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Rapport | Doc. 156 | 23 juin 1953

Avis de l'Assemblée Consultative sur les rapports de la Haute Autorité sur l'activité de la communauté et sur l'établissement du marché commun de l'acier

Commission des questions politiques et de la démocratie

Corapporteur : M. Alfred ROBENS, Royaume-Uni, SOC

Corapporteur : M. Per FEDERSPIEL, Danemark

Corapporteur : M. Henri C. J . HEYMAN, Belgique

Origine - Voir 5° Session, 1953 : (a) Doc. 121 (Rapport général) et Doc. 154 (Rapport spécial). (6) 11° séanco, 23 juin 1953 (discussion du rapport et adoption du projet de résolution) et Résolution 31. 1953 - 5e session - Deuxième partie

A. Projet de résolution

(open)

TITRE I - Commission des Affaires Générales. Rapporteur : M. Robens

Aspects politiques

1. Le 10 février 1953, la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier déclarait ouvert entre ses six États membres un marché commun du charbon et du coke, du minerai de fer et de la ferraille; le 1 e r mai 1953, ce marché commun était étendu à l'acier. Il n'est peutêtre pas nécessaire de souligner à nouveau le caractère révolutionnaire d'un tel événement. Le rapport que la Haute Autorité de la C. E. G. A. a présenté à l'Assemblée Commune de la Communauté, et qui est maintenant soumis à l'examen, de l'Assemblée Consultative du Conseil de l'Europe, constitue en lui-même un événement marquant dans l'histoire du gouvernement des peuples européens. C'est la première fois qu'un exécutif européen, doté de pouvoirs supranationaux, soumet un rapport sur ses activités au jugement d'un parlement européen dont les membres, bien qu'élus indirectement par leurs parlements nationaux agissant comme corps électoral, siègent et exercent leur jugement en tant qu'Européens et non en tant que représentants d'intérêts nationaux ou régionaux.
2. L'Assemblée Consultative approuve l'esprit dans lequel la Haute Autorité a cherché à exercer ses activités. La Haute Autorité a fait des efforts louables pour prévenir toute critique selon laquelle elle constituerait une technocratie irresponsable, en informant le Conseil spécial de Ministres, les commissions de l'Assemblée Commune, ainsi que le Comité Consultatif composé de représentants des producteurs, des travailleurs et des consommateurs. En outre, elle a établi des relations qui permettent une collaboration et une consultation mutuelle avec un certain nombre d'États non membres de la Communauté, ainsi qu'avec les organisations qui ont pour objectif de développer l'unité d'action entre tous les pays de l'Europe occidentale : avec l'O. E. C. E. et avec le Conseil de l'Europe, dont les rapports avec la Communauté sont régis par un protocole spécial au traité instituant la Communauté, conformément aux termes duquel le présent rapport a été soumis à l'Assemblée Consultative.
3. La Haute Autorité peut donc prétendre à juste titre que ses premières décisions ainsi que la méthode qui a mené à leur adoption justifient la déclaration contenue dans le r a p p o r t 
			(1) 
			Paragraphe 13.,selon laquelle « elle (la Communauté) ne constitue et ne veut constituer en aucune façon un ensemble autarcique, ni une communauté restreinte ».
4. L'Assemblée Consultative appuie pleinement la préoccupation qui s'est manifestée à l'Assemblée Commune d'être consultée, dans un esprit de contrôle parlementaire, sur les lignes générales de la politique de ia Haute Autorité, avant que cette politique ne soit engagée, et espère que la Haute Autorité prendra des mesures pour répondre à ce voeu.
5. L'Assemblée Consultative rappelle avec satisfaction que le Conseil de l'Europe lui-même a contribué, dans une mesure non négligeable, à mener à bonne fin les négociations relatives à la création de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier. L'Assemblée Consultative considère qu'en t a n t que porteparole de tous les Membres du Conseil de l'Europe elle peut continuer à contribuer matériellement au succès de la Communauté. Il ne fait aucun doute que les arrangements bilatéraux régissant les relations entre la Haute Autorité et certains États individuels, membres du Conseil de l'Europe, sont non seulement de la plus haute importance, mais, en fait, essentiels aux intérêts les mieux compris des deux parties. Toutefois, les problèmes qui seront traités en conformité avec ces arrangements porteront sur l'influence exercée par la politique de la Haute Autorité sur la politique nationale des États intéressés et réciproquement. C'est seulement à travers le Conseil de l'Europe que la Haute Autorité peut obtenir une synthèse de l'opinion des É t a t s en question sur ses activités, et entendre s'exprimer leur opinion commune, grâce aux discussions qui ont lieu entre leurs représentants au Comité des Ministres et à l'Assemblée Consultative.
6. L'Assemblée Consultative reconnaît en même temps que l'exemple de la Communauté donnera une forte impulsion aux efforts que le Conseil poursuivra avec détermination en vue de réaliser une union plus étroite au sein du groupement moins homogène de ses Membres, conformément aux termes plus généraux de son Statut. Dans la campagne pour l'unification de l'Europe, les deux organisations ont leur rôle à jouer.

