1. Introduction:
comment l’Assemblée parlementaire voit la sécurité énergétique
1. Dès 2005, la commission des
questions économiques et du développement avait soulevé la question de
la vulnérabilité croissante de l’Europe en matière énergétique
;
elle avait tiré la sonnette d’alarme à propos de l’appétit apparemment
insatiable de la plupart des pays européens en matière de consommation énergétique,
avec pour corollaire la dépendance à l’égard des combustibles fossiles
importés, ce qui ne laisse pas d’être préoccupant du fait d’un durcissement
de la compétition mondiale pour les ressources en énergie primaire,
d’autant que cette tendance semble difficilement conciliable avec
les engagements écologiques ambitieux de l’Europe au titre du Protocole
de Kyoto.
2. Les conséquences économiques et politiques de cette dépendance
croissante à l’égard des importations énergétiques étaient d’autant
plus patentes que la coopération énergétique entre les pays européens
demeurait limitée, même dans le cadre du Marché unique de l’Union
européenne. En janvier 2006, ainsi qu’en janvier 2009, les alarmes
ont brutalement retenti lorsque les fournitures de gaz russe à l’Europe centrale
et occidentale via l’Ukraine ont été brutalement réduites
du
fait d’une décision unilatérale autant qu’arbitraire du premier
pays fournisseur de l’Europe. Nous avons alors réalisé que l’approvisionnement énergétique
– et en particulier la fourniture de gaz naturel et de pétrole –
peut être utilisé comme instrument de pression politique
et
devenir pour nos Etats membres soit une pomme de discorde, soit
un élément fédérateur.
3. Alors que la présidence tchèque de l’Union européenne, au
premier semestre de 2009, a fait de la sécurité énergétique la première
des priorités pour 27 pays, votre rapporteur est persuadé que les
47 Etats du Conseil de l’Europe doivent également avoir leur mot
à dire dans la recherche de solutions intelligentes dans ce domaine.
Les difficultés économiques actuelles ne devraient pas nous faire
perdre de vue nos objectifs stratégiques pour un développement durable
sur le long terme et soutenu par une énergie suffisante, à un coût abordable,
accessible et propre, ainsi que par un certain degré de solidarité
et de coopération transfrontières dans le secteur énergétique.
4. Le manque de fiabilité des partenaires sur le plan de la production
et du transfert des ressources ainsi que les difficultés à faire
respecter les contrats, dont on a eu amplement la preuve lorsque
les fournitures de gaz naturel ont été stoppées, sont un signal
d’alarme pour l’avenir également. Outre les incertitudes politiques et
économiques internes à certains Etats fournisseurs, on note déjà
clairement des écarts par rapport à des plans d’investissement naguère
conséquents, voire des réductions dans la conjoncture actuelle marquée
par la crise économique. On peut donc s’attendre à une aggravation
supplémentaire des problèmes liés aux limites technologiques et
aux capacités auxquelles se heurtent les systèmes existants de production
et de transfert, ce qui aura un impact sur les volumes de gaz disponibles
pour les consommateurs européens.
5. Dans ces circonstances, pour les approvisionnements futurs
et la distribution de gaz naturel, l’un des produits énergétiques
les plus significatifs, il ne faut pas compter sur une simple «amélioration»
des conditions actuelles en matière d’approvisionnement. Nous devons
dès à présent commencer à rechercher et à nous ouvrir de nouvelles
possibilités jusque-là ignorées. Dans ce contexte, l’urgence du
problème connexe de la sécurité du transport a aussi pris toute
sa dimension, que ce soit pour le transport par des gazoducs traversant des
territoires sur lesquels les Etats consommateurs ne peuvent pas
avoir d’influence ou au niveau multinational.
6. Pour que se dégage un terrain d’entente sur les risques en
matière de sécurité énergétique et sur les possibilités de réponses
au niveau politique, les membres de l’Assemblée ont suggéré que
la diversification des produits et des technologies énergétiques,
le transfert des technologies, les économiques d’énergie, des choix
d’investissement sains, l’innovation technologique et des politiques
énergétiques mieux coordonnées pourraient contribuer à garantir
la stabilité des flux énergétiques en Europe, ce qu’on appelle la
sécurité du transport. Votre rapporteur entend mettre en valeur
le rôle que le transport de gaz naturel liquéfié (GNL), notamment
par le biais des voies navigables, pourrait jouer pour contribuer
à mieux assurer la sécurité énergétique dans bon nombre de pays
d’Europe. Cela pourrait aussi constituer une réponse à la crise économique
en cours.
