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Rapport | Doc. 11989 | 09 juillet 2009

L’éducation culturelle: promotion de la culture, de la créativité et de la compréhension interculturelle par l’éducation

(Ancienne) Commission de la culture, de la science et de l'éducation

Rapporteure : Mme Christine MUTTONEN, Autriche, SOC

Origine - Renvois en commission: Doc. 11327 rév, renvoi n° 3379 du 5 octobre 2007. 2009 - Quatrième partie de session

Résumé

L’éducation culturelle, qui concerne à la fois l’apprentissage et la pratique des arts ainsi que par les arts, à l’aide d’outils pédagogiques transversaux, doit aussi être perçue comme l’utilisation de l’art pour promouvoir des objectifs culturels et sociaux, notamment le respect mutuel, la compréhension et la tolérance, l’appréciation de la diversité, le travail en équipe et d’autres compétences sociales, ainsi que la créativité, l’épanouissement de la personne et la capacité à innover.

Les qualifications et compétences des citoyens deviennent notre matière première essentielle. Les méthodes d’éducation culturelles et artistiques doivent être intégrées à l’éducation formelle, notamment à l’école. Les Etats doivent faciliter l’accès à l’éducation culturelle des jeunes des milieux défavorisés, minoritaires ou immigrés, ou issus de régions culturellement défavorisées, afin de prévenir les tendances à l’isolement ou au repli dans des sociétés parallèles. Ils doivent veiller à ce que chacun puisse satisfaire ses besoins en matière d’éducation, en garantissant la disponibilité d’enseignants correctement formés et l’accès à la culture et à l’art.

