1. Introduction
1. Du 1er au 4 septembre 2009, nous avons effectué une
visite en Bosnie-Herzégovine afin de réunir des informations sur
l’état d’avancement de la mise en œuvre de la
Résolution 1626 (2008) de l’Assemblée
sur le respect des obligations et engagements de la Bosnie-Herzégovine,
résolution adoptée le 30 septembre 2008. Dans ce texte, l’Assemblée
prenait acte des progrès accomplis par la Bosnie-Herzégovine en
ce qui concerne le respect de ses obligations et engagements contractés
lors de son adhésion conformément à l’
Avis 234 (2002) de l’Assemblée;
dans cette résolution, elle adressait aux autorités de Bosnie-Herzégovine
un certain nombre de recommandations concrètes visant à accélérer
le processus de réformes dans ce pays et à faire appliquer les engagements
qui n’avaient pas encore été appliqués.
2. Lors de nos réunions avec les principaux acteurs concernés,
nous avons pu constater qu’un an avant les prochaines élections
législatives (prévues pour octobre 2010) il n’y avait guère eu de
progrès en matière de mise en œuvre des engagements non encore respectés.
L’une des préoccupations majeures est l’absence de progrès sur le
front de la réforme constitutionnelle. Comme le faisait observer
l’Assemblée dans ses précédents rapports
, la réforme constitutionnelle
est indispensable à l’amélioration du fonctionnement des institutions
démocratiques en Bosnie-Herzégovine, afin que le pays soit en mesure
de procéder ensuite à d’autres réformes, dans divers secteurs –
réformes qui n’avancent pas autant qu’elles le devraient en raison de
blocages et d’un obstructionnisme constants au niveau des institutions
de l’Etat de Bosnie-Herzégovine et de ses entités.
3. Dans ce contexte, nous avons déclaré, dans la note d’information
relative à notre visite de septembre 2009 en Bosnie-Herzégovine,
que nous envisagions de suivre de près la situation dans ce pays,
et de proposer à la commission de suivi «de nouvelles mesures à
prendre en fonction de la situation, notamment l’ouverture éventuelle
d’un débat sur le fonctionnement des institutions démocratiques
en Bosnie-Herzégovine, à l’occasion de la partie de session de janvier
2010 de l’Assemblée parlementaire»
.
4. A la lumière de l’évolution récente de la situation du pays,
et après avoir pris en compte notre proposition, le Bureau de l’Assemblée
a intégré au projet d’ordre du jour de la partie de session de janvier
2010 de l’Assemblée un débat sur le fonctionnement des institutions
démocratiques en Bosnie-Herzégovine
.
5. Dans ce cadre et avec des objectifs précisément définis, le
présent rapport propose essentiellement des mesures concrètes en
vue de relever comme il se doit les défis auxquels la Bosnie-Herzégovine
est confrontée en ce qui concerne le respect des engagements vis-à-vis
du Conseil de l’Europe qu’elle n’a pas encore mis en œuvre. Ainsi,
ce rapport contient une analyse de l’état d’avancement de la réforme
constitutionnelle; il fait également le bilan de la mise en œuvre
d’un certain nombre de réformes majeures dans le domaine des institutions
démocratiques, et souligne un certain nombre d’événements politiques
plutôt préoccupants survenus ces six derniers mois.
6. Pour élaborer ce rapport, nous avons largement utilisé les
avis de la Commission de Venise et les rapports de nos partenaires
internationaux (notamment le Rapport d’activité de 2009 de la Commission européenne
et le Rapport du haut représentant au Conseil de sécurité des Nations
Unies), mais aussi ceux d’organisations non gouvernementales internationales
et de clubs de réflexion (think-tanks). Nous
sommes également très reconnaissants au bureau du Conseil de l’Europe
à Sarajevo et au représentant spécial du Secrétaire Général pour
les conseils et l’aide organisationnelle qu’ils ont bien voulu nous
apporter dans le cadre de notre visite de septembre 2009.
2. Principales
préoccupations de l’Assemblée et conséquences de l’absence de réforme constitutionnelle
en Bosnie-Herzégovine
7. La
Résolution
1626 (2008) peut être considérée comme une feuille de
route concrète et réaliste en ce qui concerne le respect des obligations
et engagements non encore mis en œuvre. Par conséquent, c’est à
la lumière des exigences de cette résolution que nous évaluons,
dans le présent rapport, le fonctionnement des institutions de la
Bosnie-Herzégovine. Dans ce contexte, l’une des principales exigences
de l’Assemblée est la réforme constitutionnelle.
8. En particulier, au paragraphe 8 de la
Résolution 1626 (2008), l’Assemblée
appelle tous les acteurs politiques «à relancer le dialogue sur
les diverses propositions de réforme immédiatement après les élections locales
d’octobre 2008, en étroite coopération avec la Commission européenne
pour la démocratie par le droit (Commission de Venise), afin d’élaborer
et d’adopter une nouvelle Constitution avant octobre 2010, comme l’avait
précédemment recommandé l’Assemblée dans sa
Résolution 1513 (2006)». Cette dernière
résolution avait été adoptée en avril 2006, à l’issue d’un débat
d’urgence sur le fonctionnement des institutions démocratiques,
débat organisé à la suite du rejet, par l’Assemblée parlementaire
de Bosnie-Herzégovine, et à seulement deux voix près, de ce que
l’on avait alors appelé «l’ensemble des propositions de réformes constitutionnelles
d’avril». Cet ensemble de propositions visait à mettre le système
constitutionnel et juridique de la Bosnie-Herzégovine en conformité
avec la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et à améliorer
le fonctionnement général des institutions de l’Etat.
9. De l’avis de l’Assemblée, la réforme constitutionnelle devrait
aborder de manière prioritaire les deux questions concrètes suivantes:
- la révision du système électoral
des entités et du champ d’application trop large de la clause de
la Constitution dite des «intérêts nationaux fondamentaux», ainsi
que du mécanisme de veto y afférent au sein de la Chambre des peuples
de l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine;
- le problème de l’impossibilité, pour les citoyens de Bosnie-Herzégovine
s’identifiant eux-mêmes comme membres du groupe dit des «Autres»,
d’être candidats à l’élection des membres de la présidence de Bosnie-Herzégovine
et de participer à la désignation de délégués à la Chambre des peuples .
10. Ces deux problèmes empêchent les membres de l’Assemblée parlementaire
de Bosnie-Herzégovine d’être des représentants librement et démocratiquement
élus de l’ensemble des citoyens du pays, et en font les otages des
majorités politiques qui dominent les entités; cette situation crée
également des inégalités entre les citoyens de Bosnie-Herzégovine
en ce qui concerne l’exercice de leur droit de participation au
processus politique – lequel est garanti par la CEDH et ses Protocoles
additionnels nos 1 (droit à des élections libres) et 12 (interdiction
de toute discrimination), tels qu’ils sont appliqués par la Cour
européenne des droits de l’homme.
11. En outre, toujours selon l’avis de l’Assemblée, «la révision
de la Constitution est également nécessaire pour mettre en œuvre
les réformes clés dans les domaines où la répartition des compétences
entre les entités et l’Etat doit être modifiée». «Il faut renforcer
les structures de l’Etat dans les principaux domaines de réforme et
non les saper. Les institutions des entités, notamment dans la Fédération
de Bosnie-Herzégovine, doivent faire l’objet de réformes plus poussées
dans un souci de rentabilité et dans l’optique d’élaborer des politiques cohérentes
et de faire appliquer la législation à tous les niveaux des institutions
publiques.»
12. A l’heure actuelle, l’absence de réforme constitutionnelle
porte atteinte au fonctionnement des institutions démocratiques
de l’Etat de Bosnie-Herzégovine (voire de celles des entités). Cette
situation ralentit également le processus de réforme dans d’autres
domaines, tout aussi indispensable si la Bosnie-Herzégovine veut
progresser sur la voie de l’intégration européenne (nous voulons
parler de la réforme de la justice, de la mise en œuvre de la stratégie
nationale relative aux crimes de guerre, de l’application de l’annexe VII
à l'Accord de paix de Dayton
); la situation actuelle de la Bosnie-Herzégovine
empêche également le pays de respecter ses obligations et engagements
vis-à-vis du Conseil de l’Europe.
13. La Commission européenne a également reconnu que les progrès
étaient insuffisants dans les domaines majeurs où les réformes s’imposent.
Dans son Rapport d’activité de 2009, la Commission européenne parvient
à la conclusion que les progrès ont été très limités en matière
de grandes réformes, celles qui s’imposent pour rapprocher la Bosnie-Herzégovine
de l’adhésion à l’Union européenne
.