2. L’importance du gaz naturel
dans l’équilibre énergétique des pays européens
7. Les pays européens utilisent
une large palette de ressources énergétiques au service de leurs économies
et des ménages. Chaque Etat a sa propre formule énergétique, utilisant
en proportions variables des énergies fossiles (pétrole, gaz et
charbon), le nucléaire et des sources d’énergie renouvelable (géothermie,
énergie éolienne et hydraulique, biomasse, biocarburants et énergie
solaire). Or, malgré tout, la plupart des pays sont encore excessivement
dépendants du pétrole et du gaz. En effet, seul un petit nombre de
pays (l’Azerbaïdjan, le Danemark, la Norvège, la Fédération de Russie
et le Royaume-Uni) sont autosuffisants en énergie et produisent
plus d’énergie qu’ils n’en consomment. En outre, la plupart des
pays d’Europe centrale et orientale dépendent d’importations pétrolières
et gazières provenant d’une source unique d’approvisionnement.
2.1. Principales caractéristiques
des marchés du gaz naturel
8. Le gaz naturel est la deuxième
plus importante source d’énergie pour l’Europe. Il représente environ 25 %
de la consommation énergétique de l’Union européenne, contre 37 %
pour le pétrole. La majeure partie du gaz naturel provient de gisements
britanniques, néerlandais, italiens, roumains, allemands et danois.
On importe également, en quantités diverses, du gaz de Russie, de
Norvège et d’Algérie.
9. Le gaz naturel étant transporté sur des distances considérables,
les infrastructures pour ce faire constituent le maillon le plus
onéreux de l’ensemble de la chaîne de transport du gaz depuis le
lieu de son extraction jusqu’au client. Le gaz naturel modifié peut
être transporté par gazoduc ou sous forme liquéfiée par méthanier.
10. L’Europe est actuellement dotée d’un réseau dense de gazoducs.
Pour les plus récents, les pressions en fonctionnement atteignent
les 10 MPa et les tuyaux ont parfois des diamètres supérieurs à
un mètre (par exemple en République tchèque, où des gazoducs d’un
diamètre de 1 400 mm sont en exploitation). Certains gazoducs sont
posés sur le fond sous-marin, comme pour le transport du gaz de
la mer du Nord ou de l’Afrique vers l’Europe.
11. Les méthaniers sont utilisés pour les transports maritimes
sur de longues distances. Le gaz naturel comprimé (GNC) et le gaz
naturel liquéfié sont ainsi acheminés d’Algérie, du Nigéria, d’Australie
ou du Qatar vers l’Europe. Le gaz naturel est comprimé ou liquéfié
dans les installations sur la côte et transféré par pompage dans
le méthanier. Au terminal de destination, le navire est vidé par
pompage dans des cuves de stockage et, à l’état gazeux, dans les
gazoducs.
12. Les importations de gaz de la Russie – transitant pour l’essentiel
par l’Ukraine – représentent quelque 26 % de la consommation de
l’Union européenne, soit environ 40 % du gaz importé consommé par
les ménages et les industries. En Europe centrale et orientale,
le gaz russe représente jusqu’à 87 % du total des importations et
60 % de la consommation. Ainsi, l’Estonie, la Lettonie, la Lituanie
et la République slovaque se fournissent à 100 % en gaz russe, et
la Bulgarie et la République tchèque à 94 % et à 82 % respectivement; en
Europe du Nord, la Finlande s’approvisionne totalement en gaz naturel
auprès de la Russie voisine.
2.2. Le gaz naturel, source d’énergie
«plus propre»
13. La demande mondiale de gaz
naturel augmente en moyenne de 1,6 % par an, et devrait connaître
une croissance significative au cours des prochaines décennies.
Les pays européens ont choisi de se reposer de plus en plus sur
le gaz naturel pour des raisons écologiques: on note une tendance
nette à remplacer les combustibles fossiles, très polluants (en
particulier le charbon et le lignite, mais aussi le pétrole), par
du gaz naturel, qui est plus propre à la combustion
,
et, dans certains pays, par le nucléaire. Toutefois, comme des débats
au sein de l’Assemblée l’ont montré, l’énergie nucléaire continue
de diviser l’opinion publique du fait de soucis concernant la sécurité
et le traitement des déchets. Les sources d’énergie renouvelable
pourraient, en apparence, se révéler des alliées providentielles
dans cette situation, mais la réalité montre que leur potentiel n’est
pas si facile à concrétiser, pour des raisons écologiques, et que
leur contribution à la sécurité énergétique est utile, mais limitée.
2.3. Des questions de prix et
d’approvisionnement
14. A mesure que la demande européenne
de gaz naturel augmentera, les réserves et la production des gisements
gaziers en Europe occidentale vont diminuer, et les importations
de gaz augmenter. Actuellement, la majeure partie du gaz naturel,
transportée sur le continent par des gazoducs, emprunte des trajets déterminés
à l’avance, qui ne peuvent pas être modifiés rapidement pour réagir
à l’évolution des conditions de marché ou de la situation politique.
