1. Introduction
1. La féminisation des migrations dans le contexte de
la mondialisation a entraîné un changement des schémas migratoires
selon le genre: alors que dans le passé les femmes émigraient en
général en tant que conjointe ou en tant que membre de la famille
d’un migrant, il apparaît aujourd’hui qu’un nombre croissant de femmes
émigrent de façon indépendante. Les hommes n’occupent plus une place
dominante dans les nouveaux flux migratoires. Les femmes émigrent
le plus souvent par nécessité, à cause de besoins économiques, du
changement climatique ou de la guerre. Il existe cependant une demande
croissante de main-d’œuvre féminine et les nouveaux besoins sociaux
ont créé une demande de services que seules les femmes immigrées
sont prêtes à fournir.
2. La migration est source d’avantages et d’inconvénients pour
les femmes. Bien qu’elles soient souvent victimes de l’exploitation,
émigrer leur permet aussi dans certains cas d’obtenir l’indépendance,
le respect et le sentiment de contrôler leur vie. Les femmes immigrées
auraient plus de chances de bénéficier de ces avantages si étaient
mises en place des politiques protégeant leurs droits et tenant
compte de l’expérience particulière qui est la leur.
3. La situation politique actuelle, marquée par la réduction
des flux migratoires en Europe, le développement de sentiments hostiles
aux immigrés et l’introduction de mesures d’austérité économique
dans nombre d’Etats membres du Conseil de l’Europe, est loin d’être
favorable à l’amélioration des droits des migrants en général et
des femmes immigrées en particulier. Les coupes budgétaires en cours
risquent d’avoir un impact négatif à long terme sur l’emploi des
femmes immigrées, leur accès aux droits et aux services et leurs
chances d’intégration en général. C’est pourquoi votre rapporteur
est convaincue que, dans ce contexte, il est essentiel de rappeler
aux gouvernements des Etats membres la nécessité de maintenir ouvertes
des voies de migration légales, de reconnaître le travail et l’apport
des femmes immigrées à la société, d’assurer une protection accrue
des droits de celles qui sont le plus exposées à des risques de
mauvais traitements et de leur donner les moyens de contrôler leur
vie.
4. L’Assemblée parlementaire a souligné à plusieurs reprises
la nécessité de prendre des mesures pour promouvoir l’intégration
des femmes immigrées dans les sociétés européennes
et
protéger ces femmes de la violence domestique
. Le présent rapport souhaite
insister sur le fait que, outre l’attention accordée aux femmes
immigrées lorsqu’elles sont victimes de mauvais traitements ou d’actes
criminels, il est urgent d’envisager la protection d’une gamme plus
étendue de droits fondamentaux afin de permettre aux femmes immigrées
d’accéder à l’autonomie aussi bien sur leur lieu de travail qu’en
dehors de celui-ci.
5. Dans les chapitres qui suivent, votre rapporteur examine les
enjeux auxquels doivent faire face les femmes immigrées sur le marché
du travail et propose des mesures pour renforcer leur protection.
Le présent rapport attire particulièrement l’attention sur les difficultés
rencontrées par les travailleurs du secteur des services domestiques
et des soins à la personne, en situation régulière ou irrégulière,
et celles auxquelles doivent faire face les femmes immigrées qui
entrent dans le pays d’accueil comme conjointes mais qui sont ensuite
amenées à chercher du travail sur leur nouveau lieu de résidence
et finissent donc par faire partie de la force de travail immigrée
. Il examine la
situation des femmes nouvellement arrivées qui n’ont pas la nationalité
du pays d’accueil, en reconnaissant également que les femmes immigrées
de la deuxième et de la troisième génération se heurtent aussi à
la discrimination sur le marché du travail.
6. Cet exposé des motifs a été élaboré essentiellement à partir
des informations présentées lors de l’audition tenue par la commission
des migrations, des réfugiés et de la population le 7 décembre 2010
à Paris. Votre rapporteur souhaite remercier les experts du Comité
des Nations Unies pour la protection des droits de tous les travailleurs
migrants et des membres de leur famille, le Lobby européen des femmes
(LEF), l’Organisation internationale pour les migrations (OIM),
la Plate-forme pour la coopération internationale sur les sans-papiers
(PICUM) et KULU – Women in Development(Danemark)
–, pour leur contribution à l’élaboration du présent rapport.
7. Pendant la préparation de ce rapport, votre rapporteur a effectué
du 8 au 10 février 2011 une visite d’information à Londres où elle
a pu rencontrer les représentants d’associations locales de femmes,
d’ONG du secteur et d’organismes gouvernementaux, ainsi que des
parlementaires et des représentants syndicaux. Les diverses questions
abordées au cours de ces réunions seront signalées tout au long
de ce rapport afin d’illustrer certaines tendances générales aujourd’hui
en Europe, sans pour autant accorder une place particulière au Royaume-Uni.
Le rapporteur remercie le bureau de Londres de l’Organisation internationale pour
les migrations et le secrétariat de la délégation du Royaume-Uni
d’avoir facilité les réunions, ainsi que tous les interlocuteurs
qui lui ont communiqué des informations en vue de ce rapport.
2. Profil des femmes immigrées sur le marché
du travail
8. Tout comme leurs pairs masculins, la plupart des
travailleuses migrantes sont de plus en plus souvent célibataires;
elles sont âgées de 20 à 40 ans, possèdent au minimum un niveau
d’études secondaires et occupent des emplois peu qualifiés situés
aux plus bas niveaux de l’échelle et souvent délaissés par les femmes
autochtones car ils impliquent un faible niveau de rémunération,
de mauvaises conditions de travail et des perspectives professionnelles
limitées sans sécurité d’emploi
.
9. A l’échelle mondiale, parmi les emplois hautement qualifiés
occupés par des travailleurs migrants, on compte davantage d’hommes
que de femmes, même si celles-ci sont de plus en plus nombreuses.
Cette situation s’explique principalement par le fait que les femmes
ont tendance à se spécialiser dans les sciences humaines ou sociales,
qui les destinent à des emplois dans des domaines tels que l’enseignement,
la santé ou le travail social. Or, c’est essentiellement dans le
domaine informatique que les femmes hautement qualifiées sont recrutées,
par des entreprises ou institutions internationales, ou dans d’autres
professions hautement spécialisées, telle la médecine.
10. Des études sur les flux migratoires mondiaux montrent que
les travailleuses immigrées trouvent des emplois dans un nombre
restreint de domaines essentiellement féminins, répondant à la répartition traditionnelle
des rôles entre les hommes et les femmes. On observe une augmentation
de la demande concernant surtout des emplois peu qualifiés, pour
des postes de travailleuses domestiques (tâches ménagères, garde
d’enfants), femmes de ménage dans les hôtels ou serveuses, par exemple,
ainsi que pour des emplois qualifiés (infirmières et autres travailleuses
de santé). Les femmes immigrées travaillent dans le commerce de
détail ou la production industrielle à forte intensité de main-d’œuvre
où elles sont exploitées
. Bon nombre de ces migrantes sont
également impliquées dans la prostitution et l’industrie du sexe
– parfois involontairement, certaines d’entre elles étant victimes
de la traite aux fins d’exploitation sexuelle
.
