1. Introduction
1. Quand le statut du Kosovo sera-t-il
décidé? «Quand» est la question que se pose la population du Kosovo.
Depuis longtemps, la recherche d’une solution à la question du statut
est ressentie comme urgente. En juin 2005, l’Assemblée a elle-même
reconnu que «l’indétermination du statut du Kosovo fait planer l’incertitude
sur la poursuite de la stabilisation politique de l’ensemble de
la région, y compris sur ses perspectives d’intégration européenne,
compromet son relèvement économique et empêche nombre de personnes
déplacées et de réfugiés originaires du Kosovo de prendre une décision
quant à leur retour»
.
2. «Quand» est une question urgente qui n’a toujours pas trouvé
de réponse. Depuis 1999, le Kosovo est dans l’incertitude. Au cours
de ces huit années, d’importants progrès ont été accomplis pour
restaurer des conditions de vie normales pour toute la population
du Kosovo, après une guerre qui a laissé des traces profondes dans
toutes les communautés: 15 000 morts parmi les Albanais du Kosovo,
3000 morts parmi les Serbes du Kosovo. Malgré ces efforts, on compte
toujours 2047 personnes disparues, 240 000 personnes déplacées,
dont 200 000 Serbes du Kosovo, et un certain nombre de questions
non résolues.
3. En 2005, le groupe de contact et le Conseil de sécurité des
Nations Unies (CSNU) sont parvenus à la conclusion que l’application
des normes et le processus pour la définition du statut devaient
progresser en parallèle
.
Depuis octobre 2005, deux tentatives successives visant à faciliter
la recherche d’une solution négociée et mutuellement acceptable
n’ont malheureusement donné aucun résultat.
4. Ce n’est pas la première fois que je suis rapporteur sur le
Kosovo pour la commission des questions politiques: en octobre 2006,
l’Assemblée aurait dû examiner mon rapport sur la situation actuelle
au Kosovo. Ce rapport a été retiré de l’ordre du jour par 65 voix
contre 63. Son examen a été reporté à la première partie de la session
ordinaire de 2007 (janvier), à l’issue de laquelle la référence
à l’indépendance sous supervision du Kosovo comme étant «la solution
la plus à même de garantir une paix et une stabilité durables au
Kosovo et dans toute la région, sans compter qu’elle correspond
à la volonté de la majorité des Kosovars»
a
été supprimée par amendement par 90 voix contre 64 (et 11 abstentions).
Je suis convaincu que ce vote n’exprime pas nécessairement l’opposition
de l’Assemblée à l’indépendance du Kosovo: comme il est clairement
apparu durant les débats, la plupart des membres n’ont pas jugé
opportun que l’Assemblée adopte une position alors que le processus
de définition du statut dans le cadre des Nations Unies était encore
en cours.
5. Mon mandat actuel consiste à suivre les activités concernant
le statut futur du Kosovo. En qualité de rapporteur, je me suis
efforcé de fournir une description objective de la situation concernant
le statut et la position des deux parties. Mes travaux n’auraient
toutefois aucun sens si je n’exposais pas mes idées sur le processus
de définition du statut ainsi que sur son résultat. En tant que
rapporteur, je ne suis aucunement tenu à la neutralité ou à l’impartialité;
en revanche, mon devoir m’oblige à être honnête et à exprimer mes
idées, sachant que je pourrais me heurter à l’opposition de certains
et obtenir le soutien des autres.
2. Le premier chapitre du processus de
définition du statut: M. Ahtisaari
6. En 2005, le Conseil de sécurité
des Nations Unies a soutenu la nomination de Martti Ahtisaari, ancien Président
de la Finlande, en tant qu’envoyé spécial du Secrétaire général
des Nations Unies pour le processus concernant le futur statut du
Kosovo.
7. Un ensemble de principes pour le règlement portant statut
du Kosovo
a
été défini peu après par le groupe de contact, composé de la France,
de l’Allemagne, de l’Italie, de la Fédération de Russie, du Royaume-Uni
et des Etats-Unis, afin de soutenir l’envoyé spécial dans sa mission.
Selon ces principes, le futur statut devrait:
- être compatible avec les normes internationales des droits
de l’homme, de la démocratie et du droit international;
- contribuer à réaliser la perspective européenne du Kosovo;
- garantir la multiethnicité et le respect des droits des
communautés;
- prévoir des mécanismes visant à garantir la participation
de toutes les communautés au sein du gouvernement, la décentralisation
étant censée faciliter la coexistence des différentes communautés;
- inclure des protections spécifiques pour le patrimoine
culturel et religieux;
- renforcer la sécurité et la stabilité régionales (pas
de partition du Kosovo, pas d’union avec tout autre pays ou partie
de tout autre pays, pas de retour à la situation antérieure à mars
1999, pas de solution unilatérale ni de solution découlant de l’usage
de la force);
- prévoir des dispositions spécifiques en ce qui concerne
les arrangements sécuritaires;
- promouvoir des mécanismes pour renforcer la mise en œuvre
de l’Etat de droit;
- garantir le développement économique durable du Kosovo,
notamment sa coopération avec les organisations internationales
et les institutions financières internationales;
- s’appuyer sur une présence internationale civile pendant
un certain temps.
8. Ensuite, dans sa déclaration du 31 janvier 2006, le groupe
de contact a précisé que le règlement du statut devrait être acceptable
pour la population du Kosovo, fait qui est important.
9. L’envoyé spécial Ahtisaari et son équipe ont travaillé avec
diligence et un réel engagement; ils se sont rendus à de nombreuses
reprises à Belgrade et à Pristina et ont mené un grand nombre de
consultations. En 2006, 15 cycles de discussions directes avec les
équipes de négociation de Belgrade et de Pristina ont été organisés;
14 d’entre eux se sont concentrés sur la décentralisation, la protection
du patrimoine culturel et religieux au Kosovo, l’économie et la
protection des droits des communautés. En outre, en juillet 2006,
l’envoyé spécial a présidé des pourparlers directs sur la question
du statut avec les autorités de la Serbie et du Kosovo.