Cela a pour conséquences que toute perturbation de l’approvisionnement demande
un certain temps avant d’être résolue, et que l’économie de bon
nombre de pays européens risque d’en être affectée.
15. Outre qu’il est le combustible fossile le plus propre, largement
utilisé dans toute l’Europe, le gaz naturel offre d’importantes
possibilités d’économies sur la facture énergétique. Jusqu’ici,
les prix du gaz suivaient les cours du pétrole ou des produits pétroliers,
mais avec un avantage en termes de production et de valeur énergétique,
ce qui permettait au gaz d’être relativement plus attrayant que
le pétrole sur le plan du coût. Alors que le ralentissement économique
international a, temporairement, pesé sur la demande de pétrole
et de gaz, l’évolution des cours a montré une déconnexion intéressante
entre ces deux types de carburant.
16. Le cours du baril de pétrole, qui s’établissait autour de
140 dollars des Etats-Unis en juillet-août 2008, a brutalement chuté
à l’automne 2008, touchant le fond à 40 dollars le baril avant de
se stabiliser autour de 70 dollars le baril actuellement. En revanche,
la dynamique des cours du gaz équivalents sur la même période a montré
un recul constant mais plus régulier (passant de 7 à 8 dollars par
mmBtu
à 4 à 5 dollars
par mmBtu) du fait de l’excédent d’offre de gaz sur le marché international,
qui a stimulé de manière remarquable la compétitivité du gaz par
rapport au pétrole. Cette tendance devrait se maintenir à l’avenir,
les nouvelles technologies permettant aux grands pays producteurs
de gaz de récupérer des quantités supplémentaires considérables
de gaz des couches de roche schisteuse. Pour les experts, il s’agit
là de rien de moins qu’une ouverture exceptionnelle pour débloquer
des ressources gigantesques dans le monde entier, ce qui transformera
de manière radicale la géopolitique du gaz naturel
.
17. La sécurité de l’approvisionnement et de l’acheminement du
gaz naturel, en tant qu’une des sources d’énergie les plus importantes,
ne peut pas être assurée par des «améliorations» du système existant.
Les options sous-exploitées, telles que le GNL, doivent attirer
davantage l’attention. Les efforts visant à accélérer le développement
du GNL ont été jugés les plus réalistes du point de vue de la sécurité
de l’énergie et du transport au niveau national. Les systèmes de
GNL devraient servir non seulement d’élément de «complément opérationnel»
en cas de pannes inopinées des ressources énergétiques standards,
mais également de composante stratégique du système énergétique
européen.
3. L’acheminement de gaz naturel
liquéfié par transport terrestre – une option pour les pays enclavés
3.1. Les spécificités de la production
et du transport du GNL
18. Le gaz naturel liquéfié représente
environ 26 % du négoce international de gaz naturel
, mais seulement 12 %
en Europe. Ce négoce augmente en raison du déclin des ressources
nationales de gaz naturel dans les pays consommateurs, parce que
ceux-ci souhaitent diversifier leur approvisionnement et parce que
les pays producteurs de gaz commercialisent de plus en plus de GNL.
Le GNL constitue également une option intéressante d’approvisionnement
non limitée par la capacité des réseaux existants de gazoducs ou
par les facteurs politiques. Particulièrement adapté aux acheminements
sur longue distance, il permet aux pays de diversifier leurs importations
énergétiques et de se doter également de capacités de stockage et
de réserves significatives.
19. Une fois déchargé dans les terminaux d’importation ou les
installations de stockage locales, le GNL peut être acheminé par
route, rail ou voies navigables pour la desserte d’installations
secondaires ou de stations de remplissage pour les véhicules, comme
c’est le cas aux Etats-Unis, dans certains pays asiatiques et en Australie.
Toutefois, la situation est différente en Europe, où les terminaux
d’importation de GNL le regazéifient en quasi-totalité et l’acheminent
aux consommateurs sous forme gazeuse par gazoduc. Il existe quelques programmes
expérimentaux de transport de GNL par rail, route ou voie d’eau
en Espagne et au Royaume-Uni.
20. Pour obtenir du GNL, on utilise des technologies de refroidissement
pour le processus de condensation et des techniques spéciales d’isolation
pour le transport. Même si le processus de liquéfaction du gaz et d’ajustement
des infrastructures est onéreux, le recours accru au GNL contribuerait
à réduire les frais d’investissement et de fonctionnement à moyen
et long terme. Pour l’avenir, il est essentiel de développer cette option
énergétique et de donner des conseils politiques dans ce sens aux
décideurs européens, tant du secteur privé que du secteur public.