11. Les soins infirmiers et les autres services de santé sont
valorisés socialement et permettent aux femmes d’obtenir un statut
de migrant temporaire ou permanent en situation régulière, ainsi
qu’un salaire plus élevé, de meilleures conditions de travail ou
possibilités d’évolution professionnelle. Toutefois, ce n’est pas
le cas de la plupart des secteurs d’activité à prédominance féminine.
Souvent, les emplois concernés ne sont pas déclarés, et, même lorsqu’ils
le sont, les conditions de travail proposées aux femmes immigrées
sont moins bonnes que celles des femmes autochtones (contrats de
courte durée et non renouvelables, bas salaires, temps de travail
excessifs et emplois physiquement éprouvants).
12. Le chômage et le sous-emploi touchent davantage les femmes
immigrées que les femmes autochtones, la différence étant encore
plus marquée avec les hommes autochtones. Des études montrent que,
dans les «anciens» pays d’accueil en particulier, les migrantes
sont très peu présentes sur le marché du travail dans les premières
années qui suivent leur arrivée dans le pays hôte – par rapport
aux femmes autochtones. Ainsi, aux Pays-Bas, en Belgique, en France
et au Royaume-Uni, même au bout de six à dix ans de résidence dans le
pays, on observe encore une différence de 15 points de pourcentage
entre le taux d’activité des migrantes et celui des femmes autochtones
. En outre, un nombre
significatif de femmes migrantes hautement qualifiées travaillent
dans des secteurs économiques peu qualifiés.
13. La situation des femmes immigrées en matière d’emploi varie
cependant d’un pays à l’autre et l’on observe des disparités entre
membres d’un même groupe ethnique selon le pays d’accueil, ainsi
qu’entre groupes ethniques dans un même pays hôte. Selon certaines
études, les variations de l’emploi des femmes immigrées seraient
moins dues à leur origine culturelle qu’à des traits spécifiques
de la société en général, comme l’attitude à l’égard de la participation
des femmes au marché du travail et les caractéristiques nationales
de l’emploi
.
14. Néanmoins, de nombreuses communautés ethniques traditionnelles
ne sont pas favorables au travail des femmes et, pour ces dernières,
accéder à un emploi formel signifie travailler dans l’environnement
familier des activités économiques de la communauté ou s’occuper
de la garde des enfants, par exemple. Votre rapporteur a appris
qu’en Grande-Bretagne de nombreuses femmes appartenant aux minorités
ethniques sont soumises à un contrôle excessif de leur conjoint
ou d’autres membres de leur famille lorsqu’elles trouvent un emploi
en dehors de l’environnement communautaire, souvent par exemple
sous forme d’une retenue de leur salaire ou d’une surveillance constante
de leurs heures de départ et de retour au foyer.
15. Les emplois occupés par les femmes immigrées sont le plus
souvent des emplois temporaires. La grande majorité des femmes n’émigrent
pas dans un but d’installation permanente; leur but premier est
de soutenir pendant un certain temps leur famille dans leur pays
d’origine avant d’y retourner. Envoyer un membre de la famille étudier
ou travailler à l’étranger est souvent un projet coûteux pour la
famille élargie; la durée de séjour souhaitée dépend en définitive
du rendement de cet investissement. Par exemple, les infirmières
et aides-soignantes indiennes ou d’Asie du Sud-Est dépensent environ
3 000 £ à 5 000 £ en droits d’agence pour obtenir un permis de travail
au Royaume-Uni, alors que le salaire moyen d’une infirmière dans
le pays d’origine est de 60 £
. La migration
circulaire serait une solution adaptée pour de nombreuses travailleuses
immigrées car elle leur permettrait de revenir régulièrement dans
leur famille. L’avantage qui en résulte aussi bien pour les employeurs
que pour les travailleurs apparaît de plus en plus clairement dans
le cas des travailleurs migrants originaires des nouveaux pays membres
de l’Union européenne. Au Royaume-Uni, dans certains secteurs comme
ceux des soins à la personne, de la restauration ou du nettoyage,
les «nouveaux» travailleurs migrants des Etats membres de l’Union
européenne tendent apparemment à remplacer les groupes traditionnels
de migrants originaires de pays extérieurs à l’Europe à cause de
la plus grande flexibilité des règles d’immigration qui s’appliquent
à ces travailleurs.
3. Défis et difficultés rencontrés par les femmes
immigrées sur le marché du travail
16. Souvent, l’émigration libère les femmes et leur permet
d’améliorer considérablement leur situation en termes de revenus,
d’autonomie et d’éducation. Toutefois, elle peut aussi aboutir à
une réduction de la mobilité professionnelle, à une déqualification,
à une régression du monde du travail rémunéré à la sphère domestique et,
dans les cas extrêmes, à la violence physique, à la traite et à
l’exploitation.
17. Certains obstacles et difficultés qui se posent aux femmes
immigrées sur le marché du travail sortent du champ de ce rapport;
ils ne seront donc pas traités de façon détaillée. Votre rapporteur
s’est plutôt concentrée sur certaines questions urgentes qu’elle
estime mériter une attention particulière de la part du Conseil
de l’Europe et de ses Etats membres.
3.1. Le manque de voies d’immigration légales
18. Le nombre de femmes émigrant seules à la recherche
d’un emploi est élevé, mais celles-ci restent sous-représentées
dans les migrations légales vers les pays industrialisés. Etant
donné que les initiatives officielles de recrutement continuent
de porter sur des emplois hautement qualifiés dans des domaines
à prédominance masculine tels que l’informatique, ou sur le recrutement
de travailleurs temporaires migrants peu ou pas qualifiés dans des
secteurs essentiellement dominés par les hommes, comme le bâtiment
ou l’agriculture, les possibilités pour les femmes d’émigrer légalement
demeurent plus limitées que pour les hommes. Les politiques migratoires
ne sont pas ouvertement discriminatoires envers l’un ou l’autre
sexe, mais certains pays restreignent l’entrée de migrants pour
les emplois à prédominance féminine
.
19. Dans le système de points utilisé au Royaume-Uni, par exemple,
l’immigration de soignants a été récemment soumise à des restrictions,
malgré le vieillissement de la population et l’augmentation de la demande
de soins à la personne, dont on estime qu’elle devrait doubler dans
les quinze prochaines années. Etant donné que, en 2009, 78 % des
candidats dans cette catégorie étaient des femmes, on peut considérer que
ces restrictions affectent de façon disproportionnée les travailleuses
immigrées. Cette voie d’immigration légale est actuellement ouverte
uniquement aux soignants expérimentés, à condition de pouvoir prouver
qu’ils gagnent 7,80 £ net de l’heure, montant qui est jugé excessif
par les syndicats et les organisations professionnelles.
20. La demande de travailleurs domestiques est en augmentation,
en particulier dans les Etats membres les plus «anciens» du Conseil
de l’Europe, mais il n’a guère été créé de voie légale pour répondre
à cette demande avec des mécanismes de recrutement ou de protection
appropriés. Or, l’ouverture du marché national du travail aux femmes
immigrées comporterait de nombreux avantages. Premièrement, cela permettrait
d’éviter à beaucoup d’entre elles de se trouver piégées dans une
situation irrégulière, d’exploitation et/ou de traite des êtres
humains
. Deuxièmement, il existe une véritable
demande en matière de main-d’œuvre dans les domaines des services
domestiques et de la santé, et il est peu probable que cette tendance s’inverse
dans un avenir proche. Troisièmement, le fait d’octroyer aux femmes
un statut de migrantes en situation régulière peut contribuer à
réduire le coût social de leur migration, en leur permettant de
retourner plus souvent dans leur pays d’origine pour rendre visite
à leur famille, de gagner plus d’argent et, par conséquent, d’en
envoyer davantage à leur famille, et de planifier plus sereinement
leur retour chez elles
.
