1. Introduction
et définitions
1. Le rapport pour lequel j’ai
été désigné rapporteur porte sur la question des réfugiés. J’entends
par conséquent me concentrer sur les personnes ayant fui un conflit
armé ou des persécutions et ayant été reconnues comme réfugiées,
conformément à la définition donnée à l’article 1 de la Convention
de 1951 relative au statut des réfugiés

. Le terme «camps de réfugiés», qui
désigne, dans la proposition de résolution, les différents lieux
où des réfugiés sont regroupés et exposés à des violences et à des
discriminations, ne reflète pas exactement la situation telle qu’elle
existe en Europe. La commission a donc décidé de modifier le titre
comme suit: «Prévention de la violence et de la discrimination à
l’égard des minorités religieuses parmi les réfugiés en Europe».
Cela me permettra d’aborder les différents enjeux afin de proposer
des solutions et des approches constructives qui pourront être appliquées
à différents contextes, allant des centres de rétention aux structures
d’hébergement pour réfugiés.
2. Les minorités religieuses sont des groupes qui ont une religion
commune et qui considèrent qu’ils appartiennent à une minorité parce
qu’ils sont numériquement moins importants que d’autres groupes.
Il existe des variations d’un endroit à l’autre, selon le nombre
de membres de chaque religion, et les personnes appartenant à une
religion minoritaire dans leur pays d’origine ne se trouveront pas
forcément dans la même situation une fois arrivées en Europe.
3. La violence à l’égard des minorités religieuses est difficile
à aborder. Dans de nombreux pays, on considère que les questions
religieuses relèvent de la sphère privée et que l’État ne doit pas
intervenir dans ce domaine. L'appartenance religieuse n'est pas
enregistrée dans les dossiers de demande d'asile des réfugiés. Cela
étant, dans beaucoup d'autres pays, la nationalité ou la citoyenneté
est moins importante que la religion (chiites, sunnites, etc.),
ce qui peut être source de tensions et de violences. Par conséquent,
il convient d’accorder toute notre attention à cette question et
de réfléchir à des mécanismes spécifiques qui permettraient de prévenir
et de régler les conflits fondés sur la religion.
4. Le rapport aborde aussi la nécessité de mettre fin aux discriminations
à l’égard des minorités religieuses dans différents lieux (centres
de rétention, structures d’hébergement temporaire, etc.) et situations
dans lesquelles peuvent se trouver les demandeurs d’asile. Les travaux
précédemment menés par le Conseil de l’Europe sur le dialogue interculturel
et interreligieux

, notamment la proposition de créer
une plate-forme européenne, devraient être pris en considération
lorsque des politiques sont élaborées dans ce domaine. Les résultats
des précédentes actions du Conseil de l’Europe et les principes
du dialogue interreligieux devraient être utilisés pour mettre fin
à la violence et à la discrimination à l’égard des minorités religieuses
– y compris parmi les réfugiés et les demandeurs d’asile – dans
toute l’Europe.
5. La Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948

et le Pacte international relatif
aux droits civils et politiques de 1966

évoquent la discrimination, mais
sans la définir. Trois critères sont utilisés pour définir la discrimination:
il faut qu’il y ait un traitement défavorable reposant sur des motifs
illégitimes et dépourvu de justification objective

. Nous retiendrons donc ici les éléments
suivants: une différenciation illégitime fondée sur l’appartenance
à une minorité religieuse.
2. Problématique
6. Certains réfugiés déclarent
être victimes de discrimination ou de violences en raison de leurs
convictions religieuses. Ces violences peuvent être commises par
des réfugiés, mais parfois également par des membres des ONG présentes
sur place, par le personnel des centres de rétention, voire par
les forces de police étatiques.
7. Rares sont les documents permettant d’établir que des actes
de violence et de discrimination à l’égard de réfugiés et de demandeurs
d’asile appartenant à des minorités religieuses ont été commis.
Il semble que les victimes qui décident de dénoncer les faits aux
autorités soient peu nombreuses, parce qu’elles craignent les représailles,
pensent que leur plainte n’aboutira pas, ou sont dissuadées d’agir
par les barrières linguistiques. Il existe un réel manque d’informations
concernant ces incidents, dans la mesure où seule une infime partie
d’entre eux sont signalés. L’association Open Doors

a mené des enquêtes en Allemagne

et en Suède

concernant des violences commises
à l’égard des minorités chrétiennes et yézidies. Parmi les actes recensés,
les plus fréquents sont les insultes, les menaces de mort, les vols
et les violences physiques et/ou sexuelles.
8. Les enquêtes d’Open Doors

étaient restreintes à deux pays.
L’ONG relève cependant d’autres agressions dans d’autres pays européens
comme la Suisse et l’Autriche, où des réfugiés ont dit avoir été contraints
de se plier aux règles musulmanes, comme prier au lever du soleil.
L’Italie peut également être citée pour exemple: de nombreuses violences
y ont été signalées, notamment dans le camp de Rigano Garganico, situé
dans les Pouilles, au sud du pays