21. Les processus de liquéfaction, de stockage et de regazéification
du gaz naturel sont certes technologiquement complexes, mais ils
sont bien maîtrisés. Depuis les années 1960, on transporte du GNL par
voie maritime depuis des pays en développement disposant de vastes
ressources en gaz naturel vers des pays industrialisés gros consommateurs
de cette énergie.
22. Le gaz une fois liquéfié est plus facile à transporter sur
de longues distances depuis les sites de production, puisque son
volume est réduit: un litre de GNL correspond à environ 600 litres
de gaz naturel extrait naturellement. Cette technique, qui consiste
à porter la température du gaz à –163° Celsius, est utilisée depuis les
années 1960 et contribue pour une très grande part à assurer les
besoins énergétiques mondiaux. Alors que la production mondiale
devrait doubler entre 2004 et 2010, le GNL pourrait représenter
bientôt environ un tiers des flux de gaz totaux, avec des volumes
de plus de 300 millions de tonnes par an.
23. En Europe, le gaz naturel était acheminé par gazoduc jusqu’à
la fin des années 1960; puis le premier terminal de GNL a été construit
en 1968, en Espagne; un autre a été mis en service en 1971 en Italie. Aujourd’hui,
les importations de gaz naturel des pays de l’Union européenne proviennent
essentiellement de la Fédération de Russie (24 %), de Norvège (17 %)
et d’Algérie (11 %). Le reste de leurs besoins est couvert par leur
propre production (environ 36 %) et par du GNL (à peu près 12 %),
livré dans des terminaux spécialisés situés sur le littoral.
24. Bien qu’il n’y ait pas, en Europe, de livraisons directes
de GNL aux consommateurs en dehors des gazoducs, le transport de
GPL (gaz de pétrole liquéfié) et de GNC (gaz naturel comprimé) par
route est bien développé dans des pays comme la Turquie, l’Espagne,
le Portugal, la Pologne, la Norvège, la Russie, la Finlande et,
en dehors de l’Europe, aux Etats-Unis, au Japon, en Corée et en
Australie. Certains pays, dont l’Allemagne, l’Indonésie, le Pakistan,
le Chili et le Brésil, utilisent le GNC pour les transports. A la
connaissance du rapporteur, seuls les Etats-Unis (Californie) et
l’Australie utilisent le GNL comme carburant.
25. Du fait de sa forte densité et de sa faible pression, le gaz
comprimé est plébiscité en tant que carburant pour les transports,
puisqu’il est plus économique à la fois en termes de coût et de
distance parcourue (il coûte 30 % moins cher que le diesel) et que,
dans certains pays, il peut bénéficier d’un taux de taxation réduit.
De plus, en unité pondérale, le GNC et le GNL ont une valeur calorifique
supérieure de 31 % à celle du pétrole. Le GNL est aussi relativement
bien placé par rapport au gaz transporté par gazoduc: le coût de
la liquéfaction et du transport est comparable à celui de la compression
et de la recompression du gaz en gazoduc.
26. Le GNL est inodore, non toxique, non corrosif et non explosif
à l’état liquide. S’il se répand accidentellement, il s’évapore
rapidement sans contaminer les sols. Comme pour tous les carburants, certaines
précautions s’imposent dans la manutention du GNL pour éviter des
fuites inflammables. Les technologies actuelles prévoient le stockage
et le transport de GNL dans des réservoirs à double paroi qui ressemblent
à des thermos géants. Des pertes minimes par évaporation peuvent
se produire si l’isolation n’est pas parfaite. Lorsque le GNL est
transporté par méthaniers, ces fuites sont généralement orientées
vers les moteurs pour propulser le navire, ce qui permet d’éviter
toute perte de gaz.
27. La flotte mondiale de méthaniers se compose pour l’essentiel
de navires de haute mer d’une capacité de 120 000 à 140 000 m3,
qui va bientôt être doublée dans les nouveaux navires. Pour le transport
de GNL à l’intérieur des pays, les navires de transport sont bien
entendu de contenance moindre, avec une capacité allant jusqu’à
2 000 à 4 000 m3. Sur le plan technique, il est possible de porter
cette capacité à environ 20 000 m3 en s’adaptant aux conditions
locales lorsque les ponts sur les fleuves sont de hauteur suffisante. Le
tirant d’eau nécessaire pour les bateaux fluviaux de transport de
GNL est plutôt faible, étant donné la faible gravité du GNL (il
est deux fois et demie plus léger que l’eau). Du fait des propriétés
du GNL, son transport est moins dépendant des niveaux d’eau en cours
d’année. Ainsi, on estime que, sur une année, le GNL pourrait être
transporté 70 % du temps via l’Elbe depuis Hambourg jusqu’en République
tchèque, et sur le Danube de la Roumanie jusqu’en Hongrie, Slovaquie
et Autriche pratiquement toute l’année.