TITRE II - Commission des Questions économiques. Rapporteur : M. Federspiel

Aspects économiques

7. L'Assemblée Consultative félicite la Haute Autorité d'être parvenue à ouvrir le marché commun du charbon et de l'acier en provoquant si peu de perturbations dans les économies des États membres de la Communauté. La tâche de la Haute Autorité s'est trouvée, il est vrai, facilitée par la tendance générale vers un meilleur équilibre entre l'offre et la demande, qui s'est manifestée récemment sur les marchés du charbon et de l'acier, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Communauté; mais les mesures prises par la Haute Autorité et les gouvernements membres en vue d'abolir les pratiques discriminatoires au sein de la Communauté ont eu pour effet de renforcer sensiblement cette tendance. En adoptant pareilles mesures, la Communauté a franchi les premières étapes vers la réalisation de l'objectif fondamental du traité : l'établissement d'une situation du marché, favorable au développement de la concurrence et à l'accroissement de la productivité au sein de la Communauté.
8. Pendant les premiers mois qui ont suivi l'ouverture des marchés communs du charbon et de l'acier, la Haute Autorité a dû s'attacher essentiellement à résoudre les problèmes internes de la Communauté, problèmes concernant les restrictions quantitatives, les droits de douane, les subventions et autres mesures discriminatoires, les nouveaux barèmes de prix du minerai de fer, du charbon, de la ferraille et de l'acier, les prélèvements de péréquation, les taxes sur le chiffre d'affaires et les tarifs des transports. Les répercussions sur les économies des autres pays des mesures adoptées par la Haute Autorité en ces matières se feront sentir graduellement et elles appelleront,. à bref délai, une définition de la politique des gouvernements membres de la Communauté, aussi bien que de la Communauté dans son ensemble, dans leurs relations avec les autres pays.
9. Afin de permettre le maintien et le développement des échanges de produits charbonniers et sidérurgiques entre les pays membres de la Communauté et les pays tiers, il importe de définir les conditions et la mesure dans lesquelles la création du marché commun peut appeler l'intervention de la Haute Autor i té dans les accords commerciaux entre les Membres de la Communauté et les pays tiers. Aux termes de l'article 75 du traité, les gouvernements membres doivent soumettre leurs accords commerciaux à la Haute Autorité qui peut faire des recommandations tendant à leur modification. Les échanges des produits en question peuvent également se trouver affectés par l'application des articles 58 et 59 qui permettent à la Haute Autorité d'intervenir en cas de réduction de la demande ou de grave pénurie des approvisionnements. Les pays membres de la Communauté, les pays tiers qui concluent des accords contractuels avec les É t a t s membres, de môme que les entreprises individuelles, se trouvent actuellement placés dans un état d'incertitude en ce qui concerne l'application de ces dispositions du traité. L'Assemblée Consultative estime qu'aucun effort ne doit être épargné pour dissiper cette incertitude.
10. L'abolition des droits de douane entre les États membres de la Communauté a entraîné, comme le prévoyait le traité, la nécessité d'harmoniser les tarifs des États membres vis-à-vis des pays tiers. Parmi les mesures déjà prises figurent l'introduction d'un contingentement tarifaire dans les pays du Benelux et le rétablissement, dans la République Fédérale d'Allemagne et en France, des droits sur l'acier qui avaient été suspendus pendant la période de restrictions quantitatives. A cet égard, l'Assemblée Consultative note avec satisfaction que les États membres, pour reprendre les termes du rapport spécial, « ont accompli une première étape de l'harmonisation des droits de douane dans le sens de lexir abaissement ». Ainsi les États membres accroîtront leur propre capacité de concurrence tout en favorisant la division internationale du travail qui est à l'avantage de tous les pays.