21. Il existe des exemples de bonnes pratiques en la matière,
notamment le programme canadien de recrutement de personnel aidant
résident (Live-in Caregiver Programme), lancé en 2003, qui offre
une possibilité d’entrée légale sur le territoire aux migrants désirant
travailler en tant que personnel aidant chez des particuliers. Ce
programme prévoit l’établissement d’un contrat de travail officiel,
permet de changer d’employeur et offre la possibilité d’obtenir
le statut de résident permanent au bout de deux ans seulement.
22. D’autres pays ont adopté des approches différentes. Ainsi,
l’Italie fixe des quotas annuels pour le nombre de travailleuses
domestiques immigrées; quant à l’Espagne, la Grèce et l’Italie,
elles ont mis en place des mécanismes de régularisation dont l’expérience
montre qu’ils sont largement bénéfiques pour les femmes. Toutefois,
les permis de travail délivrés dans le cadre de ces mécanismes de
régularisation ne sont parfois que temporaires et ne permettent
pas de faire venir les membres de la famille. Dans d’autres cas,
ce sont la situation professionnelle des migrantes et les importantes
difficultés qu’elles rencontrent pour réunir l’argent nécessaire
et avoir accès à un logement qui les empêchent de déposer une demande
de regroupement familial, et, ainsi, de faire venir leur conjoint
et leurs enfants
.
23. En définitive, le fait de restreindre les possibilités légales
d’entrer dans un pays pour travailler lorsque la demande de main-d’œuvre
existe ne peut qu’inciter certains acteurs tant légaux qu’illégaux
du marché du travail à tirer profit des femmes migrantes à la recherche
d’un emploi. Les agences de recrutement des pays d’origine, même
lorsqu’elles exercent légalement, demandent souvent une somme exorbitante
pour le placement et les frais de voyage. Quant aux agences qui
exercent illégalement ou qui ne sont pas contrôlées par le gouvernement,
elles demandent des sommes pratiquement impossibles à rembourser,
mettant ainsi les femmes immigrées dans une situation proche de
la servitude pour dettes. Enfin, les personnes qui aident les migrantes
à traverser illégalement les frontières et qui violent ainsi clairement
les lois nationales ont parfois recours à la coercition, à la force
ou à de fausses promesses et placent ces migrantes dans des emplois domestiques
non déclarés, dans l’industrie illégale du sexe ou dans des ateliers
clandestins où elles sont exploitées, toutes pratiques qui relèvent
de la traite
.
24. Le rapporteur rappelle que l’Assemblée, dans sa
Résolution 1534 (2007) sur
la situation des travailleurs migrants dans les agences de travail
temporaires (ATT), a appelé les Etats membres à établir des liens internationaux
de coopération entre les services de l’inspection du travail, la
police et les gardes-frontière.
25. Cela étant dit, le rapporteur considère que les Etats de destination
devraient reconnaître la demande de travailleuses immigrées qui
existe sur le marché de l’emploi et, dans cette logique, concevoir
des politiques visant à faciliter l’immigration officielle et légale
de femmes disposant des qualifications ou de l’expérience pertinentes,
en tant que moyen de prévenir le développement de l’immigration
clandestine et des situations d’exploitation ou de traite des êtres
humains. Les Etats pourraient envisager de conclure des accords
relatifs aux migrations de travail qui prévoiraient un quota paritaire
(50 % de femmes et 50 % d’hommes).
26. Quant aux pays d’origine, ils devraient être encouragés à
mettre en place un système unique et efficace d’information sur
les emplois disponibles à l’étranger, en s’assurant qu’un nombre
égal de ces emplois soit ouvert à des travailleuses migrantes. Ils
devraient également renforcer le contrôle des agences de recrutement et
des autres organismes qui fournissent des informations sur les emplois
à l’étranger. Pour ce faire, ils pourraient créer un registre s’accompagnant
d’une base de données dans laquelle figureraient une copie du contrat,
l’adresse complète de l’agence de recrutement, le nom de l’agent
de recrutement, l’adresse complète de l’employeur et d’autres informations
utiles en cas de réclamation. Enfin, les pays concernés devraient également
prévoir un nombre suffisant d’agents chargés des questions relatives
au travail dans leurs consulats ou ambassades situés dans les pays
de destination, afin de traiter les plaintes et les besoins urgents
de leurs travailleurs nationaux à l’étranger.
27. Avant de partir pour l’étranger, les femmes devraient être
averties des dangers de la traite des êtres humains et de l’exploitation;
il conviendrait également de leur fournir des informations pertinentes
sur les organismes à contacter en cas d’urgence, pour faire valoir
leurs droits légitimes ou pour obtenir d’autres informations utiles,
par exemple au sujet des différences culturelles.
3.2. Les restrictions au droit indépendant d’émigrer
ou de rester dans le pays d’accueil
28. Les femmes et filles migrantes ont longtemps été
considérées principalement comme des épouses et des enfants ne faisant
pas partie de la force de travail et accompagnant seulement les
hommes de leur famille venus travailler dans le pays hôte. Elles
étaient donc perçues comme des personnes à charge sans statut personnel.
Dans plus de 20 pays du monde, les femmes ne sont pas autorisées
à déposer elles-mêmes une demande de passeport. D’autres pays (notamment
l’Arabie saoudite, la Birmanie et le Swaziland) restreignent la
sortie des femmes. Souvent, les conditions dans lesquelles elles
arrivent dans le pays hôte ne les prédisposent pas à trouver un
emploi, à apprendre la langue du pays ou à jouer un rôle actif dans
la société.
29. Dans la plupart des Etats membres de l’Union européenne, les
femmes qui entrent dans un pays munies d’un visa de regroupement
familial ou d’épouse doivent attendre plusieurs années avant de
pouvoir obtenir un statut autonome et indépendant de celui de leur
mari. Si, au cours de cette période, elles sont victimes de violences
domestiques ou si elles demandent le divorce, elles ne peuvent pas
obtenir de titre de séjour, ni être accueillies dans un foyer d’hébergement.
Par conséquent, si elles mettent un terme à une relation fondée
sur la violence, elles deviennent des sans-papiers; leurs droits
sont très limités et elles risquent l’expulsion. Cela dissuade de
nombreuses femmes victimes de violences de porter plainte. Les obstacles
linguistiques, les pressions de la famille, l’isolement et les traditions
culturelles sont autant de facteurs supplémentaires pouvant empêcher
les victimes de déposer une plainte formelle.
30. Au Royaume-Uni, par exemple, les conjointes de nationaux ou
de résidents sont soumises à une période de probation de deux ans
au terme de laquelle leur «sponsor» peut demander un titre de séjour permanent
pour elles. Le statut d’immigration incertain qui est celui de nombreuses
jeunes épouses les rend extrêmement vulnérables à des partenaires
violents qui profitent parfois de leur situation pour les soumettre
à des formes de violence extrêmes, à l’emprisonnement et à la servitude
domestique, généralement en toute impunité. Les auteurs de mauvais
traitements savent que ces femmes ne peuvent les dénoncer aux autorités par
crainte d’être renvoyées dans leur pays d’origine où, en tant que
femmes divorcées ou séparées, elles risquent d’être soumises à des
persécutions de la part de l’Etat ou de la société.
