1. Introduction
1. Le présent rapport correspond
à une tentative d’identifier les moyens concrets par lesquels le
Conseil de l'Europe peut aider à promouvoir les savoir-faire intervenant
dans la conservation du patrimoine culturel matériel. Il tire son
origine d’une motion portant sur les métiers anciens et traditionnels,
qui sera prise dûment en considération. Il s’agit cependant là d’un
domaine assez vaste et mal délimité. J’ai choisi d’en retenir la partie
qui concerne et achève la série de rapports que j’ai déjà présentés
au sujet de l’interface public-privé en matière de conservation
(voir le
Doc 9913 sur la fiscalité et le
Doc 10731 sur la gestion privée), à propos de laquelle le Conseil
de l'Europe a déjà fixé certaines références qui, je pense, doivent
être maintenues.
2. Dans l’établissement du présent rapport, je me suis inspiré
de l’acquis de longue date du Conseil de l'Europe, de l’expérience
de première main des centres d’artisanat de Venise et Thiene, ainsi
que des réactions des très nombreuses ONG consultées avec l’assistance
d’Europa Nostra. Ces ONG sont énumérées dans l’annexe, et leurs
contributions écrites peuvent être demandées au Secrétariat. J’ai
inclus dans le rapport certains exemples de bonne pratique portés
à mon attention. J’espère que ce rapport aura notamment pour résultat
d’en encourager d’autres à se faire connaître.
2. Métiers anciens et traditionnels
3. Des étudiants de la faculté
de droit de l’Université de Belgrade se sont penchés récemment sur
le thème des métiers anciens et traditionnels et ont élaboré à cet
égard un projet formel de Convention européenne, qu’ils ont présenté
en novembre 2005 à la Commission de la culture, de la science et
de l’éducation. Ce projet initial a ensuite fait l’objet d’un document
établi par Branko Ruzic en mai 2006 et a constitué la base d’une motion
de recommandation que M. Aligrudic et plusieurs de ses collègues
ont présenté en avril 2007 (
Doc 11268). Ce texte a aussi été examiné par le secrétariat compétent
de la partie intergouvernementale du Conseil de l'Europe, qui a
fait rapport à la Commission en janvier 2006 en indiquant qu’à son
avis, une convention spécifique sur les métiers ne s’imposait pas,
que la procédure d’élaboration d’une convention était très compliquée
et qu’il existait déjà – en matière de patrimoine – plusieurs instruments
auxquels on peut recourir pour soutenir le savoir-faire et les métiers;
en outre, au niveau de la coopération européenne, des échanges pourraient
avoir lieu dans ce domaine par le biais du réseau européen du patrimoine.
4. L’initiative des étudiants serbes est à saluer, de même que
la persévérance de Branko Rakic, leur directeur d’études. Elle a
débouché sur une exposition particulièrement remarquable d’œuvres
d’artisanat traditionnel organisée dans les locaux du Conseil de
l'Europe, à Strasbourg, durant la récente partie de session de juin
2008. Elle traduit l’enthousiasme de la jeune génération pour la
question de l’artisanat, activité digne d’appréciation. En outre,
le projet de convention est un modèle d’exercice universitaire en
termes d’analyse juridique et culturelle. Il convient toutefois
de tempérer son idéalisme en étayant ce dernier avec des négociations
multilatérales en temps réel entre représentants de pays peu désireux
de souscrire à de nouveaux accords internationaux.
5. Le manque d’intérêt de certains pays pour la négociation de
la récente Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur la valeur
du patrimoine culturel pour la société (Faro, 2005), voire leur
opposition ouverte à cette négociation, montre à l’évidence que
la signature d’instruments juridiques contraignants tels que les conventions
est cependant devenue une zone interdite à la progression de la
coopération culturelle européenne. Un observateur plus cynique pourrait
étendre cette remarque au-delà du domaine culturel. Mais il s’agit
ici d’efficacité, non de juridisme, et l’on doit rechercher le moyen
le plus efficace d’avancer.
6. C’est pourquoi je voudrais relier l’idée d’une promotion des
métiers anciens et traditionnels à l’utilité pratique de ceux-ci,
de même qu’à leur durabilité économique et au soutien politique
et financier concret à leur apporter. Je suggère que soient formulées
des propositions spécifiques et ciblées s’agissant des différents métiers
concernés. Les acteurs les mieux placés pour agir à cet égard sont
les professions elles-mêmes (anciennes guildes, fédérations et associations
professionnelles, syndicats et groupe nationaux de formation spécialisée).
