1. Introduction
1. Le Quatrième rapport d’évaluation (QRE) du Groupe
d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC),
datant de 2007, estime que le réchauffement du système climatique
est sans équivoque et conclut qu’il est probable que le réchauffement
anthropique a joué un rôle notable à l’échelle du globe dans l’évolution
observée de nombreux systèmes physiques et biologiques. D’après
ce rapport, «la poursuite des émissions de gaz à effet de serre
(GES) au rythme actuel ou à un rythme plus élevé devrait accentuer
le réchauffement et modifier profondément le système climatique
au XXIe siècle. Il est très probable
que ces changements seront plus importants que ceux observés pendant
le XXe siècle.» Le QRE considère qu’afin
de limiter la hausse des températures à un degré moins risqué de
+ 2°C, les émissions de GES devraient être réduites de 50 à 85 %
d’ici à 2050, par rapport à 2000.
2. Le GIEC note qu’il existe maintes options possibles pour réduire
les émissions de GES dans le monde. Socolow et Lam (2004) ont démontré
qu’on peut déjà se servir des solutions technologiques existantes
pour réduire les émissions de GES et stabiliser la concentration
de ces derniers dans l’atmosphère à un niveau jugé sans risque (500
+/- 50 ppm). Il est même fort possible, dans l’état actuel des choses,
de gagner en efficience – d’économiser en réduisant les émissions
de GES. On estime en effet que rien qu’en réduisant d’environ 30 % les
émissions de GES d’ici à 2030, on obtiendrait de fait un bénéfice
économique net.
3. Le Rapport Stern
avance lui aussi des
arguments économiques en faveur de la réduction des émissions de
GES, affirmant que l’inaction risque de coûter beaucoup plus cher
que l’adoption précoce de mesures d’atténuation. Le Rapport Stern
estime que le coût de la stabilisation des concentrations de GES
à 500-550 ppm d’ici à 2050 représenterait 1 % du PIB mondial annuel.
À l’inverse, toujours d’après le Rapport (2007, iv), les coûts et
risques globaux des changements climatiques seront équivalents à
une perte d’au moins 5 % du PIB mondial chaque année. Si l’on prend
en compte un éventail plus vaste de risques et de conséquences,
les estimations des dommages pourraient s’élever à 20 % du PIB ou
plus.
4. La lutte internationale contre le changement climatique a
commencé en 1990 avec les négociations sur la Convention-cadre des
Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Celle-ci
a été adoptée en 1992 à la Conférence de Rio en tant que plateforme
de coopération internationale dans ce domaine. Elle définit nombre
des principes et procédures à suivre dans les négociations internationales
sur le changement climatique. Un sous-groupe de parties a également
négocié un certain nombre d’engagements en matière de réduction
des émissions de GES, établissant ainsi le Protocole de Kyoto, adopté
à la troisième Conférence des Parties, à Kyoto, en 1997. En vertu
de ce Protocole, les parties s’engagent à réduire leurs émissions combinées
de GES de 5 % entre 2008 et 2012, par rapport à 1990. Si le respect
de ces engagements vaut toujours mieux que le statu
quo, ce seuil ne permet pas de stabiliser les concentrations
atmosphériques de GES à un niveau de risque suffisamment faible
pour ne pas entraîner de changements climatiques dangereux.
5. Les négociations visant à redéfinir les engagements pris à
Kyoto en 1997 pour les années 2008 à 2012 ont commencé sérieusement
en 2007. Si l’on veut que les nouveaux engagements soient effectifs
à la fin de la première période d’engagement de Kyoto, garantissant
ainsi la continuité du Protocole, il faudra alors qu’un nouvel accord
soit conclu à la COP15, à Copenhague, en décembre 2009. Le présent
rapport fait le bilan des progrès réalisés à ce jour en la matière
et présente les positions des principaux groupes participant aux négociations.
2. L’après-Kyoto:
vers des engagements pour atténuer le changement climatique
2.1. Les engagements
de Kyoto
6. Le Protocole de Kyoto (PK) à la Convention-cadre
des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a été
adopté à la troisième Conférence des Parties, à Kyoto, en 1997.
Il crée – et c’est là une première – des engagements contraignants
en matière de réduction des émissions de GES pour 37 pays industrialisés
et la Communauté européenne (cités dans «l’Annexe 1» des pays) et
concernant six principaux GES, à savoir le dioxyde de carbone, le
méthane, l’oxyde nitreux, les hydroflurocarbones, les hydrocarbures perfluorés
et l’hexafluorure de soufre.
7. Les engagements du PK consistent en une réduction globale
de 5 % des émissions de GES dans les pays visés à l’Annexe I, sur
une période de cinq ans, de 2008 à 2012, par rapport aux niveaux
de 1990. Ils varient de 8 % de réduction des GES dans l’Union européenne
et certains autres pays européens à 8 et 10 % d’augmentation des
émissions de GES, en Australie et en Islande respectivement. Le
PK prévoit trois mécanismes clés pour aider les parties à atteindre
ces objectifs: le système d’échange de droits d’émission, le mécanisme
de développement propre (MDP) et la mise en œuvre conjointe (MOC).
Ces deux derniers instruments ont été critiqués car ils permettent
aux parties de remplir leurs engagements en menant des actions ailleurs
que sur le sol national (voir la Résolution 1823 (2008) de l’Assemblée).
8. Les objectifs fixés à Kyoto en matière de réduction des émissions
de GES sont également insuffisants pour stabiliser les concentrations
atmosphériques de GES à un niveau de risque suffisamment faible
pour ne pas entraîner de changements climatiques dangereux. D’après
les estimations, ce niveau devrait se situer entre 400 ppm et 500
ppm (voir par exemple. Mastrandrea et Schneider, 2004) correspondant
à une hausse probable de la température mondiale de 2-3 degrés.
Si l’on voulait maintenir les concentrations atmosphériques de GES
et le réchauffement mondial dans ces limites, il faudrait réduire
les émissions de GES de 50 à 85 % d’ici 2050, par rapport à leur
niveau de 2000 (GIEC, 2007).
