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Rapport | Doc. 12308 | 22 juin 2010

Regain de tension au Proche-Orient

Commission des questions politiques et de la démocratie

Rapporteur : M. Piero FASSINO, Italie, SOC

Origine - Renvoi en commission: Renvoi 3691 du 21 juin 2010. 2010 - Troisième partie de session

Résumé

L’Assemblée parlementaire est profondément préoccupée par le grave regain de tension au Proche-Orient et par le revers pour le processus de paix provoqués par l’attaque militaire israélienne de la flottille humanitaire qui se dirigeait vers Gaza et qui a causé la mort de neuf militants de nationalité turque.

Elle se joint à la plus grande partie de la communauté internationale pour condamner cette attaque.

Elle réaffirme que le dialogue entre les Israéliens et les Palestiniens est le seul moyen de conclure une paix durable et partagée entre un Etat palestinien souverain et indépendant et un Etat d’Israël reconnu et protégé.

L’Assemblée appelle le Gouvernement d’Israël, entre autres, à coopérer avec la communauté internationale pour garantir que soit menée une enquête prompte, internationale, impartiale et transparente, et à lever le blocus de Gaza.

A. Projet de résolution 
			(1) 
			Projet
de résolution adopté par la commission le 22 juin 2010.

(open)
1. L’Assemblée parlementaire se réfère à ses Résolutions 1183 et 549 (1999), 1245 et 1514 (2001), 1281 et 1294 (2002), 1420 et 1452 (2005), 1493 et 1520 (2006) et 1550 (2007) et réaffirme en particulier sa Résolution 1700 (2010) sur la situation au Proche-Orient, adoptée en janvier 2010.
2. L’Assemblée est profondément préoccupée par le grave regain de tension au Proche-Orient et par le revers pour le processus de paix provoqués par l’attaque militaire israélienne de la flottille humanitaire qui se dirigeait vers Gaza le 31 mai 2010, un acte qui a causé la mort de neuf militants de nationalité turque.
3. L’Assemblée exprime ses condoléances aux familles et aux proches des victimes de cette attaque et sa solidarité envers les personnes blessées.
4. Elle considère que le raid israélien, qui a eu lieu dans des eaux internationales, constitue une violation du droit international. Elle partage à cet égard les positions de condamnation adoptées par les Nations Unies, le Quartet, l’Union européenne et la plus grande partie de la communauté internationale, et déplore que les autorités israéliennes n’aient pas jusqu’ici accepté la demande d’établissement d’une commission d’enquête internationale. L’Assemblée est convaincue qu’Israël devrait coopérer avec la communauté internationale qui a demandé une enquête prompte, internationale, impartiale et transparente.
5. L’Assemblée réaffirme que tant le recours à la force que le droit à la légitime défense ne doivent jamais violer le droit international.
6. L’Assemblée réaffirme que le terrorisme est l’ennemi de la paix et que c’est de la responsabilité de tous de le combattre sous toutes ses formes.
7. Elle souligne que les conditions de vie de la population de Gaza sont devenues de plus en plus dures à cause du blocus qui leur est imposé et considère l’annonce faite par le Gouvernement israélien d’un assouplissement du blocus comme un premier pas. Elle estime cependant que le blocus devrait être levé et que les accès à Gaza devraient être libres, en assurant en même temps la sécurité d’Israël. Elle demande à ce propos le renforcement des mesures visant à empêcher l’introduction d’armes et de matériels non autorisés dans Gaza, ainsi que l’extension du rôle de contrôle, terrestre et maritime, de la Mission civile de l’Union européenne déjà en place.
8. L’Assemblée souligne de nouveau que le conflit au Proche-Orient concerne avant tout deux aspirations également légitimes – le droit d’Israël d’être reconnu et d’exister en paix et en sécurité et le droit des Palestiniens de disposer d’un Etat indépendant, viable et contigu – et qu’une paix stable ne peut être conclue que si les aspirations et les droits des deux peuples sont satisfaits.