.
9. Il est par conséquent essentiel de lutter contre ces violences
et de rendre compte des actes pouvant être commis dans les centres
de rétention ou dans les structures d’hébergement temporaire. Un
échange de vues sur le sujet se tiendra avec le représentant d’Open
Doors pendant la réunion de la commission des migrations le 3 octobre
2019.
10. Le 29 mai 2019, la commission a tenu un échange de vues, lors
duquel plusieurs questions ont été soulevées:
- la nécessité évidente de s’intéresser à l’ensemble des
minorités religieuses, dans la mesure où, dans certains pays, des
personnes appartenant aux communautés musulmanes ou juives sont
aussi victimes de discrimination;
- la nécessité d’élaborer un rapport équilibré, qui ne porte
pas seulement sur les communautés chrétiennes ou yézidies et qui
insiste sur la tolérance entre communautés religieuses;
- la nécessité de se référer à la Convention européenne
des droits de l’homme, qui devrait être invoquée pour protéger le
droit à l’exercice des droits religieux;
- la nécessité d’être plus précis concernant le thème central
du rapport, qu’il s’agisse de l’intégration des minorités religieuses
(à savoir les musulmans) en Europe ou de la persécution des minorités
religieuses (à savoir les chrétiens) dans le monde entier; les informations
faisant état de chrétiens jetés par-dessus bord de bateaux de réfugiés
et de chrétiens tués dans le monde;
- la proposition de modifier le titre, après que le représentant
du HCR a fait observer qu’il n’y avait pas de «camps» de réfugiés
en Europe.
11. Lors d’un échange de vues tenu
à Zurich le 29 mai, la représentante du HCR a insisté sur le fait
que la religion jouait un rôle important dans la protection des
réfugiés, de nombreuses personnes devenant des réfugiés en raison
de persécutions religieuses. Les organisations confessionnelles,
a-t-elle souligné, jouent un rôle majeur dans leur protection, lorsqu’elles
ont la possibilité de le faire. La représentante du HCR a présenté les
actions menées par celui-ci dans ce domaine. Elle a ensuite attiré
l’attention de la commission sur différentes initiatives du HCR,
telles que le Dialogue du Haut-Commissaire sur la foi et la protection
(2012), les Affirmations des chefs religieux «Accueillir l’étranger»

, la Déclaration interreligieuse
suisse sur la protection des réfugiés

, le rapport sur la Persécution pour
des raisons religieuses et l’initiative «Relevez le défi pour les réfugiés».
12. Le 3 octobre 2019, la commission a entendu des représentants
de la société civile et des milieux universitaires travaillant auprès
des demandeurs d’asile

.
M. Greve, représentant l’ONG Open Doors, a souligné l’importance
de la prise au sérieux, par la police, des plaintes concernant des
agressions à motivation religieuse. Il a plaidé pour la mise à disposition
des demandeurs d’asile de foyers séparés en fonction de leur religion.
Se référant aux conflits au Proche-Orient, il a relevé que la vie
s’y articule autour de quartiers séparés par religion (tels que
le quartier juif, le quartier chrétien, etc.), ce qui selon lui
assure aux minorités religieuses de ces villes des endroits sûrs.
Cette séparation n’existant pas dans les camps de réfugiés, les
membres des minorités religieuses ne disposent pas d’abri et se
trouvent exposés à la violence. Néanmoins, d’autres intervenants
se sont exprimés contre la proposition de M. Greve, refusant toute
ségrégation et appelant à redoubler d’efforts pour soutenir la cohésion
sociale et la cohabitation pacifique.
13. Ainsi Mme Barbarella
a-t-elle expliqué que son expérience était différente de celle de
M. Greve. Sa région accueille des migrants venus de pays différents
quoiqu’en nombre inférieur à ceux d’autres régions. Les tensions
sont rares. Son organisation se consacre à la médiation pour améliorer
la communication et susciter une compréhension commune des différentes
identités. La religion, explique-t-elle, joue un rôle déterminant dans
la définition de l’identité. Des médiateurs, comprenant les enjeux
de l’ethnicité, ont été formés. Son organisation, Alisei Coop, a
conçu une méthodologie pour encourager l’écoute active. Cette méthodologie comprend
des rencontres avec des représentants de différentes communautés
religieuses et des visites à différents lieux de culte. L’objectif
est de créer un modèle de société où les gens cohabitent dans le
respect de la diversité, y compris des religions. Les résultats
obtenus sont positifs. Le dialogue interreligieux prouve sa capacité
à renforcer la solidarité et à permettre la cohabitation entre des
personnes de religions et de groupes ethniques différents.
14. M. Messner a présenté le projet «INTER-RELIGIO», développant
une approche similaire avec l’objectif de concevoir des programmes
de formation sur les religions. Si les milieux universitaires s’emploient
à étudier les différentes religions, il manque un vrai dialogue
entre les différentes communautés religieuses. Le projet, a expliqué
M. Messner, examine les points communs entre les religions pour
établir comment la religion peut contribuer à la société. Le pluralisme
s’impose comme une évidence; il est nécessaire d’ouvrir le dialogue
pour maintenir la paix entre les différentes communautés religieuses.
Le projet «INTER-RELIGIO» a permis d’articuler un discours qui répond
au radicalisme. Selon M. Messner, faire appel à des relais comme
les médias pour diffuser ce discours aiderait à forger la paix sociale
sur le long terme.
15. Selon M. Ugorij, de l’International Center for Ethno-Religious
Mediation (ICERM) à New York, recourir aux principes du dialogue
interreligieux pourrait aider à éradiquer la violence et la discrimination
à l’égard des minorités religieuses en Europe, particulièrement
parmi les réfugiés et les demandeurs d’asile. Des études menées
dans plus de 15 pays montrent que les valeurs communes aux différentes
religions pourraient être invoquées pour forger une culture de la
paix, favoriser les processus de médiation et de dialogue et appuyer leurs
résultats, et contribuer à former les médiateurs et les facilitateurs
de dialogue intervenant dans des conflits à motivation religieuse
ou ethno-politique, ainsi que les responsables politiques et les
autres acteurs gouvernementaux ou non gouvernementaux œuvrant à
apaiser la violence et à résoudre les conflits au sein des centres
d’accueil de migrants ou entre des migrants et leurs communautés
d’accueil. Pour remédier à la violence et à la discrimination s’exprimant
parmi les minorités religieuses, M. Ugorij propose de faire appel
à des processus d’intervention non conventionnels et d’inspiration
religieuse qui favorisent une ouverture d’esprit pour s’ouvrir à
la vision du monde et à la situation des autres, de créer un espace
physique assurant la sécurité psychologique et la confiance, de
rétablir la confiance de part et d’autre, et d’engager, à l’aide
de tiers intermédiaires ou de personnes aptes à expliciter les différences
culturelles (communément appelées médiateurs ethno-religieux et
facilitateurs de dialogue), un processus de dialogue prenant en
compte les différentes visions du monde dans un souci d’inclusion.
Par l’écoute et la reformulation, et par l’incitation à discuter
ou dialoguer sans porter de jugement, les participants se verraient
encouragés à reconnaître leurs émotions comme légitimes et la confiance
ainsi que la confiance en soi se trouveraient restaurées. Tout en conservant
leur propre identité, les parties qui s’affrontaient se verraient
donner les moyens d’une cohabitation pacifique et harmonieuse.
16. Dans ce cadre, il y a lieu d’évoquer deux projets menés à
l’ICERM. Le projet Mediation of Ethnic
and Religious Conflicts («Règlement par la médiation
des conflits ethniques et religieux») a permis à des médiateurs
professionnels et débutants de résoudre des conflits ethniques,
raciaux et religieux à l’aide d’un modèle mixte de résolution de
conflit associant les techniques de rupture, le récit et l’inspiration
religieuse. Le Living Together Movement («Mouvement
pour la cohabitation») a été conçu en vue d’aider à prévenir et
régler les conflits ethniques et religieux par le dialogue, la discussion
ouverte et sincère, une écoute empreinte de sollicitude et d’empathie,
et la mise à l’honneur de la diversité.
3. Cadre
juridique
3.1. Les
Nations Unies
17. La liberté de religion est
protégée par divers instruments des Nations Unies. L’article 18
de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948

