» pour l’enfant, par exemple un parent violent).
10.2. Deuxièmement, la plupart des instruments juridiques font de la résidence habituelle de l’enfant le facteur de rattachement privilégié en matière de responsabilité parentale. Cela signifie que dans la pratique, c’est généralement la loi de l’État de résidence habituelle de l’enfant qui sera appliquée. C’est par ailleurs le tribunal situé dans la localité où l’enfant réside habituellement qui est généralement considéré comme le plus compétent pour statuer sur les questions qui concernent l’enfant. L’accent est donc mis sur la proximité de l’enfant avec son environnement quotidien habituel. Ces instruments contribuent ainsi à éviter les procédures parallèles et les décisions contradictoires dans deux pays différents (dont chacun a recours à ses propres lois). La Convention de La Haye de 1996 sur la protection des enfants garantit la non-extinction de la responsabilité parentale existant selon la loi de l’État de la résidence habituelle de l’enfant en cas de changement de cette résidence habituelle et, partant, de changement de la loi applicable en matière de protection (voir l’article 16.3 de la Convention). En d’autres termes, les parents sont dissuadés d’enlever leurs enfants ou de ne pas les restituer, dans la mesure où cela n’aura aucune incidence sur les tribunaux compétents au premier chef et les législations nationales qui s’appliquent. De plus, cela n’améliorera en rien la situation du parent qui se rendrait coupable de tels agissements en termes de responsabilité parentale, bien au contraire. Mais, comme me l’ont indiqué les représentants de l’autorité centrale française, les procédures ne sont pas toujours aussi simples et aussi rapides qu’on pourrait le souhaiter, car le droit national varie considérablement d’un pays à l’autre. En France, par exemple, le système d’exécution des décisions de justice repose sur le droit pénal, ce qui complique l’exécution des décisions de justice étrangères rendues au civil 
			(28) 
			En cas de problème
d'exécution d'une décision de justice étrangère rendue au civil,
il est indispensable de saisir un juge en France pour conférer à
cette décision force exécutoire dans le pays.. L’enfant concerné est par ailleurs uniquement entendu à sa demande, alors qu’il est obligatoirement entendu dans d’autres pays 
			(29) 
			La position de la France
est motivée par le désir de ne pas transférer à l'enfant la responsabilité
de la prise de décision, pour ne pas lui en faire porter tout le
poids..
10.3. Enfin, la Convention de La Haye de 1996 sur la protection des enfants, le Règlement de Bruxelles II bis et la Convention européenne de 1980 en matière de garde prévoient des procédures de reconnaissance et d’exécution des décisions simplifiées et rapides. Ceci est important, car malgré les principes susmentionnés inscrits dans les différents instruments juridiques, lorsqu’un parent enlève/ne restitue pas un enfant dans le cadre d’un conflit transnational de responsabilité parentale, le temps est un élément crucial. En effet, s’agissant en particulier des enfants en bas âge, si la procédure de retour dure des années, il n’est peut-être plus dans l’intérêt supérieur de l’enfant d’être rendu à son autre parent. La Cour européenne des droits de l’homme a ainsi estimé que «l’intérêt supérieur de l’enfant doit constituer la principale considération, les objectifs de prévention et de retour immédiat répondant à une conception déterminée de “l’intérêt supérieur de l’enfant”» 
			(30) 
			X
c. Lettonie, Requête no 27853/09,
arrêt du 26 novembre 2013 (Grande Chambre), paragraphe 95..
