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Rapport | Doc. 15083 | 14 février 2020

Prévention de la violence et de la discrimination à l'égard des minorités religieuses parmi les réfugiés en Europe

Commission des migrations, des réfugiés et des personnes déplacées

Rapporteur : M. Egidijus VAREIKIS, Lituanie, PPE/DC

Origine - Renvoi en commission: Doc. 14429, renvoi 4351 du 22 janvier 2018. 2020 - Commission permanente de mars

Résumé:

Les réfugiés et les demandeurs d'asile entreprennent de longs et périlleux voyages, pour beaucoup fuyant des circonstances terribles et arrivant affaiblis et particulièrement vulnérables. Le risque qu’ils soient soumis à la violence et à la discrimination en raison de leur foi et de leurs pratiques religieuses une fois arrivés en Europe leur impose toutefois une pression supplémentaire, souvent insoutenable.

Des mesures devraient donc être prises pour atténuer les tensions et créer un climat de respect et de dignité dans la vie en société pour les réfugiés et les demandeurs d'asile. Le rapport souligne les moyens d’éviter autant que possible les tensions et les discriminations basées sur la religion, en tenant compte des besoins des groupes particulièrement vulnérables dont les enfants, et de la perspective de genre.

Les États membres devraient commencer par soutenir des projets qui encouragent le dialogue interreligieux et interconfessionnel dans le contexte des politiques d'asile et de migration, par le biais du travail des plates-formes de dialogue interreligieux aux niveaux national et local. Il faut faire davantage pour combattre les préjugés à l’encontre des communautés religieuses, le racisme et les discours de haine dans les camps de réfugiés et dans les communautés locales qui les accueillent. Les autorités publiques devraient s'efforcer de résoudre les conflits fondés sur la religion dans les centres d'accueil des réfugiés et les centres d'hébergement temporaires de manière plus efficace et dans le respect de la dignité et des droits des réfugiés et des demandeurs d'asile. De plus, les États membres devraient promouvoir les bonnes pratiques et les initiatives locales encourageant le dialogue interreligieux et la coexistence pacifique.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 2 décembre 2019.

(open)
1. Le droit humanitaire international et les normes en vigueur en matière de droits de l’homme reconnaissent aux réfugiés et aux demandeurs d’asile le droit à une protection adéquate. Déracinés de leur pays d’origine, ces migrants n’ont parfois pour tout bagage que leurs pratiques culturelles, leurs traditions et leur foi: celles-ci jouent un rôle d’autant plus important dans la conservation de leur dignité humaine, voire de leur intégrité physique et psychologique.
2. L’Assemblée parlementaire estime que les croyances et les pratiques religieuses des migrants et des réfugiés doivent être prises en considération comme un facteur de réussite essentiel des politiques d’accueil et d’intégration. Aussi l’Assemblée appelle-t-elle les États membres du Conseil de l’Europe à exprimer leur volonté politique d’assurer une meilleure protection aux réfugiés et aux demandeurs d’asile en Europe, en prévenant la violence et la discrimination fondées sur la religion.
3. La prévention de la violence et de la discrimination à l’égard des réfugiés appartenant à des minorités religieuses en Europe exige de prendre des mesures à différents niveaux – international, européen, national et surtout, local. Les États doivent faire davantage d’efforts pour apaiser les tensions et assurer un climat de respect et les moyens de vivre dans la dignité pour les réfugiés et les demandeurs d’asile.
4. L’Assemblée rappelle sa Recommandation 1962 (2011) sur “La dimension religieuse du dialogue interculturel” et invite les États membres à promouvoir des partenariats associant le Conseil de l’Europe, des institutions religieuses et des organisations non confessionnelles d’inspiration humaniste, visant à favoriser l’engagement actif de toutes les parties prenantes pour promouvoir les valeurs fondamentales de l’Organisation, notamment dans le contexte de leurs politiques en matière de droit d’asile.
5. Les États membres devraient promouvoir le dialogue interreligieux et interconfessionnel dans le contexte des procédures de demande d’asile, régler avec davantage d’efficacité et de respect pour la dignité et les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile les conflits fondés sur la religion au sein des centres et des structures d'hébergement temporaire accueillant des réfugiés, et promouvoir les bonnes pratiques et les initiatives sur le terrain favorisant le dialogue interreligieux et la cohabitation pacifique, en tenant compte du genre. Les mesures dans ce sens doivent notamment:
5.1. Favoriser le dialogue interreligieux et interconfessionnel dans le contexte de l’asile:
5.1.1. L’Assemblée rappelle son souhait que soit établie à l’échelle européenne une plate-forme consacrée à la dimension religieuse du dialogue interculturel et suggère qu’une attention particulière soit portée au dialogue interreligieux dans le contexte des politiques en matière de droit d’asile et de migrations;
5.1.2. Les États membres devraient établir des plates-formes de dialogue interreligieux aux niveaux national et local et en appuyer les travaux, en veillant notamment à leur implication dans l’accueil et l’intégration des réfugiés et des demandeurs d’asile en Europe;
5.1.3. Les préjugés, les manifestations de racisme et les discours de haine devraient être combattus dans les structures d'hébergement accueillant des réfugiés, par exemple par la mise en place de processus de dialogue inclusif faisant appel à l’expertise de tierces parties agissant en qualité d’intermédiaires, de médiateurs spécialistes des questions ethno-religieuses et de professionnels formés à l’animation du dialogue;
5.1.4. Une formation spéciale devrait être assurée à l’intention des médiateurs, des responsables de communautés et des autres parties prenantes concernées, y compris bénévoles, afin de promouvoir le dialogue interreligieux et une meilleure cohésion sociale. Cette formation devrait inclure une dimension de la perspective de genre;
5.1.5. L’accès des réfugiés et des demandeurs d’asile placés dans des centres de rétention à des programmes de dialogue interconfessionnel doit être facilité, ce qui favorisera une meilleure compréhension des autres cultures et convictions religieuses et créera un espace de confiance.
5.2. Régler, avec davantage d’efficacité et de respect pour la dignité et les droits des réfugiés et des demandeurs d’asile, les conflits fondés sur la religion dans les centres et les structures d'hébergement temporaire accueillant des réfugiés:
5.2.1. Pour veiller au respect de la liberté de religion, les États membres devraient assurer une formation spécifique au personnel des centres d’accueil et des structures d'hébergement temporaire, afin d’améliorer leurs connaissances des différentes religions des résidents, notamment s’agissant des célébrations religieuses, des temps de prière et des aménagements nécessaires à la pratique de ces religions. La formation doit dispenser un enseignement sur la médiation interreligieuse;
5.2.2. Des sessions de formation et d’information devraient être organisées à l’intention des résidents des centres d’accueil et des structures d'hébergement temporaire, à leur arrivée et périodiquement pendant leur séjour. Les sessions doivent porter sur le droit international et national en matière de liberté de religion, inclure des informations sur les pratiques religieuses dans le pays d’accueil, permettre la pratique religieuse dans le centre et comprendre des ateliers de prévention de la radicalisation;
5.2.3. Des procédures de plainte devraient être mises en place dans les centres afin que les résidents puissent lutter contre la discrimination fondée sur la religion. Des permanences téléphoniques nationales destinées aux victimes de discrimination à motivation religieuse pourraient être mises en place et dotées d’un personnel formé à évaluer au mieux la situation et à réagir rapidement. Les permanences téléphoniques devraient être en relation avec des médiateurs interreligieux et avec la police, afin de permettre une intervention immédiate et une aide aux victimes présumées;
5.2.4. Les centres et les structures d'hébergement temporaire accueillant des réfugiés et des demandeurs d’asile devraient disposer d’un bureau réservé aux dépôts de plaintes et offrir la possibilité de remplir un formulaire de plainte de manière anonyme. De plus, le droit de porter plainte anonymement auprès de la police doit également être garanti par les États;
5.2.5. En cas de plainte pour agression ou discrimination à motivation religieuse, la priorité doit être donnée à la sécurité de la victime présumée. La plainte devrait déclencher une procédure de protection: la victime doit être immédiatement transférée en lieu sûr, par exemple dans un autre centre, avant la réalisation d’une enquête approfondie. De telles procédures devraient tenir compte de la perspective de genre;
5.2.6. Les enquêtes sur les actes criminels à motivation religieuse devraient faire partie intégrante de la formation des agents de police. L’administration de la police devrait nommer des correspondants au sein des préfectures de police pour régler les conflits à motivation religieuse dans les centres et les structures d'hébergement temporaire accueillant les réfugiés.
5.3. Promouvoir les bonnes pratiques et les initiatives locales favorisant le dialogue interreligieux et la cohésion sociale
5.3.1. Il y a lieu de promouvoir les bonnes pratiques et les initiatives locales favorisant le dialogue interreligieux, qu’elles mettent en contact les représentants des différents groupes religieux auxquels appartiennent les réfugiés et les demandeurs d’asile, ou les mettent en contact avec la communauté locale du pays d’accueil. Il pourrait s’agir de réunions avec les responsables des différentes communautés religieuses, de réunions avec les fidèles dans leurs différents lieux de culte dans le but de promouvoir la connaissance mutuelle des aspects rituels et des modalités de culte et de socialisation, et de la participation aux célébrations religieuses des différentes communautés présentes;
5.3.2. Dans le contexte des demandes d’asile, la participation active des femmes au dialogue interculturel y compris dans sa dimension religieuse devrait être encouragée. L’autonomie des demandeuses d’asile doit être renforcée afin qu’elles agissent en actrices du changement dans une société moderne et multiculturelle, conformément à la Résolution 1615 (2008) et à la Recommandation 1838 (2008) de l’Assemblée.
5.3.3. Il convient de sensibiliser davantage les enfants aux points communs entre les différentes religions, encourageant ainsi le dialogue et une meilleure compréhension des autres convictions religieuses grâce à l’éducation. Les cours dispensés aux réfugiés, tout comme les établissements scolaires des pays d’accueil, devraient assurer dans l’enseignement institutionnel comme dans les apprentissages informels une éducation aux différentes religions ainsi qu’aux systèmes de pensée non religieux.