9. Elle réitère l’urgente nécessité de reprendre le dialogue et les négociations entre les Israéliens et les Palestiniens, qui est le seul moyen de conclure une paix durable et partagée entre un Etat palestinien souverain et indépendant et un Etat d’Israël reconnu et protégé. Elle exprime son soutien plein et entier aux «discussions de proximité» et appelle les parties à coopérer afin d’aboutir à un résultat positif.
10. L’Assemblée apprécie les efforts intensifs déployés par le Président Obama et son envoyé spécial pour le Proche-Orient, George Mitchell, ainsi que ceux du Quartet et son envoyé spécial pour le Proche-Orient, Tony Blair, et note que cette crise appelle les Nations Unies et l’Union européenne à renforcer leur engagement. Elle se félicite des déclarations faites par la Ligue arabe sur son engagement continu envers une paix négociée fondée sur le plan de paix arabe. L’Assemblée espère que, malgré la crise récente, la Turquie continuera de jouer un rôle positif en faveur de la stabilité dans la région.
11. En conséquence, l’Assemblée appelle le Gouvernement d’Israël:
11.1. à déterminer rapidement et sans ambiguïté les responsabilités individuelles et collectives des actes commis lors de l’attaque contre la flottille de Gaza;
11.2. à coopérer avec la communauté internationale pour garantir que soit menée une enquête prompte, internationale, impartiale et transparente;
11.3. à s’assurer que la commission d’enquête qu’il a nommée ouvre sans délai une enquête transparente, crédible et impartiale conforme aux critères internationaux et que ses membres puissent la conduire en toute indépendance et liberté d’action;
11.4. à lever le blocus de Gaza en ouvrant l’accès terrestre et maritime et en permettant la fourniture sans heurt de tous les produits nécessaires à des conditions de vie normales de la population et au développement d’activités sociales et économiques sans préjudice de sa propre sécurité;
11.5. à arrêter la construction de nouvelles implantations et l’extension de celles qui existent dans les territoires occupés y inclus Jérusalem Est;
11.6. à poursuivre la réduction des points de contrôle en Cisjordanie;
11.7. à faire en sorte que le Président de l’Autorité nationale palestinienne, Mahmoud Abbas, et le Gouvernement Fayyad soient en mesure d’assumer leurs responsabilités et d’exercer leurs pouvoirs.
12. L’Assemblée demande instamment à toutes les forces palestiniennes de reconnaître l’autorité du Président Mahmoud Abbas et d’apporter leur soutien au processus de paix.
13. Elle appelle le Hamas:
13.1. à reconnaître le droit à l’existence de l’Etat d’Israël ainsi que le plan de paix arabe;
13.2. à cesser le lancement des roquettes contre des cibles israéliennes et à renoncer explicitement à toute forme d’affrontement violent;
13.3. à cesser les attaques contre les ONG internationales dans la bande de Gaza.
14. Elle demande au Fatah et au Hamas de reprendre les négociations en vue d’un accord cohérent avec l’objectif d’une paix négociée.
15. L’Assemblée demande aux Israéliens et aux Palestiniens de conclure un accord pour la libération du soldat Gilad Shalit et des milliers de prisonniers politiques palestiniens.
16. L’Assemblée se félicite des activités humanitaires de l’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine (UNRWA) et demande à tous les pays donateurs d’allouer des ressources financières suffisantes pour répondre aux besoins de la population de Gaza.
17. L’Assemblée réaffirme son engagement en faveur du dialogue entre les parties, notamment par le biais du Forum tripartite qui rassemble l’Assemblée, la Knesset et le Conseil législatif palestinien.