14. Le fait qu’il n’y ait pratiquement pas de résultats en ce
qui concerne les grandes réformes nécessaires a des conséquences
tangibles et très sérieuses pour la population de la Bosnie-Herzégovine:
étant donné l’insuffisance des progrès de ce pays dans le sens du
respect des exigences de la feuille de route pour la libéralisation
des visas, la Commission européenne a décidé, en juillet 2009, de
ne pas inclure la Bosnie-Herzégovine dans la liste de pays devant
bénéficier prioritairement du régime de liberté des visas à partir
du 19 décembre 2009
.
Certes, à la date du mois d’octobre 2009, les autorités de Bosnie-Herzégovine
ont réussi à respecter la plupart des exigences de la «feuille de
route» établie par la Commission européenne; par conséquent, on
espère aujourd’hui que la Bosnie-Herzégovine pourra faire partie
de la «deuxième vague» de libéralisation des visas au bénéfice des
pays de la partie occidentale des Balkans.
15. Cependant, le report de ce processus a eu des effets importants
sur la population de Bosnie-Herzégovine sur le plan psychologique:
les habitants de ce pays ont le sentiment d’être traités comme des citoyens
«de seconde zone». Mais il est certain que le retard pris par la
Bosnie-Herzégovine par rapport aux pays voisins est dû aux manœuvres
politiciennes des entités et des dirigeants de partis politiques;
cela met les citoyens de la Bosnie-Herzégovine en position désavantageuse
par rapport aux citoyens des pays voisins. La complexité de la situation
est d’autant plus évidente qu’un pourcentage important de citoyens
de Bosnie-Herzégovine ont, en fait, plusieurs citoyennetés, car
ils sont également détenteurs d’un passeport croate ou serbe. Les
personnes ayant également la nationalité croate peuvent d’ores et
déjà se rendre librement dans le reste de l’Europe, et les habitants
de Bosnie-Herzégovine ayant également un passeport serbe bénéficieront de
la liberté de visa à partir du 19 décembre 2009; il y a là une inégalité
de fait entre les personnes qui ont une double citoyenneté et celles
qui ne détiennent qu’un passeport de Bosnie-Herzégovine.
16. C’est dans ce contexte que nous analysons, dans le chapitre
suivant, le respect, par la Bosnie-Herzégovine, de ses obligations
et engagements concernant le fonctionnement des institutions démocratiques depuis
l’adoption de la
Résolution
1626 (2008). Nous étudierons également la mise en œuvre
des grandes réformes qui y sont liées – en ce qui concerne l’Etat
de droit et le retour des réfugiés et des personnes déplacées.
3. Etat d’avancement
du respect, par la Bosnie-Herzégovine, de ses obligations et engagements
en ce qui concerne le fonctionnement des institutions démocratiques
3.1. La réforme constitutionnelle
17. Depuis l’adoption de la
Résolution 1626 (2008), deux initiatives
ont été prises, en Bosnie-Herzégovine, dans le sens d’une réforme
de la Constitution. Cependant, ces deux processus n’ont pas encore
donné de résultats concrets.
3.1.1. Le «processus de
Prud»
18. Il s’agit d’une initiative lancée au niveau local
par les dirigeants des trois principaux partis politiques de la
Bosnie-Herzégovine, à savoir M. Milorad Dodik (SNSD – Alliance des
sociaux-démocrates indépendants), M. Sulejman Tihic (SDA – Parti
pour l’action démocratique) et M. Dragan Covic (HDZ BiH – Union démocratique
croate de la Bosnie-Herzégovine): il s’agissait d’engager un dialogue
sur la perspective d’une réforme constitutionnelle. Ce «processus
de Prud» a démarré le 8 novembre 2008, sous forme de réunions trilatérales,
consacrées aux différents aspects du fonctionnement de l’Etat, et
notamment à l’éventualité d’une réforme constitutionnelle. Ce processus
s’est déroulé jusqu’en mars 2009, date à laquelle l’amendement constitutionnel
concernant le district de Brčko a été adopté
. Nous avons déjà exposé les
résultats du «processus de Prud» dans la note d’information relative
à notre visite de septembre 2009 en Bosnie-Herzégovine
.
19. Nous voudrions souligner, cependant, que, malgré les mérites
du «processus de Prud» qui a conduit à la signature d’un certain
nombre de déclarations politiques, cette initiative n’a pas eu de
résultats véritablement concrets et n’a pas rapproché, semble-t-il,
les différents partis. Lors de notre visite en Bosnie-Herzégovine,
en septembre 2009, les dirigeants des principaux partis politiques
semblaient rester plus que jamais sur leurs positions. De l’avis
du haut représentant, les acteurs concernés n’ont pas su, tout d’abord,
tirer profit de l’adoption, en mars 2009, du premier amendement
constitutionnel relatif au district de Brčko, et ne sont pas parvenus
non plus à engager un dialogue digne de ce nom au sujet du projet
de réforme constitutionnelle
. Le jugement
du haut représentant est venu renforcer notre sentiment, à savoir
qu’il semblait quasiment impossible que les acteurs locaux, c’est-à-dire
les principaux responsables politiques de Bosnie-Herzégovine, puissent
par eux-mêmes parvenir à un accord sur des propositions concrètes.
Dans ce contexte, cependant, il nous a semblé que les consultations
approfondies entre des experts des Etats-Unis et de l’Union européenne et
de hauts fonctionnaires de Bosnie-Herzégovine au sujet d’un nouvel
ensemble éventuel de réformes constitutionnelles, sur la base des
avis experts de la Commission de Venise, étaient une initiative
prometteuse. Par la suite, cette initiative a été baptisée «processus
de Butmir».
3.1.2. Le «processus de
Butmir»
20. Le 9 octobre 2009, pour tenter de relancer le dialogue
sur des propositions concrètes de réforme constitutionnelle, les
représentants de haut niveau de l’Union européenne et des Etats-Unis
– à savoir, respectivement, M. Carl Bildt, ministre des Affaires
étrangères de Suède, et M. Jim Steinberg, secrétaire d’Etat adjoint
– ont, avec la participation également de M. Olli Rehn, commissaire
européen chargé de l’élargissement, réuni les dirigeants des principaux
partis politiques de Bosnie-Herzégovine, à la base de l’EUFOR, à
Butmir. Il s’agissait de la première tentative conjointe des Européens
et des Américains, depuis les Accords de Dayton, pour engager un
dialogue sur des propositions concrètes de réforme institutionnelle
du pays. En dépit du projet initial – qui aurait consisté à proposer
un ensemble de réformes dès le 9 octobre 2009, cette première session
de négociations s’est en fait limitée à des échanges individuels
avec les dirigeants des principaux partis politiques de Bosnie-Herzégovine.
Finalement, ce que l’on a appelé «l’ensemble de Butmir» a été remis
aux acteurs concernés lors de la seconde session des négociations,
qui s’est tenue les 20 et 21 octobre 2009.
21. Ces propositions de réforme, largement reprises par la presse
et dans les rapports d’organisations non gouvernementales internationales
et de clubs de réflexion
(think tanks) faisant
autorité en la matière
, s’inspirent de l’avis de la Commission
de Venise sur ce que l’on a appelé, en 2006, «l’ensemble des propositions
de réformes constitutionnelles d’avril»
(ou,
plus familièrement, le «Paquet d’avril»), et de l’avis de cette
même commission sur la situation constitutionnelle en Bosnie-Herzégovine
et les pouvoirs du haut représentant
. Il faut noter
également que, après cette approche consistant à définir un ensemble
de réformes, il y a eu deux projets de déclarations, concernant
respectivement la propriété de l’Etat et la défense, qui visaient
clairement à poser les fondements d’un renforcement des institutions
de l’Etat, remplissant ainsi les deux conditions essentielles de
la fermeture du bureau du haut représentant, telles qu’elles ont
été établies par le comité directeur du Conseil de mise en œuvre
de la paix
.
22. Le nouvel ensemble de réformes prévoit la confirmation, dans
le cadre de la Constitution, d’un certain nombre de responsabilités
réservées à l’Etat (telles que la défense, les services de renseignements
et de sécurité extérieure, l’instauration et la réglementation d’un
seul et unique système d’imposition indirecte), et la définition
précise d’un partage des responsabilités entre l’Etat et les entités
(concernant notamment la fiscalité, les processus électoraux, la
justice, l’agriculture, les sciences et technologies, l’environnement
et l’autonomie locale). De même que dans le cadre de «l’ensemble
des propositions de réformes constitutionnelles d’avril», ces nouvelles
propositions de réforme constitutionnelle contiennent une clause
d’intégration à l’Union européenne, aux termes de laquelle la négociation
des accords avec l’Union européenne et les engagements pris vis-à-vis
de celle-ci seront la responsabilité exclusive de l’Etat (même si
les entités devront, au préalable, donner leur avis et leur accord
à ce sujet), tandis que la mise en œuvre des accords et engagements
en question sera une responsabilité conjointe de l’Etat et des entités.