B. Exposé des motifs par M. Egidijus Vareikis, rapporteur

(open)

1. Introduction et définitions

1. Le rapport pour lequel j’ai été désigné rapporteur porte sur la question des réfugiés. J’entends par conséquent me concentrer sur les personnes ayant fui un conflit armé ou des persécutions et ayant été reconnues comme réfugiées, conformément à la définition donnée à l’article 1 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés 
			(2) 
			<a href='https://www.unhcr.org/fr/news/stories/2016/7/55e45d87c/point-vue-hcr-refugie-migrant-mot-juste.html'>https://www.unhcr.org/fr/news/stories/2016/7/55e45d87c/point-vue-hcr-refugie-migrant-mot-juste.html</a>.. Le terme «camps de réfugiés», qui désigne, dans la proposition de résolution, les différents lieux où des réfugiés sont regroupés et exposés à des violences et à des discriminations, ne reflète pas exactement la situation telle qu’elle existe en Europe. La commission a donc décidé de modifier le titre comme suit: «Prévention de la violence et de la discrimination à l’égard des minorités religieuses parmi les réfugiés en Europe». Cela me permettra d’aborder les différents enjeux afin de proposer des solutions et des approches constructives qui pourront être appliquées à différents contextes, allant des centres de rétention aux structures d’hébergement pour réfugiés.
2. Les minorités religieuses sont des groupes qui ont une religion commune et qui considèrent qu’ils appartiennent à une minorité parce qu’ils sont numériquement moins importants que d’autres groupes. Il existe des variations d’un endroit à l’autre, selon le nombre de membres de chaque religion, et les personnes appartenant à une religion minoritaire dans leur pays d’origine ne se trouveront pas forcément dans la même situation une fois arrivées en Europe.
3. La violence à l’égard des minorités religieuses est difficile à aborder. Dans de nombreux pays, on considère que les questions religieuses relèvent de la sphère privée et que l’État ne doit pas intervenir dans ce domaine. L'appartenance religieuse n'est pas enregistrée dans les dossiers de demande d'asile des réfugiés. Cela étant, dans beaucoup d'autres pays, la nationalité ou la citoyenneté est moins importante que la religion (chiites, sunnites, etc.), ce qui peut être source de tensions et de violences. Par conséquent, il convient d’accorder toute notre attention à cette question et de réfléchir à des mécanismes spécifiques qui permettraient de prévenir et de régler les conflits fondés sur la religion.
4. Le rapport aborde aussi la nécessité de mettre fin aux discriminations à l’égard des minorités religieuses dans différents lieux (centres de rétention, structures d’hébergement temporaire, etc.) et situations dans lesquelles peuvent se trouver les demandeurs d’asile. Les travaux précédemment menés par le Conseil de l’Europe sur le dialogue interculturel et interreligieux 
			(3) 
			 Voir
le Livre blanc sur le dialogue interculturel du Conseil de l’Europe
(2008) (<a href='https://www.coe.int/t/dg4/intercultural/whitepaper_interculturaldialogue_2_FR.asp?'>https://www.coe.int/t/dg4/intercultural/whitepaper_interculturaldialogue_2_FR.asp?)</a>., notamment la proposition de créer une plate-forme européenne, devraient être pris en considération lorsque des politiques sont élaborées dans ce domaine. Les résultats des précédentes actions du Conseil de l’Europe et les principes du dialogue interreligieux devraient être utilisés pour mettre fin à la violence et à la discrimination à l’égard des minorités religieuses – y compris parmi les réfugiés et les demandeurs d’asile – dans toute l’Europe.
5. La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 
			(4) 
			<a href='https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/Minorities.aspx'>https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/Minorities.aspx</a>. et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 
			(5) 
			<a href='https://www.ohchr.org/Documents/Publications/MinorityRights_fr.pdf'>https://www.ohchr.org/Documents/Publications/MinorityRights_fr.pdf</a>. évoquent la discrimination, mais sans la définir. Trois critères sont utilisés pour définir la discrimination: il faut qu’il y ait un traitement défavorable reposant sur des motifs illégitimes et dépourvu de justification objective 
			(6) 
			<a href='https://www.amnesty.org/fr/what-we-do/discrimination/'>https://www.amnesty.org/fr/what-we-do/discrimination/</a>.. Nous retiendrons donc ici les éléments suivants: une différenciation illégitime fondée sur l’appartenance à une minorité religieuse.