10. En janvier 2007, M. Ahtisaari avait rédigé un projet de proposition
globale de règlement portant statut du Kosovo, qui a été présenté
aux parties concernées le mois suivant. Malheureusement, lors d’une
rencontre de haut niveau qui s’est tenue à Vienne en mars, l’envoyé
spécial n’a pu que constater:
- l’absence
de volonté des parties de s’écarter de leurs positions d’origine;
et
- l’épuisement des possibilités de poursuivre des négociations.
11. M. Ahtisaari a par conséquent finalisé la proposition qu’il
devait présenter au Conseil de sécurité des Nations Unies. Ce plan
comprend la proposition globale finale pour un règlement de la question
du Kosovo et le rapport de l’envoyé spécial du Secrétaire général
sur le statut futur du Kosovo, ce dernier recommandant une indépendance
sous supervision en tant que statut futur du Kosovo. Alors que l’Assemblée
du Kosovo a approuvé le plan de M. Ahtisaari, Belgrade l’a jugé
inacceptable à moins d’être profondément modifié. Une division est
également apparue au sein du groupe de contact: alors que les Etats-Unis
et les Etats membres de l’Union européenne faisant partie du groupe
de contact ont estimé que les propositions de M. Ahtisaari étaient
«justes et équilibrées» et apportaient «la meilleure solution pour
contribuer à la stabilisation non seulement du Kosovo mais aussi
de l’ensemble de la région»
,
la Fédération de Russie les a rejetées.
3. Le
processus de définition du statut sous la troïka
12. Fin mars 2007, il y avait des
signes manifestes qu’il ne serait pas possible d’obtenir une résolution
du Conseil de sécurité des Nations Unies sur le suivi à donner aux
propositions de M. Ahtisaari, compte tenu de l’opposition de la
Fédération de Russie et de la perspective qu’elle utilise son droit
de veto. Il n’a pas été possible de sortir de cette impasse, mais
elle a été contournée en renvoyant le processus au groupe de contact.
Sous son égide, une troïka composée de représentants des Etats-Unis
(M. Frank Wisner), de l’Union européenne (M. Wolfgang Ischinger)
et de la Fédération de Russie (M. Alexander Botsan Kharchenko) a
été mise en place, avec pour mandat de mener une nouvelle période
de négociation de cent vingt jours et de présenter un rapport au
Secrétaire général de l’ONU pour le 10 décembre 2007.
13. Le mandat de la troïka consiste à promouvoir un compromis
entre les deux parties, et non à proposer des solutions en vue de
régler la question du statut, sans même parler d’imposer un statut.
De plus, alors que pour les Etats-Unis et les membres de l’Union
européenne du groupe de contact le 10 décembre est la date ultime
à laquelle un compromis doit être trouvé, à la suite de quoi le
plan Ahtisaari serait mis en œuvre, la Russie estime que la durée
n’est pas limitée pour trouver un compromis et que le 10 décembre
est seulement la date à laquelle le groupe de contact doit présenter
son rapport.
14. La troïka est très active depuis sa mise en place, elle a
réussi à organiser six cycles de négociations directes entre les
deux parties. Une étape clé de son travail a été l’élaboration de
14 points qui visent à ouvrir une voie pour une solution, à savoir:
(1) Belgrade et Pristina chercheront à développer la nature
particulière de leur relation, en particulier dans ses dimensions
historique, économique, culturelle et humaine;
(2) Belgrade et Pristina résoudront les futurs problèmes entre
elles de manière pacifique et ne s’engage- ront pas dans des actions
ou dispositions qui seraient considérées comme menaçantes par l’autre
partie;
(3) le Kosovo sera complètement intégré dans les structures
régionales;
(4) il n’y aura pas de retour au statut antérieur à 1999;
(5) Belgrade ne gouvernera pas le Kosovo;
(6) Belgrade ne rétablira pas de présence physique au Kosovo;
(7) Belgrade et Pristina sont déterminées à progresser vers
une association à l’Union européenne, et éventuel- lement vers l’intégration,
ainsi qu’à avancer progressive- ment vers les structures euratlantiques;
(8) Pristina mettra en œuvre de vastes mesures pour améliorer
le bien-être des Serbes du Kosovo ainsi que des autres communautés
non albanaises, en particulier par le biais de la décentralisation
du pouvoir local, de garanties constitutionnelles et de la protection
du patrimoine culturel et religieux;
(9) Belgrade et Pristina coopéreront sur les questions d’intérêt
commun, comprenant: le sort des personnes dis- parues et le retour
des personnes déplacées; la protection des minorités; la protection
du patrimoine culturel; les questions relatives à l’économie, à
l’énergie et au commerce; la lutte contre la criminalité organisée;
la coopéra- tion entre les municipalités et le gouvernement de l’une
des deux parties;
(10) Belgrade et Pristina établiront des institutions communes
pour mettre en œuvre la coopération;
(11) Belgrade n’interférera pas dans les relations de Pristina
avec les institutions financières internationales;
(12) Pristina aura la pleine autorité sur ses finances;
(13) le processus de stabilisation et d’association du Kosovo
avec l’Union européenne (dispositif de suivi) continuera sans opposition
de la part de Belgrade;
(14) la communauté internationale conservera sa présence civile
et militaire au Kosovo après que le statut sera déterminé.
15. En réponse, lors des pourparlers
directs qui se sont tenus le 22 octobre, la partie serbe a présenté
sa position en faveur du maintien d’une souveraineté formelle sur
le Kosovo tout en accordant à ce dernier l’autonomie la plus large
possible – en reformulant point par point les 14 points de la troïka.