Le domaine des métiers est très vaste, puisqu’il peut aller des
sports traditionnels à la gastronomie. D’une manière générale, cette
question gagnerait sans doute à être traitée en tant qu’aspect de la
diversité culturelle et de la durabilité et promue à titre spécifique.
7. L’artisanat se prête amplement aussi à d’intéressantes analyses
socioculturelles. André Delehedde, qui a fait rapport à l’Assemblée
sur l’artisanat en 1982 (
Doc
4938 et Res 782), a mentionné alors une étude de Gilbert
Sommier sur le déclin des métiers d’artisanat en Europe. De son
côté, Richard Sennett a fait en la matière une analyse plus récente
(2008). Cette question comporte de passionnants aspects annexes,
tels que la distinction entre travail manuel et aptitudes intellectuelles,
technique et art, Homo laborans ou Homo faber. La situation a évolué
avec le temps, mais les problèmes fondamentaux restent tels qu’on
les a identifiés, dans le passé, à la différence d’approche entre
Platon et Aristote, ainsi qu’à la concurrence entre le rôle social
et le rôle commercial des guildes.
8. On mentionnera singulièrement, à cet égard, l’activité de
l’École des arts traditionnels du Prince de Galles, à Londres (Prince
of Wales’ School of Traditional Arts).
9. Pour conclure cette partie, les métiers anciens et traditionnels
peuvent être intéressants pour des raisons académiques, artistiques
et touristiques; leur diversité est manifestement à remarquer; mais
leur survie dépend de leur pertinence et de leur viabilité, ainsi
que du soutien actif des organisations non gouvernementales, et
non de l’intervention de l’État. Cela étant, il importe toutefois
que les gouvernements ou la réglementation de l’Union européenne
n’aillent pas à l’encontre de la survie des métiers et savoir-faire.
3. Métiers et savoir-faire de la conservation
du patrimoine culturel
10. C’est là un domaine qui n’est
nouveau ni pour le Conseil de l'Europe, ni pour l’Assemblée, dans
lequel l’Organisation a fourni un travail important et concret et
qu’elle doit continuer à suivre. Comme indiqué au début, je traite
du patrimoine matériel, qui couvre des constructions telles que
les bâtiments et les ponts, les gardiens et les paysages, le patrimoine
mobilier (tel que peintures, sculptures, cloches et instruments
de musique et livres) et le patrimoine mobile (véhicules terrestres,
bateaux et aéronefs).
11. Le Conseil de l'Europe a tenu plusieurs grandes conférences
sur les métiers et savoir-faire de la conservation du patrimoine
culturel; les plus pertinentes sont celles-ci:
- Congrès sur les métiers et l’artisanat,
Fulda, juin 1980
- Symposiums européens des entreprises de restauration du
patrimoine architectural, Strasbourg, juin 1991 et juin 1998
- Colloque sur la promotion de l’histoire de l’art en Europe,
Venise, novembre 2002
D’autre part, cette question a été soulevée lors de conférences
des ministres spécialisés.
12. Les textes les plus pertinents
publiés à cet égard sont les suivants:
- Charte européenne du patrimoine architectural et Déclaration
d’Amsterdam (1975)
- Rec 849 (1978) de l’Assemblée sur Pro Venetia Viva et
le Centre européen de formation d’artisans (Doc 4190, rapport d’Olaf Schwencke)
- Res 782 (1982) de l’Assemblée sur l’artisanat (Doc 4938, rapport d’André Delehedde, document qui résume les
travaux menés en la matière par le Conseil de l'Europe depuis 1965)
- Rec 1621 (2003) de l’Assemblée sur la promotion de l’histoire
de l’art en Europe (Doc
9881, rapport d’Eddie O’Hara, dont une partie est consacrée
à la formation des ouvriers qualifiés de la restauration)
- Rec (80) 16 du Comité des Ministres concernant la formation
spécialisée des architectes, urbanistes, ingénieurs du génie civil
et paysagistes
- Rec (81) 13 du Comité des Ministres concernant les actions
à entreprendre en faveur de certains métiers menacés de disparition
dans le cadre de l'activité artisanale
- Rec (86) 15 du Comité des Ministres relative à la promotion
des métiers artisanaux intervenant dans la conservation du patrimoine
architectural
Voir également la Convention européenne du paysage (2000),
Article 6, et la Convention de Faro (2005), Article 13.
13. Passablement plus importante,
cependant, est l’action concrète en matière de formation et d’information,
à laquelle l’Assemblée a pris une très large part.