garantit la liberté de pensée, de
conscience et de religion, ce qui inclut la possibilité de manifester
sa religion. Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques
renforce cette protection

.
18. Plus précisément, s’agissant des réfugiés, l’article 3 de
la Convention relative au statut des réfugiés de 1951

énonce le principe de non-discrimination,
et la liberté de religion est consacrée par son article 4. En vertu
de ces instruments, les États ont la responsabilité de garantir
ces droits aux réfugiés se trouvant sur leur territoire.
19. En 1981, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une
Déclaration sur l’élimination de toutes formes d’intolérance et
de discrimination fondées sur la religion ou la conviction

, aux termes de laquelle la liberté
de religion doit être garantie et aucune discrimination fondée sur
la religion ne peut être tolérée. Cet instrument exige également
des États qu’ils prennent des mesures pour prévenir et éliminer
toute discrimination fondée sur la religion ou la conviction (article
4).
20. Par la suite, en 1992, l’Assemblée générale des Nations Unies
a adopté la Déclaration des droits des personnes appartenant à des
minorités nationales ou ethniques, religieuses et linguistiques

, dont l’article 1 exige des États
qu’ils protègent «l’existence et l’identité nationale ou ethnique,
culturelle, religieuse ou linguistique des minorités, sur leurs
territoires respectifs […]». La Déclaration reconnaît également
la liberté de professer sa religion et appelle les États à prendre
des mesures pour protéger cette liberté.
21. Les centres qui accueillent des réfugiés ne sont généralement
soumis à aucune règle visant à garantir le respect de ces droits
et sont souvent administrés par des acteurs non étatiques. La situation
de ces centres est assez exceptionnelle et il existe un véritable
vide juridique à cet égard.
22. L’État d’accueil est responsable de l’administration des centres
d’accueil de réfugiés et des structures d’hébergement temporaire
et doit par conséquent y assurer la sécurité et le maintien de l’ordre.
Ce rôle peut être assumé par une organisation internationale (telle
que l’OIM), mais l’État d’accueil reste responsable des aspects
opérationnels. Les services de police présents sur place assurent
le maintien de l’ordre. La responsabilité de l’État d’accueil implique
que les centres soient soumis au droit interne de l’État dans lequel ils
opèrent, et donc que le droit applicable soit celui de l’État, ainsi
que certaines dispositions du droit international ou régional auxquelles
cet État est partie.
3.2. L’Union
européenne
23. La Charte des droits fondamentaux
de l’Union européenne offre certaines garanties, comme l’interdiction
de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants
(article 4), le droit à la liberté et à la sûreté (article 6) et
la liberté de pensée, de conscience et de religion (article 10)

. Ces droits fondamentaux doivent,
à l’évidence, également être respectés lorsqu’il s’agit de réfugiés.
24. En 2013 a été adoptée la
Directive
2013/33/UE du Parlement européen et du Conseil établissant
des normes pour l’accueil des personnes demandant la protection
internationale

. En 2016, la Commission européenne
a proposé de modifier le texte original dans le but de faire un
pas de plus vers l’harmonisation des conditions d’accueil au sein
de l’Union européenne. Le nouvel article 20 est consacré aux «demandeurs
ayant des besoins particuliers en matière d’accueil»

et dispose que les États doivent
tenir compte de la situation particulière des réfugiés. On peut
donc considérer que les minorités religieuses ont des «besoins particuliers» en
ce qui concerne la liberté de religion et notamment la pratique
de leurs rites.
25. L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (FRA)

a rédigé un rapport intitulé
Les droits fondamentaux des migrants en situation
irrégulière dans l’Union européenne, qui expose les différents
droits fondamentaux des réfugiés

. La FRA a aussi mené une enquête
sur les minorités et la discrimination

dans le but de comprendre les pratiques
discriminatoires et de les combattre efficacement.
3.3. Le
Conseil de l’Europe
26. En 1995, le Conseil de l’Europe
a adopté la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales

qui appelle les États à protéger
ces minorités et, en particulier, à leur garantir l’égalité devant
la loi. L’article 7 leur garantit la liberté de pensée, de conscience
et de religion et l’article suivant protège le droit de manifester
sa religion. Cependant, de nombreux États membres n’ont ni signé
ni ratifié la Convention

, ce qui signifie que certains Etats
ne sont pas liés par ces dispositions. Ils sont néanmoins liés par
la Convention européenne des droits de l’homme, qui offre une protection
globale à tous les individus et couvre les minorités religieuses
sans spécifiquement les mentionner.
27. En 2007, un document thématique sur
Les
droits fondamentaux des migrants en situation irrégulière en Europe a
été élaboré par le Commissaire aux droits de l’homme du Conseil
de l’Europe. Dans ce document, le Commissaire attirait l’attention
sur le manque d’informations concernant la nature et les types d’atteintes
aux droits des migrants, ainsi que les lieux où elles étaient commises.
Cette constatation faite il y a plus de dix ans est toujours d’actualité,
dans la mesure où les données restent rares aujourd’hui. Le document
souligne également que «les États ont le devoir de protéger tous
les droits des migrants, quels que soient leur nationalité ou leur
statut, pendant qu’ils sont en transit et au sein de chaque État»