D’après la Serbie:
(1) l’objet des négociations est de déterminer le statut définitif
du Kosovo sur la base des principes définis dans la Résolution 1244
du Conseil de sécurité de l’ONU. Par conséquent, dès lors qu’elles
s’écarteront de cet objec- tif, il conviendra au préalable de modifier
la Résolution 1244;
(2) l’ensemble des parties y compris les membres de la troïka
devrait renoncer à toute action unilatérale;
(4) il n’y aura pas de retour à la situation antérieure à
1999 et le statut futur du Kosovo doit être défini sur la base de
la Résolution 1244;
(5) la Serbie ne gouvernera pas le Kosovo pour ce qui est
des domaines définis dans un futur accord comme relevant de la compétence
exclusive de la province;
(6) les institutions serbes ne seront pas présentes au Kosovo
dans des domaines ne relevant pas de la compétence de Belgrade en
vertu du futur accord;
(7) dans leur législation ainsi que dans leur politique, la
Serbie et le Kosovo mettront progressivement en œuvre des normes
et des règles conformes aux exigences découlant du processus de
stabilisation et d’association avec l’Union européenne. Prenant
pleinement part à ce processus, les deux parties avanceront vers
la candidature à l’adhésion, puis l’adhésion pleine et entière;
(8) sur la base d’une solution convenue d’un commun accord
entre Belgrade et Pristina et confirmée par le Conseil de sécurité
de l’ONU, le Kosovo mettra en œuvre des mesures globales visant
à promouvoir le bien-être des Serbes du Kosovo ainsi que des autres
communautés non albanaises, en particulier par le biais de la décentralisation
du pouvoir local et de garanties constitutionnelles;
(9) en tenant compte de leurs compétences exclusives respectives,
Belgrade et Pristina coopéreront sur les ques- tions d’intérêt commun,
comprenant: le sort des personnes disparues et le retour des personnes déplacées;
la protection matérielle du patrimoine culturel; les questions relatives
à l’économie, l’énergie et le commerce; la lutte contre la criminalité
organisée; l’harmonisation avec les normes de l’Union européenne
(contrairement aux 14 principes de la troïka, la protection des
minorités n’est pas mentionnée);
(10) dans ces domaines de coopération et dans d’autres domaines
éventuels, Belgrade et le Kosovo établiront des institutions communes
chargées des questions intéressant les deux parties;
(11) Belgrade n’interférera pas dans les relations de Pristina
avec les institutions financières internationales sous réserve que
ses obligations internationales contractées en vertu du droit international
ne soient pas engagées;
(13) le processus de stabilisation et d’association du Kosovo
avec l’Union européenne (dispositif de suivi) continuera en coopération
avec Belgrade;
(14) la communauté internationale conservera sa présence civile
et militaire au Kosovo après que le statut sera déterminé, sous
mandat de l’ONU.
16. La Serbie est d’accord avec
les principes (3) et (12) de la troïka.
17. De leur côté, pour la période d’engagement de la troïka, la
position des Albanais du Kosovo continue d’être qu’ils n’accepteront
rien d’autre que l’indépendance. Cependant, Pristina a également
élaboré une proposition d’accord d’amitié et de coopération qui
serait conclu avec la Serbie une fois le Kosovo devenu indépendant,
et a promis de mettre pleinement en œuvre les droits des minorités.
18. Les négociations de trois jours qui ont eu lieu fin novembre
à Baden (Autriche) ont marqué la fin des négociations directes soutenues
par la troïka. Comme l’indique sa déclaration finale, «la troïka
a exploré avec les deux parties toutes les solutions plausibles
à la question du statut du Kosovo afin de déterminer si la possibilité
d’une solution mutuellement acceptable pouvait exister. Malheureusement,
les parties n’ont pas été capables de trouver un accord sur la question
du statut futur du Kosovo».
4. Rechercher
une solution dans le cadre de l’ONU?
19. Deux ans après le début du
processus pour la définition du statut, aucune solution mutuellement acceptable
n’a été trouvée. Quel sera le scénario futur, compte tenu du fait
que le groupe de contact et le Conseil de sécurité des Nations Unies
ne parlent plus d’une seule voix? Ces quatre mois supplémentaires
ont-ils aidé à amener la Fédération de Russie à adoucir sa position
en vue de son éventuelle abstention sur une nouvelle résolution
du CSNU? D’après les déclarations des hauts responsables russes,
ce n’est apparemment pas le cas.
20. La Fédération de Russie explique son opposition à la solution
de l’indépendance en se fondant sur le respect de l’ordre juridique
international et le principe de l’intégrité territoriale. Je ne
suis pas convaincu par cette interprétation qui repose sur des principes.
Mon sentiment est que la Fédération de Russie ne s’intéresse pas
particulièrement au Kosovo; en fait, la Russie se servirait du Kosovo
uniquement pour s’imposer sur la scène internationale: en défendant
la position serbe, elle peut miner l’unité et la crédibilité de
l’Union européenne, bloquer l’expansion vers l’est de l’OTAN et
entraver l’influence politique et militaire des Etats-Unis dans
les Balkans. S’il devait être question d’indépendance, la Fédération
de Russie hésiterait-elle à l’utiliser comme un précédent s’il était
dans son intérêt politique de le faire? Dès la publication des propositions
de M. Ahtisaari, les déclarations des représentants des autorités
russes allaient exactement dans cette direction
. Sur le plan diplomatique, c’est effectivement
une situation gagnant-gagnant pour la Russie.
21. La Serbie a souligné à maintes reprises que le processus de
définition du statut devrait être maintenu dans le cadre des Nations
Unies et que seule une nouvelle résolution du CSNU pourrait remplacer
la Résolution 1244. Naturellement, il serait infiniment préférable,
d’un point de vue juridique et politique, de maintenir ce processus
au sein des Nations Unies, mais peut-il se conclure dans un tel
contexte, étant donné les positions divergentes des Etats disposant
du droit de veto?
5. Quels
scénarios après le 10 décembre?
22. Au fur et à mesure que se rapproche
l’échéance du 10 décembre, le nombre de scénarios réalistes diminue.
La situation
actuelle d’indétermination s’éternise, peut-être avec de nouvelles
négociations
23. Officiellement, personne ne souhaite voir la situation actuelle
s’éterniser: formellement, tous souhaitent une conclusion satisfaisante
du processus de définition du statut. Cependant, la Serbie et la
Fédération de Russie critiquent le fait d’imposer des «délais artificiels»
pour les négociations, et aimeraient les prolonger aussi longtemps
que nécessaire pour parvenir à une solution négociée. Les responsables
albanais du Kosovo ont fermement déclaré qu’ils n’engageront aucune
négociation après la date butoir du 10 décembre.