14. La création à Venise, en 1977, du Centre européen de formation
d’artisans pour la conservation du patrimoine architectural a été
une des mesures les plus concrètes que le Conseil de l'Europe ait
jamais prises. Sous la pression de l’Assemblée et avec l’engagement
personnel du Secrétaire général adjoint de l’époque, le comte Sforza,
ce centre fut créé en tant qu’agence opérationnelle de la Fondation
européenne Pro Venetia Viva, d’abord à San Pasquale. Par la suite,
il fut réinstallé dans l’île de San Servolo, avec le soutien de
la Province de Venise, et il devint membre actif des Organisations
privées pour la sauvegarde de Venise. Notre commission culturelle
s’y est rendue à plusieurs reprises, et il a accueilli en 2002 notre
conférence sur l’histoire de l’art. Le Centre fut officiellement
reconnu par le Conseil de l'Europe au début de 1994, et le Président
de l’Assemblée était Président d’office du conseil de direction
de la Fondation européenne Pro Venetia Viva. La gestion du Centre
passa ensuite dans des mains italiennes. La présence du Centre à
San Servolo devait attirer l’attention, mais aussi les critiques
des autorités. À mesure que l’île se développait, le Centre devint
un enjeu de la politique locale. Il n’était pas aussi bien géré
qu’il aurait pu l’être. Il a fini par fermer, et ses équipements et
dossiers – y compris les chefs-d’œuvre de ses stagiaires – sont
tombés dans l’oubli en 2007.
15. Tel un phénix, le Centre a vu son esprit resurgir dans la
Villa Fabris, à Thiene, où il bénéficie du soutien généreux de l’Association
Confartigianato de Vicenza. Je me suis rendu en avril 2008 au nouveau
Centre et j’ai été très impressionnée par ses locaux, son contexte
culturel d’architecture palladienne et vernaculaire, ainsi que l’esprit
d’entreprise de ses nouveaux mécènes. Je pense que le Comité des
Ministres devrait renouveler la reconnaissance du Conseil de l'Europe
pour le nouveau Centre européen de Thiene afin de soutenir la part prise
par celui-ci à la promotion des politiques et métiers de la conservation.
16. L’idée initiale, qui était de sauver Venise, a vite fait place
à l’idée beaucoup plus générale de promouvoir le savoir-faire en
question à tous les niveaux. Les cours dispensés à Venise, puis
maintenant à Thiene, ont pour caractéristique principale d’être
multilingues (anglais, français, allemand et italien à l’heure actuelle),
ainsi que de mettre l’accent sur le travail d’équipe dans la gestion
de la conservation in situ (ce
qui vaut pour l’historien de l’art et l’architecte comme pour l’artisan)
et la participation à la réalisation de projets réels dans la région.
Nous devons réaffirmer notre soutien de ce principe. Les cours ont
commencé à Thiene en 2007; le programme 2008 comporte des cours
intensifs à partir de février et pendant toute l’année, de même
que sur la conservation du patrimoine architectural, trois mois
durant, d’avril à juillet. Les contributions de Sir Bernard Fielden
et de Wolf Elbert sont à mentionner dans ce contexte.
17. D’autres centres dispensent des cours de formation à la conservation.
Un gros travail est accompli actuellement au niveau national. En
1995, le Conseil de l'Europe a publié une liste d’environ 190 établissements
sous la forme d’un Répertoire européen des centres de formation
en métiers et savoir-faire relatif au patrimoine. La plupart étaient
des centres nationaux; relativement peu étaient européens ou internationaux,
ce qui est encore le cas aujourd’hui. En plus de ce que fait le
Conseil de l'Europe, je tiens à mentionner le travail fourni par
le Centre international d’études pour la conservation et la restauration
des biens culturels. Organisation gouvernementale ayant son siège
à Rome, l’ICCROM œuvre dans ce domaine depuis 1965 et prépare actuellement
son deuxième cours sur la conservation du patrimoine bâti (mars
et avril 2009), ainsi que son seizième cours sur la conservation
de la pierre (avril-juillet 2009). Le nombre de stagiaires participant
à ces cours internationaux est inévitablement très limité. D’autres
centres de portée internationale ont attiré mon attention: le Centre
de formation aux métiers du patrimoine de Görlitz (Allemagne), le
Collège nautique d’Enkhuizen (Pays-Bas) et le centre international
de conservation du patrimoine bâti de Bontida (Roumanie).
