1. Introduction
1. En notre qualité de corapporteurs pour l’Albanie
de la commission de suivi de l’Assemblée parlementaire du Conseil
de l’Europe, nous avons effectué une visite d’information dans le
pays du 3 au 5 novembre 2009, en vue de présenter un rapport général
à l’Assemblée.
2. Nous avions préparé un avant-projet de rapport sur le respect
des obligations et des engagements souscrits par l’Albanie, au sujet
duquel les autorités albanaises avaient par la suite formulé des
observations. Aussi bien l’avant-projet de rapport que les observations
des autorités albanaises avaient été examinés par la commission
de suivi
.
Par conséquent, notre visite de novembre avait été programmée initialement
pour nous permettre de finaliser notre rapport inscrit au débat
de la partie de session de janvier de l’Assemblée (25-29 janvier
2010), en particulier après les élections législatives de juin 2009.
3. Cependant, la plupart de nos conversations ont été monopolisées
par le boycott du parlement par le principal parti de l’opposition
(le parti socialiste) depuis septembre 2009 et le fait qu’il conteste
la légitimité politique du nouveau gouvernement. Dans un parlement
où la majorité au pouvoir ne dispose pas de la majorité des trois
cinquièmes requise pour faire approuver les principales réformes
constitutionnelles, le processus de réforme se trouve dans une impasse
sérieuse. Nous avons par conséquent proposé à la commission de suivi
de modifier l’orientation du rapport prévu pour le débat de l’Assemblée
en janvier 2010 afin de traiter la situation actuelle et de nous
intéresser au «fonctionnement des institutions démocratiques en Albanie»,
plutôt qu’à toute la liste des obligations et des engagements auxquels
l’Albanie a souscrit. Le principal objectif de notre rapport est
d’inviter les deux parties à relancer le dialogue et de proposer
les bons offices du Conseil de l’Europe. Nous présenterons notre
projet de rapport général sur le respect des obligations et des
engagements de l’Albanie à l’Assemblée très prochainement, dès qu’une
solution sera trouvée à la situation politique.
4. Pendant notre visite, nous avons rencontré le Président de
la République, le Premier ministre, le président du parlement, les
ministres des Affaires étrangères, de l’Intérieur et de la Justice,
le président de la Cour constitutionnelle, ainsi que des représentants
de l’opposition, notamment M. Edi Rama, président du parti socialiste
et maire de Tirana. Nous avons également rencontré les maires de
plusieurs villes et municipalités, représentant à la fois la coalition
au pouvoir et les partis de l’opposition, ainsi que des représentants
de la minorité monténégrine. Nous nous sommes également rendus dans
une prison pour mineurs qui venait d’ouvrir à Kavaja.
5. Il convient de rappeler que l’Albanie a déposé officiellement
sa demande d’adhésion à l’Union européenne le 28 avril 2009. Le
16 novembre, le Conseil européen a demandé à la Commission européenne de
rendre son avis sur la demande d’adhésion de l’Albanie. Un accord
Union européenne-Albanie relatif à la facilitation de la délivrance
de visas a été signé en septembre 2007 et est entré en vigueur le
1er janvier 2008
. Fin
novembre 2009, l’Union européenne a estimé que l’Albanie n’avait
pas rempli tous les critères définis dans le cadre du dialogue sur
la libéralisation des visas avec les pays des Balkans occidentaux
et qu’elle ne remplissait pas les conditions requises pour la libéralisation
des visas, contrairement à ses trois voisins (le Monténégro, «l’ex-République
yougoslave de Macédoine» et la Serbie) pour lesquels la suppression
de l’obligation de visas s’applique à compter du 19 décembre 2009.
6. Compte tenu de la situation actuelle, la progression du pays
vers l’intégration européenne est bloquée et l’absence de dialogue
politique menace la stabilité du pays. Bien que ce ne soit pas la
première fois que l’Albanie est confrontée à un boycott parlementaire
et à une situation d’impasse politique, le fait que le pays soit
à présent membre de l’OTAN et candidat à l’adhésion à l’Union européenne
impose à tous ses dirigeants des obligations et des responsabilités
particulières. Nous souhaitons souligner qu’à cet égard, en dépit
des désaccords, tous les partis albanais ont un objectif commun,
à savoir l’adhésion à l’Union européenne, ce qui suppose la mise
en place des réformes nécessaires, pour lesquelles il est essentiel
de rétablir le dialogue parlementaire.