11. Cela nous amène directement aux problèmes qui restent à résoudre:
11.1. Premièrement, il convient de simplifier davantage, d’accélérer et de rendre moins coûteuse l’application à l’étranger d’une décision en matière de responsabilité parentale. Le délai «envisagé» par la Convention de La Haye de 1980 sur l’enlèvement d’enfants pour rendre une décision dans le cadre d’une procédure de retour est fixé à six semaines (voir l’article 11 de la Convention). Le Règlement de Bruxelles II bis rend le respect de ce délai obligatoire (voir l’article 11.3 du Règlement). Les statistiques sur les procédures de retour indiquent cependant que dans de nombreux États, malgré l’ouverture de procédures d’urgence, les tribunaux ont du mal à respecter ce délai serré et, quand bien même le Règlement de Bruxelles II bis impose des règles plus strictes, les procédures de retour au sein de l’Union européenne ne sont pas plus rapides (à l’heure actuelle, la procédure de retour dure en moyenne jusqu’à 165 jours) 
			(31) 
			Doc. Prél. no 8
B de mai 2011 – Analyse statistique des demandes déposées en 2008
en application de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 sur
les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants. Partie II
– Rapport régional, p. 10, <a href='https://assets.hcch.net/upload/wop/abduct2011pd08be.pdf'>https://assets.hcch.net/upload/wop/abduct2011pd08be.pdf</a>.. Il convient de noter que cette question figure parmi celles examinées dans la perspective d’une refonte de ce règlement 
			(32) 
			Voir
la Proposition COM(2016) 411 (supra note
de bas de page 13), p. 13.. La proposition de refonte faite en 2016 par la Commission européenne vise à accélérer le délai réel nécessaire au retour de l’enfant, en remplaçant l’actuel délai de six semaines, jugé irréaliste, par un nouveau délai de «6+6+6» semaines 
			(33) 
			Ibid.:
  • en mettant en place un nouveau délai de six semaines au cours duquel les autorités centrales assurent la réception et le traitement de la demande, localisent la partie défenderesse et l’enfant, favorisent la médiation (tout en veillant à ce qu’elle ne ralentisse pas la procédure) et adressent la partie demanderesse à un avocat qualifié ou saisissent le tribunal compétent de l’affaire (en fonction du système judiciaire national);
  • en limitant la possibilité de recours à un appel (avec un délai distinct de six semaines pour la procédure engagée respectivement devant la juridiction de première instance et la juridiction d’appel);
  • en supprimant l’exigence d’exequatur (qui entraîne en moyenne un retard de plusieurs mois par affaire et des frais qui peuvent se monter à € 4000 pour les justiciables);
  • en prévoyant un délai indicatif de six semaines pour l’exécution effective d’une décision de justice (assorti d’une obligation d’informer l’autorité centrale de l’État membre de l’Union européenne d’origine dont émane la demande ou la partie demanderesse du dépassement du délai) 
			(34) 
			Ce qui
représente concrètement un délai de «6+6+6+6» semaines jusqu'au
retour véritable de l'enfant, soit 24 semaines, autrement dit exactement
la durée moyenne actuelle des procédures au sein de l'Union européenne (165 jours)..
11.2. Deuxièmement, le champ d’application géographique des instruments juridiques clés doit être élargi et les États liés à ces instruments doivent s’assurer qu’ils sont pleinement respectés et mis en œuvre dans la pratique. Si l’un des parents du couple binational en instance de séparation est issu d’un pays non lié par l’instrument juridique 
			(35) 
			Bien
que l'Union européenne affirme promouvoir la ratification ou la
signature de la Convention de La Haye de 1980 par les pays du monde
entier, l'acceptation effective de l'adhésion d'un pays tiers à
la Convention est soumise à une procédure particulière de l'Union
européenne, qui exige l'accord unanime des États membres au moyen
d'une Décision du Conseil adoptée dans l'intérêt de l'Union européenne,
depuis un avis rendu par la Cour de justice de l'Union européenne en
2014. 10 Décisions du Conseil ont déjà été adoptées en ce sens,
mais «lorsqu'on examine s'il y a lieu d'accepter une adhésion, il
est indispensable de tenir compte de la capacité de l'État tiers
à mettre en œuvre de manière effective la Convention». Réponse de
l'Union européenne aux questions spécifiques du Questionnaire sur
le fonctionnement pratique de la Convention de La Haye de 1980 sur
les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, <a href='https://assets.hcch.net/docs/49f7bd34-7abf-40ac-bc77-4820a719ead3.pdf'>https://assets.hcch.net/docs/49f7bd34-7abf-40ac-bc77-4820a719ead3.pdf</a>. ou dans lequel ce dernier n’est pas appliqué de manière effective, la justice ne pourra pas être rendue 
			(36) 
			En France,
environ la moitié des affaires d'enlèvement d'enfant dans les litiges
transnationaux de responsabilité parentale concerne d'autres États
de l'Union européenne, l'autre moitié ayant trait aux États du Maghreb
(avec laquelle la France a également conclu des accords bilatéraux
sur cette question).. Entre autres problèmes courants, citons les procédures de retour et/ou les mécanismes d’exécution des décisions de retour pas assez rapides.
