1. Introduction
1. La démocratie est un type de
société qui fonctionne grâce à la participation, à la propriété
et à l’exercice de droits et responsabilités par chaque citoyen.
En tant que projet historique, la démocratie est la première forme
de gouvernance qui ait été assumée, et non pas imposée. C’est pourquoi
l’Etat démocratique a besoin de faire atteindre un niveau minimal
de culture civique à tous ses citoyens.
2. Les établissements d’enseignement et les formateurs professionnels
ont un rôle essentiel à jouer dans ce processus. L’école est le
lieu de la transmission systémique des connaissances, où les élèves
ont l’occasion de pratiquer directement la démocratie participative
et d’apprendre à vivre dans un milieu composite. A l’âge scolaire,
les jeunes apprennent à s’organiser au sein d’organes autonomes,
à négocier et à communiquer, à résoudre des conflits de manière
non violente, à respecter les différences ainsi qu’à exercer leurs
droits et responsabilités.
3. Or, ces compétences ne s’acquièrent pas automatiquement. Il
y faut un ensemble de situations d’apprentissage créées et orientées
par les enseignants.
4. Dans cette perspective, le présent document est axé sur l’éducation
des enseignants, notamment sur l’acquisition par les éducateurs
des compétences dont ils ont besoin pour être à même de contribuer
à l’éducation à la citoyenneté démocratique et aux droits de l’homme,
ainsi que de faire face à la diversité socioculturelle d’une manière
démocratique. Nous souhaitons, ainsi, attirer l’attention sur l’importance
des enseignants dans les processus d’apprentissage démocratiques
et mettre à profit l’expérience et les compétences du Conseil de
l’Europe en la matière.
2. L’éducation des enseignants dans le
cadre du Conseil de l’Europe
5. Les professeurs et les autres
catégories d’éducateurs ont été les grands bénéficiaires des projets
du Conseil de l’Europe relatifs à l’éducation. Le Programme «Pestalozzi» est réputé pour son influence
et les compétences qu’il a permis d’acquérir dans la formation continue
des enseignants dans les domaines d’intérêt commun, tels que l’éducation
à la citoyenneté démocratique (ECD), l’éducation aux droits de l’homme
(EDH), l’éducation interculturelle et inclusive, l’enseignement
de l’histoire, le plurilinguisme et l’éducation à l’Europe.
6. En outre, chaque projet du Conseil de l’Europe relatif à l’éducation
contient au moins un composant explicitement destiné aux enseignants,
qui revêt d’ordinaire la forme d’un guide méthodologique, d’un kit d’outils
pédagogiques, voire d’un programme de formation pédagogique. Le
4e Forum de Prague (2005) était consacré à l’éducation des enseignants,
ainsi qu’aux nouveaux rôles et aux nouvelles compétences de ceux-ci
dans le nouveau contexte européen. A cette occasion, de même que
lors d’autres réunions portant sur les politiques européennes de
formation des enseignants, il a été conclu: d’une part, qu’il faut
diversifier la profession enseignante (telle que l’exercent non
seulement le professeur traditionnel, qui transmet la connaissance,
mais aussi les experts en relations sociales et en développement
de la personne, en tant que médiateurs, tuteurs, conseillers et
facilitateurs d’apprentissage) et, d’autre part, que l’apprentissage
de la démocratie nécessite une constante mise à jour des compétences
des enseignants, de telle sorte que les programmes de formation
(initiale comme en cours d’emploi) tiennent compte des impératifs
en matière de citoyenneté et de l’éducation aux droits de l’homme,
ainsi que des besoins de l’éducation à la diversité.
3. Formation
des enseignants et apprentissage de la démocratie
7. L’éducation des enseignants
se caractérise, en Europe, par une variété considérable de formules
et de cadres institutionnels. Comme l’indique une enquête que le
Conseil de l’Europe a réalisée en 2006-2007, les programmes de formation
des enseignants présentent une grande diversité de solutions, de
contenus et de situations pédagogiques. En règle générale, les programmes
de formation initiale ou en cours d’emploi reflètent la tentative
de prendre en compte les besoins relatifs à l’apprentissage de la
démocratie, dans les limites de chaque spécialisation. Les formateurs
d’enseignants se rendent compte de plus en plus que l’ECD et l’EDH
promeuvent, davantage que ne le font les cours fondés sur la connaissance,
d’une part un apprentissage fondé sur l’expérience concrète, d’autre
part la pratique directe du «vivre ensemble». Qu’ils soient donnés
sous forme de modules inclus dans d’autres programmes ou qu’ils
fassent eux-mêmes l’objet d’un programme, ces cours sont en prise
directe sur des problèmes de la vie réelle, qu’ils ont pour but
de résoudre en mettant à contribution la pratique des droits de
l’homme et de la citoyenneté. Les programmes en question reposent
sur des projets et un apprentissage par l’action, sur l’apprentissage
social et sur la résolution des problèmes. Ils ont pour utilité,
notamment, de préparer les enseignants à organiser un apprentissage
non formel et à prendre part à la gouvernance démocratique au sein
de l’école, en vue de nouer des partenariats avec les parents, les
collectivités locales et la société civile.