23. En ce qui concerne les institutions, ces nouvelles propositions
de réforme visent à renforcer l’Assemblée parlementaire et à en
modifier les structures: désormais, la Chambre des représentants
aurait 87 membres (au lieu de 42 à l’heure actuelle) et serait chargée
de l’activité législative. La Chambre des peuples aurait 21 membres
(au lieu des 15 actuels), qui seraient choisis parmi les députés
de la Chambre des représentants et auraient un rôle limité aux décisions
sur les questions «d’intérêt national fondamental». En outre, l’un
des éléments véritablement nouveaux de cette réforme serait de «réserver»
3 sièges – sur les 87 que compterait la Chambre des représentants
– à des députés ne se définissant pas comme des représentants des
peuples constituants (en d’autres termes, ceux appartenant au groupe
dit des «Autres»). En ce qui concerne la désignation de candidats
à la présidence de la République de Bosnie-Herzégovine, les trois
représentants en question seraient autorisés à faire partie des
«groupes ethniques» de la Chambre des peuples, à condition qu’ils
ne comptent pas plus de 8 membres.
24. Les nouvelles propositions de réforme tendent également à
modifier structurellement la présidence: celle-ci se composerait
d’un Président et de deux vice-présidents, tous élus par la Chambre
des représentants. Le Président et les vice-présidents ne pourront
pas appartenir aux mêmes peuples constituants. Les candidats à la
présidence seraient désignés par la Chambre des peuples. Les pouvoirs
du Président et de la présidence dans son ensemble seraient réduits
au profit du Conseil des ministres qui, selon le projet de réforme,
serait présidé par un Premier ministre à part entière.
25. Ce projet de réforme ne prévoit aucune modification du système
de vote des entités au sein de l’Assemblée parlementaire.
26. Il semble que ce nouveau projet de réforme soit, dans une
large mesure, cohérent et applicable. A noter que la Commission
de Venise a été associée au processus de rédaction de façon informelle.
Ce nouveau projet permet, semble-t-il, de résoudre le problème de
la compatibilité du système constitutionnel de la Bosnie-Herzégovine
avec les dispositions de la Convention européenne des droits de
l’homme et de ses Protocoles nos 1 et 12 concernant respectivement
le droit à des élections libres et l’interdiction de toute discrimination
.
27. Par conséquent, nous considérons que l’adoption de ce projet
de réforme constitutionnelle serait une réponse appropriée aux recommandations
de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, dans la mesure
où cela permettrait de renforcer les institutions de l’Etat de Bosnie-Herzégovine,
de rapprocher le cadre juridique de ce pays des normes européennes
et d’organiser les prochaines élections législatives, prévues pour
octobre 2010, en conformité avec les normes établies dans le cadre
de la CEDH.
28. Cependant, après les négociations initiales des 20 et 21 octobre
2009, le projet de réforme en question n’a pas fait l’objet d’un
accord général des principaux acteurs politiques de Bosnie-Herzégovine.
Par conséquent, ce que l’on appelle «le processus de Butmir» reste
ouvert, et les négociations se poursuivent dans ce domaine.
29. Après un nouveau cycle d’entretiens et de négociations, un
«projet de Butmir révisé» a été proposé aux dirigeants des principaux
partis politiques, le 24 novembre 2009. Les dirigeants en question
ont jusqu’à la fin du mois de décembre 2009 pour parvenir à un accord
sur le projet révisé.
30. A ce jour, à l’exception du Parti pour l’action démocratique
(SDA), on croit savoir que tous les autres partis ont rejeté les
propositions en question. Certains partis, à savoir le SDP (Parti
social-démocrate) et le SBiH (Parti pour la Bosnie-Herzégovine),
ont officiellement déclaré que le projet révisé était, à leur avis, inacceptable.
Selon certaines informations, M. Zlatko Lagumdzia, dirigeant du
SDP, a déclaré: «Le projet de réforme proposé ne prévoit pas, pour
l’Etat de Bosnie-Herzégovine, la mise en place d’institutions efficaces, et
ajoute même une certaine ambiguïté à la situation, ce qui ne peut
conduire qu’à des interprétations différentes, sinon radicalement
opposées.» De son côté, le conseiller juridique du représentant
bosniaque au sein de la présidence de Bosnie-Herzégovine (ce représentant
étant M. Haris Silajdzic, dirigeant du parti SBiH) aurait déclaré que
«le projet proposé est très en deçà du minimum acceptable pour le
parti SBiH»
.
Le secrétaire exécutif du SNSD (Alliance des sociaux-démocrates
indépendants) aurait déclaré que le «processus de Prud» avait échoué
parce que les amendements avaient pour but de construire un «Etat centralisé
et unitaire»
.
31. Nous ne disposons pas d’informations précises et officielles
au sujet du projet révisé de réforme constitutionnelle; par conséquent,
nous ne sommes pas en mesure de nous prononcer sur le sujet. Toutefois, nous
voudrions souligner que, à notre avis, tout projet qui ne soit pas
avalisé par la Commission de Venise et/ou qui aurait une certaine
ambiguïté et autoriserait des interprétations différentes serait
un «mauvais compromis». Le «processus de Butmir» est la troisième
tentative de réforme constitutionnelle en Bosnie-Herzégovine, réforme
absolument indispensable. Par conséquent, un nouvel échec n’est
pas envisageable.
32. Nous invitons tous les acteurs concernés, aussi bien en Bosnie-Herzégovine
qu’au niveau international, à poursuivre les négociations dans un
sens positif, en vue de parvenir à un accord sur un ensemble de propositions
de réforme. Toute approche «parcellaire», fondée sur des compromis
à court terme, ne répondra pas aux défis auxquels fait face la Bosnie-Herzégovine.
En outre, ce type d’approche peut porter atteinte à la crédibilité
même du processus de réforme, et conduire à des interprétations
divergentes et erronées des propositions en question. Etant donné
le début de la campagne des élections législatives de 2010, ce type
de scénario doit être évité à tout prix.
33. Sur la base de ces éléments, nous espérons que les acteurs
majeurs du processus sauront, en s’inspirant des conseils de leurs
partenaires internationaux, parvenir, dans les délais fixés, à un
accord global sur un ensemble de réformes. A cet égard, le temps
est un facteur majeur. En effet, pour que les élections législatives
de 2010 se déroulent selon des règles conformes aux dispositions
de la CEDH, la réforme constitutionnelle doit être mise en œuvre
dès maintenant, afin que les autorités aient suffisamment de temps pour
modifier comme il se doit la loi électorale. Par conséquent, nous
demandons instamment à toutes les parties concernées de redoubler
d’efforts pour trouver un accord.
3.2. Autres réformes,
liées à la réforme constitutionnelle
3.2.1. Réforme du bureau
du médiateur
34. Dans sa
Résolution
1626 (2008), l’Assemblée invite les autorités de Bosnie-Herzégovine
à «conduire rapidement à son terme la procédure de nomination de
trois médiateurs publics», afin de respecter l’un des engagements
majeurs à l’égard du Conseil de l’Europe non encore mis en œuvre
.
35. Les trois médiateurs ont été désignés par l’Assemblée parlementaire
de Bosnie-Herzégovine le 4 décembre 2008 (par la suite, l’un des
trois a démissionné; un nouveau médiateur a été élu le 1er octobre 2009
pour le remplacer). Cependant, le bureau des médiateurs n’est toujours
pas totalement opérationnel.
36. En réalité, la nouvelle loi sur l’institution des médiateurs
n’est toujours pas totalement appliquée, car les médiateurs des
entités sont toujours en fonction. Aux termes de la nouvelle législation,
les médiateurs des entités devaient disparaître dans un délai d’un
mois après l’adoption de ce nouveau texte de loi. Le Parlement de
la Fédération de Bosnie-Herzégovine a adopté en 2007 une loi sur
les mesures provisoires relatives au démantèlement du bureau du
médiateur de la fédération; mais ce bureau continue à fonctionner,
car la condition de sa fermeture était la cessation d’activité du
bureau du médiateur de la Republika Srpska (RS). Cependant, la RS
n’a pas encore adopté de loi pour mettre un terme aux activités
de son médiateur.
37. Lors de notre visite en Bosnie-Herzégovine, en septembre 2009,
nous avons soulevé cette question auprès du Premier ministre de
la Republika Srpska, M. Milorad Dodik, et du président de l’Assemblée
nationale de la RS, M. Igor Radojicic. Le Premier ministre nous
a répondu que son gouvernement avait rédigé et présenté un projet
de loi sur ce sujet et que, par conséquent, le Gouvernement de la
RS avait rempli ses obligations dans ce domaine. Le Premier ministre
ajoutait que l’adoption de ce projet de loi était désormais entre
les mains de l’Assemblée nationale de la RS, mais que les députés
avaient mis en doute la constitutionnalité et la légalité de toute
mesure de suppression du bureau du médiateur de la RS.