31. En 2002, le Gouvernement du Royaume-Uni a introduit dans la
législation sur l’immigration une disposition sur la violence domestique
selon laquelle une personne mariée ou vivant avec un partenaire résident
qui peut prouver expressément qu’elle/il est victime de violence
domestique et répond à certaines autres conditions est autorisée
à demeurer au Royaume-Uni indéfiniment. D’après l’Agence des frontières
du Royaume-Uni, environ 1 500 femmes cherchent chaque année à obtenir
une autorisation de séjour illimité pour ce motif
. Cependant, l’existence dans
la législation sur l’immigration et l’aide sociale d’une clause
de «non-recours aux fonds publics» empêche de nombreuses femmes
de bénéficier de la disposition sur la violence domestique parce
qu’elles ne peuvent avoir accès à un logement sûr ou à des prestations
pour échapper à la violence domestique. Les refuges pour femmes
refusent souvent d’accueillir ces femmes parce qu’ils ne peuvent
se permettre de perdre le revenu d’un loyer et ne disposent pas
des fonds nécessaires pour couvrir les dépenses de base de ces femmes.
Ces victimes de la violence domestique se trouvent par conséquent confrontées
à un choix impossible: partir en prenant le risque de la misère
ou rester et risquer leur vie
.
32. Les travailleuses domestiques et les femmes victimes de la
traite qui parviennent à échapper à un employeur violent ou à une
organisation criminelle se trouvent dans une situation similaire.
Toutes ces femmes ont en commun le fait que leur statut d’immigration
dépend d’un «sponsor»; elles vivent souvent dans un isolement total,
ont peu ou pas d’information sur les moyens d’obtenir de l’aide,
n’ont pas accès ou seulement de manière limitée à l’aide judiciaire
et sont tenues de fournir la preuve, généralement difficile à obtenir, qu’elles
sont victimes de violences, ce qui excède souvent leurs capacités.
Votre rapporteur est stupéfaite de la complexité des éléments de
preuve que doit présenter dans certains cas la requérante pour obtenir
gain de cause. Même pour une femme immigrée instruite, il est très
difficile de remplir les formulaires de demande sans une aide et
des conseils judiciaires adéquats, sans parler du montant exorbitant
des droits qui peuvent être exigés pour le dépôt d’un dossier lorsque
la victime n’est pas elle-même en situation de pauvreté.
33. L’Assemblée recommande depuis quinze ans d’accorder aux femmes
immigrées un droit de résidence autonome qui ne soit pas lié au
statut de résidence de leur conjoint
.
La Recommandation Rec(2002) 4 du Comité des Ministres sur le statut
juridique des personnes admises au regroupement familial recommande
en outre d’accorder un titre de séjour distinct de celui du regroupant
après quatre ans de résidence régulière ainsi que le droit de demander
l’octroi d’un titre de séjour autonome au bout d’un an en cas de
divorce, de séparation ou de décès du regroupant. L’Assemblée, dans
son rapport sur l’intégration des femmes immigrées en Europe
,
a insisté sur la nécessité d’accorder un statut autonome au conjoint
et aux enfants du regroupant le plus tôt possible afin de garantir
et de protéger pleinement leurs droits, de faciliter leur intégration
sociale et d’éviter qu’ils ne soient confinés dans la sphère domestique.
Cette recommandation a été reprise dans des résolutions et recommandations
ultérieures sur la violence domestique
.
34. En outre, l’Assemblée a jugé nécessaire d’exiger la mise en
place de mesures appropriées pour que les victimes de la violence
domestique soient suffisamment informées de leurs droits, dans leur
langue d’origine si nécessaire, et aient effectivement accès à des
voies de recours et à une aide pour garantir la protection de leurs
droits fondamentaux. Pour prévenir la violence contre les femmes
immigrées, les nouveaux migrants, hommes et femmes, devraient être
mieux informés de leurs droits et de leurs obligations, des principes démocratiques
fondamentaux, y compris de l’égalité entre les femmes et les hommes,
du statut individuel des migrants, des droits et de la protection
qui en découlent, et des voies de recours légales existantes.
3.3. Le «gaspillage des cerveaux» et le manque de reconnaissance
des compétences et des qualifications
35. Si la plupart des femmes migrantes acceptent des
emplois peu qualifiés, elles sont pourtant loin de ne posséder aucune
qualification. D’après le Fonds des Nations Unies pour la population,
en règle générale, les migrants ne sont pas issus des populations
les plus pauvres. En fait, les personnes qui émigrent ont souvent un
niveau d’éducation plus élevé que les personnes qui restent dans
leur pays d’origine.
36. Dans la plupart des pays en développement, le taux de migration
des travailleurs qualifiés est considérablement plus élevé chez
les femmes que chez les hommes. En effet, les femmes qui possèdent
un diplôme d’éducation au-delà du secondaire ont au moins 40 % de
chances de plus que leurs pairs masculins d’émigrer vers des économies
développées. Néanmoins, la plupart de ces femmes qualifiées ou hautement qualifiées
qui partent à la recherche d’un emploi mieux rémunéré à l’étranger
se retrouvent dans des emplois d’un niveau inférieur à leurs qualifications
.
Selon la commission consultative sur les migrations du Royaume-Uni,
en août 2009, 81 % des conjointes de migrants qualifiés ou hautement
qualifiés occupaient des emplois peu qualifiés, contre 38 % pour
les «regroupants
».
37. Des travaux de recherche montrent que les femmes immigrées
qui travaillent dans un secteur comme celui du travail domestique
ont souvent un niveau d’éducation relativement élevé. Au Chili,
par exemple, 70 % des domestiques péruvien(ne)s ont un diplôme de
fin d’études secondaires ou un diplôme universitaire
. Votre
rapporteur a des raisons de croire que c’est également le cas des
domestiques employé(e)s dans les pays de l’Union européenne qui
sont originaires des pays d’Europe centrale et orientale.
38. Cette «déqualification», ou «gaspillage des cerveaux», est
fortement préoccupante, non seulement pour les migrantes à titre
personnel, mais aussi pour la société dans laquelle elles travaillent
et la société qu’elles ont quittée. Le fait que ce soient des femmes
migrantes qui viennent répondre à l’augmentation de la demande de
main-d’œuvre souple et bon marché n’est pas accidentel mais structurel
.
Cela empêche la société de profiter des compétences et qualifications
des femmes immigrées.
39. Cette incapacité à agir conduit donc l’Europe à gaspiller
du capital humain; or, elle ne peut pas se le permettre. Les femmes
qui entrent sur le marché du travail mondial en tant que migrantes
devraient pouvoir le faire de manière sûre et légale; leurs aptitudes,
compétences, talents et droits devraient être reconnus et valorisés
par les Etats et les sociétés qui les accueillent. A cet égard,
il conviendrait, d’une part, de mettre en place des mesures transparentes
et rapides pour la reconnaissance des qualifications obtenues à
l’étranger et, d’autre part, de proposer aux migrantes et aux réfugiées
une formation professionnelle tout au long de la vie ainsi que des
cours de langue gratuits afin qu’elles bénéficient du même accès
à l’emploi que les travailleurs autochtones.