A. Projet de recommandation

(open)
1. L’Assemblée parlementaire réaffirme l’importance fondamentale de l’éducation pour tous les individus et pour la société dans son ensemble, et rappelle qu’en vertu de l’article 26, paragraphe 2 de la Déclaration universelle des droits de l’homme (10 décembre 1948), l’éducation doit viser au plein épanouissement de la personnalité humaine et au renforcement du respect des droits de l’homme et des libertés fondamentales, ainsi que favoriser la compréhension, la tolérance et l’amitié entre les nations et les groupes ethniques ou religieux. Le Livre Blanc du Conseil de l’Europe sur le dialogue interculturel du 7 mai 2008 reconnaît toutes les formes d’expression artistique comme des outils d’éducation interculturelle.
2. Le droit à l’éducation est un droit fondamental garanti par l’article 2 du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme. L’éducation doit être le moteur des nouvelles structures sociales et économiques du monde d’aujourd’hui, caractérisé par la rapidité des changements, l’accélération de la mondialisation et la complexité des relations économiques, sociétales et culturelles.
3. L’éducation culturelle, qui concerne l’apprentissage et la pratique des arts ainsi que par les arts, à l’aide d’outils pédagogiques transversaux, doit aussi se servir de l’art pour promouvoir des objectifs culturels et sociaux, notamment le respect mutuel, la compréhension et la tolérance envers autrui, la mise en valeur de la diversité, le travail en équipe et d’autres compétences sociales, ainsi que la créativité, l’épanouissement de la personne et la capacité à innover. L’éducation culturelle peut aider à créer des synergies au-delà de la diversité culturelle par le biais d’un dialogue positif et constructif. La promotion de la créativité et la capacité à innover sont indispensables au développement de la personnalité et pour relever les défis de la vie quotidienne. L’expression et l’expérience artistiques favorisent les capacités de coordination et les compétences fondamentales, renforçant ainsi les facultés d’apprentissage de l’enfant dès le plus jeune âge.
4. L’Assemblée rappelle la Feuille de route de l’UNESCO pour l’éducation artistique, adoptée par la Conférence mondiale sur l’éducation artistique: Développer les capacités créatrices pour le 21e siècle (Lisbonne, 6-9 mars 2006) et salue l’initiative de l’Union européenne «Année européenne de la créativité et de l’innovation» en 2009. Elle regrette l’absence, à l’échelle européenne, d’un programme permettant d’évaluer de manière adéquate l’éducation culturelle et les compétences sociales acquises à l’école.
5. L’Assemblée a beaucoup soutenu les politiques éducatives liées à la culture, notamment par le biais de ses Recommandations 1833 (2008) «Promouvoir l’enseignement des littératures européennes», 1717 (2005) relative à l’éducation aux activités de loisirs, 1621 (2003) relative à la promotion de l’histoire de l’art en Europe, 1437 (2000) relative à l’éducation non formelle, 1104 (1989) relative à la danse et 929 (1981) relative à l’éducation musicale pour tous.
6. Généralement, l’éducation est dispensée dans les écoles et les établissements d’enseignement supérieur ainsi que de manière informelle par les médias, les établissements culturels et l’art. L’art peut renforcer utilement l’éducation formelle. Il est indispensable que les méthodes d’éducation culturelle et artistique soient intégrées à l’éducation formelle, notamment à l’école. Les nouvelles technologies de l’information et de la communication ont considérablement accru les possibilités d’éducation culturelle, dans un contexte formel ou informel, et son impact.
7. Une éducation réussie implique des capacités de raisonnement logique et d’abstraction, d’imagination et de sensibilité, ainsi que de la créativité et de la mémoire culturelle, mais avant tout des compétences de communication. La communication exige des capacités à apprendre et à vivre en société ainsi que des connaissances de base au sens large, qui couvrent non seulement l’expression orale, la lecture et l’écriture, mais aussi un bagage informatique, culturel et artistique.
8. La communication artistique pourrait notamment venir en aide aux personnes ayant des difficultés en matière d’expression orale, de lecture ou d’écriture, que ces difficultés résultent de problèmes physiques, psychologiques ou éducatifs. Pour exercer pleinement leur droit à l’éducation, les personnes ayant des besoins spécifiques doivent avoir accès à une éducation renforcée et plus globale, couvrant notamment l’éducation culturelle.
9. L’alphabétisation est une condition fondamentale à la participation et à la contribution active dans société démocratique. Malgré un taux d’analphabétisme en Europe qui se situe en-dessous du taux mondial estimé qui serait de 10 à 20 %, un certain pourcentage d’Européens d’origine immigrée ont une méconnaissance fonctionnelle de la langue de leur pays ou région de résidence. Cet analphabétisme culturel est un obstacle à la participation à la vie sociale et à la compréhension mutuelle entre les différents groupes sociétaux.