7. Nous regrettons particulièrement que l’incapacité du parlement
issu des élections de juin 2009 à désigner une nouvelle délégation
auprès de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ait nui
aux relations de l’Albanie avec l’Assemblée et que les membres de
l’ancienne délégation appartenant à l’opposition ne participent
plus aux activités de l’Assemblée et de ses commissions.
2. Les élections législatives de 2009
8. Après les élections législatives du 28 juin 2009,
les électeurs albanais ont élu leur nouveau parlement composé de
140 députés dans 12 régions, conformément au nouveau système électoral
proportionnel régional.
9. Nous nous référons aux conclusions de la commission ad hoc
du Bureau de l’Assemblée parlementaire qui a observé les élections
législatives en Albanie le 28 juin 2009
, dans le cadre de la Mission
internationale d’observation des élections (MIOE).
10. En ce qui concerne la révision du Code électoral de décembre
2008
,
il est important de souligner qu’aussi bien les modifications de
la Constitution que l’adoption du nouveau Code électoral ont été
le résultat d’un large consensus entre les deux principaux partis
politiques, mais avec une forte opposition de la plupart des petits
partis.
11. Aux termes du nouveau système électoral, les 140 membres du
Parlement albanais sont, pour la première fois, élus dans le cadre
d’un système proportionnel régional. Le seuil de représentation
au parlement a été fixé à 3 % des suffrages d’une circonscription
pour les partis politiques et à 5 % pour les coalitions.
12. La commission ad hoc de l’Assemblée parlementaire a souligné
que les élections législatives du 28 juin 2009 en Albanie ont marqué
des progrès grâce à l’instauration de nouvelles procédures d’enregistrement
et d’identification des électeurs et à l’adoption d’un cadre juridique
amélioré. Elle a aussi noté l’amélioration du fonctionnement de
la Commission électorale centrale.
13. Toutefois, ces améliorations ont été occultées par la politisation
de certains volets du processus et par les violations constatées
pendant la campagne. Cette situation a entamé la confiance du public
dans le processus électoral.
14. Le jour du scrutin était calme et le scrutin était bien organisé,
sans aucun incident ni aucune violence.
15. Tout en soulignant les efforts considérables déployés par
les autorités albanaises pour mener à bien le difficile processus
d’identification des habitants du pays et de délivrance de cartes
d’identité et de nouveaux passeports, la commission ad hoc a regretté
que cette question soit devenue le thème principal de la campagne
électorale, occultant ainsi de nombreuses questions qui préoccupent
les citoyens albanais et qui auraient dû être au centre des débats.
16. La commission ad hoc a trouvé préoccupant et inacceptable
que certaines irrégularités aient persisté d’une élection à l’autre:
des cas d’usage abusif des ressources administratives et le fait
que des agents de l’Etat, des professeurs des écoles et du personnel
médical aient été menacés de perdre leur emploi, particulièrement
dans les régions rurales qui soutenaient les candidats de l’opposition.
A cet égard, la commission ad hoc a invité les responsables des
partis politiques et les représentants de la société civile à créer
un groupe conjoint afin d’étudier tous les cas de pression exercée
sur des personnes pendant la campagne électorale et d’établir la
responsabilité des auteurs de violations de la loi électorale.
17. Compte tenu de l’importance des médias lors de la campagne
électorale, la commission ad hoc a regretté le manque d’indépendance
éditoriale. Un autre sujet de préoccupation était le manque de transparence
concernant le financement des médias et l’existence supposée de
liens cachés entre les propriétaires de médias et les dirigeants
des partis politiques.
18. Le dépouillement des suffrages a été marqué par un niveau
de méfiance élevé de la part des représentants des partis politiques
à tous les niveaux de l’administration électorale. Dans de nombreux
cas, le dépouillement a été bloqué temporairement. Très souvent,
le problème était de décider si les suffrages de certains centres
de vote devaient compter ou non. En conséquence, la commission ad
hoc a recommandé qu’à l’avenir, pour de prochaines élections, la
procédure de décompte des voix soit considérablement améliorée et qu’il
y ait un nombre d’équipes de décompte des voix beaucoup plus important
dans chacun des centres de dépouillement régionaux.