3.4. La discrimination sur la base du genre et les
abus à l’encontre des femmes immigrées sur le marché du travail
40. La discrimination fondée sur le genre pratiquée sur
le marché du travail dans leur pays d’origine est l’un des principaux
facteurs qui conduisent les femmes à aller chercher du travail à
l’étranger. Toutefois, elles découvrent généralement que cette pratique
a également cours dans le pays hôte – sous diverses formes, directes
ou indirectes. Les trois principales, qui sont particulièrement
préoccupantes pour les travailleuses, tant dans les pays d’origine
que dans les pays d’accueil, sont les écarts de salaire entre hommes
et femmes, la ségrégation du marché du travail sur la base du genre
et le phénomène du «plafond de verre» (qui cantonne les femmes au
bas de l’échelle hiérarchique)
.
41. La discrimination salariale est un facteur majeur. Non seulement
le salaire des travailleuses immigrées est souvent inférieur à celui
de leurs pairs masculins, mais il est en outre souvent lié à leur
origine nationale ou à leur appartenance ethnique. D’après une récente
étude de l’Union européenne, les femmes immigrées originaires de
pays tiers seraient confrontées à un taux de chômage plus élevé
que les femmes immigrées ressortissantes de l’Union, les femmes
autochtones et les hommes immigrés. En outre, elles seraient plus fréquemment
employées à mi-temps (parce qu’elles ne parviennent pas à trouver
un emploi à temps plein), auraient plus de chances de se voir proposer
des contrats de travail à durée déterminée et feraient plus souvent
l’objet d’une déqualification. Cette étude révèle en outre que l’âge
du dernier enfant des femmes migrantes et le temps écoulé depuis
leur arrivée dans le pays hôte influent également sur le taux de participation
de ces femmes au marché de l’emploi. Ce sont autant d’indicateurs
des difficultés rencontrées par les migrantes des pays tiers pour
s’intégrer à la population active
.
42. Toujours selon cette étude, d’autres facteurs tels que le
manque de compétences linguistiques et la méconnaissance du marché
du travail du pays hôte agissent sur l’intégration des femmes immigrées
à la population active. Des obstacles structurels ou systémiques
entrent également en ligne de compte. Parmi ceux-ci figurent notamment
la difficulté d’accéder à un logement adéquat (situé dans un quartier
plus propice à de meilleures situations d’emploi), la limitation
du droit d’accès à certains services publics clés (en particulier pour
certains groupes de migrants tels que les demandeurs d’asile ou
les personnes en situation irrégulière) et la discrimination fondée
sur la nationalité, l’appartenance ethnique, la religion et ou le
genre sur le marché du travail.
43. Les femmes immigrées sont aussi exposées à de multiples formes
d’exploitation et d’abus. Les plus fréquentes portent sur les contrats
de travail et la rémunération. Souvent, ces femmes ne comprennent
pas la langue dans laquelle est rédigé leur contrat. Certaines d’entre
elles s’aperçoivent par la suite que la version qu’elles ont signée
a été remplacée par une version «allégée» qui ne contient plus aucune
clause concernant la protection des employés; d’autres se voient
tout simplement refuser un exemplaire du contrat. Dans certains pays,
les femmes qui disposent d’un contrat peuvent rencontrer des difficultés
d’ordre juridique ou économique pour saisir la justice. Quant aux
femmes employées dans un secteur informel, clandestin ou illégal,
elles disposent bien évidemment rarement d’un contrat.
44. Même si elles sont payées en temps opportun et conformément
aux dispositions de leur contrat, les femmes immigrées se voient
souvent attribuer un salaire inférieur au salaire standard. Les
employeurs déduisent des charges douteuses ou injustes – notamment
pour des soins de santé dont ces femmes ne bénéficient jamais ou
pour le loyer d’un logement où les conditions d’hygiène sont déplorables.
Dans les cas extrêmes, les femmes qui sont en situation de servitude
pour dettes ou d’esclavage peuvent ne percevoir aucune rémunération
.
45. Selon l’Organisation internationale du travail (OIT), l’exploitation,
qui peut conduire au travail forcé, s’explique essentiellement par
la non-application du droit du travail, que ce soit dans les pays
d’origine ou de destination. Ces normes prévoient le respect de
conditions de travail minimales et l’acceptation de ces conditions.
La tolérance envers les restrictions à la liberté de circulation,
les temps de travail excessifs, l’insuffisance ou l’absence de protection
sociale et de conditions de sécurité, le non-versement des salaires
ou les mauvaises conditions de logement contribuent au développement
d’un marché de migrants victimes de la traite qui n’ont pas d’autre
choix que de travailler dans des conditions tout simplement intolérables
et inacceptables pour tout emploi légal. Mais ce qui est encore
pire, c’est l’absence de contrôle des lieux de travail, en particulier
dans les secteurs déjà marginaux tels l’agriculture, les services
domestiques et l’industrie du sexe. Un tel contrôle permettrait
en effet de détecter les travailleurs soumis au travail forcé ou
obligatoire
.
46. L’Assemblée, dans sa
Résolution
1534 (2007) sur la situation des travailleurs migrants
dans les agences de travail temporaires (ATT), a proposé de mettre
en place une réglementation à l’intention des fournisseurs de travail
par le biais de systèmes d’enregistrement et de licences; d’établir
leurs responsabilités; d’appliquer des sanctions dissuasives et
proportionnées à la fois aux agences de travail temporaires et aux sociétés
utilisatrices en cas de violation des dispositions réglementaires;
et d’établir une coopération entre les inspections du travail, les
syndicats, les agences de travail temporaire, les ONG et la police,
en vue d’identifier les chefs de gang et les pratiques abusives
qui violent les réglementations nationales en matière de droit du travail.
47. Un exemple positif à cet égard est la création en 2004 au
Royaume-Uni du Gangmasters Licensing Authority (GLA)
afin de protéger le bien-être et les intérêts des travailleurs du
secteur de l’agriculture, de l’horticulture et de l’aquaculture
ainsi que des industries de traitement et d’emballage correspondantes,
tout en assurant le respect de la législation par les fournisseurs
de travail. A l’exception des représentants du gouvernement, votre
rapporteur a constaté que ses interlocuteurs souhaitaient vivement
étendre les compétences du GLA afin d’y intégrer les travailleurs
du secteur de la santé et les travailleurs domestiques dont le travail
n’est pas réglementé de façon adéquate.
48. Ainsi, la plupart des pays doivent se pencher plus avant sur
les questions de discrimination fondée sur le genre et les inégalités
auxquelles sont confrontées les femmes immigrées sur le marché du
travail et appliquer les normes internationales du travail afin
d’éradiquer toute forme de discrimination et d’inégalité entre les
femmes et les hommes, et de mettre un terme aux autres types de
violations et de violences ainsi qu’à leurs conséquences.
3.5. Le manque de protection, les conditions de travail
et la vulnérabilité des travailleurs domestiques
49. Le travail domestique est la forme d’emploi la plus
fréquente de millions de migrants réguliers ou sans papiers et représente
jusqu’à 10 % de l’emploi total dans certains pays. Néanmoins, le
travail domestique demeure socialement dévalué, souvent non reconnu
légalement et non réglementé. Une étude de l’OIT portant sur 65
pays montre que seuls 19 d’entre eux disposent de lois ou de réglementations
spécifiques régissant ce secteur d’activité.