.
4. Promouvoir
le dialogue interreligieux et interconfessionnel dans le contexte
de l’asile
4.1. Le
dialogue interreligieux 
29. En 2008, dans son
Livre blanc sur le dialogue interculturel,
le Conseil de l’Europe a attiré l’attention sur le rôle que pouvait
jouer le dialogue interreligieux dans la construction de sociétés
plus solides et plus cohésives et pour relever les principaux défis
sociétaux. Selon le Livre blanc, «Outre le dialogue entre les autorités
publiques et les communautés religieuses, qui devrait être encouragé,
le dialogue doit également se développer entre les communautés religieuses
elles-mêmes (dialogue interreligieux). Le Conseil de l’Europe a
fréquemment reconnu l’importance du dialogue interreligieux dans
le cadre du dialogue interculturel et encouragé les communautés
religieuses à promouvoir activement les droits de l’homme, la démocratie
et la primauté du droit dans une Europe multiculturelle. Le dialogue
interreligieux peut aussi contribuer à renforcer, au sein de la
société, le consensus autour des solutions aux problèmes sociaux.
Le Conseil de l’Europe considère en outre qu’un dialogue est nécessaire
dans les communautés religieuses et les courants de pensée philosophiques
(dialogue intrareligieux et interne à une conviction), notamment
pour permettre aux autorités publiques de communiquer avec les représentants
autorisés des religions et croyances qui souhaitent être reconnus
en vertu du droit national»

.
30. L’Assemblée a proposé à plusieurs reprises de mettre en place
une plate-forme de dialogue interreligieux au niveau européen. Dans
sa
Recommandation 1962
(2011) “La dimension religieuse du dialogue interculturel”, l’Assemblée a recommandé au Comité des Ministres: «17.1.
de promouvoir un véritable partenariat pour la démocratie et les
droits de l’homme entre le Conseil de l’Europe, les institutions
religieuses et les organisations humanistes et non religieuses,
visant à favoriser l’engagement actif de toutes les parties prenantes
dans des actions de promotion des valeurs fondamentales de l’Organisation;
17.2. de créer, pour ce faire, un espace de dialogue, une table
de travail entre le Conseil de l’Europe et de hauts représentants
de religions et d’organisations non confessionnelles, afin d’asseoir
les relations existantes sur une plate-forme stable et formellement
reconnue; 17.3. de développer cette initiative en concertation avec
les parties intéressées, d’y associer étroitement l’Assemblée parlementaire
et, dans toute la mesure du possible, l’Union européenne, et d’inviter
l’Alliance des civilisations – ONU et éventuellement d’autres partenaires
à y contribuer; 17.4. de poursuivre, dans ce contexte, l’organisation
de rencontres thématiques sur la dimension religieuse du dialogue
interculturel». Malheureusement, la plate-forme
n'a pas été créée pour diverses raisons, notamment financières.
Cela étant, des plates-formes de dialogue interreligieux ont été
mises en place au niveau national dans plusieurs pays. L'exemple
de la Suisse a été porté à notre attention lors de la réunion de
la commission tenue à Zurich le 29 mai 2019. De tels espaces peuvent
s'avérer extrêmement utiles pour promouvoir un meilleur climat de
«vivre ensemble» dans des contextes de demandes d'asile.
31. Des initiatives visant à promouvoir le dialogue interreligieux
telles que décrites dans ces recommandations pourraient être prises
dans le contexte spécifique des migrations, notamment dans les structures
d'hébergement temporaire et les centres d’accueil destinés aux réfugiés
et aux demandeurs d'asile. L'épine dorsale du dialogue interreligieux
est de percevoir les religions comme appartenant non pas à un espace
clos, mais à un contexte ouvert dans lequel chacun doit être capable
de reconnaître la validité des croyances d'autrui. Le dialogue interreligieux
permet de rapprocher les différents groupes et de créer des liens sociaux
qui seront essentiels à l'intégration sociale des réfugiés une fois
qu'ils auront obtenu un statut juridique dans un pays d'accueil.
32. Le rôle joué par les organisations confessionnelles ne doit
pas être sous-estimé. Selon Majbritt Lyck-Bowen et Mark Owen, «les
organisations confessionnelles impliquées dans des collaborations
plurireligieuses répondent aux besoins immédiats, aidant les migrants
à comprendre le fonctionnement des services publics, leur facilitant
l’accès au logement, au soutien matériel, à l’aide juridique, etc.,
et les introduisant à la culture locale et au moyen de nouer des
relations, notamment par l’apprentissage des lois, des coutumes
et de la langue, et l’accès à de nouvelles relations et de nouveaux
réseaux. Par ailleurs, outre ces services importants, elles sont
en mesure d’introduire les migrants dans les communautés religieuses
locales susceptibles de les accueillir, permettant qu’ils se sentent
soutenus émotionnellement, religieusement et spirituellement; un
tel soutien peut être indispensable pour le bien-être de certains
migrants croyants qui ont subi un réel traumatisme»