38. Nous considérons que cet argument n’est pas acceptable. La
création d’une seule et unique institution de médiation au niveau
de l’Etat est expressément prévue par une loi d’Etat d’ores et déjà
adoptée par l’Assemblée parlementaire de Bosnie-Herzégovine, les
députés représentant les deux entités s’étant prononcés pour. Par
conséquent, cette loi doit être appliquée par les deux entités.
En outre, la création d’une institution unique de médiation est
un engagement international expressément précisé pour la Bosnie-Herzégovine,
tel qu’il a été défini dans le texte de l’
Avis 234 (2002) de l’Assemblée parlementaire
du Conseil de l’Europe et accepté par la Bosnie-Herzégovine.
39. Dès lors, nous demandons à l’Assemblée nationale de la Republika
Srpska d’adopter sans délai la loi relative à la cessation d’activité
du bureau du médiateur de la RS, afin que les autorités de Bosnie-Herzégovine puissent
instaurer définitivement le bureau unique de médiation, au niveau
de l’Etat.
3.2.2. Réformes de l’autonomie
locale dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine et dans la Republika Srpska
40. Dans la
Résolution
1626 (2008), l’Assemblée a appelé les autorités de la
Bosnie-Herzégovine «à mettre en œuvre une réforme globale de l’administration
locale en vue d’harmoniser les lois en la matière aux niveaux des
entités et, dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine, entre les
différents cantons, afin de transférer de fait des compétences sectorielles
aux autorités locales, de renforcer la décentralisation fiscale,
de développer les capacités des autorités locales et de promouvoir
la coopération intercommunale entre les entités».
41. Nous regrettons qu’aucune mesure n’ait été prise pour mettre
en œuvre cette recommandation et que les compétences et les ressources
des municipalités de la Fédération de Bosnie-Herzégovine et de la Republika
Srpska restent faibles. Ce problème est tout particulièrement grave
dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine où ce sont les cantons
qui ont formellement compétence pour légiférer sur l’autonomie locale, nonobstant
l’adoption, en 2006, au niveau de la fédération, d’une loi sur les
principes régissant l’autonomie locale. La mise en œuvre de cette
loi n’est pas encore achevée car les réformes sectorielles nécessaires doivent
être coordonnées entre les ministères compétents des 10 cantons,
qui sont responsables de l’harmonisation de la législation cantonale
avec la loi fédérale, établissant les principes fondamentaux. Le département
compétent du ministère de la Justice de la Fédération de Bosnie-Herzégovine,
responsable de l’autonomie locale, n’a pas une capacité suffisante
pour coordonner ce processus de façon efficace.
42. Nous réaffirmons notre opinion exprimée dans notre dernier
rapport sur la mise en œuvre des engagements et obligations par
la Bosnie-Herzégovine (septembre 2008,
Doc. 11700): le fonctionnement efficace
de l’autonomie locale nécessiterait, à moyen terme, un degré d’harmonisation
des lois fondamentales et sectorielles en Fédération de Bosnie-Herzégovine,
en Republika Srpska ainsi que dans les cantons, afin d’établir une
base pour une collaboration croisée des municipalités entre les
entités dans la fourniture des services. Bien entendu, il serait
plus aisé de mettre en œuvre cette harmonisation dans le cadre d’une
vaste réforme constitutionnelle au niveau de l’Etat.
3.2.3. Réformes relatives
à l’Etat de droit
43. Dans ce registre, il convient de traiter trois problèmes: a. la mise en œuvre de la Stratégie
nationale relative aux crimes de guerre; b. la
mise en œuvre de la Stratégie de réforme de la justice au niveau
national; et c. la prorogation
des mandats des juges et procureurs internationaux. Il est à déplorer
que ces trois «chantiers» n’aient guère progressé.
44. La mise en œuvre de la Stratégie nationale relative aux crimes
de guerre – stratégie adoptée fin 2008 – accuse un certain retard.
Bien que la mise en place du conseil de surveillance de cette stratégie
ait respecté le calendrier prévu, la stratégie en question ne donne
encore aucun résultat concret. A ce jour, le seul changement visible
est l’adoption, par le Conseil des ministres, des amendements qui
s’imposaient en matière de réforme du Code de procédure pénale.
Mais ces amendements doivent être adoptés par l’Assemblée parlementaire.
Par ailleurs, la base de données centrale qui doit réunir toutes
les informations sur les crimes de guerre n’a pas encore de réalité.
Or, en l’absence de cet élément majeur, la mise en œuvre de cette stratégie
nationale paraît difficile, voire quasiment impossible.
45. La Stratégie de réforme de la justice au niveau national n’est
pas très performante. Certes, un secrétariat technique a été mis
en place; mais la mise en œuvre des activités prévues a du retard.
D’après une étude d’évaluation due à la seconde conférence interministérielle
nationale (en mai 2009), 40 à 50 % des projets planifiés n’ont pas
du tout progressé. Le taux moyen de mise en œuvre des activités
en question était inférieur à 20 % au cours des quelques mois ayant
précédé cette étude. Il est à noter qu’une troisième conférence interministérielle
est prévue pour décembre 2009.
46. D’autre part, on peut se préoccuper très sérieusement du départ
imminent des juges et procureurs internationaux qui opèrent dans
les chambres de la Cour d’Etat chargées de traiter les crimes de
guerre, la lutte contre la criminalité organisée et la corruption,
ainsi qu’au sein du parquet. Le président de la Cour d’Etat et le
procureur général de Bosnie-Herzégovine ont demandé, au cours de
l’année 2009, la prorogation du mandat des juges et procureurs internationaux
au-delà du mois de décembre 2009, afin d’assurer l’achèvement des
procès en cours.
47. Le 23 juillet 2009, le Conseil des ministres a adopté un amendement
visant à prolonger le mandat des juges et procureurs internationaux;
mais il ne s’agit, en l’occurrence, que des magistrats chargés de
traiter les crimes de guerre. La Commission des questions constitutionnelles
et juridiques de la Chambre des représentants a approuvé des amendements
supplémentaires concernant la prolongation du mandat des juges et
procureurs spécialisés dans la criminalité économique et la corruption.
Mais les délégués de la Republika Srpska à la Chambre des peuples
ont bloqué l’adoption de la proposition du Conseil des ministres –
ce qui, pour le moment, rend impossible une adoption effective de
tous les amendements (y compris les amendements supplémentaires
présentés par la Commission des questions constitutionnelles et
juridiques).
48. Le refus des représentants de la RS concernant la proposition
d’extension du mandat des juges et procureurs internationaux crée
une situation très difficile pour la Cour d’Etat de Bosnie-Herzégovine
et le parquet. De plus, la Chambre des représentants n’a pas approuvé,
pour 2010, les fonds supplémentaires qui auraient permis de recruter
des juges et procureurs nationaux en remplacement des magistrats
internationaux sur le départ. Dès lors, les travaux de la Cour d’Etat
et du parquet vont s’en trouver sérieusement perturbés en 2010.
De plus, aux termes de la législation de Bosnie-Herzégovine, les
chambres composées de trois magistrats chargés des affaires de crimes
de guerre doivent être renouvelées en cas de changement en leur sein,
ce qui signifie que de nouveaux juges doivent être nommés et que
les procès doivent repartir à zéro. Cela provoquera concrètement
des retards assez importants en ce qui concerne le jugement des
crimes de guerre. Au final, cela différera également la stratégie
visant à la suppression du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie
(TPIY), l’objectif final étant de transférer les affaires de crimes
de guerre devant les tribunaux nationaux.
49. Etant donné que les autorités nationales n’ont pas pu traiter
ce problème, le haut représentant n’a pas eu d’autre choix que d’utiliser
les «pouvoirs de Bonn» et d’adopter le 14 décembre 2009 une décision
visant à prolonger jusqu’au 31 décembre 2012 le mandat des juges
et procureurs internationaux qui opèrent dans les chambres de la
Cour d’Etat chargées des crimes de guerre ainsi qu’au sein du parquet.
La présence en Bosnie-Herzégovine des juges et procureurs responsables
des affaires de crime organisé et de corruption a également été
prolongée. Cependant, ils n’exerceront plus de pouvoirs judiciaires
et resteront dans le pays à titre consultatif. Les autorités nationales
sont tenues de procéder au remplacement des juges et procureurs internationaux
à partir du 1er janvier 2013. Cette décision a été appuyée à l’unanimité
par le comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix.