50. Dans de nombreux pays européens, le travail domestique n’est
pas considéré comme justifiant l’octroi d’un titre de séjour ou
de travail. Comme elles travaillent à l’intérieur d’un foyer, il
est difficile pour les travailleuses sans papiers de fournir une
preuve d’emploi et de bénéficier des programmes de régularisation
.
51. Les approches adoptées au niveau national à l’égard du travail
domestique en Europe varient fortement. Quelques pays, comme le
Royaume-Uni et l’Irlande, ont mis en place des voies légales permettant
aux employeurs de faire venir du personnel domestique en accordant
aux travailleurs concernés un visa indépendant et muni de «portabilité»
. Cela assure la
visibilité de ces travailleurs, qui contribuent aussi à l’économie
par le biais de leurs impôts et de leurs droits de visa, tout en
leur garantissant la protection de la justice pénale et civile sans
qu’ils aient à craindre une expulsion. Certains pays d’Europe du
Sud, comme Chypre, la Grèce, l’Italie et l’Espagne, ont régularisé
les travailleurs domestiques, mais selon les permis de travail accordés
dans le cadre de ces mesures, ce type de travail est considéré comme
temporaire et les femmes immigrées ne sont normalement pas autorisées
à faire venir les membres de leur famille
. D’autres, comme l’Allemagne, les pays
nordiques, les Pays-Bas et la plupart des pays d’Europe centrale
et orientale, ne reconnaissent pratiquement pas la demande de travailleurs
domestiques migrants, non plus évidemment que la nécessité de prendre
en compte cette demande dans leurs politiques de gestion des migrations
.
52. Les enquêtes sur le travail domestique confirment que les
travailleurs domestiques sont parmi les travailleurs les plus exploités
et les plus maltraités du monde. Ces travailleurs – en grande partie
mais non exclusivement des femmes et des jeunes filles – sont fréquemment
soumis à des conditions de travail très en deçà des normes internationales,
notamment du fait d’une rémunération insuffisante et irrégulière,
d’heures de travail excessivement longues, de l’absence de périodes
de repos (car ils doivent être disponibles vingt-quatre heures sur
vingt-quatre) et du non-accès à la protection sociale comme la sécurité
sociale et les prestations de maternité.
53. Les travailleurs domestiques sont aussi parfois soumis à des
abus physiques, psychologiques et sexuels, à la privation de nourriture
et à l’enfermement forcé, ou contraints à la servitude domestique.
Ces risques sont renforcés par leur isolement et leur dépendance
structurelle à l’égard des employeurs pour leur travail, leur logement
et leur statut d’immigration. Ils peuvent en outre être contraints
de verser des droits de recrutement d’un montant exorbitant, se
heurter à la barrière linguistique et se voir confisquer leur passeport. L’ignorance
de leurs droits en matière d’emploi ainsi que l’impératif de continuer
à envoyer des fonds à leur famille dans leur pays d’origine peut
conduire des travailleurs domestiques à rester chez des employeurs
qui les maltraitent.
54. Selon une enquête récente menée au Royaume-Uni, 65 % des travailleurs
domestiques immigrés sont obligés de remettre leur passeport à leur
employeur, 64 % travaillent sept jours par semaine sans jour de
repos ni période de repos significative, 58 % sont victimes de mauvais
traitements psychologiques, 57 % reçoivent un salaire égal ou inférieur
à 50 £ par semaine, 50 % travaillent seize heures par jour ou plus,
16 % sont victimes de mauvais traitements physiques et 5 % de violences
ou de harcèlement sexuels (mais le chiffre véritable est sans doute
plus élevé car beaucoup préfèrent ne pas faire état de telles expériences)
.
55. La situation des travailleurs domestiques employés par des
diplomates est particulièrement préoccupante dans toute l’Europe.
Ces personnes subissent un niveau d’exploitation similaire à d’autres travailleurs
domestiques immigrés, mais sont en outre généralement privées du
droit de changer d’employeur et ne disposent de pratiquement aucun
pouvoir de négociation en ce qui concerne les conditions de leur emploi.
De plus, lorsqu’elles s’enfuient de chez un employeur qui les maltraite,
elles perdent automatiquement leur statut d’immigration et deviennent
vulnérables à de nouvelles formes d’exploitation. Ce fait, ajouté
à l’immunité diplomatique dont jouissent leurs employeurs, accroît
de manière très importante le pouvoir exercé par ces derniers sur
les travailleurs domestiques, qui sont ainsi particulièrement vulnérables
à la traite des personnes à des fins de servitude domestique. Les
enquêtes montrent qu’un pourcentage beaucoup plus élevé de travailleurs
domestiques travaillant dans un foyer de diplomate sont victimes
de la traite que les travailleurs domestiques travaillant dans une
maison privée. Sur une note plus positive, l’Allemagne a introduit une
règle exigeant la délivrance d’une carte individuelle spéciale (Protokollausweis) aux diplomates
qui emploient du personnel domestique. Cette carte, émise par le
ministère fédéral des Affaires étrangères, est accompagnée d’une
«note verbale» requérant un traitement équitable des travailleurs
domestiques et l’interdiction de saisir leurs papiers personnels.
56. Une autre préoccupation tient au fait que, puisqu’il a lieu
à l’intérieur du foyer, le travail domestique est exclu du champ
d’application du droit du travail. Le travail domestique est effectué
à l’intérieur du foyer (qui n’est pas considéré comme un lieu de
travail) de personnes privées (qui ne sont pas considérées comme
des employeurs) et ne peut donc être soumis à l’inspection du travail.
La situation d’emploi des travailleurs domestiques n’entre pas dans
le cadre général de la législation du travail en vigueur et, par
conséquent, leurs conditions de travail demeurent essentiellement
non réglementées. De fait, certains pays non seulement ne considèrent
pas les aides à domicile comme des travailleurs domestiques et les
excluent de la protection du code du travail national, mais en outre
ne leur offrent aucune protection optionnelle au titre d’une autre législation
nationale
.
57. Au vu de ce qui précède, votre rapporteur considère qu’il
est urgent de remédier aux lacunes actuelles de la protection des
travailleurs domestiques. En particulier, afin de réduire l’incidence
de la traite des êtres humains et du travail forcé, tous les pays
européens devraient idéalement introduire un visa indépendant pour les
travailleurs domestiques qui reconnaîtrait aux employés domestiques
le droit de changer d’employeur et d’avoir accès à des moyens de
recours légaux contre les employeurs responsables de mauvais traitements. Ces
dispositions devraient s’appliquer également aux travailleurs domestiques
travaillant au foyer de diplomates. Les victimes de la traite, de
violences ou d’abus devraient se voir accorder le droit de s’installer dans
le pays hôte
. Les consulats européens devraient
être encouragés à informer les travailleurs domestiques migrants
de leurs droits et de leurs responsabilités lors de la délivrance
des visas. Des «contrats modèles» pour travailleurs domestiques
devraient être établis en collaboration étroite avec les syndicats.