2.2. Le bilan de la
mise en œuvre de Kyoto
9. L’Union européenne a adopté le système communautaire
d’échange de quotas d’émission (SCEQE) qui est la pierre angulaire
de sa stratégie de mise en œuvre de ses engagements de Kyoto en
2003. La première phase a démarré le 1er janvier 2005 lorsque les
émissions de CO2 dans les entreprises des secteurs concernés par
ce système ont été plafonnées dans 25 pays européens. Au départ,
le SCEQE s’appliquait à près de 46 % des émissions de GES en Europe
et son objectif était de réduire ces émissions de 8 %. Les taux d’émission
des différents États membres ont été fixés dans l’Accord de partage
des charges (European Burden Sharing Agreement) et varient de 28
% de réduction d’émission de GES au Luxembourg à 27 % de hausse d’émission
au Portugal (voir l’Annexe 1). Les entreprises visées par ce système
peuvent échanger des quotas d’émission dans toute l’Europe. La phase
2, commencée au 1er janvier 2008, englobe désormais 5 autres gaz à
effet de serre. Bien que l’Union européenne ait joué un rôle de
premier plan dans l’utilisation du libre-échange de quotas d’émissions
de GES, elle s’appuie également, comme toutes les autres parties
au PK, sur d’autres politiques, aussi nombreuses que diverses, pour
améliorer l’efficacité énergétique des différents secteurs de l’économie
et accroître l’utilisation des sources d’énergie renouvelables.
10. Certaines parties au PK sont à même de remplir leurs objectifs
en matière de réduction des GES. Par exemple, l’Allemagne, le Royaume-Uni
et la Suède avaient déjà, en 2007, réduit leurs émissions de 22,4 %, 18
% et 9.3 %, respectivement, par rapport à l’année de référence de
Kyoto et en excluant les émissions liées à l’utilisation des sols,
au changement d’affectation des terres et à la sylviculture (voir
Annexe 1). Ce sont les pays de l’ex-Union soviétique et les pays
en transition vers une économie de marché qui ont le plus réduit
leurs émissions de GES, avec, en 2007, une réduction de 25 à 60
% par rapport à 1990, imputable à l’effondrement de leur économie
(voir annexes 1 et 2).
11. À l’inverse, les émissions de GES de plusieurs pays européens
et d’autres pays développés ont considérablement augmenté de 1990
au début de la période d’engagement de Kyoto. Citons par exemple
le Portugal et l’Espagne, avec des augmentations de 36,1 % et 52,6
% en 2007, comparé à l’année de référence de Kyoto (voir annexe
1). En 2004, les émissions de dioxyde de carbone (et non la totalité
des émissions de GES) de l’Australie (qui n’a ratifié le PK qu’en
décembre 2007), du Japon et des États-Unis (qui n’a pas ratifié le
PK) étaient déjà supérieurs de 17, 17,4 et 25 %, respectivement
(PNUD 2007, 310-315) aux niveaux de 1990 (voir annexe 2).
12. En excluant la nette réduction des émissions de GES ou de
«hot air» dans les pays de l’ex-Union soviétique et les pays en
transition économique
,
les émissions combinées des autres pays visés à l’annexe I ont en
fait augmenté de 3 % de 1990 au début des années 2000. Parallèlement,
les émissions de dioxyde de carbone des grands pays en voie de développement
non parties au PK (les pays du BRIC, par exemple, comme le Brésil,
l’Inde et la Chine), ont augmenté de 60 à 110 % de 1990 à 2004 (PNUD
2007, 310-315).
13. Tel qu’il est conçu, le PK ne peut pas engendrer de réduction
de GES suffisante pour maintenir un système climatique stable car,
premièrement, les pays qui ont des engagements de réduction de GES
au titre du PK sont peu nombreux; deuxièmement, certains pays dont
les émissions de GES sont élevées n’y sont pas parties (voir Annexe
3); troisièmement, les engagements adoptés en matière de réduction
des émissions sont insuffisants (voir Annexes 1 et 2); quatrièmement,
les engagements déjà adoptés ne sont pas respectés (voir Annexe
3); et cinquièmement, le PK ne prend pas en compte de nombreuses
sources importantes de GES. Il convient donc d’élaborer une nouvelle
série d’engagements plus ambitieux et exhaustifs.
2.3. Le Plan d’action
de Bali pour la période d’engagement de l’après-Kyoto
14. La 13e Conférence des parties à la CCNUCC a adopté
le Plan d’action de Bali
pour
faciliter la mise en œuvre de la Convention après 2012. Ce plan
met en lumière les volets essentiels à aborder en vue d’un nouvel accord
sur le changement climatique et des négociations en la matière,
à savoir: a) une vision commune de l’action coopérative à long terme,
avec un objectif global de réduction des émissions; b) le renforcement
des mesures d’atténuation des changements climatiques; c) le renforcement
des mesures d’adaptation aux changements climatiques; d) le renforcement
du développement et du transfert des technologies et e) le renforcement
de la mobilisation des ressources financières nécessaires aux mesures
d’atténuation et d’adaptation aux changements climatiques.
15. Le Plan d’action de Bali établit également un Groupe de travail
ad hoc sur l’action coopérative à long terme dans le cadre de la
Convention (AWG-LCA), chargé de préparer le terrain pour la conclusion
d’un nouvel accord lors de la COP15. En 2005 à Montréal avait également
été créé un Groupe de travail ad hoc sur les nouveaux engagements
des pays visés à l’Annexe I au Protocole de Kyoto (AWG-KP), qui
a débuté ses travaux en 2006 et constitue l’autre pilier de l’élaboration
d’un nouvel accord. Les deux groupes doivent rendre compte de leurs
travaux à la COP15 à Copenhague.
2.4. Les progrès réalisés,
de Bali à Poznan et au-delà
16. L’AWG-KP s’est réuni à sept reprises depuis 2006
et se réunira une autre fois en 2009 avant de présenter ses travaux
à la COP15 à Copenhague. Il a reconnu la nécessité de réduire les
émissions de GES de manière beaucoup plus radicale que ce qui avait
été convenu pour la première période d’engagement (2008-2012). Renvoyant
aux troisième et quatrième rapports d’évaluation du GIEC, l’AWG-KP
a d’emblée compris qu’il faudrait probablement réduire ces émissions
d’au moins 50 % par rapport aux niveaux de 2000. Il a donc adopté
un programme de travail axé sur 1) les potentiels d’atténuation
et les fourchettes de réduction des émissions des parties visées
à l’Annexe I; 2) les moyens d’atteindre les objectifs d’atténuation
et 3) les nouveaux engagements des parties visées à l’Annexe I.