B. Exposé des motifs, par M. Fassino, rapporteur

(open)

1. Les faits

1. Dans la nuit du 30 mai 2010, des commandos israéliens ont pris d’assaut une flottille de six navires organisée pour forcer le blocus de Gaza et envoyer de l’aide à sa population. Il s’agissait de la neuvième tentative depuis 2008 de briser le blocus israélien et égyptien de la bande de Gaza par la mer, mais c’était la première ayant causé des victimes. Neuf personnes de nationalité turque (dont l’une possédait la double nationalité turque et américaine) ont été tuées et près de 30 ont été blessées, dont 8 soldats israéliens.
2. La flottille cherchait à fournir de l’aide à Gaza afin de briser le blocus israélien et égyptien qui est imposé à la bande de Gaza depuis 2007. Les navires transportaient 10 000 tonnes de fret, dont des fournitures scolaires, des matériaux de construction et deux gros générateurs d’électricité.
3. La flottille a été organisée par le mouvement Free Gaza et le groupe turc IHH (Fondation pour les droits de l’homme, les libertés et le secours humanitaire). A bord des navires se trouvaient des militants représentant de nombreuses organisations, des membres de groupes pacifistes de nombreux pays ainsi que des hommes politiques. Le Gouvernement israélien affirme qu’IHH est étroitement lié au Hamas et qu’il est membre d’une autre organisation, The Union of Good, qui prône les attentats-suicides à la bombe. Selon le Gouvernement turc, l’IHH est une organisation humanitaire légitime.
4. Les six navires se trouvaient dans des eaux territoriales internationales à une distance de près de 130 km de la côte israélienne. Des commandos israéliens ont été hélitreuillés sur le pont du navire principal, le cargo turc Mavi Marmara. Leur objectif aurait été de contrôler la cargaison pour vérifier qu’elle ne contenait ni armes ni instruments d’agression. Avant le raid, les autorités israéliennes avaient proposé que l’aide humanitaire soit débarquée dans un port israélien avant d’être acheminée vers Gaza. Cette proposition a été rejetée par les organisateurs de la flottille.
5. La manière dont l’affrontement s’est produit fait l’objet de versions contradictoires. Les militants affirment que les commandos israéliens ont commencé à tirer dès qu’ils sont descendus sur le pont du navire. Des sources israéliennes indiquent que les commandos, attaqués par un groupe de militants armés de haches, de couteaux et d’un pistolet, ont riposté pour se défendre. Des vidéos et des photographies montrent un groupe de militants armés de barres de métal, de couteaux, de lance-pierres et d’autres objets contondants. La vidéo présentée par les militaires israéliens s’interrompt juste avant la fusillade. Aucune violence n’a été signalée sur les cinq autres navires.
6. Selon les résultats de rapports d’autopsie fournis par l’institut médico-légal de l’Etat turc, les corps des militants décédés étaient criblés d’une trentaine de balles, et un militant a reçu quatre balles dans la tête. La nature des blessures des soldats israéliens n’a pas été rendue publique.
7. Moins d’une semaine après l’affrontement mortel à bord du Mavi Marmara, un autre navire – le cargo irlandais MV Rachel Corrie – a essayé de rallier Gaza. Il a été intercepté par des troupes israéliennes et conduit au port d’Ashod, sans affrontement apparent.
8. Parmi les huit cas précédents de navires ayant fait route vers Gaza, certains avaient été autorisés à rallier leur destination, d’autres avaient été interceptés et contraints de faire demi-tour. Les motifs pour lesquels cette flottille a fait l’objet d’un raid de commandos ne sont pas clairs. L’assaut est peut-être dû aux dimensions du navire principal, le Mavi Marmara, qui transportait près de 600 passagers, ce qui le rendait difficile à aborder par la mer pour contrôler la cargaison. Israël déclare que «des navires qui violent ou tentent de violer le blocus maritime peuvent être capturés, voire attaqués, conformément au droit international». En tout cas, il est évident que du côté israélien il y a eu un recours abusif et disproportionné à la force.
9. Le mouvement Free Gaza a annoncé que d’autres convois maritimes tenteraient de briser le blocus israélien.