.
33. Les initiatives et pratiques locales, néanmoins, devraient
encourager une plus forte participation des femmes parmi les réfugiés.
Dans sa
Résolution 1615
(2008) et sa
Recommandation
1838 (2008) “Renforcer l’autonomie des femmes dans une société moderne
et multiculturelle”, l’Assemblée a rappelé que les États devaient
protéger les femmes contre les violations de leurs droits (y compris
celles commises au nom de la religion), promouvoir et pleinement
mettre en œuvre l’égalité entre les sexes et rejeter tout relativisme
religieux ou culturel en matière de droits des femmes. Elle a invité
les États membres à renforcer l’autonomie des femmes dans une société
moderne et multiculturelle et les a appelés, notamment, à «promouvoir
la participation active des femmes dans le dialogue interculturel,
y compris dans sa dimension religieuse». Ces recommandations devraient
également s’appliquer dans le contexte des politiques d’asile.
34. Parmi les principes utilisés pour élaborer des programmes
et des projets devraient figurer les suivants: le recours à des
approches relationnelles qui expriment la pluralité des différents
groupes culturels/religieux; la prise de mesures visant à surmonter
les préjugés à l'égard des autres formes de socialité ou d'appartenance; la
construction d'espaces communs et de réseaux horizontaux pour faciliter
le dialogue entre les «différents» ou les «invisibles»; la promotion
des relations personnelles et de l'écoute active pour régler des
problèmes qui concernent tout un chacun et pas uniquement la communauté
ou le croyant individuel; et la mise en place de formes de solidarité
non seulement entre les individus, mais aussi entre différents sujets
et communautés.
35. L’Église suédoise a mené un projet intitulé «Un monde de voisins»

intervenant notamment auprès des demandeurs
d’asile et des nouveaux arrivants dans les paroisses de l’Église
suédoise

. L’implication active de bénévoles
était une des caractéristiques importantes de ce projet. La plupart
des paroisses estime ne pas avoir eu de mal à trouver des bénévoles
prêts à s’engager auprès des demandeurs d’asile et des nouveaux arrivants.
Les activités ont attiré de nouveaux groupes de bénévoles, à la
fois des jeunes et des personnes jusque-là éloignées de la paroisse.
Les bénévoles ont été identifiés de façon différente selon les habitudes locales.
Dans certains cas, l’engagement s’est fait spontanément par des
réseaux personnels, hors de toute organisation établie. Les paroisses
ont fait appel à des bénévoles par des annonces dans la presse locale,
sur les réseaux sociaux, et par sollicitation directe lors des services
de culte ou à l’occasion d’autres activités.
36. Les personnes ayant choisi de s’engager comme bénévoles y
ont été poussées par l’opportunité de contribuer à un projet porteur
de sens. Parmi leurs motifs, les bénévoles interrogés ont évoqué
les valeurs et les comportements hérités de leurs parents, des expériences
personnelles de vulnérabilité dues par exemple à la maladie ou à
leur propre expérience de migration, et la volonté de suivre d’autres
personnes parmi leurs connaissances qui faisaient elles-mêmes la
démarche de s’engager. Les paroisses, tout en accueillant ces bénévoles
comme un grand atout, ont dû faire preuve d’organisation et de sens
du pilotage. Il est important de savoir que faute d’informations
ou d’une bonne définition des tâches à accomplir, l’engagement risque
de s’étioler.
37. Les initiatives concrètes devraient inclure des réunions avec
les ministres du culte des différentes communautés religieuses sur
des thèmes généraux et spécifiques afin de stimuler les relations
et les contacts entre les différents cultes religieux, des réunions
avec les fidèles dans les différents lieux de culte, dans le but de
promouvoir la connaissance mutuelle des aspects rituels et des modalités
de culte et de socialisation (souvent très ethniquement marquées)
et la participation aux fêtes religieuses des différentes communautés présentes
en tant qu'outil privilégié pour développer le respect et le partage.
À cet égard, je tiens à présenter l'exemple du calendrier interreligieux
élaboré par la Plateforme interreligieuse de Genève

.
4.2. La
médiation
38. La médiation peut être un moyen
efficace de régler les conflits pouvant exister entre les différentes communautés
religieuses. Elle a un rôle très important à jouer en ce qu’elle
peut permettre d’apaiser les tensions, sans devoir nécessairement
saisir les juridictions nationales et engager une procédure qui
serait bien plus longue.
4.3. La
prise en compte de l’avis des réfugiés
39. Lors des enquêtes menées en
Allemagne et en Suède, Open Doors a demandé aux réfugiés quelles mesures
ils souhaiteraient voir appliquer afin de réduire la violence à
leur égard. Une majorité écrasante de réfugiés ont demandé que les
logements des chrétiens et des musulmans soient séparés et qu’aucun musulman
ne fasse partie du personnel des centres.
40. Face à ce constat, il va sans dire que la tâche consistant
à aménager les centres de façon à ce que les différentes communautés
puissent vivre ensemble n’est pas aisée. Il faudrait enseigner l’intégration
avant que les réfugiés ne soient insérés dans les sociétés d’accueil,
et une telle démarche devrait inclure, outre des cours sur la culture
du pays d’accueil, une sensibilisation à la tolérance religieuse.
Les membres du personnel des centres d’accueil devraient également
être mieux formés pour s’occuper de personnes de différentes confessions,
connaître les spécificités de certaines religions et gérer les situations
de conflit interreligieux

.
4.4. Propositions
des ONG
41. Les réfugiés devraient avoir
la possibilité de signaler les agressions fondées sur la religion
de manière anonyme. En effet, un plus grand nombre de réfugiés accepterait
de témoigner des violences dont ils ont fait l’objet s’ils n’avaient
pas à révéler leur identité, puisqu’ils n’auraient plus à craindre
de représailles. Cela permettrait aussi de recueillir des données
fiables concernant les agressions commises.
5. Exemples
de pratiques sur le terrain
42. Open Doors n’a mené que deux
enquêtes, à savoir en Allemagne et en Suède. Diverses bonnes pratiques
ont été observées en Allemagne, et pourraient servir de base pour
aider les États à améliorer la situation des minorités religieuses
dans les centres pour réfugiés. Au centre de Bad Homburg, des membres du
personnel de confession musulmane, accusés d’avoir agressé des réfugiés
chrétiens en 2015, ont été licenciés

. En 2015, un Plan directeur pour
l’intégration et la sécurité

, visant à assurer la protection
des minorités religieuses contre les violences, a été publié à Berlin.
De plus, des formations ont été proposées aux membres du personnel
des centres. Enfin, on peut citer comme exemple le cas de Stuttgart,
où un centre d’accueil spécial pour les réfugiés chrétiens a été
créé en février 2016 à la suite d’agressions commises contre eux.
Cependant, les autorités locales ont souligné qu’une telle séparation
entre groupes ethniques ou religieux devrait à tout prix être évitée
afin de ne pas exacerber les tensions