17. L’AWG-KP s’accorde sur le fait que les parties visées à l’Annexe
I devraient continuer à avoir accès au système d’échange de droits
d’émission et aux mécanismes axés sur les projets (MDP et MOC),
ainsi qu’aux mesures visant à limiter ou réduire les émissions de
GES et à renforcer l’absorption d’émissions imputables aux activités
liées à l’occupation des sols, au changement d’affectation des terres
et à la sylviculture, en tant que moyens d’atteindre leurs objectifs
de réduction des émissions dans le cadre de l’accord post-2012. L’AWG-KP
considère par contre que le recours à ces mécanismes ne doit se
faire qu’en complément de politiques nationales mises en œuvre par
les pays visés à l’Annexe I. Les questions suivantes figurent parmi les
principaux points sur lesquels il estime pertinent de se pencher
d’ici la fin de l’année:
- Niveau
de réduction des émissions à atteindre pour les pays visés à l’Annexe
I;
- Durée de la/des période(s) d’engagement;
- Formulation d’objectifs en matière de limitation et de
réduction des émissions et définition de l’année de référence;
- Facteurs et indicateurs du potentiel d’atténuation des
parties visées à l’Annexe I;
- Amélioration du système d’échange de droits d’émission
et des mécanismes axés sur les projets;
- Comment traiter la question de l’occupation des sols,
du changement d’affectation des terres et de la sylviculture dans
la deuxième période d’engagement;
- Eventail des GES, des secteurs et des catégories de sources
à prendre en compte;
- Méthode de calcul commune de l’équivalent-CO2 des émissions
anthropiques par les sources et de l’absorption par les puits;
- Approches ciblant les émissions sectorielles;
- Comment les parties visées à l’Annexe I pourraient utiliser
les méthodes de réduction des émissions de GES provenant des combustibles
de soute utilisés dans les transports aériens et maritimes afin d’atteindre
leurs objectifs.
18. L’AWG-LCA a commencé ses travaux plus récemment, en 2008.
Il a déjà tenu six sessions, une autre session étant prévue en 2009
avant la COP15. Il a adopté un programme de travail qui s’inspire
directement du Plan d’action de Bali et décidé d’examiner chacun
des éléments de ce plan à chacune de ses réunions. Les documents
issus de ses sessions, séminaires et appels à contribution ont permis
de constituer un corpus qui peut servir à élaborer un projet de
texte de négociation. Les quatre réunions de 2009 sont donc pleinement consacrées
à la négociation.
3. Évolution récente
des positions de négociation
19. Cette partie examine l’évolution récente des positions
des principales parties à l’égard des négociations de Copenhague,
en se concentrant sur l’Union européenne, les États-Unis, la Chine
et l’Australie. L’Union européenne est en effet le chef de file
dans les négociations internationales. Les États-Unis et l’Australie,
eux, ont récemment abandonné leur attitude réticente. Enfin, il
convient de s’intéresser à la Chine car elle est devenue la première
source d’émission de GES en 2006 et car elle incarne la situation
de nombreux autres grands pays en voie de développement.
3.1. L’Union européenne
20. L’Union européenne est depuis dix ans à l’avant-garde
de la promotion de la lutte internationale contre le changement
climatique. Son objectif est de limiter la hausse des températures
moyennes de la planète à 2° C maximum par rapport aux niveaux de
l’ère préindustrielle. Dans cet esprit, l’Union a adopté, en décembre 2008,
un paquet de mesures sur le changement climatique et l’énergie visant
à réduire, d’ici 2020, ses émissions de GES de 20 % par rapport
au niveau de 1990.
21. L’Union européenne considère que l’accord international conclu
à Copenhague devrait viser à réduire les émissions de GES de 20 %
d’ici à 2020, comparé à 1990. Elle s’est déclarée «disposée à aller
encore plus loin et à se fixer un objectif de réduction de 30 %
en cas de conclusion d’un accord international ambitieux et exhaustif,
à condition que les autres pays industrialisés s’engagent à réaliser
des réductions d’émissions comparables et que les pays en développement
économiquement plus avancés apportent une contribution adaptée à
leurs responsabilités et à leurs capacités respectives» (CEC 2009,
4).
22. L’Union européenne a proposé que les pays industrialisés réduisent
collectivement leurs émissions dans une mesure compatible avec l’objectif
de maintenir le réchauffement climatique en-deçà de 2 degrés. D’après
le 4e rapport d’évaluation du GIEC, il faudrait pour cela que les
émissions de GES diminuent de 25 à 40 % d’ici 2020 et de 80 à 95
% d’ici 2050. L’Union européenne estime que les pays industrialisés
devraient parvenir à atteindre leurs objectifs de réduction en mettant
en œuvre des mesures au niveau national mais aussi en utilisant
les crédits résultant de réductions des émissions dans les pays
en développement.
23. D’après l’Union européenne, les objectifs pour l’après-2012
devront être fixés en tenant compte des éventuels droits d’émission
excédentaires obtenus avant 2012, de façon à garantir que le nouvel
objectif de 20 à 30 % sera atteint grâce à des réductions réelles
réalisées après 2012. De même, les règles applicables en ce qui
concerne l’utilisation des terres, le changement d’affectation des
terres et la sylviculture ne doivent pas compromettre l’objectif.
Les pays auxquels des objectifs ont été assignés dans le cadre du
protocole de Kyoto ne doivent pas être les seuls à contracter des
engagements contraignants en matière de réduction des émissions.
Il convient que l’accord de Copenhague assigne des objectifs de
réduction des émissions au moins à tous les pays figurant à l’annexe
I de la CCNUCC, à tous les pays membres de l’OCDE, à tous les États membres
actuels de l’Union européenne, ainsi qu’à tous les pays candidats
ou susceptibles de le devenir.