10. L’Assemblée réaffirme que les Etats membres doivent garantir la liberté et la diversité de l’expression artistique et culturelle en vertu de l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’homme. Les établissements d’enseignement et les institutions culturelles, qui représentent tout l’éventail des pratiques artistiques et culturelles, doivent mettre sur pied des projets communs pour garantir une approche active et vivante des diverses expressions culturelles.
11. Les établissements d’enseignement doivent mettre sur pied des projets internationaux de coopération dans le domaine de l’éducation culturelle, notamment dans les régions connaissant des tensions politiques. Les Etats membres doivent soutenir les établissements d’enseignement dans ces projets par des actions de sensibilisation, l’octroi de financements, en facilitant la délivrance de visas si nécessaire, en garantissant la reconnaissance mutuelle des enseignements culturels et en dotant ces établissements des pouvoirs administratifs leur permettant de conclure des accords de coopération transfrontalière. Ils doivent veiller à ce que chacun puisse satisfaire ses besoins en matière d’éducation, en garantissant la disponibilité d’enseignants correctement formés et l’accès à la culture et à l’art.
12. L’Assemblée accueille favorablement l’organisation d’une réunion avec les comités internationaux du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et de l’Association internationale pour l’évaluation du rendement scolaire (IEA) afin d’étudier les fondements pédagogiques et idéologiques de leurs travaux et d’examiner la possibilité d’étendre le champ de leurs évaluations pour y inclure le sens civique, les compétences créatives et l’éducation culturelle.
13. L’Assemblée demande au Secrétaire Général du Conseil de l’Europe d’aider les Etats membres, les établissements d’enseignement, les institutions culturelles et les enseignants à élaborer et à entretenir des projets d’éducation culturelle, ainsi qu’à partager des informations sur les bonnes pratiques, par le biais, par exemple, du Centre Nord-Sud à Lisbonne, du European Wergeland Centre à Oslo et du Centre européen pour les langues vivantes à Graz.
14. L’Assemblée invite les ministres de l’éducation des Etats membres et observateurs du Conseil de l’Europe:
14.1. à soutenir la recherche en vue d’élaborer des stratégies nationales d’éducation culturelle axées sur l’enseignement scolaire, l’éducation informelle et l’apprentissage tout au long de la vie;
14.2. à rendre obligatoire, dans l’enseignement scolaire, une éducation culturelle dispensée par des enseignants d’art qualifiés, et à offrir une formation dans ce domaine à tous les enseignants;
14.3. à faciliter l’accès à l’éducation culturelle des jeunes des milieux défavorisés, minoritaires ou immigrés, ou issus de régions culturellement défavorisées, afin de prévenir les tendances à l’isolement ou au repli dans des sociétés parallèles;
14.4. à offrir des lieux de dialogue et d’apprentissage aux individus de tous âges et de toutes origines, ainsi qu’aux personnes éloignées des arts, afin de promouvoir l’intégration et la cohésion par l’éducation culturelle;
14.5. à promouvoir la diversité culturelle ainsi que le respect et la tolérance vis-à-vis des autres cultures, par exemple en distinguant une culture spécifique de l’identité nationale, tout en reconnaissant les racines culturelles communes et les liens culturels historiques en Europe et au-delà;
14.6. à reconnaître dans l’enseignement du patrimoine culturel que la culture et l’art sont des expressions libres et vivantes qui caractérisent l’humanité.
14.7. à mettre au point au niveau national une procédure d’évaluation de l’éducation culturelle et des compétences sociales dans le cadre de l’évaluation des connaissances, en complément du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) de l’OCDE et des autres programmes de contrôle des résultats de l’éducation.
14.8. à élaborer, en coopération avec le Conseil de l’Europe, des projets concernant la mise en œuvre de la Feuille de route de l’UNESCO pour l’éducation artistique, et les présenter à la prochaine conférence mondiale sur l’éducation artistique, qui doit avoir lieu à Séoul en 2010.
15. En conséquence, l’Assemblée recommande au Comité des Ministres:
15.1. de transmettre cette Recommandation aux autorités nationales compétentes et à la 23e session de la Conférence permanente des ministres européens de l’Éducation qui se tiendra en juin 2010 en Slovénie;
15.2. d’élaborer un cadre politique pour l’évaluation de la réussite éducative concernant les compétences sociales des étudiants, notamment dans des domaines tels que la connaissance culturelle, la créativité, le travail d’équipe et la compréhension interculturelle;
15.3. examiner les différences entre les sexes au niveau de la réussite éducative, et mettre au point des stratégies en faveur d’un soutien à l’éducation différencié selon les sexes au niveau national, notamment au moyen de mesures culturellement ciblées dans l’éducation primaire;
15.4. de reconnaître le droit à l’éducation culturelle, d’élaborer des programmes visant à aider les Etats membres à assurer la mise en œuvre adéquate du droit à l’éducation en vertu de l’article 2 du Protocole additionnel à la Convention européenne des droits de l’homme, et de veiller au suivi de cette mise en œuvre, notamment en ce qui concerne les populations de milieux défavorisés, minoritaires ou immigrés, afin de combattre l’analphabétisme culturel et d’éviter l’élargissement du fossé éducatif et culturel au sein de la société.