2. Problématique

6. Certains réfugiés déclarent être victimes de discrimination ou de violences en raison de leurs convictions religieuses. Ces violences peuvent être commises par des réfugiés, mais parfois également par des membres des ONG présentes sur place, par le personnel des centres de rétention, voire par les forces de police étatiques.
7. Rares sont les documents permettant d’établir que des actes de violence et de discrimination à l’égard de réfugiés et de demandeurs d’asile appartenant à des minorités religieuses ont été commis. Il semble que les victimes qui décident de dénoncer les faits aux autorités soient peu nombreuses, parce qu’elles craignent les représailles, pensent que leur plainte n’aboutira pas, ou sont dissuadées d’agir par les barrières linguistiques. Il existe un réel manque d’informations concernant ces incidents, dans la mesure où seule une infime partie d’entre eux sont signalés. L’association Open Doors 
			(7) 
			Open Doors International
est une ONG qui se consacre au service des chrétiens persécutés
dans le monde: <a href='http://www.opendoors.org/'>http://www.opendoors.org/</a>. a mené des enquêtes en Allemagne 
			(8) 
			<a href='https://www.worldwatchmonitor.org/old-site-imgs-pdfs/4458684.pdf'>https://www.worldwatchmonitor.org/old-site-imgs-pdfs/4458684.pdf</a>. et en Suède 
			(9) 
			<a href='https://www.open-doors.se/Admin/Public/Download.aspx?file=Files%2FFiles%2FSE%2FRefugeeReport2017.pdf'>https://www.open-doors.se/Admin/Public/Download.aspx?file=Files%2FFiles%2FSE%2FRefugeeReport2017.pdf</a>. concernant des violences commises à l’égard des minorités chrétiennes et yézidies. Parmi les actes recensés, les plus fréquents sont les insultes, les menaces de mort, les vols et les violences physiques et/ou sexuelles.
8. Les enquêtes d’Open Doors 
			(10) 
			Ibid. 
			(10) 
			<a href='https://www.opendoors.de/sites/default/files/Open_Doors_survey_Lack_of_protection_for_religious_minorities_in_Germany_2016_10_0.pdf'>https://www.opendoors.de/sites/default/files/Open_Doors_survey_Lack_of_protection_for_religious_minorities_in_Germany_2016_10_0.pdf</a>. étaient restreintes à deux pays. L’ONG relève cependant d’autres agressions dans d’autres pays européens comme la Suisse et l’Autriche, où des réfugiés ont dit avoir été contraints de se plier aux règles musulmanes, comme prier au lever du soleil. L’Italie peut également être citée pour exemple: de nombreuses violences y ont été signalées, notamment dans le camp de Rigano Garganico, situé dans les Pouilles, au sud du pays 
			(11) 
			 <a href='http://espresso.repubblica.it/inchieste/2016/08/18/news/apocalisse-in-puglia-un-pezzo-del-paese-oltre-ogni-umanita-1.280688?refresh_ce'>http://espresso.repubblica.it/inchieste/2016/08/18/news/apocalisse-in-puglia-un-pezzo-del-paese-oltre-ogni-umanita-1.280688?refresh_ce</a>..
9. Il est par conséquent essentiel de lutter contre ces violences et de rendre compte des actes pouvant être commis dans les centres de rétention ou dans les structures d’hébergement temporaire. Un échange de vues sur le sujet se tiendra avec le représentant d’Open Doors pendant la réunion de la commission des migrations le 3 octobre 2019.
10. Le 29 mai 2019, la commission a tenu un échange de vues, lors duquel plusieurs questions ont été soulevées:
  • la nécessité évidente de s’intéresser à l’ensemble des minorités religieuses, dans la mesure où, dans certains pays, des personnes appartenant aux communautés musulmanes ou juives sont aussi victimes de discrimination;
  • la nécessité d’élaborer un rapport équilibré, qui ne porte pas seulement sur les communautés chrétiennes ou yézidies et qui insiste sur la tolérance entre communautés religieuses;
  • la nécessité de se référer à la Convention européenne des droits de l’homme, qui devrait être invoquée pour protéger le droit à l’exercice des droits religieux;
  • la nécessité d’être plus précis concernant le thème central du rapport, qu’il s’agisse de l’intégration des minorités religieuses (à savoir les musulmans) en Europe ou de la persécution des minorités religieuses (à savoir les chrétiens) dans le monde entier; les informations faisant état de chrétiens jetés par-dessus bord de bateaux de réfugiés et de chrétiens tués dans le monde;
  • la proposition de modifier le titre, après que le représentant du HCR a fait observer qu’il n’y avait pas de «camps» de réfugiés en Europe.
11. Lors d’un échange de vues tenu à Zurich le 29 mai, la représentante du HCR a insisté sur le fait que la religion jouait un rôle important dans la protection des réfugiés, de nombreuses personnes devenant des réfugiés en raison de persécutions religieuses. Les organisations confessionnelles, a-t-elle souligné, jouent un rôle majeur dans leur protection, lorsqu’elles ont la possibilité de le faire. La représentante du HCR a présenté les actions menées par celui-ci dans ce domaine. Elle a ensuite attiré l’attention de la commission sur différentes initiatives du HCR, telles que le Dialogue du Haut-Commissaire sur la foi et la protection (2012), les Affirmations des chefs religieux «Accueillir l’étranger» 
			(12) 
			En plusieurs langues: <a href='https://www.unhcr.org/protection/hcdialogue /51b6de419/welcoming-stranger-affirmations-faith-leaders.html'>https://www.unhcr.org/protection/hcdialogue%20/51b6de419/welcoming-stranger-affirmations-faith-leaders.html</a>., la Déclaration interreligieuse suisse sur la protection des réfugiés 
			(13) 
			<a href='https://www.icmc.net/newsroom/church-news/swiss-faith-leaders-protect-refugees'>https://www.icmc.net/newsroom/church-news/swiss-faith-leaders-protect-refugees</a>., le rapport sur la Persécution pour des raisons religieuses et l’initiative «Relevez le défi pour les réfugiés».
12. Le 3 octobre 2019, la commission a entendu des représentants de la société civile et des milieux universitaires travaillant auprès des demandeurs d’asile 
			(14) 
			La
commission a procédé à un échange de vues avec M. Ado Greve, représentant
d’Open Doors en Allemagne, Mme Carla
Barbarella, Directrice de la coopérative sociale Aliseicoop à Todi
(Italie), intervenant par visioconférence, M. Francis Messner et
Mme Clémence Kelche, présentant le projet
«INTER-RELIGIO» mené à l’université de Strasbourg, et M. Basil Ugorji,
président et directeur de l’International Center for Ethno-Religious
Mediation (ICERM) à New York (États-Unis), intervenant par visioconférence.. M. Greve, représentant l’ONG Open Doors, a souligné l’importance de la prise au sérieux, par la police, des plaintes concernant des agressions à motivation religieuse. Il a plaidé pour la mise à disposition des demandeurs d’asile de foyers séparés en fonction de leur religion. Se référant aux conflits au Proche-Orient, il a relevé que la vie s’y articule autour de quartiers séparés par religion (tels que le quartier juif, le quartier chrétien, etc.), ce qui selon lui assure aux minorités religieuses de ces villes des endroits sûrs. Cette séparation n’existant pas dans les camps de réfugiés, les membres des minorités religieuses ne disposent pas d’abri et se trouvent exposés à la violence. Néanmoins, d’autres intervenants se sont exprimés contre la proposition de M. Greve, refusant toute ségrégation et appelant à redoubler d’efforts pour soutenir la cohésion sociale et la cohabitation pacifique.
13. Ainsi Mme Barbarella a-t-elle expliqué que son expérience était différente de celle de M. Greve. Sa région accueille des migrants venus de pays différents quoiqu’en nombre inférieur à ceux d’autres régions. Les tensions sont rares. Son organisation se consacre à la médiation pour améliorer la communication et susciter une compréhension commune des différentes identités. La religion, explique-t-elle, joue un rôle déterminant dans la définition de l’identité. Des médiateurs, comprenant les enjeux de l’ethnicité, ont été formés. Son organisation, Alisei Coop, a conçu une méthodologie pour encourager l’écoute active. Cette méthodologie comprend des rencontres avec des représentants de différentes communautés religieuses et des visites à différents lieux de culte. L’objectif est de créer un modèle de société où les gens cohabitent dans le respect de la diversité, y compris des religions. Les résultats obtenus sont positifs. Le dialogue interreligieux prouve sa capacité à renforcer la solidarité et à permettre la cohabitation entre des personnes de religions et de groupes ethniques différents.
14. M. Messner a présenté le projet «INTER-RELIGIO», développant une approche similaire avec l’objectif de concevoir des programmes de formation sur les religions. Si les milieux universitaires s’emploient à étudier les différentes religions, il manque un vrai dialogue entre les différentes communautés religieuses. Le projet, a expliqué M. Messner, examine les points communs entre les religions pour établir comment la religion peut contribuer à la société. Le pluralisme s’impose comme une évidence; il est nécessaire d’ouvrir le dialogue pour maintenir la paix entre les différentes communautés religieuses. Le projet «INTER-RELIGIO» a permis d’articuler un discours qui répond au radicalisme. Selon M. Messner, faire appel à des relais comme les médias pour diffuser ce discours aiderait à forger la paix sociale sur le long terme.
15. Selon M. Ugorij, de l’International Center for Ethno-Religious Mediation (ICERM) à New York, recourir aux principes du dialogue interreligieux pourrait aider à éradiquer la violence et la discrimination à l’égard des minorités religieuses en Europe, particulièrement parmi les réfugiés et les demandeurs d’asile. Des études menées dans plus de 15 pays montrent que les valeurs communes aux différentes religions pourraient être invoquées pour forger une culture de la paix, favoriser les processus de médiation et de dialogue et appuyer leurs résultats, et contribuer à former les médiateurs et les facilitateurs de dialogue intervenant dans des conflits à motivation religieuse ou ethno-politique, ainsi que les responsables politiques et les autres acteurs gouvernementaux ou non gouvernementaux œuvrant à apaiser la violence et à résoudre les conflits au sein des centres d’accueil de migrants ou entre des migrants et leurs communautés d’accueil. Pour remédier à la violence et à la discrimination s’exprimant parmi les minorités religieuses, M. Ugorij propose de faire appel à des processus d’intervention non conventionnels et d’inspiration religieuse qui favorisent une ouverture d’esprit pour s’ouvrir à la vision du monde et à la situation des autres, de créer un espace physique assurant la sécurité psychologique et la confiance, de rétablir la confiance de part et d’autre, et d’engager, à l’aide de tiers intermédiaires ou de personnes aptes à expliciter les différences culturelles (communément appelées médiateurs ethno-religieux et facilitateurs de dialogue), un processus de dialogue prenant en compte les différentes visions du monde dans un souci d’inclusion. Par l’écoute et la reformulation, et par l’incitation à discuter ou dialoguer sans porter de jugement, les participants se verraient encouragés à reconnaître leurs émotions comme légitimes et la confiance ainsi que la confiance en soi se trouveraient restaurées. Tout en conservant leur propre identité, les parties qui s’affrontaient se verraient donner les moyens d’une cohabitation pacifique et harmonieuse.
16. Dans ce cadre, il y a lieu d’évoquer deux projets menés à l’ICERM. Le projet Mediation of Ethnic and Religious Conflicts («Règlement par la médiation des conflits ethniques et religieux») a permis à des médiateurs professionnels et débutants de résoudre des conflits ethniques, raciaux et religieux à l’aide d’un modèle mixte de résolution de conflit associant les techniques de rupture, le récit et l’inspiration religieuse. Le Living Together Movement («Mouvement pour la cohabitation») a été conçu en vue d’aider à prévenir et régler les conflits ethniques et religieux par le dialogue, la discussion ouverte et sincère, une écoute empreinte de sollicitude et d’empathie, et la mise à l’honneur de la diversité.