19. La commission ad hoc a souligné qu’il était inacceptable que,
une dizaine de jours ou plus après le jour du scrutin, les citoyens
albanais ainsi que la communauté internationale n’aient pas encore
été informés des résultats officiels des élections législatives
dans un pays qui compte environ 3,1 millions d’électeurs. Le délai important
entre la fermeture des bureaux de vote et l’annonce du résultat
des élections a considérablement affaibli la confiance des citoyens
dans le processus électoral et ses résultats.
20. La commission ad hoc a invité les autorités albanaises, dans
le cadre de la procédure de suivi de ses engagements et obligations,
et en coopération étroite avec la Commission de Venise, à améliorer
le cadre législatif et à renforcer les capacités de l’administration
électorale dans les domaines suivants:
- le registre d’état civil et la liste électorale et, dans
ce contexte, la nécessité de trouver une solution au problème du
droit de vote des citoyens albanais résidant à l’étranger;
- la réglementation de la couverture médiatique et le financement
public des campagnes, qui défavorise les partis politiques non représentés
au parlement;
- les règles de transparence concernant les propriétaires
de médias et leur mise en œuvre effective, afin de renforcer la
confiance des électeurs dans l’équité du système électoral;
- la manière dont les membres des commissions électorales
de niveau inférieur sont révoqués, qui n’est pas compatible avec
une administration électorale professionnelle et impartiale;
- les exigences ambiguës concernant la présence de femmes
sur les listes de candidats, qui devraient être revues afin de garantir
que les femmes soient éligibles;
- la nécessité d’abolir l’octroi de droits de candidature
particuliers aux personnes qui président un parti politique dans
le cadre des élections législatives.
21. De l’avis de la commission ad hoc, le Code électoral ne devrait
être révisé que sur les points pour lesquels cela s’impose afin
de se conformer aux normes internationales ou de régler certains
problèmes particuliers. Pour le reste, afin de garantir la confiance
des citoyens du pays, les autorités albanaises sont invitées à multiplier
leurs efforts afin de mettre pleinement en œuvre la législation
électorale. La commission ad hoc a également rappelé que la mise
en œuvre de bonne foi des règles est tout aussi importante que leur contenu.
3. Développements postélectoraux
22. Les résultats finaux des élections générales ont
montré que la coalition Alliance pour le changement, conduite par
le Parti démocratique de centre droit du Premier ministre Sali Berisha,
a remporté 70 sièges au parlement; sa rivale, l’Union pour le changement
de centre gauche, conduite par le maire de Tirana, M. Edi Rama,
du parti socialiste (PS), a remporté 66 sièges et le Mouvement socialiste
pour l’intégration de l’ancien Premier ministre socialiste Ilir
Meta, qui avait rassemblé plusieurs petits partis dans sa nouvelle
coalition électorale, a remporté les quatre sièges restants.
23. L’Alliance pour le changement (composée du parti démocratique
et du parti républicain) ainsi que le Mouvement socialiste pour
l’intégration (MSI) ont formé une coalition de pouvoir (avec 74
sièges sur les 140 que compte le Parlement albanais).
24. Le nouveau gouvernement est composé de 14 ministres. Le MSI,
en tant que principal partenaire de la coalition, a obtenu le poste
de Vice-Premier ministre et de ministre des Affaires étrangères,
ainsi que les ministères de l’Economie et de la Santé. Le parti
républicain a obtenu le poste de ministre de l’Environnement et
de la Gestion de l’eau pour son responsable de parti, Fatmir Mediu.
M. Mediu, qui avait été ministre de la Défense dans le précédent
gouvernement, avait démissionné après l’explosion d’un site de destruction
de munitions à Gërdec en mars 2008. La Haute Cour avait rejeté les
charges qui pesaient contre lui en septembre 2009 à la suite de
sa réélection comme député, compte tenu de son immunité parlementaire.
Tous les autres postes du gouvernement ont été pris par le parti
démocratique et M. Sali Berisha a été réélu Premier ministre de
l’Albanie pour un second mandat consécutif.