2. Le blocus de Gaza

10. Israël et l’Egypte ont commencé le blocus de la bande de Gaza en 2007 lorsque le Hamas a pris le pouvoir par un coup de force expulsant les représentants de l’Autorité nationale palestinienne. Les Israéliens considèrent que le blocus affaiblit le Hamas, qu’il le contraint à cesser les tirs de roquettes sur les villes israéliennes et qu’il permettra le retour du soldat israélien capturé, Gilad Shalit.
11. Jusqu’à présent, le blocus a visé un large éventail de produits, y compris des produits alimentaires et de première nécessité, ainsi que du matériel et des matériaux pour la reconstruction et l’activité économique, dont le ciment et les échafaudages, qui peuvent, selon Israël, servir à lancer des roquettes.
12. Selon les Nations Unies, la population de Gaza reçoit un quart des fournitures qu’elle avait coutume de recevoir avant 2007. L’Office de secours et de travaux des Nations Unies pour les réfugiés de Palestine dans le Proche-Orient (UNRWA) affirme que le nombre d’habitants de Gaza assistés, incapables de se procurer des biens de première nécessité, a triplé depuis 2007.
13. Afin de réduire au minimum les effets du blocus, les Palestiniens ont construit un réseau de tunnels (près de 800 selon un rapport 
			(2) 
			Gulf Times, Doha, 21 octobre 2008.) pour importer des produits d’Egypte. Selon certains analystes 
			(3) 
			Voir
le site <a href='http://www.terrorism-info.org.il/malam_multimedia/Hebrew/heb_n/html/ipc_031.htm'>www.terrorism-info.org.il/malam_multimedia/Hebrew/heb_n/html/ipc_031.htm</a>. , la valeur commerciale des produits transitant par ces tunnels est estimée à près de 200 millions de dollars des Etats-Unis par an. Par ailleurs, le Hamas imposerait des taxes sur les produits importés par les tunnels.
14. Durant ces trois ans, le blocus ne semble pas avoir été très efficace: les attaques de roquettes continuent, bien que moins fréquentes; le Hamas s’est renforcé et continue de contrôler la bande de Gaza, et Gilad Shalit n’a pas été libéré.
15. Dans sa récente Résolution 1700 (2010) sur la situation au Proche-Orient, l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe a appelé le Gouvernement d’Israël «à lever le siège de la bande de Gaza, à permettre à l’aide humanitaire d’entrer et à garantir la réouverture durable des accès». Cette demande a été réitérée par les Nations Unies, l’Union européenne, la Ligue arabe et un grand nombre de gouvernements.