24. Il y a lieu d’opérer, à mon avis, une distinction entre échéances
«fictives» et absence totale d’horizon temporel: plus de deux ans
de vains efforts ont fait apparaître très clairement que les deux
positions ne pouvaient être conciliées. Il n’est pas tout à fait
juste de soutenir à présent des négociations pour une durée indéterminée
sans aucun signal significatif indiquant que celles-ci pourraient
aboutir: qui agit ainsi sait parfaitement que l’absence de délais
risque d’exaspérer les Albanais du Kosovo et de précipiter probablement des
actions unilatérales.
25. Il m’a été suggéré également que l’opinion publique serbe
n’était peut-être pas prête, pour l’instant, à accepter l’indépendance
du Kosovo et qu’un tel dénouement pourrait déstabiliser l’environnement
politique en Serbie; alors que, dans quelques années, probablement
quand la Serbie sera sur le point d’adhérer à l’Union européenne,
l’option de l’indépendance pourrait être reconsidérée et acceptée
sans que cela ne provoque de troubles publics et politiques. Je
crains que cette idée ne soit qu’une façon très diplomatique de
vouloir faire traîner la situation en longueur, pour une durée inacceptable
pour la majorité des Kosovars.
26. Ce scénario indéterminé serait à mon sens le plus négatif:
il est avant tout injuste pour les populations du Kosovo qui, quelle
que soit leur ethnie, ont besoin de normalité et de perspectives
d’avenir; mais il serait aussi dangereux pour l’Europe, dans la
mesure où cela créerait un conflit gelé de longue durée dans les Balkans
occidentaux.
Une déclaration unilatérale d’indépendance
par l’Assemblée du Kosovo
27. A défaut de solution négociée et face à l’incapacité des Nations
Unies d’en imposer une, une déclaration unilatérale d’indépendance
par l’Assemblée du Kosovo représente le scénario le plus réaliste.
Bien qu’ils soient conscients de la gravité d’un tel choix, les
responsables albanais du Kosovo, indépendamment de leur couleur
politique, sentent la nécessité pressante de répondre aux attentes
de la population albanaise du Kosovo et de parvenir dans des délais
raisonnables à un statut clairement défini, dans l’intérêt de toutes
les communautés du Kosovo. Les déclarations fermement prononcées
par les plus hauts représentants des institutions provisoires d’administration
autonome ainsi que par les vainqueurs des élections de l’Assemblée du
Kosovo du 17 novembre dernier indiquent que la déclaration unilatérale
d’indépendance est une option possible.
28. Ainsi, les dirigeants albanais du Kosovo m’ont assuré que
ce choix ne serait fait qu’après avoir obtenu le soutien des Etats-Unis
et de l’Union européenne, ou d’au moins une masse critique de membres
de l’Union européenne.
29. On m’a dit que, en cas de proclamation unilatérale de l’indépendance,
le plan Ahtisaari serait pleinement mis en œuvre, notamment les
dispositions en matière de décentralisation qui accordent une autonomie importante
aux municipalités serbes.
6. Quelles
pourraient être les conséquences d’une déclaration unilatérale
d’indépendance?
30. Bien que la question de la
partition du Kosovo ait été soulevée dans les médias ainsi que dans
la communauté universitaire et dans des groupes de réflexion, un
peu comme un ballon-sonde, la partition n’est pas une option et
donc elle n’a pas fait partie des négociations. Elle ne serait même
pas tellement avantageuse, dans la mesure où la majorité des Serbes
du Kosovo vivent au sud du fleuve Ibar.
31. De même, une déclaration surprenante de M. Ischinger, selon
laquelle toute solution acceptée par les deux parties serait acceptable
– qui semblait contredire le principe défini par le groupe de contact
selon lequel le règlement du statut devrait respecter les frontières
actuelles du Kosovo –, a été clarifiée par la suite, et le principe
de la préservation des frontières actuelles du Kosovo a été réaffirmé.
32. Cependant, au cours de ma visite, mon attention a été attirée
sur la possibilité d’une partition qui se produirait de facto, comme une réaction «spontanée»
des Serbes du Kosovo dans la partie nord du Kosovo face à une déclaration
unilatérale d’indépendance par l’Assemblée du Kosovo. D’autre part,
on m’a dit que, même si les Serbes du Kosovo dans le nord du Kosovo
risquaient de «fermer» la frontière pendant un certain temps, la
situation ne serait pas durable et les conditions sécuritaires seraient
facilement restaurées par la KFOR.
33. Dans les deux cas, la partition du Kosovo serait le pire scénario
possible pour la région, car il impliquerait l’acceptation de l’ethnicité
comme critère d’établissement des frontières et risquerait d’avoir
des effets déstabilisateurs. C’est un aspect qui m’a été signalé
à Skopje par le ministre des Affaires étrangères, M. Milososki,
qui, tout en confirmant le soutien de son pays au plan Ahtisaari,
a souligné le risque que ce précédent soit utilisé par des groupes
extrémistes, dans son pays et dans la région. Je tiens d’ailleurs
à exprimer tous mes remerciements à M. Milososki – que je n’ai pu
prévenir de ma visite qu’une semaine à l’avance – qui a dû quitter
un Conseil des ministres pour me rencontrer et s’est entretenu avec
moi ouvertement et directement pendant plus d’une heure.
34. Les représentants serbes évoquent souvent l’exode massif comme
l’une des conséquences de l’indépendance du Kosovo. Je ne suis pas
entièrement convaincu que l’indépendance entraînerait des mouvements
massifs de population. J’ai l’impression que, pendant ces années,
nombre de Serbes du Kosovo ont accepté l’idée de rester au Kosovo,
quel qu’en soit le statut; certains sont prêts à travailler avec
le système ou seraient prêts à le faire s’ils ne craignaient des
représailles de la part de Belgrade, qui pourraient se traduire par
un refus de verser les salaires et les retraites ou par des licenciements.
D’un autre côté, l’effet médiatique des images de Serbes du Kosovo
quittant leur maison au Kosovo pourrait entraîner une réaction en
chaîne et risquerait d’être exploité pour exacerber les tensions
et, au pire des cas, fomenter la violence.