25. La coalition au pouvoir n’a cependant pas obtenu la majorité
des trois cinquièmes requise pour faire approuver les principales
réformes constitutionnelles.
26. Le nouveau parlement s’est réuni le 7 septembre et le nouveau
gouvernement a prêté serment le 16 septembre, avec 74 voix contre
une. Le principal parti de l’opposition, le parti socialiste, a
boycotté le scrutin et boycotte depuis le parlement. Il convient
de noter que, aux termes de la Constitution, les députés doivent prêter
serment dans un délai de six mois. Tant qu’ils ne l’ont pas fait,
ils ne peuvent recevoir leurs salaires.
27. En particulier, à la suite de ce qu’il considère comme des
fraudes dans certaines zones électorales, le PS a utilisé toutes
les voies de recours prévues par le Code électoral pour contester
les résultats allégués. Une demande a été adressée à deux membres
de la Commission électorale centrale pour qu’une partie des urnes soient
rouvertes, mais cette demande a été rejetée à la majorité des voix
des membres de la commission. Le PS a fait appel devant le Collège
électoral – l’instance judiciaire la plus élevée pour statuer sur
les plaintes électorales conformément aux dispositions du Code électoral.
Le collège a rejeté la plainte. Considérant la décision du Collège
électoral comme une violation flagrante du Code électoral, le PS
a décidé de boycotter le parlement et d’établir une liste de conditions
devant être remplies pour qu’il revienne au parlement, parmi lesquelles:
- l’adoption d’une loi spéciale
autorisant l’ouverture d’une enquête sur les élections;
- la création d’une commission d’enquête spéciale (y compris
avec la présence de l’OSCE/BIDDH) qui serait présidée par l’opposition
et dans laquelle les membres de l’opposition seraient majoritaires;
- des garanties pour que la transparence nécessaire concernant
les plaintes pour violation et irrégularités dans le processus électoral
soit respectée;
- l’identification des responsabilités de tous les fonctionnaires
du ministère de la Justice ou de la Direction des prisons concernant
les permissions accordées aux détenus pour qu’ils puissent rentrer
chez eux pendant la période électorale;
- la réintégration aux postes qu’ils occupaient précédemment
de tous les employés de l’Etat, dans l’administration centrale et
locale ou dans les institutions publiques, qui avaient été licenciés
du fait de leur soutien au PS;
- des changements législatifs pour garantir un équilibre
gouvernement-opposition au sein du Conseil national de la radio
et de la télévision, ainsi que l’interdiction pour le gouvernement
de diffuser des messages publicitaires à la télévision en dehors
de la période électorale;
- de la transparence et l’accélération de l’enquête sur
l’assassinat du député socialiste Fatmir Xhindi, avec l’assistance
d’enquêteurs internationaux indépendants.
28. Lors de notre visite en Albanie en novembre, des représentants
du PS nous ont dit que la réouverture des urnes avait capté pratiquement
toute l’attention des médias, alors que, pour eux, il s’agissait
juste d’un moyen, parmi d’autres, d’enquêter et de recueillir des
preuves de fraude électorale. Ils ont expliqué qu’ils avaient accepté
les résultats électoraux, et que le fait de demander la réouverture
des urnes n’avait pas pour but de contester la légalité de l’élection.
Nous comprenons très bien, cependant, que cela puisse porter atteinte à
la légitimité politique de la majorité au pouvoir.
29. La défaite du PS a donné lieu à certaines critiques au sein
du parti lui-même concernant la gestion de la campagne électorale
et le style de leadership de M. Rama. A noter que, selon les statuts
du parti socialiste, le président du parti doit démissionner s’il
perd une élection législative. Cependant, le 29 août, lors d’un congrès
extraordinaire du parti, une résolution proposée par M. Rama, selon
laquelle les élections «ont été volées» par le gouvernement (et
non perdues par lui) a été approuvée. Plusieurs membres du PS qui
ont été élus au nouveau parlement ont exprimé leur désaccord avec
la décision du PS de boycotter le parlement. Ils ont cependant suivi
la ligne du parti et n’ont pas siégé au parlement. Le 26 septembre,
M. Rama a été réélu président du parti, avec 93 % des voix des membres.
30. Le 1er octobre 2009, M. Rama a indiqué que le PS serait plus
qu’heureux de revenir au parlement si ses demandes étaient satisfaites.