Tout en saluant la prorogation du mandat des juges et procureurs internationaux
chargés de traiter les crimes de guerre, nous regrettons que les
autorités nationales n’aient pas assumé, une fois de plus, leurs
responsabilités, obligeant ainsi le haut représentant à imposer
la décision appropriée en recourant aux «pouvoirs de Bonn». Nous
invitons instamment les autorités à exécuter la décision du haut
représentant, à réunir les fonds nécessaires et à former les personnels
appropriés afin de pouvoir embaucher en 2013 des juges et des procureurs
nationaux en remplacement des magistrats internationaux. En même
temps, nous demandons instamment aux juges et procureurs nationaux
de profiter pleinement du savoir-faire et de l’expérience de leurs
anciens collègues internationaux qui ont traité les affaires de
crime organisé et de corruption, en vue d’assurer la continuité
des investigations et des procès en cours.
3.2.4. Mise en œuvre de
la décision finale sur le district de Brčko
50. En dépit de l’adoption, en mars 2009, de l’amendement
constitutionnel sur le district de Brčko, à la suite de négociations
dans le cadre du «processus de Prud», le superviseur international
de Brčko n’est toujours pas en mesure d’informer le tribunal d’arbitrage
de l’achèvement du processus de mise en œuvre de la décision finale
pour ce district.
51. En juin 2009, le superviseur du district de Brčko a informé
le comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix du fait
que les institutions du district fonctionnaient «de manière efficace
et, apparemment, définitive»; il recommandait également l’achèvement
du processus de supervision lors de la réunion de novembre 2009
du comité directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix, à condition
que l’Etat et les entités aient respecté avant le 15 septembre les
obligations qu’ils n’avaient pas encore remplies vis-à-vis du district de
Brčko. Ces obligations étaient les suivantes: le règlement des dettes
mutuelles; la possibilité, pour les habitants du district, de choisir,
de déclarer ou de modifier leur citoyenneté liée à l’une ou l’autre
des entités; l’intégration du district de Brčko dans le cadre juridique
et réglementaire du marché de l’électricité de la Bosnie-Herzégovine;
enfin, la dotation au bénéfice du district des fonds de succession
liés à l’ex-République socialiste fédérative de Yougoslavie.
52. Afin d’aider les autorités des entités à résoudre ces problèmes
complexes et de nature plutôt technique, le bureau du haut représentant
a rédigé des amendements spécifiques, communiqués en juillet 2009,
par le président du Conseil des ministres de la Bosnie-Herzégovine,
le Premier ministre de chaque entité et le maire de Brčko. Mais
le haut représentant devait signaler qu’en dépit de toutes ces initiatives
les acteurs concernés n’avaient pris aucune mesure pour mettre en
œuvre, avant la date limite du 15 septembre, les obligations qu’ils n’avaient
pas encore respectées
.
Dans ce contexte, le haut représentant a utilisé ses pouvoirs exécutifs
et a adopté la législation correspondante le 18 septembre 2009.
53. Aux termes de la législation du pays, les autorités de l’Etat
et celles des entités ont l’obligation de publier dans leurs journaux
officiels respectifs les textes de loi mis en place par le haut
représentant, afin de permettre l’entrée en vigueur des lois en
question. Les autorités de l’Etat, de la Fédération de Bosnie-Herzégovine
et du district de Brčko ont mis en œuvre leurs obligations respectives
et publié officiellement les textes de loi correspondants. Mais,
de leur côté, les autorités de la Republika Srpska (RS) ont officiellement
rejeté la décision du haut représentant et refusé d’en publier le
contenu dans le Journal officiel de la RS. Le Gouvernement et l’Assemblée
nationale de la Republika Srpska ont justifié leur rejet en soulignant
que, à leur avis, le haut représentant n’était pas habilité à imposer
une législation dans le contexte de l’Accord-cadre général pour
la paix («Accords de Dayton»). Cependant, pour notre part, nous
considérons que ce rejet défie directement ce que l’on a appelé
les «pouvoirs de Bonn», pouvoirs conférés au haut représentant lors
de la réunion du Conseil de mise en œuvre de la paix, à Bonn, en
décembre 1997, conformément à l’annexe X à l'Accord de paix de Dayton
.
54. En conséquence, étant donné le refus de la Republika Srpska
de remplir ses obligations juridiques, le superviseur du district
de Brčko n’a pas été en mesure de recommander la clôture du processus
de supervision lors de la réunion du comité directeur du Conseil
de mise en œuvre de la paix, qui s’est tenue les 18 et 19 novembre
2009. Le superviseur s’est réservé le droit de déférer devant le
tribunal d’arbitrage la question du non-respect, par la Republika
Srpska, de la décision relative à la décision finale sur le district
de Brčko.
3.2.5. Mise en œuvre de
l’annexe VII à l'Accord de paix de Dayton
55. Depuis notre dernier rapport (septembre 2008) sur
le respect des obligations et engagements de la Bosnie-Herzégovine,
il n’y a pas eu de progrès notables en ce qui concerne l’application
du contenu de l’annexe VII à l'Accord de paix de Dayton. A l’heure
actuelle, il y a encore 120 000 personnes déplacées en Bosnie-Herzégovine,
dont plus de 7 000 vivent dans des conditions sordides, dans des
centres collectifs.
56. Le 30 janvier 2009, le Conseil des ministres adoptait la Stratégie
révisée de mise en œuvre de l’annexe VII à l'Accord de paix de Dayton.
Puis cette stratégie était adoptée en mai 2009 par la Chambre des représentants.
La stratégie en question contient des plans d’action très précis
et vise à permettre de nouveaux efforts en vue de résoudre le problème
des personnes déplacées. Mais, le 6 juin 2009, le groupe serbe au
sein de la Chambre des peuples a rejeté cette stratégie, dont le
texte a été renvoyé, aux fins de révision, au ministère des Droits
de l’homme et des Réfugiés.
3.2.6. Organisation d’un
recensement de la population à l’échelle nationale
57. Nous sommes très préoccupés par le blocage de l’adoption
de la Stratégie révisée de mise en œuvre de l’annexe VII à l'Accord
de paix de Dayton, non seulement parce que cela empêche le retour
des personnes déplacées, mais aussi parce que cela porte atteinte
au projet de recensement de la population de Bosnie-Herzégovine,
prévu pour 2011. L’organisation de ce recensement est l’une des
exigences majeures de l’Assemblée
. Il importe de disposer de
données sur la répartition de la population, car ces données doivent permettre
une répartition proportionnelle des emplois et des postes en fonction
de critères ethniques. A ce jour, on utilise encore, dans ce but,
les données du recensement de 1991, afin d’éviter un «gel» de la
situation issue de la guerre en matière de mouvements de population
(situation due, entre autres, au processus de «nettoyage ethnique»),
et de permettre véritablement à toutes les personnes déplacées de
regagner le lieu d’habitation qui était le leur avant le conflit.
Dans ce contexte, la réalisation d’un nouveau recensement devrait
se faire parallèlement à l’application du contenu de l’annexe VII
à l'Accord de paix de Dayton.
58. Au cours des premiers mois de l’année 2009, et dans le cadre
du «processus de Prud», les principaux acteurs concernés ont conclu
un accord sur l’organisation d’un nouveau recensement, dont le questionnaire comporterait
des éléments relatifs aux origines ethniques et religieuses des
personnes, ainsi qu’à la langue qu’elles pratiquent. L’accord en
question prévoit que les données issues du recensement de 2011 permettront de
garantir une représentation proportionnelle des différents groupes
ethniques en matière de répartition des emplois seulement à partir
de 2014. Parallèlement, on continuera à déployer des efforts dans
le sens de la mise en œuvre de l’annexe VII. Mais, dans le contexte
actuel, le veto des délégués serbes vis-à-vis de la Stratégie révisée
pour la mise en œuvre de l’annexe VII ne laisse pas d’autre choix
aux parties bosniaques que de bloquer l’adoption de la loi relative
au recensement.
59. Si l’on ne sort pas de cette impasse dans les quelques mois
à venir, et étant donné qu’un recensement pilote est prévu en avril
2010, on peut dire que la Bosnie-Herzégovine ne sera pas en mesure
d’organiser un recensement national en 2011. Par conséquent, nous
demandons instamment aux principaux acteurs concernés de reprendre
des négociations constructives sur ce sujet afin d’adopter la loi
relative au recensement dans les plus brefs délais.
4. Escalade des tensions
politiques et rhétorique incendiaire
60. Nous devons constater que, depuis l’adoption de notre
dernier rapport sur le respect des obligations et engagements de
la Bosnie-Herzégovine, en septembre 2008, non seulement les autorités
de Bosnie-Herzégovine n’ont pas accéléré la mise en œuvre des obligations
et engagements non encore respectés, mais, de plus, les tensions
politiques et les discours divisant le pays se sont poursuivis,
voire intensifiés. Les institutions de l’Etat n’arrivent toujours
pas à se mettre d’accord sur les nominations des candidats aux postes clés.