3. Cadre juridique

3.1. Les Nations Unies

17. La liberté de religion est protégée par divers instruments des Nations Unies. L’article 18 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 
			(15) 
			<a href='https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/index.html'>https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/index.html</a>. garantit la liberté de pensée, de conscience et de religion, ce qui inclut la possibilité de manifester sa religion. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques renforce cette protection 
			(16) 
			<a href='https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CCPR.aspx'>https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/CCPR.aspx</a>..
18. Plus précisément, s’agissant des réfugiés, l’article 3 de la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 
			(17) 
			<a href='https://www.unhcr.org/fr/4b14f4a62.html'>https://www.unhcr.org/fr/4b14f4a62.html#_ga=2.265043791.15594350.1569225146-1573575995.1569225146</a>. énonce le principe de non-discrimination, et la liberté de religion est consacrée par son article 4. En vertu de ces instruments, les États ont la responsabilité de garantir ces droits aux réfugiés se trouvant sur leur territoire.
19. En 1981, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une Déclaration sur l’élimination de toutes formes d’intolérance et de discrimination fondées sur la religion ou la conviction 
			(18) 
			<a href='https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/religionorbelief.aspx'>https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/religionorbelief.aspx</a>., aux termes de laquelle la liberté de religion doit être garantie et aucune discrimination fondée sur la religion ne peut être tolérée. Cet instrument exige également des États qu’ils prennent des mesures pour prévenir et éliminer toute discrimination fondée sur la religion ou la conviction (article 4).
20. Par la suite, en 1992, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté la Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques 
			(19) 
			<a href='https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/Minorities.aspx'>https://www.ohchr.org/FR/ProfessionalInterest/Pages/Minorities.aspx</a>., dont l’article 1 exige des États qu’ils protègent «l’existence et l’identité nationale ou ethnique, culturelle, religieuse ou linguistique des minorités, sur leurs territoires respectifs […]». La Déclaration reconnaît également la liberté de professer sa religion et appelle les États à prendre des mesures pour protéger cette liberté.
21. Les centres qui accueillent des réfugiés ne sont généralement soumis à aucune règle visant à garantir le respect de ces droits et sont souvent administrés par des acteurs non étatiques. La situation de ces centres est assez exceptionnelle et il existe un véritable vide juridique à cet égard.
22. L’État d’accueil est responsable de l’administration des centres d’accueil de réfugiés et des structures d’hébergement temporaire et doit par conséquent y assurer la sécurité et le maintien de l’ordre. Ce rôle peut être assumé par une organisation internationale (telle que l’OIM), mais l’État d’accueil reste responsable des aspects opérationnels. Les services de police présents sur place assurent le maintien de l’ordre. La responsabilité de l’État d’accueil implique que les centres soient soumis au droit interne de l’État dans lequel ils opèrent, et donc que le droit applicable soit celui de l’État, ainsi que certaines dispositions du droit international ou régional auxquelles cet État est partie.

3.2. L’Union européenne

23. La Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne offre certaines garanties, comme l’interdiction de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (article 4), le droit à la liberté et à la sûreté (article 6) et la liberté de pensée, de conscience et de religion (article 10) 
			(20) 
			<a href='http://www.europarl.europa.eu/charter/pdf/text_fr.pdf'>http://www.europarl.europa.eu/charter/pdf/text_fr.pdf</a>.. Ces droits fondamentaux doivent, à l’évidence, également être respectés lorsqu’il s’agit de réfugiés.
24. En 2013 a été adoptée la Directive 2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil établissant des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection internationale 
			(21) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=celex%3A32013L0033'>https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=celex%3A32013L0033</a>.. En 2016, la Commission européenne a proposé de modifier le texte original dans le but de faire un pas de plus vers l’harmonisation des conditions d’accueil au sein de l’Union européenne. Le nouvel article 20 est consacré aux «demandeurs ayant des besoins particuliers en matière d’accueil» 
			(22) 
			<a href='https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A52016PC0465'>https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/?uri=CELEX%3A52016PC0465</a>. et dispose que les États doivent tenir compte de la situation particulière des réfugiés. On peut donc considérer que les minorités religieuses ont des «besoins particuliers» en ce qui concerne la liberté de religion et notamment la pratique de leurs rites.
25. L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA) 
			(23) 
			<a href='https://fra.europa.eu/fr'>https://fra.europa.eu/fr</a>. a rédigé un rapport intitulé Les droits fondamentaux des migrants en situation irrégulière dans l’Union européenne, qui expose les différents droits fondamentaux des réfugiés 
			(24) 
			 <a href='https://fra.europa.eu/fr/publication/2012/les-droits-fondamentaux-des-migrants-en-situation-irrgulire-dans-lunion-europenne'>https://fra.europa.eu/fr/publication/2012/les-droits-fondamentaux-des-migrants-en-situation-irrgulire-dans-lunion-europenne</a>. La FRA a aussi mené une enquête sur les minorités et la discrimination 
			(25) 
			<a href='https://fra.europa.eu/en/project/2011/european-union-minorities-and-discrimination-survey'>https://fra.europa.eu/en/project/2011/european-union-minorities-and-discrimination-survey</a>. dans le but de comprendre les pratiques discriminatoires et de les combattre efficacement.

3.3. Le Conseil de l’Europe

26. En 1995, le Conseil de l’Europe a adopté la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales 
			(26) 
			<a href='https://rm.coe.int/16800c10cf'>https://rm.coe.int/16800c10cf</a>. qui appelle les États à protéger ces minorités et, en particulier, à leur garantir l’égalité devant la loi. L’article 7 leur garantit la liberté de pensée, de conscience et de religion et l’article suivant protège le droit de manifester sa religion. Cependant, de nombreux États membres n’ont ni signé ni ratifié la Convention 
			(27) 
			<a href='https://www.coe.int/fr/web/minorities/country-specific-monitoring'>https://www.coe.int/fr/web/minorities/country-specific-monitoring</a>., ce qui signifie que certains Etats ne sont pas liés par ces dispositions. Ils sont néanmoins liés par la Convention européenne des droits de l’homme, qui offre une protection globale à tous les individus et couvre les minorités religieuses sans spécifiquement les mentionner.
27. En 2007, un document thématique sur Les droits fondamentaux des migrants en situation irrégulière en Europe a été élaboré par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Dans ce document, le Commissaire attirait l’attention sur le manque d’informations concernant la nature et les types d’atteintes aux droits des migrants, ainsi que les lieux où elles étaient commises. Cette constatation faite il y a plus de dix ans est toujours d’actualité, dans la mesure où les données restent rares aujourd’hui. Le document souligne également que «les États ont le devoir de protéger tous les droits des migrants, quels que soient leur nationalité ou leur statut, pendant qu’ils sont en transit et au sein de chaque État» 
			(28) 
			<a href='https://rm.coe.int/ref/CommDH/IssuePaper(2007)1'>https://rm.coe.int/ref/CommDH/IssuePaper(2007)1</a>..
28. En janvier 2018, l’Assemblée a adopté la Résolution 2262 (2019) “Promouvoir les droits des personnes appartenant aux minorités nationales”. Dans cette résolution, les États membres sont invités à signer et à ratifier la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, dont font partie les minorités religieuses. Cette question demeure donc d’actualité. Les travaux menés par le Conseil de l’Europe sur le dialogue interreligieux sont décrits au point 4.1 ci-après.

4. Promouvoir le dialogue interreligieux et interconfessionnel dans le contexte de l’asile

4.1. Le dialogue interreligieux 
			(29) 
			<a href='http://immigrationintegration.eu/wp-content/uploads/2018/09/Dossier-buone-pratiche-it.pdf'>http://immigrationintegration.eu/wp-content/uploads/2018/09/Dossier-buone-pratiche-it.pdf</a>.