8. De façon très pragmatique, comme l’a mis en lumière le Programme
«Pestalozzi» du Conseil de l’Europe, l’éducation continue des enseignants
vient compléter l’éducation initiale et permet le développement ou
l’approfondissement de compétences auxquelles l’éducation initiale
ne permettait de pourvoir que d’une manière embryonnaire.
4. Compétences
essentielles à promouvoir par l’éducation des enseignants
9. Les enseignants sont le facteur
clé des processus éducatifs: il leur faut convertir les objectifs
en pratiques enseignantes effectives, lesquelles doivent aboutir
à des résultats d’apprentissage appropriés. Autrement dit, les enseignants
doivent posséder les compétences nécessaires pour mener à bien cette
série de transformations éducationnelles et managériales.
10. Selon la définition retenue dans les projets du Conseil de
l’Europe, la compétence est une série de connaissances, de capacités
et d’attitudes qui permettent à quelqu’un de résoudre les problèmes
spécifiques d’un contexte social, culturel et politique donné. Ce
que l’on entend généralement par «compétence pour la citoyenneté»
ou «compétence civique», c’est la totalité des connaissances, capacités
et attitudes permettant d’exercer les droits et responsabilités
s’inscrivant dans une «polis» (cité
ou sphère publique) déterminée.
11. Quant à la compétence professionnelle des enseignants, elle
n’est autre qu’une série de capacités spécifiques permettant à ceux-ci
de conduire des activités éducationnelles dans le domaine de la
citoyenneté, des droits de l’homme et de l’éducation à la diversité.
Elle recouvre:
- des capacités
pédagogiques;
- des capacités relatives à la matière enseignée;
- des capacités sociales et civiques.
De leur côté, les capacités civiques peuvent comprendre certaines
aptitudes et attitudes, telles que:
- l’aptitude à incorporer les principes de l’ECD et de l’EDH
dans la pratique de l’enseignement et la matière enseignée;
- la connaissance de la manière de mettre en œuvre les droits
et responsabilités dans tel ou tel contexte;
- le respect des droits des élèves et une sensibilité aux
besoins et intérêts de ceux-ci;
- l’aptitude à instaurer un climat positif dans la classe;
- des aptitudes à l’apprentissage coopératif;
- l’aptitude au travail en équipe;
- l’aptitude à assumer des responsabilités partagées;
- l’aptitude à gérer les conflits;
- l’aptitude à la médiation interculturelle;
- l’aptitude à la communication emphatique;
- l’aptitude à prendre part à un processus décisionnel collectif;
- l’aptitude à élaborer des projets et à créer des occasions
d’apprentissage non formel;
- l’aptitude à gérer des situations dues à la discrimination,
à l’injustice, au racisme, au sexisme et à la marginalisation;
- l’aptitude à aborder et à discuter ouvertement les problèmes
posés par le programme d’enseignement caché;
- l’aptitude à adapter son style d’enseignement à diverses
catégories d’élèves;
- l’aptitude à stimuler une participation active au sein
de la communauté scolaire;
- l’aptitude à prendre part à des débats publics;
- l’aptitude à encourager les échanges, l’ouverture et l’interaction.
12. Au sein du Conseil de l’Europe,
on élabore actuellement un outil qui doit servir à favoriser les compétences
des enseignants en matière d’éducation à la citoyenneté démocratique
et aux droits de l’homme. Cet outil a pour objet d’aider les Etats
membres à favoriser l’introduction et le développement des compétences pour
la citoyenneté dans le cadre du programme de formation pédagogique
initiale et en cours d’emploi des enseignants de toutes les matières.
5. Coopération
européenne dans l’éducation des enseignants à l’apprentissage démocratique
13. L’éducation des enseignants
est une activité complexe, qui exige des décideurs une attention particulière.
Le rôle des enseignants s’accroît considérablement, cependant que
l’éducation s’étend à tous les secteurs de la vie sociale et que
l’école est considérée comme un instrument de la politique de l’Etat.
Comme les principes de citoyenneté et la gouvernance démocratique
sont largement admis, les enseignants prennent une part sans cesse
croissante à la résolution de certains problèmes de proximité nécessitant
l’exercice de droits et de responsabilités.
14. L’école n’est pas seulement un endroit où se partagent et
se transmettent les connaissances; c’est aussi une institution qui
prépare à la citoyenneté active, au dialogue interculturel et à
l’inclusion sociale.