24. L’Union européenne considère également que les émissions de
GES des pays en développement sont en rapide augmentation et risquent,
en l’absence de mesures, de neutraliser les efforts entrepris par
les pays industrialisés pour réduire leurs propres émissions de
GES. L’objectif des 2 °C ne pourra être atteint que si les pays
en développement, au moyen de mesures nationales appropriées, limitent
collectivement, d’ici 2020, l’augmentation de leurs émissions de
GES de sorte que leur niveau reste inférieur de 15 à 30 % au niveau
de base. Ces estimations ne tiennent pas compte de l’incidence des
réductions résultant du transfert de crédits carbone vers les pays
industrialisés. Pour l’Union européenne, les mesures appropriées
devraient notamment viser à réduire rapidement les émissions liées
à la déforestation tropicale. L’objectif à atteindre est de réduire d’ici
2020 la déforestation tropicale brute d’au moins 50 % par rapport
aux niveaux actuels et de mettre fin d’ici 2030 à la diminution
du couvert forestier de la planète.
25. L’Union européenne considère que les stratégies nationales
de lutte contre le changement climatique peuvent aider les pays
en développement à concevoir des mesures différenciées, avec un
degré d’ambition adapté en conséquence. Un certain nombre de pays
en développement, dont la Chine, l’Inde, l’Afrique du Sud et le
Brésil, ont déjà défini des stratégies d’atténuation nationales
dans le contexte du développement. D’après l’Union européenne, il
serait souhaitable que ces pays, ainsi que d’autres pays en développement économiquement
plus avancés, mettent à jour leur stratégie en indiquant leur degré
d’ambition global jusqu’en 2020.
26. L’Union européenne estime également que tous les pays en développement,
à l’exception des pays les moins avancés (PMA), devraient s’engager
à adopter d’ici la fin de 2011 des stratégies de développement à faible
intensité de carbone. Ces stratégies devraient définir une approche
crédible qui permettrait de limiter les émissions de chaque pays
concerné au moyen de mesures d’atténuation nationales appropriées
couvrant tous les grands secteurs d’activité responsables d’émissions,
et notamment le secteur de l’électricité, les transports, les principales
industries à forte intensité énergétique et, lorsque leur contribution
est importante, les forêts et l’agriculture. L’octroi d’un soutien
international pour la mise en œuvre de mesures d’atténuation devrait
être subordonné à l’établissement de stratégies de développement
à faible émission de carbone qui soient vérifiables et reposent
sur des bases solides.
27. L’Union européenne reste le principal meneur en matière de
lutte internationale contre le changement climatique. Elle a ouvert
la voie en s’engageant à réduire de 20 % ses émissions de GES d’ici
2020 par rapport aux niveaux de 1990. L’Australie et les États-Unis
se sont pour leur part fixés d’autres objectifs, qui restent moins
ambitieux (voir ci-dessous). Si l’Union européenne est favorable
à la poursuite et à l’extension de l’application des instruments
de Kyoto, elle estime qu’un engagement accru des pays en développement
est un élément essentiel du futur accord de Copenhague.
3.2. Les États-Unis
28. Avec l’élection de Barack Obama à la Présidence des
États-Unis et le changement d’administration qui s’est ensuivi,
le pays a changé d’attitude, abandonnant sa réticence des dix dernières
années. S’il est trop tôt pour faire le bilan de la nouvelle administration,
il est intéressant d’analyser ses priorités politiques. Todd Stern, qui
possède une grande expérience en matière de changement climatique
et une vision claire des actions à entreprendre, a été nommé émissaire
pour le changement climatique. D’après ce qu’il ressort des premières semaines
de l’administration Obama, il est fort probable que son point de
vue détermine la politique des États-Unis dans ce domaine.
29. D’après Stern (Stern et Antholis, 2008), les États-Unis devraient
mettre en place un programme national plausible dans ce domaine
afin de restaurer leur crédibilité sur la scène internationale.
Ils devraient également pratiquer une diplomatie à plusieurs niveaux
(layered diplomacy), c’est-à-dire
négocier activement sur plusieurs fronts en même temps, en 1) négociant
des engagements avec un petit groupe de pays à fort taux d’émission;
2) s’engageant activement dans des partenariats bilatéraux, notamment
avec la Chine et 3) participant activement à des négociations multilatérales
dans le cadre de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements
climatiques (CCNUCC).
30. L’administration Obama a commencé dans cette voie en s’engageant
dans des échanges bilatéraux sur le changement climatique avec le
Mexique, la Chine et l’Australie. Elle a aussi créé le Forum des
économies majeures sur l’énergie et le climat (Major Economies Forum on Energy and Climate),
qui compte 17 membres, à savoir l’Australie, le Brésil, le Canada,
la Chine, l’Union européenne, la France, l’Allemagne, l’Inde, l’Indonésie,
l’Italie, le Japon, la Corée, le Mexique, la Russie, l’Afrique du
Sud, la Grande-Bretagne et les États-Unis. Le Forum a tenu sa première
réunion préparatoire à Washington les 28 et 29 avril 2009. Des fonctionnaires
des Nations Unies et des représentants du Danemark, qui accueillera
la COP15, étaient également invités. Lors de cette première réunion,
la France s’est engagée à organiser la deuxième réunion en mai.
Le Mexique a organisé la troisième et la réunion des Chefs d’État
s’est tenue en Italie en juillet 2009.
31. Le 9 juillet 2009, les Chefs d’État réunis à L’Aquila (Italie)
ont adopté une déclaration qui reconnaît la nécessité de contenir
le réchauffement climatique en-deçà de 2 degrés, affirme que les
pays développés ont la responsabilité de réduire massivement et
rapidement leurs émissions de GES, ajoutant par ailleurs que les pays
en développement devront très vite prendre des mesures pour inverser
la courbe actuelle de leurs émissions. La Déclaration reconnaît
que l’adaptation au changement climatique sera importante et qu’elle exigera
la mobilisation de ressources financières conséquentes dans le monde
en développement. La Déclaration a indiqué qui devait assumer les
responsabilités en matière de développement de technologies de pointe
pour lutter contre le réchauffement climatique et souligné qu’il
était urgent d’élaborer une architecture financière de l’adaptation
au changement climatique et de son atténuation. Les Chefs d’État
se sont engagés à continuer de mettre la priorité en la matière.