29. En 2008, dans son Livre blanc sur le dialogue interculturel, le Conseil de l’Europe a attiré l’attention sur le rôle que pouvait jouer le dialogue interreligieux dans la construction de sociétés plus solides et plus cohésives et pour relever les principaux défis sociétaux. Selon le Livre blanc, «Outre le dialogue entre les autorités publiques et les communautés religieuses, qui devrait être encouragé, le dialogue doit également se développer entre les communautés religieuses elles-mêmes (dialogue interreligieux). Le Conseil de l’Europe a fréquemment reconnu l’importance du dialogue interreligieux dans le cadre du dialogue interculturel et encouragé les communautés religieuses à promouvoir activement les droits de l’homme, la démocratie et la primauté du droit dans une Europe multiculturelle. Le dialogue interreligieux peut aussi contribuer à renforcer, au sein de la société, le consensus autour des solutions aux problèmes sociaux. Le Conseil de l’Europe considère en outre qu’un dialogue est nécessaire dans les communautés religieuses et les courants de pensée philosophiques (dialogue intrareligieux et interne à une conviction), notamment pour permettre aux autorités publiques de communiquer avec les représentants autorisés des religions et croyances qui souhaitent être reconnus en vertu du droit national» 
			(30) 
			 Livre
blanc sur le dialogue interculturel du Conseil de l’Europe, paragraphe
74, <a href='https://www.coe.int/t/dg4/intercultural/whitepaper_interculturaldialogue_2_FR.asp'>https://www.coe.int/t/dg4/intercultural/whitepaper_interculturaldialogue_2_FR.asp</a>..
30. L’Assemblée a proposé à plusieurs reprises de mettre en place une plate-forme de dialogue interreligieux au niveau européen. Dans sa Recommandation 1962 (2011) “La dimension religieuse du dialogue interculturel”, l’Assemblée a recommandé au Comité des Ministres: «17.1. de promouvoir un véritable partenariat pour la démocratie et les droits de l’homme entre le Conseil de l’Europe, les institutions religieuses et les organisations humanistes et non religieuses, visant à favoriser l’engagement actif de toutes les parties prenantes dans des actions de promotion des valeurs fondamentales de l’Organisation; 17.2. de créer, pour ce faire, un espace de dialogue, une table de travail entre le Conseil de l’Europe et de hauts représentants de religions et d’organisations non confessionnelles, afin d’asseoir les relations existantes sur une plate-forme stable et formellement reconnue; 17.3. de développer cette initiative en concertation avec les parties intéressées, d’y associer étroitement l’Assemblée parlementaire et, dans toute la mesure du possible, l’Union européenne, et d’inviter l’Alliance des civilisations – ONU et éventuellement d’autres partenaires à y contribuer; 17.4. de poursuivre, dans ce contexte, l’organisation de rencontres thématiques sur la dimension religieuse du dialogue interculturel». Malheureusement, la plate-forme n'a pas été créée pour diverses raisons, notamment financières. Cela étant, des plates-formes de dialogue interreligieux ont été mises en place au niveau national dans plusieurs pays. L'exemple de la Suisse a été porté à notre attention lors de la réunion de la commission tenue à Zurich le 29 mai 2019. De tels espaces peuvent s'avérer extrêmement utiles pour promouvoir un meilleur climat de «vivre ensemble» dans des contextes de demandes d'asile.
31. Des initiatives visant à promouvoir le dialogue interreligieux telles que décrites dans ces recommandations pourraient être prises dans le contexte spécifique des migrations, notamment dans les structures d'hébergement temporaire et les centres d’accueil destinés aux réfugiés et aux demandeurs d'asile. L'épine dorsale du dialogue interreligieux est de percevoir les religions comme appartenant non pas à un espace clos, mais à un contexte ouvert dans lequel chacun doit être capable de reconnaître la validité des croyances d'autrui. Le dialogue interreligieux permet de rapprocher les différents groupes et de créer des liens sociaux qui seront essentiels à l'intégration sociale des réfugiés une fois qu'ils auront obtenu un statut juridique dans un pays d'accueil.
32. Le rôle joué par les organisations confessionnelles ne doit pas être sous-estimé. Selon Majbritt Lyck-Bowen et Mark Owen, «les organisations confessionnelles impliquées dans des collaborations plurireligieuses répondent aux besoins immédiats, aidant les migrants à comprendre le fonctionnement des services publics, leur facilitant l’accès au logement, au soutien matériel, à l’aide juridique, etc., et les introduisant à la culture locale et au moyen de nouer des relations, notamment par l’apprentissage des lois, des coutumes et de la langue, et l’accès à de nouvelles relations et de nouveaux réseaux. Par ailleurs, outre ces services importants, elles sont en mesure d’introduire les migrants dans les communautés religieuses locales susceptibles de les accueillir, permettant qu’ils se sentent soutenus émotionnellement, religieusement et spirituellement; un tel soutien peut être indispensable pour le bien-être de certains migrants croyants qui ont subi un réel traumatisme» 
			(31) 
			Majbritt Lyck-Bowen
et Mark Owen (2019), “A multi-religious response to the migrant
crisis in Europe: A preliminary examination of potential benefits
of multi-religious cooperation on the integration of migrants” («Une
réponse plurireligieuse à la crise des migrants en Europe: étude
préliminaire des bénéfices potentiels de la coopération entre les religions
pour l’intégration des migrants»), Journal
of Ethnic and Migration Studies, 45:1, 21-41.<a href='https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/1369183X.2018.1437344?needAccess=true'>https://www.tandfonline.com/doi/pdf/10.1080/1369183X.2018.1437344?needAccess=true</a>..
33. Les initiatives et pratiques locales, néanmoins, devraient encourager une plus forte participation des femmes parmi les réfugiés. Dans sa Résolution 1615 (2008) et sa Recommandation 1838 (2008) “Renforcer l’autonomie des femmes dans une société moderne et multiculturelle”, l’Assemblée a rappelé que les États devaient protéger les femmes contre les violations de leurs droits (y compris celles commises au nom de la religion), promouvoir et pleinement mettre en œuvre l’égalité entre les sexes et rejeter tout relativisme religieux ou culturel en matière de droits des femmes. Elle a invité les États membres à renforcer l’autonomie des femmes dans une société moderne et multiculturelle et les a appelés, notamment, à «promouvoir la participation active des femmes dans le dialogue interculturel, y compris dans sa dimension religieuse». Ces recommandations devraient également s’appliquer dans le contexte des politiques d’asile.
34. Parmi les principes utilisés pour élaborer des programmes et des projets devraient figurer les suivants: le recours à des approches relationnelles qui expriment la pluralité des différents groupes culturels/religieux; la prise de mesures visant à surmonter les préjugés à l'égard des autres formes de socialité ou d'appartenance; la construction d'espaces communs et de réseaux horizontaux pour faciliter le dialogue entre les «différents» ou les «invisibles»; la promotion des relations personnelles et de l'écoute active pour régler des problèmes qui concernent tout un chacun et pas uniquement la communauté ou le croyant individuel; et la mise en place de formes de solidarité non seulement entre les individus, mais aussi entre différents sujets et communautés.
35. L’Église suédoise a mené un projet intitulé «Un monde de voisins» 
			(32) 
			<a href='https://www.svenskakyrkan.se/a-world-of-neighbours'>https://www.svenskakyrkan.se/a-world-of-neighbours</a>. intervenant notamment auprès des demandeurs d’asile et des nouveaux arrivants dans les paroisses de l’Église suédoise 
			(33) 
			<a href='https://www.svenskakyrkan.se/analys/time-of-encounters'>https://www.svenskakyrkan.se/analys/time-of-encounters</a> et 
			(33) 
			<a href='https://www.svenskakyrkan.se/filer/Time_of_Encounters_Short version.pdf'>https://www.svenskakyrkan.se/filer/Time_of_Encounters_Short%20version.pdf</a>.. L’implication active de bénévoles était une des caractéristiques importantes de ce projet. La plupart des paroisses estime ne pas avoir eu de mal à trouver des bénévoles prêts à s’engager auprès des demandeurs d’asile et des nouveaux arrivants. Les activités ont attiré de nouveaux groupes de bénévoles, à la fois des jeunes et des personnes jusque-là éloignées de la paroisse. Les bénévoles ont été identifiés de façon différente selon les habitudes locales. Dans certains cas, l’engagement s’est fait spontanément par des réseaux personnels, hors de toute organisation établie. Les paroisses ont fait appel à des bénévoles par des annonces dans la presse locale, sur les réseaux sociaux, et par sollicitation directe lors des services de culte ou à l’occasion d’autres activités.
36. Les personnes ayant choisi de s’engager comme bénévoles y ont été poussées par l’opportunité de contribuer à un projet porteur de sens. Parmi leurs motifs, les bénévoles interrogés ont évoqué les valeurs et les comportements hérités de leurs parents, des expériences personnelles de vulnérabilité dues par exemple à la maladie ou à leur propre expérience de migration, et la volonté de suivre d’autres personnes parmi leurs connaissances qui faisaient elles-mêmes la démarche de s’engager. Les paroisses, tout en accueillant ces bénévoles comme un grand atout, ont dû faire preuve d’organisation et de sens du pilotage. Il est important de savoir que faute d’informations ou d’une bonne définition des tâches à accomplir, l’engagement risque de s’étioler.
37. Les initiatives concrètes devraient inclure des réunions avec les ministres du culte des différentes communautés religieuses sur des thèmes généraux et spécifiques afin de stimuler les relations et les contacts entre les différents cultes religieux, des réunions avec les fidèles dans les différents lieux de culte, dans le but de promouvoir la connaissance mutuelle des aspects rituels et des modalités de culte et de socialisation (souvent très ethniquement marquées) et la participation aux fêtes religieuses des différentes communautés présentes en tant qu'outil privilégié pour développer le respect et le partage. À cet égard, je tiens à présenter l'exemple du calendrier interreligieux élaboré par la Plateforme interreligieuse de Genève 
			(34) 
			<a href='http://www.interreligieux.ch/calendrier-interreligieux-2019-20/'>http://www.interreligieux.ch/calendrier-interreligieux-2019-20/</a>..

4.2. La médiation

38. La médiation peut être un moyen efficace de régler les conflits pouvant exister entre les différentes communautés religieuses. Elle a un rôle très important à jouer en ce qu’elle peut permettre d’apaiser les tensions, sans devoir nécessairement saisir les juridictions nationales et engager une procédure qui serait bien plus longue.

4.3. La prise en compte de l’avis des réfugiés

39. Lors des enquêtes menées en Allemagne et en Suède, Open Doors a demandé aux réfugiés quelles mesures ils souhaiteraient voir appliquer afin de réduire la violence à leur égard. Une majorité écrasante de réfugiés ont demandé que les logements des chrétiens et des musulmans soient séparés et qu’aucun musulman ne fasse partie du personnel des centres.
40. Face à ce constat, il va sans dire que la tâche consistant à aménager les centres de façon à ce que les différentes communautés puissent vivre ensemble n’est pas aisée. Il faudrait enseigner l’intégration avant que les réfugiés ne soient insérés dans les sociétés d’accueil, et une telle démarche devrait inclure, outre des cours sur la culture du pays d’accueil, une sensibilisation à la tolérance religieuse. Les membres du personnel des centres d’accueil devraient également être mieux formés pour s’occuper de personnes de différentes confessions, connaître les spécificités de certaines religions et gérer les situations de conflit interreligieux 
			(35) 
			<a href='https://www.worldwatchmonitor.org/old-site-imgs-pdfs/4458684.pdf'>https://www.worldwatchmonitor.org/old-site-imgs-pdfs/4458684.pdf</a>..

4.4. Propositions des ONG

41. Les réfugiés devraient avoir la possibilité de signaler les agressions fondées sur la religion de manière anonyme. En effet, un plus grand nombre de réfugiés accepterait de témoigner des violences dont ils ont fait l’objet s’ils n’avaient pas à révéler leur identité, puisqu’ils n’auraient plus à craindre de représailles. Cela permettrait aussi de recueillir des données fiables concernant les agressions commises.