28. Pour les pays enclavés d’Europe centrale, qui disposent de
réseaux de voies navigables particulièrement denses et dont les
caractéristiques géographiques, démographiques ou écologiques ne justifient
pas la pose de gazoducs, il est particulièrement intéressant de
transporter le GNL par ce moyen, d’autant que cela permet aussi
d’exploiter des petits gisements de gaz dont la capacité limitée
est insuffisante pour justifier la construction de gazoducs. En
Europe, les voies navigables intérieures offrent une solution de transport
intéressante pour le GNL. En fait, pour l’acheminement du GNL (par
containers), on pourrait considérer les rivières et les canaux comme
un réseau de gazoducs virtuels venant compléter les gazoducs à proprement
parler.
Terminaux européens de GNL prévus
(horizon 2010) – carte non exhaustive.
29. Ce réseau peut commencer à
un terminal maritime ou des lieux de stockage intermédiaire de GNL.
Les réservoirs de stockage peuvent être souterrains ou non. Les
réservoirs actuellement en service ont une capacité de 160 000 m3
lorsqu’ils sont construits à l’air libre et de 200 000 m3 lorsqu’ils
sont souterrains – ce qui représente environ la taille d’un transporteur
moyen de GNL.
3.2. Considérations économiques
pour une utilisation accrue du GNL
30. En 2005, on comptait une cinquantaine
de terminaux d’importation de GNL dans le monde. Neuf Etats membres
du Conseil de l’Europe – la Belgique, la France, la Grèce, l’Italie,
la Norvège, le Portugal, l’Espagne, la Turquie et le Royaume-Uni
– disposent d’au moins un de ces terminaux et absorbent environ
un quart du total des flux du GNL transporté dans le monde. D’autres
terminaux pour le GNL sont actuellement en cours de construction
ou prévus notamment en Allemagne, à Chypre, en Croatie, en Italie,
aux Pays-Bas, en Pologne, en Roumanie et en Ukraine. La Russie,
le plus gros producteur mondial de gaz, a ouvert son premier terminal
d’exportation de GNL sur l’île de Sakhaline en février 2009 et prévoit
d’en construire trois de plus (sur le gisement offshore de Shtokman
en mer de Barents, au nord de Mourmansk
,
sur la péninsule de Yamal, dans le Nord, et dans la ville extrême-orientale
de Vladivostok) d’ici à 2020. Cependant, de manière générale, les
pays d’Europe centrale et orientale sont nettement en retard pour
ce qui est de mettre à profit les opportunités offertes par les
technologies utilisées pour le GNL.
31. Les pays d’Europe de l’Ouest disposant d’infrastructures pour
la réception de GNL semblent très peu affectés par des interruptions
occasionnelles de fourniture de gaz telles qu’en connaissent les
Etats d’Europe centrale et orientale qui importent une grande partie
de leur gaz via des gazoducs depuis la Russie. En fait, les deux
dernières crises gazières qui ont opposé la Russie et l’Ukraine
ont révélé la vulnérabilité énergétique des pays d’Europe centrale,
orientale et du Sud-est, apportant ainsi de l’eau au moulin de ceux
qui militent pour un accroissement des capacités en GNL dans cette
région. Or, dans le même temps, le premier pays producteur de gaz
– la Russie – a des raisons impérieuses d’augmenter sa propre capacité
de production et de négoce du GNL sur les marchés mondiaux.
32. L’augmentation permanente de la production de GNL dans le
monde et le recul des prix du gaz stimulent le développement de
nouveaux projets dans le secteur du GNL pour les pays importateurs
de gaz, dans le cadre de leur stratégie de diversification et de
recherche d’une «énergie plus propre» pour leur approvisionnement.
Les pays qui choisissent d’utiliser davantage le GNL en tant que
carburant pour les véhicules sont en passe de voir se multiplier
(par un facteur 3) les avantages par rapport à l’utilisation d’infrastructures
conventionnelles pour le gaz naturel. Le GNL est également un choix
de carburant tout à fait adapté pour les systèmes de stockage et
de réserve destinés à compenser les pénuries en périodes de pic
de demande ou à atténuer de manière générale les ruptures dans la
fourniture énergétique. De nouvelles utilisations du GNL, par exemple
pour le chauffage des habitations individuelles et des serres, sont actuellement
testées en Chine et pourraient, à l’avenir, aboutir à des applications
concrètes considérables en Europe.