B. Exposé des motifs par Mme Muttonen, rapporteur

(open)

1. Introduction

1. En tant que promoteur de la proposition de recommandation sur ce projet, et rapporteur de la commission de la culture, de la science et de l’éducation, je tiens à exprimer ma gratitude à Mme Barbara Putz-Plecko, de l’Université des arts appliqués de Vienne, qui a préparé le rapport général 
			(1) 
			Voir: <a href='http://dieangewandte.at/rapportdefond_educationculturelle_fr08'>http://dieangewandte.at/rapportdefond_educationculturelle_fr08</a> 
			(1) 
			<a href='http://dieangewandte.at/hintergrundbericht_kulturellebildung_de08'>http://dieangewandte.at/hintergrundbericht_kulturellebildung_de08</a> et participé à un échange de vues avec la commission. Mes remerciements vont également aux membres de la commission qui ont participé aux discussions animées lors de plusieurs réunions de la commission et apporté d’utiles contributions à ce travail.
2. Simon Rattle fait l’analyse suivante: «En matière d’éducation, il devient évident que la société est en train de changer: nous n’avons plus rien à faire d’un modèle de ruche où un millier d’abeilles ouvrières étaient au service d’une reine. Dans les milieux professionnels, tout le monde me dit que nous éduquons les jeunes en fonction des besoins d’aujourd’hui. Nous n’avons pas besoin d’individus au système de pensée rigide. Il nous faut des personnes capables d’une vision globale, qui sachent créer des liens, des liens inattendus. Et c’est bien dans ce domaine que les arts excellent et que l’éducation artistique peut apporter plus que toute autre discipline».
3. L’éducation doit prendre en considération les défis que lui lance la société. Le monde est caractérisé par une évolution rapide, une mondialisation croissante et des relations économiques, sociétales et culturelles toujours plus complexes. L’information, l’éducation et le savoir deviennent progressivement les moteurs des nouvelles structures socio-économiques. Les qualifications et compétences des citoyens deviennent ainsi notre matière première essentielle, et donc des facteurs déterminants dans la compétition internationale. Elles sont la clé de l’avenir de chacun de nos pays.
4. Selon le ministère fédéral autrichien de l’Education, des Sciences et des Arts: «Pour anticiper ces énormes défis que nous devons relever, il faut jeter les fondements d’une éducation appropriée qui fournira les jalons et l’orientation nécessaires et nous permettra une approche constructive et critique face à un monde en rapide évolution».
5. Les établissements d’enseignement doivent non seulement comprendre, mais aussi anticiper l’évolution des besoins, afin de préparer correctement les enfants et les adolescents à la vie professionnelle et sociale. Dans ce sens, l’art et la culture constituent des éléments indispensables d’une éducation globale ayant pour but le bien-être de chaque individu, son épanouissement optimal et sa participation active à la vie de la société en tant que membre créatif de la collectivité.
6. La capacité à relever de manière efficace les défis auxquels sont confrontés la société et chaque individu, la capacité de gérer de manière responsable les ressources et l’environnement, de bonnes compétences relationnelles et de communication, une bonne capacité de réflexion ainsi que la capacité d’apprendre, de prendre des décisions et d’agir avec compétence sont des objectifs de l’éducation dont la réalisation contribue considérablement à améliorer la vie.

2. L’éducation artistique et culturelle

7. Ainsi, l’expérience artistique favorise des processus d’apprentissage extrêmement importants, comme par exemple la reconnaissance et la prise en compte de la différence, ou bien la capacité de trouver des correspondances et d’établir des liens au sein d’un groupe hétérogène.
8. Par sa vision du monde et son approche de la créativité, l’art peut, comme la science, contribuer au développement global de la société. En outre, l’éducation culturelle crée une base constructive pour les rencontres et les discussions, la coexistence et la coopération. L’art constitue une des bases de la culture générale et non pas un luxe qui peut éventuellement se rajouter lorsque tous les autres objectifs de l’éducation sont atteints.
9. La mission de l’école dans notre société consiste non seulement à transmettre des savoirs et des compétences à nos enfants, mais aussi à ouvrir des espaces d’expérimentation et de développement permettant aux jeunes de mieux se connaître et se familiariser avec le monde, et favorisant l’épanouissement de leur personnalité.
10. L’éducation «dans les disciplines artistiques» et l’éducation «par les arts» sont les clés de l’éducation culturelle au sens large, dont elles constituent en même temps des éléments essentiels. Selon la Déclaration universelle des droits de l’homme, l’éducation doit viser l’épanouissement de la personnalité, des talents et des aptitudes mentales et physiques de chaque enfant.
11. Selon l’analyse d’Anne Bamford dans l’inventaire mondial comparatif et systématisé qu’elle a réalisé pour l’UNESCO, intitulée The WOW Factor, l’éducation culturelle, à savoir l’éducation dans les disciplines artistiques et l’éducation par les arts (qui utilise les méthodes de l’enseignement artistique comme outils pédagogiques dans toutes sortes de disciplines), contribue de manière importante à cet objectif. Elle est en effet un moteur du développement personnel.
12. Les parents sont de plus en plus conscients de ce fait. En Autriche, la dernière enquête culturelle de l’Institut de recherches sociales empiriques (Ifes, Institut für Empirische Sozialforschung) a révélé que les parents souhaitent plus d’art et de culture à l’école, parce qu’ils considèrent l’éducation culturelle extrêmement importante pour le développement de la personnalité de leurs enfants. De son côté, le Conseil nordique vient de désigner l’éducation culturelle comme un domaine auquel l’école devra accorder plus d’attention dans les années à venir, pour le développer en conséquence.
13. Les processus artistiques permettent de découvrir le monde «autrement». L’apprentissage est un processus créatif. Ce que nous apprenons dépend en grande partie de la manière dont nous apprenons: du lieu, de l’ambiance, du temps et du rythme de l’apprentissage, ainsi que de la clarté de l’enseignement. Les méthodes d’enseignement inspirées par l’art ouvrent de nouveaux espaces d’expérimentation et de développement. C’est un constat facilement identifiable, examiné et décrit dans de nombreuses études. Elles permettent de transmettre des connaissances et des idées de manière extrêmement vivante et claire. Elles favorisent une compréhension positive de la diversité, d’approches différentes et de points de vue multiples – en permettent, par exemple, de comprendre qu’il y a plusieurs réponses possibles et plus d’une solution à un problème.
14. Entre autres, l’évolution de la situation démographique, à laquelle l’école doit aujourd’hui s’adapter de manière constructive, a mis en évidence le fait qu’il n’existe pas de culture homogène pour tous, et nous sommes plus que jamais appelés à tenir compte de cette réalité. Une approche fondée sur les capacités logiques et artistiques et la sensibilité des enfants leur permet de découvrir de nouveaux mondes et de s’y familiariser de manière ludique.
15. Les facteurs essentiels de cette approche sont la perception et la créativité, le plaisir et la curiosité de voir et d’entendre, d’essayer, de simuler, de transformer de manière ludique et de produire des effets nouveaux, avec l’aide et sous le contrôle des enseignants. Et bien sûr, encore et toujours, l’invention. Ces facteurs permettent un accès indispensable et différent au monde extérieur et aux choses de l’esprit (parallèlement à l’accès cognitif via les technologies et les médias). Il est prouvé que tous nos sens sont nécessaires à notre développement: des études neuroscientifiques montrent que la pensée est stimulée par les sens et que la neuroplasticité est utile à la créativité.
16. L’alphabétisation – conçue comme objectif de l’éducation et compétence clé – doit viser au-delà de la maîtrise de la langue considérée comme moyen d’expression et de communication. La créativité s’exprime en de multiples «langages». L’école doit offrir le temps et l’espace nécessaires au développement de formes d’expression linguistiques et non linguistiques. Il faut favoriser ou même créer des situations expérimentales permettant aux jeunes de découvrir et de créer, d’inventer de nouveaux modes d’action selon leur propre langage, avec leurs méthodes et leurs formes d’expression propres.
17. Une démarche artistique implique toujours une recherche personnelle en même temps qu’une réflexion créative. Elle permet une meilleure compréhension de soi-même ainsi qu’une meilleure compréhension du monde et la création de nouveaux liens avec le monde. Et elle est une source de compréhension et de connaissance spécifique.
18. L’éducation esthétique, ou éducation artistique, associe la connaissance et l’émotion. Nous savons que ceux qui n’apprennent pas à gérer leurs émotions risquent d’avoir d’énormes lacunes concernant la perception de la réalité, la capacité de prendre des décisions, les compétences utiles à la vie quotidienne et aux relations sociales.