32. Les États-Unis ont aussi commencé à prendre des mesures à
l’échelon national pour restaurer leur crédibilité sur la scène
internationale. S’adressant au Forum en avril 2009, la Secrétaire
d’État Hillary Clinton a déclaré: «Nous … sommes de nouveau de la
partie. Nous sommes convaincus de l’urgence et de l’ampleur du problème.
Ce forum n’est pas destiné à détourner l’attention, mais à trouver
des solutions. Et à cet égard, nous avançons à grands pas.» Elle
a signalé que le Président Obama avait également fait un premier
pas en faveur de la mise en place d’un programme national sur le
changement climatique en proposant de se fixer comme objectif national
impératif de réduire les émissions de GES de 80 % d’ici 2050. L’échange
de droits d’émission dans le cadre du système de «cap-and-trade»
devrait favoriser les investissements privés dans les énergies propres
ainsi que l’efficacité énergétique, simplifier le processus réglementaire,
stimuler la création de nouveaux emplois et la croissance économique
et aboutir à une économie à faible taux de carbone. Mme Clinton
a également indiqué que le plan de relance de l’économie adopté
précédemment permettra d’investir largement et directement dans
les technologies d’énergie propre et l’efficacité énergétique.
33. Le plan de relance économique du Président Obama, qui s’appuie
sur la Loi de relance et de réinvestissement de 2009 (American Recovery and Reinvestment Act),
prévoit d’allouer 60 milliards de dollars pour la mise en place
de mesures d’efficacité énergétique visant à optimiser le réseau
de distribution d’électricité, de mesures d’économies d’énergie
dans les bâtiments fédéraux, de mesures d’efficacité énergétique
dans les foyers modestes, ainsi que d’autres mesures pour renforcer
l’efficacité énergétique et développer les énergies renouvelables.
Les États-Unis ont également adopté de nouvelles normes de consommation
de carburant pour les véhicules automobiles à partir de 2011. La
nouvelle norme de 6,72 litres aux cent maximum (35 miles au gallon), qui doit être
atteinte d’ici 2020, permettra un gain d’économie de carburant de
40 % pour les automobiles et les camions américains.
34. La pierre angulaire de la nouvelle législation américaine
sur le changement climatique, la loi sur l’énergie propre et la
sécurité de 2009 (American Clean Energy
and Security Act, HR 2454), a été adoptée par la Chambre
des représentants mais le projet de loi qui l’accompagne est toujours
en cours d’examen au Sénat. La loi HR 2454 comprend 1) un chapitre
sur les énergies propres, qui favorise les sources d’énergie renouvelables
et les technologies de captage et de stockage du carbone, les combustibles
à faible taux de carbone pour les transports, les véhicules électriques
propres, un réseau de transmission et de distribution d’électricité
optimisé; 2) un chapitre sur l’efficacité énergétique, qui renforce
cette dernière dans tous les secteurs économiques, notamment les
bâtiments, les appareils électriques, les transports et l’industrie;
3) un chapitre sur le réchauffement mondial, qui fixe des limites
pour les émissions de polluants responsables de l’effet de serre;
4) un chapitre sur la transition, qui protège l’industrie et les
consommateurs américains et favorise les emplois verts pendant la
transition vers une économie propre, et; 5) un chapitre spécifiant
les dispositions concernant les compensations liées aux forêts et
à l’agriculture.
35. L’objectif de la loi sur l’énergie propre et la sécurité de
2009, spécifiée à la section 702, est de faire en sorte que les
émissions combinées des entités concernées diminuent de 3 % en-deçà
de leur niveau de 2005 en 2012, de 20 % en 2020, de 42 % en 2030
et de 83 % en 2050. La loi comprend également un programme de réduction
de la pollution responsable du réchauffement mondial (Global Warming Pollution Reduction Program),
qui vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre provenant
compagnies d’électricité, des compagnies pétrolières, des grandes
sources industrielles et d’autres entités qui, collectivement, sont responsables
de 85 % des émissions américaines à l’origine du réchauffement de
la planète. En vertu de ce programme, ces sources de GES seront
tenues de détenir des droits fédéraux échangeables, appelés «allowances»
(quotas), pour chaque tonne de GES émise dans l’atmosphère. Le nombre
de quotas autorisés devrait diminuer chaque année afin que le programme
contribue à la réalisation des objectifs de la loi.
36. En conclusion, les États-Unis ont radicalement changé d’attitude
à l’égard du changement climatique, adoptant la stratégie globale
définie par Todd Stern, qui préconise d’une part une action forte
au niveau national, d’autre part des initiatives diplomatiques simultanées,
celles-ci n’étant pas considérées comme des alternatives au processus
de la CCNUCC mais comme un tremplin pour parvenir à un accord à
Copenhague. Les résultats de ces initiatives donneront une indication
de la force d’impulsion que possède l’administration Obama pour
convaincre les États-Unis qu’un accord à Copenhague est essentiel.
Ils renseigneront également sur les éventuelles questions de fond
à aborder dans le cadre de cet accord. Les initiatives menées au
niveau national par l’administration Obama préparent le pays à participer
pleinement à toute action contre les changements climatiques, par
exemple à l’échange de droits d’émission qui pourrait être établi
au niveau international dans le cadre du prochain accord.
3.3. La Chine
37. Pour la Chine, membre majeur du G77+Chine, le changement
climatique est avant tout dû aux émissions des pays développés depuis
le début de l’ère industrielle et à leur taux d’émission par habitant, aujourd’hui
très élevé. Les pays en développement, pour leur part, sont les
principales victimes du changement climatique. Elle soutient donc
que les pays développés doivent ouvrir la voie en matière de réduction
des émissions de GES après 2012, avec des réductions importantes
et des engagements quantitatifs reposant sur le principe de responsabilités
communes mais différenciées.
38. La Chine a précisé ses exigences dans une note d’information
récente concernant les négociations sur le changement climatique
à Copenhague (CNRD, 2009), indiquant que les pays développés devaient s’engager
lors de ce sommet à réduire leurs émissions de GES de 40 % d’ici
2020. Elle suggère par ailleurs que les pays en développement pourraient
prendre des mesures d’atténuation au niveau national (NAMA) dans
le cadre du développement durable et de leurs besoins prioritaires
en matière de développement et de réduction de la pauvreté. Il convient
que les pays développés appuient ces mesures en fournissant de la technologie,
en mobilisant des ressources financières et en renforçant les capacités.