33. Cela s’explique par un certain nombre de raisons interconnectées:
- le GNL est une ressource systémique
qui n’a pas encore été intégrée par bon nombre de pays dans leur équilibre
énergétique;
- sa mise en œuvre est donc à l’évidence un complément aux
différentes sources de l’équilibre énergétique; en revanche, bon
nombre de pays ne sont encore techniquement pas prêts à utiliser
le GNL;
- les sources de négoce du GNL sont souvent distinctes des
sources primaires de gaz naturel commun, tant sur le plan géographique
(Qatar, Algérie, Nigéria, mais aussi Norvège, Russie, Australie,
etc.)que sur le plan technique
(stations de liquéfaction);
- les systèmes de transport de GNL sont à 98 % totalement
séparés des routes de transport de gaz naturel;
- le GNL peut être utilisé pour accroître considérablement
les capacités de stockage stratégique;
- le transport maritime est utilisé pour les approvisionnements
de base depuis les lieux d’extraction et peut se poursuivre sur
le continent en empruntant les voies d’eau intérieures;
- grâce au transport maritime, il est possible d’optimiser
tant sur le plan économique que sur le plan écologique le réseau
de transport routier et ferroviaire, qui atteint rapidement ses
limites de capacités en divers lieux stratégiques (ports européens);
- les approvisionnements, transfert et utilisation de GNL
dans bon nombre de pays européens à façade maritime démontrent que
cette activité pourrait être développée davantage;
- à cet égard, un réseau de base pour l’importation de GNL
en Europe a déjà été mis en place et le développement se concentre
désormais sur le transfert et la consommation à l’intérieur de l’Europe.
34. Passer aux technologies du GNL exige des investissements importants.
Si les coûts de production
et de transport sur de longues distances
sont assumés par les exportateurs, la plupart des pays européens
ne sont, pour leur part, concernés que par les processus liés à
la réception, à la distribution locale et à la regazéification.
Ces processus doivent être basés sur des analyses approfondies de
faisabilité et de coût, et doivent bénéficier d’un appui politique
à long terme aux niveaux national et régional. En outre, si les
réseaux fluviaux sont envisagés pour la chaîne de distribution,
comme le suggère votre rapporteur, il conviendra alors de mener
des études de développement supplémentaires.
35. L’utilisation accrue du GNL en Europe revêt une importance
majeure en tant que catalyseur exceptionnellement fort d’investissement
dans divers secteurs économiques, mais en particulier pour la structure
d’approvisionnement des matières premières. Outre qu’elle influe
sur les choix d’énergie (pour la vente en gros comme en détail),
le GNL sert également de moteur du développement pour la métallurgie, l’ingénierie
mécanique, les technologies de régulation ainsi que, voire à un
niveau supérieur, dans le bâtiment et les travaux publics, la gestion
de l’eau, l’agriculture, l’industrie chimique (engrais) et le transport.
Le GNL constitue donc un gisement particulièrement important de
développement économique en Europe et au-delà. Ainsi, l’acceptation
de GNL comme un élément des politiques en matière d’énergie doit
s’appuyer sur le fait que le GNL est en train de devenir un maillon
permanent du système énergétique et pas seulement une solution de
rechange en cas d’interruption de l’approvisionnement en énergie.
3.3. Le Danube, cas idéal pour
une étude de faisabilité internationale
36. Alors que l’Europe dispose
d’un intense réseau de voies navigables – un mode de transports comparativement
peu onéreux, efficient, propre et fiable
–,
seuls trois pays européens s’en servent de manière significative.
Ainsi, la part du transport fluvial aux Pays-Bas, en Belgique et
en Allemagne représente respectivement quelque 44 %, 14 % et 13 %
de l’ensemble des activités de transport. A cet égard, votre rapporteur
souhaite attirer l’attention sur l’énorme potentiel du Danube et
de son bassin pour le transport de GNL.
37. Le Danube – deuxième plus long fleuve d’Europe, qui relie
l’Allemagne, l’Autriche, la République slovaque, la Hongrie, la
Croatie, la Serbie, le Monténégro, la Roumanie, la Bulgarie et l’Ukraine
– est un maillon essentiel, bien que sous-utilisé, du réseau de
transport continental. Sa profondeur est telle que des navires de taille
respectable peuvent l’emprunter et ses ponts sont suffisamment élevés
pour laisser passer des transporteurs de GNL pouvant naviguer en
mer et sur les fleuves. En outre, le Danube relie d’importants centres
de consommation de gaz (zones urbaines et industrielles) en Roumanie,
en Serbie, en Hongrie, en Slovaquie et en Autriche, ainsi que de
grandes infrastructures de stockage de gaz et tout un ensemble de réseaux
d’approvisionnement en gaz. Le Gouvernement roumain prévoit de construire
un terminal de GNL à Constanţa pour importer du gaz d’Azerbaïdjan
via les installations de liquéfaction géorgiennes. Avec le soutien de
l’Union européenne, ce projet pourrait être étendu aux pays voisins
et leur fournir ainsi un accès à une offre de GNL stratégiquement
importante.