Il a cependant précisé que, tant que le gouvernement ne montrerait
aucun signe indiquant qu’il était prêt à faire toute la transparence
sur les élections de juin, le PS poursuivrait le boycott et continuerait
d’organiser des protestations publiques.
31. En réponse, le Premier ministre Berisha a appelé le PS à mettre
fin au boycott et à s’associer au processus de réforme. Il a garanti
publiquement que la réforme électorale examinera toutes les recommandations
contenues dans le rapport de l’OSCE/BIDDH.
32. Le 9 octobre 2009, le Premier ministre a indiqué qu’il était
prêt à donner la majorité au PS dans la commission d’enquête sur
les élections de juin, ainsi que l’avait demandé le PS, à condition
que la loi soit respectée – ce qui excluait la réouverture des urnes.
Or, quelques heures plus tard, le président du PS a dit que le Premier
ministre le provoquait en offrant aux socialistes la majorité au
sein de la commission, sans leur donner la possibilité de rouvrir
les urnes.
33. Le 10 octobre 2009, le PS a organisé une protestation publique
devant le bureau du Premier ministre, laquelle a rassemblé de 3 000
à 7 000 sympathisants, selon les sources. Le même jour, le PS a
lancé une pétition nationale visant à recueillir 20 000 signatures,
comme le prévoit la Constitution, afin de demander au parlement
d’approuver une loi portant création d’une commission d’enquête
sur le processus électoral. Compte tenu des circonstances actuelles,
un tel projet de loi serait débattu au parlement en l’absence du
PS.
34. Le PS pourrait tout aussi bien introduire un tel projet de
loi dans le cadre du processus législatif parlementaire ordinaire
et faire ainsi partie du débat et du processus décisionnel ultérieurs.
Les députés socialistes ont annoncé leur intention de déposer un
projet de loi devant le parlement, lequel prévoirait la possibilité
de mener une enquête sur les dernières élections législatives, quand
bien même une décision de justice l’aurait interdit, en dépit d’une
décision du Collège électoral de rejeter le recours formé par le
PS. Le groupe parlementaire socialiste a annoncé sa décision en
novembre d’élaborer ce projet de loi dès que possible et de le déposer
en tant qu’initiative du PS, avec l’appui de 20 000 électeurs dont
la signature est actuellement recueillie.
35. Plus récemment, le 15 novembre 2009, le PS a boycotté les
élections locales partielles tenues dans cinq municipalités afin
de remplacer les maires ayant démissionné pour occuper des fonctions
plus élevées à la suite des élections législatives de juin. Dans
toutes ces élections, le parti démocratique au pouvoir a remporté la
majorité des voix avec une participation de 30,43 %.
36. Le même jour, les maires et les hauts responsables municipaux
socialistes ont protesté devant les bureaux du Premier ministre
Sali Berisha. Ils demandaient au Premier ministre de s’engager à
accepter, d’ici au 5 décembre 2009, les cinq points suivants dans
le domaine de l’autonomie locale:
- l’annulation
des amendements aux lois relatives aux taxes prélevées par les collectivités
locales;
- l’annulation de la décision de reclassifier les petites
entreprises;
- l’application d’impôts individuels, pour les impôts sur
le revenu personnel et les impôts sur les bénéfices des entreprises;
- la compensation des recettes à la suite de la diminution
arbitraire de moitié des taxes sur les petites entreprises pour
2005;
- la fin de la pratique consistant à approuver des aides
pour les besoins des hauts fonctionnaires des collectivités locales
et à les distribuer selon l’affiliation politique.
37. Du 20 au 22 novembre 2009, l’opposition a organisé pendant
trois jours un rassemblement pour protester contre le gouvernement,
qui a rassemblé beaucoup plus de monde que les organisateurs ne
l’avaient prévu (de 20 000 à 50 000 personnes, selon les sources),
pour exiger la réouverture des urnes des élections législatives
de juin. Plusieurs chefs de partis de l’opposition, notamment de
plusieurs petits partis de droite, ont participé à ce rassemblement.