Ils ne doivent pas cependant s’attendre à ce que leurs propres émissions
de GES soient compensées par les réductions dues à ces mesures d’atténuation.
39. La Chine a également suggéré que les pays consommateurs de
biens assument la responsabilité des émissions de carbone générées
par la fabrication de ces biens et non pas les pays producteurs
et exportateurs comme elle-même. Près de 33 % des émissions chinoises
de CO2 proviennent de la fabrication
de biens destinés à l’exportation (Weber et al. 2008). Cela étant,
la Chine a évité l’émission d’une quantité de CO2 supérieure
à ce que ses exportations ont généré en important des ressources
et des biens de pays développés et d’autres pays en développement.
D’autres propositions ont également été avancées afin de tenir compte
de l’empreinte carbone des différents pays, mais elles ont reçu
un accueil mitigé.
40. La note d’information de la Chine concernant les négociations
sur le changement climatique à Copenhague (CNRD, 2009) met également
l’accent sur les progrès à accomplir en matière d’adaptation lors des
négociations. La Chine propose l’établissement d’un cadre institutionnel
global pour l’adaptation comprenant notamment un organe subsidiaire
pour l’adaptation sous l’égide de la CCNUCC, ainsi que la création
de plusieurs Fonds nouveaux pour financer des activités liées à
l’adaptation. La Chine considère également que les pays développés
doivent s’engager à fournir des fonds représentant de 0,5 à 1 %
de leur PIB pour reconstituer les fonds d’adaptation.
41. La Chine s’est déjà fixée, en 2008, un objectif à court terme
visant à réduire son intensité énergétique de 20 % de 2005 à 2010
et à accroître la part des sources d’énergie renouvelables à 10 %
d’ici 2010. En juin 2009, la Chine a annoncé qu’elle s’engageait
à porter à 20 % d’ici 2020 la part des énergies renouvelables, en particulier
les énergies solaire et éolienne, dans son programme énergétique.
Elle a également fixé des objectifs concernant la réduction des
émissions de N20 et l’augmentation du
reboisement des terres.
42. La Chine a récemment salué le changement d’attitude des États-Unis
ainsi que leur volonté d’assumer leur responsabilité historique
et la nécessité de réduire davantage leurs émissions de GES. Pour
sa part, elle n’a pas changé de position officielle, mais des négociateurs
de pays développés ont fait état de sa disposition accrue à participer
aux négociations. À la fin de juillet 2009, elle a d’ailleurs signé
un Protocole d’accord avec les États-Unis pour renforcer la coopération
sur le changement climatique, l’énergie et l’environnement, les deux
pays se déclarant prêts à «répondre avec vigueur aux défis posés
par la sécurité énergétique, le changement climatique et la protection
de l’environnement en s’appuyant sur des mesures ambitieuses au plan
intérieur et une coopération internationale». Les débats portent
actuellement sur la nécessité d’augmenter ses objectifs en matière
d’intensité carbone avec, éventuellement, l’adoption d’un objectif
à plus long terme, qui n’impliquerait pas d’engagement immédiat
de réduire ses émissions de GES mais consisterait à assurer une
croissance aussi forte que possible en générant le moins d’émissions
possible.
43. Divers éléments peuvent inciter la Chine à participer aux
efforts d’atténuation. Ainsi, elle est activement engagée dans le
Mécanisme de développement propre, comptant le plus grand nombre
de projets menés dans ce cadre. Elle en tire profit, et ce d’autant
plus si la communauté internationale adopte des réductions encore plus
radicales. La Chine est également grande productrice de turbines
éoliennes et de produits à énergie solaire. La demande en la matière,
stimulée par le développement du marché domestique, devrait créer
des économies d’échelle qui permettront aux sociétés chinoises d’exploiter
les marchés internationaux, dont la croissance est directement liée
à la rigueur des objectifs de réduction d’émission. La Chine aurait
également tout à gagner à participer à des échanges internationaux
de droits d’émission si un tel mécanisme était prévu par l’accord
de l’après-Kyoto pour réduire les émissions de GES. Tout engagement
de sa part dans le cadre de l’accord post-2012 devrait être entièrement
compensé par les bénéfices qu’elle tire des projets menés en vertu
du MDP et des exportations de technologies d’énergies renouvelables
et autres.
3.4. L’Australie
44. Tout comme les États-Unis, l’Australie a adopté une
nouvelle position, plus proactive, en matière de changement climatique,
au niveau national comme international. Le premier acte officiel
du nouveau gouvernement dirigé par Kenneth Rudd a été de ratifier,
en 2007, le Protocole de Kyoto. L’Australie a également activement
participé à l’adoption du Plan d’action de Bali, la même année.
Penny Wong a été nommée ministre du Changement climatique et de
l’Eau au sein du nouveau gouvernement et un nouveau ministère du
changement climatique a été créé.
45. Dans son Livre blanc de 2008 intitulé «Plan de réduction de
la pollution au carbone: Vers un avenir propre pour l’Australie»
(
Carbon Pollution Reduction Scheme: Australia’s
Low Pollution Future), le gouvernement australien se
fixe pour objectif de réduire ses émissions de GES de 5 à 15 % en-deçà
du niveau de 2000 d’ici à 2020, avec notamment:
- l’engagement inconditionnel
de réduire les émissions de GES de 5 % (soit 27 % par habitant)
en-deçà du niveau de 2000 d’ici à 2020;
- l’engagement de réduire les émissions de GES jusqu’à 15
% (soit 34 % par habitant) en-deçà du niveau de 2000 d’ici à 2020,
sous réserve d’un accord mondial prévoyant une réduction significative
des émissions dans toutes les grandes économies et une réduction
à des taux comparables à ceux de l’Australie dans les économies
les plus développées.
46. En 2009, le gouvernement australien a révisé son objectif
de réduction des émissions de GES à 25 % en-deçà du niveau de 2000
d’ici à 2020, sous réserve d’un accord mondial exhaustif remplissant
un certain nombre de conditions. L’objectif à plus long terme est
de réduire les émissions de GES de 60 % par rapport à 2000 d’ici
2050.