3. Les réactions de la communauté internationale

16. L’assaut israélien de la flottille a fait l’objet d’une condamnation internationale.
17. La Turquie a rappelé son ambassadeur en poste en Israël. Le Premier ministre turc, M. Tayyip Erdoğan, a demandé qu’Israël soit puni pour le «massacre» commis. Le Vice-Premier ministre, M. Bülent Arınç, a annoncé qu’Israël ferait l’objet de poursuites judiciaires devant un tribunal turc. Le ministre des Affaires étrangères de la Turquie, M. Ahmet Davutoğlu, a déclaré que le raid était «équivalent à un acte de banditisme et de piraterie» et à «un meurtre d’Etat».
18. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a appelé «à lancer sans retard une enquête impartiale, crédible et transparente conforme aux critères internationaux». Le Secrétaire général des Nations Unies, M. Ban Ki-moon, a déploré l’incident en soulignant que «le blocus imposé depuis longtemps à Gaza est contre-productif, insoutenable, injuste, et punit les citoyens innocents. Si mon appel à lever le blocus avait été entendu, la tragédie d’aujourd’hui aurait été évitée».
19. Le Président palestinien, M. Mahmoud Abbas, a accusé Israël de «terrorisme d’Etat».
20. L’Union européenne et ses Etats membres ont exprimé leur réprobation et demandé la réouverture d’un accès à Gaza et l’établissement d’une commission d’enquête internationale.
21. Le Gouvernement américain s’est déclaré préoccupé par un acte qu’il considérait comme disproportionné.
22. La Russie a sévèrement condamné le raid israélien.
23. Au sein du Conseil de l’Europe, le Président de l’Assemblée parlementaire a condamné le 31 mai 2010 le raid des forces israéliennes et déploré le recours disproportionné à la force, soulignant que «quelles qu’en soient les motivations (…). S’attaquer à des personnes engagées dans des actions humanitaires et pacifiques est inacceptable et va à l’encontre des valeurs défendues par le Conseil de l’Europe». Il a demandé que toute la lumière soit faite sur cette affaire et exigé que les responsables de violations du droit international rendent des comptes. La commission des questions politiques de l’Assemblée a demandé qu’un débat soit organisé selon la procédure d’urgence pendant la partie de session du 21 au 25 juin 2010. Le Président en exercice du Comité des Ministres a également exprimé sa préoccupation et sa consternation.
24. L’Egypte qui, conjointement avec la Ligue arabe et tous ses membres, avait condamné fermement le raid israélien – a décidé d’ouvrir sa frontière terrestre avec Gaza pour la première fois à partir du 1er juin 2010 pour une période de temps indéterminée.
25. Le 2 juin 2010, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies a adopté une résolution demandant l’établissement d’une «commission d’enquête internationale».
26. Une demande identique a été formulée par la Turquie et plusieurs autres pays, dont la France et le Royaume-Uni. Les Etats-Unis, quant à eux, ont affirmé que la commission d’enquête internationale devrait être conduite par Israël tout en expliquant, par la voix de Mme Hillary Clinton, secrétaire d’Etat, que l’administration américaine était ouverte «à diverses façons d’assurer la crédibilité de l’enquête, y compris une participation internationale».
27. Le 14 juin 2010, le Conseil des affaires étrangères de l’Union européenne a adopté une déclaration déplorant profondément les pertes de vies humaines qui se sont produites au cours de l’opération militaire israélienne menée dans les eaux internationales et condamnant le recours à la violence. Le conseil a demandé qu’une enquête impartiale soit ouverte sans délai et que la commission qui en serait chargée comprenne des personnalités internationales afin d’inspirer la confiance de la communauté internationale.
28. Le 14 juin 2010, le Gouvernement israélien a annoncé qu’il rejetait la demande d’établissement d’une commission d’enquête internationale, mais qu’il avait créé à sa place une commission de trois personnes présidée par Yaakov Tirkel, ancien juge de la Cour suprême, et comprenant Amos Horev, militaire à la retraite et Shabtai Rosen, professeur de droit international. Deux observateurs étrangers, Lord David Trimble (ancien Premier ministre d’Irlande du Nord et prix Nobel de la paix) et Ken Watkin (ex-avocat général de l’armée canadienne) siégeraient également à la commission d’enquête, sans droit de vote.
29. Le ministre des Affaires étrangères de la Turquie, M. Ahmet Davutoglu, a critiqué la composition de la commission israélienne: «Nous n’avons pas du tout confiance dans le fait qu’Israël, un pays qui a perpétré une telle attaque sur un convoi civil dans les eaux internationales, mènera une enquête impartiale. Le fait qu’un plaignant soit simultanément procureur et juge n’est pas compatible avec les principes du droit.»
30. M. Mahmoud Abbas, Président de l’Autorité palestinienne, a déclaré à Paris que l’enquête «ne correspond pas à ce que le Conseil de sécurité avait demandé».
31. Le cabinet israélien a annoncé le 17 juin 2010 un assouplissement du blocus terrestre de Gaza, à la suite de la proposition de Tony Blair de passer d’une liste de produits éligibles à une liste de marchandises interdites.