35. A l’heure actuelle, la situation au Kosovo est calme et la
KFOR affirme être capable de maintenir la sécurité dans tous les
scénarios envisageables, notamment dans le nord où sa présence a
été récemment renforcée. De même, la KFOR ne considère pas l’existence
de petits groupes de milices serbes dans le nord du Kosovo comme
une menace importante.
36. Les événements de mars 2004 devraient cependant servir d’avertissement.
Malheureusement, on ne peut pas exclure que, dans un climat de tension
importante, la violence puisse être déclenchée, même par un événement
banal, par exemple au cours des célébrations pour l’indépendance
du Kosovo – si elles ont lieu. On m’a aussi indiqué qu’il ne fallait
pas exclure la présence possible d’agents provocateurs serbes en
civil, chargés de fomenter la violence au Kosovo.
37. Au cours de mes rencontres avec les plus hauts responsables
serbes, ces derniers m’ont assuré très vivement que face à une déclaration
unilatérale – par conséquent illégale – d’indépendance par les Albanais du
Kosovo, il y aurait une réaction politique et diplomatique légitime
de la part de la Serbie. Jamais au cours de mes entretiens la possibilité
de recourir à la violence n’a été évoquée; en effet, le Président
Tadic a ouvertement exclu cette possibilité après la conférence
de Baden. Certains analystes s’attendent cependant à la mise en
place de barrages routiers ou à des coupures d’électricité en guise
de représailles éventuelles.
38. Je tiens à dire combien nous sommes redevables à l’égard de
la KFOR pour son efficacité et sa compétence, et à l’égard du nouveau
général français, Xavier de Marnhac, qui commande la Force et qui
est, selon moi, quelqu’un en qui l’on peut avoir une confiance totale.
7. Parvenir
à une position unanime de l’Union européenne
39. Il est fondamental que l’Union
européenne parvienne à créer l’unité ou obtienne au moins un large soutien
interne sur la question du statut et sur le comportement à adopter
en cas de déclaration unilatérale d’indépendance.
40. Une position unique et ferme de l’Union européenne est importante
à de nombreux égards:
- politiquement,
pour donner du crédit à la Politique étrangère et de sécurité commune
de l’Union européenne, particulièrement dans une région comme les
Balkans qui est une priorité dans le contexte de la défense et de
l’élargissement;
- pour garantir le fonctionnement sans heurt de la future
mission de l’Union européenne au Kosovo appelée à remplacer la MINUK;
- sachant que la plupart des Etats membres de l’Union européenne
sont aussi membres de l’OTAN, pour veiller à ce que la KFOR puisse
continuer à être opérationnelle, quels que soient les scénarios,
y compris, le cas échéant, en l’absence d’une résolution du CSNU
et en cas de proclamation d’indépendance unilatérale par l’Assemblée
du Kosovo.
41. Des membres de l’Union européenne tels que Chypre (avec sa
partie nord), la Grèce (avec ses minorités non reconnues et une
vive préoccupation au sujet de la situation à Chypre), la Roumanie
(avec ses minorités hongroises), la Slovaquie (avec ses minorités
hongroises) et l’Espagne (avec son Pays basque et la Catalogne)
sont concernés par l’impact que pourrait avoir dans leur pays le
statut futur du Kosovo, en particulier l’indépendance du Kosovo.
D’autres membres de l’Union européenne préféreraient que le processus
reste dans le cadre des Nations Unies et se montreraient très prudents
en l’absence d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations
Unies.
42. Il est à espérer que les Etats membres réticents de l’Union
européenne ont désormais tiré leurs conclusions: les parties ont
obtenu une chance supplémentaire de parvenir à une solution négociée,
faute de quoi la situation incertaine dans laquelle serait laissé
le Kosovo serait encore plus risquée que l’indépendance. D’après
les médias, il semblerait que seuls deux Etats membres ne soient
pas prêts, à l’heure actuelle, à revenir sur leur position précédente
.
8. La
question du Kosovo dans la politique serbe
43. L’incapacité de la troïka à
faciliter la recherche d’une solution négociée ouvre une période
encore plus délicate pour la situation interne de la Serbie, qui
devrait bientôt organiser des élections présidentielles.
44. Je pense que le Parti démocratique de Serbie (DSS) est une
des clés pour trouver une solution à la question du statut. Il est
compréhensible et légitime qu’un gouvernement se soucie de défendre
l’intégrité territoriale du pays, mais j’ai l’impression que le
Gouvernement serbe et le DSS en particulier s’appuient sur un discours
nationaliste et populiste pour détourner l’attention de l’opinion
publique serbe des véritables problèmes du pays, qui sont avant
tout sa situation économique et sociale, son chômage et la nécessité
dans laquelle il se trouve de procéder à des réformes démocratiques.
En fait, il me semble que le DSS exploite quelque peu la question
du Kosovo pour se présenter comme un élément d’équilibre dans la
politique serbe: en brandissant la menace d’une alliance avec le
Parti radical serbe (la force politique la plus importante au parlement),
le DSS peut conserver une position de pouvoir surprenante compte
tenu de sa représentation relativement faible.
45. D’autre part, la menace de précipiter la Serbie dans les mains
de forces radicales est un argument de chantage, utilisé à la fois
à l’intérieur du pays, en Serbie, et à l’extérieur du pays, auprès
de la communauté internationale et en particulier de l’Union européenne.
46. Il y a également un étrange facteur dans toute cette équation
compliquée: alors que la Serbie n’a eu de cesse de souligner son
engagement à maintenir sa souveraineté sur le Kosovo – au point
d’avoir eu recours à un référendum constitutionnel, auquel les Albanais
du Kosovo n’ont pas participé –, il n’y a pas eu d’effort significatif
de réconciliation. Au Kosovo, on m’a dit que la Serbie ne s’intéressait
qu’au territoire et non aux populations qui y vivent. Sinon, pour
conserver le Kosovo avec sa population à 90 % albanaise et la mémoire de
la guerre avec la Serbie, le Gouvernement serbe aurait fait un effort
de réconciliation considérable pour y arriver.
47. Les prochaines semaines nous diront si la coalition actuellement
au pouvoir est prête à envisager tous les scénarios possibles et
si elle sera en mesure de contrebalancer les forces politiques qui
veulent détourner la Serbie de la voie européenne.