De plus, nous sommes tout particulièrement préoccupés par le fait
que les autorités de la Republika Srpska aient défié l’ordre constitutionnel
et juridique de la Bosnie-Herzégovine, ainsi que les Accords de
paix de Dayton. La situation reste tendue dans la Fédération de
Bosnie-Herzégovine, et le fonctionnement normal des institutions
reste entravé par des dissensions d’ordre ethnique. La situation
de la ville de Mostar est particulièrement préoccupante: à ce jour,
c’est-à-dire plus d’un an après les élections locales d’octobre
2008, le conseil municipal n’a pas réussi à élire un maire.
4.1. Les nominations
aux postes clés au niveau de l’Etat de Bosnie-Herzégovine
61. Nous notons que, depuis des mois, le Conseil des
ministres n’arrive pas à se mettre d’accord sur les nominations
aux postes clés. Ainsi, cet été, le Conseil des ministres devait
procéder à la nomination des chefs de la Direction d’intégration
européenne, de l’Autorité des impôts indirects et du Conseil de
réglementation en matière de télécommunications. Les membres bosniaques
du Conseil des ministres ont affirmé que les représentants de la
communauté bosniaque étaient sous-représentés au niveau des chefs
des administrations publiques d’Etat. En contrepartie, le président
du Conseil des ministres, le Serbe Nikola Spiric, a bloqué, avec le
soutien du comité central de son parti («Alliance des sociaux-démocrates
indépendants»), la nomination du candidat bosniaque proposé par
le Parti pour l’action démocratique (SDA) au poste de ministre de
la Sécurité.
62. Nous notons également que, contrairement aux recommandations
de l’Assemblée
, les autorités de la Bosnie-Herzégovine
n’ont toujours pas réussi à nommer leurs représentants au sein de
plusieurs mécanismes de suivi ou organes consultatifs du Conseil
de l’Europe, notamment au Comité européen pour la prévention de la
torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT),
au Comité consultatif de la Convention-cadre pour la protection
des minorités nationales, à la Commission européenne contre le racisme
et l’intolérance (ECRI) et à la Commission de Venise. Cette situation
dure depuis trop longtemps et nous en appelons aux autorités afin
qu’elles procèdent de toute urgence à la désignation des membres
des mécanismes de suivi et des organes consultatifs du Conseil de
l’Europe.
4.2. La situation dans
la Republika Srpska
63. Le 14 mai 2009, l’Assemblée nationale de la Republika
Srpska (RS) a adopté un certain nombre de conclusions mettant en
question les fondements constitutionnels et la légalité des compétences
de l’Etat de Bosnie-Herzégovine, compétences que le gouvernement
et l’Assemblée nationale de la RS jugent avoir été «transférées»
vers les institutions de l’Etat. Dans le cadre de ses conclusions,
l’Assemblée nationale de la RS a envisagé d’intenter un procès pour
remettre en cause la constitutionnalité d’un tel transfert de compétences, et
de porter l’affaire devant les tribunaux aussi bien nationaux qu’internationaux.
D’après l’Assemblée nationale de la RS, sur les 68 compétences «transférées»,
seules trois d’entre elles n’ont pas été «volées», saisies ou abandonnées
sous de faux prétextes et, d’une manière générale, en raison d’une
intervention présumée du haut représentant. En réalité, un certain
nombre de compétences que la Republika Srpska considère comme ayant
été «illégalement transférées» figurent expressément dans la Constitution
telle qu’elle a été établie par les Accords de paix de Dayton (à
savoir les questions d’immigration et d’asile, d’importation et
d’exportation d’armements, ou encore l’application des décisions
pénales internationales ou adoptées dans les entités). D’autres
compétences de cette liste avaient déjà été remises en question
devant la Cour constitutionnelle; mais la Cour constitutionnelle
a finalement confirmé la légalité de l’exercice desdites compétences
par l’Etat.
64. Le 25 mai 2009, le haut représentant adressait une lettre
au président de l’Assemblée nationale de la RS pour lui demander
d’annuler, avant le 11 juin 2009, les conclusions en question. Dans
cette lettre, le haut représentant considérait que ces conclusions
portaient atteinte au processus de répartition des responsabilités entre
l’Etat et les entités définies par la Constitution de Dayton et
les décisions subséquentes de la Cour constitutionnelle de Bosnie-Herzégovine.
Le haut représentant ajoutait que ces conclusions étaient «ambiguës,
erronées, et, dès lors, inacceptables»
. L’Assemblée
nationale de la RS n’ayant pas annulé ses conclusions à la date
du 11 juin 2009, le haut représentant n’a pas eu d’autre choix que
de les abroger lui-même le 20 juin 2009, sur la base des «pouvoirs
de Bonn». En réaction, le Gouvernement de la Republika Srpska publiait,
le jour même, un communiqué pour s’élever contre la décision du
haut représentant, qualifiée d’atteinte aux principes et libertés
démocratiques et qui, selon les autorités de la SR, ne faisait que
prouver une fois de plus que le bureau du haut représentant n’avait
plus de raison d’être.
65. L’adoption, le 14 mai 2009, par la RS, des conclusions en
question qui, rappelons-le, mettaient en cause l’exercice, par l’Etat,
d’un certain nombre de compétences, n’a été qu’une première étape
dans ce défi lancé par la Republika Srpska contre l’ordre constitutionnel
et juridique de la Bosnie-Herzégovine. Comme nous l’avons déjà souligné
plus haut (au paragraphe 53), le Gouvernement et l’Assemblée nationale
de la Republika Srpska avaient refusé de publier au Journal officiel
les décisions prises par le haut représentant, le 18 septembre 2009,
en vue de la promulgation de la législation qui permettrait d’avaliser
la décision finale sur le district de Brčko.
66. De plus, le 24 septembre 2009, le Gouvernement de la Republika
Srpska publiait un nouvel ensemble de conclusions mettant en cause
la légalité des pouvoirs conférés au haut représentant (dits «pouvoirs
de Bonn»). Le 1er octobre 2009, l’Assemblée nationale de la RS déclarait
que toutes les décisions du haut représentant étaient «nulles et
non avenues», illégales et attentatoires aux Accords de paix de
Dayton. Il est bon de noter que seuls les membres de la coalition
gouvernementale de la RS ont voté en faveur de ces nouvelles conclusions.
L’Assemblée nationale de la RS a ensuite décidé une action judiciaire
contre tous les hauts représentants, quels qu’ils soient, sans pour
autant déclencher concrètement cette action dans l’immédiat. Ultérieurement,
l’Assemblée nationale adoptait de nouvelles conclusions, en menaçant
de contrer les décisions du haut représentant par un référendum,
ainsi que d’opérer un retrait des représentants de la RS de toutes
les institutions de l’Etat, si le haut représentant utilisait de
nouveau, à l’avenir, ses pouvoirs exécutifs. A notre connaissance,
il n’y a pas eu, à ce jour, d’action judiciaire effective contre
les décisions du haut représentant.
67. Par ailleurs, le conflit en cours au sujet du statut juridique
de la compagnie Elektroprijenos/Electroprenos, qui assure l’approvisionnement
en électricité en Bosnie-Herzégovine, a encore aggravé la tension
entre les autorités de la Republika Srpska et le haut représentant.
Cette entreprise publique, propriété des deux entités, qui en sont
les actionnaires, est donc chargée de l’approvisionnement en électricité
de l’ensemble du territoire de la Bosnie-Herzégovine. Il a été dit
que le haut représentant avait été informé d’un projet de démantèlement,
par la Republika Srpska, de la compagnie Elektroprijenos/Electroprenos
en vue de la création d’une entreprise autonome de transmission
de l’électricité. Il était prévu que ce plan prenne effet le 19
septembre, date de la fin du mandat du directeur général d’Elektroprijenos/Electroprenos.
Or, une telle initiative ne serait pas seulement illégale; elle
mettrait également en danger l’ensemble de l’approvisionnement en
électricité de la Bosnie-Herzégovine et risquerait même de déstabiliser
l’approvisionnement de toute la région. Cependant, en raison du
boycott, par la RS, du conseil d’administration de la compagnie Elektroprijenos/Electroprenos,
il n’y a pas eu de tentative de remplacement du directeur général.
Etant donné la menace représentée par le projet de modification
du système d’approvisionnement en électricité, le danger pour la
poursuite des activités commerciales normales de la compagnie Elektroprijenos/Electroprenos (conformément
à la législation pertinente) et, surtout, dans l’intérêt général
du pays, le haut représentant a, le 18 septembre 2009, décidé de
réaffirmer la poursuite du mandat et des fonctions du directeur
général de cette entreprise, et ce jusqu’à nomination d’un nouveau
directeur, sauf disposition contraire de la loi.