Le président du PS, Edi Rama, a demandé au Premier ministre Berisha d’accepter
les demandes de l’opposition dans un délai de dix jours, c’est-à-dire
avant le 1er décembre 2009, faute de quoi il y aurait des protestations
politiques et civiles dans tout le pays.
38. Le 24 novembre 2009, le Président de la République, M. Bamir
Topi, s’est exprimé pour la première fois sur la situation politique
actuelle et s’est dit prêt à servir de médiateur si les parties
le lui demandaient.
4. Conclusions et propositions
39. Nous déplorons l’impasse politique et institutionnelle
qui paralyse actuellement la gouvernance en Albanie. Cette situation
n’est bonne ni pour le peuple albanais ni pour le processus d’intégration
européenne.
40. Nous notons l’absence de dialogue parlementaire et le recours
aux boycotts, particulièrement à la suite de l’annonce de résultats
électoraux. Une telle situation entrave le fonctionnement démocratique
des institutions de l’Etat. Nous regrettons la décision du parti
socialiste de ne pas participer aux travaux du parlement. Le dialogue
politique devrait avant tout avoir lieu au sein du parlement et
non dans la rue. Nous regrettons également que le parlement élu
en juin 2009 n’ait pas encore désigné une nouvelle délégation auprès
de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe et que les membres
de l’ancienne délégation affiliés au PS ne participent plus aux
activités de l’Assemblée et de ses commissions.
41. Nous regrettons également que, en l’absence de tout véritable
dialogue, une rhétorique politique provocatrice soit de plus en
plus utilisée par l’ensemble des parties prenantes. Cela pourrait
déstabiliser davantage le pays.
42. Nous soutenons et encourageons les efforts du Président Topi
pour servir de médiateur et trouver une solution politique à l’impasse.
43. L’Assemblée parlementaire devrait demander à ses groupes politiques
d’exercer toute leur influence sur les partis politiques albanais
respectifs pour qu’ils respectent les institutions démocratiques
du pays et leurs règles, et pour qu’ils soutiennent les efforts
du Président Topi et rétablissent le dialogue politique. L’Assemblée devrait
jouer un rôle actif, en coopération étroite avec d’autres organisations
internationales, dans la recherche d’une solution politique à la
crise et pour soutenir les efforts visant à rétablir le contact
entre tous les partis politiques.
44. En particulier, l’Assemblée pourrait proposer un forum pour
la réconciliation des partis politiques albanais. Cela pourrait
se faire sous l’égide de l’Assemblée et pourrait contribuer à améliorer
le climat politique et jeter les bases pour rétablir le dialogue
parlementaire.
45. Nous nous référons aux conclusions de la commission ad hoc
du Bureau de l’Assemblée qui a observé les élections législatives
de juin 2009 et demandons aux autorités albanaises de mettre en
œuvre ses recommandations. La commission ad hoc a notamment invité
les responsables des partis politiques et les représentants de la
société civile à mettre en place un groupe conjoint pour examiner
tous les cas de pression exercée sur des personnes pendant la campagne
électorale et établir la responsabilité des auteurs de violations
de la loi électorale.
46. Nous espérons que les prochaines élections locales qui auront
lieu en Albanie, prévues début 2011, seront organisées conformément
aux dispositions de la nouvelle loi électorale, qu’elles seront
libres et équitables, et que leurs résultats seront acceptés par
tous les partis politiques. Nous recommandons que la procédure de
dépouillement des voix soit considérablement améliorée et que le
nombre d’équipes de décompte soit considérablement augmenté dans
chacun des centres de dépouillement régionaux.
47. Nous attendons aussi de l’Assemblée qu’elle demande au Gouvernement
albanais et à l’opposition de mettre un terme à la crise politique
dans le pays et d’assumer leurs responsabilités, afin de procéder
aux réformes indispensables, notamment en vue d’une plus grande
intégration européenne, un objectif commun à tous. En particulier,
l’Assemblée devrait inviter instamment le gouvernement à mettre
en place sans tarder une commission d’enquête parlementaire sur
les élections de juin 2009 et, en même temps, elle devrait inviter instamment
l’opposition à revenir au parlement et à participer pleinement à
ses travaux.