38. Afin de promouvoir la coopération économique et les liaisons
de transport multimodal en Europe centrale, des efforts ont été
récemment déployés pour relier le Danube à la mer du Nord et à la
mer Baltique via des canaux artificiels, l’Elbe et l’Oder. Des investisseurs
tchèques, slovaques et autrichiens sont vivement intéressés par
l’achèvement du projet de canal reliant le Danube à l’Oder et à
l’Elbe dans le cadre du Réseau de transports transeuropéens de l’Union
européenne et de l’Accord européen sur les grandes voies d’eau d’importance
internationale. Ce projet vise à compléter les maillons manquants
dans le réseau des voies navigables. Sa réalisation permettrait
aux pays de la région de maximiser les avantages de ce commerce,
y compris grâce à des installations plus importantes pour le transport
de marchandises telles que le GNL et leur stockage dans les réservoirs
existants souterrains au sud-est de la République tchèque, à l’ouest
de la République slovaque et en Autriche orientale.
39. Lors de l’évaluation des conditions économiques et environnementales
pour la mise en œuvre de ce projet stratégique, la nécessité d’atténuer
les conséquences de la longue période de déclin du développement des
transports fluviaux en Europe centrale apparaît comme primordiale.
Au vu de l’importance du corridor fluvial Danube-Oder-Elbe (auparavant
le canal Danube-Oder-Elbe), il faudra que les institutions européennes concernées
interviennent pour assurer la protection optimale de l’environnement
sur le territoire réservé pour la construction du corridor, notamment
en République tchèque. Une telle approche devrait neutraliser des pressions
unilatérales de la part des environnementalistes ou des lobbies
industriels locaux, pour être en cohérence avec la législation de
l’Union européenne et du Conseil de l’Europe.
40. De ce point de vue, le Danube et les principaux fleuves adjacents
(l’Oder et l’Elbe) peuvent être considérés comme un corridor supplémentaire
très utile de transport de gaz naturel en Europe centrale suivant l’axe
nord-sud, et pourraient contribuer à intensifier la coopération
régionale dans plusieurs domaines. L’enjeu est en fait non seulement
d’ouvrir une voie de transport importante mais également de tirer
parti des avantages complémentaires dus aux retombées d’un investissement
dans les domaines de la gestion de l’eau, de l’énergie, de la protection
contre les inondations, des loisirs et de l’emploi.
41. Votre rapporteur propose donc que la commission des questions
économiques et du développement et l’ensemble de l’Assemblée parlementaire
réitèrent leur appui à l’achèvement rapide des travaux préparatoires en
vue de la réalisation de la connexion Danube-Oder-Elbe et préconisent
une étude de faisabilité internationale sur le développement du
transport de GNL via le bassin du Danube. En outre, comme les débats en
commission l’ont fait apparaître, les éventuelles retombées de ce
projet sur le trafic maritime dans le détroit du Bosphore et dans
l’ensemble de la région en termes de sécurité et d’environnement
doivent être étudiées avec un soin particulier.
4. Vers
une coopération innovante en matière énergétique pour une plus grande
unité en Europe
42. Au cours des dernières années,
nous avons connu des bouleversements majeurs sur les marchés mondiaux
et européens de l’énergie. La crise financière que nous traversons
et les obstacles économiques qu’elle entraîne dans toute l’Europe
ont fait plonger la croissance et la consommation énergétique. Des
experts des instances internationales de l’énergie – que ce soit
le Forum international de l’énergie, le Conseil mondial de l’énergie,
l’Agence internationale de l’énergie, la Charte de l’énergie – et
les grandes compagnies du secteur – Gazprom, E.ON Rurhgas, Statoil
ou l’ENI – ont signalé un ralentissement majeur de près de 20 % dans
les activités de production et d’investissement énergétiques pour
2009 (bien que la consommation de gaz ait connu un recul moindre,
d’environ 9 % seulement) du fait de la crise économique
. Cette
réaction aux signaux des marchés devrait durer environ deux ans.
43. Le secteur de l’énergie ressent la contraction essentiellement
du fait de la réduction des activités économiques, du tassement
de la demande d’énergie, du renchérissement des conditions d’emprunt
et de la volatilité des prix. Les acteurs clés du secteur hésitent
sur les investissements à long terme, ce qui pourrait entraîner
plus tard des pénuries et des ruptures d’approvisionnement énergétique.
Or, il faut investir massivement aujourd’hui pour que le développement
reprenne sans heurt lorsque les économies occidentales seront sorties
de la crise et auront renoué avec la croissance.
L’importance du gaz naturel et
du GNL devrait croître avec le temps, en particulier pour les pays
européens. Alors que les combustibles fossiles continueront de dominer
la gamme énergétique en Europe
, le gaz
naturel peut servir à assurer la transition vers un avenir plus
propre en termes énergétiques.