9. Mes
conclusions personnelles
48. Quand le statut du Kosovo sera-t-il
décidé? En plus de deux ans, les potentialités de négociation ont
été épuisées. Les positions de Pristina et de Belgrade restent inconciliables.
Encourager la poursuite des négociations tout en sachant qu’il est
impossible de trouver un terrain d’entente signifie créer un conflit
gelé dans les Balkans, avec toutes les conséquences que cela implique
pour la stabilité régionale et européenne et pour la pleine application
des normes pour le Kosovo. Le statut du Kosovo doit être déterminé
d’urgence. Le soutien de la communauté internationale dans son ensemble,
notamment l’Union européenne et ses Etats membres, est la condition
requise pour que ce statut soit durable.
49. Pourquoi le Kosovo devrait-il créer un précédent? Il s’agit
incontestablement d’une situation unique, que je n’ai rencontrée
nulle part ailleurs en Europe: les Nations Unies ont décidé que
le statut devait être défini, et un envoyé spécial des Nations Unies,
désigné à l’unanimité, a proposé l’indépendance.
50. Personnellement, je le répète, je pense que faute de solution
mutuellement acceptable l’indépendance est la seule solution viable.
51. J’ai écouté attentivement les arguments principaux des représentants
serbes: la Commission Badinter avait pris une position ferme en
exigeant que, dans le processus de dissolution de la Yougoslavie,
les frontières administratives soient maintenues. Cette position
a été réaffirmée dans le cadre des Accords de Rambouillet. Pourquoi
serait-ce différent dans le cas du Kosovo? Par ailleurs, priver
la Serbie de son intégrité territoriale aurait pour effet de porter
atteinte à l’ordre juridique international et risquerait d’ouvrir
la boîte de Pandore, avec une prolifération de demandes de sécession
territoriale, à la fois dans et à l’extérieur de la région. Ce dont
le Kosovo a besoin, ce n’est pas tant d’indépendance que de bonne
gouvernance, d’institutions solides, de redressement économique
et de relations de bon voisinage.
52. Bien que je comprenne le fondement de ces arguments, en général,
je continue à penser que la tension entre le principe d’autodétermination
et le respect de l’intégrité territoriale ne doit pas forcément
être réglée en faveur de la dernière solution. En fait, le cas du
Timor Leste montre bien que les Nations Unies peuvent aussi se prononcer,
dans des circonstances très spéciales, en faveur de la création
d’un Etat indépendant, quel que soit le principe d’intégrité territoriale
.
53. Sans vouloir établir un parallèle, je souhaiterais rappeler
ce qu’a dit le groupe de contact: «[Au Kosovo,] les pratiques désastreuses
du passé se trouvent au cœur des problèmes actuels»
: le
Kosovo a été privé de son autonomie en 1989; l’année suivante, le
Kosovo s’est déclaré indépendant et, en 1992, Ibrahim Rugova a été
élu Président; les Albanais ont mis en place un système parallèle;
une guerre a suivi, au cours de laquelle des atrocités ont été commises
– contre les deux parties mais dans une plus large mesure contre
la population albanaise – pour lesquelles les autorités serbes démocratiques
actuelles ne se sont jamais excusées publiquement. La question n’est
pas de punir la Serbie en la divisant mais de nous demander:
- est-il irraisonnable de se poser
la question du droit moral de la Serbie à gouverner le Kosovo?
- est-il réaliste de penser que le Kosovo pourrait de nouveau
être placé sous souveraineté de la Serbie, même formelle? Combien
de temps cette situation pourrait-elle durer?
54. Je crois que la Serbie s’en sortirait beaucoup mieux sans
le Kosovo: elle pourrait se consacrer à ses véritables problèmes
et poursuivre sa vocation européenne et démocratique.
10. Avis
divergent de la délégation de l’Assemblée nationale de la République
de Serbie auprès de l’Assemblée parlementaire
10.1. Remarques
générales
La délégation de l’Assemblée nationale de la République de
Serbie considère que Lord Russell-Johnston a réalisé un travail
remarquable pour l’élaboration du rapport sur les «Développements
concernant le statut futur du Kosovo»; elle y voit la volonté de
l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) de demeurer attentive
à la situation dans cette province.
Pour autant, ayant à l’esprit l’ensemble des objectifs, compétences,
principes et mécanismes de l’APCE, la délégation serbe s’interroge
sur l’opportunité, pour l’Assemblée, de produire des documents dans
lesquels elle exprime clairement des positions concernant le statut
de l’un de ses Etats membres. Elle exprime, en outre, des réserves
et des doutes sur l’opportunité que l’APCE prenne la liberté d’inviter
des organes tels que le Conseil de sécurité des Nations Unies (CSNU)
à imposer des solutions à un Etat membre des Nations Unies. Le but
premier de l’APCE est clairement de traiter des questions relatives
à la situation des droits de l’homme, de la démocratie et de l’Etat
de droit, de lutter contre des problèmes tels que la discrimination,
la xénophobie, l’intolérance, le terrorisme, la traite des êtres
humains, le crime et la violence et, enfin, de soutenir les réformes politiques,
législatives et constitutionnelles. Par conséquent, l’APCE devrait
se garder de prendre position sur des questions qui sont de la seule
compétence des Nations Unies. Par ailleurs, l’APCE ne devrait pas
exercer de pressions sur les pays membres du CSNU afin d’imposer
une solution (Statut du Conseil de l’Europe, article 1.c: «La participation des membres
aux travaux du Conseil de l’Europe ne doit pas altérer leur contribution
à l’œuvre des Nations Unies et des autres organisations ou unions
internationales auxquelles ils sont parties»). Par conséquent, l’APCE
devrait s’efforcer de promouvoir les modes de résolution des problèmes
conformes à ses propres valeurs, c’est-à-dire le dialogue et le
compromis.
Puisque l’examen du projet de résolution a déjà débuté, la
délégation de l’Assemblée nationale de la République de Serbie considère
que certains points, déjà mentionnés dans le présent rapport, devraient
être présentés de manière complète et détaillée, afin de garantir
l’exhaustivité et l’exactitude de l’approche.