11.3. Troisièmement, il convient de trouver une meilleure solution pour traiter les affaires d’enlèvement par la personne ayant la charge principale de l’enfant. Les statistiques relatives au fonctionnement de la Convention de La Haye de 1980 sur l’enlèvement d’enfants indiquent que contrairement à ce qu’on aurait pu croire, la majorité des enlèvements transnationaux d’enfants sont le fait de la personne qui a la charge, exclusivement ou conjointement, de l’enfant. Souvent, il s’agit de la mère qui a quitté son pays d’origine pour vivre avec son époux ou son partenaire à l’étranger et qui, à la suite de leur rupture, retourne dans son pays avec l’enfant. Pour l’enfant, les dangers d’un enlèvement transnational demeurent: contrairement aux enfants déplacés en toute légalité dans un autre État, les enfants déplacés ou retenus illicitement risquent de perdre contact avec le parent laissé derrière, la famille élargie et les amis, et ses liens culturels avec l’autre pays peuvent se distendre. Il faut donc que le cadre juridique international apporte des solutions en la matière. Or, le fait que le parent ayant la charge principale de l’enfant soit souvent celui qui le déplace illicitement crée des complications imprévues dans la pratique. Comment rétablir, comme l’envisage la Convention, la situation antérieure si le parent qui a la charge principale de l’enfant décide de ne pas l’accompagner lorsqu’il retourne dans l’autre pays (ou ne peut pas l’accompagner car il y fait l’objet d’une procédure pénale et risque d’être emprisonné)? Si la décision de retour prévue par la Convention de La Haye de 1980 sur l’enlèvement d’enfants est sans préjudice de la décision sur le fond du droit de garde, dans les cas susmentionnés, elle peut en réalité entraîner un changement, sur le court et long terme, du pourvoyeur principal aux besoins de l’enfant 
			(37) 
			Pour toutes ces raisons,
certains États Parties ont proposé de réviser la Convention de La
Haye de 1980 et d’élaborer un protocole à la Convention. L’étude
approfondie de cette question par la sixième Commission spéciale
sur le fonctionnement pratique de cet instrument, en 2011/2012,
a révélé une préférence pour le développement de bonnes pratiques
liées à l’application de la Convention et pour l’élaboration d’instruments
d’orientation, afin d’adapter la Convention aux nouveaux enjeux
et d’aider les nouveaux États adhérents en particulier à appliquer
avec discernement le mécanisme de retour prévu par la Convention..
11.4. Quatrièmement, la spécialisation des professionnels chargés de traiter ces affaires doit être améliorée. L’intervention de juges, avocats et autres parties prenantes non spécialisés est souvent à l’origine de problèmes 
			(38) 
			Ce
problème semble moins se poser en France, où il existe plus de 30
juridictions spécialisées (depuis 2009) et où deux décrets (de 2012
et 2017) ont mis en place une procédure claire et efficace en cas
d'enlèvement d'enfant. . À l’évidence, la mauvaise application du mécanisme de retour immédiat prévu par la Convention de La Haye de 1980 sur l’enlèvement d’enfants crée des situations difficiles, comme l’atteste entre autres la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme 
			(39) 
			La Cour n’a cessé de
conclure au manquement à l’obligation visée à l'article 8 de la
Convention européenne des droits de l'homme lorsque les États ne
prennent pas de mesures effectives pour garantir le retour immédiat
des enfants en vertu de la Convention de La Haye de 1980 sur l’enlèvement
d'enfants. Voir la fiche thématique de l'Unité de la presse de la
Cour sur les enlèvements internationaux d'enfants, publiée en octobre
2016.. De même, des problèmes peuvent survenir en cas de coopération insuffisante entre les autorités centrales et les autres autorités nationales.
11.5. Cinquièmement, il doit exister un plus large accord entre tous les États sur la définition exacte du fait d’entendre le point de vue de l’enfant concerné et d’en tenir compte. Les systèmes judiciaires varient considérablement d’un pays à l’autre sur la question de savoir si l’enfant doit être entendu et, dans l’affirmative, à partir de quel âge; cette situation se complique encore lorsque qu’une procédure judiciaire est engagée dans le pays «d’origine» de l’enfant d’où il a été physiquement déplacé 
			(40) 
			Ainsi, la proposition
de refonte du Règlement Bruxelles II bis faite
par la Commission en 2016 prévoit l'obligation de donner à l'enfant
la possibilité de donner son avis, au besoin par visioconférence
ou par d'autres moyens techniques.. Mais il convient également de garder à l’esprit que la Cour européenne des droits de l’homme a conclu que la Convention de La Haye de 1980 sur l’enlèvement d’enfants n’accordait pas à l’enfant la liberté de choisir où il souhaitait vivre 
			(41) 
			Rouiller c. Suisse, arrêt du 22
juillet 2014..