Outre le fait de stipuler des conditions d’emploi en conformité
avec la législation nationale du travail, notamment en ce qui concerne
la réglementation des salaires et des heures de travail, les normes
de santé et de sécurité, la réglementation sur les vacances et les
congés, ces contrats devraient préciser que le travailleur domestique conserve
tous ses documents de voyage. Les employeurs qui confisquent les
papiers de leurs employés domestiques devraient être passibles de
poursuites. En outre, les inspecteurs du travail devraient pouvoir accéder
à l’intérieur du foyer, qui devrait dans ce cas être considéré comme
un lieu de travail et pas seulement comme un domicile privé. Enfin,
les migrants domestiques devraient aussi être autorisés à changer
de catégorie d’emploi afin de prévenir la déqualification à long
terme des femmes qualifiées.
58. Votre rapporteur se félicite des initiatives récentes pour
l’établissement de normes internationales sur l’emploi des travailleurs
domestiques. Elle loue à cet égard les progrès accomplis en vue
de l’adoption par l’OIT d’une convention sur les travailleurs domestiques,
complétée par une recommandation sur un travail décent pour les
travailleurs domestiques. La deuxième et dernière séance de négociations
aura lieu en juin 2011 et offrira aux gouvernements une chance historique
de reconnaître au niveau mondial les droits dont devraient jouir
les employés domestiques en tant que travailleurs et qui leur ont
été si longtemps déniés.
59. A ce jour, cependant, les Etats européens ne sont pas encore
parvenus à un accord clair sur la nécessité d’adopter un instrument
solide apte à protéger les travailleurs domestiques (migrants) dans
le monde entier. Le Royaume-Uni a, par exemple, déclaré qu’il chercherait
à exclure les travailleurs domestiques du bénéfice des dispositions
sur la santé et la sécurité ainsi que de la réglementation sur le
temps de travail qui s’appliquent aux autres travailleurs. Votre
rapporteur partage les préoccupations exprimées par beaucoup sur
le fait que de telles exemptions permettent depuis trop longtemps
aux employeurs d’exploiter les travailleurs domestiques migrants
vulnérables dans le monde. Il convient donc de saisir l’occasion
offerte par le processus normatif de l’OIT et d’adopter une convention
solide à cet égard.
3.6. Les insuffisances de la protection dans le secteur
des soins infirmiers et d’autres soins de santé
60. Les migrations des professionnelles de la santé sont
depuis toujours un élément important des migrations de travail des
femmes. Le manque d’infirmières dans les pays de destination ainsi
que d’autres facteurs, comme le niveau élevé des salaires, favorisent
ce type de migration en offrant aux femmes des possibilités de migration
légale, temporaire ou permanente
.
61. Dans le contexte actuel, la distinction entre soins domestiques
et soins de santé devient de plus en plus floue car un nombre croissant
de travailleurs dispensant des soins de santé sont employés dans
des foyers privés. Un certain nombre de pays tendent à remplacer
la fourniture directe de services de soins aux personnes âgées,
aux personnes handicapées ou aux enfants par des prestations en
espèces pour acheter des soins à domicile. L’Autriche, l’Italie,
les Pays-Bas et le Royaume-Uni, par exemple, ont introduit diverses formes
de «paiements directs» qui permettent aux personnes âgées ou handicapées
d’acheter des services de soutien et d’aide. Ce type de prestation
encourage le développement d’une forme particulière de marchandisation
des soins à domicile, soins souvent peu rémunérés et généralement
fournis par le marché privé.
62. Selon certaines sources, 88 % des prestataires de soins à
domicile au Royaume-Uni sont des femmes immigrées, originaires pour
la plupart d’Asie du Sud-Est et d’Europe centrale et orientale.
Ces femmes sont souvent recrutées par des agences pour l’emploi
peu scrupuleuses qui leur promettent un travail lucratif qualifié
en leur faisant payer des droits d’un montant exorbitant qui les
mettent en situation de servitude pour dette. Ces femmes se retrouvent
fréquemment sans papiers et exploitées, travaillant de très nombreuses heures
pour une rémunération faible, soumises au harcèlement et à des violences
physiques et psychologiques, et menacées d’expulsion si elles portent
plainte pour les violences commises à leur égard. La plupart de
ces femmes ignorent leurs droits et n’ont guère la possibilité d’obtenir
l’aide judiciaire. Les syndicats britanniques indiquent que, bien
que la loi leur reconnaisse le droit d’engager des poursuites contre
un employeur abusif, de telles initiatives se retournent le plus
souvent contre le migrant qui perd son travail et se trouve en outre
confronté au risque d’expulsion. La législation accorde aux travailleurs
de santé un délai de vingt-quatre jours pour trouver un nouvel employeur
mais cela est généralement impossible à cause des liens étroits
qui existent entre employeurs et fournisseurs de travail.
63. La déqualification est un problème important parmi les professionnelles
de santé. De nombreuses femmes médecins travaillent comme infirmières
et de nombreuses infirmières qualifiées comme aides-soignantes parce
que leur diplôme n’est pas reconnu dans le pays de destination.
Malgré la déqualification qui en résulte pour elles, ces emplois
présentent un attrait pour de nombreuses personnes car ils leur
permettent de gagner plus à l’étranger qu’en pratiquant leur profession
dans leur pays d’origine
.
64. Au vu de ces évolutions, il est absolument nécessaire que
les gouvernements européens reconnaissent l’intérêt économique du
secteur des soins à la personne et la contribution des migrants
à la croissance économique. Les gouvernements doivent faire en sorte
que les prestations de soins informelles assurées par les femmes
soient reconnues comme une forme de travail et comme une contribution
majeure au bien-être social, et qu’elles soient couvertes par la
réglementation sur le salaire minimum et la protection sociale.
Au lieu de réduire les quotas, ce qui ne fait qu’encourager les
migrations irrégulières et la traite aux fins de l’exploitation du
travail puisque la demande de main-d’œuvre existe, les Etats membres
devraient prendre des dispositions pour faciliter les voies légales
d’accès à un emploi. Les travailleurs migrants ne devraient pas
avoir à payer de droits pour obtenir un emploi à l’étranger. Ils
devraient recevoir une information adéquate sur l’emploi qui leur est
proposé avant d’émigrer et se voir offrir des possibilités de formation
afin que leurs qualifications soient plus facilement reconnues.
De plus, les fournisseurs de travail pour les services de soins
de santé devraient être soumis à une autorité de surveillance et
d’inspection du travail comme le Gangmasters
Legal Authority (GLA) au Royaume-Uni (dont les compétences
devraient être étendues afin d’y inclure les fournisseurs de main-d’œuvre
pour les services de soins de santé).
3.7. La vulnérabilité particulière des femmes immigrées
sans papiers
65. Il existe un lien direct entre le statut légal d’un
migrant et sa vulnérabilité à l’exploitation et aux mauvais traitements.
Comme cela a été indiqué dans les sections précédentes, de nombreuses
catégories de femmes se trouvent en situation irrégulière: personnes
restées dans le pays après l’expiration de leur visa, personnes dont
la demande d’asile a été rejetée, femmes victimes de la traite des
êtres humains, femmes ayant quitté leur mari alors qu’elles étaient
encore en période probatoire, etc. L’irrégularité, cependant, peut
aussi être liée aux conditions de travail, même lorsque le migrant
est en situation régulière
.