11. L'Assemblée Consultative note qu'un accord sur les prix minima à l'expoi'tation a été réalisé par les producteurs d'acier de la Communauté. Pareil accord risque, en isolant le système de prix de la Communauté de celui du monde extérieur, de produire des conséquences opposées aux objectifs de la Communauté, tels qu'ils se trouvent définis à l'article 3 du t r a i t é , en ce sens qu'il susciterait des difficultés pour les industries de la Communauté dont l'acier constitue un élément important de la production.
12. L'Assemblée Consultative estime que la Haute Autorité devrait définir aussitôt que possible sa politique en ce qui concerne l'évolution à long terme des prix, et notamment déclarer si elle propose de laisser le prix du charbon et de l'acier s'établir d'eux-mêmes ou si elle cherchera à les stabiliser.
13. En abordant ce problème à long terme, la Haute Autorité devrait envisager la possibilité d'accroître les débouchés pour le charbon et l'acier. Il conviendrait notamment d'encourager une coopération étroite, non seulement entre les États membres de la Communauté, mais aussi entre ces États et les autres États membres du Conseil de l'Europe, en prenant pour objectif le développement des territoires d'outre-mer dans le sens proposé par le Plan de Strasbourg.
14. Il est évidemment prématuré pour l'Assemblée Consultative de se prononcer d'ores et déjà sur les politiques d'investissement de la Haute Autorité et des gouvernements membres de la Communauté. Aussi l'Assemblée Consult a t i v e se bornera-t-elle à souligner l'opportunité de tenir compte, en élaborant la politique d'investissement des industries du charbon et de l'acier des six États membres, des besoins en investissements de leurs autres industries et des programmes d'investissements des autres États membres du Conseil de l'Europe. Des consultations mutuelles dans ce domaine entre la Haute Autorité, les gouvernements membres de la Communauté et les gouvernements des autres États membres du Conseil de l'Europe répondraient au désir commun d'une expansion coordonnée et sélective de la capacité de production de l'Europe, désir qui a trouvé son expression dans la politique générale de l'O. E. C. E.
15. On sera peut-être amené à constater qu'il est impossible de retirer de la création du marché commun du charbon et de l'acier tous les avantages qu'elle peut offrir si elle ne s'accompagne pas de l'adoption de politiques complémentaires dans les autres secteurs de l'économie des États membres de la Communauté. C'est là une question qui concerne en premier lieu les États membres de la Communauté et qui n'appelle pas actuellement de remarques de la part de l'Assemblée Consultative. Quoi qu'il en soit, l'Assemblée Consultative souligne que le succès futur de la Communauté dépend également du développement progressif de la collaboration entre, d'une part, la Communauté et ses États membres et, de l'autre, lé Conseil de l'Europe, l'O. E. C. E. et les États membres de ces organisations. L'Assemblée Consultative contribuera dans toute la mesure de ses moyens à l'établissement de cette collaboration et, à cette fin, elle a saisi l'occasion pour présenter au dernier t i t re de la présente résolution certaines propositions pratiques qui pourraient trouver une application immédiate.