11.6. Enfin, sixièmement, les solutions consensuelles aux différends familiaux transfrontaliers au moyen d’une médiation spécialisée pourraient grandement contribuer à empêcher l’application en premier lieu des instruments juridiques spécialisés. Tous les instruments régionaux et internationaux modernes du droit de la famille favorisent le règlement amiable des différends. La «médiation» y est donc expressément mentionnée. Parallèlement, ces dernières années, plusieurs organisations régionales et internationales, dont le Conseil de l’Europe, ont pris des initiatives pour promouvoir la médiation familiale transnationale, fournir des orientations et définir des normes minimales afin de garantir la qualité de cette médiation 
			(42) 
			Il
convient à cet égard de mentionner tout particulièrement les travaux
du Conseil de l'Europe dans ce domaine, voir Recommandation no R
(98) 1 sur la médiation familiale, suivie en 2007 des Lignes directrices
visant à améliorer la mise en œuvre des recommandations existantes
concernant la médiation familiale et en matière civile, l’une comme
les autres portant sur la médiation familiale transnationale; voir
en outre la Directive de l’Union européenne sur la médiation, qui
vise à définir des normes communes minimales en matière de médiation
familiale transnationale.. Les travaux qui sont probablement les plus approfondis en la matière, concernant notamment la médiation dans le contexte de l’enlèvement international d’enfants, sont le fait de la Conférence de La Haye de droit international privé. Ainsi, en 2010, un groupe de travail a élaboré des «Principes pour la mise en œuvre de structures de médiation dans le contexte du Processus de Malte» visant à établir des points de contact pour la médiation familiale internationale, le but étant d’aider les personnes à trouver des médiateurs spécialisés et de définir des critères généraux à respecter en matière de médiation familiale transnationale. En 2012, le Guide de bonnes pratiques sur la médiation dans le contexte de la Convention de 1980 sur l’enlèvement d’enfants a été publié. Des problèmes se sont cependant posés dans le domaine de la reconnaissance et de l’exécution transfrontières des accords de médiation 
			(43) 
			La Conférence de La
Haye a confié le soin à un groupe d’experts de se pencher sur la
question et de concevoir un «outil de navigation» non contraignant
présentant les bonnes pratiques en matière de reconnaissance et
d’exécution, par un État étranger, des accords relevant du droit
de la famille et concernant des enfants, en vertu des conventions
de La Haye de 1980, 1996 et 2007.. En France, par exemple, l’autorité centrale propose des services de médiation gratuits lorsqu’elle est saisie d’une affaire ou à la demande des parents, mais seul un couple sur 10 utilise cette possibilité 
			(44) 
			Autrement dit, l'autorité
centrale a mis en place une médiation dans 42 affaires seulement
en 2016..

4. Conclusions et recommandations

12. Les six problèmes recensés dans le chapitre précédent sont ceux pour lesquels il convient de trouver des solutions. Mes recommandations portent par conséquent sur les moyens:
  • de simplifier, d’accélérer et de rendre moins coûteuse l’application à l’étranger d’une décision en matière de responsabilité parentale;
  • d’élargir le champ d’application géographique des principaux instruments juridiques et d’assurer leur bonne application dans tous les pays qui y sont liés;
  • de mieux traiter les affaires dans lesquelles le parent ayant enlevé/n’ayant pas restitué l’enfant/les enfants est la personne qui en a la charge exclusive ou principale;
  • de garantir la spécialisation adéquate des professionnels concernés et une meilleure coopération entre les «autorités centrales» et les autres autorités nationales;
  • de veiller à garantir que le point de vue de l’enfant concerné soit entendu et pris en compte de manière satisfaisante;
  • d’encourager comme il se doit (au plan international) les services de médiation et les accords reconnus en cas de conflits transnationaux de responsabilité parentale.