3. La mise en œuvre de l’éducation culturelle

19. Il est surprenant de constater que ces évidences sont peu prises en compte. S’il y a eu de nombreuses déclarations d’intention, peu de mesures ont été prises en matière de politique de l’éducation pour faciliter et promouvoir un changement de système. Il convient de redoubler d’effort pour établir des synergies entre les connaissances, les compétences et la créativité. A quelques exceptions près, les responsables de l’éducation souscrivent à ces idées sans réelle conviction.
20. Dans de nombreux pays d’Europe, la diminution des heures de cours et les changements de priorités se font au détriment de ces domaines d’éducation, si bien que les potentialités des enfants et des adolescents restent souvent ignorées. Non seulement les chances de développement de certains sont gâchées précocement, mais leurs capacités sont aussi perdues pour la société, alors que celle‑ci a besoin plus que jamais des compétences et des qualités développées grâce à l’éducation artistique et culturelle.
21. Ces compétences et qualités majeures sont:
  • l’aptitude à observer et à percevoir avec discernement;
  • imagination, l’inventivité et l’intuition;
  • la créativité pour les mettre en pratique;
  • la sensibilité;
  • la capacité de communiquer;
  • la capacité de sélectionner et d’évaluer efficacement l’information;
  • la compréhension des relations et des corrélations;
  • la capacité de réflexion critique;
  • l’aptitude à associer la réflexion et l’action dans les processus de création et d’organisation et à utiliser ses connaissances en fonction des besoins;
  • l’aptitude à la prise autonome de décisions;
  • l’aptitude à l’innovation;
  • l’aptitude à créer de nouvelles connexions.
22. La créativité et la capacité d’innovation sont des facteurs décisifs pour un développement économique et social durable. Nous sommes aujourd’hui à la fin de l’ère industrielle. Les aptitudes et savoir-faire qui étaient nécessaires pour garantir l’ordre social de la société industrielle perdent de leur importance. Le monde du travail actuel n’est plus défini principalement par la demande, mais par le renouvellement permanent et l’innovation. Une des principales compétences recherchées à l’avenir sera la capacité de décider de manière autonome, et sans se référer à des modèles préétablis, quelle solution apporter à un problème nouveau.
23. La connaissance et la créativité sont les nouveaux facteurs économiques. Des études montrent que les moteurs de l’économie à l’avenir ne seront ni les matières premières et les machines, ni les capitaux et les terres. Désormais, la réussite des pays et des régions dépendra principalement des créateurs et des esprits novateurs.
24. «L’éducation créative», selon Monika Kircher‑Kohl, PDG de Infineon Technologies Austria, «est indispensable à une économie innovante. C’est l’éducation culturelle qui apprend à travailler efficacement ensemble dans le respect et la compréhension au sein d’équipes et d’organisations mondialisées. L’éducation artistique donne aux jeunes le courage de franchir les frontières et de développer pleinement leur personnalité, et pas seulement leurs talents intellectuels. L’éducation dans une société démocratique est intrinsèquement liée à ces qualités».
25. Par conséquent, il faut accorder une attention particulière aux capacités potentielles multiples des jeunes et leur offrir les moyens nécessaires à leur plein épanouissement. Malheureusement, le changement de modèle promis n’a trouvé jusqu’ici que très peu de répercussions dans le système éducatif, ou s’est limité à l’organisation de stages de «créativité» très rigides.
26. L’Union européenne a reconnu le rôle majeur de la créativité dans la réussite économique et sociale en déclarant l’année 2009 «Année européenne de la créativité et de l’innovation». Bien qu’aucun budget spécifique ne soit consacré à cette initiative, les programmes existants serviront à soutenir les manifestations organisées dans le cadre de cette année.
27. La créativité – la capacité de créer – doit pouvoir se développer librement et à son rythme; elle a besoin de patience et de confiance. On ne peut pas la mesurer ni la classer en catégories. Elle se nourrit de liberté et est allergique à l’autorité. Cependant, les systèmes d’enseignement actuels sont d’énormes machines à classer et ranger, qui s’opposent à tout comportement s’écartant de la norme. La créativité a besoin pour s’exprimer d’individus autonomes et de communautés tolérantes et ouvertes, qui sont des objectifs de l’éducation culturelle.
28. Un enseignement inadapté ou de mauvaise qualité constitue un handicap. Néanmoins, la nette hiérarchisation des disciplines scolaires, renforcée par l’instrument du programme PISA de l’OCDE, (actuellement les disciplines prioritaires sont celles mesurées par PISA), qui coïncide avec l’utilitarisme à courte vue caractérisant notre société, ne facilite pas la réalisation des objectifs de l’éducation culturelle. Cette tendance de la société à ne rechercher et n’apprécier que l’utilité immédiate ne tient pas compte des corrélations et traduit une absence de vision à long terme. Nous savons que les problèmes futurs ne seront résolus que si les approches rationnelles sont complétées par des modes de communication permettant de percevoir et de comprendre des situations complexes. Ce n’est que dans ces conditions que le savoir peut guider l’action.
29. Les langages artistiques contribuent de manière essentielle au développement de ces différents modes de communication. Mais à cause de la place très marginale qu’elles occupent dans la plupart des systèmes d’éducation ou d’un enseignement de qualité médiocre, au lieu d’être encouragées, certaines formes d’intelligence et de compréhension sont, au contraire, entravées.
30. Les enseignants jouent un rôle crucial pour l’éveil et l’encouragement du potentiel créatif des élèves. Ils sont aussi exemplaires par leur manière d’enseigner et leur personnalité. C’est pourquoi la formation des enseignants est si importante. Ils doivent pouvoir capter l’attention des élèves et développer leurs capacités dans le sens évoqué précédemment et dispenser un enseignement clair et adapté aux objectifs poursuivis. En même temps, ils doivent être ouverts à une approche interdisciplinaire et capables de travailler en équipe.
31. En fait, de nombreux enseignants sont très favorables aux activités artistiques et culturelles et certains y consacrent du temps, ce qui a des effets positifs durables pour tous les participants. Par contre, on constate une disproportion évidente entre l’engagement personnel apporté par ces enseignants et le manque de soutien institutionnel d’un système qui n’est pas suffisamment acquis à ces activités. Trop souvent, les enseignants doivent surmonter toutes sortes d’obstacles structurels avant de pouvoir mener à bien leurs activités. Les enseignants et leurs syndicats devraient s’engager activement dans cette démarche, avec le soutien des pouvoirs publics.
32. Les établissements artistiques et d’enseignement ont une mission éducative. Il faut promouvoir une nouvelle culture de l’éducation, en donnant des moyens d’action aux communautés éducatives et aux réseaux de soutien nouvellement créés. Les institutions culturelles doivent elles aussi repenser leur rôle en matière d’éducation culturelle. D’une manière générale, elles privilégient la production, la présentation et la conservation du patrimoine culturel, alors que l’éducation vient au second plan.
33. On observe à cet égard de grandes différences en Europe selon les pays. Dans le cadre des mandats et des mesures de politique culturelle et d’éducation, certaines institutions culturelles offrent des programmes d’éducation culturelles, variables d’un pays à l’autre, qui s’adressent également aux écoles. En fait, depuis quelque temps, ces institutions ne sont plus évaluées seulement en fonction de leur production artistique, mais sur leur capacité à attirer un public intéressé et informé, et à remplir leur mission éducative. On observe ainsi un renforcement des contacts entre ces «partenaires éducatifs», complété, du moins dans quelques pays d’Europe, par d’utiles mesures structurelles d’accompagnement.
34. En outre, certaines institutions culturelles assurent explicitement la mission politique et culturelle qui consiste à prendre en charge des groupes-cibles défavorisés socialement et en matière d’éducation, et à promouvoir d’une manière générale la participation culturelle des jeunes.
35. L’éducation esthétique nous conduit ainsi d’une certaine manière au cœur de l’éducation culturelle. L’essentiel est de permettre un accès cognitif ainsi qu’une exposition ludique à l’art et à la culture. La pensée, la communication et les processus d’intégration sont également importants. L’emploi de termes trop vagues peut être à l’origine de malentendus et de fausses attentes.
36. Alors que l’éducation artistique part du sujet, l’éducation culturelle est un dialogue et s’intéresse aux relations des citoyens entre eux et avec leur environnement. Elle contribue à la socialisation des individus et renforce leur aptitude à participer activement à la vie de la société, à différents niveaux et de multiples façons.