. La sécurité des minorités devrait demeurer
la priorité.
43. Le HCR a indiqué que si des incidents se produisent en Allemagne
dans des centres d’accueil, leurs motifs sont très variés. Ils peuvent
être dus à la nationalité, l’appartenance ethnique, la religion,
le sexe, l’âge et l’orientation sexuelle ou à des malentendus culturels.
Face aux tensions de nature interreligieuse, les autorités ont adopté
une approche d’ensemble, comme pour tout autre conflit entre groupes
de personnes. Il convient de noter que la prévention de la violence,
de quelque nature qu’elle soit, fait partie intégrante de la gestion
des centres d’accueil.
44. La valeur de la tolérance religieuse est également mise en
avant dans le cadre des cours d’intégration destinés aux demandeurs
d'asile ayant de fortes chances d'obtenir la protection, aux réfugiés
reconnus ou réinstallés et aux bénéficiaires de la protection subsidiaire.
Le Gouvernement allemand a également engagé un dialogue avec les
organisations musulmanes dans le cadre de la Conférence sur l'islam.
Dans le même but, le dialogue interreligieux est encouragé à de
nombreux niveaux par des initiatives locales, telles que le Forum des
religions de Berlin

. La scolarisation fait souvent l'objet
d'une attention particulière. Par exemple des «classes de bienvenue»
(destinées aux demandeurs d'asile, réfugiés et autres étrangers
mineurs récemment arrivés et consistant en des cours de langue et
autres cours visant à préparer les participants en vue de leur intégration
dans le système scolaire ordinaire) ont été organisées dans une
mosquée et une église chrétienne

. Les résultats de la 10e Assemblée
mondiale des religions, récemment organisée en Allemagne, devraient
également être pris en considération

.
45. En Turquie, la présidence turque des affaires religieuses
a diffusé le 18 septembre 2015 une circulaire intitulée «Demandeurs
d'asile», qui présente les mesures à prendre pour répondre aux besoins
humanitaires des réfugiés et des demandeurs d'asile. Il s'agit notamment
de mettre à leur disposition des espaces répondant à leurs besoins
religieux et de faire en sorte qu'ils puissent vivre en paix quelles
que soient leur identité, leur religion, leur langue, leur race,
leur nationalité, leurs opinions et leur appartenance. Parmi les
mesures prévues dans la circulaire figurent les suivantes:
- faire porter les sermons et
les prêches, prononcés également dans les langues des réfugiés,
sur la solidarité, la fraternité, la paix et d'autres sujets similaires
dans les centres pour réfugiés ou dans les mosquées des quartiers
accueillants une dense population de réfugiés;
- nomination de responsables religieux de sexe masculin
et féminin ayant des compétences linguistiques en vue d’assurer
les services religieux pour les réfugiés et les demandeurs d'asile;
- fourniture de services de conseil religieux et de soutien
moral dans les centres pour réfugiés et dans les communautés d’accueil;
- nomination d’un coordinateur ayant les compétences linguistiques
nécessaires pour coordonner les services religieux;
- fourniture d’une assistance humanitaire aux réfugiés et
aux demandeurs d’asile;
- élaboration de matériels d’information appelant à la solidarité
envers les réfugiés (notamment d’annonces destinées aux médias de
service public) devant être diffusés sur les médias locaux à l’intention
de la population locale;
- organisation d’activités socioculturelles destinées à
promouvoir la cohésion sociale, notamment par la mise en relation
de familles de réfugiés avec des familles issues des communautés
d’accueil («familles de pairs»);
- travail en coopération avec d’autres institutions publiques
afin d’éviter l’interruption de la vie scolaire des enfants, notamment
des filles, et d’empêcher ainsi les mariages d’enfants;
- activités sociales avec les enfants.
46. Dans le cadre de son projet intitulé «Un temps pour la rencontre»,
l’Église suédoise a dû élaborer des stratégies pour faire face à
l’hostilité, aux préjugés et au racisme («Donner aux communautés
locales les moyens de réagir contre la xénophobie et le racisme»),
incitant les communautés locales à apporter leur aide, manifester
leur sollicitude, établir des contacts personnels avec les demandeurs
d’asile, et susciter l’empathie des gens en leur demandant de s’imaginer
à la place des demandeurs d’asile. Fournir des informations exactes
au sujet des réglementations régissant le droit d’asile et des prestations
versées dans ce cadre peut apaiser la situation en dissipant les
idées fausses et les inquiétudes. L’accent a été mis sur l’importance
de ne pas comparer la situation des différentes catégories de personnes
vulnérables, mais d’œuvrer plutôt à un changement social bénéficiant
à tous, en soutenant la mobilisation locale pour l’inclusion de
tous et l’exercice par chacun de ses droits fondamentaux, afin de
combattre le racisme systématique

.
6. Outils
permettant de régler les conflits fondés sur la religion dans les
centres d’accueil de réfugiés et les structures d’hébergement temporaire
47. Les réfugiés qui arrivent en
Europe viennent d’horizons différents et pratiquent des religions
très variées. À leur arrivée, ils sont généralement regroupés dans
des centres d’hébergement temporaire et forcés de cohabiter étroitement
pendant une certaine durée.
48. Le sujet est complexe, dans la mesure où les tensions et les
conflits dans les centres pour réfugiés peuvent avoir plusieurs
causes imbriquées. Selon Giuseppe Castello, médiateur culturel italien,
plutôt que de motifs religieux, les tensions relèvent de conflits
ethniques

. Philippe Dugard

est du même avis.
Le prêtre, évoquant un cas de violence à l’égard de chrétiens du
centre pour réfugiés de Grande-Synthe (France), a affirmé: «Je pense
que les Iraniens ont été attaqués parce qu'ils sont minoritaires
à Grande-Synthe: le camp est peuplé de Kurdes irakiens et il y a
des tensions entre Iraniens et Irakiens. Qu'ils soient chrétiens
n'a pas arrangé les choses. À mon avis, il s'agit d'un conflit ethnique,
sur lequel s'est greffé un conflit religieux»