10.2. Référence
générale aux documents utilisés par le rapporteur
Le rapporteur indique, dans la dernière phrase du paragraphe
3 du projet de résolution: «Après six cycles de discussions directes,
la troïka a conclu que les parties n’avaient pas pu trouver un compromis.»
Toutefois, si l’objectif est de fournir une vision plus détaillée
et plus complète de cette question, il faudrait mentionner que la
troïka a exprimé ses regrets, ajoutant qu’«un accord négocié est
de l’intérêt des deux parties».
Le rapporteur rappelle au paragraphe 6, ligne 4, de son projet
de document, que l’APCE, dans sa Résolution 1533, s’était déclarée favorable à une «solution imposée
par la communauté internationale», «dans le cas où les négociations
se trouveraient dans une impasse et dépasse-
raient une durée raisonnable». Toutefois, pour évoquer avec
exactitude le contenu de la Résolution
1533 de l’APCE, il faudrait citer plus longuement le passage
relatif à cette question, la citation prenant alors un sens totalement
différent. Ainsi, il convient de préciser que l’APCE s’est déclarée
favorable à «une solution de dernier recours imposée par la communauté
internationale», «dans le cas où les négociations se trouveraient dans
une impasse et dépasseraient une durée raisonnable».
En outre, il est important de souligner que, contrairement
à l’affirmation du rapporteur selon laquelle «toutes les possibilités
de parvenir à un compromis étant désormais épuisées» (paragraphe
6, ligne 1, du projet de résolution), la troïka n’a jamais déclaré
que les possibilités de parvenir à un compromis étaient épuisées,
mais uniquement qu’un accord n’avait pas été trouvé au cours de
sa mission de 120 jours.
10.3. Amendements
déposés par la délégation serbe
Lors de la réunion de la commission des questions politiques
organisée le 11 décembre à Paris, la délégation serbe a déposé les
amendements oraux suivants au projet de résolution:
Dans le paragraphe 2, après les mots «15 cycles de discussions»,
ajouter les mots «dont un seul, qui n’a pas duré plus de deux heures,
a évoqué la question du statut proprement dit».
Ces mots doivent être ajoutés afin de donner à l’Assemblée
une présentation complète de la manière dont les négociations
ont été menées sous l’égide de M. Ahtisaari, en expliquant
que, sur les 15 cycles de discussions, une partie seulement d’un
de ces cycles a été consacrée à la question du statut.
Dans le paragraphe 5, à la deuxième phrase, ligne 5, supprimer
les mots «empêche nombre de personnes déplacées et de réfugiés originaires
du Kosovo de prendre une décision quant à leur retour».
Notre amendement traduit essentiellement notre profond scepticisme
quant à la capacité d’un quelconque accord sur le statut de permettre
aux personnes déplacées et aux réfugiés de revenir chez eux. D’ailleurs,
le retour de ces personnes faisait partie de l’ensemble de normes
des Nations Unies défini avant que ne débute le processus de détermination
du statut du Kosovo («Des normes avant un statut»). De plus, l’indépendance dissuaderait
très probablement la plus grande partie de la population non albanaise
de rentrer chez elle.
Le paragraphe 6 devrait être remplacé par le paragraphe suivant:
«Par conséquent, l’Assemblée conclut que, la phase de négociations
la plus récente n’ayant pas abouti à un compromis, d’autres voies
doivent être envisagées pour garantir la poursuite des négociations
et parvenir à une solution de compromis dans un avenir proche, en
vue d’empêcher que le Kosovo ne se transforme en poudrière et ne
devienne à terme un conflit gelé dans les Balkans. Dans ce contexte,
rappelant qu’elle a adopté dans sa Résolution 1533 (2007) une position favorable à une “solution de dernier recours
imposée par la communauté internationale”, “dans le cas où les négociations
se trouveraient dans une impasse et dépasseraient une durée raisonnable”,
l’Assemblée invite les Etats membres du Conseil de l’Europe qui
sont aussi membres du CSNU, avant tout recours à une autre solution,
à s’efforcer de surmonter leurs différences actuelles et à faire
tout ce qui est en leur pouvoir pour trouver un moyen de parvenir
dans les meilleurs délais à un compromis, considéré comme la seule
garantie de paix et de stabilité pour la région.»
Le paragraphe ainsi amendé a été proposé du fait que le rapporteur
a omis d’ajouter qu’une solution ne peut être imposée qu’en dernier
recours, d’autant plus que le rapport de la troïka n’indique pas
que la fin de sa mission signifie la fin des négociations et des
discussions, ni que tous les moyens possibles pour parvenir à un
compromis ont été épuisés et que l’heure est venue d’imposer une
solution. Par ailleurs, on peut se demander si le fait d’imposer
une solution ne serait pas une violation de la Charte des Nations
Unies et des règles du droit international.
Dans le paragraphe 7, après le mot «indépendance», supprimer
le passage suivant: «, dans le cas de l’incapacité du CSNU de parvenir
à une position unanime et d’imposer une solution,». L’explication
est la même que pour l’amendement précédent. Dans le paragraphe
8, après le mot «toute», insérer les mots «action unilatérale et
toute».
Il est important de souligner que les actions unilatérales
ne contribuent pas à la paix et à la stabilité, et qu’elles auraient
même en réalité un effet opposé.
10.4. Commentaire
sur l’opinion du rapporteur sur le rôle de l’Union européenne concernant cette
question
La délégation serbe conteste fortement le paragraphe 9 du
projet de résolution, dans lequel le rapporteur invite les Etats
membres de l’Union européenne «à tout mettre en œuvre pour adopter
une position unique sur la question du statut futur du Kosovo ainsi
que sur l’attitude à prendre envers une éventuelle déclaration unilatérale
d’indépendance de la part de l’Assemblée du Kosovo». Les actions
unilatérales, par leur nature même, fragilisent et compromettent
la stabilité, en particulier dans ce contexte précis, et il ne devrait
pas être demandé aux pays de l’Union européenne de s’ingérer dans
ce qui relève de la compétence du CSNU.