4. L’éducation culturelle, un concept global

37. L’éducation culturelle figure parmi les préoccupations de l’Europe depuis un certain nombre d’années. Ce n’est pas le centre d’intérêt particulier de quelques idéalistes férus d’art et de culture. C’est un domaine d’activité professionnelle dans lequel travaillent des enseignants, des éducateurs culturels et des artistes.
38. Ceux-ci veulent développer la compétence culturelle, qui devrait être selon l’Union européenne une des compétences clés du 21e siècle. La compétence culturelle s’acquiert et se développe par des processus d’apprentissage à long terme, respectant le rythme de chacun. C’est le résultat de l’éducation et de l’apprentissage tout au long de la vie.
39. C’est là que les difficultés apparaissent et que l’on se pose des questions. Dans cette société mondialisée de compétition et de logique du rendement, où trouver l’espace et le temps pour l’imagination, l’individualité, la créativité, des zones de liberté pour des rencontres ouvertes et curieuses, pour résoudre les contradictions de manière constructive, pour la solidarité?
40. S’interroger sur ce qu’est réellement la compétence culturelle amène à réfléchir sur ce que signifie précisément la culture. Il existe différentes définitions souvent semblables mais parfois contradictoires, qui toutes influent sur l’approche adoptée concernant les mesures nécessaires en matière de politique culturelle.
41. Citons celles qui illustrent le mieux les différentes positions et qui permettent de repérer les points de vue opposés. Raymond Williams, avec sa définition de la culture «comme un mode de vie complet», fournit le thème récurrent des études culturelles anglo-américaines, qui supprime la différence entre la culture du quotidien et la «culture», et influe ainsi considérablement sur le débat européen.
42. La définition de la culture de l’UNESCO est également très générale. Selon cette organisation, la culture est considérée comme «l’ensemble des traits distinctifs, spirituels et matériels, intellectuels et affectifs qui caractérisent une société ou un groupe social» (englobant les modes de vie, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances religieuses et autres).
43. Le rapport britannique «All Our Futures» qui introduit le programme des «Creative Partnerships» décrit la culture comme les valeurs et les comportements partagés caractérisant les différents groupes sociaux et communautés. Cette définition correspond à une société multiculturelle et pluriethnique, dans laquelle la diversité culturelle constitue un aspect essentiel de la politique sociale et culturelle.
44. En Europe occidentale, et plus particulièrement dans les pays germanophones, la culture était considérée jusqu’à présent comme une tradition liée à l’histoire des idées et correspondant à l’idéal d’éducation de «la personne cultivée» développé par les intellectuels des classes moyennes depuis le 18e siècle. Dans ce contexte, la «culture» est considérée comme une source de richesses inestimables pour l’éducation, à laquelle on oppose de manière parfois inquiétante la culture de la vie quotidienne et la culture populaire.
45. Depuis quelque temps, les concepts culturels traditionnels ont disparu pour laisser la place à une multitude de styles de vie, qui ne correspondent plus systématiquement à un modèle artistique contraignant. Ainsi, la notion actuelle de l’éducation culturelle est fondée sur l’idée qu’il existe des zones d’interaction situées à l’interface de la culture populaire et de la «culture».

5. L’éducation interculturelle, partie intégrante de l’éducation culturelle

46. L’aptitude au dialogue interculturel et la compréhension transculturelle sont déterminantes pour notre avenir. De nos jours, quand nous parlons de culture et d’éducation, nous devons prendre en considération les flux migratoires internationaux, les réseaux mondiaux de communication, les grandes entreprises internationales ainsi que le problème de la pauvreté, qui touche toutes les sociétés.
47. L’Europe, en tant qu’espace culturel et économique, a besoin de citoyens qualifiés possédant une compétence interculturelle, s’intéressant à la diversité linguistique, prêts à réfléchir de manière innovante et non conventionnelle, dotés d’une forte conscience sociale et capables d’engager des actions solidaires.
48. Le Livre blanc du Conseil de l’Europe sur le dialogue interculturel adopté par le Comité des Ministres le 7 mai 2008 souligne la valeur du dialogue interculturel pour prévenir les clivages ethniques, religieux, linguistiques et culturels et reconnaît que la musique, l’art et la danse peuvent être des outils puissants d’éducation interculturelle. Il indique également que les arts traversent naturellement les frontières et s’adresse directement aux émotions des personnes. Les créateurs qui sont engagés dans des activités culturelles ouvrent de nouveaux espaces et de nouvelles possibilités de dialogue. Cette approche a été à l’origine de l’initiative «Artistes pour le dialogue» proposée lors de la Conférence du Conseil de l’Europe des ministres responsables de la culture à Bakou (Azerbaïdjan) les 2 et 3 décembre 2008.
49. Il est évident que la diversité et un environnement multiculturel favorisent généralement la créativité. Le dialogue entre les cultures et l’examen des ressemblances et des différences – c’est-à-dire de la diversité européenne – constituent la base d’une coexistence pacifique et harmonieuse. Ils améliorent la qualité de la vie et les chances de développement pour tous et renforcent notre sens des responsabilités envers une Europe unie et le monde dans son ensemble.
50. La politique de l’éducation, qui a pour objectif de promouvoir la tolérance et la compréhension mutuelle, peut transformer le multiculturalisme croissant des sociétés européennes en un atout pour la créativité, l’innovation et la croissance.