. De nombreux réfugiés arrivant en
Europe ont fait l’objet de différentes formes de discrimination,
notamment religieuse. Par conséquent, le Conseil de l’Europe s’est
donné pour priorité de promouvoir des politiques et des pratiques
visant à éviter et à régler les conflits religieux. Davantage doit
être fait pour soutenir les initiatives d’entraide et de dialogue
interreligieux afin de favoriser l’intégration sociale des réfugiés.
Il faut tirer parti de la présence de réfugiés dans les centres,
où ils sont regroupés ensemble, pour promouvoir la coopération et
le dialogue interreligieux.
49. Selon Open Doors

, différents outils et méthodes pourraient
être utilisés pour lutter contre les conflits religieux dans les
centres pour migrants, à savoir:
Une formation spécifique du personnel
des centres d’accueil et des structures d’hébergement temporaire
50. Les fonctionnaires et le personnel
des centres doivent avoir une connaissance approfondie des religions des
résidents des centres. Il est essentiel qu’ils soient informés des
fêtes religieuses, des temps de prière et des aménagements nécessaires
à la pratique des différentes religions. C’est là une condition
indispensable si l’on veut respecter la liberté de religion des
réfugiés. De plus, l’ensemble du personnel doit suivre une formation
sur la médiation interreligieuse.
Des ateliers pour les demandeurs
d’asile
51. Une formation spécifique et
des sessions d’information doivent être organisées à l’intention
des résidents des centres, à leur arrivée et périodiquement pendant
leur séjour. Les sessions doivent porter sur le droit international
et national en matière de liberté de religion, l’organisation de
la pratique religieuse dans le centre et les procédures de plainte
en cas de discrimination fondée sur la religion. Ils doivent aussi
comprendre des ateliers de prévention de la radicalisation.
Des permanences téléphoniques
52. Chaque État doit mettre en
place une permanence téléphonique nationale pouvant être jointe
par les victimes de discrimination fondée sur la religion. Le personnel
de la permanence doit être formé pour évaluer au mieux la situation
et réagir rapidement. La permanence téléphonique doit être en relation
avec des médiateurs interreligieux et avec la police afin de permettre
une intervention immédiate et une aide aux victimes présumées.
L’anonymat des plaintes
53. La crainte de faire l’objet
de nouvelles pressions ou persécutions peut être un obstacle au
dépôt d’une plainte en cas d’agression à motivation religieuse.
Par conséquent, les États doivent prévoir des bureaux réservés aux
dépôts de plainte dans les centres pour migrants et offrir la possibilité
de remplir un formulaire de plainte de manière anonyme. De plus,
le droit de porter plainte anonymement auprès de la police doit également
être garanti par les États.
Une réaction rapide
54. En cas de plainte pour agression
ou discrimination à motivation religieuse, priorité doit être donnée
à la sécurité de la victime présumée. Par conséquent, une simple
plainte doit déclencher une procédure de protection: la victime
doit être immédiatement transférée en lieu sûr, par exemple dans
un autre centre. Une enquête approfondie doit ensuite être menée.
La formation des policiers
55. Des activités de sensibilisation
aux conflits religieux doivent être organisées à l’intention du
personnel d’encadrement des services de police et de la direction
de la police criminelle (bureaux responsables de la sûreté de l’État).
Un correspondant doit être nommé au sein du service du déploiement
du siège de la police nationale.
7. Projets
de dialogue interreligieux pour l’intégration des réfugiés et des
demandeurs d’asile
7.1. En
Allemagne
56. Le projet de dialogue interconfessionnel
Weisst Du Wer Ich bin? (Sais-tu qui je suis?) a
été mené en 2016

. Les organisations partenaires étaient
le Conseil des Églises chrétiennes d’Allemagne

, l’Union turco-islamique des affaires
religieuses

, le Conseil islamique de la République
fédérale d’Allemagne

, l’Association des centres culturels
islamiques

, le Conseil central des musulmans
d’Allemagne

et le Conseil central des juifs
d’Allemagne

. Le projet promouvait la coopération
entre les communautés et organisations musulmanes, chrétiennes et
juives pour mener à bien des projets d’aide à l’intégration des
migrants

. Le ministère
fédéral allemand de l’intérieur a appuyé le projet, allouant 500
000 euros à des initiatives associant plusieurs religions et œuvrant
localement à l’intégration de migrants. Ce financement a servi à
soutenir des projets variés associant plusieurs religions dans l’ensemble
de l’Allemagne

. L’un de ces projets incluait des visites
à différents lieux de culte

. Des
bénévoles appartenant à différentes organisations se sont associés pour
partager leurs compétences, réunissant les expériences et les capacités
nécessaires pour élaborer des projets en vue d’une meilleure intégration
des migrants. Selon Majbritt Lyck-Bowen et Mark Owen, «l’expérience
de la collaboration entre les religions a aidé les réfugiés musulmans
qui avaient fui des conflits violents à caractère religieux à comprendre
que les religions peuvent être un facteur de rapprochement. Les personnes
encadrant les projets menés en Allemagne ont rapporté que les migrants
venus de certains pays du Proche-Orient n’étaient pas habitués à
la liberté de culte, et que ce témoignage de collaboration entre
les religions les y avait initiés.»