5. Exemples de pratiques sur le terrain

42. Open Doors n’a mené que deux enquêtes, à savoir en Allemagne et en Suède. Diverses bonnes pratiques ont été observées en Allemagne, et pourraient servir de base pour aider les États à améliorer la situation des minorités religieuses dans les centres pour réfugiés. Au centre de Bad Homburg, des membres du personnel de confession musulmane, accusés d’avoir agressé des réfugiés chrétiens en 2015, ont été licenciés 
			(36) 
			 <a href='https://www.opendoors.de/sites/default/files/Open_Doors_survey_Lack_of_protection_for_religious_minorities_in_Germany_2016_10_0.pdf'>https://www.opendoors.de/sites/default/files/Open_Doors_survey_Lack_of_protection_for_religious_minorities_in_Germany_2016_10_0.pdf</a>.. En 2015, un Plan directeur pour l’intégration et la sécurité 
			(37) 
			Lien
vers le texte en allemand: <a href='https://www.berlin.de/rbmskzl/aktuelles/pressemitteilungen/2016/pressemitteilung.480504.php'>https://www.berlin.de/rbmskzl/aktuelles/pressemitteilungen/2016/pressemitteilung.480504.php</a>., visant à assurer la protection des minorités religieuses contre les violences, a été publié à Berlin. De plus, des formations ont été proposées aux membres du personnel des centres. Enfin, on peut citer comme exemple le cas de Stuttgart, où un centre d’accueil spécial pour les réfugiés chrétiens a été créé en février 2016 à la suite d’agressions commises contre eux. Cependant, les autorités locales ont souligné qu’une telle séparation entre groupes ethniques ou religieux devrait à tout prix être évitée afin de ne pas exacerber les tensions 
			(38) 
			Open Doors survey,
op. cit.. La sécurité des minorités devrait demeurer la priorité.
43. Le HCR a indiqué que si des incidents se produisent en Allemagne dans des centres d’accueil, leurs motifs sont très variés. Ils peuvent être dus à la nationalité, l’appartenance ethnique, la religion, le sexe, l’âge et l’orientation sexuelle ou à des malentendus culturels. Face aux tensions de nature interreligieuse, les autorités ont adopté une approche d’ensemble, comme pour tout autre conflit entre groupes de personnes. Il convient de noter que la prévention de la violence, de quelque nature qu’elle soit, fait partie intégrante de la gestion des centres d’accueil.
44. La valeur de la tolérance religieuse est également mise en avant dans le cadre des cours d’intégration destinés aux demandeurs d'asile ayant de fortes chances d'obtenir la protection, aux réfugiés reconnus ou réinstallés et aux bénéficiaires de la protection subsidiaire. Le Gouvernement allemand a également engagé un dialogue avec les organisations musulmanes dans le cadre de la Conférence sur l'islam. Dans le même but, le dialogue interreligieux est encouragé à de nombreux niveaux par des initiatives locales, telles que le Forum des religions de Berlin 
			(39) 
			<a href='https://eur02.safelinks.protection.outlook.com/?url=https%3A%2F%2Fwww.berliner-forum-religionen.de%2F&data=02%7C01%7Cweil%40unhcr.org%7C5175e2c8a89848171a5908d727c73fd3%7Ce5c37981666441348a0c6543d2af80be%7C0%7C0%7C637021609059662768&sdata=1H3EBCpE6o836kBLmHuR3UqepTAPeCDAQLT1x%2B8boCc%3D&reserved=0'>https://www.berliner-forum-religionen.de/</a>.. La scolarisation fait souvent l'objet d'une attention particulière. Par exemple des «classes de bienvenue» (destinées aux demandeurs d'asile, réfugiés et autres étrangers mineurs récemment arrivés et consistant en des cours de langue et autres cours visant à préparer les participants en vue de leur intégration dans le système scolaire ordinaire) ont été organisées dans une mosquée et une église chrétienne 
			(40) 
			<a href='https://eur02.safelinks.protection.outlook.com/?url=https%3A%2F%2Fwww.berliner-forum-religionen.de%2Fmit-einer-willkommensklasse-unterwegs-in-sakralen-raeumen%2F&data=02%7C01%7Cweil%40unhcr.org%7C5175e2c8a89848171a5908d727c73fd3%7Ce5c37981666441348a0c6543d2af80be%7C0%7C0%7C637021609059662768&sdata=uavTJsz3VHo%2FvIcyqDba9nLEZJMaSGcxrU%2BRmoKq32Y%3D&reserved=0'>https://www.berliner-forum-religionen.de/mit-einer-willkommensklasse-unterwegs-in-sakralen-raeumen/</a>.. Les résultats de la 10e Assemblée mondiale des religions, récemment organisée en Allemagne, devraient également être pris en considération 
			(41) 
			<a href='https://eur02.safelinks.protection.outlook.com/?url=https%3A%2F%2Frfp.org%2F&data=02%7C01%7Cweil%40unhcr.org%7C5175e2c8a89848171a5908d727c73fd3%7Ce5c37981666441348a0c6543d2af80be%7C0%7C0%7C637021609059672761&sdata=JV5J%2F95%2F5e2boRgtpYrqc1h2Vor8ySmkBme2mQSBB8o%3D&reserved=0'>https://rfp.org</a>, <a href='https://eur02.safelinks.protection.outlook.com/?url=https%3A%2F%2Frfp.org%2Fhome-3%2F10th-world-assembly%2F&data=02%7C01%7Cweil%40unhcr.org%7C5175e2c8a89848171a5908d727c73fd3%7Ce5c37981666441348a0c6543d2af80be%7C0%7C0%7C637021609059672761&sdata=%2BK4sZi2xaPNaL49ZFljF%2FarPAIIK23oDsssHf61DQVo%3D&reserved=0'>https://rfp.org/home-3/10th-world-assembly/</a> et le compte-rendu du journal télévisé de 20 heures diffusé
sur la chaîne allemande ARD (10 mn 50 après le début de la vidéo) <a href='https://eur02.safelinks.protection.outlook.com/?url=https%3A%2F%2Fwww.tagesschau.de%2Fmultimedia%2Fsendung%2Fts-32841.html&data=02%7C01%7Cweil%40unhcr.org%7C5175e2c8a89848171a5908d727c73fd3%7Ce5c37981666441348a0c6543d2af80be%7C0%7C0%7C637021609059682757&sdata=Kj%2Bb3JZhb4m%2FFWZxkN7rrePJ0CBnq1fp69QXHA%2B6Z2Q%3D&reserved=0'>https://www.tagesschau.de/multimedia/sendung/ts-32841.html</a>..
45. En Turquie, la présidence turque des affaires religieuses a diffusé le 18 septembre 2015 une circulaire intitulée «Demandeurs d'asile», qui présente les mesures à prendre pour répondre aux besoins humanitaires des réfugiés et des demandeurs d'asile. Il s'agit notamment de mettre à leur disposition des espaces répondant à leurs besoins religieux et de faire en sorte qu'ils puissent vivre en paix quelles que soient leur identité, leur religion, leur langue, leur race, leur nationalité, leurs opinions et leur appartenance. Parmi les mesures prévues dans la circulaire figurent les suivantes:
  • faire porter les sermons et les prêches, prononcés également dans les langues des réfugiés, sur la solidarité, la fraternité, la paix et d'autres sujets similaires dans les centres pour réfugiés ou dans les mosquées des quartiers accueillants une dense population de réfugiés;
  • nomination de responsables religieux de sexe masculin et féminin ayant des compétences linguistiques en vue d’assurer les services religieux pour les réfugiés et les demandeurs d'asile;
  • fourniture de services de conseil religieux et de soutien moral dans les centres pour réfugiés et dans les communautés d’accueil;
  • nomination d’un coordinateur ayant les compétences linguistiques nécessaires pour coordonner les services religieux;
  • fourniture d’une assistance humanitaire aux réfugiés et aux demandeurs d’asile;
  • élaboration de matériels d’information appelant à la solidarité envers les réfugiés (notamment d’annonces destinées aux médias de service public) devant être diffusés sur les médias locaux à l’intention de la population locale;
  • organisation d’activités socioculturelles destinées à promouvoir la cohésion sociale, notamment par la mise en relation de familles de réfugiés avec des familles issues des communautés d’accueil («familles de pairs»);
  • travail en coopération avec d’autres institutions publiques afin d’éviter l’interruption de la vie scolaire des enfants, notamment des filles, et d’empêcher ainsi les mariages d’enfants;
  • activités sociales avec les enfants.
46. Dans le cadre de son projet intitulé «Un temps pour la rencontre», l’Église suédoise a dû élaborer des stratégies pour faire face à l’hostilité, aux préjugés et au racisme («Donner aux communautés locales les moyens de réagir contre la xénophobie et le racisme»), incitant les communautés locales à apporter leur aide, manifester leur sollicitude, établir des contacts personnels avec les demandeurs d’asile, et susciter l’empathie des gens en leur demandant de s’imaginer à la place des demandeurs d’asile. Fournir des informations exactes au sujet des réglementations régissant le droit d’asile et des prestations versées dans ce cadre peut apaiser la situation en dissipant les idées fausses et les inquiétudes. L’accent a été mis sur l’importance de ne pas comparer la situation des différentes catégories de personnes vulnérables, mais d’œuvrer plutôt à un changement social bénéficiant à tous, en soutenant la mobilisation locale pour l’inclusion de tous et l’exercice par chacun de ses droits fondamentaux, afin de combattre le racisme systématique 
			(42) 
			<a href='https://www.svenskakyrkan.se/filer/Time_of_Encounters_Short version.pdf'>https://www.svenskakyrkan.se/filer/Time_of_Encounters_Short%20version.pdf</a>..