TITRE III - Commission des Questions sociales. Rapporteur : M. Heyman

Aspects sociaux

16. Le chapitre V du rapport de la M. Haute Autorité a déjà fait l'objet d'un examen par la commission des Affaires sociales de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier. II a été constaté que la Haute Autorité n'était qu'au tout début d'une action dans le domaine social, qui doit aller en se développant.
17. L'Assemblée Consultative estime qu'elle ne peut exprimer actuellement une opinion sur des résultats qui ne sont pas encore atteints.
18. Toutefois, elle approuve unanimement le sens dans lequel la Haute Autorité entend poursuivre ses efforts. Elle attache notamment une importance essentielle aux travaux de la Haute Autorité, qui ont pour objet l'étude des conditions de salaires et de travail ainsi que les investissements dans le domaine des logements ouvriers.
19. L'Assemblée Consultative constate avec satisfaction que les mesures envisagées en vue de la libre circulation de la maind'oeuvre, tout en étant limitées au domaine du charbon et de l'acier, sont, dans leur principe, conformes aux avis que l'Assemblée Consultative a déjà exprimés à maintes reprises.
20. En ce qui concerne la sécurité sociale, l'Assemblée Consultative tient à appeler l'attention de la Haute Autorité sur les deux Accords intérimaires de Sécurité sociale et la Convention d'Assistance sociale et médicale, élaborés au Conseil de l'Europe, et approuvés par le Comité des Ministres et l'Assemblée Consultative. Ces accords et cette convention seront soumis à la signature des gouvernements des États membres. Ils établissent le principe de l'égalité de traitement dans le domaine de la sécurité sociale ,et de l'assistance sociale entre tous les ressortissants des pays membres. D'autres travaux sont actuellement en cours au sein d'un comité d'experts, en vue de l'élaboration d'un Code européen de Sécurité sociale; dont le b u t est de porter au même niveau les avantages découlant de la sécurité sociale.
21. L'Assemblée Consultative estime qu'une activité commune pourra se développer progressivement dans certains domaines entre la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier et le Conseil de l'Europe. Leur intérêt commun, leur volonté commune et l'interdépendance de certains problèmes faciliteront grandement cette tâche.
22. Elle tient à mettre en relief que les pays de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier groupent un certain nombre d ' É t a t s ayant à faire face à un problème crucial d'excédents de population. La solution de ce problème, qui est indispensable pour maintenir l'équilibre politique et économique de l'Europe, exige une libéralisation générale des mouvements de la main-d'oeuvre, non seulement à l'intérieur de la Communauté Européenne du Charbon et de l'Acier, mais aussi à l'extérieur de celle-ci. L'Assemblée Consultative a conscience qu'une action commune entre la Communauté et les pays qui n'en, font pas partie faciliterait la solution de ce problème.

TITRE IV - Commission des Affaires générales. Rapporteur : M. Robens

Conclusions d'ordre général

23. Dans le r a p p o r t 
			(2) 
			Document n° 6  de l'Assemblée Commune, paragraphe 5.présenté à l'Assemblée Commune par sa commission des Affaires politiques et des Relations extérieures de la Communauté, il est déclaré que : « 5. Il est évident que les relations avec le Conseil de l'Europe, dans le cadre du protocole, annexe au traité, sont de la plus haute importance lorsqu'il s'agit de créer cette atmosphère de compréhension et de confiance réciproque, sans laquelle il est impossible de créer des liens solides, sans laquelle il sera impossible d'arriver à une harmonisation progressive de la politique économique des États membres et des États non membres de la Communauté. Car c'est bien vers cette harmonisation à long terme que notre action sur le plan européen doit tendre si nous voulons que l'union des pays de l'Europe prenne un aspect positif et ne soit pas uniquement inspirée par des motifs de sécurité et de défense. »
24. L'Assemblée Consultative s'associe entièrement à cette déclaration et partage la satisfaction exprimée par la commission au sujet des mesures déjà prises pour réaliser des relations de travail étroites entre la Haute Autorité et l'Assemblée Commune, d'une part, et l'Assemblée Consultative et ses commissions de l'autre. Outre leur participation à la réunion jointe des deux Assemblées, le Président et les autres membres de la Haute Autorité ont pris part aux séances de la commission des Questions économiques de l'Assemblée Consultative, qui ont donné lieu à un échange de vues extrêmement utile. L'Assemblée Consultative recommande de développer ces arrangements dans toute la mesure du possible et propose notamment que des réunions jointes aient lieu entre le Comité des Ministres du Conseil de l'Europe et le Conseil spécial de Ministres de la Communauté où, le cas échéant, les ministres des Affaires Étrangères pourraient être remplacés par les ministres dont les départements sont chargés des questions techniques à examiner et, en second lieu, que, conformément à la pratique déjà adoptée dans le cas de la commission des Questions économiques, les membres de la Haute Autorité soient invités à participer aux séances d'autres commissions de l'Assemblée Consultative et de prendre part à leurs discussions.
25. Enfin, l'Assemblée Consultative estime que tous les avantages de réunions jointes futures des deux Assemblées se verraient assurés si, par une procédure analogue, pouvaient être organisées des réunions jointes entre celles des commissions des deux Assemblées qui s'occupent de problèmes d'une nature similaire. L'Assemblée Consultative recommande donc que cette question soit mise à l'étude par les Bureaux des deux Assemblées et qu'une décision commune soit prise dans le plus bref délai possible.