66. Du fait de leur situation irrégulière, les femmes immigrées
sans papiers sont fortement exposées à des risques de violation
de leurs droits les plus fondamentaux et à des abus tels que la
confiscation de leur passeport, le travail non rémunéré, le renvoi
sans explication ni période de préavis, ainsi que les menaces sexuelles
et physiques et la violence. Elles sont plus vulnérables à de tels
abus parce que leurs employeurs sont conscients du fait qu’elles
ont moins de droits et ne disposent pas de moyens de recours légaux
suffisants.
67. Plusieurs pays européens, dont la France et le Royaume-Uni,
imposent de lourdes amendes aux employeurs qui recrutent des migrants
sans papiers. Cependant, l’effet de telles mesures est souvent limité
ou bien elles aboutissent à un résultat opposé au but recherché:
ces sanctions sévères servent fréquemment à justifier une exploitation
et une servitude encore plus dures.
68. Votre rapporteur est d’avis que les mesures d’amnistie représentent
une solution plus efficace, à condition de prendre en compte la
situation spécifique de ces femmes, pour qui il est très difficile
de sortir et de se déplacer comme elles veulent, de contacter les
autorités et de produire les documents requis
. L’expérience
des mesures de régularisation appliquées en Espagne et en Italie
ne laisse aucun doute à cet égard. Le modèle suédois, dans lequel
toute personne disposant d’un contrat de travail peut obtenir automatiquement
un statut légal, représente en définitive la meilleure solution
pour lutter contre les migrations irrégulières.
69. Tant que ce modèle ne sera pas appliqué, les gouvernements
devraient être encouragés à prendre des mesures pour supprimer les
obstacles juridiques et structurels qui empêchent les femmes immigrées
sans papiers d’avoir accès aux services essentiels et qui conduisent
les organismes de santé et de logement à leur refuser toute aide.
Ces personnes devraient pouvoir accéder aux services de santé et
d’éducation des enfants et à l’aide judiciaire gratuite, quel que
soit leur statut légal. Il importe aussi que les secteurs dans lesquels l’emploi
de migrants sans papiers est le plus fréquent soient soumis à une
surveillance pour toute violation des droits du travail, et que
tous les migrants travaillant dans ces secteurs soient informés
de leurs droits fondamentaux. Pour ce faire, la coopération entre
organisations de migrants, syndicats et institutions religieuses
est nécessaire.
3.8. Les restrictions de la capacité des femmes immigrées
à s’unir pour défendre leurs droits
70. Dans de nombreux pays, lorsqu’elles cherchent à s’unir
pour défendre leurs droits, les femmes immigrées sont confrontées
à des obstacles et à des restrictions. Dans certains pays, ces restrictions
sont consacrées par la loi et fondées sur le statut d’étranger des
migrants: les non-ressortissants ne sont pas autorisés à créer ou
à rejoindre des syndicats ou d’autres types d’associations. Dans
d’autres pays, les travailleurs domestiques peuvent se voir expressément
refuser l’adhésion à un syndicat au motif qu’ils ne sont pas officiellement
reconnus en tant qu’employés à part entière aux termes de la législation
du travail en vigueur. Même dans les pays où ce type de restriction
n’est pas officiellement appliqué, les femmes sans papiers n’osent
généralement pas rejoindre ouvertement de telles organisations car
elles craignent de subir des représailles ou d’être expulsées. Par
ailleurs, il existe des obstacles moins formels. Prenons l’exemple
des employées de maison qui sont hébergées par leur employeur: dans
la mesure où elles sont en permanence sur leur lieu de travail,
elles rencontrent souvent de très importantes difficultés pour faire
valoir leurs droits car elles n’ont pas l’occasion de rencontrer
d’autres travailleuses ou ne parlent pas suffisamment la langue
du pays hôte. Sans compter qu’il n’est pas rare que les employeurs
limitent leurs contacts avec la communauté immédiate et surveillent
leurs communications et activités
.
71. Lorsque les migrantes ne se heurtent pas à des restrictions
imposées par leur employeur, selon leur nationalité, leur religion
ou leur appartenance ethnique, ces femmes ont parfois le sentiment
de ne pas être bien représentées au sein des syndicats dominés par
d’autres groupes. C’est notamment le cas dans des lieux où certains
groupes de migrants font plus que d’autres l’objet de racisme et
de xénophobie. Pour remédier à ce problème, certains syndicats ont
commencé à prendre contact avec les migrantes et entrepris des démarches
dans l’objectif spécifique d’aider toutes les travailleuses domestiques
immigrées, par exemple
.
72. L’organisation des travailleurs domestiques est rarement considérée
comme une question prioritaire pour les syndicats nationaux, précisément
parce que ces travailleurs sont «invisibles», parce qu’il s’agit
de femmes qui occupent des emplois peu considérés et qui, apparemment,
n’ont pas de pouvoir collectif, parce qu’il est difficile de les
organiser à l’aide des méthodes traditionnelles et que cela pose
des problèmes à long terme sur le plan financier. Toutefois, l’augmentation
du nombre de femmes immigrées dans la population active et leurs
conditions de travail soulèvent des questions que les syndicats
ne peuvent ignorer. Pour y répondre, certains d’entre eux, tels
que la Confédération européenne des syndicats (CES) et le Réseau international
des travailleuses domestiques (International Domestic Workers’ Network,
IDWN), ont commencé à inscrire
la question des migrants dans leurs programmes et manifestent un
intérêt croissant pour les problèmes que rencontrent les travailleuses
domestiques
.
73. Somme toute, l’Europe a fait preuve d’une mobilisation croissante
ces dernières années. On a en effet assisté à la naissance, dans
de nombreux pays, de réseaux nationaux, régionaux ou internationaux
de la société civile qui œuvrent en faveur des droits des femmes
immigrées, ce qui ne peut être perçu que comme une action positive.
4. Conclusions du rapporteur
74. Dans les sections précédentes, votre rapporteur a
mis en évidence quelques-uns des défis à relever pour parvenir à
une meilleure protection et à l’autonomisation des femmes immigrées
sur le marché du travail. En conclusion, tant qu’elles ne pourront
pas vivre à l’abri de la pauvreté, des risques de violence et de
la discrimination dans leur pays d’origine, les femmes choisiront
d’aller travailler à l’étranger et les migrations de travail se
poursuivront. Tant qu’elles ne disposeront pas de voies d’immigration
légales ou que l’immigration continuera de faire l’objet d’importantes
restrictions, ces travailleuses resteront forcées de prendre des
risques en étant pratiquement jetées dans les griffes des réseaux
criminels qui contrôlent les voies d’accès illégales aux pays de
destination. Tant que les pays européens ne seront pas prêts à accorder
aux victimes de la traite des êtres humains et aux femmes immigrées
en situation irrégulière les droits minimaux selon les normes internationales,
l’exploitation et les abus continueront.
75. Le projet de résolution et le projet de recommandation indiquent
les mesures à prendre par les Etats membres et le Comité des Ministres
du Conseil de l’Europe pour améliorer la situation des femmes immigrées sur
le marché du travail.
76. Votre rapporteur pense qu’il est nécessaire d’ouvrir la discussion
à ce sujet dans les pays européens. L’image des femmes immigrées
changera lorsque l’on comprendra combien elles contribuent au bien-être
de nos sociétés.