7.2. En
Suède
57. Le programme de l’Église suédoise
«Un monde de voisins» évoqué ci-dessus comprenait une série d’autres
projets, dont le projet
Goda Grannar («Bons
voisins»)

. La coopération entre les différentes communautés
religieuses en vue de l’intégration des migrants, à l’origine simple
collaboration pratique pour fournir certains services (cours de
langue, aide juridique, etc.), a amené les bénévoles musulmans et
chrétiens à discuter des convictions religieuses de l’autre, de
ses fêtes religieuses et, plus généralement, de sa vie

. Les contributions
des deux communautés se sont complétées, le travail des bénévoles
musulmans maîtrisant la communication avec les migrants (grâce à
leurs compétences linguistiques et à leur connaissance et expérience
des cultures d’origine des migrants) complétant l’initiative des
chrétiens connaissant le fonctionnement des procédures en matière
d’immigration et de droit d’asile

.
Selon le HCR, les relations entre les communautés religieuses se
sont améliorées

. Ce projet a établi que des communautés
religieuses différentes peuvent collaborer, s’enrichissant mutuellement
par le partage de connaissances et le dialogue. Mettre en place
des projets instituant un dialogue et un espace de discussion entre
différentes religions, en vue de promouvoir la connaissance réciproque
des traditions culturelles et religieuses d’autres communautés, bénéficierait
à tous les participants et permettrait de prévenir la violence à
motivation religieuse ou la radicalisation.
7.3. En
Pologne
58. Le projet «Dialogue pour l’intégration,
une approche multiconfessionnelle»

a été lancé par la fondation Africa
Connect. Il comprenait des séminaires dans quatre villes (Cracovie,
Poznań, Wrocław et Łódź) faisant intervenir des responsables et
représentants des communautés religieuses, en vue de discuter du
rôle de la religion et des différentes communautés religieuses dans
l’intégration des migrants (pour la plupart venus d’Afrique). Le
projet a donné lieu à des séminaires et des réunions rassemblant
des responsables et représentants des différentes religions, des
ONG et des responsables des communautés locales, leur permettant
de nouer des liens, de partager leurs expériences et de travailler
au renforcement des capacités des communautés religieuses à promouvoir
l’intégration.
7.4. Au
Royaume-Uni
59. Le projet
Refugee Support («Aide aux réfugiés»)

a été
mis en place par la Croix Rouge britannique en vue de fournir aux
demandeurs d’asile et aux réfugiés une aide pratique, notamment
pour accéder aux services sociaux. La Croix Rouge britannique coopère
avec un large éventail d’organisations, y compris des organisations
non confessionnelles, monoconfessionnelles et pluriconfessionnelles

.
Les communautés et organisations chrétiennes et musulmanes se sont
employées à aider les migrants à s’installer, les orientant vers
des contacts et des réseaux qui leur ont fourni des logements, une
aide matérielle, des opportunités d’emploi et un soutien spirituel
et religieux transcendant les clivages religieux et formant un réseau
d’aide vaste et diversifié qui s’est mobilisé à un stade précoce
de leur processus d’intégration

.
Ainsi le projet
Weekend Club («Club
du week-end»)

mené à Glasgow a-t-il été organisé
par Interfaith Glasgow”

en vue d’établir un réseau pour
permettre aux réfugiés, demandeurs d’asile ou migrants récemment
arrivés d’acquérir une meilleure compréhension de la culture, de
l’histoire et des valeurs écossaises, et d’améliorer leur niveau d’anglais.
Les activités et les événements ont été organisés par une équipe
de bénévoles de différentes religions et croyances. Les participants
étaient originaires de nombreux pays: Algérie, Érythrée, Iran, Irak, Éthiopie,
Soudan, Syrie, Palestine, Nigeria, Ghana, Pakistan, Inde, Libye,
Cameroun, Pologne et République tchèque. Parmi les activités proposées
figuraient une excursion d’une journée à New Lanark, un atelier
de cuisine de shortbreads, une visite virtuelle des galeries d’art
et des musées de Glasgow avec une initiation à l’argot de Glasgow,
des ateliers présentant l’histoire des migrations vers l’Écosse
et l’histoire du tricot, une présentation ludique de plusieurs personnages
majeurs de l’histoire écossaise, une visite au marché de Noël annuel
de Glasgow et une célébration du souper de Burns au cours de laquelle
les participants ont été initiés à la cornemuse, ont dégusté de
la purée de pommes de terre et de rutabagas («neeps and tatties»),
etc.
60. Il existe des projets de dialogue interconfessionnel dédiés
aux enfants qui pourraient être adaptés pour répondre aux besoins
des enfants dans le contexte des politiques d’asile. Le projet
Bullying and Belief («Harcèlement
et Foi»)

, porté par le Conseil consultatif
permanent sur l'enseignement religieux de Newham, aide les élèves
à comprendre les traitements auxquels les personnes de convictions
religieuses différentes sont exposées, en vue de prévenir le harcèlement.
Le projet, conçu pour les établissements primaires et secondaires,
propose aux enseignants divers supports tels que des films et des
modules d’enseignement. Le projet
Buried
Treasure («Trésor enfoui»), porté par le Conseil consultatif
permanent sur l'enseignement religieux de Cumbria, propose aux élèves
de CM2, 6e et 5e une
activité d’une journée. Les participants, devenus explorateurs,
y travaillent en petits groupes, à surmonter une série de défis
et à mener des expériences pour voir si les textes sacrés des différentes
religions aident à résoudre les problèmes de notre temps. Les citations
ou «pierres précieuses» qu’ils découvrent à la lecture des textes
sacrés deviennent des talismans à conserver dans un coffre à trésors
partagé avec les autres explorateurs

.Les projets
sensibilisent les enfants aux points communs entre les différentes
croyances; ils encouragent au dialogue et à une meilleure compréhension
des autres convictions religieuses.
8. Conclusions
61. La prévention de la violence
et de la discrimination à l’égard des réfugiés appartenant à des
minorités religieuses en Europe exige de prendre des mesures à différents
niveaux – international, européen, national et surtout, local. Les
États devraient faire davantage d’efforts pour apaiser les tensions
et créer un climat de respect et de dignité pour les réfugiés et
les demandeurs d’asile. Les personnes qui fuient des situations terribles
arrivent exténuées et sont particulièrement vulnérables. En ces
temps de crise, elles auraient besoin d’un soutien supplémentaire.
Les pays européens ont les moyens d’offrir un tel soutien et ont
la capacité de le faire. Ce qui manque aujourd’hui, c’est la volonté
politique et nous sommes ici pour faire bouger les choses. La première
étape pourrait être de mettre en place des plates-formes de dialogue
interreligieux aux niveaux nationaux et locaux, d’en soutenir les
travaux et de les accompagner dans leurs efforts pour régler la
crise des réfugiés en Europe.