44. Il faut absolument davantage de coordination et de solidarité
au niveau régional pour optimiser les grands choix technologiques
et d’investissement. Une sécurité énergétique accrue à l’avenir
passe par l’équité de l’interdépendance entre acheteurs et fournisseurs,
guidée par des incitations politiques claires, une vision à long
terme et une plus grande transparence des marchés. Comme le souligne
l’Agence internationale de l’énergie dans ses dernières «Perspectives
mondiales de l’énergie», la portée et l’envergure du défi énergétique
est énorme – bien plus que les gens ne le réalisent. Mais ce défi,
nous pouvons et nous devons le relever. Selon une étude de la Commission
européenne
, l’Europe
devra investir pas moins de 1,6 milliard de milliards d’euros d’ici
à 2030 pour simplement remplacer des infrastructures vétustes dans
le secteur de l’électricité et du gaz. En 2009, les Etats membres
de l’Union européenne ont adopté une mesure de relance sous la forme
d’un plan d’investissement de 4 milliards d’euros en faveur des
infrastructures énergétiques, dont les premiers effets pourraient
se faire sentir dès 2010.
45. Les pays d’Europe centrale et orientale demeurent trop dépendants
d’un fournisseur unique de gaz naturel (pour l’essentiel, la Russie),
tandis que les pays d’Europe occidentale doivent préserver leur
diversité d’approvisionnement au moment où les ressources en gaz
naturel de la mer du Nord diminuent progressivement. Les experts
énergétiques estiment qu’une part croissante de GNL dans la combinaison énergétique
globale permettrait aux pays européens d’accéder à près de 80 %
des réserves mondiales de gaz avérées et accroître par là même la
diversité d’approvisionnement, tout en s’ouvrant de meilleures possibilités d’accéder
à des cours du gaz plus favorables sur les marchés spot. Pour ce
faire, il convient de se doter de capacités adéquates de terminaux
d’importation du GNL et de stockage.
46. Des études de Capgemini ont montré que, si tous les nouveaux
terminaux de GNL prévus en Europe sont construits, les capacités
seront suffisantes et peut-être même excédentaires. Cependant, la
plupart de ces terminaux sont construits en Europe de l’Ouest. La
construction de nouveaux grands gazoducs se heurte à de nombreuses
difficultés financières. Votre rapporteur est convaincu que le principal
défi pour les pays européens consistera donc à ne plus envisager
le problème de la sécurité des approvisionnements à l’échelle nationale
mais à une dimension plus large englobant toute l’Europe et à s’unir
pour mettre en œuvre une politique énergétique véritablement européenne,
parallèlement aux efforts nécessaires au niveau national.
47. L’Union européenne peut sans aucun doute jouer un rôle moteur
essentiel à cet égard, en particulier pour ce qui est des orientations
politiques sur une sécurité énergétique renforcée, la mise en œuvre
de normes pour l’efficience énergétique et le développement de technologies
intelligentes dans le domaine de l’énergie. Le Plan stratégique
pour les technologies énergétiques (plan SET) de l’Union européenne,
avec le 7e Programme-cadre pour la recherche et le développement
technologique (FP7), qui s’étend de 2007 à 2013 avec une enveloppe
de 2,35 millions d’euros, se concentre sur la recherche et l’innovation
dans l’énergie non nucléaire. Ce sont, certes, des plans relativement
modestes si on les compare aux récentes initiatives des Etats-Unis,
du Japon, de la Chine et de la Corée, mais ils pourraient servir
à entamer une étude de faisabilité pour améliorer l’intégration
des terminaux de GNL au réseau européen de transport par voies navigables
et pour explorer les perspectives de développement du secteur du
GNL en Europe centrale et orientale.
48. La sécurité énergétique est désormais en permanence au cœur
des préoccupations en Europe, ce qui implique que les politiques
suivent la question de près et qu’il soit nécessaire de mieux comprendre
nos vulnérabilités, tant présentes que futures
,
dans le domaine de l’utilisation de l’énergie. Dans ce contexte, votre
rapporteur souhaite souligner que le fait que l’Europe dépende de
plus en plus des importations de certaines sources primaires d’énergie
ne signifie pas automatiquement que tous les pays européens deviennent
plus vulnérables. En fait, importer davantage d’énergie à un prix
abordable et provenant de sources diversifiées pourrait stimuler
à la fois la compétitivité locale et le développement dans les pays
exportateurs d’énergie. Il est donc important de faire la distinction
entre notre vulnérabilité énergétique à court terme, qui exige des
mesures de sécurisation pour faire face à des urgences, et la vulnérabilité
à long terme, qui exige des mesures structurelles pour la diversification
des approvisionnements en énergie. Votre rapporteur est persuadé
que la coopération européenne pour développer à terme le réseau
de GNL sur le continent peut et doit contribuer à un développement
économique plus équilibré et à une sécurité énergétique accrue pour
tous les usagers.