68. Les autorités de la Republika Srpska et en particulier le
Premier ministre ont vivement protesté contre cette décision du
haut représentant, avant de la remettre en cause officiellement
par une lettre, en date du 2 octobre, adressée au conseil de direction
d’Elektroprijenos/Electroprenos: cette lettre exigeait la cessation
des activités de la direction. Selon certaines informations, le
ministre de l’Energie de la RS a adressé un avertissement au conseil
de direction de l’entreprise, pour dire que toute décision prise
par le conseil sans la participation de représentants de la RS provoquerait
l’adoption de ce que la RS a appelé les «conditions spéciales de
transmission de l’électricité dans la Republika Srpska»: cela reviendrait
alors à déléguer l’ensemble des responsabilités de la compagnie
Elektroprijenos/Electroprenos vers les centres opérationnels de
Banja Luka, Sarajevo et Mostar (soit trois des quatre centres existants),
et à leur demander de facto d’opérer
en tant qu’entreprises indépendantes d’approvisionnement en électricité,
dans la limite des secteurs dont les territoires ne croisent pas
la frontière administrative entre les entités.
69. Mais, le 6 novembre 2009, les Premiers ministres de la Republika
Srpska et de la Fédération de Bosnie-Herzégovine ont signé une déclaration
en cinq points, dans le but de maintenir la direction des opérations
au sein de la compagnie Elektroprijenos/Electroprenos et de ses
différents organes. Cependant, on croit savoir qu’à ce jour aucun
des cinq points définis dans cette déclaration n’a été appliqué.
70. Ce conflit a eu de très sérieuses conséquences, notamment
une vingtaine de pannes d’électricité entre le 25 septembre et le
15 octobre. La ville de Sarajevo a été l’un des lieux affectés par
les coupures de courant. La plupart des quartiers de la ville, y
compris ceux comportant des hôpitaux, ont subi ces «black-outs».
Des pannes de courant ont également été observées dans d’autres
parties de la fédération, ainsi que dans la Republika Srpska.
71. Ont été également très préoccupantes les déclarations récentes
du Premier ministre de la RS au sujet des atrocités commises pendant
la guerre. Le 11 septembre 2009, le Premier ministre de la RS affirmait
qu’il existait des preuves selon lesquelles des Bosniaques auraient
organisé les massacres du marché de Markale, à Sarajevo, en février
1994 et en août 1995, ainsi qu’à Tuzla en mai 1995. Si des responsables
politiques de la RS avaient déjà fait des déclarations dans le même
sens au sujet du massacre du marché de Markale, les commentaires
concernant le massacre de Tuzla Kapij, au cours duquel plus de 70
personnes (essentiellement des jeunes gens) ont trouvé la mort,
ont un caractère inédit. En fait, dans les trois cas en question,
le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) et
la Chambre du Tribunal de Bosnie-Herzégovine chargée de juger les
crimes de guerre ont confirmé la responsabilité de Serbes dans ces
massacres.
72. Nous condamnons avec la plus grande fermeté les déclarations
en question, que nous jugeons inacceptables et irresponsables. Nous
considérons qu’il s’agit là d’un défi très clair vis-à-vis des appels
que nous avions déjà lancés aux responsables politiques de Bosnie-Herzégovine
afin qu’ils s’abstiennent de tout discours incitant aux affrontements.
4.3. La situation dans
la Fédération de Bosnie-Herzégovine
73. Depuis notre dernier rapport, la situation reste
difficile dans la Fédération de Bosnie-Herzégovine. A la fin du
mois de mai 2009, le Premier ministre de la fédération, M. Nedzad
Brankovic, mis en examen pour abus de pouvoir dans la période de
la fin des années 1990, a dû démissionner sous la pression de son
propre parti, le SDA (Parti pour l’action démocratique). Dans l’attente
de la nomination d’un nouveau Premier ministre, c’est le ministre
des Finances de la fédération, M. Vjekoslav Bevanda, qui a assuré
l’intérim. D’autre part, le Gouvernement de la fédération a dû relever
un immense défi: le rééquilibrage du budget 2009 et le respect des
conditions fixées par le Fonds monétaire international (FMI) pour
pouvoir bénéficier de la part de 1,2 milliard d’euros qui lui revenait
aux termes de l’accord provisoire de trois ans négocié le 5 mai
2009. Puis la fédération a connu de multiples grèves, grèves de
la faim, blocages routiers et aux frontières, ainsi que des menaces
de manifestations de la part de dirigeants syndicaux, de vétérans
de la guerre et d’agriculteurs – le point culminant ayant été, le
18 juin, une immense manifestation de 7 000 vétérans de guerre,
de victimes civiles du conflit et d’invalides hors conflit, devant
les bâtiments du Gouvernement de la fédération, à Sarajevo. Pour
répondre à ces manifestations, le gouvernement intérimaire a promis
d’annuler le projet de réduction de 10 % des allocations versées
à ces catégories.
74. Puis, le 25 juin 2009, la Chambre des représentants de la
fédération nommait un nouveau Premier ministre. Celui-ci s’est efforcé
de respecter les engagements des entités vis-à-vis du FMI; mais
il a dû faire face, à son tour, à des manifestations et à un certain
nombre de différends avec les ministres croates, frustrés par le
fait que, en raison de leur nombre, leurs intérêts n’étaient pas
pris en compte lors des votes. Une nouvelle crise a éclaté le 27
août 2009, date à laquelle quatre ministres croates ont annoncé
qu’ils ne participeraient plus aux travaux du Gouvernement de la
fédération en raison d’un désaccord au sujet d’une proposition de
loi visant à modifier le trajet d’une future autoroute en Herzégovine.
Un groupe de travail spécial, chargé d’examiner le projet d’autoroute,
a alors été créé; mais, en signe de protestation, le ministre des Transports
(d’origine bosniaque) a démissionné. Puis, nouvelle crise le 12
octobre, lorsque le gouvernement a dû décider en urgence, et en
l’absence des ministres croates, un investissement financier supplémentaire, et
la nomination d’une nouvelle direction à la tête de la compagnie
de gestion des terminaux pétroliers du port de Ploce (lesquels sont
la propriété de la fédération).
75. Dans l’ensemble, d’après le haut représentant, le Gouvernement
de la fédération reste «divisé, faible et souvent inopérant»
.
4.4. La situation dans
la ville de Mostar
76. Plus d’un an après les élections locales, la ville
de Mostar n’a toujours pas de maire et ne dispose toujours pas d’un
budget défini, en raison des désaccords entre Croates et Bosniaques.
Le financement temporaire du budget de la ville, prolongé jusqu’au
30 septembre par décision du haut représentant, a pris fin sans
que de nouvelles mesures aient été décidées par le conseil municipal.
Le 30 octobre, le haut représentant a enjoint le conseil municipal
de procéder à l’élection d’un maire dans un délai de trente jours,
en utilisant la procédure du vote secret prévue par le statut de
la ville de Mostar. Mais il n’y a pas eu d’élection à ce jour et, à
défaut d’un budget pour 2010, l’administration municipale va connaître
une situation très difficile.
77. Etant donné que le conseil municipal n’a pas réussi à mettre
en œuvre la décision du 30 octobre du haut représentant concernant
l’élection du maire, le haut représentant n’a pas eu d’autre choix
que de recourir une nouvelle fois aux «pouvoirs de Bonn» et d’adopter
le 14 décembre 2009 une décision modifiant le statut de la ville.
Selon cette décision, les règles pour l’élection du maire sont modifiées:
au troisième tour de scrutin, la majorité simple des conseillers
présents et votant suffit à élire le maire (à condition qu’il y
ait le quorum, c’est-à-dire au moins 18 conseillers présents lors
de la séance). Tous les partis politiques représentés au conseil municipal
sont invités à garantir la participation de leurs membres à l’élection.
En même temps, la décision du haut représentant a modifié les délais
pour l’adoption du budget municipal et autorisé le maire à adopter
le budget, si le conseil ne réussit pas à le faire dans les délais
prévus. Ces amendements devraient débloquer la situation au conseil
municipal et permettre à l’administration municipale de travailler.
Nous appelons toutes les parties prenantes à respecter la décision
du haut représentant et à débloquer la situation le plus rapidement possible.
5. Conclusions
et propositions
78. Il ressort de notre analyse que, depuis le dernier
débat de l’Assemblée sur le respect des obligations et engagements
de la Bosnie-Herzégovine (en septembre 2008), ce pays a très peu
progressé en ce qui concerne le respect des obligations et engagements
qu’il lui reste à mettre en œuvre à l’égard du Conseil de l’Europe.