4. Le processus de paix

32. Le cas de la flottille témoigne du climat de tension exacerbé qui règne depuis des mois au Proche-Orient et de l’enlisement du processus de paix.
33. Après avoir gagné les élections de 2009, le Gouvernement israélien a suivi une ligne politique oscillant entre l’ouverture et la rigidité. D’un côté, le Gouvernement de Netanyahu a envoyé des messages d’ouverture: le discours de Bar Ilan, qui reconnaît la solution «deux Etats pour deux peuples», la réduction des points de contrôle en Cisjordanie et la suspension pendant dix mois de nouvelles constructions en Cisjordanie. De l’autre, le Gouvernement israélien n’a cessé de répéter qu’une Jérusalem indivisible devait être exclusivement la capitale d’Israël et il a autorisé l’extension des constructions existantes et de nouvelles constructions à Jérusalem Est, exigé qu’Israël soit reconnu comme un «Etat juif», maintenu un blocus rigoureux de Gaza et interrompu toute négociation pour la libération de prisonniers politiques.
34. Le camp palestinien est aussi caractérisé par la fragilité et les contradictions. Malgré la médiation de l’Egypte, les négociations entre le Fatah et le Hamas n’ont débouché sur aucun accord. Le Hamas ne reconnaît toujours pas l’autorité du Président Mahmoud Abbas et poursuit une stratégie opposée à celle de l’Autorité nationale palestinienne. Dans ce scénario, le Premier ministre palestinien, Salem Fayyad, a lancé une stratégie de création d’un Etat palestinien «du bas vers le haut».
35. Dans ce scénario précaire, les efforts de la communauté internationale visant à rouvrir la voie du dialogue entre les parties au conflit se sont heurtés à des difficultés pour aboutir à des résultats:
  • le Président Obama qui, dans son discours du Caire (mai 2009), avait fait un plaidoyer extraordinaire en faveur du Proche-Orient, n’a pas caché la frustration américaine à l’égard des rigidités et du comportement du Gouvernement Netanyahu. Les relations israélo-américaines ont connu des moments de grande tension, en particulier pendant la visite du Vice-président Biden en Israël. Pour renforcer l’action du Président Mahmoud Abbas, le Gouvernement américain a décidé d’allouer une aide de 400 millions de dollars des Etats-Unis à l’Autorité nationale palestinienne;
  • le Quartet qui, au cours de ces derniers mois est intervenu de manière intensive, s’est réuni à Moscou, a sollicité le Gouvernement israélien à lever le blocus de Gaza et à suspendre de nouvelles implantations de colonies, et a exhorté les parties à reprendre le chemin des négociations;
  • le Secrétaire général des Nations Unies a fait le même plaidoyer;
  • le Président de l’Union européenne, son haut représentant pour les Affaires étrangères et la politique de sécurité et les ministres des Affaires étrangères de pays de l’Union n’ont pas caché leurs frustrations et, en réitérant la déclaration de l’Union européenne de décembre 2009, ont appelé les parties à coopérer davantage.
36. Le pape Benoît XVI, dans son discours à l’Assemblée spéciale pour le Proche-Orient du Synode des évêques, a également lancé un appel «pour un effort international urgent et partagé avant que le conflit ne conduise à une plus grande effusion de sang».
37. Afin de contribuer à surmonter la crise, les ministres des Affaires étrangères de France, d’Italie et d’Espagne ont proposé de renforcer la Mission civile européenne, déjà en place aux frontières de Rafah, en élargissant sa présence à tous les points d’accès terrestres et maritimes afin de contrôler que la réouverture de l’accès à Gaza s’effectue sans risques pour Israël.
38. Malgré la crise, au début de mai 2010, des pourparlers indirects de «proximité» ont commencé entre les Israéliens et les Palestiniens, menés par George Mitchell, envoyé spécial des Etats-Unis au Proche-Orient, dans le but de mettre de côté les préjugés et de créer des conditions favorables à l’organisation de discussions directes. Il est satisfaisant de constater que ni l’Autorité palestinienne ni le Gouvernement israélien n’ont demandé la suspension des discussions à la suite de l’incident de la flottille.
39. Il m’importe ici de souligner la valeur de l’appel à la raison du JCall (European Jewish call for reason) lancé par un grand nombre de personnalités juives qui ont exhorté le Gouvernement israélien à emprunter courageusement et sans ambiguïté une voie vers une paix négociée avec les Palestiniens.
40. La question de l’Iran pèse sur la situation critique actuelle. Les négociations avec la communauté internationale n’ont pas produit jusqu’à présent les résultats escomptés et le Conseil de sécurité a adopté de nouvelles sanctions. Par ailleurs, le Président Ahmadinejad et son entourage poursuivent une violente campagne contre Israël et apportent leur soutien au Hamas et aux éléments les plus radicaux du monde palestinien. De son côté, le Gouvernement israélien n’a pas caché qu’il envisageait une action militaire contre les installations d’enrichissement d’uranium de l’Iran. Dans cette éventualité, selon certains rapports de presse, Israël aurait négocié avec des pays voisins la possibilité d’utiliser des couloirs aériens.