6. Enseignement culturel et apprentissage

51. Ainsi l’éducation culturelle vise le développement de notre société par le biais de l’art et de la culture. Les formes d’apprentissage souples et les processus de création partagés créent des espaces propres aux rencontres et à la gestion constructive de la différence. Ces espaces possèdent des dimensions physiques, intellectuelles, affectives et sociales.
52. L’éducation culturelle ne peut pas se dispenser sur ordonnance. Elle a besoin d’une nouvelle culture de l’enseignement et de l’apprentissage qui soit:
  • ouverte et coopérative aux niveaux interne et externe;
  • centrée sur les besoins des élèves;
  • ouverte à l’innovation et à l’interdisciplinarité;
  • orientée vers des projets.
53. C’est ainsi que Mme Claudia Schmied, ministre autrichien de l’Education, décrit l’éducation culturelle comme le thème central de l’évolution actuelle de l’école. Elle représente une préoccupation commune et un processus dynamique impliquant les parents, les élèves, les enseignants, les établissements scolaires, les artistes, les éducateurs artistiques et culturels, la collectivité, mais aussi les secteurs économique, politique et administratif.
54. La qualité de l’éducation culturelle dépend aussi des échanges et des partenariats. L’aptitude à coopérer joue à cet égard un rôle majeur. Il convient de créer et de développer des réseaux et des partenariats entre la culture et le monde du travail, qui intègrent la société civile et d’autres parties prenantes. Ces partenariats nécessitent des conditions générales d’encadrement et un contrôle adéquats. Et ils réussissent mieux lorsqu’ils s’inscrivent dans la stratégie générale des établissements.
55. Les conditions préalables essentielles à une bonne coopération sont les suivantes:
  • des espaces communs pour ces types d’apprentissage;
  • des perspectives communes;
  • des stratégies claires;
  • la confiance mutuelle et le partage des responsabilités;
  • une bonne collaboration;
  • une excellente communication entre les partenaires;
  • des frontières perméables entre les écoles et la collectivité;
  • il faut éviter une trop grande formalisation en matière de planification et d’exécution des activités;
  • une attitude plus ouverte à l’égard de la qualité;
  • une valorisation de l’engagement.
56. Pour faciliter l’apprentissage les uns des autres et la transmission de l’expérience et des connaissances, il est important d’étayer les processus et les résultats par des documents et de créer des banques de données, de les ordonner méthodiquement et les rendre accessibles.
57. Les communautés éducatives et les mesures prises en matière d’enseignement doivent être fondées sur de bonnes pratiques, des échanges différenciés et une diffusion appropriée. D’une manière générale, on n’outrepasse pas les pouvoirs des institutions et on ne tente pas de sortir de systèmes bien définis sans provoquer des conflits. De plus, ces actions exigent un engagement très fort des intéressés. Le désir de repousser les limites commence toujours par un intérêt porté aux autres. Il faut aussi être ouvert à l’innovation et avoir le courage de s’engager sur des chemins qui ne sont pas balisés.
58. Les objectifs européens – égalité des chances pour tous, ouverture au monde et justice – doivent guider notre action. Lorsque nous sommes conscients des défis posés aujourd’hui aux individus et à la société – ne pas seulement tolérer les différences culturelles, mais les analyser et comprendre les raisons de leurs manifestations qui ne cessent d’évoluer, ne pas confondre intégration et assimilation, et considérer la participation comme une action constructive et non une activité passive – nous sommes véritablement au cœur de l’éducation culturelle.
59. La langue, la culture des médias, la musique, les arts plastiques, la danse, le théâtre, l’architecture, le design, la mode et le stylisme, la culture de la vie quotidienne, les rites, les formes de pensée et d’action ou les aspects de la culture populaire qui constituent les bases du dialogue culturel sont une mine inépuisable de richesses, de modes d’expression, de savoirs et d’expérience, passés et présents.
60. En 2003, Simon Rattle, chef de l’Orchestre philharmonique de Berlin, a monté un spectacle de ballet en collaboration avec Royston Maldoom et 250 enfants berlinois d’origines sociale et culturelle très variées. Ils ont répété ensemble «Le Sacre du printemps» de Stravinsky qui a été présenté avec un immense succès à l’Arena Treptow au Treptower Park. Ce travail commun, qui s’inscrivait dans une série de projets, s’adressait à des jeunes originaires de quartiers socialement défavorisés en utilisant la préparation d’un spectacle comme un espace d’expérimentation et de confrontation de points de vue différents sur la musique et le mouvement, la vie et ses objectifs. Selon le danseur et chorégraphe Royston Maldoom: «Grâce à la danse, nous découvrons nos vraies personnalités et celles des autres, nous dépassons les barrières de la langue, de la race, du sexe, ce qui permet d’oublier les stéréotypes liés à nos origines économiques, sociales, religieuses et culturelles différentes, tout en préservant notre propre identité».
61. L’éducation culturelle est le produit de processus d’apprentissage qui tiennent compte des différences internes et des complexités de la culture. Elle nous fait découvrir l’apprentissage par les sens et comprendre comment, dans des situations différentes, les hommes ont appréhendé le monde, l’ont interprété, ont agi dans ce monde, l’ont changé de diverses façons et continuent de le faire. Notre intérêt à l’égard de ces processus d’apprentissage est continuellement mis à l’épreuve.
62. Lorsque les ressources diminuent et que l’insécurité augmente, lorsque l’absence de chances ne permet pas d’espérer en l’avenir, les frontières se ferment et nous avons tendance à nous rabattre sur les stéréotypes qui opposent ce qui est à nous et ce qui est étranger. L’idéalisation et la diabolisation accompagnent souvent ce processus. Les comportements déviants par rapport aux comportements familiers produisent des réactions de rejet et d’agression, ou sont sanctionnés par la marginalisation des personnes concernées. Des discussions sur l’identité et la culture servent souvent alors à justifier leur mise à l’écart ou leur exclusion.
63. Les programmes d’éducation culturelle ne peuvent pas faire de miracles, mais ils peuvent introduire des perspectives nouvelles, mettre en évidence des opinions et des actions contestables et inciter les personnes à réagir – même à un niveau modeste. Ainsi, ces programmes ouvrent des espaces de négociation, favorisent la confrontation active et contribuent au développement d’une culture de gestion des conflits. Voir à cet égard les stratégies de travail de la Japanese Foundation concernant la gestion des conflits.
64. En dehors de l’école, l’éducation s’acquiert de plus en plus souvent dans des contextes informels et pendant le temps de loisir. Les instruments éducatifs basés sur les technologies de l’information qui sont proposés sont particulièrement utiles. Par ailleurs, le fait de vivre à l’écart des grands centres d’activités ne doit pas être un handicap pour qui que ce soit.
65. L’utilisation des nouvelles technologies permet de développer considérablement ces projets et offre des possibilités entièrement nouvelles pour la communication et la négociation. La Recommandation 1836 (2008) de l’Assemblée parlementaire «Exploiter pleinement le potentiel de l’apprentissage électronique pour l’enseignement et la formation» fournit également des orientations générales à cet égard.
66. Par exemple, le projet Border Games lancé en Espagne a pour objectif d’aider de jeunes immigrés en leur faisant concevoir et programmer un jeu vidéo. Dans le cadre d’une série d’ateliers, qui permet à ces jeunes immigrés de créer un jeu vidéo basé sur leur propre histoire au moyen d’un appareil de production de jeux et avec l’aide d’un monteur, mais aussi d’apprendre combien il est important de se familiariser avec les nouvelles technologies et de les utiliser pour s’organiser et reprendre le contrôle de leur vie et de leur environnement. (www.bordergames.org)