48. Afin de soutenir le processus de réconciliation entre les
partis politiques albanais et d’assister le Président Topi dans
son rôle de médiateur et dans ses efforts pour rétablir le dialogue
politique, l’Assemblée devrait demander au Comité des Ministres
et à ses propres groupes politiques d’exercer leur influence sur
les partis politiques albanais respectifs. Pour notre part, en tant
que corapporteurs de la commission de suivi, nous sommes tout à
fait disposés à assurer la liaison avec la communauté internationale,
y compris les représentants politiques des Etats membres du Conseil
de l’Europe, à Tirana. Si la crise persiste, nous espérons que l’Assemblée
adoptera l’une des options suivantes: demander aux chefs de file
de ses groupes politiques d’affiliation politique liée, c’est-à-dire
le Parti populaire européen et le Groupe socialiste (option A), ou
aux chefs de file de ses groupes politiques (option B), ou à son
Comité des présidents (option C) de se rendre en Albanie, avec les
corapporteurs de sa commission de suivi.
49. Nous continuerons à suivre de près les développements en Albanie
et proposerons toute autre mesure supplémentaire à la commission
de suivi et, en définitive, à l’Assemblée, rendue nécessaire par
la situation actuelle.
***
Commission chargée du rapport: commission
pour le respect des obligations et engagements des Etats membres
du Conseil de l’Europe (commission de suivi)
Renvoi en commission: Résolution no 1115 (1997)
Projet de résolution et projet
de recommandation adoptés à l’unanimité par la commission
le 17 décembre 2009
Membres de la commission: M.
Serhiy Holovaty (Président),
M. György Frunda (1er Vice-président), M. Konstantin Kosachev (2e
Vice-président), M. Leonid Slutsky (3e
Vice-Président), M. Aydin Abbasov, M. Pedro Agramunt Font de Mora,
M. Miloš Aligrudić, Mme Meritxell Batet Lamaña, M. Ryszard Bender,
M. József Berényi, M. Mevlüt Çavuşoğlu,
M. Sergej Chelemendik, Mme Lise Christoffersen, M. Boriss Cilevičs, M. Georges Colombier,
M. Telmo Correia, Mme Herta Däubler-Gmelin, M. Joseph Debono Grech, M. Juris Dobelis,
Mme Josette Durrieu, M. Mátyás Eörsi, Mme Mirjana Ferić-Vac, M. Giuseppe Galati,
M. Jean-Charles Gardetto, M. József Gedei, M. Andreas Gross, M.
Michael Hagberg, M. Holger Haibach, Mme Gultakin Hajibayli, M. Michael
Hancock, M. Davit Harutyunyan,
Mme Olha Herasym’yuk, M.
Andres Herkel, Mme Sinikka Hurskainen, M. Kastriot Islami, M. Mladen Ivanić, M. Michael Aastrup Jensen,
M. Miloš Jevtić, M. Hakki
Keskin, M. Haluk Koç, Mme
Kateřina Konečná, M. Jaakko Laakso,
Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, M. Göran Lindblad, M. René
van der Linden, M. Eduard Lintner, M. Pietro Marcenaro, M. Bernard
Marquet, M. Dick Marty, M.
Miloš Melčák, Mme Nursuna
Memecan, M. Jean-Claude Mignon, M. João Bosco Mota Amaral, M. Adrian Năstase, Mme Yuliya Novikova, Mme Elsa Papadimitriou,
M. Alexander Pochinok, M.
Ivan Popescu, Mme Zaruhi Postanjyan, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, M. Christos Pourgourides,
M. John Prescott, Mme Mailis Reps, M. Andrea Rigoni, M. Ilir Rusmali, M. Armen Rustamyan, M. Indrek Saar, M. Kimmo Sasi, M. Samad Seyidov, M. Sergey Sobko, M. Yanaki Stoilov, M. Christoph Strässer,
Mme Chiora Taktakishvili,
Mme Özlem Türköne, M. Egidijus
Vareikis, M. José Vera Jardim, M. Piotr Wach, M. Robert Walter, M. David Wilshire, Mme Renate Wohlwend,
Mme Karin S. Woldseth, Mme Gisela Wurm, M. Andrej Zernovski
N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont
indiqués en gras
Secrétariat de la commission: Mme
Chatzivassiliou, M. Klein, Mme Trévisan, M. Karpenko