6. Outils permettant de régler les conflits fondés sur la religion dans les centres d’accueil de réfugiés et les structures d’hébergement temporaire

47. Les réfugiés qui arrivent en Europe viennent d’horizons différents et pratiquent des religions très variées. À leur arrivée, ils sont généralement regroupés dans des centres d’hébergement temporaire et forcés de cohabiter étroitement pendant une certaine durée.
48. Le sujet est complexe, dans la mesure où les tensions et les conflits dans les centres pour réfugiés peuvent avoir plusieurs causes imbriquées. Selon Giuseppe Castello, médiateur culturel italien, plutôt que de motifs religieux, les tensions relèvent de conflits ethniques 
			(43) 
			Entretien
avec G. Castiello (2019), interviewé par Federica Russo pour le
Conseil de l’Europe, 5 septembre.. Philippe Dugard 
			(44) 
			Prêtre de l’Assemblée
de Dieu de Saint-Pol-sur-Mer (Nord), une église évangélique protestante
qui vient en aide aux migrants. est du même avis. Le prêtre, évoquant un cas de violence à l’égard de chrétiens du centre pour réfugiés de Grande-Synthe (France), a affirmé: «Je pense que les Iraniens ont été attaqués parce qu'ils sont minoritaires à Grande-Synthe: le camp est peuplé de Kurdes irakiens et il y a des tensions entre Iraniens et Irakiens. Qu'ils soient chrétiens n'a pas arrangé les choses. À mon avis, il s'agit d'un conflit ethnique, sur lequel s'est greffé un conflit religieux» 
			(45) 
			 <a href='http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/01/28/01016-20160128ARTFIG00345--des-migrants-iraniens-de-grande-synthe-ont-demande-le-bapteme.php'>http://www.lefigaro.fr/actualite-france/2016/01/28/01016-20160128ARTFIG00345--des-migrants-iraniens-de-grande-synthe-ont-demande-le-bapteme.php</a>.. De nombreux réfugiés arrivant en Europe ont fait l’objet de différentes formes de discrimination, notamment religieuse. Par conséquent, le Conseil de l’Europe s’est donné pour priorité de promouvoir des politiques et des pratiques visant à éviter et à régler les conflits religieux. Davantage doit être fait pour soutenir les initiatives d’entraide et de dialogue interreligieux afin de favoriser l’intégration sociale des réfugiés. Il faut tirer parti de la présence de réfugiés dans les centres, où ils sont regroupés ensemble, pour promouvoir la coopération et le dialogue interreligieux.
49. Selon Open Doors 
			(46) 
			<a href='https://www.open-doors.se/Admin/Public/Download.aspx?file=Files%2FFiles%2FSE%2FRefugeeReport2017.pdf'>https://www.open-doors.se/Admin/Public/Download.aspx?file=Files%2FFiles%2FSE%2FRefugeeReport2017.pdf</a>., différents outils et méthodes pourraient être utilisés pour lutter contre les conflits religieux dans les centres pour migrants, à savoir:

Une formation spécifique du personnel des centres d’accueil et des structures d’hébergement temporaire

50. Les fonctionnaires et le personnel des centres doivent avoir une connaissance approfondie des religions des résidents des centres. Il est essentiel qu’ils soient informés des fêtes religieuses, des temps de prière et des aménagements nécessaires à la pratique des différentes religions. C’est là une condition indispensable si l’on veut respecter la liberté de religion des réfugiés. De plus, l’ensemble du personnel doit suivre une formation sur la médiation interreligieuse.

Des ateliers pour les demandeurs d’asile

51. Une formation spécifique et des sessions d’information doivent être organisées à l’intention des résidents des centres, à leur arrivée et périodiquement pendant leur séjour. Les sessions doivent porter sur le droit international et national en matière de liberté de religion, l’organisation de la pratique religieuse dans le centre et les procédures de plainte en cas de discrimination fondée sur la religion. Ils doivent aussi comprendre des ateliers de prévention de la radicalisation.

Des permanences téléphoniques

52. Chaque État doit mettre en place une permanence téléphonique nationale pouvant être jointe par les victimes de discrimination fondée sur la religion. Le personnel de la permanence doit être formé pour évaluer au mieux la situation et réagir rapidement. La permanence téléphonique doit être en relation avec des médiateurs interreligieux et avec la police afin de permettre une intervention immédiate et une aide aux victimes présumées.

L’anonymat des plaintes

53. La crainte de faire l’objet de nouvelles pressions ou persécutions peut être un obstacle au dépôt d’une plainte en cas d’agression à motivation religieuse. Par conséquent, les États doivent prévoir des bureaux réservés aux dépôts de plainte dans les centres pour migrants et offrir la possibilité de remplir un formulaire de plainte de manière anonyme. De plus, le droit de porter plainte anonymement auprès de la police doit également être garanti par les États.

Une réaction rapide

54. En cas de plainte pour agression ou discrimination à motivation religieuse, priorité doit être donnée à la sécurité de la victime présumée. Par conséquent, une simple plainte doit déclencher une procédure de protection: la victime doit être immédiatement transférée en lieu sûr, par exemple dans un autre centre. Une enquête approfondie doit ensuite être menée.

La formation des policiers

55. Des activités de sensibilisation aux conflits religieux doivent être organisées à l’intention du personnel d’encadrement des services de police et de la direction de la police criminelle (bureaux responsables de la sûreté de l’État). Un correspondant doit être nommé au sein du service du déploiement du siège de la police nationale.

7. Projets de dialogue interreligieux pour l’intégration des réfugiés et des demandeurs d’asile

7.1. En Allemagne

56. Le projet de dialogue interconfessionnel Weisst Du Wer Ich bin? (Sais-tu qui je suis?) a été mené en 2016 
			(47) 
			Projet Weisst Du Wer Ich bin? («Sais-tu
qui je suis?»), <a href='http://www.weisstduwerichbin.de/ueber-uns/das-projekt/'>http://www.weisstduwerichbin.de/ueber-uns/das-projekt/</a>.. Les organisations partenaires étaient le Conseil des Églises chrétiennes d’Allemagne 
			(48) 
			Arbeitsgemeinschaft
Christlicher Kirchen in Deutschland. Cf. <a href='http://www.oekumene-ack.de/'>www.oekumene-ack.de</a>., l’Union turco-islamique des affaires religieuses 
			(49) 
			Türkisch
Islamische Union der Anstalt für Religion. Cf. <a href='http://www.ditib.de/'>www.ditib.de</a>., le Conseil islamique de la République fédérale d’Allemagne 
			(50) 
			Islamrat
für die Bundesrepublik Deutschland. Cf. <a href='http://www.islamrat.de/'>www.islamrat.de</a>., l’Association des centres culturels islamiques 
			(51) 
			Verband
der Islamischen Kulturzentren. Cf. <a href='http://www.vikz.de/'>www.vikz.de</a>., le Conseil central des musulmans d’Allemagne 
			(52) 
			Zentralrat der Muslime
in Deutschland. Cf. <a href='http://www.zentralrat.de/'>www.zentralrat.de</a>. et le Conseil central des juifs d’Allemagne 
			(53) 
			Zentralrat
der Juden in Deutschland. Cf. <a href='http://www.zentralratderjuden.de/'>www.zentralratderjuden.de</a>.. Le projet promouvait la coopération entre les communautés et organisations musulmanes, chrétiennes et juives pour mener à bien des projets d’aide à l’intégration des migrants 
			(54) 
			Majbritt
Lyck-Bowen et Mark Owen (2019), op. cit.. Le ministère fédéral allemand de l’intérieur a appuyé le projet, allouant 500 000 euros à des initiatives associant plusieurs religions et œuvrant localement à l’intégration de migrants. Ce financement a servi à soutenir des projets variés associant plusieurs religions dans l’ensemble de l’Allemagne 
			(55) 
			<a href='http://www.weisstduwerichbin.de/ueber-uns/projektideen/'>http://www.weisstduwerichbin.de/ueber-uns/projektideen/</a>.. L’un de ces projets incluait des visites à différents lieux de culte 
			(56) 
			Majbritt
Lyck-Bowen et Mark Owen (2019), op. cit.. Des bénévoles appartenant à différentes organisations se sont associés pour partager leurs compétences, réunissant les expériences et les capacités nécessaires pour élaborer des projets en vue d’une meilleure intégration des migrants. Selon Majbritt Lyck-Bowen et Mark Owen, «l’expérience de la collaboration entre les religions a aidé les réfugiés musulmans qui avaient fui des conflits violents à caractère religieux à comprendre que les religions peuvent être un facteur de rapprochement. Les personnes encadrant les projets menés en Allemagne ont rapporté que les migrants venus de certains pays du Proche-Orient n’étaient pas habitués à la liberté de culte, et que ce témoignage de collaboration entre les religions les y avait initiés.» 
			(57) 
			Ibid.