5. Conclusions

41. Il est clair que la gravité de l’attaque de la flottille exige une enquête transparente, impartiale et crédible sur tous les faits afin de déterminer les responsabilités individuelles et collectives. Il est de la responsabilité d’Israël de ne pas rejeter cette demande de la communauté internationale.
42. Les actes israéliens ont été unanimement condamnés par la communauté internationale et l’opinion publique, ce qui a accentué l’isolement d’Israël et devrait logiquement faire réfléchir ses autorités.
43. Cette crise rappelle également le caractère obligatoire des principes et des normes du droit international auxquels chaque Etat doit adapter sa conduite et souligne aussi que l’utilisation de la force et le droit à la défense ne peuvent pas violer le principe de proportionnalité.
44. Cette crise montre à quel point Gaza est l’un des problèmes les plus épineux du conflit israélo-palestinien, comme en témoignent tout d’abord le blocus qui, depuis 2007, opprime les vies d'un million et demi de personnes, puis l’opération «Plomb durci» qui, en janvier 2009, a causé de nouvelles victimes et de nombreuses destructions et à présent l’incident de la flottille. Tout indique qu’il est urgent de lever le blocus de Gaza dès que possible, afin que tous les produits nécessaires à une vie normale et au développement des activités sociales et économiques puissent pénétrer librement, par voie terrestre et maritime, ce qui permettrait d’atténuer les tensions politiques.
45. Mettre fin au blocus de Gaza impose également de tenir compte des besoins de sécurité d’Israël, qui ne pourront être assurés qu’en renforçant les mécanismes de prévention et de contrôle visant à empêcher l’introduction d’armes et de matériels non autorisés.
46. Cet épisode très récent montre surtout que le temps ne travaille pas en faveur de la paix, d’autant que toutes ces années passées sans trouver de solution ont augmenté les frustrations et la radicalisation et entament – notamment parmi les jeunes générations – la crédibilité du processus de paix.
47. Il y a donc urgence à promouvoir la reprise du dialogue et des négociations entre Israéliens et Palestiniens pour parvenir à la seule paix possible, fondée sur l’existence d’un Etat palestinien indépendant, viable et contigu aux côtés d’un Etat d’Israël reconnu. Les pourparlers indirects «de proximité» promus par l’envoyé américain Mitchell sont une occasion précieuse qui devrait être encouragée afin de permettre d’ouvrir la voie à des négociations directes le plus tôt possible.
48. L’engagement et la responsabilité de la communauté internationale et de ses institutions – y compris le Conseil de l’Europe – devraient contribuer de manière décisive à la relance du processus de paix, faciliter la reprise du dialogue entre les parties et enfin donner aux populations et à leurs territoires la stabilité, la sécurité, des droits et une coexistence harmonieuse.