Cette observation de la délégation serbe correspond pleinement
aux principes sur lesquels repose l’Union européenne (version consolidée
du Traité sur l’Union européenne, dispositions concernant une politique étrangère
et de sécurité commune, article 11: «L’Union définit et met en œuvre
une politique étrangère et de sécurité commune couvrant tous les
domaines de la politique étrangère et de sécurité, dont les objectifs
sont: la sauvegarde des valeurs communes, des intérêts fondamentaux,
de l’indépendance et de l’intégrité de l’Union, conformément aux
principes de la Charte des Nations Unies; le renforcement de la
sécurité de l’Union sous toutes ses formes; le maintien de la paix
et le renforcement de la sécurité internationale, conformément aux
principes de la Charte des Nations Unies, ainsi qu’aux principes
de l’Acte final d’Helsinki et aux objectifs de la Charte de Paris,
y compris ceux relatifs aux frontières extérieures.» Par conséquent,
la délégation serbe déposera un amendement supplémentaire à ce sujet
lors de la prochaine réunion.
10.5. Conclusions
La position officielle de la Serbie, concernant le statut
futur du Kosovo, est qu’il est nécessaire d’arriver à une solution
de compromis obtenue pacifiquement par des négociations, afin de
préserver la stabilité dans la région et au-delà. Cette solution
devra s’appuyer sur la Charte des Nations Unies, la Résolution 1244
du CSNU et l’Acte final d’Helsinki, qui fait référence à l’intégrité
territoriale des Etats. En outre, les conclusions de la Commission
Badinter mise en place par la Communauté européenne indiquaient
que la dissolution de la RSF de Yougoslavie devrait reposer exclusivement
sur le tracé des frontières administratives des anciennes républiques
(le Kosovo est une province de la Serbie; il n’a jamais été l’une
des six républiques yougoslaves).
Nous pensons qu’il est nécessaire d’étudier la question du
Kosovo, et d’en débattre, sous l’angle de la situation des droits
de l’homme, de l’Etat de droit et de la démocratie. Il est essentiel
de continuer de proposer des moyens d’améliorer cette situation.
Nous pensons que l’APCE devrait traiter des problèmes concrets,
plutôt que de la question du statut, et qu’elle devrait s’employer
à l’obtention de résultats tangibles dans ces domaines. Le projet
de résolution traite clairement de la question du statut, et la
délégation serbe considère que, dans ces conditions, l’APCE devrait
mettre davantage l’accent sur les principes qui découlent des valeurs fondamentales
incarnées par l’Organisation, avec pour outils principaux le dialogue
et le compromis.
Commission chargée du rapport: commission des questions politiques.
Renvoi en commission: Renvoi no 3324 du 16 mars 2007.
Projet de résolution adopté avec 14 voix pour, 7 voix contre
et 3 abstentions et projet de recommandation adopté à l’unanimité
le 11 décembre 2007.
Membres de la commission: M. Abdülkadir Ateş (Président),
M. Konstantin Kosachev (Vice-Président),
M. Zsolt Németh (Vice-Président), M. Giorgi Bokeria (Vice-Président),
M. Miloš Aligrudić, M. Claudio
Azzolini, M. Denis Badré, M. Radu Mircea Berceanu,
M. Andris Bērzinš, M. Aleksandër Biberaj,
Mme Guðfinna Bjarnadóttir, Mme Raisa Bohatyryova, M. Predrag Bošković,
M. Luc Van den Brande,
M. Lorenzo Cesa,
M. Mauro Chiaruzzi, Mme Elvira Cortajarena,
Mme Anna Čurdová, M. Hendrik
Daems, M. Dumitru Diacov, M. Michel Dreyfus-Schmidt, Mme Josette Durrieu, M. Frank Fahey,
M. Joan Albert Farré Santuré, M. Piero Fassino (remplaçant:
M. Pietro Marcenaro), M.
Per-Kristian Foss, Mme Doris Frommelt, M. Jean-Charles Gardetto,
M. Charles Goerens,
M. Andreas Gross, M.
Davit Harutyunyan, M. Serhiy
Holovaty, M. Joachim Hörster,
Mme Sinikka Hurskainen,
M. Tadeusz Iwiński,
M. Bakir Izetbegović, Mme Corien W.A. Jonker, Mme Darja Lavtižar-Bebler,
M. Göran Lindblad,
M. Younal Loutfi, M.
Mikhail Margelov (remplaçant: M. Victor Kolesnikov),
M. Tomasz Markowski, M. Dick Marty, M. Frano Matušić, M. Murat Mercan,
M. Mircea Mereut@, M. Dragoljub Mićunović (remplaçant: M. Željko Ivanji), M. Jean-Claude Mignon, Mme Nadezhda Mikhailova,
M. Aydin Mirzazada,
M. João Bosco Mota Amaral,
Mme Natalia Narochnitskaya, Mme Miroslava Nĕmcová,
M. Hryhoriy Nemyrya, M. Fritz Neugebauer, Mme Kristiina Ojuland,
M. Theodoros Pangalos,
M. Aristotelis Pavlidis, M. Christos Pourgourides, M. John
Prescott (remplaçant: M. John Austin),
M. Gabino Puche,
M. Lluís Maria de Puig, M. Jeffrey Pullicino Orlando,
M. Andrea Rigoni, Lord Russell-Johnston,
M. Oliver Sambevski, M. Ingo Schmitt, Mme Hanne Severinsen, M. Samad Seyidov, M.
Leonid Slutsky, M. Rainder
Steenblock, M. Zoltán Szabó, Baroness Taylor of Bolton (remplaçant:
M. Denis MacShane), M. Mehmet Tekelioğlu, M. Mihai Tudose, M.
José Vera Jardim, Mme Birutė Vėsaitė, M. Björn Von Sydow, M. Harm
Evert Waalkens, M. David Wilshire,
M. Wolfgang Wodarg, Mme Gisela Wurm, M. Boris Zala, M. Krzysztof Zaremba.
Ex officio: MM. Mátyás
Eörsi et Tiny Kox.
N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués
en gras.
Voir 4e séance, 22 janvier 2008 (adoption des projets de résolution
et de recommandation amendés); et Résolution 1595 et Recommandation
1822.