47. Le gouvernement australien est en train de faire du Carbon Pollution Reduction Scheme son
principal instrument pour réduire ses émissions de GES au niveau
national. Ce plan crée un système d’échange qui concerne les sources
majeures des principaux GES. La technique du captage et du stockage
de carbone (CSC) est reconnue comme un moyen de réduire les émissions
brutes avant l’application des conditions fixées par le plan. À
l’origine, l’objectif était de mettre en place un système qui soit
opérationnel d’ici 2010, mais la date a récemment été reportée à
2011 en raison de la récession économique.
48. Le gouvernement australien vient également de revoir son Objectif
impératif en matière d’énergie renouvelable (Mandatory
Renewable Energy Target Programme), composante importante
de la stratégie politique précédente sur le changement climatique.
Il a multiplié l’objectif d’origine par cinq en avril 2009, se fixant
comme nouvel objectif de produire 20 % de son électricité grâce
à des sources renouvelables. En mai 2009, le gouvernement australien
a annoncé qu’il créerait un Fonds australien du carbone (Australian Carbon Trust) afin de
financer les mesures d’efficacité énergétique pour les ménages et
de faciliter la transition de ces derniers vers un prix du carbone
plus élevé.
49. Au niveau international, le gouvernement australien a lancé,
en septembre 2008, une initiative mondiale de captage et de stockage
du carbone (Global Carbon Capture and
Storage Initiative), s’engageant à financer à hauteur
de 100 millions de dollars australiens la création d’un institut
mondial chargé d’accélérer le développement des technologies en
la matière. L’intérêt prononcé que manifeste l’Australie pour le
CSC s’explique par le rôle majeur que jouent les exportations d’énergie
dans l’économie australienne – le charbon est le premier produit
d’exportation et l’Australie est le cinquième exportateur mondial
d’énergie. Le Global Carbon Capture and
Storage Institute a été lancé en avril 2009 en Australie
avec, pour membres fondateurs, le Canada, la Norvège, la Commission
européenne et plusieurs États membres de l’Union européenne, l’Indonésie,
le Japon, les États-Unis, ainsi qu’un grand nombre de sociétés du
secteur de l’énergie. La création de l’institut a donné une visibilité
accrue aux efforts visant à promouvoir la recherche sur le captage
et le stockage du carbone et les projets de démonstration de ces
techniques dans le monde. Il commencera par évaluer les projets
de CSC en cours et comprendra un mécanisme international de mise
en commun des connaissances sur le CSC.
50. Le changement de position de l’Australie, désormais favorable
à un accord international sur la réduction des émissions de GES,
compte plus que le poids politique du pays dans les négociations.
En tant qu’exportateur majeur d’énergie doté d’une croissance économique
rapide, l’Australie cherche activement à être reconnue comme une
partie prenante afin de faire valoir ses intérêts, à travers la
promotion du CSC par exemple ou la reconnaissance de son rôle dans
tout accord futur. De nombreux autres pays qui dépendent de leurs
exportations d’énergie et qui ont jusqu’ici refusé de coopérer en
matière de changement climatique y verront peut-être là un modèle
à suivre. L’Australie est également en train de mettre en place
son système national d’échange de droits d’émission, qui devrait
lui permettre de participer à un système international de la sorte
si tel était prévu par le futur accord.
4. Conclusions
51. Les préparatifs en vue d’un nouvel accord sur la
réduction des émissions de GES pour l’après-2012 ont commencé depuis
2007, sous la houlette de l’AWG-LCA et de l’AWG-FC pour ce qui est
de la CCNUCC. Le travail de ces deux groupes a largement consisté
à développer les solutions déjà utilisées par le Protocole de Kyoto,
telles que l’échange de droits d’émission et autres mécanismes de
marché, tout en apportant de nouveaux instruments (réduction de
la déforestation dans les pays développés, captage et stockage du carbone,
etc.). Un certain consensus s’est déjà dégagé quant aux grands principes
directeurs de la gouvernance dans le domaine du changement climatique
pour la période de l’après-2012, mais d’autres questions, comme
le niveau des engagements réellement adoptés ou le partage des responsabilités
en la matière, n’ont pas encore été véritablement traitées.
52. Il y a lieu de penser que les parties prenantes sont davantage
disposées à négocier sérieusement pour parvenir à un accord mondial
visant à réduire les émissions de GES dans l’atmosphère. Plusieurs
pays se sont déjà engagés unilatéralement à réduire leurs émissions,
et les États-Unis comme l’Australie entendent désormais clairement
être des partenaires actifs des négociations internationales sur
le changement climatique. Les mesures résolues prises par ces deux
pays pour réduire leurs émissions de GES témoignent de leur disposition
à accepter des engagements sérieux.
53. On observe une certaine fragmentation dans le regroupement
des parties aux négociations internationales sur le changement climatique.
Le G77+Chine pourrait ainsi se diviser en plusieurs groupes plus homogènes,
susceptibles de jouer des rôles différents dans les négociations
internationales ainsi que dans les efforts d’atténuation. Le fait
que de grands pays en développement tels que le Brésil, l’Inde,
la Chine, l’Afrique du Sud ou le Mexique puissent s’associer étroitement
à ces efforts est désormais envisageable. La promotion de solutions
telles que le CSC pourrait également faire changer d’avis le groupe
des pays producteurs de pétrole et exportateurs d’énergie.
54. Plusieurs initiatives et processus parallèles ont été lancés
afin de faciliter la conclusion d’un accord à Copenhague, en décembre
2009. Citons notamment les réunions à venir de l’AWG-LCA et de l’AWG-FC,
ainsi que diverses autres rencontres bilatérales et multilatérales.