18. La réflexion sur la conservation est en train d’évoluer. Par
exemple, on accorde maintenant plus d’importance à l’entretien régulier
qu’à la restauration intégrale. Des techniques et des matériaux
nouveaux s’élaborent, et les anciens sont mieux compris. L’étude
de la manière dont un bâtiment a été conçu et construit est jugée
pertinente pour la conservation actuelle dudit bâtiment: cette remarque
m’a été faite par Guido Beltramini, Directeur du Centre international
d’études d’architecture Andrea Palladio, à Vicenza, et les usages nouveaux
appellent des solutions nouvelles.
19. Comme l’a déclaré dernièrement Donald Hankey, Président d’Icomos
Royaume Uni, on va maintenant devoir faire face à de nouveaux défis
en matière de conservation, notamment dans le contexte de la durabilité comme
dans celui des avantages sociaux et économiques de l’investissement
dans les métiers du patrimoine, y compris le soutien des collectivités
locales défavorisées et l’assistance apportée aux PME pour assurer
des emplois durables aux populations locales.
20. Il faut prêter attention aussi au maintien des savoir-faire
traditionnels dans le maniement comme dans la restauration du patrimoine,
ce qu’a souligné European Maritime Heritage.
21. Il existe dans tout cela un réel besoin de formation et, plus
généralement, d’échange effectif d’informations. Par exemple, il
serait utile de disposer d’une information en ligne sur les techniques
de conservation et les produits recommandés. Mais on va toucher
alors à des questions hautement controversées: ainsi les professionnels
discutent-ils longuement des mérites comparés du PVC et du bois
pour les bâtis de fenêtre, ou encore de l’enduit à la chaux et de
la peinture au silicone. De plus, la préférence donnée à un produit
par rapport à un autre pour le même usage est commercialement sensible.
Mais je crois qu’il faut aller dans cette direction et que ce genre
d’information doit devenir disponible au niveau européen. Le Conseil de
l'Europe, il est vrai, élabore à l’heure actuelle des outils d’information
sur la politique culturelle, y compris celle intéressant le patrimoine.
Les sites pertinents sont HEREIN et Compendium. Ce type d’information présente
un caractère largement administratif et concerne davantage la politique
que la pratique. Elle n’est donc pas encore aussi pertinente vis-à-vis
du domaine plus concret dont traite le présent rapport.
22. La question des procédures et produits normalisés prête à
controverse, car certains craignent à juste titre à juste titre
de voir imposer ainsi des produits qui n’ont pas forcément été mis
à l’épreuve ou que l’on cherche à promouvoir pour des motifs purement
commerciaux. Le Conseil de l'Europe doit prendre à cet égard l’initiative
d’un débat ouvert et informé visant à rendre une évaluation possible
plus qu’à imposer des normes. Il doit favoriser les échanges européens
de savoir-faire et de personnel, remettant ainsi en honneur une
des traditions les plus efficaces de la création architecturale
et artistique de notre continent. On m’a assuré que ce processus
venait justement d’être inauguré par le RIBA (Royal Institute of
British Architects) et l’IHBC (Institute of Historic Building Conservation),
Royaume-Uni. Une approche commune s’impose au niveau européen.
23. La réglementation en matière de sécurité et de risque incendie
et autre suscite davantage de controverses, par exemple en ce qui
concerne l’obligation de ménager des issues de secours et des accès pour
handicapés aux bâtiments historiques ou au pont des voiliers anciens.
Des ateliers pourraient s’avérer utiles dans ces domaines, notamment
s’ils sont conduits par les organes de l’Union européenne chargés d’introduire
les règlements correspondants.
24. La participation du secteur privé est manifestement souhaitable.
L’Assemblée lui a ouvert la porte en organisant deux conférences
avec des représentants des entreprises de restauration, en 1991
et 1998 respectivement. Il a été créé une association européenne
(Association européenne des entreprises de restauration du patrimoine
architectural, AEERPA), qui n’a cependant des branches que dans
neuf pays d’Europe. Le contact a été maintenu depuis, entre autres
par le biais des projets que la DG IV du Conseil de l'Europe réalise
en Europe du Sud-Est. Il y aurait lieu de clarifier les relations
avec certains individus, ainsi qu’avec l’Union européenne. Le principe
d’une coopération avec le secteur privé n’en reste pas moins valide. On
devrait insister davantage sur l’extension du savoir-faire et les
conseils à prodiguer aux entreprises privées d’Europe centrale et
orientale ou du Caucase du Sud qui s’occupent du patrimoine local
que sur la recherche de contrats pour des entreprises d’Europe occidentale
dans ces régions. Là encore, c’est l’affaire du secteur privé, le
rôle de l’État consistant à prodiguer des encouragements en facilitant
l’accroissement des capacités pertinentes.