7.2. En Suède

57. Le programme de l’Église suédoise «Un monde de voisins» évoqué ci-dessus comprenait une série d’autres projets, dont le projet Goda Grannar («Bons voisins») 
			(58) 
			<a href='https://www.facebook.com/groups/godagrannar'>https://www.facebook.com/groups/godagrannar</a> and <a href='http://www.unhcr.org/570bb0c16.html'>http://www.unhcr.org/570bb0c16.html</a>.. La coopération entre les différentes communautés religieuses en vue de l’intégration des migrants, à l’origine simple collaboration pratique pour fournir certains services (cours de langue, aide juridique, etc.), a amené les bénévoles musulmans et chrétiens à discuter des convictions religieuses de l’autre, de ses fêtes religieuses et, plus généralement, de sa vie 
			(59) 
			Majbritt Lyck-Bowen
et Mark Owen (2019), op. cit.. Les contributions des deux communautés se sont complétées, le travail des bénévoles musulmans maîtrisant la communication avec les migrants (grâce à leurs compétences linguistiques et à leur connaissance et expérience des cultures d’origine des migrants) complétant l’initiative des chrétiens connaissant le fonctionnement des procédures en matière d’immigration et de droit d’asile 
			(60) 
			Ibid.. Selon le HCR, les relations entre les communautés religieuses se sont améliorées 
			(61) 
			<a href='https://www.unhcr.org/neu/9030-we-have-opened-a-door-we-cannot-shut-church-and-mosque-unite.html'>https://www.unhcr.org/neu/9030-we-have-opened-a-door-we-cannot-shut-church-and-mosque-unite.html</a>.. Ce projet a établi que des communautés religieuses différentes peuvent collaborer, s’enrichissant mutuellement par le partage de connaissances et le dialogue. Mettre en place des projets instituant un dialogue et un espace de discussion entre différentes religions, en vue de promouvoir la connaissance réciproque des traditions culturelles et religieuses d’autres communautés, bénéficierait à tous les participants et permettrait de prévenir la violence à motivation religieuse ou la radicalisation.

7.3. En Pologne

58. Le projet «Dialogue pour l’intégration, une approche multiconfessionnelle» 
			(62) 
			Lien vers la page Facebook: <a href='https://www.facebook.com/events/ulica-w%C5%82adys%C5%82awa-%C5%82okietka-5-50-243-wroc%C5%82aw-polska/dialogue-for-integration-a-multi-faith-approach/202611933501707/'>https://www.facebook.com/events/ulica-władysława-łokietka-5-50-243-wrocław-polska/dialogue-for-integration-a-multi-faith-approach/202611933501707/</a>. a été lancé par la fondation Africa Connect. Il comprenait des séminaires dans quatre villes (Cracovie, Poznań, Wrocław et Łódź) faisant intervenir des responsables et représentants des communautés religieuses, en vue de discuter du rôle de la religion et des différentes communautés religieuses dans l’intégration des migrants (pour la plupart venus d’Afrique). Le projet a donné lieu à des séminaires et des réunions rassemblant des responsables et représentants des différentes religions, des ONG et des responsables des communautés locales, leur permettant de nouer des liens, de partager leurs expériences et de travailler au renforcement des capacités des communautés religieuses à promouvoir l’intégration.

7.4. Au Royaume-Uni

59. Le projet Refugee Support («Aide aux réfugiés») 
			(63) 
			<a href='https://www.redcross.org.uk/get-help/get-help-as-a-refugee'>https://www.redcross.org.uk/get-help/get-help-as-a-refugee</a>. a été mis en place par la Croix Rouge britannique en vue de fournir aux demandeurs d’asile et aux réfugiés une aide pratique, notamment pour accéder aux services sociaux. La Croix Rouge britannique coopère avec un large éventail d’organisations, y compris des organisations non confessionnelles, monoconfessionnelles et pluriconfessionnelles 
			(64) 
			Ibid.. Les communautés et organisations chrétiennes et musulmanes se sont employées à aider les migrants à s’installer, les orientant vers des contacts et des réseaux qui leur ont fourni des logements, une aide matérielle, des opportunités d’emploi et un soutien spirituel et religieux transcendant les clivages religieux et formant un réseau d’aide vaste et diversifié qui s’est mobilisé à un stade précoce de leur processus d’intégration 
			(65) 
			Ibid.. Ainsi le projet Weekend Club («Club du week-end») 
			(66) 
			<a href='http://interfaithglasgow.org/current-projects/'>http://interfaithglasgow.org/current-projects/</a>. mené à Glasgow a-t-il été organisé par Interfaith Glasgow” 
			(67) 
			Interfaith
Glasgow est une association caritative œuvrant au développement
de l’amitié, du dialogue et de la coopération entre les différentes
communautés confessionnelles présentes à Glasgow. <a href='http://interfaithglasgow.org/?fbclid=IwAR1HYZwWm-idzJzv4VDkHy7X_-atUV3ePtgdPG84kw92AQkr5Jqj4gmp2MU'>http://interfaithglasgow.org/?fbclid=IwAR1HYZwWm-idzJzv4VDkHy7X_-atUV3ePtgdPG84kw92AQkr5Jqj4gmp2MU</a>. en vue d’établir un réseau pour permettre aux réfugiés, demandeurs d’asile ou migrants récemment arrivés d’acquérir une meilleure compréhension de la culture, de l’histoire et des valeurs écossaises, et d’améliorer leur niveau d’anglais. Les activités et les événements ont été organisés par une équipe de bénévoles de différentes religions et croyances. Les participants étaient originaires de nombreux pays: Algérie, Érythrée, Iran, Irak, Éthiopie, Soudan, Syrie, Palestine, Nigeria, Ghana, Pakistan, Inde, Libye, Cameroun, Pologne et République tchèque. Parmi les activités proposées figuraient une excursion d’une journée à New Lanark, un atelier de cuisine de shortbreads, une visite virtuelle des galeries d’art et des musées de Glasgow avec une initiation à l’argot de Glasgow, des ateliers présentant l’histoire des migrations vers l’Écosse et l’histoire du tricot, une présentation ludique de plusieurs personnages majeurs de l’histoire écossaise, une visite au marché de Noël annuel de Glasgow et une célébration du souper de Burns au cours de laquelle les participants ont été initiés à la cornemuse, ont dégusté de la purée de pommes de terre et de rutabagas («neeps and tatties»), etc.
60. Il existe des projets de dialogue interconfessionnel dédiés aux enfants qui pourraient être adaptés pour répondre aux besoins des enfants dans le contexte des politiques d’asile. Le projet Bullying and Belief («Harcèlement et Foi») 
			(68) 
			<a href='http://www.westhillendowment.org/bullying-and-belief/Our-progress'>http://www.westhillendowment.org/bullying-and-belief/Our-progress</a>., porté par le Conseil consultatif permanent sur l'enseignement religieux de Newham, aide les élèves à comprendre les traitements auxquels les personnes de convictions religieuses différentes sont exposées, en vue de prévenir le harcèlement. Le projet, conçu pour les établissements primaires et secondaires, propose aux enseignants divers supports tels que des films et des modules d’enseignement. Le projet Buried Treasure («Trésor enfoui»), porté par le Conseil consultatif permanent sur l'enseignement religieux de Cumbria, propose aux élèves de CM2, 6e et 5e une activité d’une journée. Les participants, devenus explorateurs, y travaillent en petits groupes, à surmonter une série de défis et à mener des expériences pour voir si les textes sacrés des différentes religions aident à résoudre les problèmes de notre temps. Les citations ou «pierres précieuses» qu’ils découvrent à la lecture des textes sacrés deviennent des talismans à conserver dans un coffre à trésors partagé avec les autres explorateurs 
			(69) 
			<a href='http://www.westhillendowment.org/nasacre-and-cumbria-sacre'>http://www.westhillendowment.org/nasacre-and-cumbria-sacre</a>..Les projets sensibilisent les enfants aux points communs entre les différentes croyances; ils encouragent au dialogue et à une meilleure compréhension des autres convictions religieuses.

8. Conclusions

61. La prévention de la violence et de la discrimination à l’égard des réfugiés appartenant à des minorités religieuses en Europe exige de prendre des mesures à différents niveaux – international, européen, national et surtout, local. Les États devraient faire davantage d’efforts pour apaiser les tensions et créer un climat de respect et de dignité pour les réfugiés et les demandeurs d’asile. Les personnes qui fuient des situations terribles arrivent exténuées et sont particulièrement vulnérables. En ces temps de crise, elles auraient besoin d’un soutien supplémentaire. Les pays européens ont les moyens d’offrir un tel soutien et ont la capacité de le faire. Ce qui manque aujourd’hui, c’est la volonté politique et nous sommes ici pour faire bouger les choses. La première étape pourrait être de mettre en place des plates-formes de dialogue interreligieux aux niveaux nationaux et locaux, d’en soutenir les travaux et de les accompagner dans leurs efforts pour régler la crise des réfugiés en Europe.