Nous sommes particulièrement préoccupés par le fait que les recommandations
que nous avons adressées à la Bosnie-Herzégovine en matière de réforme
constitutionnelle n’ont pas encore été appliquées: le «processus
de Prud», initiative nationale, a donné des résultats limités, en
termes concrets; quant au «processus de Butmir», d’inspiration internationale,
il n’a pas conduit, à ce jour, à un accord des principaux acteurs
au sujet d’un ensemble de réformes constitutionnelles, nécessaires
à l’amélioration du fonctionnement des institutions de l’Etat et
à la mise en conformité de la Constitution de Bosnie-Herzégovine
avec les dispositions de la Convention européenne des droits de
l’homme.
79. L’absence de réforme constitutionnelle, à ce jour, porte atteinte
au bon fonctionnement des institutions démocratiques du pays et
à la mise en œuvre de réformes dans d’autres domaines, notamment
la réforme du bureau du médiateur de l’Etat, celle du secteur judiciaire,
la mise en œuvre de la Stratégie nationale relative aux crimes de
guerre, ou encore l’application de la Stratégie révisée concernant
l’annexe VII à l'Accord de paix de Dayton. Dans le contexte des
débats actuels sur la fermeture éventuelle du bureau du haut représentant, la
réalisation des cinq objectifs qui y sont liés et le respect des
deux conditions supplémentaires, selon le plan établi par le comité
directeur du Conseil de mise en œuvre de la paix, et en raison également
de l’incapacité des institutions de l’Etat à fonctionner de manière
efficace et à donner des résultats concrets, la Bosnie-Herzégovine
est freinée dans son élan. Par rapport à ses voisins, ce pays accuse
d’ores et déjà un retard en ce qui concerne l’intégration européenne,
comme l’indique la décision de la Commission européenne de ne pas
inclure la Bosnie-Herzégovine dans la «première vague» de pays devant
bénéficier, à partir de la fin de l’année 2009, d’un régime de liberté
en matière de visas. Par conséquent, la Bosnie-Herzégovine doit
procéder aujourd’hui à des réformes concrètes et globales sur les
plans constitutionnel et institutionnel si elle veut rattraper son
retard et éviter de nouvelles déconvenues qui aggraveraient encore
ce retard.
80. Nous sommes conscients du fait que les négociations sur la
réforme constitutionnelle se poursuivent à l’heure actuelle, étant
donné que, sur le terrain, les acteurs concernés ont jusqu’à la
fin de l’année 2009 pour parvenir à un accord sur les propositions
de réforme contenues dans ce que l’on appelle «l’ensemble de Butmir».
Par conséquent, nous espérons vivement qu’un accord sera conclu
en dernière minute. Cela dit, nous considérons que l’accord en question
devrait porter sur un ensemble de réformes, être approuvé par la Commission
de Venise et être conforme aux normes établies dans le cadre de
la Convention européenne des droits de l’homme. Toute approche «parcellaire»,
fondée sur des compromis à court terme et des formules ambiguës,
ne ferait que dissimuler les problèmes de la Bosnie-Herzégovine
plutôt que de les résoudre, en particulier dans la perspective des
prochaines élections législatives, prévues pour octobre 2010.
81. Par ailleurs, la fermeture et la transformation du bureau
du haut représentant ne devraient pas être un objectif en soi. Nous
avons la conviction et l’espoir que, dans un proche avenir, la Bosnie-Herzégovine
saura garantir un fonctionnement efficace des institutions et relever
le défi de l’intégration européenne. A ce stade-là, le bureau du
haut représentant n’aura plus de raison d’être, et sa mutation se
fera «naturellement». Mais, dans l’intervalle, nous considérons
également que l’autorité et les pouvoirs du haut représentant doivent
être soutenus, en particulier dans le contexte actuel d’une escalade
des tensions politiques et des discours hostiles aux Accords de
Dayton. Le haut représentant devrait rester, à ce jour, l’autorité
suprême chargée de faire appliquer ces accords et de soutenir les
réformes nécessaires, sous l’égide et avec le concours, au niveau politique,
du Conseil de mise en œuvre de la paix.
82. Le fait de maintenir et de soutenir clairement l’autorité
du haut représentant ne doit pas empêcher les acteurs intéressés
de débattre de la transformation du bureau du haut représentant.
Mais ces discussions devront se situer dans le contexte plus global
de la réalisation des objectifs fixés par les Accords de Dayton
et leurs annexes.
83. Quatorze ans après la signature de l'Accord de paix de Dayton,
la Bosnie-Herzégovine doit faire face à de nouveaux défis en ce
qui concerne la stabilité de ses institutions, et doit trouver de
nouvelles approches et de nouvelles solutions. Il est évident que
cela incombe avant tout aux acteurs concernés, dans le pays; toutefois,
les membres et participants du Conseil de mise en œuvre de la paix
(et en particulier le Conseil de l’Europe, les institutions de l’Union
européenne et les pays voisins de la Bosnie-Herzégovine) ont également un
rôle à jouer. Par conséquent, nous considérons qu’il serait peut-être
approprié d’organiser une conférence multilatérale, à laquelle participeraient
les principaux acteurs locaux et internationaux, afin d’envisager
les défis auxquels la Bosnie-Herzégovine est confrontée aujourd’hui
et les moyens de les relever.
84. Une telle conférence pourrait être organisée conjointement
par l’Assemblée parlementaire, le Comité des Ministres et le Secrétaire
Général du Conseil de l’Europe, avec le concours des principaux
acteurs internationaux, notamment l’Union européenne. Il s’agirait
de bénéficier en particulier de l’expertise et de l’apport de la
Commission de Venise, et de proposer des mesures concrètes pour
résoudre les problèmes institutionnels et juridiques de la Bosnie-Herzégovine,
afin d’accélérer les progrès de ce pays dans le sens de l’intégration
européenne.
***
Commission chargée du rapport: commission
pour le respect des obligations et engagements des Etats membres
du Conseil de l’Europe (commission de suivi)
Renvoi en commission: Résolution 1115 (1997)
Projet de résolution et projet
de recommandation adoptés à l’unanimité par la commission
le 17 décembre 2009
Membres de la commission: M.
Serhiy Holovaty (Président),
M. György Frunda (1er Vice-Président), M. Konstantin Kosachev (2e
Vice-Président), M. Leonid Slutsky (3e
Vice-Président), M. Aydin Abbasov, M. Pedro Agramunt Font de Mora,
M. Miloš Aligrudić, Mme Meritxell Batet Lamaña, M. Ryszard Bender, M. József
Berényi, M. Mevlüt Çavuşoğlu,
M. Sergej Chelemendik, Mme Lise Christoffersen, M. Boriss Cilevičs, M. Georges Colombier,
M. Telmo Correia, Mme Herta Däubler-Gmelin, M. Joseph Debono Grech, M. Juris Dobelis,
Mme Josette Durrieu, M. Mátyás Eörsi, Mme Mirjana Ferić-Vac, M. Giuseppe Galati, M. Jean-Charles
Gardetto, M. József Gedei, M. Andreas Gross, M. Michael Hagberg,
M. Holger Haibach, Mme Gultakin Hajibayli, M. Michael Hancock, M. Davit Harutyunyan, Mme Olha Herasym’yuk, M. Andres Herkel, Mme Sinikka Hurskainen, M. Kastriot Islami, M. Mladen Ivanić, M. Michael Aastrup Jensen,
M. Miloš Jevtić, M. Hakki
Keskin, M. Haluk Koç, Mme
Kateřina Konečná, M. Jaakko Laakso,
Mme Sabine Leutheusser-Schnarrenberger, M. Göran Lindblad, M. René
van der Linden, M. Eduard Lintner, M. Pietro Marcenaro, M. Bernard
Marquet, M. Dick Marty, M. Miloš Melčák, Mme Nursuna Memecan, M.
Jean-Claude Mignon, M. João Bosco Mota
Amaral, M. Adrian Năstase,
Mme Yuliya Novikova, Mme
Elsa Papadimitriou, M. Alexander Pochinok,
M. Ivan Popescu, Mme Zaruhi Postanjyan, Mme Marietta de Pourbaix-Lundin, M. Christos
Pourgourides, M. John Prescott, Mme Mailis Reps, M. Andrea Rigoni,
M. Ilir Rusmali, M. Armen Rustamyan, M. Indrek Saar, M. Kimmo Sasi, M. Samad Seyidov, M. Sergey Sobko, M. Yanaki Stoilov, M. Christoph Strässer,
Mme Chiora Taktakishvili,
Mme Özlem Türköne, M. Egidijus
Vareikis, M. José Vera Jardim, M. Piotr Wach, M. Robert Walter, M. David Wilshire, Mme Renate Wohlwend,
Mme Karin S. Woldseth, Mme Gisela Wurm, M. Andrej Zernovski
N.B. Les noms des membres ayant participé à la réunion sont
indiqués en gras
Secrétariat de la commission: Mme
Chatzivassiliou, M. Klein, Mme Trévisan, M. Karpenko