25. Les ONG jouent le double rôle important qui consiste à canaliser
l’enthousiasme des bénévoles tout en élevant le niveau de savoir-faire.
Europa Nostra a apporté sa reconnaissance à ce secteur et – à Bergen,
en 2005 – a attiré l’attention sur le degré d’auto-assistance existant
en Norvège (dugnod). Le prix qu’elle décerne chaque année comporte
une catégorie pour l’éducation, la formation et la sensibilisation.
26. On ne doit pas oublier la situation particulière des propriétaires
d’un bien historique qui souhaitent y faire eux-mêmes des travaux.
Que ce soit comme artisans ou comme propriétaires privés responsables
de leur bien, ils ont un rôle direct à jouer et leur apport peut
accroître considérablement les ressources financières et autres
disponibles pour la conservation. Il importe que leur participation
soit aussi conforme que possible aux principes de conservation.
4. Il convient d’intensifier la coopération
internationale
27. Une manière d’y parvenir est
d’encourager davantage la mise en réseau de métiers du patrimoine.
La fondation européenne Pro Venetia Viva a créé le Centre de Venise
en tant que projet pilote initialement limité aux métiers de conservation
architecturale. En 1995, l’initiative a été prise d’étendre la portée
de cette fondation en faisant d’elle un réseau européen chargé de
favoriser tous les métiers du patrimoine, connu sous la dénomination
officielle «Fondation Venetia – Fondation européenne pour les métiers
du patrimoine» (désignée ci-après par son sigle français FEMP).
Puis, en novembre 1998, une «Association FEMP» a été enregistrée
à Strasbourg (car pour pouvoir être financée par l’Union européenne,
la nouvelle institution devait avoir son siège dans un pays membre
de l’Union, ce qui n’était pas le cas de la Fondation PVV initiale,
qui avait son siège en Suisse). La FEMP a mené à bien diverses activités
qui ont démontré son utilité, notamment comme moyen unique d’attirer
les crédits de l’Union européenne (par exemple pour le vaste projet
HEREIN), mais aussi comme moyen de répandre l’information sur les
métiers du patrimoine. Je suis devenu Président de la FEMP en mars
1998 et le suis toujours aujourd’hui, car aucune action n’a été
entreprise par suite de la décision de Walter Schwimmer, alors Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe, de retirer à la Fondation les crédits
et le personnel du Conseil de l'Europe à la fin de l’année 2001.
Le susnommé a pris sa décision malgré les interventions de l’Assemblée
et une proposition directe de la conférence ministérielle spécialisée
de Portoroz tendant à ce que la FEMP soit «officiellement placée
sous les auspices du Conseil de l'Europe». Une action s’impose,
d’ailleurs, pour résoudre cette situation, soit en relançant l’action
de la Fondation, soit en fermant celle-ci. Personnellement, j’aimerais
faire revivre cette fondation, car je la crois nécessaire, mais
j’ai besoin pour cela d’un soutien financier et politique.
28. Une autre manière d’y parvenir est d’étudier constamment et
intégralement les compétences disponibles en matière de conservation.
Cette tâche pourrait être accomplie par le Conseil de l'Europe en conjonction
avec l’Union européenne, l’ICCROM et d’autres agences spécialisées
ou organismes professionnels – tels le RIBA ou l’IHBC au Royaume-Uni
et des ONG comme REMPART en France – afin d’élaborer une stratégie
européenne pour la gestion concertée de la conservation du patrimoine.
Cette stratégie devrait couvrir le problème de la reconnaissance
des qualifications professionnelles, pour la résolution duquel le
récent Cadre européen des qualifications (2008) suggère une approche
pratique. La création au Royaume-Uni, en avril dernier, de la Heritage
Skills Task Force devrait aussi bénéficier d’un soutien.
5. Conclusion
29. Le Conseil de l'Europe a la
possibilité de coordonner son rôle dans l’éducation, la formation
et l’emploi avec sa prééminence traditionnelle dans le domaine du
patrimoine culturel. Il pourrait réaffirmer son rôle dans le domaine
du patrimoine par la création d’un réseau des métiers de conservation
du patrimoine en partenariat avec le secteur privé. Il devrait profiter
de la réinstallation du centre de conservation à Thiene pour lancer
cette activité. Il devrait aussi promouvoir la création d’autres
centres, notamment en Europe centrale et orientale. Enfin, il devrait
lancer une étude permanente et exhaustive des compétences disponibles
en matière de conservation. Le rôle du secteur non gouvernemental
est vital, et il convient d’encourager pleinement les organismes
qui travaillent dans ce domaine.