15. Cette perspective est commune à tous les systèmes d’enseignement
d’Europe. Elle va de pair avec une mission nouvelle et complexe
à laquelle les enseignants doivent se préparer. Cela présuppose
que dans l’éducation des enseignants soient incluses, non seulement
la préparation pédagogique générale ou l’éducation axée sur la matière
à enseigner, mais aussi l’acquisition de compétences dans les domaines
de l’éducation à la citoyenneté et aux droits de l’homme.
16. La coopération européenne présente à cet égard un immense
potentiel. Le Conseil de l’Europe a toujours attaché de l’importance
aux enseignants et aux autres catégories d’éducateurs en tant qu’acteurs principaux
des politiques d’enseignement de l’Europe. En effet, il possède
non seulement les compétences et l’expérience nécessaires à l’établissement
de partenariats et de réseaux opérationnels, mais aussi le prestige d’une
organisation qui s’est toujours attachée à promouvoir une éducation
axée sur les valeurs et l’engagement prioritaire des enseignants
dans l’apprentissage de la démocratie.
17. Il est souhaitable, par conséquent, que les organes décisionnaires
– en tête desquels le Comité des Ministres du Conseil de l’Europe
– émettent un message clair de soutien aux enseignants pour la contribution apportée
par ceux-ci à la coopération européenne et prient instamment les
Etats membres de prendre des mesures concrètes pour que l’éducation
des enseignants privilégie l’éducation à la citoyenneté démocratique et
aux droits de l’homme. Cela pourrait se faire, notamment, en introduisant
les compétences pour la citoyenneté dans les programmes de formation
pédagogique initiale et continue des enseignants de toutes les matières.
Commission chargée du rapport: commission de la culture, de
la science et de l’éducation.
Renvois en commission: Doc. 10998 et Renvoi no 3269 du 2 octobre 2006.
Projet de recommandation adopté à l’unanimité par la commission
le 21 mai 2008.
Membres de la commission: Mme Anne Brasseur (Présidente), Baroness
Hooper, M. Detlef Dzembritzki, M. Mehmet
Tekelioğlu (Vice-Présidents), M. Remigijus Ačas, M. Kornél Almássy,
Mme Aneliya Atanasova, M. Lokman
Ayva, M. Rony Bargetze, M. Walter Bartoš,
M. Radu Mircea Berceanu, M. Levan Berdzenishvili, Mme Oksana
Bilozir, Mme Guðfinna Bjarnadóttir, M. Jaime
Blanco García, Mme Ana Blatnik, Mme Maria
Luisa Boccia, Mme Margherita Boniver,
M. Ivan Brajović, M. Vlad Cubreacov, Mme Lena
DąbkowskaCichocka, M. Ivica Dačić, M. Joseph Debono Grech, M. Ferdinand
Devínsky, M. Daniel Ducarme,
Mme Åse Gunhild Woie Duesund, Mme Anke
Eymer, M. Relu Fenechiu, Mme Blanca Fernández-Capel,
Mme Maria Emelina Fernández Soriano,
M. Axel Fischer, M. Gvozden
Srećko Flego, M. José Freire Antunes, Mme Ruth
Genner, M. Ioannis GiannellisTheodosiadis, M. tefan Glǎvan, M. Raffi Hovannisian, M. Rafael Huseynov, M. Fazail İbrahimli, M. Mogens
Jensen, M. Morgan Johansson, Mme Liana
Kanelli, M. Jan Kaźmierczak,
Mme Cecilia Keaveney, M. Ali
Rashid Khalil, Mme Svetlana Khorkina, M. Serhii Kivalov, M. Anatoliy
Korobeynikov (remplaçant: M. Oleg Lebedev),
Mme Elvira Kovács,
M. József Kozma, M. Jean-Pierre Kucheida,
M. Ertuğrul Kumcuoğlu, M. Markku Laukkanen,
M. Jacques Legendre, M. van
der Linden, Mme Milica Marković, Mme Muriel
Marland-Militello, M. Andrew McIntosh, Mme Maria
Manuela de Melo, Mme Assunta
Meloni, M. Paskal Milo, Mme Christine Muttonen, Mme Miroslava Nĕmcová, M. Edward O’Hara, M. Kent Olsson, M. Andrey Pantev, Mme Antigoni
Papadopoulos, M. Azis Pollozhani,
Mme Majda Potrata, Mme Anta
Rugāte, Lord RussellJohnston (remplaçant: M. Robert Walter), M. Indrek Saar, M. André Schneider, Mme Albertina
Soliani, M. Yury Solonin, M. Christophe Steiner, Mme Doris
Stump, M. Valeriy Sudarenkov, M. Petro Symonenko, M. Hugo Vandenberghe,
M. Klaas de Vries, M. Piotr Wach, M. Wolfgang Wodarg, N.
N.B. Les noms des membres présents à la réunion sont indiqués
en gras.
Ce texte sera débattu ultérieurement.