7. Conclusion

67. Chaque société est imprégnée par les différences culturelles entre les générations, entre les différentes communautés, entre les sexes, entre les catégories sociales et entre les diverses appartenances et affiliations. Ces différences et reflètent la diversité des origines et des conditions de vie. Nous les portons en nous. Elles construisent notre identité. Notre avenir est conditionné par la façon dont nous gérons ces différences externes et internes. Elles confirment également l’importance croissante de l’éducation culturelle.
68. Les bonnes pratiques exemplaires luttent contre la marginalisation, l’isolement et l’exclusion. Un large éventail de projets et de programmes s’adresse à des groupes cibles très différents. De nombreux exemples de bonnes pratiques ont été présentés dans des documents.
69. L’Europe doit relever un défi en matière de politique éducative et de politique culturelle. Au-delà des discours et des projets extrêmement variés élaborés et mis en œuvre par des éducateurs dévoués, l’éducation culturelle nécessite:
  • une infrastructure adaptée;
  • des ressources financières et humaines;
  • des débats d’experts sur les contenus et objectifs;
  • un cadre politique adapté.
70. Des mesures de politique culturelle et d’éducation sont nécessaires dans ce contexte, comme par exemple:
  • la coordination de mesures individuelles;
  • un travail de sensibilisation et de persuasion;
  • une intensification de la coopération européenne;
  • une sécurisation de l’offre scolaire et extrascolaire en matière d’éducation culturelle;
  • le financement de la recherche.
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Commission chargée du rapport: Commission de la culture, de la science et de l’éducation

Renvois en commission:Doc. 11327 rév, renvoi n° 3379 du 5 octobre 2007

Projet de recommandation adopté à l’unanimité par la commission le 25 juin 2009

Membres de la Commission: Mme Anne Brasseur (Présidente), M. Detlef Dzembritzki (1e Vice-Président), M. Mehmet Tekelioğlu (2e Vice-Président), Mme Miroslava Němcová, (3e Vice-Présidente), M. Vicenç Alay Ferrer, M. Florin Serghei Anghel (Remplaçante: Mme Maria Stavrositu), Mme Aneliya Atanasova, M. Lokman Ayva, M. Walter Bartoš, Mme Deborah Bergamini, Mme Oksana Bilozir, Mme Guðfinna S. Bjarnadóttir, Mme Rossana Boldi, M. Ivan Brajović, M. Petru Călian, M. Joan Cartes Ivern, Lord David Chidgey, M. Miklós Csapody, M. Vlad Cubreacov, Mme Lena Dąbkowska-Cichocka, M. Joseph Debono Grech (Remplaçant: M. Joseph Falzon), M. Daniel Ducarme, Mme Åse Gunhild Woie Duesund, Mme Anke Eymer, M. Gianni Farina, M. Relu Fenechiu, Mme Blanca Fernández-Capel Baños, M. Axel Fischer, M. Gvozden Srećko Flego, M. Dario Franceschini, M. José Freire Antunes (Remplaçant: M. José Luis Arnaut), Mme Gisèle Gautier (Remplaçant: M. Philippe Nachbar), M. Ioannis Giannellis-Theodosiadis (Remplaçant: M. Georgios Voulgarakis), M. Martin Graf, M. Oliver Heald (Remplaçante: Baroness Knight of Collingtree), M. Rafael Huseynov, M. Fazail İbrahimli, M. Mogens Jensen (Remplaçante: Mme Sophie Løhde), M. Morgan Johansson, Mme Francine John-Calame, Mme Flora Kadriu, Mme Liana Kanelli, M. Jan Kaźmierczak, Miss Cecilia Keaveney, Mme Svetlana Khorkina, M. Serhii Kivalov, M. Anatoliy Korobeynikov, Mme Elvira Kovács, M. József Kozma, M. Jean-Pierre Kucheida, M. Ertuğrul Kumcuoğlu, Mme Dalia Kuodytė, M. Markku Laukkanen, M. René van der Linden, Mme Milica Marković, Mme Muriel Marland-Militello, M. Andrew McIntosh, Mme Maria Manuela de Melo, Mme Assunta Meloni, M. Paskal Milo, Mme Christine Muttonen, (Remplaçant: M. Albrecht Konecny), M. Tomislav Nikolić, M. Edward O’Hara, M. Kent Olsson, M. Andrey Pantev, Mme Antigoni Papadopoulos (Remplaçant: M. Fidias Sarikas), Mme Zatuhi Postanjyan, Mme Adoración Quesada Bravo, M. Frédéric Reiss, Mme Mailis Reps, Mme Andreja Rihter (Remplaçant: M. Ljubo Germic), M. Nicolae Robu, Mme Tatiana Rosova, M. Paul Rowen, Mme Anta Rugāte, Mme Ana Sánchez Hernández, M. Leander Schädler, M. Yury Solonin (Remplaçant: M. Oleg Panteleev), M. Christophe Steiner, Mme Doris Stump, M. Valeriy Sudarenkov, M. Petro Symonenko, M. Guiorgui Targamadzé, M. Hugo Vandenberghe, M. Klaas De Vries, M. Piotr Wach (Remplaçant: M. Michał Stuligrosz), M. Wolfgang Wodarg.

N.B.: Les noms des membres qui ont pris part à la réunion sont imprimés en caractères gras

Secrétariat de la commission: M. Ary, M. Dossow