Par conséquent, on devrait mieux comprendre et préciser, au cours
des mois précédant les négociations de Copenhague, les probables
points d’entente et de divergence, sachant qu’ils porteront probablement
sur les questions suivantes:
- Niveau de réduction des émissions de GES convenu
d’un commun accord pour 2020 et 2050. Il convient de
toute évidence de définir des objectifs ambitieux pour atténuer
le changement climatique. Cependant, si l’accord prévoit, pour la
prochaine période d’engagement, un système d’échange international
de droits d’émission, le niveau de réduction des émissions déterminera
également les bénéfices potentiels qu’auront à tirer les grands
pays en développement d’un accord, et des objectifs plus ambitieux
se traduiront par des projets relevant du mécanisme de développement
propre et des volumes d’exportation plus importants pour les investissements
en énergie verte. Ces objectifs ambitieux peuvent par ailleurs accroître
la disposition des grands pays en développement à jouer un rôle en
matière d’atténuation ou à adopter des engagements pour eux-mêmes.
- Partage des responsabilités
en matière d’atténuation. Les pays développés devront
assumer la majeure partie de la responsabilité s’agissant d’atténuer
le changement climatique, et convenir de leurs responsabilités respectives.
Plus les réductions d’émission de GES adoptées seront importantes,
plus il y a de chances que certains pays en développement accepteront
d’assumer une partie des responsabilités. La manière de formuler
celles-ci sera d’ailleurs l’une des questions les plus litigieuses à
résoudre, d’autant qu’elle est liée à la justice sociale. Par exemple,
les engagements des pays en développement signifient-ils que leurs
habitants auront un droit d’émettre des GES comparable à celui dont
bénéficient les habitants des pays développés, actuellement ou après
les réductions d’émissions? Si l’on s’accorde sur des émissions
par habitant de 4,5 tonnes de carbone, cela suppose que seuls les pays
en développement peuvent augmenter leurs émissions de CO2 et
que l’Europe et les États-Unis doivent réduire leurs émissions de
50 à 65 %. Ce qui n’est pas suffisant: pour maintenir le réchauffement planétaire
en-deça de 2 °C, les émissions de CO2 par
habitant devraient être réduites de près de 2 tonnes. Tout consensus
sur ce chiffre suppose un effort accru de réduction des émissions
dans les pays développés et des réductions importantes dans la plupart
des pays en développement, à l’exception des pays les moins avancés.
- Exhaustivité et choix des instruments.
Si l’on veut réduire radicalement les émissions de GES, il faut couvrir
un large éventail de sources, pour englober aussi les combustibles
de soute, l’aviation internationale, l’occupation des sols et les
changements d’affectation des terres. Autant de nouveaux aspects
qui nécessiteront de nouvelles stratégies de gestion sur lesquelles
il sera difficile de s’accorder. Il importera également de déterminer,
pour chaque aspect, quels instruments utiliser (par exemple, définition
d’objectifs explicites et échange de droits ou plutôt approche réglementaire,
fiscale ou approche plus flexible.
- Durée des périodes d’engagement.
Il est peut-être plus facile de s’accorder sur des périodes plus courtes,
mais elles ne permettent pas de créer des perspectives crédibles
à plus long terme, alors que celles-ci sont nécessaires pour stimuler
l’évolution technologique et l’investissement dans la «décarbonisation»
des économies, et pour assurer le bon fonctionnement des systèmes
d’échange de carbone.
- Accord sur l’adaptation au
changement climatique. Il s’agit d’une question essentielle
qui pourrait être importante pour un accord sur l’atténuation. Tous
les pays en développement subiront directement les conséquences
du changement climatique, notamment les pays les moins avancés.
Ils y seront d’autant plus vulnérables que leurs capacités d’adaptation
sont limitées. Ils feront donc dépendre leur participation aux efforts
d’atténuation, voire leur accord à toutes les propositions relatives
à l’atténuation, à un accord sur la gouvernance et au financement
de l’adaptation. Cette position est déjà mise en évidence dans la
nouvelle note d’information de la Chine sur les négociations de
Copenhague.
55. Plusieurs facteurs peuvent faire obstacle à la conclusion
d’un accord sur le changement climatique à Copenhague. En effet,
la récession économique mondiale peut contraindre les pays à un
double effort: atténuer le changement climatique et assurer l’emploi
et la stabilité économique. Les deux politiques ne sont pas nécessairement
contradictoires, comme le montrent les débats ainsi que les décisions
d’investissements rendus publics sur le programme d’investissement
dans les énergies propres. La promotion des énergies renouvelables
et de l’efficacité énergétique ainsi que le renforcement d’infrastructures
de transport et de production d’énergie plus durables sont à cet
égard des exemples probants de formes d’investissement public plus
neutres en carbone pouvant doper l’activité économique. Par ailleurs,
la récession économique réduira d’elle-même les émissions mondiales
de GES, améliorera l’efficacité énergétique et donnera un coup de
fouet aux efforts d’atténuation.
56. D’autres facteurs peuvent aussi constituer des obstacles à
la conclusion d’un accord à Copenhague. Par exemple, aux États-Unis,
l’opposition pourrait empêcher l’administration Obama d’adopter
une position plus active à l’égard du changement climatique et compromettre
sa capacité d’adopter des politiques intérieures efficaces et de
prendre des engagements internationaux. La volonté d’exportateurs
d’énergie comme l’Australie et les pays de l’OPEP d’accepter les
objectifs de réduction d’émissions de GES dépendra en partie des
progrès technologiques réalisés en matière de CSC et de leur capacité
à faire inclure le CSC dans les mesures qui seront prévues dans
un accord.
57. Enfin, les négociations sur le changement climatique à Copenhague
n’examinent pas tous les domaines qui ont des conséquences sur le
changement climatique ainsi que les efforts entrepris pour atténuer
les émissions de GES. Par exemple, s’il existe des variations importantes
entre les niveaux d’engagement en matière d’atténuation, les productions
à forte intensité de carbone auront tendance à être transférées
dans des pays qui n’ont pas contracté d’engagements d’atténuation
très contraignants. Dans ces pays, les industries à forte intensité
de carbone ne feront pas l’objet d’une relocalisation à cause de
coûts relatifs modifiés. Comme le montrent les observations de la
Chine sur l’empreinte carbone et la responsabilité des émissions
de GES, il s’agit d’un problème déjà actuel pour les économies axées
sur les exportations. Ces facteurs ainsi que de nombreuses autres
questions liées au changement climatique devront être au cœur des
négociations sur le commerce mondial, afin que les arrangements
qui régissent le commerce et l’investissement appuient les efforts
entrepris pour atténuer le changement climatique, sans toutefois
les remettre en question.